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Saint François de Sales évêque confesseur et docteur de l’Eglise

29 Janvier 2024 , Rédigé par Ludovicus

Saint François de Sales évêque confesseur et docteur de l’Eglise

Collecte

Dieu, pour le salut des âmes, vous avez voulu que le bienheureux François, votre Confesseur et Pontifie, se fît tout à tous : accordez-nous dans votre bonté que pénétrés de la douceur de votre amour, dirigés par ses enseignements et soutenus par ses mérites, nous obtenions les joies éternelles.

Office

AU DEUXIÈME NOCTURNE.

Quatrième leçon. François naquit au château de Sales (d’où sa famille tire son nom), de parents nobles et vertueux, et donna dès ses plus tendres années, par son innocence et sa gravité, des indices de sa sainteté future. Encore adolescent, il fut instruit dans les sciences libérales ; bientôt après, il se rendit à Paris où il se livra à l’étude de la philosophie et de la théologie, et afin que rien ne manquât à la culture de son esprit, il obtint à Padoue, avec les plus grands éloges, les honneurs du doctorat en l’un et l’autre droit. François renouvela dans le sanctuaire de Lorette le vœu de perpétuelle virginité par lequel il s’était lié à Paris ; et il ne put jamais être détourné de la résolution qu’il avait prise au sujet de cette vertu, ni par aucun des artifices du démon, ni par les attraits des sens.

Cinquième leçon. Ayant refusé une grande dignité dans le sénat de Savoie, il s’enrôla dans la milice de la cléricature. Initié au sacerdoce et fait prévôt de l’Église de Genève, François remplit si parfaitement les devoirs de cette charge que Mgr de Granier, son Évêque, le destina pour travailler comme un héraut de la parole divine, à la conversion des calvinistes du Chablais et des autres confins du territoire de Genève. Il entreprit cette campagne d’un cœur joyeux, mais il eut à souffrir les plus dures épreuves ; souvent les hérétiques cherchèrent à lui donner la mort, ils le poursuivirent de diverses calomnies et lui dressèrent beaucoup d’embûches. Au milieu de tant de périls et de combats, on vit toujours briller son insurmontable constance ; et l’on rapporte qu’aidé du secours de Dieu, il ramena à la foi catholique soixante-douze mille hérétiques, parmi lesquels il y en avait beaucoup de distingués par leur noblesse et leur science.

Sixième leçon. Après la mort de Mgr de Granier, qui avait eu soin de se le faire donner pour coadjuteur, François, consacré Évêque, répandit tout autour de lui les rayons de sa sainteté, par son zèle pour la discipline ecclésiastique, son amour de la paix, sa miséricorde envers les pauvres, et se rendit remarquable en toutes sortes de vertus. Pour l’accroissement du culte divin, il institua un nouvel Ordre de religieuses, sous le nom de la Visitation de la bienheureuse Vierge Marie et sous la règle de saint Augustin, à laquelle il ajouta des constitutions admirables de sagesse, de discrétion et de douceur. Il a aussi illustré l’Église par des écrits remplis d’une doctrine céleste, où il indique un chemin sûr et facile pour arriver à la perfection chrétienne. Enfin, âgé de cinquante-cinq ans, comme il retournait de France à Annecy, le jour de saint Jean l’Évangéliste, après avoir célébré la Messe à Lyon, il fut atteint d’une maladie grave, et, le lendemain, partit pour le ciel, l’an du Seigneur mil six cent vingt-deux. Son corps fut transporté à Annecy, et enseveli honorablement dans l’église dudit Ordre. Son tombeau commença aussitôt à être illustré par des miracles, dont le souverain Pontife Alexandre VII constata la vérité selon les règles. Il mit donc François au nombre des Saints en assignant pour sa Fête le vingt-neuvième jour de janvier, et le souverain Pontife Pie IX, après avoir pris l’avis de la Congrégation des Rites sacrés, l’a déclaré Docteur de l’Église universelle.

 

Voici venir au berceau du doux Fils de Marie l’angélique évêque François de Sales, digne d’y occuper une place distinguée pour la suavité de sa vertu, l’aimable enfance de son cœur, l’humilité et la tendresse de son amour. Il arrive escorté de ses brillantes conquêtes : soixante-douze mille hérétiques soumis à l’Église par l’ascendant de sa charité ; un Ordre entier de servantes du Seigneur, conçu dans son amour, réalisé par son génie céleste ; tant de milliers d’âmes conquises à la piété par ses enseignements aussi sûrs que miséricordieux, qui lui ont mérité le titre de Docteur.

Dieu le donna à son Église pour la consoler des blasphèmes de l’hérésie qui allait prêchant que la foi romaine était stérile pour la charité ; il plaça ce vrai ministre évangélique en face des âpres sectateurs de Calvin ; et l’ardeur de la charité de François de Sales fondit la glace de ces cœurs obstinés. Si vous avez des hérétiques à convaincre, disait le savant cardinal du Perron, vous pouvez me les envoyer ; si vous en avez à convertir, adressez-les à M. de Genève.

François de Sales parut donc, au milieu de son siècle, comme une vivante image du Christ ouvrant ses bras et convoquant les pécheurs à la pénitence, les errants à la vérité, les justes au progrès vers Dieu, tous à la confiance et à l’amour. L’Esprit divin s’était reposé sur lui dans sa force et dans sa douceur : c’est pourquoi, en ces jours où nous avons célébré la descente de cet Esprit sur le Verbe incarné au milieu des eaux du Jourdain, nous ne saurions oublier une relation touchante de notre admirable Pontife avec son divin Chef. Un jour de la Pentecôte, à Annecy, François était debout à l’autel, offrant l’auguste Sacrifice ; tout à coup une colombe qu’on avait introduite dans la Cathédrale, effrayée des chants et de la multitude du peuple, après avoir voltigé longtemps, vint, à la grande émotion des fidèles, se reposer sur la tête du saint Évêque : symbole touchant de la douceur de l’amour de François, comme le globe de feu qui parut, au milieu des Mystères sacrés, au-dessus de la tête du grand saint Martin, désignait l’ardeur du feu qui dévorait le cœur de l’Apôtre des Gaules.

Une autre fois, en la Fête de la Nativité de Notre-Dame, François officiait aux Vêpres, dans la Collégiale d’Annecy. Il était assis sur un trône dont les sculptures représentaient cet Arbre prophétique de Jessé, qui a produit, selon l’oracle d’Isaïe, la branche virginale, d’où est sortie la fleur divine sur laquelle s’est reposé l’Esprit d’amour. On était occupé au chant des Psaumes, lorsque, par une fente du vitrail du chœur, du côté de l’Épître, une colombe pénètre dans l’Église. Après avoir voleté quelque temps, de l’historien, elle vint se poser sur l’épaule du saint Évêque, et de là sur ses genoux, d’où les ministres assistants la prirent. Après les Vêpres, François, jaloux d’écarter de lui l’application favorable que ce symbole inspirait naturellement à son peuple, monta en chaire, et s’empressa d’éloigner toute idée d’une faveur céleste qui lui eût été personnelle, en célébrant Marie qui, pleine de la grâce de l’Esprit-Saint, a mérité d’être appelée la colombe toute belle, en laquelle il n’y a pas une tache.

Quand on cherche parmi les disciples du Sauveur le type de sainteté qui fut départi à notre admirable Prélat, l’esprit et le cœur ont tout aussitôt nommé Jean, le disciple bien-aimé. François de Sales est comme lui l’Apôtre de la charité ; et la simplesse du grand Évangéliste pressant un innocent oiseau dans ses mains vénérables, est la mère de cette gracieuse innocence qui reposait au cœur de l’Évêque de Genève. Jean, par sa seule vue, par le seul accent de sa voix, faisait aimer Jésus ; et les contemporains de François disaient : O Dieu ! si telle est la bonté de l’Évêque de Genève, quelle ne doit pas être la vôtre !

Ce rapport merveilleux entre l’ami du Christ et François de Sales se révéla encore au moment suprême, lorsque le jour même de saint Jean, après avoir célébré la sainte Messe et communié de sa main ses chères filles de la Visitation, il sentit cette défaillance qui devait amener pour son âme la délivrance des liens du corps. On s’empressa autour de lui ; mais déjà sa conversation n’était plus que dans le ciel. Ce fut le lendemain qu’il s’envola vers sa patrie, en la fête des saints Innocents, au milieu desquels il avait droit de reposer éternellement, pour la candeur et la simplicité de son âme. La place de François de Sales, sur le Cycle, était donc marquée en la compagnie de l’Ami du Sauveur, et de ces tendres victimes que l’Église compare à un gracieux bouquet d’innocentes roses ; et s’il a été impossible de placer sa mémoire à l’anniversaire de sa sortie de ce monde, parce que ces deux jours sont occupés par la solennité de saint Jean et celle des Enfants de Bethléem, du moins la sainte Église a-t-elle pu encore placer sa fête dans l’intervalle des quarante jours consacrés à honorer la Naissance de l’Emmanuel.

C’est donc à cet amant du Roi nouveau-né qu’il appartient de nous révéler les charmes de l’Enfant de la crèche. Nous chercherons la pensée de son cœur, pour en nourrir le nôtre, dans son admirable correspondance, où il rend avec tant de suavité les sentiments pieux qui débordaient de son cœur, en présence des mystères que nous célébrons.

Vers la fin de l’Avent 1619, il écrivait à une religieuse de la Visitation, pour l’engager à préparer son cœur à la venue de l’Époux céleste : « Ma très chère fille, voilà le tant petit aimable Jésus qui va naître en notre commémoration, ces fêtes-ci prochaines ; et puisqu’il naît pour nous visiter de la part de son Père éternel, et que les pasteurs et les rois le viendront réciproquement visiter au berceau, je crois, qu’il est le Père et l’Enfant tout ensemble de cette Sainte Marie de la Visitation.

« Or sus, caressez-le bien ; faites-lui bien l’hospitalité avec toutes nos sœurs, chantez-lui bien de beaux cantiques, et surtout adorez-le bien fortement et doucement, et en lui sa pauvreté, son humilité, son obéissance et sa douceur, à l’imitation de sa très sainte Mère et de saint Joseph ; et prenez-lui une de ses chères larmes, douce rosée du ciel, et la mettez sur votre cœur, afin qu’il n’ait jamais de tristesse que celle qui réjouit ce doux Enfant ; et quand vous lui recommanderez votre âme, recommandez-lui quant et quant la mienne, qui est certes toute vôtre.
« Je salue chèrement la chère troupe de nos sœurs, que je regarde comme de simples bergères veillant sur leurs troupeaux, c’est-à-dire sur leurs affections ; qui, averties par l’Ange, vont faire l’hommage au divin Enfant, et pour gage de leur éternelle servitude, lui offrent le plus beau de leurs agneaux, qui est leur amour, sans réserve ni exception. »

La veille de la Naissance du Sauveur, saisi par avance des joies de la nuit qui va donner son Rédempteur à la terre, François s’épanche déjà avec sa fille de prédilection, Jeanne-Françoise de Chantal, et la convie à goûter avec lui les charmes de l’Enfant divin et à profiter de sa visite.

« Le grand petit Enfant de Bethlhem soit à jamais les délices et les amours de notre cœur, ma très chère mère, ma fille ! Hélas ! Comme il est beau, ce pauvre petit poupon ! Il me semble que je vois Salomon sur son grand trône d’ivoire, doré et ouvragé, qui n’eut point d’égal es royaumes, comme dit l’Écriture : et ce roi n’eut point de pair en gloire ni en magnificence. Mais j’aime cent fois mieux voir le cher enfançon en la crèche, que de voir tous les rois en leurs trônes.
« Mais si je le vois sur les genoux de sa sacrée Mère ou entre ses bras, ayant sa petite bouchette, comme un petit bouton de rose, attachée au lis de ses saintes mamelles, ô Dieu ! je le trouve plus magnifique en ce trône, non seulement que Salomon dans le sien d’ivoire, mais que jamais même ce Fils éternel du Père ne le fut au ciel ; car si bien le ciel a plus d’être visible, la Sainte Vierge a plus de perfections invisibles ; et une goutte du lait qui flue virginalement de ses sacrés sucherons, vaut mieux que toutes les affluences des cieux. Le grand saint Joseph nous fasse part de sa consolation, la souveraine Mère de son amour : et l’Enfant veuille à jamais répandre dans nos cœurs ses mérites !
« Je vous prie, reposez le plus doucement que vous pourrez auprès du petit céleste enfant : il ne laissera pas d’aimer votre cœur bien-aimé tel que vous l’avez, sans tendreté et sans sentiment. Voyez-vous pas qu’il reçoit l’haleine de ce gros bœuf et de cet âne qui n’ont sentiment ni mouvement quelconque ? Comment ne recevra-t-il pas les aspirations de notre pauvre cœur, lequel, quoique non tendrement pour le présent, solidement néanmoins et fermement, se sacrifie à ses pieds pour être à jamais serviteur inviolable du sien, et de celui de sa sainte Mère, et du grand gouverneur du petit Roi ? »

La nuit sacrée s’est écoulée, apportant avec elle la Paix aux hommes de bonne volonté ; François cherche encore le cœur de la fille que Jésus lui a confiée, pour y verser toutes les douceurs qu’il a goûtées dans la contemplation du mystère d’amour.

« Hé, vrai Jésus ! que cette nuit est douce, ma très chère fille ! Les cieux, chante l’Église, distillent de toutes parts le miel ; et moi, je pense que ces divins Anges, qui résonnent en l’air leur admirable cantique, viennent pour recueillir ce miel céleste sur les lis où il se trouve, sur la poitrine de la très douce Vierge et de saint Joseph. J’ai peur, ma chère fille, que ces divins Esprits ne se méprennent entre le lait qui sort des mamelles virginales, et le miel du ciel qui est abouché sur ces mamelles. Quelle douceur de voir le miel sucer le lait !
« Mais je vous prie, ma chère fille, ne suis-je pas si ambitieux que de penser que nos bons Anges, de vous et de moi, se trouvèrent en la chère troupe de musiciens célestes qui chantèrent en cette nuit ? O Dieu ! s’il leur plaisait d’entonner derechef, aux oreilles de notre cœur, cette même céleste chanson, quelle joie ! quelle jubilation ! Je les en supplie, afin que gloire soit au ciel, et en terre paix aux cœurs de bonne volonté.
« Revenant donc d’entre les sacrés Mystères, je donne ainsi le bonjour à ma chère fille : car je crois que les pasteurs encore, après avoir adoré le céleste poupon que le ciel même leur avait annoncé, se reposèrent un peu. Mais, ô Dieu ! que de suavité, comme je pense, à leur sommeil ! Il leur était avis qu’ils oyaient toujours la sacrée mélodie des Anges qui les avaient salués si excellemment de leur cantique, et qu’ils voyaient toujours le cher Enfant et la Mère qu’ils avaient visités.
« Que donnerions-nous à notre petit Roi, que nous n’ayons reçu de lui et de sa divine libérait lité ? Or sus, je lui donnerai donc, à la sainte Grand’Messe, la très uniquement fille bien-aimée qu’il m’a donnée. Hé ! Sauveur de nos âmes, rendez-la toute d’or en charité, toute de myrrhe en mortification, toute d’encens en oraison ; et puis recevez-la entre les bras de votre sainte protection ; et que votre cœur dise au sien : Je suis ton salut aux siècles des siècles. »

Parlant ailleurs à une autre épouse du Christ, il l’exhorte, en ces termes, à se nourrir de la douceur du nouveau-né :

« Que jamais votre âme, comme une abeille mystique, n’abandonne ce cher petit Roi, et qu’elle fasse son miel autour de lui, en lui, et pour lui ; et qu’elle le prenne sur lui, duquel les lèvres sont toutes détrempées de grâce, et sur lesquelles, bien plus heureusement que l’on ne vit sur celles de saint Ambroise, les saintes avettes, amassées en essaim, font leurs doux et gracieux ouvrages. »

Mais il faut bien s’arrêter ; écoutons cependant encore une dernière fois notre séraphique Pontife nous raconter les charmes du très saint Nom de Jésus, imposé au Sauveur dans les douleurs de la Circoncision ; il écrit encore à sa sainte coopératrice : « O Jésus, remplissez notre cœur du baume sacré de votre Nom divin, afin que la suavité de son odeur se dilate en tous nos sens, et se répande en toutes nos actions. Mais pour rendre ce cœur capable de recevoir une si douce liqueur, circoncisez-le, et retranchez d’icelui tout ce qui peut être désagréable à vos saints yeux. O Nom glorieux ! que la bouche du Père céleste a nommé éternellement, soyez à jamais la superscription de notre âme, afin que, comme vous êtes Sauveur, elle soit éternellement sauvée ! O Vierge sainte, qui, la première de toute la nature humaine, avez prononcé ce Nom de salut, inspirez-nous la façon de le prononcer ainsi qu’il est convenable, afin que tout respire en nous le salut que votre ventre nous a porté.
« Ma très chère fille, il fallait écrire la première lettre de cette année à Notre-Seigneur et à Notre-Dame ; et voici la seconde par laquelle, ô ma fille, je vous donne le bon an, et dédie notre cœur à la divine bonté. Que puissions-nous tellement vivre cette année, qu’elle nous serve de fondement pour l’année éternelle ! Du moins ce matin, sur le réveil, j’ai crié à vos oreilles : vive Jésus ! et eusse bien voulu épandre cette huile sacrée sur toute la face de la terre.
« Quand un baume est bien fermé dans une fiole, nul ne sait discerner quelle liqueur c’est, sinon celui qui l’y a mise ; mais quand on a ouvert la fiole, et qu’on en a répandu quelques gouttes, chacun dit : C’est du baume. Ma chère fille, notre cher petit Jésus était tout plein du baume de salut ; mais on ne le connaissait pas jusqu’à tant qu’avec ce couteau doucement cruel on a ouvert sa divine chair ; et lors on a connu qu’il est tout baume et huile répandue, et que c’est le baume de salut. C’est pourquoi saint Joseph et Notre-Dame, puis tout le voisinage, commencent à crier : Jésus, qui signifie Sauveur.
« Plaise à ce divin poupon de tremper nos cœurs dans son sang, et les parfumer de son saint Nom, afin que les roses .des bons désirs que nous avons conçus, soient toutes pourprées de sa teinture, et toutes odorantes de son onguent ! »

Le Pape Alexandre VII voulut composer lui-même la Collecte pour l’Office et la Messe du saint Prélat].

Conquérant pacifique des âmes, Pontife aimé de Dieu et des hommes, nous célébrons en vous la douceur de notre Emmanuel. Ayant appris de lui à être doux et humble de cœur, vous avez, selon sa promesse, possédé la terre. Rien ne vous a résisté : les sectaires les plus obstinés, les pécheurs les plus endurcis, les âmes les plus tièdes, tout a cédé aux charmes de votre parole et de vos exemples. Que nous aimons à vous contempler, auprès du berceau de l’Enfant qui vient nous aimer, mêlant votre gloire avec celle de Jean et des Innocents : Apôtre comme le premier, simple comme les fils de Rachel ! Fixez pour jamais notre cœur dans cette heureuse compagnie ; qu’il apprenne enfin que le joug de l’Emmanuel est doux, et son fardeau léger.

Réchauffez nos âmes au feu de votre charité ; soutenez en elles le désir de la perfection. Docteur des voies spirituelles, introduisez-nous dans cette Vie sainte dont vous avez tracé les lois ; ranimez dans nos cœurs l’amour du prochain, sans lequel nous ne pourrions espérer de posséder l’amour de Dieu ; initiez-nous au zèle que vous avez eu pour le salut des âmes ; enseignez-nous la patience et le pardon des injures, afin que nous nous aimions tous, non seulement de bouche et de parole, comme parle Jean votre modèle, mais en œuvre et en vérité Bénissez l’Église de la terre, au sein de laquelle votre souvenir est encore aussi présent que si vous veniez de la quitter pour celle du ciel ; car vous n’êtes plus seulement l’Évêque de Genève, mais l’objet de l’amour et de la confiance de l’univers entier.

Hâtez la conversion générale des sectateurs de l’hérésie Calviniste. Déjà vos prières ont avancé l’œuvre du retour ; et le Sacrifice de l’Agneau s’offre publiquement au sein même de Genève. Consommez au plus tôt le triomphe de l’Église-Mère. Extirpez du milieu de nous lès derniers restes de l’hérésie Jansénienne, qui se préparait à semer son ivraie dans la France, aux jours mêmes où le Seigneur vous retirait de ce monde. Purgez nos contrées des maximes et des habitudes dangereuses qu’elles ont héritées des temps malheureux où cette secte perverse triomphait dans son audace.

Bénissez de toute la tendresse de votre cœur paternel le saint Ordre que vous avez fondé, et que vous avez donné à Marie sous le titre de sa Visitation. Conservez-le dans l’état où il fait l’édification de l’Église ; donnez-lui accroissement, dirigez-le, afin que votre esprit se maintienne dans la famille dont vous êtes le père. Protégez l’Épiscopat dont vous êtes l’ornement et le modèle ; demandez à Dieu, pour son Église, des Pasteurs formés à votre école, embrasés de votre zèle, émules de votre sainteté. Enfin, souvenez-vous de la France, avec laquelle vous avez contracté des liens si étroits. Elle s’émut au bruit de vos vertus, elle convoita votre Apostolat, elle vous a donné votre plus fidèle coopératrice ; vous avez enrichi sa langue de vos admirables écrits ; c’est de son sein même que vous êtes parti pour aller à Dieu : du haut du ciel, regardez-la aussi comme votre patrie.

DEUXIÈME ENTRETIEN

 DE LA CONFIANCE ET ABANDONNEMENT

 L’on propose si une âme peut, ayant le sentiment de sa misère, aller à Dieu avec une grande confiance.

 

RÉPONSE

Non seulement l’âme qui a la connaissance de sa misère peut avoir une grande confiance en Dieu, mais elle ne peut avoir une vraie confiance qu’elle n’ait la connaissance de sa misère; car cette connaissance et confession de notre misère nous introduit devant Dieu. Aussi, tous les grands Saints, comme Job, David et autres, commençaient toutes leurs prières par la confession de leur misère et indignité; de sorte que c’est une très bonne chose de se reconnaître pauvre, vil et abject, et indigne de comparaître en la présence de Dieu. Ce mot tant célèbre entre les anciens : « Connais-toi toi-même, » encore qu’il s’entende connais la grandeur et excellence de ton âme, pour ne la point avilir et profaner en des choses indignes de sa noblesse, il s’entend aussi : Connais-toi toi-même, c’est-à-dire ton indignité, ton imperfection et misère. Plus nous sommes misérables, plus nous nous devons confier en la bonté et miséricorde de Dieu; car entre la miséricorde et la misère il y a une certaine liaison si grande, que l’une ne se peut exercer sans l’autre. Si Dieu n’eût point créé d’homme, il eût été vraiment toujours tout bon, mais il n’eût pas été actuellement miséricordieux, d’autant qu’il n’eût fait miséricorde à personne : car, à qui faire miséricorde sinon aux misérables ?

Vous voyez donc que tant plus nous nous connaissons misérables, et plus nous avons occasion de nous confier en Dieu, puisque nous n’avons rien de quoi nous confier en nous-mêmes. La défiance de nous-mêmes se fait par la connaissance de nos imperfections. Il est bien bon de se défier de soi-même, mais de quoi nous servirait-il de le faire, sinon pour jeter toute notre confiance en Dieu et nous attendre à sa miséricorde ?

Or, j’entends bien que ces choses qui arrivent ainsi entre nous autres ne sont pas des doutes et défiances de la miséricorde en ce qui regarde notre salut; mais c’est une honte et certaine confusion que nous avons d’approcher de Notre-Seigneur. Nous commettons des infidélités, et nous avons lu qu’il y a des grandes âmes, comme sainte Catherine de Sienne et la Mère Thérèse, qui, lorsqu’elles étaient tombées en quelque défaut, avaient de ces confusions, et notre amour-propre nous fait accroire que nous en devons aussi avoir; et nous disons : Hélas ! Seigneur, je n’oserai jamais m’approcher de vous, je suis si misérable ! Et tout cela n’est qu’un peu de satisfaction de l’amour-propre qui nous amuse. Je ne dis pas que ces confusions ne soient extrêmement bonnes quand elles sont bien appliquées. Vraiment, il est bien raisonnable qu’ayant offensé Dieu nous nous retirions un peu par humilité et demeurions confus, car si seulement nous avons offensé un ami, nous avons bien honte de l’aborder; mais il n’en faut pas demeurer là, car ces vertus d’humilité, d’abjection et de confusion sont des vertus mitoyennes, par lesquelles nous devons monter à l’union de notre âme avec son Dieu. Ce ne serait pas grand’chose de s’être anéanti et dépouillé de soi-même, ce qui se fait par ces actes de confusion, si ce n’était pour se donner tout à Dieu, ainsi que saint Paul nous l’enseigne quand il dit : Dépouillez-vous du vieil homme, et vous revêtez du nouveau ; d’autant qu’il ne faut pas demeurer nu, mais se revêtir de Dieu. Ce petit reculement ne se fait que pour mieux sauter et s’élancer en Dieu par un acte d’amour et de confiance, car il ne faut pas se confondre tristement ni avec inquiétude : c’est l’amour-propre qui donne ces confusions-là, parce que nous sommes marries de n’être pas parfaites, non tant pour l’amour de Dieu que pour l’amour de nous-mêmes.

Mais vous dites que vous ne sentez point cette confiance. Quand vous ne sentez pas, il en faut faire un acte et dire à Notre-Seigneur : Encore que je n’aie aucun sentiment de confiance en vous, je sais pourtant que vous êtes mon Dieu, que je suis toute vôtre, et n’ai espérance qu’en votre bonté; ainsi je m’abandonne toute en vos saintes mains Il est toujours en notre pouvoir de faire de ces actes et quoique nous y ayons de la difficulté, il n’y a pourtant pas de l’impossibilité, et c’est en ces occasions-là, parmi les difficultés, ou nous devons témoigner de la fidélité à Notre-Seigneur; car bien que nous les fassions sans goût ni aucune satisfaction, il ne s’en faut pas mettre en peine, puisque Notre-Seigneur les aime mieux ainsi. Et ne dites pas : Je les dis vraiment, mais ce n’est que de bouche; car si le cœur ne le voulait, la bouche n’en dirait pas un mot. Ayant fait cela, demeurez en paix, et sans faire attention sur votre trouble, parlez à Notre-Seigneur d’autre chose.

Voilà donc pour la conclusion de ce premier point, qu’il est très bon d’avoir de la confusion quand nous avons la connaissance et sentiment de notre misère et imperfection, mais qu’il ne faut pas s’arrêter là, ni tomber pour cela en découragement, ains relever son cœur en Dieu par une sainte confiance, de laquelle le fondement doit être en lui et non pas en nous; d’autant que, encore que nous changions, il ne change jamais, et demeure toujours aussi doux et miséricordieux quand nous sommes faibles et imparfaits que quand nous sommes forts et parfaits. J’ai accoutumé de dire que le trône de la miséricorde de Dieu c’est notre misère : il faut donc, d’autant que notre misère sera plus grande, avoir une plus grande confiance, car la confiance est la vie de l’âme ôtez-lui la confiance, vous lui donnez la mort.

Maintenant passons à l’autre question, qui est de l’abandonnement de soi-même, et quel doit être l’exercice de l’âme abandonnée. Il y a deux vertus, dont l’une est la fin de l’autre se dépouiller pour s’abandonner. Or il faut savoir qu’abandonner notre âme et nous délaisser nous-mêmes, n’est autre chose que de quitter et nous défaire de notre propre volonté pour la donner à Dieu; car, comme j’ai déjà dit, il ne nous servirait de guère de nous renoncer et délaisser nous-mêmes, si ce n’était pour nous unir parfaitement à la divine Majesté. Ce n’est donc que pour cela qu’il faut faire cet abandonnement, lequel autrement serait inutile et ressemblerait ceux des anciens philosophes qui ont fait des admirables abandonnements de toutes choses et d’eux-mêmes, par une vaine prétention de s’adonner à la philosophie comme Épictète, l’un des plus grands et renommés de cette sorte, lequel était esclave de condition. Or, à cause de sa grande sagesse, l’on le voulut affranchir; mais lui, par un renoncement le plus extrême de tous, ne voulut point de sa liberté, et demeura ainsi volontairement en son esclavage, avec une telle pauvreté qu’après sa mort on ne lui trouva rien qu’une lampe, qui fut vendue bien cher, par manière de relique, à cause qu’elle avait été à un si grand homme. Mais nous autres ne nous voulons abandonner sinon pour nous laisser tout à la merci de la bonté de Dieu.

Il y a beaucoup de gens qui disent à Notre-Seigneur Je me donne tout à vous et ne veux rien réserver; mais il y en a fort peu qui embrassent la pratique de cet abandonnement, lequel n’est autre chose qu’une parfaite indifférence à recevoir les évènements selon qu’ils arrivent par ordre de la Providence divine : recevoir également l’affliction comme la consolation, la maladie comme la santé, la pauvreté, le mépris et l’opprobre comme les richesses, l’honneur et la gloire. Je dis avec la partie supérieure de notre âme, car il n’y a point de doute que l’inférieure et inclination naturelle tendra toujours plutôt du côté de l’honneur que du mépris, de la richesse que de la pauvreté; bien que nul ne puisse ignorer que le mépris, l’abjection et la pauvreté ne soient plus agréables à Dieu que l’honneur et la possession de beaucoup de richesses.

Or, pour faire cet abandonnement, il faut obéir à la volonté de Dieu signifiée et à la volonté de son bon plaisir : l’un se fait par manière de résignation, et l’autre par manière d’indifférence. La volonté de Dieu signifiée, ce sont ses Commandements, ses conseils, ses inspirations, nos Règles et les ordonnances de nos Supérieurs. La volonté de son bon plaisir, ce sont les évènements des choses que nous ne pouvons pas prévoir, comme par exemple : je ne sais pas si je mourrai demain; si je tombe malade à la mort, je vois que c’est le bon plaisir de Dieu, et partant je m’abandonne à son bon plaisir et meurs de bon cœur. De même, je ne sais pas si l’année qui vient tous les fruits de la terre seront tempêtés : s’il arrive qu’ils le soient, il est tout évident que c’est le bon plaisir de Dieu. Des exemples plus familiers et convenables à notre condition il arrivera que vous n’aurez pas de la consolation en vos exercices; il est évident que c’est le bon plaisir de Dieu, c’est pourquoi il faut demeurer avec une entière indifférence entre la désolation et la consolation. Ou bien l’on nous donnera un habit moins agréable que celui que nous avions accoutumé de porter, la robière a fait cela de bonne foi; il est tout certain que le bon plaisir de Dieu est que vous ayez cette robe, et partant il la faut recevoir avec indifférence. L’on vous donnera au réfectoire quelque viande hors de votre goût; cela sans doute est le bon plaisir de Dieu, il faut donc la manger avec indifférence, je dis quant à la volonté. De même des caresses et témoignages d’amitié : si une personne ne nous caresse point, il faut penser que tel est le bon plaisir de Dieu, et qu’elle est occupée à quelque chose de meilleur; à quel propos donc vouloir qu’elle se rende attentive à nous caresser? Que si elle le fait, il faut aussi croire que c’est le bon plaisir de Dieu, et le bénir de cette petite consolation qu’il nous donne.

Il y a des choses esquelles il faut joindre la volonté de Dieu signifiée à celle de son bon plaisir : comme si je tombe malade d’une fièvre, je vois en cet évènement que le bon plaisir de Dieu est que je demeure en indifférence de la santé ou de la maladie; mais la volonté de Dieu signifiée est que j’appelle le médecin et que j’applique tous les remèdes que je puis (je ne dis pas les plus exquis, mais ceux que je puis bonnement), car Dieu nous le signifie en ce qu’il donne la vertu aux plantes et aux remèdes, la Sainte Écriture nous l’enseigne en plusieurs endroits et la sainte Église l’ordonne. Or maintenant, que la maladie surmonte le remède ou le remède surmonte le mal, il en faut être en parfaite indifférence, en telle sorte que si la maladie et la santé étaient devant vous et que Notre-Seigneur vous dît: Si tu choisis la santé je ne t’en ôterai pas un grain de ma grâce, si tu choisis la maladie je ne te l’augmenterai pas aussi de rien du tout, mais au choix de la maladie il y a un peu plus de mon bon plaisir; alors, l’âme qui s’est entièrement délaissée et abandonnée entre les mains de Notre-Seigneur choisira sans doute la maladie, pour cela seulement qu’il y a un peu plus du bon plaisir de Dieu; oui même quand ce serait pour demeurer toute sa vie dans un lit, sans faire autre chose que souffrir, elle ne voudrait pour rien du monde désirer un autre état que celui-là. Ainsi les Saints qui sont au Ciel ont une telle union à la volonté de Dieu, que s’il y avait un peu plus de son bon plaisir en enfer, ils quitteraient le Paradis pour y aller.

Cet état du délaissement de nous-mêmes comprend aussi d’être abandonné au vouloir de Dieu en toutes tentations, aridités, sécheresses, aversions et répugnances qui arrivent en la vie spirituelle; car en toutes ces choses l’on y voit le bon plaisir de Dieu, quand elles n’arrivent pas par notre défaut, et qu’il n’y a pas du péché. Car, tandis que nous ne favorisons point nos aversions, elles nous sont une tribulation laquelle il faut souffrir comme une autre. Mais il faut au commencement examiner la source de notre aversion, qui souvent se trouve procéder de notre imperfection; parce que quand le mal est connu, il est plus facile à guérir, et l’ayant reconnu, il faut mortifier la passion d’où il procède.

Or, en toutes aversions, il faut observer de ne diminuer point les actes de charité envers la personne à laquelle nous avons aversion; il la faut servir, lui parler, la caresser, non seulement comme si nous ne lui en avions point, mais davantage; et en cela nous témoignerons notre fidélité à Dieu et obéirons à sa volonté signifiée, qui est que, contre toute notre répugnance, nous nous surmontions, ainsi que j’ai dit, à la caresser. Et qui vous empêchera de lui dire que vous l’aimez comme votre propre cœur et que vous souffrez beaucoup de peine de lui avoir de l’aversion ? Je dis si c’est une de nos Sœurs et à une Professe, car une Novice ne serait peut-être pas encore capable de savoir que vous lui en ayez. Ce serait certes un grand mal qu’une Sœur ancienne ne reçût pas de bon cœur et avec compassion la pauvre Sœur qui lui a dit sa peine et son aversion, puisqu’elle vient à elle avec tant de confiance, et vu qu’elle n’en peut mais, et en voudrait bien être exempte, si c’était le bon plaisir de Dieu. Or, ayant appliqué ces remèdes, ne vous mettez point en peine, mais souffrez de bon cœur, sans désirer d’être délivrée de votre affliction, demeurant soumise au bon plaisir de Dieu, qui est que vous soyez ainsi exercée.

Il arrive quelquefois que l’on a de l’aversion non pas aux personnes, mais aux actions d’icelles. Celles-ci sont les moins mauvaises, quoique toujours il y ait de l’imperfection : car si quelqu’un fait quelque chose qui n’est pas bien, il faut le regarder avec compassion, et non pas en concevoir de l’aversion. Un exemple : il y en a qui ont une grande inclination à la propreté, et concevront de l’aversion contre une personne malpropre, et feront une correction plus âpre pour cette messéance que non pas pour quelque grand péché; cela est une grande imperfection. Mais si elle avait de l’aversion également à tout ce qu’elle verrait faire qui offenserait Dieu, cela proviendrait d’un bon zèle ; néanmoins, il serait par après dangereux de passer de l’aversion de l’action à l’aversion de la personne; et en cette sorte, encore que pour l’ordinaire elle n’ôte pas la charité, elle en ôte la suavité.

Or, ce n’est pas à dire que quand l’aversion est un peu forte nous puissions toujours parler avec la même allégresse que si nous avions une amitié suave; car si bien il est en notre pouvoir de parler et faire toutes autres actions, il ne nous est pas pourtant possible de les faire avec un visage aussi gracieux que si nous n’avions point cette difficulté. C’en est de même comme d’une personne mélancolique; car il est en son pouvoir de chanter, de se promener, de dire des paroles de récréation, mais elle ne peut pas faire tout cela de l’air ni de la grâce qu’elle ferait si elle n’était mélancolique aussi ne faut-il pas requérir cela ni de l’une ni de l’autre, car il ne serait pas à propos. Or, quand il ne s’ensuit point d’autre chose de nos aversions, sinon qu’en parlant à cette personne nous ne sommes pas du tout si gais, ou que nous détournons un peu nos yeux de dessus elle cela n’est pas grand cas; il y a seulement matière d’abaissement et d’humiliation, mais non pas de confession. De même, si je suis obligé de reprendre et avertir cette personne de quelque défaut, et qu’ayant dressé mon intention de le faire avec charité, il m’arrive néanmoins en parlant un peu de sentiment cela n’est point péché et est presque inévitable à tout le monde; un simple abaissement devant Dieu suffit pour réparer cette faute. Mais si notre aversion continue et que nous fassions quelque action ou disions des paroles par ce motif, alors il y a du mal, car, depuis que le coeur le pousse jusqu’à la bouche, c’est signe que la volonté est coupable et qu’elle n’a pas réprimé le premier mouvement.

Maintenant vous demandez en quoi s’occupe intérieurement cette âme qui est toute abandonnée entre les mains de Dieu? Elle ne fait rien, sinon demeurer auprès de Notre-Seigneur en une sainte oisiveté, sans avoir souci d’aucune chose, non pas même de son corps ni de son âme; car puisqu’elle s’est embarquée sous la Providence de Dieu, qu’a-t-elle à faire de penser qu’elle deviendra? Notre-Seigneur auquel elle s’est toute délaissée y pensera assez. Je n’entends pas pourtant de dire qu’il ne faille pas penser ès choses esquelles nous sommes obligées, chacune selon sa charge. Par exemple : si l’on a donné à une Soeur le soin du jardin, il ne faut pas qu’elle dise : Je n’y veux pas penser, Notre-Seigneur y prouvoira bien. De même une Supérieure, une Maîtresse des Novices, il ne faut pas que, sous ombre de dire : je me suis abandonnée à Dieu et me repose en son soin, elles négligent de lire et d’apprendre les enseignements qui sont propres pour l’exercice de leurs charges.

Vous me dites à cette heure : il faut avoir une grande confiance pour s’abandonner ainsi sans aucune réserve. — Il est vrai; mais aussi, quand nous abandonnons tout, Notre-Seigneur prend soin de tout et conduit tout. Que si nous réservons quelque chose de quoi nous ne nous confions pas en lui, il nous la laisse, comme s’il disait Vous pensez être assez sage pour faire cette chose-là sans moi? je vous la laisse gouverner, mais vous verrez bien comme vous vous en trouverez. Celles qui sont dédiées à Dieu en la Religion doivent tout abandonner sans aucune réserve. Sainte Madeleine, qui s’était toute abandonnée à la volonté de Notre-Seigneur, demeurait à ses pieds et l’écoutait tandis qu’il parlait ; et lorsqu’il cessait de parler, elle cessait aussi d’écouter, mais elle ne bougeait pourtant d’auprès de lui. Ainsi cette âme qui s’est délaissée, elle n’a autre chose à faire qu’à demeurer entre les bras de Notre-Seigneur, comme un enfant dans le sein de sa mère, lequel, quand elle le met pour cheminer, il chemine jusques à tant que sa mère le reprenne, et quand elle le veut porter il lui laisse faire. Il ne sait point ni ne pense point où il va, mais il se laisse porter et mener où il plaît à sa mère : cette âme se laisse porter quand elle aime la volonté du bon plaisir de Dieu en tout ce qui lui arrive, et chemine néanmoins quand elle fait avec grand soin tout ce qui est de la volonté de Dieu signifiée.

Vous dites maintenant s’il est bien possible que notre volonté soit tellement morte en Dieu, que nous ne sachions plus ce que nous voulons ou ce que nous ne voulons pas? — Il n’arrive jamais, pour abandonnés que nous soyons, que notre franchise et la volonté de notre libéral arbitre ne nous demeurent, de sorte qu’il nous vient toujours quelque désir et quelque volonté; mais ce ne sont pas des volontés absolues ni des désirs formés, car sitôt qu’une âme qui s’est délaissée en Dieu aperçoit en elle quelque volonté, elle la fait incontinent mourir dans la volonté de Dieu.

Or, pour répondre à ce que vous demandez, si une âme encore bien imparfaite pourrait bien demeurer utilement devant Dieu en l’oraison avec cette simple attention à sa sainte présence, si Dieu vous y met, vous y pouvez bien demeurer; car il arrive assez souvent que Notre-Seigneur donne ces quiétudes et tranquillités à des âmes qui ne sont pas encore bien purgées. Mais tandis qu’elles ont encore besoin de se purger, elles doivent, hors de l’oraison, faire les remarques et les considérations nécessaires à leur amendement; car, quand bien Dieu les tiendrait toujours fort recueillies, il leur reste encore assez de liberté pour discourir avec l’entendement sur plusieurs choses indifférentes : pourquoi donc ne pourront-elles pas considérer et faire des résolutions pour la pratique des vertus? Il y a des personnes fort parfaites auxquelles Notre-Seigneur ne donne jamais de ces douceurs ni de ces quiétudes, qui font toutes choses avec la supérieure partie, et font mourir leur volonté dans la volonté de Dieu à vive force et avec la pointe de la raison : et cette mort ici est la mort de la croix, laquelle est beaucoup plus excellente et plus généreuse que l’autre, que l’on peut plutôt appeler un endormissement qu’une mort; car cette âme qui s’est embarquée dans le sein de la providence de Dieu, se laisse aller et voguer doucement, comme une personne qui, dormant dans un vaisseau, sur une mer tranquille, ne laisse pas d’avancer. Cette sorte de mort ainsi douce se donne par manière de grâce, et l’autre se donne par manière de mérite.

Vous voulez encore savoir quel fondement doit avoir notre confiance. — Il faut qu’elle soit fondée sur l’infinie bonté de Dieu et sur les mérites de la Mort et Passion de Notre-Seigneur Jésus-Christ, avec cette condition de notre part, que nous ayons et connaissions en nous une entière et ferme résolution d’être tout à Dieu, et de nous tout abandonner, sans aucune réserve, à sa Providence; car de lui dire : Je me confie en vous, mais je ne veux pas être toute vôtre, il n’y aurait pas de la raison. Mais je désire que vous remarquiez que je ne dis pas qu’il faille sentir cette résolution d’être toute à Dieu, mais seulement qu’il la faut avoir et connaître en nous; parce qu’il ne faut pas s’amuser à ce que nous sentons ou que nous ne sentons pas, car la plupart de nos sentiments et satisfactions ne sont que des amusements de notre amour-propre. Il ne faut pas entendre aussi qu’en toutes ces choses ici, de l’abandonnement et de l’indifférence, nous n’ayons jamais des désirs contraires à la volonté de Dieu et que notre nature ne répugne aux évènements de son bon plaisir; cela peut toujours arriver. Ce sont des vertus qui font leur résidence en la partie supérieure de l’âme, l’inférieure pour l’ordinaire n’y entend rien; il n’en faut faire nul état, mais, sans regarder à ce qu’elle veut, il faut embrasser cette volonté divine et nous y unir, mal gré qu’elle en ait.

Il y a peu de personnes qui arrivent à ce degré de parfait délaissement d’elles-mêmes, mais nous y devons néanmoins tous prétendre, chacun selon sa capacité et petite portée.

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Dimanche de la Septuagésime

28 Janvier 2024 , Rédigé par Ludovicus

Dimanche de la Septuagésime

Introït

Les gémissements de la mort m’ont environné, les douleurs de l’enfer m’ont entouré ; dans mon affliction j’ai invoqué le Seigneur, et de son saint temple, il a entendu ma voix. Je vous aimerai, Seigneur, vous qui êtes ma force ; le Seigneur est mon ferme appui, et mon libérateur.

Collecte

Nous vous en supplions, Seigneur, écoutez avec clémence les prières de votre peuple, afin que nous qui sommes justement affligés pour nos péchés, nous soyons miséricordieusement délivrés pour la gloire de votre nom.

Épitre 1 Cor. 9, 24-27 ; 10, 1-5

Mes Frères : Ne le savez-vous pas ? Dans les courses du stade, tous courent, mais un seul emporte le prix. Courez de même, afin de le remporter. Quiconque veut lutter, s’abstient de tout : eux pour une couronne périssable ; nous, pour une impérissable. Pour moi, je cours de même, non comme à l’aventure ; je frappe, non pas comme battant l’air. Mais je traite durement mon corps et je le tiens en servitude, de peur qu’après avoir prêché aux autres, je ne sois moi-même réprouvé. Car je ne veux pas vous laisser ignorer, frères, que nos pères ont tous été sous la nuée, qu’ils ont tous traversé la mer, et qu’ils ont tous été baptisés en Moïse dans la nuée et dans la mer ; qu’ils ont tous mangé le même aliment spirituel, et qu’ils ont tous bu le même breuvage spirituel, car ils buvaient à un rocher spirituel qui les accompagnait, et ce rocher était le Christ. Cependant ce n’est pas dans la plupart d’entre eux que Dieu trouva son plaisir.

Évangile Mt. 20, 1-16

En ce temps là, Jésus dit à ces disciples cette parabole : le royaume des cieux est semblable à un maître de maison qui sortit de grand matin afin d’embaucher des ouvriers pour sa vigne. Étant convenu avec les ouvriers d’un denier par jour, il les envoya à sa vigne. Il sortit vers la troisième heure, en vit d’autres qui se tenaient sur la place sans rien faire, et leur dit : "Allez, vous aussi, à ma vigne, et je vous donnerai ce qui sera juste." Et ils y allèrent. Il sortit encore vers la sixième et la neuvième heure, et fit la même chose. Étant sorti vers la onzième (heure), il en trouva d’autres qui stationnaient, et il leur dit : "Pourquoi stationnez-vous ici toute la journée sans rien faire ?" Ils lui disent : "C’est que personne ne nous a embauchés." Il leur dit : "Allez, vous aussi, à la vigne." Le soir venu, le maître de la vigne dit à son intendant : "Appelle les ouvriers et paie-leur le salaire, en commençant par les derniers jusqu’aux premiers." Ceux de la onzième heure vinrent et reçurent chacun un denier. Quand vinrent les premiers, ils pensèrent qu’ils recevraient davantage ; mais ils reçurent, eux aussi, chacun un denier. En le recevant, ils murmuraient contre le maître de maison, disant : "Ces derniers n’ont travaillé qu’une heure, et tu les as traités comme nous, qui avons porté le poids du jour et la chaleur." Mais lui, s’adressant à l’un d’eux, répondit : "Ami, je ne te fais point d’injustice : n’es-tu pas convenu avec moi d’un denier ? Prends ce qui te revient, et va-t’en. Je veux donner à ce dernier autant qu’à toi. Ne m’est-il pas permis de faire en mes affaires ce que je veux ? Ou ton œil sera-t-il mauvais parce que, moi, je suis bon ? Ainsi les derniers seront premiers, et les premiers derniers."

Secrète

Ayant agréé nos offrandes et nos prières, purifiez-nous grâce à ces mystères tout célestes, nous vous en supplions, Seigneur, et exaucez-nous avec clémence.

Postcommunion

Que vos fidèles, ô Dieu, soient affermis par vos dons, afin qu’en les recevant ils les recherchent encore et qu’en les recherchant ils les reçoivent sans fin.

Office

1er Nocturne

1ère leçon

Commencement du livre de la Genèse

Au commencement Dieu créa le ciel et la terre. Mais la terre était informe et nue, et des ténèbres étaient sur la face d’un abîme, et l’Esprit de Dieu était porté sur les eaux. Or Dieu dit : Que la lumière soit. Et la lumière fut. Et Dieu vit que la lumière était bonne, et il sépara la lumière des ténèbres. Et il appela la lumière, Jour, et les ténèbres, Nuit ; et d’un soir et d’un matin se fit un jour unique. Dieu dit encore : Qu’un firmament soit fait entre les eaux, et qu’il sépare les eaux d’avec les eaux. Et Dieu fit le firmament, et il sépara les eaux qui étaient sous le firmament de celles qui étaient sur le firmament. Et il fut fait ainsi. Or Dieu nomma le firmament, Ciel ; et d’un soir et d’un matin se fit un second jour.

2e leçon

Dieu dit ensuite : Que les eaux qui sont sous le ciel se rassemblent en un seul lieu, et que la partie aride paraisse. Or Dieu nomma la partie aride, Terre, et les amas d’eaux, il les appela Mer. Et Dieu vit que cela était bon. Et il dit : Que la terre produise de l’herbe verdoyante et faisant de la semence, et des arbres fruitiers, faisant du fruit selon leur espèce, dont la semence soit en eux-mêmes sur la terre. Et il fut fait ainsi. Et la terre produisit de l’herbe verdoyante et faisant de la semence selon son espèce, et des arbres faisant du fruit, et ayant chacun de la semence selon son espèce. Et Dieu vit que cela était bon. Et d’un soir et d’un matin, se fit un troisième jour. Dieu dit aussi : Qu’il soit fait des luminaires dans le firmament du ciel, et qu’ils séparent le jour et la nuit, et qu’ils servent de signes pour [marquer], et les temps, et les jours, et les années ; qu’ils luisent dans le firmament du ciel, et qu’ils éclairent la terre. Et il fut fait ainsi. Dieu fit donc deux grands luminaires l’un plus grand, pour présider au jour ; l’autre moins grand, pour présider à la nuit ; et les étoiles. Et il les plaça dans le firmament du ciel pour luire sur la terre, pour présider au jour et à la nuit et pour séparer la lumière et les ténèbres. Et Dieu vit que cela était bon. Et d’un soir et d’un matin se fit un quatrième jour.

3e leçon

Dieu dit encore : Que les eaux produisent des reptiles d’une âme vivante, et des volatiles sur la terre, sous le firmament du ciel. Dieu donc créa les grands poissons, et toute âme vivante et ayant le mouvement, que les eaux produisirent selon leurs espèces, et tout volatile selon son espèce. Et Dieu vit que cela était bon. Il les bénit, disant : Croissez et multipliez-vous, et remplissez les eaux de la mer ; et que les oiseaux se multiplient sur la terre. Et d’un soir et d’un matin se fit un cinquième jour. Dieu dit aussi : Que la terre produise des âmes vivantes selon leur espèce, des animaux domestiques, des reptiles et des bêtes de la terre selon leurs espèces. Et il fut fait ainsi. Dieu fit donc les bêtes de la terre selon leurs espèces, les animaux domestiques et tout les reptiles de la terre selon leur espèce. Et Dieu vit que cela était bon. Il dit ensuite : Faisons un homme à notre image et à notre ressemblance et qu’il domine sur les poissons de la mer, sur les volatiles du ciel, et sur les bêtes, et sur toute la terre, et sur tous les reptiles qui se meuvent sur la terre.

2e Nocturne

4e leçon

Du Manuel de saint Augustin, Évêque.

Dieu avait menacé l’homme de le punir de mort, s’il venait à pécher ; il lui avait fait don du libre arbitre, mais tout en le tenant sujet à son commandement, et en excitant en lui la crainte de sa ruine. Il le plaça dans un jardin de délices, qui n’était que l’ombre d’une vie meilleure, où il serait parvenu s’il avait conservé la justice. Exilé de l’Eden après sa faute, le premier homme enchaîna à la peine de la mort et à la réprobation tous ses descendants, corrompus en sa personne comme dans leur source, de telle sorte que toute la race qui devait naître de lui et de son épouse (condamnée comme lui, après l’avoir porté au péché) contracta la faute originelle, et mérita d’être entraînée parmi des erreurs et des douleurs de toute espèce, jusqu’au supplice sans fin avec les anges infidèles, ses corrupteurs, ses maîtres et les compagnons de son malheureux sort.

5e leçon

« C’est ainsi que par un seul homme le péché est entré dans le monde, et, avec le péché, la mort, qui a passé à tous les hommes, par celui en qui tous ont péché. »] Ce que l’Apôtre appelle ici le monde, c’est l’humanité entière. Tel était donc l’état des choses. Toute la masse du genre humain, condamnée, était plongée dans le malheur, ou plutôt se voyait entraînée et précipitée de maux en maux. Associé aux anges coupables, l’homme subissait les peines très méritées de son impie prévarication.

6e leçon

Car il faut considérer comme une conséquence de la juste colère de Dieu, les désordres auxquels les méchants sont portés par l’attrait d’une concupiscence aveugle et sans frein, ainsi que les maux visibles ou invisibles qu’ils souffrent malgré eux. Cependant la bonté du Créateur n’a pas cessé de se manifester envers les mauvais anges, en leur conservant la vie et la puissance toujours active sans laquelle ils cesseraient d’être ; comme envers les hommes en en propageant la race, bien qu’issue d’une souche viciée et condamnée. Il forme leur corps qu’il anime du souffle de la vie ; il dispose leurs membres qu’il met en harmonie avec les différents âges ; il entretient la vivacité de leurs sens, suivant la disposition des organes ; il leur fournit des aliments. Dans sa sagesse, il a mieux aimé tirer le bien du mal, que de ne pas permettre qu’il arrivât aucun mal.

3e Nocturne

7e leçon

Homélie de saint Grégoire, Pape.

Il est dit que le royaume des cieux est semblable à un père de famille qui loue des ouvriers pour cultiver sa vigne. Or, qui peut être plus justement représenté par le père de famille que notre Créateur, qui gouverne ceux qu’il a créés, et qui possède ses élus dans ce monde, comme un maître a ses serviteurs dans sa maison ? Il possède une vigne, à savoir l’Église universelle, qui a poussé autant de sarments qu’elle a produit de saints, depuis le juste Abel, jusqu’au dernier élu devant naître à la fin du monde.

8e leçon

Ce divin père de famille loue donc des ouvriers pour cultiver sa vigne, dès la pointe du jour, à la troisième heure, à la sixième, à la neuvième et à la onzième ; parce qu’il ne cesse point, depuis le commencement de ce monde jusqu’à la fin, de réunir des prédicateurs pour enseigner les fidèles. Le matin du monde peut s’entendre du temps qui s’est écoulé depuis Adam jusqu’à Noé ; la troisième heure, de Noé à Abraham ; la sixième, d’Abraham à Moïse ; la neuvième, de Moïse à la venue du Sauveur, et la onzième, depuis la venue du Sauveur jusqu’à la fin du monde. Les Apôtres ont été envoyés pour prêcher en cette dernière heure, et quoique venant si tard, ils ont reçu un salaire entier.

9e leçon

Le Seigneur ne cesse donc en aucun temps d’envoyer des ouvriers pour cultiver sa vigne, c’est-à-dire pour instruire son peuple. Par les Patriarches d’abord, ensuite par les Docteurs de la loi et les Prophètes, et enfin par les Apôtres, il a consacré tous ses soins à sanctifier son peuple. Il a travaillé, pour ainsi dire, à la culture de sa vigne, par l’entremise de ces ouvriers que nous avons énumérés ; mais cela n’empêche pas que tous ceux qui, avec une foi correcte, se sont appliqués et ont exhorté à faire le bien, ne puissent être considérés aussi (chacun dans sa mesure et à un certain degré), comme les ouvriers de cette vigne. Ceux de la première heure, ainsi que ceux de la troisième, de la sixième et de la neuvième, désignent l’ancien peuple hébreu qui, depuis le commencement du monde, s’efforçant, en la personne de ses saints, de servir Dieu avec une foi droite, n’a pour ainsi dire pas cessé de travailler à la culture de la vigne. Mais à la onzième heure les Gentils sont appelés, c’est à eux que s’adressent ces paroles « Pourquoi êtes-vous ici tout le jour sans rien faire ? »

 

 

Aujourd'hui, mes frères, nous célébrons le commencement de la septuagésime dont le nom est assez connu dans l'Eglise entière. Eh bien, mes très-chers frères, je vous dirai que ce nom me cause plusieurs souffrances dans l'âme. D'abord je suis ému jusqu'au fond du cœur, au souvenir de cette patrie où tout excède tout nombre, toute mesure et tout poids, après laquelle je soupire ardemment. Combien de temps encore ne recevrai-je tous les biens de l'âme et du corps qu'avec poids, nombre et mesure ! combien n'y a-t-il point de mercenaires dans la maison de mon père, qui ont du pain en abondance, tandis que moi, je meurs de faim ? Car, c'est du pain matériel qu'il a été dit à Adam et que la malédiction est passée jusqu'à nous : « Tu mangeras ton pain à la sueur de ton front », et lorsque j'ai travaillé, on me pèse le pain qu'on me donne, on me mesure mon breuvage, et mes autres aliments me sont comptés. Oui, voilà comment sont les choses en cette vie du corps. Comment sont-elles dans celle de l'âme ? Je ne mange qu'après avoir soupiré ; et encore, plût à Dieu que je reçusse quelques débris du céleste festin même, après que j'ai gémi et pleuré, et que, semblable à un petit chien, je pusse ramasser les miettes qui tombent de la table de mes maîtres ! O Jérusalem, cité du grand Roi qui te nourrit du plus pur froment, et que le cours d'un fleuve remplit de gaîté ! Dans tes murs, il n'y a plus ni poids ni mesure, tout est satiété, abondance extrême. Tu ne connais même point de nombre, attendu qu'en toi tous participent au même bien. Mais moi, qui suis tout entier dans le changement et dans le nombre, quand me sera-t-il donné d'arriver à cette cité que je recherche de tous mes vœux ? quand, Seigneur, votre gloire se manifestera-t-elle à moi et en serai-je rassasié ? Quand m'enivrerai-je de l'abondance de votre demeure, et me désaltérerai-je au torrent de vos voluptés ? Car maintenant les gouttes qui en tombent sur la terre sont si petites, que c'est à peine si je puis avaler ma propre salive.

Oui, mes frères, il est très-vrai que maintenant tout nous est donné avec poids, avec mesure et avec nombre ; mais un jour viendra qu'il n'en sera plus ainsi. En effet, pour ce qui est du nombre, nous lisons quelque part : « La sagesse est sans nombre. » Quant au poids, entendez l'Apôtre nous parler d'un poids où il n'y a plus de poids, « d'un poids excessif et éternel d'une souveraine et incomparable gloire ». L'entendez-vous, un poids éternel, mais un poids excessif, comme il a soin de le dire auparavant ? Et Jésus-Christ, ne l'entendez-vous point promettre une mesure sans mesure ; « une mesure bien foulée, bien pressée, et qui se répandra par-dessus les bords » ? Mais quand verrons-nous ces choses ? Sans doute quand nous serons arrivés au terme de la présente septuagésime, je veux dire à la fin de notre captivité. Nous lisons, en effet, que pour les enfants d'Israël, le terme marqué à leur captivité de Babylone, fut une septuagésime d'années. En effet, quand elle se fut écoulée, ils revinrent dans leurs foyers, le temple fut relevé de ses ruines, et leur ville fut rebâtie. Mais nous, mes frères, quand finira cette autre captivité qui dure depuis le commencement du monde ? quand en verrons-nous tomber les liens ? Quand se relèvera pour nous la sainte Jérusalem ? Ce sera sans doute à la fin de cette septuagésime qui se compose du nombre dix et du nombre sept, à cause des dix commandements de Dieu qui nous ont été faits et des sept obstacles qui retardent notre marche dans la voie de ces commandements.

Le premier obstacle que nous rencontrons et qui absorbe une partie de notre temps, ce sont les nécessités de ce misérable corps ; qui doute, en effet, que nous soyons fréquemment détournés des exercices spirituels, par le besoin de prendre du sommeil, de la nourriture, des vêtements et le reste ? En second lieu, nous sommes encore retenus par les vices de l'âme, tels que la légèreté, les soupçons, les mouvements d'impatience et d'envie, le désir de la louange et le reste que nous éprouvons tous les jours en nous. Le troisième et le quatrième obstacle consistent dans les prospérités et dans les adversités de ce monde. Car, de même que le corps, parce qu'il est corruptible, appesantit l'âme, ainsi notre habitation terrestre pèse, sur un esprit qui songe à mule choses à la fois. Prenez donc doublement garde de tomber dans les filets de la tentation, et cherchez les armes de la justice, pour la repousser, à droite et à gauche. Le cinquième, le plus grave et le plus redoutable obstacle, se trouve dans l'ignorance. En mille circonstances, en effet, nous ne savons point ce que nous devons faire, si bien que nous ignorons même ce que nous devons demander à Dieu dans la prière, pour le prier comme on doit le faire. Le sixième obstacle est la présence de notre ennemi, qui tourne autour de nous comme un lion rugissant, cherchant qui il pourra dévorer. Plût au ciel que nous en fussions quittes pour ces six obstacles à surmonter, et que le septième ne nous atteignît point, et que nous n'eussions aucun péril à redouter des faux frères. Oui plût à Dieu que nous n'eussions à essuyer d'assaut, que des esprits malins avec leurs suggestions, et que les hommes ne pussent nous nuire par leurs pernicieux exemples, par leurs conseils importuns, par leurs paroles flatteuses on. médisantes, et de mille autres manières encore.

Vous voyez combien il nous est nécessaire, pour triompher de ces sept obstacles qui s'opposent à notre marche, que nous soyons aidés des sept dons du Saint-Esprit. C'est donc à cause de ces sept obstacles, qui nous retardent dans la voie des commandements de Dieu, que nous passons le temps dans les larmes de la pénitence, le temps de la Septuagésime, pendant lequel nous cessons de chanter le solennel Alléluia, et nous reprenons, dès le commencement, la lamentable histoire de la chute de l'homme.

Saint Bernard, premier sermon pour le dimanche de la Septuagésime.

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Saint Jean Chrysostome évêque confesseur et docteur

27 Janvier 2024 , Rédigé par Ludovicus

Saint Jean Chrysostome évêque confesseur et docteur

Collecte

Que la grâce céleste fasse croître, nous vous en prions Seigneur, votre Église que vous avez voulu illuminer par les glorieux mérites et les enseignement du bienheureux Jean Chrysostome, votre Confesseur et Docteur.

Office

AU DEUXIÈME NOCTURNE.

Quatrième leçon. Jean, né à Antioche, fut surnommé Chrysostome, à cause du fleuve d’or de son éloquence. Il quitta le barreau et les affaires du siècle pour s’adonner entièrement à l’étude des saintes lettres, dans laquelle il s’attira beaucoup de louanges par son génie et par sa science. Aussi ayant été initié aux mystères sacrés, puis fait Prêtre de l’Église d’Antioche, il fut préposé, malgré lui, à l’Église de Constantinople, après la mort de Nectaire, par les soins de l’empereur Arcadius. Dès qu’il eut reçu la charge pastorale, il commença à s’élever avec force contre la corruption des mœurs et la vie licencieuse des grands. Cette liberté le rendit l’objet d’une haine profonde de la part d’un grand nombre. Il blessa même vivement l’impératrice Eudoxie, en lui reprochant de s’être emparée de l’argent de la Veuve Callitrope, et du champ d’une autre veuve.

Cinquième leçon. C’est pourquoi les ennemis du Saint réunirent à Chalcédoine une assemblée de quelques Évêques ; Jean ayant été cité, ne voulut pas s’y rendre, disant que ce concile n’était ni public ni légitime. Il fut donc envoyé en exil, principalement par les efforts d’Eudoxie ; mais peu après, le regret de son absence excita une sédition parmi le peuple, et on le rappela aux grands applaudissements de la cité. Comme il ne laissait pas de tonner contre les vices, et qu’il défendait de célébrer des jeux devant la statue d’argent d’Eudoxie, sur la place de Sainte-Sophie, une conspiration des Évêques s.es ennemis le contraignit de nouveau à s’exiler, tandis que les veuves et les indigents pleuraient le bannissement de leur père commun. On ne saurait croire combien de maux Chrysostome souffrit en exil, ni combien d’âmes il convertit à la foi de Jésus-Christ.

Sixième leçon. Tandis que le souverain Pontife Innocent Ier, par un décret porté dans un concile tenu à Rome, le rétablissait sur son siège, il était accablé durant le voyage, de souffrances et de privations inouïes par les soldats qui le gardaient. Comme on le conduisait par l’Arménie, le Martyr saint Basilisque, dans l’église duquel il avait auparavant prié, lui parla ainsi durant la nuit : « Jean, mon frère, le jour de demain nous réunira dans un même lieu. » Il prit donc le lendemain le sacrement de l’Eucharistie, et, s’étant muni du signe de la croix, il rendit son âme à Dieu, le dix-huit des calendes d’octobre. Après sa mort, une effroyable grêle tomba sur Constantinople, et quatre jours plus tard, l’impératrice quitta cette vie. Théodose, fils d’Arcadius, fit apporter le corps du Saint à Constantinople avec une pompe insigne et au milieu d’une grande affluence de peuple : il le fit ensevelir honorablement le six des calendes de février, et lui-même, vénérant ses reliques, implora le pardon de ses parents. Depuis, le corps du Saint, ayant été transporté à Rome, fut enseveli dans la basilique Vaticane. Tous admirent le nombre, la piété, la beauté de ses sermons et de ses autres écrits, sa manière d’interpréter les livres sacrés et de les expliquer en s’attachant au sens littéral des paroles. Il semble que saint Paul lui ait dicté beaucoup des choses qu’il a écrites ou prêchées, et tout le monde l’estime digne d’une telle faveur. Pie X a déclaré et constitué cet illustre saint, Docteur de l’Église universelle et céleste patron de tous les orateurs sacrés.

Avant l’arrivée de notre Emmanuel, les hommes étaient comme des brebis sans pasteur ; le troupeau était dispersé, et le genre humain courait à sa ruine. Jésus ne s’est donc pas contenté d’être l’Agneau destiné à l’immolation pour nos péchés ; il a voulu revêtir le caractère de Pasteur, pour nous rallier tous dans le divin bercail. Mais, comme il devait remonter aux cieux, il a pourvu aux besoins de ses brebis en établissant une suite de pasteurs qui paissent, en son nom, le troupeau, jusqu’à la consommation des siècles. Or, les brebis du Seigneur ont principalement besoin de la doctrine, qui est la lumière dévie ; c’est pourquoi l’Emmanuel a voulu que les Pasteurs fussent aussi docteurs. La Parole divine et les Sacrements, telle est la dette des pasteurs envers leurs troupeaux. Ils doivent dispenser par eux-mêmes, et sans cesse, cette double nourriture à leurs brebis, et donner leur vie, s’il le faut, pour l’accomplissement d’un devoir sur lequel repose l’œuvre tout entière du salut du monde.

Mais, comme le disciple n’est point au-dessus du Maître, les Pasteurs et Docteurs du peuple chrétien, s’ils sont fidèles, sont en butte à la haine des ennemis de Dieu ; car ils ne peuvent étendre le royaume de Jésus-Christ qu’au détriment de la domination de Satan. Aussi l’histoire de l’Église n’est-elle, à chaque page, que le récit des persécutions qu’ont endurées les Pasteurs et Docteurs qui ont voulu continuer le ministère de zèle et de charité que le Christ a ouvert sur la terre. Trois sortes de combats leur ont été livrés dans la suite des siècles, et ont donné occasion à trois admirables victoires. Les Pasteurs et Docteurs des Églises ont eu à lutter contre l’erreur païenne, qui s’opposait par le carnage à la prédication de la loi sublime du Christ ; c’est cette persécution qui a couronné et réuni autour du berceau de l’Emmanuel, dans les quarante jours consacrés à sa Naissance, les Polycarpe, les Ignace, les Fabien, les Marcel, les Hygin, les Télesphore.

Après l’âge des persécutions, une nouvelle arène, non moins glorieuse, s’est ouverte pour les Pasteurs et Docteurs du peuple chrétien. Les princes, devenus d’abord enfants de l’Église, ont voulu bientôt l’enchaîner. Ils ont cru dans l’intérêt de leur politique d’asservir cette parole qui doit librement parcourir le monde en tous sens, comme la lumière visible qui est son image. Ils ont voulu être prêtres et pontifes, comme aux jours du paganisme, et mettre arrêt sur ces sources de vie qui se tarissent dès qu’une main profane les a touchées. Une lutte incessante s’est établie entre les deux pouvoirs, spirituel et temporel ; cette longue période a produit aussi ses athlètes et ses martyrs. En chaque siècle, Dieu a glorifié son Église par les combats et les triomphes de plus d’un vaillant champion de la parole et du ministère. Thomas de Cantorbéry, Hilaire de Poitiers, représentent dignement ces chevaliers à la Cour du Roi nouveau-né.

Mais il est une autre série de combats pour les Pasteurs et Docteurs du peuple fidèle : c’est la lutte contre le monde et ses vices. Elle dure depuis le commencement du Christianisme, elle occupera les forces de l’Église jusqu’au dernier jour ; et c’est parce qu’ils l’ont soutenue avec courage, que tant de saints prélats ont été odieux pour le nom de Jésus-Christ. Ni la charité, ni les services de tout genre, ni l’humilité, ni la mansuétude, ne les ont garantis de l’ingratitude, de la haine, de la calomnie, des persécutions ; parce qu’ils étaient fidèles à proclamer la doctrine de leur Maître, à venger la vertu, à s’opposer aux pécheurs. François de Sales n’a pas été plus exempt des effets de la malice des hommes que Jean Chrysostome lui-même, dont le triomphe réjouit aujourd’hui l’Église, et qui se présente au berceau de l’Emmanuel comme le plus illustre des martyrs du devoir pastoral.

Disciple du Sauveur des hommes jusque dans la pratique de ses conseils par la profession monastique, ce prédicateur à la bouche d’or n’a employé le don de son éloquence sublime qu’à recommander les vertus apportées par le Christ sur la terre, qu’à reprendre toute sorte de pécheurs. Une impératrice, dont il avait dénoncé les vanités païennes ; des hommes puissants, dont il avait signalé les œuvres mauvaises ; des femmes influentes, aux oreilles desquelles sa voix importune tonnait trop souvent ; un évêque d’Alexandrie, des prélats de cour, plus jaloux encore de sa réputation que de sa vertu : telles sont les forces que l’enfer réunit contre Jean. L’amour de son peuple ne le garantira pas plus que la sainteté de sa vie ; et l’on verra cet illustre pontife qui avait ravi par le charme de sa parole les habitants d’Antioche, et autour duquel Constantinople tout entière se réunissait dans un enthousiasme qui ne se ralentit pas un seul jour, après s’être vu déposé dans un indigne conciliabule, après avoir vu son nom effacé des diptyques de l’autel, malgré la protestation énergique du Pontife romain, s’en aller mourir de fatigue, entre les mains des soldats, sur la route de l’exil.

Mais ce Pasteur, ce Docteur n’était pas vaincu. Il répétait, avec le grand Paul : « Malheur à moi, si je ne prêche pas l’Évangile ! ». Et encore : « La parole de Dieu ne s’enchaîne pas. ». L’Église triomphait en lui, plus glorifiée et plus consolidée par la constance de Chrysostome mené en captivité pour avoir prêché la doctrine de Jésus-Christ, que par les succès de cette éloquence que Libanius avait enviée pour le paganisme. Écoutons les fortes paroles de Chrysostome, à la veille de partir pour son dernier exil. Déjà il a été enlevé une fois ; mais un affreux tremblement de terre, présage de la colère du ciel, a contraint Eudoxie elle-même à demander avec larmes son rappel à l’Empereur. De nouveaux orages se forment contre Jean ; mais il sent que toute la force de l’Église est en lui, et il défie la tempête. Apprenons ce que c’est qu’un Évêque formé à l’école de Jésus-Christ, le Pasteur et l’Évêque de nos âmes, comme parle saint Pierre :

« Les flots et la tourmente s’avancent contre nous ; cependant nous ne craignons pas d’en être submergés ; car nous sommes assis sur la pierre. Que la mer s’élance dans tout son courroux, elle ne dissoudra pas la pierre ; que les flots montent, ils ne submergeront pas le vaisseau de Jésus. Je vous le demande, que craindrions-nous ? La mort ? Mais le Christ est ma vie, et mourir m’est un gain L’exil, me direz-vous ? Mais la terre est au Seigneur, avec tout ce qu’elle renferme. La confiscation des biens ? Mais nous n’avons rien apporté en venant en ce monde, et nous rien pouvons rien emporter. Les terreurs de ce monde me sont à mépris, et ses biens n’excitent que ma risée. Je ne crains pas la pauvreté, je ne convoite pas les richesses, je ne redoute pas la mort ; et si je désire vivre, c’est uniquement pour votre avantage. Votre intérêt est même le seul motif qui me porte à faire allusion à la circonstance présente.
« Voici la prière que je fais à votre charité : « Ayez confiance. Nul ne pourra nous séparer ; ce que Dieu a joint, ce n’est pas à l’homme de le désunir. Dieu l’a dit à propos de l’union de l’homme et de la femme. Tu ne peux, ô homme ! briser le lien d’un seul mariage ; comment pourrais-tu diviser l’Église de Dieu ? C’est donc elle que tu attaques, parce que tu ne peux atteindre celui que tu poursuis. Le moyen de rendre ma gloire plus éclatante, d’épuiser plus sûrement encore tes forces, c’est de me combattre ; car il te sera dur de regimber contre l’aiguillon. Tu n’en émousseras pas la pointe, et tes pieds en seront ensanglantés. Les flots n’entament pas le rocher ; ils retombent sur eux-mêmes, écume impuissante.
« O homme ! Rien n’est comparable à la force de l’Église. Cesse la guerre, si tu ne veux pas sentir épuiser tes forces ; ne fais pas la guerre au ciel. Si tu déclares la guerre à l’homme, tu peux vaincre, ou succomber ; mais quand tu attaques l’Église, l’espoir de vaincre t’est interdit ; car Dieu est plus fort que tout. Serions-nous donc jaloux du Seigneur ? Serions-nous plus puissants que lui ? Dieu a fondé, il a affermi ; qui essaiera d’ébranler ? Tu ne connais donc pas sa force ? Il regarde la terre, et il la fait trembler ; il commande, et ce qui était ébranlé devient solide. Si naguère il a raffermi votre ville agitée par un tremblement de terre, combien plus pourra-t-il rasseoir l’Église ! Mais elle est plus solide que le ciel même. Le ciel et la terre passeront, dit le Seigneur ; mais mes paroles ne passeront point. Et quelles paroles ? Tu es Pierre, et sur cette pierre qui est à moi, je bâtirai mon Église, et les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle.
« Si tu ne crois pas à cette parole, crois aux faits. Combien de tyrans ont essayé d’écraser l’Église ? Que de bûchers, que de bêtes féroces, que de glaives ! Et tout cela pour ne rien produire. Où sont maintenant ces redoutables ennemis ? Le silence et l’oubli en ont fait justice. Et l’Église, où est-elle ? Sous nos yeux, plus resplendissante que le soleil. Mais si, lorsque les chrétiens étaient en petit nombre, ils n’ont pas été vaincus ; aujourd’hui que l’univers entier est plein de cette religion sainte, comment les pourrais-tu vaincre ? Le ciel et la terre passeront, dit le Christ, mais mes paroles ne passeront, pas. Et il en doit être ainsi ; car l’Église a est plus aimée de Dieu que le ciel même. Ce n’est pas du ciel qu’il a pris un corps ; la chair qu’il a prise appartient à l’Église. Le ciel est pour l’Église, et non pas l’Église pour le ciel.
« Ne vous troublez pas de ce qui est arrivé. Faites-moi cette grâce, d’être immobiles dans la foi. N’avez-vous pas vu Pierre, lorsqu’il marchait sur les eaux, pour avoir douté un instant, courir le risque d’être submergé, non par l’impétuosité des flots, mais à cause de la faiblesse de sa foi ? Sommes-nous donc montés sur ce siège par les calculs humains ? L’homme nous a-t-il élevé, pour que l’homme nous puisse renverser ? Je ne le dis pas par arrogance, ni par une vaine jactance : à Dieu ne plaise ! je veux seulement affermir ce qui en vous serait flottant.
« La ville était rassise sur ses bases ; le diable a voulu ébranler l’Église. O esprit de scélératesse et d’infamie ! tu n’as pas su renverser des murailles, et tu espères ébranler l’Église ! Consiste-t-elle donc dans des murailles, l’Église ? Non ; l’Église, c’est la multitude des fidèles ; ils sont ses fermes colonnes, non liées avec le fer, mais serrées par la foi. Je ne dis pas seulement qu’une telle multitude a plus de force que le feu ; ta rage ne saurait triompher même d’un seul chrétien. Rappelle-toi quelles blessures t’ont infligées les martyrs. N’a-t-on pas vu souvent comparaître une jeune fille délicate, amenée devant le juge, avant l’âge nubile ? Elle était plus tendre que la cire, et cependant plus ferme que la pierre. Tu déchirais ses flancs ; tu ne lui enlevais pas la foi. La chair cédait sous l’instrument de torture, la constance dans la foi ne cédait pas. Tu n’as pu vaincre même une femme, et tu espères surmonter tout un peuple ? Tu n’as donc pas entendu le Seigneur qui disait : Là où deux ou trois sont rassemblés en mon Nom, j’y suis au milieu d’eux ? Et il ne serait pas présent au milieu d’un peuple nombreux, enchaîné par les liens de la charité !
« J’ai en mes mains le gage, je possède sa promesse écrite ; c’est là le bâton sur lequel je m’appuie, c’est là ma sécurité, c’est là mon port tranquille. Que l’univers entier s’agite ; je me contente de relire ces caractères sacrés ; c’est là mon mur, c’est là ma forteresse. Mais quels caractères ? Ceux-ci : Je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la consommation des siècles. Le Christ est avec moi ! qu’ai-je à craindre ? Quand les flots s’élèveraient contre moi, quand les mers, quand la fureur des princes ; pour moi, tout cela est moins qu’une toile d’araignée. Si votre charité ne m’eût retenu, j’étais prêt à partir pour l’exil, dès aujourd’hui même. Voici ma prière : « Seigneur, que votre volonté se fasse ; non telle ou telle volonté, mais la vôtre. Qu’il arrive ce que Dieu voudra ; s’il veut que je reste ici, je l’en remercie ; en quelque lieu qu’il veuille que je sois transporté, je lui rends grâces. »

Tel est le cœur du ministre de Jésus-Christ, humble et invincible. Et Dieu donne de ces hommes dans tous les siècles ; et quand ils deviennent rares, tout languit et s’éteint. Quatre Docteurs de ce caractère ont été donnés à l’Église Orientale : Athanase, Grégoire de Nazianze, Basile et Chrysostome ; et le siècle qui les a produits conserva la foi, malgré les plus redoutables périls. Les deux premiers brillent au Cycle, à l’époque où l’Église est toute radieuse de l’éclat de son Époux ressuscité ; le troisième signale le temps où les dons de l’Esprit d’amour ont fécondé l’Église ; Chrysostome nous réjouit par sa présence, en ce jour où le Verbe de Dieu nous apparaît sous les livrées de l’infirmité et de l’enfance. Nous, heureux fils de l’Église latine qui seule a eu le bonheur de conserver la foi primitive, parce que Pierre est avec elle, honorons ces quatre fortes colonnes de l’édifice de la tradition ; mais rendons aujourd’hui nos hommages à Chrysostome, le Docteur de toutes les Églises, le vainqueur du monde, le Pasteur inébranlable, le successeur des Martyrs, le prédicateur par excellence, l’admirateur de Paul, l’imitateur du Christ.

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Super Col., cap. 1 l. 3

26 Janvier 2024 , Rédigé par Ludovicus

Super Col., cap. 1 l. 3

Lectio 3

Super Col., cap. 1 l. 3 Supra posuit materiam gratiarum actionis, ostendens pro quibus bonis gratias egit, hic ostendit orationem, innuens quid pro eis petit. Et primo praemittit conditiones orationis; secundo subdit bona petita, ibi ut impleamini. Oratio tres habet conditiones: primo quod sit tempestiva, unde subdit ex qua die, etc., supple: coepimus orare. Jr. XXXI, 20: ex quo locutus sum de eo, adhuc recordabor eius, et cetera. Secundo quod sit continua, ibi non cessamus, et cetera. I R. XII, 23: absit autem a me hoc peccatum in Domino, ut cessem orare pro vobis. Rm. I, 9: sine intermissione memoriam vestri facio semper in orationibus meis. Tertio multiplex et perfecta, ibi orantes et postulantes. Oratio est ascensus mentis in Deum. Postulatio est rerum petitio. Oratio debet praecedere ut devote petens exaudiatur, sicut petentes praemittunt persuasionem ut inclinent; sed nos debemus praemittere devotionem et meditationem Dei et divinorum, non ut eum flectamus, sed ut nos erigamus in eum. Tria autem petit, scilicet cognitionem veritatis, ibi ut impleamini; operationem virtutis, ibi ut ambuletis; tolerantiam malorum, ibi in omni patientia. Triplicem vero cognitionem optat, scilicet agendorum; unde dicit ut impleamini agnitione, etc., id est ut plene cognoscatis voluntatem Dei. I Th. IV, 3: haec est voluntas Dei, sanctificatio vestra, ut abstineatis, et cetera. Ille ergo cognoscit voluntatem Dei, qui in sanctitate vivit. Qui ergo peccat, non cognoscit voluntatem Dei, quia omnis peccans est ignorans. Rm. XII, 2: ut probetis quae sit voluntas Dei, et cetera. Item cognitionem divinorum, ibi in omni sapientia, quae est cognitio divinorum, secundum Augustinum. Sg. I, 1: sentite de Domino in bonitate. Item spiritualium donorum, ibi et intellectu spirituali, id est non harum corporalium rerum. I Cor. II, 12: nos autem non spiritum huius mundi accepimus, sed Spiritum qui ex Deo est. Et apte coniunguntur haec duo, sapientia et intellectus, quia minor est sapientia, si intellectu careat, ut dicit Gregorius; et inutilis est intellectus sine sapientia, quia sapientia iudicat, et intellectus capit, et non valet capere, nisi iudicet, et e converso. Glossa dicit quod primum sumitur generaliter; secundum pertinet ad activam vitam; tertium ad contemplativam. Nec sufficit cognoscere, quia scienti bonum et non operanti, peccatum est illi, ut dicitur Jc. IV, 17. Unde oportet quod adsit virtuosa operatio, quam primo tangit, ibi ut ambuletis digne Deo. Indigne enim ambulat qui non vivit sicut decet filium Dei. II Cor. VI, 4: in omnibus exhibeamus nosmetipsos sicut Dei ministros in multa patientia, et cetera. I Th. IV, 6: sicut praediximus et testificati sumus. Secundo tangit rectam intentionem, ibi per omnia placentes. Sg. IV, 10: placens Deo factus est dilectus. Tertio studium proficiendi, ibi in omni opere bono, et cetera. Semper enim homo debet niti ad ulterius bonum. Eccli. XXIV, 23: flores mei fructus honoris et honestatis. Rm. VI, 22: habetis fructum vestrum in sanctificationem, et cetera. Ad fructificationem sequitur augmentum scientiae; ideo dicit et crescentes, et cetera. Ex hoc enim quod aliquis studet implere mandata disponitur ad cognitionem. Ps. CXVIII, 100: super senes intellexi, quia mandata tua quaesivi. Sg. I, 4: non habitabit in corpore subdito peccatis. Et dicit Dei, non mundi. Sg. X, 10: dedit illi scientiam sanctorum, et cetera. Deinde tangit tolerantiam malorum, quia ad virtutem non sufficit scire vel velle, nisi immobiliter operetur, quod non potest esse sine patientia et malorum tolerantia. Et ideo dicit in omni virtute confortati. Eccli. XLVII: divites in virtute pulchritudinis studium habentes. Quae virtus est a Deo. Unde dicit secundum potentiam claritatis eius. Ep. VI, 10: confortamini in Domino. Sed addit claritatis eius, id est Christi, qui est claritas Patris, quia pergere ad peccatum, est pergere ad tenebras. Sg. VII, 25: vapor est enim virtutis Dei, et emanatio quaedam est claritatis omnipotentis Dei sincera. Deinde cum dicit in omni patientia, etc., petit eis tolerantiam in adversis. Quidam enim deficiunt vel propter difficultatem adversorum, et ideo oportet habere patientiam. Lc. XXI, 19: in patientia vestra possidebitis animas vestras. Vel propter dilationem praemii. Et ideo dicit et longanimitate, quae facit sustinere rem promissam. Ha. II, 3: si moram fecerit, expecta eum, et cetera. He. VI, 15: longanimiter ferens adeptus est repromissionem. Sed aliqui haec duo vitant, sed cum tristitia. Contra hoc dicit cum gaudio. Jc. I, 2: omne gaudium existimate, fratres, cum in varias tentationes incideritis, et cetera. Deinde cum dicit gratias agentes, etc., agit gratias pro beneficiis exhibitis omnibus fidelibus. Et hoc pro beneficio gratiae, quod primo ponit; secundo pro fructu gratiae, ibi qui eripuit. Dicit ergo: oramus pro vobis agentes gratias Deo, scilicet creanti, et Patri, scilicet adoptanti, qui dignos, et cetera. Dixerunt aliqui quod dona gratiarum dantur pro meritis, et quod Deus dat dignis gratiam, non autem indignis; ideo hoc excludit apostolus, quia quidquid habes dignitatis et gratiae, hoc Deus fecit in te: ergo et effectus gratiae. Et ideo dicit qui dignos nos fecit, et cetera. II Cor. III, 5: non quod sufficientes simus cogitare aliquid a nobis, quasi ex nobis, et cetera. In partem sortis sanctorum, et cetera. Omnes homines de mundo secundum naturam sunt boni. Et ideo iustum est eos aliquam partem habere Dei. Mali quidem partem habent voluptates et temporalia. Sg. II, 9: haec est pars nostra, et haec sors nostra. Sancti vero habent ipsum Deum partem. Thren. III, 24: pars mea Dominus. Ps. XV, 5: Dominus pars haereditatis meae. Et ideo dicit qui dignos, et cetera. Et addit sortis, quia dupliciter aliquid dividunt: quandoque per electionem, quando unus hanc, alius illam partem elegit; aliquando sorte. Pr. XVIII, 18: contradictiones comprimit sors. Haec autem pars cedit sanctis non per electionem propriam. Jn. XV, 16: non vos me elegistis, sed ego elegi vos sed quia ipse Deus elegit vos. Sors enim nihil aliud est, quam committere aliquid divino iudicio. Sors autem triplex est, scilicet consultoria, divinatoria, et divisoria. Prima autem in temporalibus non est mala; secunda vana est et mala; tertia in necessitatibus aliquando permittenda. Sed haec per se est possessio luminis. I Tm. ult.: lucem habitat inaccessibilem. Jb. XXXVI, 32: in manibus abscondit lucem, et cetera. Et ex hac parte sequitur effectus gratiae, scilicet translatio de tenebris ad lucem. Et ideo primo ponit translationem, secundo modum in quo homines ante gratiam sunt servi peccati. Nam cum peccatum sit tenebrae, ideo sunt in potestate tenebrarum, sive Daemonum, sive peccatorum. Ep. ult.: adversus rectores mundi tenebrarum harum, et cetera. Is. XLIX, 25: captivitas a forti tollitur, et cetera. Et transtulit, etc., id est, ut essemus regnum Dei. Jn. XIX: regnum meum non est de hoc mundo, et cetera. Et hoc fit quando liberamur a peccato. Ap. V, 10: fecisti nos Deo nostro regnum, et cetera. Vel ad litteram, ut consequeremur vitam aeternam. Mt. III, 2: appropinquabit regnum caelorum. Et hoc est quod dicit regnum filii dilectionis suae. Dilectio, ut dicit Augustinus in Glossa, quandoque dicitur Spiritus Sanctus, qui est amor Patris et Filii. Sed si dilectio sic semper teneretur personaliter, tunc Filius esset Filius Spiritus Sancti; sed quandoque dicitur essentialiter, ut dicitur in Glossa. Filii ergo dilectionis suae dicitur, id est Filii sui dilecti, vel Filii essentiae suae. Sed numquid haec est vera: Filius est Filius essentiae Patris? Dicendum est quod si genitivus designat habitudinem causae efficientis, est falsum, quia essentia non generat, nec generatur. Si autem designat formam, id est habens essentiam suam quasi materialiter, sicut dicitur aliquid egregiae formae, id est habens egregiam formam, sic est vera. Jn. III, 35: Pater diligit Filium, et omnia dedit in manu eius. Deinde cum dicit in quo habemus, etc., ostendit modum translationis. Homo enim existens in peccato dupliciter tenebatur subditus, scilicet per servitutem. Jn. VIII, 34: qui facit peccatum, servus est peccati. Item erat reus poenae, et aversus a Deo. Is. LIX, 2: iniquitates vestrae diviserunt inter vos et Deum vestrum, et peccata vestra absconderunt faciem eius a vobis, ne exaudiret. Haec duo removet Christus, quia, inquantum homo, factus est pro nobis sacrificium et redemit nos in sanguine suo. Et ideo dicit in quo habemus redemptionem. I Cor. VI, 20: empti estis pretio magno. Sed inquantum est Deus, habemus per eum peccatorum remissionem, quia reatus peccati solutus est per eum.

 

Lectio 4

Super Col., cap. 1 l. 4 Postquam superius commemoravit gratiae beneficia specialia et universalia, hic commendat auctorem huius gratiae, scilicet Christum. Et primo per comparationem ad Deum; secundo generaliter per comparationem ad totam creaturam, ibi primogenitus; tertio specialiter per comparationem ad Ecclesiam, ibi et ipse est caput. Circa primum notandum est quod Deus dicitur invisibilis, quia excedit capacitatem visionis cuiuscumque intellectus creati, ita quod nullus intellectus creatus naturali cognitione potest pertingere ad eius essentiam. Jb XXXVI, 26: ecce Deus magnus vincens scientiam nostram. I Tm. ult.: lucem habitat inaccessibilem. Videtur ergo a beatis ex gratia, non ex natura. Ratio huius assignatur a Dionysio, quia omnis cognitio terminatur ad existens, id est ad aliquam naturam participantem esse. Deus autem est ipsum esse non participatum ergo est incognitus. Huius ergo Dei invisibilis Filius est imago. Sed videndum est quomodo dicatur imago Dei, et quare dicatur invisibilis. Et quidem de ratione imaginis sunt tria, scilicet quod sit ibi similitudo, quod deducta sit vel expressa ex eo cum quo est similitudo, et quod deducta sit in aliquo pertinente ad speciem vel signum speciei. Si enim sunt duo similia, quorum unum non derivetur ab alio, neutrum dicimus alterius imaginem, sicut ovum non dicitur imago ovi. Et ideo ab imitando dicitur imago. Item si sit simile, sed non quantum ad speciem, vel signum speciei, tunc nec imago dicitur: sicut in homine multa sunt accidentia, ut color, quantitas, et huiusmodi, et secundum nullum horum dicitur imago. Sed si figuram eius accipiat, sic potest esse imago, quia figura est signum speciei; Filius autem est similis Patri, et Pater similis Filio, sed Filius habet hoc a Patre, Pater autem non a Filio. Et ideo proprie loquendo dicimus Filium imaginem Patris, et non e converso, quia deducitur et derivatur haec similitudo a Patre. Item haec similitudo est secundum speciem, quia Filius in divinis repraesentatur aliquo modo, sed deficienter, per verbum mentis nostrae. Verbum autem mentis nostrae est, quando formamus actu formam rei cuius notitiam habemus, et hoc significamus verbo exteriori. Et hoc verbum sic conceptum est quaedam rei similitudo quam in mente tenemus, et simile secundum speciem. Et ideo verbum Dei imago Dei dicitur. Quantum ad secundum sciendum est quod Arriani hoc verbum male intellexerunt, iudicantes de Dei imagine secundum imagines quae fiebant ab antiquis, ut viderent in eis charos suos subtractos sibi, sicut et nos facimus imagines sanctorum, ut quos non videmus in substantia, videamus in imagine. Et ideo dicunt quod invisibile est proprium Patri, Filius autem est primum visibile, in quo manifestatur bonitas Patris, quasi pater sit vere invisibilis, Filius vero visibilis, et sic alterius essent naturae. Hoc autem excludit apostolus ad He. I, 3 dicens: qui cum sit splendor gloriae, et figura substantiae eius, et cetera. Et sic est imago non solum Dei invisibilis, sed etiam ipse est invisibilis sicut Pater. Qui est imago invisibilis Dei. Deinde cum dicit primogenitus, etc., commendat Christum per comparationem ad creaturam. Et primo facit hoc, secundo exponit, ibi quia in ipso. Circa primum sciendum est quod Arriani sic intelligunt, quasi dicatur primogenitus, quia sit prima creatura: sed hic non est sensus, ut patebit. Et ideo duo sunt videnda, scilicet quomodo haec imago sit genita, et quomodo primogenita creaturae. Quantum ergo ad primum sciendum est quod in unaquaque re generatio est secundum modum sui esse et suae naturae. Alius enim modus generationis est in hominibus, et alius in plantis, et sic de aliis. Natura autem Dei est ipsum esse intelligere, et sic oportet quod eius generatio, vel conceptio intellectualis, sit generatio vel conceptio naturae eius. In nobis autem conceptio intelligibilis non est conceptio naturae nostrae, quia in nobis aliud est intelligere et natura nostra. Et ideo cum haec imago sit verbum et conceptio intellectus, oportet dicere quod sit germen naturae, et sic de necessitate genitus, quia accipit naturam ab alio. Secundo videndum est quomodo dicatur primogenitus. Deus enim non alio se cognoscit et creaturam, sed omnia in sua essentia, sicut in prima causa effectiva. Filius autem est conceptio intellectualis Dei secundum quod cognoscit se, et per consequens omnem creaturam. Inquantum ergo gignitur, videtur quoddam verbum repraesentans totam creaturam, et ipsum est principium omnis creaturae. Si enim non sic gigneretur, solum verbum Patris esset primogenitus Patris, sed non creaturae. Eccli. XXIV, 5: ego ex ore altissimi prodii, primogenita ante omnem creaturam, et cetera. Deinde cum dicit quia in ipso, etc.; exponit quod dixerat, scilicet quod sit primogenitus, quia scilicet est genitus ut principium creaturae. Et hoc quantum ad tria: primo quantum ad rerum creationem; secundo quantum ad earum distinctionem, ibi in caelis; tertio quantum ad conservationem in esse, ibi et omnia in ipso, et cetera. Dicit ergo: est primogenitus creaturae, quia est genitus ut principium omnis creaturae. Et ideo dicit quia in ipso, et cetera. Circa quod sciendum est, quod Platonici ponebant ideas, dicentes, quod quaelibet res fiebat ex eo quod participabat ideam, puta hominis vel alicuius alterius speciei. Loco enim harum idearum nos habemus unum, scilicet filium, verbum Dei. Artifex enim facit artificium, ex hoc quod facit illud participare formam apud se conceptam, quasi involvens eam exteriori materiae: sicut si dicatur quod artifex facit domum per formam rei quam habet apud se conceptam. Et sic Deus omnia in sua sapientia dicitur facere, quia sapientia Dei se habet ad res creatas, sicut ars aedificatoris ad domum factam. Haec autem forma et sapientia est verbum, et ideo omnia in ipso condita sunt, sicut in quodam exemplari, Gn. I: dixit, et facta sunt, quia in verbo suo aeterno creavit omnia ut fierent. Quantum autem ad rerum distinctionem, sciendum est quod aliqui, sicut Manichaei, erraverunt dicentes haec corpora terrena, quia corruptibilia, facta esse a malo Deo, caelestia vero, quia incorruptibilia, a bono Deo, scilicet Patre Christi. Sed mentiuntur, quia in eodem sunt utraque creata. Ideo dicit in caelis, et cetera. Et haec est distinctio secundum partes naturae corporeae. Gn. I, 1: in principio, id est in Filio, creavit Deus, et cetera. Platonici etiam dicunt quod Deus per se creavit creaturas invisibiles, scilicet Angelos, et per Angelos creavit naturas corporeas. Sed hoc excluditur hic, quia dicitur visibilia et invisibilia. De primo He. XI, 3: fide intelligimus esse aptata saecula, ut ex invisibilibus visibilia fierent. De secundo autem Eccli. XLIII, 36 s.: pauca vidimus operum eius, omnia autem Dominus fecit, et cetera. Haec autem distinctio est secundum creaturarum naturam. Tertia distinctio est ordinis et gradus in invisibilibus, cum dicit sive throni, et cetera. Platonici etiam errant hic. Dicebant enim in rebus diversas esse perfectiones, et quamlibet attribuebant uni primo principio, et, secundum ordines earum perfectionum, ponebant ordines principiorum, sicut ponebant primum ens, a quo participant omnia esse, et illud principium ab isto, scilicet primum intellectum, a quo omnia participant intelligere, et aliud principium vitam, a quo omnia participant vivere. Sed nos non sic ponimus, sed ab uno principio res habent quicquid in eis perfectionis est. Et ideo dicit sive throni, etc.; quasi dicat: non dependent ab aliis principiis ordinatis, sed ab ipso uno solo verbo Dei. Sed quid est quod dicit Ep. I, 22: ipsum dedit caput, etc., ubi quaedam diversitas videtur esse ab istis? Solutio. Hic enim enumerat descendendo, quia ostendit progressum creaturae a Deo, ibi ascendendo, quia ostendit quod Filius Dei, secundum quod homo, super omnes creaturas est. Sed tamen ibi principatus ponuntur sub potestatibus, et virtutes inter dominationes et potestates, hic principatus super potestates, et principatus medium inter dominationes et potestates. Et secundum hoc diversae sunt sententiae Gregorii et Dionysii. Dionysius enim ordinat eos secundum quod dicitur ad Ephesios, quia in secunda hierarchia ponit dominationes, virtutes, et potestates. Gregorius vero ordinat eos sicut hic habetur, quia in secunda hierarchia ponit dominationes, principatus et potestates, in tertia vero virtutes, Archangelos et Angelos. Sed sciendum est, quod, sicut Gregorius et Dionysius dicunt, haec dona spiritualia, ex quibus nominantur hi ordines, communia sunt omnibus, tamen quidam nominantur a quibusdam, quidam ab aliis, cuius ratio accipitur ex dictis Platonicorum, quia omne quod convenit alicui, convenit tripliciter, quia aut essentialiter, aut participative, aut causaliter. Essentialiter quidem quod convenit rei secundum proportionem suae naturae, sicut homini rationale. Participative autem quod excedit suam naturam, sed tamen aliquid de illo participat, sed imperfecte, sicut intellectuale homini, quod est supra rationale et est essentiale Angelorum et idem aliquid participat homo. Causaliter vero quod convenit rei supervenienter, sicut homini artificialia, quia in eo non sunt sicut in materia, sed per modum artis. Unumquodque autem denominatur solum ab eo quod convenit ei essentialiter. Unde homo non dicitur intellectualis nec artificialis, sed rationalis. De dictis autem donis in Angelis, ea quae conveniunt superioribus essentialiter, inferioribus conveniunt participative; quae vero inferioribus essentialiter conveniunt, superioribus causaliter conveniunt. Et ideo superiores denominantur a superioribus donis. Supremum autem in creatura spirituali est quod attingit Deum, et quodammodo participat eum. Et ideo denominantur superiores ex hoc, quod attingunt Deum. Seraphim, quasi ardentes Deo vel incendentes; Cherubim, quasi scientes Deum; throni, quasi habentes in seipsis sedentem Deum. Tripliciter enim aliquid potest ab alio participare: uno modo, accipiendo proprietatem naturae eius; alio modo, ut recipiat ipsum per modum intentionis cognitivae; alio modo, ut deserviat aliqualiter eius virtuti, sicut aliquis medicinalem artem participat a medico vel quia accipit in se medicinae artem, vel accipit cognitionem artis medicinalis, vel quia deservit arti medicinae. Primum est maius secundo, et secundum tertio. In sacra autem Scriptura significatur aliquid divinum per ignem. Dt. IV, 24: Dominus Deus tuus ignis consumens est, et cetera. Et ideo supremus ordo dicitur Seraphim, quasi ardentes Deo, et continentes aliquam divinam proprietatem. Secundus ordo est Cherubim, consequentes eum cognitive. Et tertius throni, eius virtuti deservientes. Alii autem ordines non nominantur ex attingendo Deum, sed per aliquam eius operationem. Et aliqui ut dirigentes, et sic sunt dominationes. Alii exequentes, et horum quidem ut principaliores, ut principatus, Ps. LXVII, 26: praevenerunt principes, et cetera. Alii secundum executionem, et sic sunt exequentes supra spirituales creaturas, ut sunt potestates quae arcent Daemones; si supra naturalia, sunt virtutes, quae miracula faciunt; si supra homines, sunt Archangeli ad magna; si Angeli, ad minima. Et sic concludendo dicit omnia per ipsum, sicut per causam effectivam, et in ipso, sicut per causam exemplarem. Jn. I, 3: omnia per ipsum facta sunt, et cetera. Sed quia posset aliquis dicere: numquid omnia sunt aeterna? Ideo apostolus quasi respondens ad hoc, dicit quod non, sed ipse est ante omnia, scilicet tempora et res alias. Pr. VIII, 22: Dominus possedit me in initio viarum suarum, antequam quidquam faceret a principio, et cetera. Vel ante dignitatem. Ps. LXXXVIII, 7: quis similis Deo, et cetera. Quantum ad conservationem dicit et omnia in ipso constant, id est conservantur. Sic enim se habet Deus ad res, sicut sol ad lunam, quo recedente deficit lumen lunae. Et sic si Deus subtraheret suam virtutem a nobis, in momento deficerent omnia. He. I, 3: portans omnia verbo virtutis suae.

 

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Saint Polycarpe évêque et martyr

26 Janvier 2024 , Rédigé par Ludovicus

Saint Polycarpe évêque et martyr

Collecte

O Dieu, qui nous donnez chaque année un nouveau sujet de joie par la solennité de votre Martyr et Pontife, le bienheureux Polycarpe, accordez-nous, dans votre miséricorde, de pouvoir ressentir les effets de la protection de celui dont nous célébrons la naissance.

Office

AU DEUXIÈME NOCTURNE.

Du livre de saint Jérôme, prêtre : Des Écrivains Ecclésiastiques.

Quatrième leçon. Polycarpe, disciple de l’Apôtre Jean, et ordonné par lui Évêque de Smyrne, fut le primat de toute l’Asie. Il eut pour maîtres, ou du moins il vit quelques-uns des Apôtres et plusieurs de ceux qui avaient vu le Seigneur. Au sujet de certaines questions qui s’étaient élevées sur le jour de la Pâque, sous l’empire d’Antonin le Pieux, alors qu’Anicet gouvernait l’Église, il vint à Rome, où il ramena à la foi un grand nombre de fidèles qui s’étaient laissés séduire par les artifices de Marcion et de Valentin. Rencontrant un jour par hasard Marcion, cet hérésiarque lui dit : « Me connais-tu ? » Polycarpe lui répondit : « Je te reconnais pour le fils aîné du diable ». Plus tard, sous les règnes de Marc-Antonin et de Lucius-Aurelius Commode, dans la quatrième persécution depuis celle de Néron, sous les yeux du proconsul de Smyrne, siégeant dans l’amphithéâtre, et du peuple entier faisant entendre des clameurs contre lui, il fut livré au feu. Il avait écrit aux Philippiens une épître fort utile qui se lit encore aujourd’hui dans les Églises d’Asie.

Au milieu des douceurs qu’il goûte dans la contemplation du Verbe fait chair, Jean le Bien-Aimé voit arriver son cher disciple Polycarpe, l’Ange de l’Église de Smyrne, tout resplendissant de la gloire du martyre. Ce sublime vieillard vient de répondre, dans l’amphithéâtre, au Proconsul qui l’exhortait à maudire le Christ : « Il y a quatre-vingt-six ans que je le sers, et il ne m’a jamais fait de mal ; que dis-je ? Il m’a comblé de biens. Comment pourrais-je maudire mon Roi qui m’a sauvé ? » Après avoir passé par le feu et par le glaive, il est arrivé aux pieds de ce Roi Sauveur, et va jouir éternellement du bonheur de sa présence, en retour des quatre-vingt-six ans qu’il l’a servi, des fatigues qu’il s’est données pour conserver dans son troupeau la foi et la charité, et de la mort sanglante qu’il a endurée.

Comme son maître apostolique, il s’est opposé avec énergie aux efforts des hérétiques qui altéraient la foi. Fidèle aux ordres de cet angélique confident de l’Homme-Dieu, il n’a pas voulu que celui qui corrompt la foi du Christ reçût de sa bouche le salut ; il a dit à l’hérésiarque Marcion qu’il ne le reconnaissait que pour le premier-né de Satan. Adversaire énergique de cette orgueilleuse secte qui rougissait de l’Incarnation d’un Dieu, il nous a laissé cette admirable Épître aux Philippiens, dans laquelle il dit : « Quiconque ne confesse pas que Jésus-Christ est venu dans la chair, est un Antéchrist. » Il convenait donc qu’un si courageux témoin fût appelé à l’honneur d’assister près du berceau dans lequel le Fils de Dieu se montre à nous dans toute sa tendresse, et revêtu d’une chair semblable à la nôtre. Honorons ce disciple de Jean, cet ami d’Ignace, cet Evêque de l’âge apostolique, qui mérita les éloges de Jésus-Christ même, dans la révélation de Pathmos. Le Sauveur lui avait dit par la bouche de Jean : « Sois fidèle jusqu’à la mort ; et je te donnerai la couronne de vie. ». Polycarpe a été fidèle jusqu’à la mort ; c’est pourquoi il assiste couronné, en ces jours anniversaires de l’avènement de son Roi parmi nous.

L’Église, dans son Office, lit aujourd’hui, pour Légende, la courte notice, empruntée au livre de saint Jérôme : De Scriptoribus ecclesiasticis.

L’Église Grecque célèbre la gloire de saint Polycarpe dans ses Menées, auxquels nous empruntons les traits suivants :

Quand le fruit de la Vierge , semence féconde destinée à produire le principe de vie, est tombé sur la terre, c’est alors qu’il t’a produit, comme un épi, ô Polycarpe ! pour nourrir les fidèles par la parole et les enseignements de la piété, et pour les sanctifier par le sang divin du combat et parle parfum de la sainteté.
Quand le Christ, la vraie Vigne, eut été élevé sur le bois, c’est alors qu’il t’a développé sur la treille, comme une de ses branches fertiles, taillée par la faucille du martyre sacré, et foulée sous la pression des tourments, et dont nous buvons avec foi le calice d’allégresse, en glorifiant, ô Père, tes illustres combats.
Tu as vraiment cultivé, dans ton âme, le raisin de la charité, ô Père sage ! et tu as répandu, comme le vin, la parole de la foi, réjouissant les âmes de tous les fidèles ; tu as semble une vaste mer de miracles, quand tu as paru, toi l’honneur des martyrs, purifié par le feu, gratifié de la lumière éternelle, ô Polycarpe ! Prie donc le Christ-Dieu de nous donner le pardon de nos péchés, à nous qui célébrons avec amour ta sainte mémoire.
Marchant dans la droiture, et apparaissant comme le fils de la lumière et de la paix, tu as démasqué Marcion le premier-né de la nuit.
Par la fermeté de ton âme, tu as surmonté la flamme qui devait te consumer, ô homme plein de gloire I Comme les trois enfants qui ont éteint, par une douce rosée, le feu de la fournaise, tu es demeuré incombustible au milieu des flammes, chantant : Vous êtes béni, Dieu de nos pères !
Tu as cultivé avec piété le champ mystique du Christ, et, victime raisonnable, tu as été offert à Dieu comme un sacrifice agréable et excellent, comme une hostie abondante en fruits, ainsi que porte ton nom, ô Polycarpe trois fois heureux !
Toi qui as paru sur la croix, tu es entré par ton propre sang dans le temple de Dieu, ô Père ! toi qui es revêtu dignement de l’ornement hiérarchique.
Pour être présenté au Christ le Chef des pasteurs, tu as été marqué par le Christ comme le bélier du sacrifice ; tu t’es montré imitateur de ses souffrances, et tu as été fait participant de sa gloire, cohéritier de son royaume, ô Hiérophante !
Ta fête éclatante de mille feux, ô Père, illumine les âmes de ceux qui la célèbrent avec piété, ô homme divin ! Elle les rend tous participants de ta divine splendeur que nous glorifions dignement dans nos hymnes, ô sage !

Vous avez rempli toute retendue de votre nom, ô Polycarpe ! car vous avez produit beaucoup de fruits pour le Sauveur, durant les quatre-vingt-six ans que vous avez passés à son service. Ces fruits ont été les âmes nombreuses que vous avez gagnées au Christ, les vertus qui ont orné votre vie, enfin votre vie elle-même que vous avez rendue comme un fruit mûr à ce Sauveur. Quel bonheur a été le vôtre, d’avoir reçu les leçons du disciple qui se reposa sur la poitrine de Jésus ! Après une séparation de plus de soixante années, vous allez le rejoindre aujourd’hui ; et cet ineffable maître vous salue avec transport. Vous adorez ensemble ce divin Enfant dont vous avez imité la simplicité, et que vous aimiez uniquement ; demandez-lui pour nous de lui être comme vous « fidèles jusqu’à la mort ».

Cultivez encore du haut du ciel, ô Polycarpe, ce champ de l’Église, que vous avez fécondé par vos labeurs et arrosé de votre sang. Rétablissez la foi et l’unité au sein des Églises de l’Asie qui furent édifiées par vos mains vénérables. Hâtez, par vos prières, la dissolution de l’Islamisme, qui n’a dû ses succès et sa durée qu’aux tristes effets du schisme byzantin. Souvenez-vous de la France à qui vous avez envoyé d’illustres Apôtres, martyrs comme vous. Bénissez paternellement l’Église de Lyon qui vous révère comme son fondateur par le ministère de votre disciple Pothin, et qui prend elle-même une part si glorieuse dans l’Apostolat des Gentils, par son Œuvre de la Propagation de la Foi.

Veillez sur la conservation de la foi dans sa pureté ; gardez-nous du contact des séducteurs. L’erreur que vous avez combattue, et qui ne veut voir dans les mystères du Fils de Dieu incarné que des symboles stériles, s’est ranimée de nos jours. Marcion a reparu avec ses mythes orgueilleux ; soufriez sur ces derniers débris d’un système suranné qui égare encore quelques âmes. Rendant hommage à la Chaire Apostolique, vous aussi vous avez voulu voir Pierre ; et Rome vous a vu venir conférer avec son Pontife des intérêts de votre Église de Smyrne. Vengez les droits de ce Siège auguste, d’où découle, pour nos Pasteurs, la seule mission légitime, et pour tous, les enseignements souverains de la foi. Obtenez-nous de passer les derniers jours de cette pieuse quarantaine dans un recueillement profond et dans l’amour de notre Roi nouveau-né. Que cet amour, joint à la pureté de nos cœurs, nous obtienne faveur et miséricorde ; et, pour consommer notre carrière, demandez pour nous la couronne de vie.

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Conversion de Saint Paul apôtre mémoire de Saint Pierre Apôtre

25 Janvier 2024 , Rédigé par Ludovicus

Conversion de Saint Paul apôtre  mémoire de Saint Pierre Apôtre

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O Dieu, qui avez instruit le monde entier par la prédication du bienheureux Apôtre Paul, accordez-nous, nous vous en supplions, que célébrant aujourd’hui sa conversion, nous avancions vers vous en imitant ses exemples.

Office

Au premier nocturne.

Des Actes des Apôtres.
Première leçon. Saul, respirant encore menaces et meurtre contre les disciples du Seigneur, vint auprès du prince des prêtres, et lui demanda des lettres pour les synagogues de Damas, afin que, s’il y trouvait des hommes et des femmes de cette voie, il les conduisît enchaînés à Jérusalem. Comme il était en chemin, et qu’il approchait de Damas, tout à coup une lumière du ciel brilla autour de lui. Et, tombant à terre, il entendit une voix qui lui disait : Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ? Il dit : Qui êtes-vous, Seigneur ? Et le Seigneur : Je suis Jésus que tu persécutes ; il t’est dur de regimber contre l’aiguillon.
Deuxième leçon. Alors, tremblant et frappé de stupeur, il dit : Seigneur, que voulez-vous que je fasse ? Et le Seigneur lui répondit Lève-toi, entre dans la ville ; car c’est là que te sera dit ce qu’il faut que tu fasses. Or les hommes qui l’accompagnaient demeuraient tout étonnés, entendant bien la voix, mais ne voyant personne. Saul se leva donc de terre, et, les yeux ouverts, il ne voyait rien. Ainsi, le conduisant par la main, ils le firent entrer dans Damas. Et il y fut trois jours ne voyant point ; et il ne but ni ne mangea.Troisième leçon. Or il y avait un certain disciple à Damas, du nom d’Ananie ; et le Seigneur lui dit en vision : Ananie. Et il dit : Me voici, Seigneur. Et le Seigneur lui dit : Lève-toi, et va dans la rue qu’on appelle Droite, et cherche dans la maison de Judas un nommé Saul de Tarse ; car il est en prières. (Saul vit aussi un homme du nom d’Ananie, entrant et lui imposant les mains, pour qu’il recouvrât la vue). Ananie répondit : Seigneur, j’ai appris d’un grand nombre de personnes combien cet homme a fait de maux à vos saints dans Jérusalem ; ici même, il a le pouvoir des princes des prêtres, pour charger de liens ceux qui invoquent votre nom. Mais le Seigneur lui repartit : Va, car cet homme m’est un vase d’élection, pour porter mon nom devant les Gentils, les rois et les enfants d’Israël. Aussi je lui montrerai combien il faut qu’il souffre pour mon nom.
 

Au deuxième nocturne.

Sermon de saint Augustin, évêque.

Quatrième leçon. On nous a lu aujourd’hui le passage des Actes des Apôtres ou l’on rapporte que l’Apôtre Paul devint, de persécuteur des Chrétiens, prédicateur du Christ. Le Christ, en effet, a renversé un persécuteur pour en faire un docteur de l’Église ; le frappant et le guérissant, lui donnant à la fois la mort et la vie. Agneau immolé par des loups, il change les loups en agneaux. Dans la célèbre prophétie où nous voyons le patriarche Jacob bénir ses enfants (la main étendue sur ceux qui étaient présents et les yeux fixés sur l’avenir), se trouve prédit ce qui s’est accompli dans Paul. Paul était, comme il l’atteste lui-même, de la tribu de Benjamin. Or, lorsqu’en bénissant ses fils, Jacob fut arrivé à bénir Benjamin, il dit de lui : « Benjamin, loup ravissant. »
Cinquième leçon. Quoi ? Sera-t-il toujours loup ravisseur ? Nullement ; mais « celui qui, le matin, ravit la proie, partage le soir les aliments. » Voilà ce .qui s’est accompli dans l’Apôtre saint Paul, que cette prédiction concernait. Considérons-le maintenant, si vous le voulez bien, ravissant le matin, et partageant le soir les dépouilles. Matin et soir sont mis ici pour d’abord et ensuite. Nous entendrons donc ainsi cette proposition : il ravira d’abord, et ensuite il partagera les aliments. Voyez le ravisseur : Saul, disent les Actes, ayant reçu les lettres des princes des prêtres, allait (à Damas) afin que partout où il trouverait des Chrétiens, il les entraînât et les amenât aux prêtres pour être châtiés.
Sixième leçon. Il allait, respirant et exhalant le meurtre ; c’est-à-dire, ravissant le matin. Aussi quand Étienne, le premier Martyr, fut lapidé pour le nom du Christ, Paul était-il très manifestement présent, et il assistait même au supplice d’Étienne avec des sentiments si hostiles que, pour lui, ce n’était pas assez de le lapider de ses propres mains : afin de se trouver en quelque sorte dans toutes les mains qui lançaient des pierres, il gardait les vêtements de tous les bourreaux, exerçant mieux sa fureur en les secondant tous, que s’il l’eût lapidé de ses propres mains. Nous comprenons la première partie de la prophétie : « Il ravira le matin. » Voyons de quelle manière il partage les aliments le soir. Du ciel la voix du Christ le terrasse, il reçoit d’en haut l’ordre de ne plus sévir, et il tombe la face contre terre : il devait être abattu d’abord, puis relevé ; d’abord frappé, puis guéri.
 

Au troisième nocturne.

Homélie de saint Béde le Vénérable, Prêtre. Les leçons sont du commun des Apôtres 2, les répons propres à la fête.

Septième leçon. Celui-là est parfait, qui vend tout ce qu’il possède, en donne le prix aux pauvres, et vient se mettre à la suite de Jésus-Christ : aussi aura-t-il dans les cieux un trésor inépuisable. C’est pourquoi, lorsque Pierre l’interrogea, Jésus répondit (en s’adressant à tous ceux qui agissent ainsi) : « En vérité, je vous dis que vous qui m’avez suivi, lorsqu’à la régénération, le Fils de l’homme sera assis sur le trône de sa gloire, vous aussi, vous serez assis sur douze trônes, jugeant les douze tribus d’Israël ». Par ces paroles, il apprit à ceux qui travaillent et souffrent en cette vie pour son nom, à espérer une récompense en l’autre, c’est-à-dire en la régénération, lorsqu’on ressuscitant nous aurons obtenu de renaître pour une vis immortelle, nous qui avions été engendrés dans la condition mortelle pour une vie fragile.
Huitième leçon. Et c’est une récompense bien juste, que ceux qui auront ici-bas méprisé la gloire de toute élévation humaine soient là-haut particulièrement glorifiés par le Christ, et assis auprès de lui à titre de juges, ces hommes qu’aucune considération n’a pu empêcher de suivre les traces de notre Seigneur. Mais que personne ne s’imagine que les Apôtres qui sont au nombre de douze, parce que Mathias fut élu à la place de Judas le prévaricateur, doivent être seuls à juger le monde ; les douze tribus d’Israël ne seront pas non plus seules à subir le jugement, autrement la tribu de Lévi qui est la treizième resterait non jugée.
Neuvième leçon. Et Paul, qui est le treizième Apôtre, se verra-t-il privé du privilège de juger, alors qu’il dit lui-même : « Ne savez-vous pas que nous jugerons les anges ? Combien plus les choses du siècle ? » Or il faut savoir que tous ceux qui, à l’exemple des Apôtres, ont laissé tout ce qu’ils possédaient et suivi le Christ, doivent venir avec lui comme juges, de même que tout le genre humain sera jugé. Dans l’Écriture le nombre douze indique souvent l’universalité, et c’est pourquoi les douze trônes des Apôtres désignent tous ceux qui jugeront, et les douze tribus d’Israël, l’universalité de ceux qui doivent être jugés.

Nous avons vu la Gentilité, représentée aux pieds de l’Emmanuel par les Rois Mages, offrir ses mystiques présents, et recevoir en retour les dons précieux de la foi, de l’espérance et de la charité. La moisson des peuples est mûre ; il est temps que le moissonneur y mette la faucille. Mais quel sera-t-il, cet ouvrier de Dieu ? Les Apôtres du Christ vivent encore à l’ombre de la montagne de Sion. Tous ont reçu la mission d’annoncer le salut jusqu’aux extrémités du monde ; mais nul d’entre eux n’a reçu encore le caractère spécial d’Apôtre des Gentils. Pierre, l’Apôtre de la Circoncision, est destiné particulièrement, comme le Christ, aux brebis perdues de la maison d’Israël. Toutefois, comme il est le Chef et le fondement, c’est à lui d’ouvrir la porte de l’Église aux Gentils. Il le fait avec solennité, en conférant le Baptême au centurion romain Cornélius.

Cependant, l’Église est en travail ; le sang du Martyr Étienne, sa dernière prière, vont enfanter un nouvel Apôtre, l’Apôtre des nations. Saul, citoyen de Tarse, n’a pas vu le Christ dans sa vie mortelle ; et le Christ seul peut faire un Apôtre. Du haut des cieux où il règne impassible et glorifié, Jésus appellera Saul à son école, comme il appelait, durant les années de sa prédication, à suivre ses pas et à écouter sa doctrine, les pêcheurs du lac de Génésareth. Le Fils de Dieu enlèvera Saul jusqu’au troisième ciel, il lui révélera tous ses mystères ; et quand Saul, revenu sur la terre, aura été, comme il le raconte, voir Pierre et comparer son Évangile avec le sien, il pourra dire : « Je ne suis pas moins Apôtre que les autres Apôtres. »

C’est dans ce glorieux jour de la Conversion de Saul, qui bientôt s’appellera Paul, que ce grand œuvre commence. C’est aujourd’hui que retentit cette voix qui brise les cèdres du Liban, et dont la force souveraine fait d’abord un chrétien du Juif persécuteur, qui bientôt sera un Apôtre. Cette admirable transformation avait été prophétisée par Jacob, lorsque, sur sa couche funèbre, il dévoilait l’avenir de chacun de ses enfants, dans la tribu qui devait sortir d’eux. Juda eut les premiers honneurs : de sa race royale, le Rédempteur, l’attente des nations, devait naître. Benjamin fut annoncé, à son tour, sous des traits plus humbles, mais néanmoins glorieux : il sera l’aïeul de Paul, et Paul, l’Apôtre des nations.

Le vieillard avait dit : « Benjamin est un loup ravisseur : le matin, il enlève la proie ; mais le soir, il distribue la nourriture. ». Celui qui, dans la matinée fougueuse de son adolescence, se lance comme un loup respirant la menace et le carnage, à la poursuite des brebis du Christ, n’est-ce pas, comme le dit un antique Docteur, Saul sur la route de Damas, porteur et exécuteur des ordres des pontifes du temple maudit, et tout couvert du sang d’Etienne qu’il a lapidé par les mains de tous ceux dont il gardait les vêtements ? Celui qui, sur le soir, ne ravit plus la dépouille du juste, mais, d’une main charitable et pacifique, distribue à ceux qui ont faim la nourriture qui leur donne la vie, n’est-ce pas Paul, Apôtre de Jésus-Christ, embrasé de l’amour de ses frères, et se faisant tout à tous, jusqu’à désirer d’être anathème pour eux ?

Telle est la force victorieuse de notre Emmanuel, toujours croissante et à laquelle rien ne résiste. S’il veut pour premier hommage la visite des bergers, il les fait convier par ses Anges, dont les doux accords ont suffi pour amener ces cœurs simples à la crèche où repose sous de pauvres langes l’espoir d’Israël. S’il désire l’hommage des princes de la Gentilité, il fait lever au ciel une étoile symbolique, dont l’apparition, aidée du mouvement intérieur de l’Esprit-Saint, détermine ces hommes de désirs à venir, du fond de l’Orient, déposer aux pieds d’un humble enfant leurs dons et leurs cœurs. Quand le moment est venu de former le Collège Apostolique, il s’avance sur les bords de la mer de Tibériade, et cette seule parole : Suivez-moi, a suffi pour attacher à ses pas les hommes qu’il a choisis. Au milieu des humiliations de sa Passion, un regard de sa part change le cœur du Disciple infidèle. Aujourd’hui, du haut du Ciel, tous les mystères accomplis, voulant montrer que lui seul est maître de l’Apostolat, et que son alliance avec les Gentils est consommée, il tonne sur la tête de ce Pharisien fougueux qui croit courir à la ruine de l’Église ; il brise ce cœur de Juif, et il crée par sa grâce ce nouveau cœur d’Apôtre, ce vase d’élection, ce Paul qui dira désormais : « Je vis, mais ce n’est pas moi, c’est le Christ qui vit en moi. »

Mais il était juste que la commémoration de ce grand événement vînt se placer non loin du jour où l’Église célèbre le triomphe du premier des Martyrs. Paul est la conquête d’Etienne. Si l’anniversaire de son martyre se rencontre sous les feux du solstice d’été, il ne pouvait manquer d’apparaître auprès du berceau de l’Emmanuel, comme le plus brillant trophée du Proto-martyr ; les Mages le réclamaient aussi comme le conquérant de cette Gentilité dont ils ont été les prémices.

Enfin, pour compléter la cour de notre grand Roi, il convenait que les deux puissantes colonnes de l’Église, l’Apôtre des Juifs et l’Apôtre des Gentils, s’élevassent aux côtés de la crèche mystique : Pierre, avec ses clefs ; Paul, avec son glaive. C’est alors que Bethléhem nous semble, de plus en plus, la figure de l’Église, et les richesses du Cycle en cette saison plus éblouissantes que jamais.

 

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Super Col

24 Janvier 2024 , Rédigé par Ludovicus

Super Col

Prooemium

Super Col., pr. Protegebat castra gladio suo, et cetera. I Ma. III, 3. Haec verba congruunt materiae huius epistolae ad Colossenses, quia totus status huius vitae est in pugnatione militantium, quorum habitacula castra dicuntur. Jb VII, 1: militia est vita hominis super terram. Ideo habitacula fidelium nomine castrorum figurantur. Unde Ecclesia similitudinem habet castrorum. Gn. XXXII, 2: castra Dei sunt haec. Haec castra tripliciter impugnantur. A quibusdam quasi obsidentibus, qui manifeste se erigunt contra Ecclesiam. Ap. XX, 8: ascenderunt super latitudinem terrae, et circuierunt castra sanctorum et civitatem dilectam. Ab aliis latenter decipitur, sicut ab haereticis. Rm.: per dulces sermones et benedictiones seducunt corda hominum, et cetera. II Tm. III, 13: mali autem homines et seductores proficient in peius, errantes et in errorem mittentes. A quibusdam, scilicet domesticis, per diversas corruptelas peccatorum quae sunt ex corruptione carnis. Ga. V, 17: caro concupiscit adversus spiritum, et spiritus adversus carnem. Eph. ult.: non est nobis colluctatio adversus carnem et sanguinem, sed adversus principes, et cetera. Praelati Ecclesiae sunt duces, Ps. LXVII, 28: principes Iuda duces eorum, ad quorum officium pertinet contra omnia praedicta castra Ecclesiae munire. Contra peccata quidem, per exhortationes. Is. LVIII, 1: annuntia populo meo scelera eorum, et domui Iacob peccata eorum. Contra haereticos, per sanam doctrinam. I Tm. I: amplectentem eum, qui secundum doctrinam est, fidelem sermonem, et cetera. Contra persecutores, exemplo, scilicet patienter tolerando. Sic Paulus protexit gladio spirituali, quia in suis epistolis corripiebat peccata, confutabat haereses, animabat ad patientiam. De primo, Ep. V, 3: fornicatio autem et omnis immunditia aut avaritia nec nominetur in vobis, et cetera. De secundo, Tt. III, 10: haereticum hominem post primam et secundam correptionem devita, et cetera. De tertio, II Cor. XI per totum patet quomodo animabat ad patientiam. Et sic tanguntur duo in verbis propositis, scilicet Ecclesiae status, cum dicitur castra, et apostoli studium, ibi protexit. In castris autem debet esse sollicitudo ad mala vitanda. Dt. XXIII, 14: ut sint castra tua sancta, et nihil in eis appareat foeditatis. Item ordo ad ducem et ad se. Cant. c. VII, 1: quid videbis in Sunamite, nisi choros castrorum? Gen. XXXII, 2: castra Dei sunt haec. Item terror ad hostes. Ct. VI, 3: terribilis ut castrorum acies ordinata. Sed apostolus circa protectionem erat sollicitus tamquam pastor, cuius est dirigere oves diligenter ne errent. Jn. X, 4: ante eas vadit, et cetera. Et sic apostolus faciebat. Ph. III: imitatores mei estote, sicut et ego Christi. Item pascere abundanter, ne deficiant. I P. V, 2: pascite, qui in vobis est, Domini gregem, et cetera. Et sic apostolus faciebat. I Cor. I, 2: tamquam parvulis lac dedi vobis. Item defendere potenter, ne pereant. Eccli. VII, 6: noli velle fieri iudex, nisi valeas virtute irrumpere iniquitates. I R. XVII, 34: pascebat servus tuus patris sui gregem, et veniebat leo, vel ursus, et cetera. Et ideo dicit, quod apostolus protegebat castra, id est Ecclesiam Dei, gladio, quod est verbum Dei, ut dicitur Ep. VI: vivus est enim sermo Dei et efficax et penetrabilior omni gladio ancipiti, et cetera. Sic ergo materia huius epistolae est haec. Quia in epistola ad Ephesios ostendit modum ecclesiasticae unitatis; in epistola ad Philippenses ostendit eius profectum et conservationem; in hac autem agit de eius conservatione contra haereticos, qui depravaverant eos seducendo, et cetera.

 

Caput 1

Lectio 1

Super Col., cap. 1 l. 1 Dividitur autem haec epistola in salutationem, et tractatum, ibi gratias, et cetera. Item primo ponuntur personae salutantes; secundo personae salutatae, ibi his qui sunt; tertio bona optata, ibi gratia vobis. Circa primum primo ponitur principalis persona; secundo adiuncta, ibi et Timotheus. Principalis primo tangitur ex nomine Paulus, id est humilis. Tales enim percipiunt sapientiam. Mt. XI, 25: abscondisti haec a sapientibus et prudentibus, et revelasti ea parvulis. Et ideo docet eam. Secundo ab officio, scilicet apostolus, id est missus, scilicet ad procurandum salutem fidelium. Ac. XIII, 2: segregate mihi Saulum et Barnabam in opus ad quod assumpsi eos. Jn. XX, 21: sicut misit me Pater, et ego mitto vos. Et apostolus, non cuiuslibet, sed Iesu Christi, cuius gloriam quaerit, non sui ipsius. II Cor. IV, 5: non enim nosmetipsos praedicamus, sed Iesum Christum Dominum nostrum, nos autem servos vestros per Iesum. Sed quidam aliquando perveniunt ad officium ex ira Dei propter peccatum populi. Jb XXXIV, 30: qui regnare facit hominem hypocritam propter peccata populi. Os. XIII, 11: dabo tibi regem in furore meo. Et ideo dicit per voluntatem Dei, scilicet eius beneplacitum. Jr. III, 15: dabo vobis pastores iuxta cor meum, et pascent vos scientia et doctrina. Persona adiuncta est Timotheus, ut scilicet in ore duorum vel trium stet omne verbum, ut, dicitur Dt. XVII. Pr. XVIII, 19: frater qui iuvatur a fratre, quasi civitas firma. Personae salutatae ponuntur, ibi his, et cetera. Sancti dicuntur maiores. Lc. I, 75: serviamus illi in sanctitate et iustitia coram ipso. Fideles dicuntur minores, qui saltem veram fidem tenent, quia sine fide impossibile est placere Deo, ut dicitur He. XI, 6. Vel sanctis, id est in Baptismo sanctificatis, et fidelibus, id est permanentibus in fide accepta. Pr. XXVIII, 20: vir fidelis multum laudabitur, et cetera. Deinde ponuntur bona optata, scilicet gratia, quae est principium omnis boni. Rm. III, 24: iustificati gratis per gratiam ipsius. Pax quae est finale bonum omnium. Ps. CXLVII, 14: qui posuit fines tuos pacem. Et per consequens optat omnia bona media. Et hoc a Deo, Ps. LXXXIII, 12: gratiam et gloriam dabit dominus; Patre Domini nostri Iesu Christi, scilicet per naturam, sed nostro per gratiam, et Domino Iesu Christo, et sic Patre nostro, scilicet Deo in Trinitate, et domino Iesu Christo, quantum ad naturam assumptam.

 

Lectio 2

Super Col., cap. 1 l. 2 Hic, accedens ad propositum, incipit epistolarem tractatum. Et primo commendat Evangelii veritatem; secundo contra contrariantia protegit veritatem status huius in II capite, ibi volo enim scire vos. Circa primum duo facit. Primo commendat evangelicae fidei veritatem; secundo actorem huius status, ibi qui est imago. Item prima in duas, quia primo agit gratias pro beneficiis specialiter exhibitis Colossensibus; secundo pro exhibitis generaliter Ecclesiae, ibi gratias agentes. Circa primum duo facit, quia primo commendat gratiarum actionem Deo pro istis; secundo ostendit orationis materiam, ibi audientes. Iterum prima in duas, quia primo praemittit gratiarum actionem; secundo orationem, ibi orantes. Dicit ergo: gratias agimus Deo, actori gratiarum. I Th. ult.: in omnibus gratias agite. Et hoc semper, pro praeteritis et futuris. Licet enim non continue in actu possimus orare, tamen semper, ex habitu charitatis, debemus orare. I Th. ult.: sine intermissione orate. Lc. XVIII, 1: oportet semper orare. Deinde ponitur materia, et primo gratiarum actionis, secundo orationis, ibi ideo et nos. Circa primum primo commemorat bona eorum, secundo quomodo fuerunt ea adepti, ibi quam audistis. Bonum nostrum principaliter est in fide, spe et charitate: per fidem enim habemus notitiam Dei, per spem elevamur in ipsum, sed charitate unimur ei. I Cor. XIII, 13: nunc autem manent fides, spes, charitas, tria haec, et cetera. Et ideo de istis tribus gratias agit, primo quod fidem habent. Non enim ipse praedicaverat eis, sed quidam discipulus Epaphras nomine, et postea Archippus. Et ideo dicit audientes fidem, quae est principium spiritualis vitae. Ha. II, 4: iustus meus ex fide vivit. He. XI, 6: accedentem ad Deum oportet credere, et cetera. Sed haec fides sine dilectione operante est mortua, ut dicitur Jc. II, 17. Et ideo oportet, quod adsit dilectio operans. Ga. ult.: in Christo Iesu neque circumcisio aliquid valet, neque praeputium, sed nova creatura. Et ideo dixit et dilectionem quam habetis, et cetera. Est autem quaedam dilectio charitatis et quaedam mundana, sed mundana non se extendit ad omnes, quia dilectio talis ad illos est cum quibus est communio, quae est causa dilectionis, et haec causa in dilectione mundana non se habet ad omnes, sed tantum est cum consanguineis et mundanis, sed dilectio charitatis se extendit ad omnes. Et ideo dicit in omnes. Nam et si peccatores diligantur per charitatem, hoc est ut sint aliquando sancti. I Jn. III, 14: nos scimus quoniam translati sumus de morte ad vitam, quoniam diligimus fratres. Item dilectio mundi habet fructum in hoc mundo, sed charitas habet in vita aeterna. Et ideo tertio subdit de spe, dicens propter spem quae reposita est, id est propter gloriam aeternam, quae ideo dicitur spes, quia pro certo custoditur. Jb XIX, 27: reposita est haec spes mea in sinu meo. Deinde cum dicit quam ante audistis, ostendit quomodo adepti sunt ista. Et primo commendat doctrinam evangelicam, secundo ministerium, ibi sicut didicistis. Item primo commendat doctrinam a veritate; secundo ab eius dilatatione, ibi quod pervenit; tertio a profectu, ibi et fructificat. Dicit ergo quam audistis, scilicet spem, vel rem speratam. Et hoc in verbo veritatis Evangelii. Haec enim excedit omnia. I Cor. II, 9: nec oculus vidit, nec auris audivit, nec in cor hominis ascendit, et cetera. Et ideo Deus eam revelat. Mt. III, 2: poenitentiam agite, appropinquabit enim regnum caelorum. Haec autem est spes vera, non autem est vana (sicut quando promittens est mendax), quia in verbo veritatis. Jn. XVII, 17: sermo tuus veritas est. Deinde cum dicit quod pervenit, commendatur doctrina Christi a dilatatione, quia non solum pervenit ad vos, sed in universo mundo. Ps. XVIII, 4: in omnem terram exivit sonus eorum, et cetera. Mt. XXIV, 14: oportet hoc Evangelium regni praedicari in universo orbe, et tunc erit consummatio. Sed quomodo nondum est consummatio, cum sit praedicatum in universo mundo? Respondeo. Aliqui dicunt quod Evangelium Christi non est Evangelium regni. Sed hoc est falsum, quia Dominus dicit hoc Evangelium regni. Sed dicendum est, secundum Chrysostomum, quod adhuc viventibus apostolis, Evangelium Christi est divulgatum per totum mundum, saltem quantum ad famam, quod est valde miraculosum, quod in quadraginta annis sic creverit doctrina Christi. Et sic dicit in universo mundo, quantum ad famam, et tunc erit consummatio, id est destructio Ierusalem. Secundum Augustinum autem hoc non est verum, quia adhuc tempore suo erant aliquae gentes, in quibus nondum erat Ecclesia. Et ideo ipse dicit hoc esse intelligendum quando praedicabitur, ita quod quando in omnibus gentibus Ecclesia erit fundata, licet aliqui sint credentes, aliqui non, tunc erit finis; et hoc non tempore apostoli, sed circa finem mundi: et sic quando hic dicitur in universo mundo, loquitur apostolus de futuro sicut de praesenti propter certitudinem eventus. Ps. XVIII, 4: in omnem terram exivit sonus eorum, et cetera. Potest tamen dici quod secundum famam est divulgatum per totum mundum, sed non secundum fundationem. Deinde commendat doctrinam Christi quantum ad fructum per bona opera, ibi et fructificat. Eccli. XXIV, 23: flores mei fructus honoris et honestatis, et cetera. Mt. XIII, 8: fructum affert, et facit aliud quidem centesimum, aliud sexagesimum, aliud tricesimum. Et crescit, scilicet in multitudine credentium. Ac. II, 47: Dominus autem augebat qui salvi fierent quotidie in idipsum. Et hoc magnae potestatis fuit, quia sicut in vobis, ita et in aliis. Audistis praedicationem, et cognovistis approbando. Consequenter commendat ministerium tripliciter. Primo per comparationem ad se; secundo per comparationem ad ipsos; tertio quantum ad utrosque. Dicit ergo: edocti estis per Evangelium, sicut ab Epaphra didicistis conservo. Ap. ult.: conservus tuus sum, et fratrum tuorum. Qui est fidelis minister, scilicet non quaerens quae sua sunt. I Cor. IV, 1: sic nos existimet homo ut ministros Christi, et dispensatores mysteriorum Dei, et cetera. Qui est fidelis, scilicet mediator inter apostolum et istos. Qui etiam manifestavit, id est significavit, et cetera.

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Saint Timothée évêque et martyr

24 Janvier 2024 , Rédigé par Ludovicus

Saint Timothée évêque et martyr

Collecte

Dieu tout-puissant, regardez notre faiblesse ; et parce que le poids de nos péchés nous accable, fortifiez-nous par la glorieuse intercession du bienheureux Timothée, votre Martyr et Pontife.

Office

AU DEUXIÈME NOCTURNE.

Quatrième leçon. Timothée, né à Lystres en Lycaonie, d’un père Gentil et d’une mère Juive, pratiquait déjà la religion chrétienne lorsque l’Apôtre Paul vint en ce pays. Celui-ci, frappé de la grande réputation de sainteté de Timothée, le prit pour compagnon de ses voyages ; mais il le circoncit, à cause des Juifs convertis au Christ, qui savaient que le père de Timothée était Gentil. Étant arrivés tous deux à Éphèse, l’Apôtre l’ordonna Évêque, afin qu’il gouvernât cette Église.

Cinquième leçon. L’Apôtre lui écrivit deux Épîtres, l’une de Laodicée, l’autre de Rome ; dans ces lettres, il le confirme dans l’exercice de sa charge pastorale. Comme Timothée ne pouvait supporter qu’on offrît aux simulacres des démons le sacrifice qui n’est dû qu’au Dieu unique, un jour que le peuple d’Éphèse immolait des victimes à Diane, dont on célébrait la fête, il s’efforça de le détourner de cet acte impie, mais le saint Évêque fut lapidé ; les Chrétiens l’enlevèrent à demi mort et le portèrent sur une montagne proche de la ville, où il s’endormit dans le Seigneur, le neuf des calendes de février.

La veille du jour où nous allons rendre grâces à Dieu pour la miraculeuse Conversion de l’Apôtre des Gentils, la marche du Cycle nous ramène la fête du plus cher disciple de cet homme sublime. Timothée, l’infatigable compagnon de Paul, cet ami à qui le grand Apôtre écrivit sa dernière lettre, peu de jours avant de verser son sang pour Jésus-Christ, vient attendre son maître au berceau de l’Emmanuel. Il y trouve déjà Jean le Bien-Aimé, avec lequel il a porté les sollicitudes de l’Église d’Éphèse ; il y salue Etienne et les autres Martyrs qui l’y ont devancé, et leur présente la palme qu’il a lui-même conquise. Enfin, il vient apporter à l’auguste Marie les hommages de la chrétienté d’Éphèse, chrétienté qu’elle a sanctifiée de sa présence, et qui partage, avec celle de Jérusalem, la gloire d’avoir possédé dans son sein celle qui n’était pas seulement, comme les Apôtres, le témoin, mais, en sa qualité de Mère de Dieu, l’ineffable instrument du salut des hommes.

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Saint Raymond de Pegnafort confesseur mémoire de Sainte Emérentienne Vierge et Martyre

23 Janvier 2024 , Rédigé par Ludovicus

Saint Raymond de Pegnafort confesseur mémoire de Sainte Emérentienne Vierge et Martyre

Collecte

O Dieu, qui avez choisi le bienheureux Raymond pour en faire un ministre admirable du sacrement de la pénitence, et qui lui avez fait traverser les eaux de la mer de façon merveilleuse, accordez-nous cette grâce, que, par son intercession, nous puissions porter de dignes fruits de pénitence et parvenir au port du salut éternel.

Office

U DEUXIÈME NOCTURNE.

Quatrième leçon. Le bienheureux Raymond, né à Barcelone, de la noble maison de Pegnafort, fut, encore enfant, instruit des éléments de la religion chrétienne, et dès lors il faisait présager quelque chose de grand par ses rares qualités d’esprit et de corps. Fort jeune il professa les humanités dans sa patrie, puis se rendit à Bologne, où il s’appliqua avec zèle aux devoirs de la piété et à l’étude du droit canonique et civil ; il y reçut le bonnet de Docteur, et y expliqua les saints Canons à l’admiration de tous. La réputation de ses vertus se répandant au loin, Bérenger, Évêque de Barcelone, qui retournait de Rome à son Église, passa par Bologne pour le voir, et obtint enfin à force de prières qu’il revînt avec lui dans sa patrie. Bientôt Raymond fut honoré de la dignité de chanoine et de prévôt de la même Église, où il surpassa le peuple et tout le clergé par l’éclat de son intégrité, de sa modestie, de sa doctrine, et par la douceur de ses mœurs. Il accrut toujours de toutes ses forces l’honneur et le culte de la Vierge Mère de Dieu, qu’il vénérait avec une piété et une affection singulières.

Cinquième leçon. A l’âge d’environ quarante-cinq ans, il fit profession solennelle dans l’Ordre des Frères Prêcheurs ; alors, comme un nouveau soldat, il s’exerça dans tous les genres de vertus, mais surtout dans la charité pour les indigents, principalement envers ceux que les infidèles retenaient captifs. Ce fut sur son conseil que saint Pierre Nolasque, dont il était le confesseur, consacra ses biens à cette œuvre de pitié ; la bienheureuse Vierge, apparaissant à Pierre ainsi qu’au bienheureux Raymond et à Jacques Ier, roi d’Aragon leur dit qu’il serait très agréable à elle et à son Fils unique, qu’on instituât en son honneur un Ordre de religieux à qui incomberait le soin de délivrer les captifs de la tyrannie des infidèles. C’est pourquoi, après en avoir conféré entre eux, ils fondèrent l’Ordre de Notre-Dame de la Merci de la Rédemption des captifs, pour lequel Raymond statua certaines règles de vie, très bien appropriées au but de cet institut. Quelques années après, il obtint de Grégoire IX l’approbation de ces lois, et il créa premier Général de l’Ordre, saint Pierre Nolasque, auquel il avait donné l’habit de ses propres mains.

Sixième leçon. Le même Grégoire IX l’appela à Rome, et ce Pontife le choisit pour son chapelain, son pénitencier et son confesseur ; ce fut par son ordre que Raymond rassembla en un volume appelé Décrétales, les décrets des Pontifes romains disséminés dans les Actes de divers conciles et dans différentes épîtres. Il refusa constamment avec fermeté l’archevêché de Tarragone qui lui était offert par le Pontife lui-même, et se démit spontanément du généralat de l’Ordre des Frères Prêcheurs, qu’il avait gouverné très saintement pendant deux années. Il détermina Jacques, roi d’Aragon, à établir dans ses états le saint office de l’Inquisition. Il fit beaucoup de miracles, parmi lesquels le plus éclatant fut que, voulant revenir de l’île Majorque à Barcelone, il étendit son manteau sur les eaux, fit cent soixante milles de chemin en six heures, et entra dans son monastère, bien que les portes en fussent closes Enfin presque centenaire, plein de vertus et de mérites, il s’endormit dans le Seigneur, l’an du salut mil deux cent soixante-quinze. Clément VIII l’a mis au nombre des Saints.

 

De nombreux essaim de Martyrs qui fait la garde autour de l’Emmanuel, jusqu’au jour de sa Présentation au Temple, entr’ouvre de temps en temps ses rangs glorieux pour donner place aux Confesseurs que la divine Sagesse a fait briller sur le Cycle dans cette saison. Les Martyrs y sont les plus nombreux ; mais la gloire des Confesseurs y est noblement représentée. Après Hilaire, Paul, Maur et Antoine, resplendit aujourd’hui Raymond de Pegnafort, l’une des gloires de l’Ordre de saint Dominique et de l’Église, au XIIIe siècle.

Selon la parole des Prophètes, le Messie est venu pour être notre Législateur ; il est lui-même la Loi. Sa parole sera la règle des hommes, et il laissera à son Église le pouvoir de la législation, afin qu’elle puisse conduire les peuples dans la sainteté et dans la justice, jusqu’à l’éternité. La sagesse de l’Emmanuel préside à la discipline canonique, comme sa vérité à l’enseignement de la foi. Mais l’Église, dans la compilation et la disposition de ses lois, emprunte le secours des hommes qui lui semblent joindre à un plus haut degré la science du Droit et l’intégrité de la morale.

Saint Raymond de Pegnafort a l’honneur d’avoir tenu la plume pour la rédaction du code canonique qui régit aujourd’hui l’Église. Ce fut lui qui, en 1234, compila, par ordre de Grégoire IX, les cinq livres des Décrétales ; et son nom est associé, pour jamais, à la gloire de cette œuvre qui forme encore la base de la discipline actuelle.

Disciple de Celui qui est descendu du ciel dans le sein d’une Vierge pour sauver les pécheurs, en les appelant au pardon, Raymond a mérité d’être appelé par l’Église l’insigne Ministre du Sacrement de Pénitence. Il est le premier qui ait recueilli, en corps de doctrine, les maximes de la morale chrétienne, qui servent à déterminer les devoirs du confesseur à l’égard des pécheurs qui viennent lui déposer leurs péchés. La Somme des Cas Pénitentiaux a ouvert la série de ces importants travaux, dans lesquels d’habiles et vertueux docteurs se sont appliqués à peser les droits de la loi et les obligations de l’homme, afin d’instruire le prêtre dans l’art de discerner , comme parle l’Écriture, la lèpre d’avec la lèpre.

Enfin, lorsque la glorieuse Mère de Dieu, qui est aussi la Mère des hommes, suscita pour opérer la Rédemption des captifs le généreux Pierre Nolasque, que nous verrons arriver, sous quelques jours, au berceau du Rédempteur, Raymond fut l’instrument puissant de ce grand œuvre de miséricorde ; et ce n’est pas en vain que l’Ordre de la Merci le considère comme l’un de ses fondateurs, et que tant de milliers de captifs, délivrés de la servitude musulmane, l’ont honoré comme l’un des principaux auteurs de leur liberté.

Nous empruntons l’Hymne suivante au Bréviaire des Frères Prêcheurs.

HYMNE.
Prélats, Princes, peuples de la terre, célébrez le nom illustre de Raymond, de cet homme qui eut à cœur le salut éternel de tous.
Ce qu’offre de plus admirable une piété profonde apparaît dans la pureté sans tache de ses mœurs ; la lumière de toutes les vertus éclate en sa personne.
D’une main habile et studieuse, il recueille les Décrets épars des Souverains Pontifes, et les sentences du Droit antique dignes d’être conservées.
Sous ses pas, les flots inconstants deviennent solides ; il parcourt, sans navire, un espace immense : son manteau et son bâton sont la barque sur laquelle il traverse la mer.
Donnez-nous, ô Dieu, la pureté des mœurs ; donnez-nous de passer, sans désastre, le cours de notre vie ; donnez-nous de toucher le port de la vie éternelle.
Amen.

Dispensateur fidèle du Mystère de la réconciliation, vous avez puisé, au sein du Dieu incarné, cette charité qui a fait de votre cœur l’asile des pécheurs. Vous avez aimé les hommes ; et les besoins de leurs corps, aussi bien que ceux de leurs âmes, ont été l’objet de votre sollicitude. Éclairé des rayons du Soleil de justice, vous nous avez aidés à discerner le bien du mal, en nous donnant des règles pour apprécier les plaies de nos âmes. Rome a admiré votre science des lois ; elle se fait gloire d’avoir reçu de vos mains le Code sacré qui régit les Églises.

Réveillez dans nos cœurs, ô Raymond, cette componction sincère qui est la condition du pardon dans le Sacrement de Pénitence. Faites-nous comprendre la gravité du péché mortel qui sépare de Dieu pour l’éternité, et les dangers du péché véniel qui dispose l’âme tiède au péché mortel. Obtenez-nous des hommes pleins de charité et de science pour exercer ce sublime ministère qui guérit les âmes. Défendez-les du double écueil d’un rigorisme désespérant et d’une mollesse perfide. Ranimez chez nous la vraie science du Droit ecclésiastique, sans laquelle la maison du Seigneur deviendrait bientôt le séjour du désordre et de l’anarchie. Vous dont le cœur fut si tendre envers les captifs, consolez tous ceux qui languissent dans les chaînes ou dans l’exil ; préparez leur délivrance ; mais affranchissez-nous tous des liens du péché, qui retiennent trop souvent les âmes de ceux-là mêmes dont le corps est libre.

Vous avez été, ô Raymond, le confident du cœur de notre miséricordieuse Reine Marie ; elle vous a associé à son œuvre du rachat des captifs. Vous êtes puissant sur ce Cœur, qui est notre espérance après celui de Jésus. Présentez-lui nos hommages. Demandez pour nous à cette incomparable Mère de Dieu la grâce d’aimer toujours le céleste Enfant qu’elle tient dans ses bras. Qu’elle daigne aussi, par vos prières, être notre étoile sur cette mer du monde, plus orageuse que celle dont vous avez bravé les flots sur votre manteau miraculeux.

Souvenez-vous aussi de l’Espagne, votre patrie, au sein de laquelle vous avez opéré tant d’œuvres saintes. Longtemps son illustre Église fut dans le deuil d’avoir perdu les Ordres religieux qui faisaient sa force et sa splendeur ; une hospitalité généreuse a commencé de réparer ces maux : que toute entrave disparaisse enfin. Protégez l’Ordre des Frères Prêcheurs, dont vous avez honoré l’habit et la règle. Vous l’avez gouverné avec sagesse sur la terre ; aimez-le toujours paternellement dans le ciel. Qu’il répare ses pertes ; qu’il refleurisse dans toute l’Église, et qu’il produise, comme aux jours anciens, ces fruits de sainteté et de science qui en ont fait une des principales gloires de l’Église de Jésus-Christ.

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Staints Vincent et Anastase martyrs

22 Janvier 2024 , Rédigé par Ludovicus

Staints Vincent et Anastase martyrs

Collecte

Seigneur, exaucez nos supplications, afin que, nous reconnaissant coupables, nous soyons délivrés de nos iniquités, grâce à l’intercession de vos bienheureux Martyrs Vincent et Anastase.

AU DEUXIÈME NOCTURNE.

Quatrième leçon. Vincent, né à Huesca, dans l’Espagne citérieure, s’adonna à l’étude dès l’enfance, et fut instruit dans les saintes lettres par Valère, Évêque de Saragosse. Ce Prélat ne pouvant s’acquitter par lui-même du devoir de la prédication, à cause de la difficulté qu’il avait à parler, lui confia la charge de prêcher l’Évangile, ce qui fut rapporté à Dacien, que Dioclétien et Maximien avaient établi gouverneur de la province ; il donna ordre de saisir Vincent à Saragosse, et de le lui amener chargé de chaînes à Valence. Là, le Saint fut battu de verges, et torturé sur le chevalet, en présence de nombreux témoins ; mais ni la violence des tourments, ni la rudesse ou la douceur des paroles, ne purent le détourner de sa résolution ; après avoir été étendu sur un gril posé sur des charbons ardents, déchiré avec des ongles de fer, brûlé avec des lames ardentes, il fut de nouveau ramené dans la prison qu’on avait jonchée de têts de pots cassés, afin que son corps nu, accablé de sommeil, fût tourmenté par les têts aigus, sur lesquels il reposerait.

Cinquième leçon. Mais tandis qu’il était enfermé dans son cachot ténébreux, une très vive splendeur brilla soudain et illumina toute la prison ; cette lumière ravit de la plus profonde admiration tous ceux qui étaient présents, et le fait fut rapporté à Dacien par le gardien de la prison. Celui-ci ordonna de faire sortir Vincent de son cachot, et de retendre sur une couche molle ; c’est ainsi qu’il s’efforça de séduire par les délices celui qu’il n’avait pu amener à faire sa volonté par les supplices. Mais le courage invincible de Vincent, fortifié par la foi et l’espérance en Jésus-Christ, triompha de tout ; ayant vaincu le feu, le fer et la cruauté des bourreaux, il s’envola victorieux pour recevoir la céleste couronne du martyre, le onze des calendes de février. Comme son corps avait été jeté et laissé sans sépulture, un corbeau le défendit miraculeusement avec ses griffes, son bec et ses ailes contre un loup et contre les oiseaux. A cette nouvelle, Dacien commanda de jeter le corps en pleine mer ; mais Dieu voulut que les flots le ramenassent sur le rivage, et les Chrétiens l’ensevelirent.

Sixième leçon. Anastase, moine persan, après avoir visité les lieux saints de Jérusalem, sous l’empire d’Héraclius, souffrit avec constance, à Césarée de Palestine, les liens et les fouets pour la religion du Christ. Peu après, les Perses le soumirent à divers supplices pour la même cause et enfin le roi Chosroès lui fit trancher la tête, en même temps qu’à soixante-dix autres Chrétiens. Ses reliques, furent portées d’abord à Jérusalem, dans le monastère où il avait fait profession de la vie monastique, et ensuite à Rome, où on les plaça dans le monastère situé aux Eaux Salviennes.

Aujourd’hui Vincent, le Victorieux, couvert de la dalmatique sacrée, et tenant la palme entre ses mains fidèles, vient rejoindre au berceau de l’Emmanuel son chef et son frère Étienne le Couronné. L’Espagne l’a vu naître ; il exerce le ministère du Diaconat dans la glorieuse Église de Sarragosse, et, par la force et l’ardeur de sa foi, il présage les destinées du royaume Catholique entre tous les autres. Mais il n’appartient point à l’Espagne seulement ; comme Étienne, comme Laurent, Vincent est le héros de l’Église entière. C’est à travers les pierres qui pleuvaient sur lui, comme sur un blasphémateur, que le Diacre Étienne a prêché le Christ ; c’est sur le gril embrasé, comme le Diacre Laurent, que le Diacre Vincent a confessé le Fils de Dieu. Ce triumvirat de Martyrs fait l’ornement de la Litanie sacrée, et leurs trois noms symboliques et prédestinés, Couronne, Laurier et Victoire, nous annoncent les plus vaillants chevaliers de l’Emmanuel.

Vincent a triomphé du feu, parce que la flamme de l’amour qui le consumait au dedans était plus ardente encore que celle qui brûlait son corps. Des prodiges admirables l’ont assisté dans ses rudes combats ; mais le Seigneur, qui se glorifiait en lui, n’a cependant pas voulu qu’il perdît la palme ; et, au milieu de ses tortures, le saint Diacre n’avait qu’une pensée, celle de reconnaître, par le don de son sang et de sa vie, le sacrifice du Dieu qui avait souffert la mort pour lui et pour tous les hommes. Avec quelle fidélité et quel amour il garde, en ces saints jours, le berceau de son Maître ! Comme il désire que cet Enfant soit aimé de ceux qui le visitent ! Lui qui n’a pas reculé, quand il s’est agi de se donner à lui à travers tant d’angoisses, comme il accuserait la lâcheté des chrétiens qui n’apporteraient à Jésus naissant que des cœurs froids et partagés ! A lui, on a demandé sa vie par lambeaux, il l’a donnée en souriant ; et nous refuserions de lever les obstacles futiles qui nous empêchent de commencer sérieusement avec Jésus une vie nouvelle ! Que le spectacle de tous ces Martyrs qui se pressent depuis quelques jours sur le Cycle stimule donc nos cœurs ; qu’ils apprennent à devenir simples et forts, comme l’a été le cœur des martyrs.

Une ancienne tradition, dans la chrétienté, assigne à saint Vincent le patronage sur les travaux de la vigne et sur ceux qui les exercent. Cette idée est heureuse, et nous rappelle mystérieusement la part que le Diacre prend au divin Sacrifice. C’est lui qui verse dans le calice ce vin qui bientôt va devenir le sang du Christ. Il y a peu de jours, nous assistions au festin de Cana : le Christ nous y offrait son divin breuvage, le vin de son amour ; aujourd’hui, il nous le présente de nouveau, par la main de Vincent. Pour se rendre digne d’un si haut ministère, le saint Diacre a fait ses preuves, en mêlant son propre sang, comme un vin généreux, dans la coupe qui contient le prix du salut du monde. Ainsi se vérifie la parole de l’Apôtre, qui nous dit que les Saints accomplissent dans leur chair, par le mérite de leurs souffrances, quelque chose qui manquait, non à l’efficacité, mais à la plénitude du Sacrifice du Christ dont ils sont les membres.

L’Église Gothique d’Espagne loue dignement saint Vincent dans sa Liturgie Mozarabe. Nous empruntons les deux premières Oraisons que nous donnons ici, au Bréviaire, et la troisième au Missel gothiques.

ORATIO.

O Dieu, qui avez couronné Vincent, ce vainqueur admirable de tant de supplices, en le délivrant de leurs effets, en sorte que ses pieds, qui ne s’étaient jamais souillés en la fange des vices, foulaient, comme en se jouant, toutes les inventions de la cruauté ; et qui n’avez pas voulu que les ondes engloutissent celui qui, méprisant le siècle dans son cœur, était prêt à saisir l’héritage du ciel : accordez-nous, par les prières d’un si grand Martyr, de ne point être atteints de la souillure des vices, et de ne point être engloutis dans l’abîme profond du désespoir ; mais de nous présenter à vous au jour du jugement, dans tout l’éclat d’une conscience libre et pure. Amen.

ORATIO.

Nous vous bénissons, ô Dieu tout-puissant, qui avez délivré le bienheureux Vincent, votre Martyr, de l’embrasement du feu, comme autrefois les trois enfants, en sorte que la flamme, appliquée sur ses membres, pouvait le brûler, mais non le vaincre : daignez, par ses prières, répandre sur nos cœurs la rosée de votre miséricorde, afin que le feu de l’incendie charnel en étant humecté, la flamme du péché s’attiédisse en nous ; et que, si nous n’en devons pas être délivrés naturellement dans nos sens, du moins elle ne consume pas notre fragilité, que matériellement elle provoque ; mais que votre grâce subvienne assez à la nature pour que nous puissions, par votre secours, éteindre une flamme dont l’origine n’est pas venue de nous. Amen.

ORATIO.

O Christ, dont la puissance a ramené sur le rivage, pour y recevoir les honneurs qui lui étaient dus, le corps de votre Martyr Vincent, que l’aveugle fureur de Dacien avait fait jeter dans les flots de la mer : par les mérites de ce Martyr, et par la main de votre miséricorde, faites-nous surnager sur les ondes orageuses de ce siècle, afin que nous qui, par l’impulsion de l’ennemi, sommes tombés dans cette mer, avec le poids de nos péchés, nous puissions arriver un jour au port du salut, par cette charité qui couvre tous les péchés, et nous réjouir dans la société

Nous regrettons de ne pouvoir donner ici, à cause de son extrême longueur, l’Hymne magnifique consacrée à saint Vincent par Prudence, dans son livre des Couronnes. Nous nous contenterons d’insérer les strophes que le Bréviaire Ambrosien a extraites de ce poème.

HYMNE.
Heureux Martyr, protège ce jour de ton triomphe, dans lequel tu reçois la couronne, prix de ton sang glorieux, ô Vincent !
C’est ce jour qui, du sein des ténèbres de ce monde, après la victoire sur le juge et sur le bourreau, t’enlève au ciel, et te porte joyeux aux pieds du Christ.
Aujourd’hui, uni aux Anges, tu brilles sous cette robe éclatante que, témoin invincible, tu lavas dans les flots de ton sang.
Lévite de la tribu sacrée, ministre de l’autel de Dieu, l’une des sept colonnes blanches comme le lait, Martyr après le plus noble triomphe,
Toi seul, deux fois illustre, as remporté la palme d’un double combat ; toi seul as cueilli à la fois deux lauriers.
Victorieux dans la mort la plus cruelle, tu cueilles, après cette mort, un second triomphe ; et, vainqueur à lui seul, ton corps a brisé l’orgueil du tyran.
O Martyr, par tes chaînes, par tes flammes, partes ongles de fer, par les entraves de ton cachot, par ce lit déchirant où s’est accrue ta gloire,
Assiste-nous ; écoute nos vœux et nos prières ; sois pour nous, pécheurs, un puissant avocat au trône du Père céleste.
A ce Dieu Père soit la gloire, gloire à son Fils unique, gloire aussi à l’Esprit Paraclet, et maintenant et à jamais !
Amen.

Adam de Saint-Victor a composé deux Séquences à la gloire du grand Diacre de Sarragosse ; elles sont si belles l’une et l’autre que nous nous faisons un devoir de les insérer ici.

Ière séquence.
Voici le jour désiré, jour heureux, jour délectable, jour de grande liesse.
Vénérons ce jour, et admirons les combats du Christ dans Vincent.
Tout est illustre en ce Martyr : naissance, foi, sainteté, science, parole, dignité, office.
Dans les honneurs du Diaconat, sous Valère son père, il commandait dans l’Église.
Privé du don de la parole, le Pontife vaquait à Dieu, et confiait au Lévite le ministère de l’enseignement.
La droiture des discours brillait dans l’éloquence du Diacre ; une double science s’épanchait de la simplicité de son cœur.
Mais pendant qu’il instruit dans la saine doctrine, par le secours de la grâce, le peuple de Sarragosse,
Un Préfet jaloux, ardent pour l’idolâtrie, se déchaîne contre l’Église.
Au bruit de la constance qu’ils montrent dans la foi, il fait traîner les deux apôtres, sous les chaînes, à Valence.
Ni la jeunesse en sa fleur n’obtient grâce, ni l’impie ne considère l’âge du vieillard.
Las du chemin, accablés sous le poids des chaînes, on les enferme dans un sombre cachot sans nourriture.
Jusque-là s’étend le pouvoir du tyran ; pour le reste son désir demeure impuissant ; car le Christ lui-même nourrit ses deux soldats par sa providence.
Lors le Préfet exile le vieillard, mais réserve le jeune homme pour un plus affreux supplice.
Vincent souffre le chevalet et les ongles de fer ; il monte sur le gril d’un cœur assuré.
Il brûle, mais n’est point intimidé ; il n’en confesse que plus hautement le Christ, et il brave en face le tyran.
Le visage de Dacien s’enflamme de colère ; dans sa rage, il balbutie ; sa main tremble, et dans son délire, il ne se contient plus.
Par son ordre, le Martyr est rejeté dans sa prison ; on le couche sur des têts aigus ; mais une lumière éclatante le vient réjouir, et les Anges le visitent.
Enfin, déposé sur un lit, soldat émérite, il s’envole dans les cieux, et son âme triomphante est présentée au Seigneur.
On refuse au corps du héros le droit commun de la sépulture ; la haine du tyran outrage à la fois la loi et la nature.
Ce juge sévit contre un mort ; mais ce mort grandit en gloire ; les bêtes féroces tremblent à l’aspect de l’objet que, d’ordinaire, elles dévorent.
C’est un corbeau qui garde intact ce corps sans sépulture : ainsi est déjouée l’intention barbare du tyran.
C’est alors que le profane Dacien ordonne d’ensevelir, sous le silence des ondes, un corps dont la terre ne peut le défaire.
Ni la meule n’a pu retenir au fond, ni la mer dérober aux regards celui que toute l’Église s’empresse d’honorer aujourd’hui de sa louange singulière.
Ce corps, demi-brûlé dans le feu, est devenu fameux sur la terre et sur la mer. Bon Jésus ! donnez-nous de vous louer dignement, avec vos Saints, dans la patrie.
Amen.
IIe SÉQUENCE
Il s’est levé, le jour du triomphe, jour auguste qui ramène la solennité du grand Lévite ; livrons-nous tous à la joie, et honorons dans le Christ Vincent le Victorieux.
Porteur d’un si beau nom, il en réalise le présage : vainqueur sur la terre, vainqueur sur les eaux ; tous les tourments, toutes les craintes, sont pour lui l’objet d’un triomphe.
Il a l’éclat de la pourpre deux fois teinte ; de l’hyacinthe il a la splendeur ; aux reins il porte la double ceinture ; sa tunique est de fin lin ; et la palme empourprée qu’il a cueillie montre à quel point il fut invincible au milieu des supplices cruels qu’il endura pour le Christ.
Il est la victime succulente, l’agneau offert dont la dépouille embellie de son sang sert de voile au tabernacle ; il a semé au milieu des larmes, et pour prix de ses sueurs, il rapporte les gerbes de la vie.
On entraîne le serviteur de Dieu au tribunal sanglant du farouche Dacien ; le magistrat pour le tenter emploie tour à tour la prière et la menace ; il fait briller, comme récompense, les honneurs mondains.
Mais l’athlète a dédaigné la fleur passagère du monde ; il en fait autant des offres, des caresses et des terreurs du fier tyran. On l’attache au chevalet ; et le juge qui se sent méprisé fait succéder tortures à tortures. Les torches ardentes, le lit embrasé, les verges du licteur, le sel brûlant qui pénètre jusqu’aux entrailles mises à nu, tout se réunit pour accroître les angoisses du martyr ; mais ces tourments divers n’ont pas abattu sa constance pleine de joie.
Enfermé dans un cachot, les têts sur lesquels il est étendu déchirent ses membres cruellement ; mais en même temps une joie inspirée par le ciel vient le fortifier, comme l’huile dont l’athlète baigne ses membres. Pour lui, le poids des chaînes devient glorieux, les ténèbres de la prison font place au jour le plus éclatant ; et les pointes qui lacéraient son corps se transforment tout à coup en fleurs souples et odorantes.
Bientôt, on porte le martyr sur un lit commode ; il pousse alors ses soupirs vers le ciel, et entouré du chœur mélodieux des Anges, il rend à Dieu son âme. On jette son corps aux bêtes, mais un gardien lui est donné d’en haut ; on le précipite dans les flots, mais il ne disparaît pas, et la terre entoure de ses honneurs ce précieux dépôt qui lui est rendu.
Ainsi vit-on tous les éléments se réunir pour sa victoire : l’eau, la terre, l’air et le feu. Noble témoin de la vérité, prie le Christ de nous purifier de nos péchés, et de nous faire goûter les joies véritables ; afin que, devenus les cohéritiers de la lumière, nous chantions à notre tour : Alleluia !

Nous vous saluons, ô Diacre Victorieux, tenant entre vos mains le Calice du salut. Autrefois, vous le présentiez à l’autel, afin que la liqueur qu’il contenait fût transformée, par les paroles sacrées, au Sang du Christ ; vous le présentiez aux fidèles, afin que tous ceux qui avaient soif de Dieu se désaltérassent aux sources de la vie éternelle. Aujourd’hui, vous l’offrez vous-même au Christ ; et il est plein jusqu’au bord de votre propre sang. Ainsi avez-vous été un Diacre fidèle, donnant jusqu’à votre vie pour attester les Mystères dont vous étiez le dispensateur. Trois siècles s’étaient écoulés depuis l’immolation d’Etienne ; soixante ans depuis le jour où les membres de Laurent fumaient sur les brasiers de Rome, comme un encens à l’odeur suave et forte ; et dans cette dernière persécution de Dioclétien, à la veille du triomphe de l’Église, vous veniez attester, par votre constance, que la fidélité du Diacre n’avait point défailli.

Vous brillez en tête de la phalange des Martyrs, ô Vincent ! Et l’Église est fière de vos victoires ; souvenez-vous que c’est pour elle, après le Christ, que vous avez combattu. Soyez-nous donc propice ; et marquez ce jour de votre fête par les effets de votre protection sur nous. Vous contemplez, face à face, le Roi des siècles dont vous fûtes le Chevalier ; ses splendeurs éternelles luisent à vos regards, fermes quoique éblouis. Nous, dans cette vallée de larmes nous le possédons, nous le voyons aussi ; car il s’appelle Emmanuel, Dieu avec nous. Mais c’est sous la figure d’un faible enfant qu’il se montre à nos regards ; car il craint de nous effrayer par l’éclat de sa gloire. Rassurez cependant nos cœurs troublés quelquefois par la pensée que ce doux Sauveur doit être un jour notre juge. La vue de ce que vous avez fait, de ce que vous avez souffert pour son service, nous émeut, nous si vides de bonnes œuvres, si oublieux des droits d’un tel maître. Obtenez que vos exemples ne passent pas en vain sous nos yeux. Il vient nous recommander la simplicité de l’enfance, cette simplicité qui procède de l’humilité et de la confiance en lui, cette simplicité qui vous fit affronter tant de tourments sans faiblesse et d’un cœur tranquille. Rendez-nous dociles à écouter la voix d’un Dieu qui nous parle par ses exemples, calmes et joyeux dans l’accomplissement de ses volontés, dévoués uniquement à son bon plaisir.

Priez, ô Vincent, pour tous les Chrétiens ; car tous sont appelés à la lutte contre le monde et les passions de leur propre cœur. Tous nous sommes conviés à la palme, à la couronne, à la victoire. Jésus n’admettra que des vainqueurs au banquet de la gloire éternelle, à cette table où il nous a promis de boire avec nous le vin nouveau, au royaume de son Père. La robe nuptiale, nécessaire pour y avoir entrée, doit être teinte dans le sang de l’Agneau ; nous devons tous être martyrs, sinon d’effet, du moins de désir : car c’est peu d’avoir vaincu les bourreaux, si on ne s’est vaincu soi-même.

Assistez de votre secours les nouveaux martyrs qui versent encore aujourd’hui leur sang sur des plages lointaines, afin qu’ils soient dignes des temps glorieux qui donnèrent Vincent à l’Église. Protégez l’Espagne, votre patrie. Priez l’Emmanuel d’y susciter des héros forts et fidèles comme vous, afin que le royaume Catholique, toujours si jaloux de la pureté de la foi, sorte bientôt des épreuves auxquelles il est soumis. Ne souffrez pas que l’illustre Église de Sarragosse, fondée par l’Apôtre fils du Tonnerre, visitée par la glorieuse Mère de Dieu, sanctifiée par votre ministère de Diacre, voie s’affaiblir le sentiment de la foi catholique, ou se briser le lien de l’unité. Et puisque la piété des peuples vous révère comme le protecteur des vignobles, bénissez cette partie de la création que le Seigneur a destinée à l’usage de l’homme, et dont il a voulu faire l’instrument du plus profond des mystères et l’un des plus touchants symboles de son amour pour nous.

En ce même jour, l’Église honore la mémoire du saint moine Persan Anastase, qui souffrit le martyre en 628. Chosroès, s’étant emparé de Jérusalem, avait emporté en Perse le bois de la vraie Croix, qui fut reconquis plus tard par Héraclius. La vue de ce bois sacré excita dans Anastase, encore païen, le désir de connaître la Religion dont il est le trophée. Il renonça à la superstition persane pour embrasser le Christianisme et la vie monastique. Cette démarche, jointe au zèle du néophyte, anima contre lui le ressentiment des païens ; et après d’affreuses tortures, le soldat du Christ eut la tête tranchée. Son corps fut transféré à Constantinople, et de là à Rome, où il repose avec honneur. Deux Églises célèbres de cette capitale, l’une dans la ville, l’autre hors des murs, sont dédiées en commun à saint Vincent et à saint Anastase, parce que ces deux grands Martyrs ont souffert le même jour, quoique à des époques éloignées. Tel est le motif qui a porté l’Église à réunir leurs deux fêtes en une seule. Prions ce nouvel athlète du Christ de nous être favorable, et de nous recommander au Seigneur, dont la croix lui fut si chère.

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