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Regnum Galliae Regnum Mariae

VIIIème dimanche après la Pentecôte

31 Juillet 2022 , Rédigé par Ludovicus

VIIIème dimanche après la Pentecôte

Introït

Nous avons reçu, ô Dieu, votre miséricorde au milieu de votre temple : comme votre nom, ô Dieu, votre louange s’étend jusqu’aux extrémités de la terre, votre droite est pleine de justice. Le Seigneur est grand et très digne de louange : dans la cité de notre Dieu, sur sa sainte montagne.

Collecte

Nous vous en prions, Seigneur, accordez-nous, dans votre bonté, la grâce de penser et d’agir toujours selon la justice : afin que, ne pouvant exister sans vous, nous puissions conformer notre vie à votre volonté.

Épitre Rm. 8, 12-17

Mes frères : nous ne sommes point redevables à la chair pour vivre selon la chair. Car si vous vivez, selon la chair, vous mourrez ; mais si, par l’Esprit, vous faites mourir les œuvres du corps, vous vivrez ; car tous ceux qui sont conduits par l’Esprit de Dieu sont fils de Dieu. En effet, vous n’avez point reçu un Esprit de servitude, pour être encore dans la crainte ; mais vous avez reçu un Esprit d’adoption, en qui nous crions : Abba ! Père ! Cet Esprit lui-même rend témoignage à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. Or, si nous sommes enfants, nous sommes aussi héritiers, héritiers de Dieu et cohéritiers du Christ.

Évangile Lc. 16, 1-9

En ce temps-là : Jésus dit à ses disciples cette parabole : Il était un homme riche qui avait un intendant ; celui-ci lui fut dénoncé comme dissipant ses biens. Il l’appela et lui dit : "Qu’est-ce que j’entends dire de toi ? Rends compte de ton intendance, car tu ne pourras plus être intendant." Or l’intendant se dit en lui-même : "Que ferai-je, puisque mon maître me retire l’intendance ? Bêcher, je n’en ai pas la force ; mendier, j’en ai honte. Je sais ce que je ferai pour que, quand je serai destitué de l’intendance, (il y ait des gens) qui me reçoivent chez eux." Ayant convoqué chacun des débiteurs de son maître, il dit au premier : "Combien dois-tu à mon maître ?" Il dit : "Cent mesures d’huile." Et il lui dit : "Prends ton billet, assieds-toi vite et écris : cinquante." Ensuite il dit à un autre : "Et toi, combien dois-tu ?" Il dit : "Cent mesures de froment." Et il lui dit : "Prends ton billet et écris : quatre-vingts." Et le maître loua l’intendant malhonnête d’avoir agi d’une façon avisée. C’est que les enfants de ce siècle sont plus avisés à l’égard de ceux de leur espèce que les enfants de la lumière. Et moi je vous dis : « Faites-vous des amis avec la Richesse malhonnête, afin que, lorsqu’elle viendra à manquer, ils vous reçoivent dans les tabernacles éternels ».

Secrète

Recevez, nous vous en supplions, Seigneur, les biens que nous vous offrons après les avoir reçus de votre largesse, afin que par la vertu et l’opération de votre grâce, ces mystères sacro-saints nous sanctifient dans la conduite de la vie présente et nous fassent parvenir aux joies éternelles.

Postcommunion

Que ce céleste mystère nous soit, ô Seigneur, une cause de renouvellement spirituel et corporel, en sorte qu’en le célébrant, nous en ressentions les effets.

Office

4e leçon

Du livre La Cité de Dieu, de saint Augustin, évêque

Une certaine image de l’avenir se voit aussi en Salomon, car il bâtit le temple, il vécut en paix, selon le présage de son nom, - Salomon en effet signifie Pacifique - et, au début de son règne, il fut au-dessus de toute louange. Sa personne, comme une ombre de l’avenir, précède et annonce le Christ notre Seigneur, sans le montrer en toute clarté. Plusieurs épisodes écrits à propos de Salomon semblent prédits du Christ lui-même. L’Écriture sainte dans ses récits du passé prophétise, elle esquisse, pour ainsi dire, la figure des évènements futurs.

5e leçon

Car, outre les livres historiques inspirés qui racontent le règne de Salomon, le psaume 71 porte son nom en titre. Tant de passages de ce psaume ne sauraient nullement convenir à Salomon, ils conviennent cependant au Seigneur Christ avec une transparente clarté. Aussi apparaît-il à l’évidence qu’en Salomon une figure imprécise se voile d’ombre, tandis que dans le Christ, la vérité elle-même se découvre.

6e leçon

On sait, en effet, quelles limites bornaient le royaume de Salomon, et cependant, pour ne rien dire d’autre, on lit dans ce psaume : « Il étendra sa seigneurie de la mer à la mer, du Fleuve jusqu’au bout de la terre ». Or, nous voyons ces paroles réalisées dans le Christ. Sa seigneurie prit son départ du fleuve, où il est baptisé par Jean qui le désigne. Ses disciples commencent à le reconnaître ; ils l’appellent non seulement Maître, mais Seigneur.

7e leçon

Homélie de saint Jérôme, prêtre.

L’intendant de richesses malhonnêtes reçoit un éloge de la bouche de son maître pour s’être préparé une sorte de justice avec le fruit même de sa malhonnêteté, et le maître lésé loue la prudence de l’intendant parce qu’en portant préjudice à son maître, il a, dans son intérêt personnel, agi prudemment. Le Christ ne peut subir aucun dommage et toujours incline à la clémence. Combien plus ne louera-t-il pas ses disciples s’ils ont exercé la miséricorde à l’égard de ceux qui croiront en lui ?

8e leçon

Après la parabole, le Seigneur ajoute : « Et moi je vous dis : Faites-vous des amis avec le mammon malhonnête ! » Ce n’est pas l’hébreu, mais le syriaque qui appelle « mammon » malhonnête les richesses parce qu’elles s’amassent par des procédés malhonnêtes. Si donc un bien mal acquis, mais adroitement distribué, peut se changer en justice, la parole divine qui, elle, n’a rien de malhonnête et qui a été confiée aux Apôtres, n’élèvera-t-elle pas jusqu’au ciel ceux qui l’administrent, pourvu que ce soit à bon escient ?

9e leçon

On comprend la suite : Celui qui est fidèle pour très peu de chose, ce qui veut dire pour le plan charnel, sera fidèle aussi pour beaucoup, ce qui veut dire pour le plan spirituel. Mais celui qui est malhonnête pour très peu qui ne met pas au service de ses frères ce que Dieu a créé pour tous, celui-là sera malhonnête aussi dans le partage des richesses spirituelles, car il ne dispensera pas la doctrine selon les besoins, mais selon les personnes. « Or, dit le Seigneur, si vous ne dispensez pas bien les richesses matérielles et caduques, qui donc vous confiera les vraies et éternelles richesses de la doctrine divine ? »

Dom Guéranger, l’Année Liturgique

ÉPÎTRE.

Le Docteur des nations continue de former à la vie chrétienne les nouvelles recrues que sa voix puissante et celle de ses collègues dans l’apostolat, dispersés par le monde, amène chaque jour plus nombreuses aux fontaines du salut. Bien que se maintenant attentive aux événements qui se précipitent dans la Judée, l’Église, en effet, n’en réserve pas moins toujours ses sollicitudes les plus maternelles pour le grand œuvre de l’éducation des enfants qu’elle engendre à l’Époux. C’est ainsi que, pendant qu’Israël suit jusqu’au bout la voie fatale du reniement, une autre famille se forme et grandit qui prend sa place devant Dieu, et dédommage le Seigneur, par sa docilité, des amertumes dont l’abreuvèrent ses premiers fils. Les prétentions jalouses du peuple ancien, ces contradictions dont le Christ se plaint dans le Psaume, n’ont point pris fin encore, et déjà l’Homme-Dieu, grâce à l’Église, est devenu la tête des nations.

Rien n’égale la fécondité de l’Épouse, sinon la puissance de sanctification qu’elle déploie, au milieu d’éléments si divers, pour présenter dès les premiers jours à son Seigneur et roi un empire affermi dans l’unité de l’amour, une génération toute céleste et toute pure dans l’intelligence et la pratique parfaite des vertus. Assurément l’Esprit sanctificateur agit lui-même directement sur les âmes des nouveaux baptisés ; néanmoins, ineffable harmonie du plan divin ! Depuis que le Verbe s’est fait chair et qu’il s’est associé dans l’œuvre du salut des hommes une Épouse toujours visible ici-bas, l’opération invisible de l’Esprit qui procède du Verbe n’arrive point à son terme normal sans la coopération et l’intervention extérieure de cette Épouse de l’Homme-Dieu. Non seulement l’Église est la dépositaire des formules toutes-puissantes et des rites mystérieux qui font du cœur de l’homme une terre renouvelée, dégagée des ronces et prête à fructifier au centuple ; c’est elle encore qui, sous les mille formes de son enseignement, distribue la semence dans les sillons du Père de famille. S’il revient à l’Esprit une admirable part dans cette fécondité et cette vie sociale de l’Église, son rôle près des élus considérés individuellement consiste surtout à faire valoir en eux les énergies divines des sacrements qu’elle confère, et à développer les germes de salut que sa parole dépose en leurs âmes.

Aussi sera-ce, dans tous les siècles, une mission importante et sublime que celle de ces hommes, chefs des églises particulières, docteurs privés ou directeurs des âmes, qui représenteront, près des fidèles isoles, la Mère commune ; ils fourniront véritablement pour elle à l’Esprit divin les éléments sur lesquels doit porter son action toute-puissante. Mais aussi, malheur au temps dans lequel les dispensateurs de la parole sainte ne laisseraient plus tomber sur les âmes, avec des principes diminués ou faussés, qu’une semence atrophiée ! L’Esprit n’est point tenu de suppléer par lui-même à leur insuffisance ; et il ne le fera pas d’ordinaire, respectueux qu’il est de l’ordre établi par l’Homme-Dieu pour la sanctification des membres de son Église.

La Mère commune vient d’ailleurs magnifiquement à l’aide de ces délaissés dans sa Liturgie, qui renferme toujours, soutenues de la force même du Sacrifice et vivifiées par les grâces du Sacrement d’amour, la règle très sûre des mœurs et les plus sublimes leçons des vertus. Mais pour cela faut-il encore que ces pauvres âmes, trop habituées souvent à regarder comme la voie royale de la perfection la vie chétive qu’elles se sont faite, comprennent quelle place il convient de laisser au pain sans force et à l’eau appauvrie dont elles se nourrissent, en présence des intarissables et authentiques trésors du sein maternel. « O vous tous qui avez soif, dirait le prophète, venez donc à la source vive. Pourquoi dépenser vos richesses à ce qui ne peut vous nourrir, et vos sueurs à ce qui ne peut vous rassasier ? Bien plutôt, sans argent ni dépense, sans échange d’aucune sorte, achetez et mangez, abreuvez-vous de vin et de lait : en m’écoutant, nourrissez-vous de la bonne nourriture, et que votre âme se délecte et s’engraisse ». S’il est une remarque, en effet, qui doive attirer l’attention non moins que la reconnaissance du chrétien en quête de lumières au sujet de la voie qui conduit au ciel, c’est bien assurément que l’Église ait pris soin de choisir elle-même, au milieu du trésor des Écritures, et de rassembler dans le plus usuel de tous les livres les passages pratiques qu’elle sait mieux que personne sans doute convenir à ses fils. A cette école de la sainte Liturgie, de son livre de Messe, le fidèle humblement et pieusement attentif ne sera point exposé à voir s’affaiblir ou vaciller jamais la lumière. « C’est ici le chemin, lui dira son guide avec autorité ; prenez-le sans crainte, et ne vous écartez ni à droite, ni à gauche ». L’Église, faut-il s’en étonner ? l’emportera toujours, dans la conduite des âmes, sur les plus profonds des docteurs et les plus saints mêmes de ses fils.

Qu’on réunisse les quelques lignes empruntées comme Épîtres, dans ces trois derniers dimanches, à la lettre de saint Paul aux Romains ; et qu’on dise si, indépendamment de leur infaillible vérité garantie par l’Esprit-Saint lui-même, il est possible de trouver ailleurs une aussi admirable exposition des bases de la morale révélée. La clarté, la simplicité d’expression, la véhémence chaleureuse de l’exhortation apostolique, le disputent, dans ce peu de paroles, à l’ampleur de la doctrine et à la portée des considérations que l’on y voit empruntées aux plus sublimes aspects du dogme chrétien. Jésus-Christ, fondement du salut, sa mort et son glorieux tombeau devenus dans le baptême le point de départ de l’homme régénéré, sa vie en Dieu modèle de la nôtre ; la honte passée de nos corps asservis, la fécondité sanctifiante des vertus remplaçant dans nos membres la désastreuse germination des vices ; aujourd’hui enfin les droits de l’esprit sur la chair, et ses devoirs contre elle s’il tient à garder sa juste prééminence, si l’homme veut maintenir la liberté qu’il a recouvrée par la grâce de l’Esprit d’amour et se montrer, comme il l’est en toute vérité, le fils de Dieu, le cohéritier du Christ : telles sont les splendides réalités illuminant pour nous désormais de leurs célestes rayons la loi de la vie dont on vit par L’Esprit-Saint dans le Christ Jésus ; tels se produisent, en face du monde, les axiomes de la science du salut qui doit remplacer à la fois les impuissances de la loi juive et la stérile morale de la philosophie.

Car c’est une vérité qu’il convient de retenir aussi, comme étant l’idée-mère de toute cette sublime épître aux Romains : l’impuissance, la stérilité pour la justice complète et le bien absolu, sont la part trop certaine de l’humanité non relevée par la grâce. L’expérience l’a prouvé, saint Paul le déclare, les Pères bientôt l’affirmeront unanimement, et l’Église le définira dans ses conciles. L’homme peut arriver, il est vrai, par les seules forces de sa nature tombée, à la possession de certaines vérités et à la pratique de quelque bien ; mais il ne parviendra jamais, sans la grâce, à connaître et moins encore à observer les préceptes de la loi simplement naturelle dans leur ensemble.

De Jésus donc, de Jésus seul vient toute justice. Non seulement la justice surnaturelle, qui suppose l’infusion de la grâce sanctifiante dans l’âme du pécheur, est de lui tout entière ; mais encore cette justice naturelle dont les hommes se parent si volontiers, et qu’ils prétendent leur tenir lieu de tout le reste, échappe à quiconque n’adhère point au Christ par la foi et l’amour. Que les adeptes de l’indépendance de l’esprit humain exaltent leur morale et vantent leurs vertus ; nous chrétiens, nous ne savons qu’une chose que nous tenons de notre mère l’Église : l’honnête homme, c’est-à-dire l’homme véritablement en règle avec tous les devoirs que lui impose sa nature, ne se trouve point ici-bas sans le secours très spécial de l’Homme-Dieu rédempteur et sauveur. Avec saint Paul, soyons donc fiers de l’Évangile  ; car il est bien la vertu de Dieu, non seulement pour sauver l’homme et justifier l’impie, mais encore pour donner la justice agissante et parfaite aux âmes avides de droiture. Le juste vit de la foi, dit l’Apôtre, et sa justice croît avec elle ; sans la foi en Jésus, la prétention d’arriver par soi et ses œuvres à la consommation de tout bien n’engendre que la stérilité de l’orgueil et n’attire que des maux. Les Juifs en font aujourd’hui la triste expérience. Fiers de leur loi qui leur donnait une lumière plus grande qu’aux nations, et voulant établir sur elle seule leur propre justice, ils ont méconnu celui qui était la fin de la loi, la source de toute justice véritable ; ils ont repoussé le Christ qui leur apportait, avec la délivrance du mal antérieur, la connaissance du précepte et la force de l’accomplir ; ils sont restés dans leur iniquité, ajoutant faute sur faute au péché d’origine, thésaurisant pour le jour de colère. Or voilà qu’à cette heure même s’accomplit la prédiction d’Isaïe, mettant les paroles suivantes dans la bouche des restes d’Israël que nous accompagnons aujourd’hui dans leur fuite : « Si le Seigneur des armées n’eût réservé quelques rejetons de notre race, nous aurions été comme Sodome et Gomorrhe ».

« Que dirons-nous donc, s’écrie l’Apôtre ? sinon que les nations, qui ne cherchaient point la justice, ont trouvé et saisi la justice, mais la justice qui vient de la foi ; Israël au contraire, « poursuivant la loi de la justice, ne l’a point rencontrée. Pourquoi, cela ? parce qu’il n’a point voulu la tenir de la foi, et s’est conduit comme s’il pouvait l’obtenir par les œuvres. Ils ont bronché contre la pierre d’achoppement, selon qu’il est écrit : Voici que je pose en Sion une pierre d’achoppement et de scandale, et quiconque croira en celui qui est cette pierre ne sera point confondu ».

ÉVANGILE.

Les divers termes de la parabole qui nous est proposée sont faciles à saisir, et renferment une doctrine profonde. Dieu seul est riche par nature, parce qu’à lui seul appartient en propre le domaine direct et absolu sur toutes choses : elles sont à lui, parce qu’il les a faites. Mais en envoyant son Fils dans le monde sous une forme créée, il l’a constitué par cette mission dans le temps l’héritier des ouvrages sortis de ses mains, comme il l’était déjà des trésors mêmes de la nature divine par le fait de sa génération éternelle. L’homme riche de notre Évangile, c’est donc le Seigneur Jésus portant dans son humanité unie au Verbe le titre d’hérédité universelle qui l’établit sur tous les biens, créés ou non, finis ou infinis, du Dieu très-haut. C’est à lui qu’appartiennent les cieux chantant sa gloire et fiers de former pour un temps son vêtement de lumière, l’océan qui proclame sa puissance au sein des tempêtes et abat docile à ses pieds la fureur de ses flots, la terre enfin lui présentant l’hommage de sa plénitude. L’herbe et les fleurs de la prairie, les fruits variés, la fertile beauté des champs, les oiseaux du ciel comme les poissons qui peuplent les fleuves ou parcourent les sentiers des mers], les grands troupeaux comme l’insecte ignoré, comme la bête fauve qui se dérobe dans la profondeur des forêts ou sur les montagnes : tout est sien, tout est soumis à son empire. A lui aussi appartiennent en pleine possession l’argent et l’or, et l’homme même, qui ne serait que son esclave à jamais, s’il n’avait daigné miséricordieusement le diviniser et l’appeler en part de ses biens éternels. Au lieu d’esclaves, il a voulu avoir en nous des frères ; et, retournant de ce monde à son Père devenu le nôtre par sa grâce, il nous a envoyé l’Esprit-Saint comme le témoin de la filiation divine en nos âmes, comme le gage de l’hérédité sacrée qui nous assure le ciel. Biens ineffables du siècle futur, héritage sans pareil, dont la grandeur fait tressaillir l’Homme-Dieu lui-même dans le psaume célébrant sa résurrection glorieuse ! Nous ses membres et ses cohéritiers, nous avons le droit de dire avec lui : « Le cordeau du partage est tombé pour moi sur une part merveilleuse. Splendide est en effet mon héritage ; car c’est Dieu même qui m’est échu en possession. Béni soit le Seigneur qui m’a donné de le comprendre ! »

Toutefois, pour arriver à la jouissance des richesses éternelles, une épreuve nous est imposée : il faut que nous fassions valoir ici-bas le domaine visible du Christ. Notre fidélité dans la gestion de ces biens inférieurs, confiés en des proportions si variées aux soins des fils d’Adam pendant les jours de leur exil, marquera la mesure des récompenses sans fin qui nous attendent. Divine convention, ineffable accord de justice et d’amour ! de ses biens l’Homme-Dieu a fait deux parts : il nous assure la pleine propriété de la part éternelle, seule vraiment grande, seule capable de satisfaire nos aspirations infinies ; pour l’autre, qui en elle-même ne mériterait point d’attirer le regard d’êtres appelés à contempler la divine essence, il dédaigne d’y attacher nos âmes et se refuse à nous communiquer sur elle les droits d’un domaine absolu. La vraie propriété des biens du temps reste donc à lui seul ; la possession qu’il octroie des richesses de la terre d’épreuve aux futurs cohéritiers de son éternité, demeure soumise à mille restrictions durant leur vie, et révèle à la mort son caractère essentiellement précaire : elle ne suit point les hommes au delà du tombeau.

Un jour vient pour l’insensé, comme pour le sage, où l’on doit lui redemander son âme, où le riche, traduit comme le pauvre dans la nudité du jour de sa naissance en présence du seul Maître, entendra la parole : Rendez-moi compte de votre administration. La règle du jugement, à cette heure terrible, sera celle-là même que nous a révélée le Seigneur en personne, lorsqu’il disait dans les jours de sa vie mortelle : « Il sera réclamé beaucoup à qui l’on a donné beaucoup ; et il sera demandé plus à qui l’on aura confié davantage ». Malheur alors au serviteur qui s’était cru maître, à l’économe qui, méconnaissant son mandat, s’est plu à dissiper vainement des biens dont il n’était que le dispensateur ! Il comprend, à la lumière de l’éternité, l’erreur de son fol orgueil ; il pénètre l’injustice souveraine d’une vie, honnête peut-être selon le monde, mais passée tout entière sans tenir compte des intentions de celui qui lui confia ces richesses dont il était si fier. Dépossédé sans retour, il ne peut réparer ses torts par une administration plus conforme à l’avenir aux volontés du maître du monde. S’il pouvait du moins se reformer laborieusement un héritage, ou trouver assistance près de ceux qui vécurent avec lui sur terre ! Mais au delà du temps le travail cesse ; et ses mains vides, devenues impuissantes, ne recueilleraient que la honte en s’ouvrant pour demander l’aumône, au pied du tribunal redoutable où chacun craint à bon droit de ne pouvoir se suffire à lui-même.

Heureux donc si, dès ce monde, la voix des menaces divines qui retentit en mille manières parvient à réveiller sa conscience ; si, comme l’économe de notre Évangile, il profite du temps qui lui reste, et se dit avec Job : Que ferai-je, quand Dieu se lèvera pour le jugement ? Lorsqu’il m’interrogera, que lui répondrai-je ?

Celui même qui doit être son juge lui indique miséricordieusement, aujourd’hui, le moyen de parer la peine qu’ont encourue ses malversations. Qu’il imite l’habileté de l’économe infidèle, et il sera loué pleinement : non seulement, comme lui, à cause de sa prudence ; mais parce qu’en disposant ainsi pour les serviteurs de Dieu des richesses mises en ses mains, loin de frustrer le Seigneur de toutes choses, il ne fait que rentrer dans ses intentions. Quel est en effet l’économe fidèle autant que prudent, établi par le Seigneur sur sa famille, sinon celui qui pourvoie les membres de cette famille, en temps opportun, de froment et d’huile ? Corporelle ou spirituelle, l’aumône nous assure des amitiés puissantes pour l’heure du grand dénuement, au jour où la terre doit manquer à notre vie défaillante ; car c’est aux pauvres qu’appartient le royaume des cieux ; si nous employons les richesses de la vie présente à abriter et soulager leur misère ici-bas, ils ne manqueront pas de nous recevoir à leur tour dans leurs maisons, qui sont les tabernacles éternels.

Tel est le sens direct et obvie de la parabole qui nous est proposée. Mais si nous voulons pénétrer complètement l’intention pour laquelle l’Église choisit aujourd’hui ce passage de l’Évangile, il nous faut recourir à saint Jérôme qui s’en est fait l’interprète officiel dans l’Homélie de l’Office de la nuit. Poursuivons avec lui la lecture évangélique : Celui qui est fidèle dans les petites choses, continue le texte sacré, c’est aussi dans les grandes, et celui qui est injuste dans les petites choses le sera dans les grandes ; si donc vous n’avez pas été fidèles dans les richesses iniques et trompeuses, qui vous confiera les biens véritables ? Or Jésus parlait ainsi, observe saint Jérôme, devant les scribes et les pharisiens qui le tournaient en dérision, voyant bien que la parabole était contre eux. L’infidèle dans les petites choses, c’est en effet le Juif jaloux, qui, dans le domaine restreint de la vie présente, refuse à ses frères l’usage des biens créés pour tous. Si donc, est-il dit à ces scribes avares, vous êtes convaincus de malversation dans la gestion de richesses fragiles et passagères, qui pourrait vous confier les vraies, les éternelles richesses de la parole divine et de l’enseignement des nations ? Demande redoutable, que le Seigneur laisse aujourd’hui en suspens sur la tête des infidèles dépositaires de la loi des figures. Mais combien, dans peu, la réponse sera terrifiante !

En attendant, l’humble troupe des élus de Juda, laissant ces endurcis à la vengeance que précipite leur démence orgueilleuse, poursuit sa route dans la confiance assurée qu’elle garde en son sein les promesses de Sion. L’Antienne de l’Offertoire célèbre sa foi et son espérance.

C’est de Dieu lui-même que nous tenons les dons qu’il agrée de nos mains dans sa bonté ; les Mystères sacrés qui transforment l’oblation n’en obtiennent pas moins pour nous par sa grâce, comme le dit la Secrète, la sanctification de la vie présente et les joies de l’éternité.

 

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Sainte Marthe vierge mémoire de Saint Félix Pape et des Saints Simplice Faustin et Béatrice Martyrs

29 Juillet 2022 , Rédigé par Ludovicus

Sainte Marthe vierge mémoire de Saint Félix Pape et des Saints Simplice Faustin et Béatrice Martyrs

Collecte

Exaucez-nous, ô Dieu notre salut : et comme nous trouvons un sujet de joie dans la fête de la bienheureuse Marthe, votre Vierge : faites que nous goûtions les enseignements et la ferveur d’une pieuse dévotion.

Office

Au deuxième nocturne.

Quatrième leçon. Marthe, issue de parents nobles et riches, est célèbre par l’hospitalité qu’elle donna au Seigneur. Après l’ascension de Jésus dans les cieux, les Juifs s’emparèrent d’elle, de son frère, de sa sœur, de Marcelle leur servante et de beaucoup d’autres Chrétiens, parmi lesquels Maximin, l’un des soixante-douze disciples, qui avait baptisé toute cette famille. Marthe fut embarquée sur un vaisseau sans voiles ni rames, et exposée à un naufrage certain sur l’immensité de la mer ; mais la main de Dieu dirigea le navire, qui les conduisit tous sains et saufs à Marseille.

Cinquième leçon. Leur prédication, jointe à ce miracle, convertit à Jésus-Christ les habitants de cette ville, puis ceux d’Aix et les populations voisines. Lazare fut créé Évêque de Marseille, et Maximin, Évêque d’Aix. Madeleine, qui avait eu coutume de se tenir aux pieds du Seigneur et d’écouter sa parole, alla s’enfermer dans une vaste caverne sur une haute montagne, afin de jouir de la meilleure part qu’elle s’était réservée, à savoir la contemplation du bonheur céleste ; elle y vécut trente ans, privée de tout rapport avec les hommes, et chaque jour les Anges relevaient dans les airs pour qu’elle entendît les louanges des esprits célestes.

Sixième leçon. Pour ce qui est de Marthe, dont l’éminente sainteté de vie et la charité provoquèrent l’amour et l’admiration de tous les Marseillais, elle se retira avec quelques femmes d’une haute vertu dans un lieu solitaire ; elle y vécut de longues années avec une grande réputation de piété et de prudence. Enfin, après s’être illustrée par des miracles et avoir prédit longtemps à l’avance le jour de sa mort, elle s’en alla vers le Seigneur, le quatrième jour des calendes d’août. A Tarascon on entoure son corps d’une grande vénération.

Au troisième nocturne.

Homélie de saint Augustin, Évêque. Sermo 26 de verbis Domini

Septième leçon. Les paroles de notre Seigneur Jésus-Christ qu’on vient de lire dans l’Évangile, nous rappellent qu’il est une seule chose à laquelle nous devons tendre, au milieu des soins multiples de ce monde. Or, nous y tendons comme étrangers et non comme citoyens ; comme étant sur la route et non dans la patrie ; comme aspirants et non comme possesseurs. Tendons-y néanmoins, et tendons-y sans paresse et sans relâche, afin de pouvoir y arriver un jour. Marthe et Marie étaient deux sœurs, sœurs non seulement par la chair, mais par la religion ; toutes deux s’attachèrent au Seigneur ; toutes deux d’un commun accord, servirent le Seigneur pendant les jours de sa vie mortelle.

Huitième leçon. Marthe le reçut comme on reçoit un hôte, mais c’était néanmoins la servante qui recevait son Seigneur, une malade qui recevait son Sauveur, la créature qui recevait son Créateur. Elle le reçut pour lui donner la nourriture du corps, et pour recevoir de lui la nourriture de l’âme. Car le Seigneur a voulu prendre la forme d’esclave, et, dans cette forme d’esclave, être nourri par ses serviteurs, et cela par bonté, non par nécessité. Ce fut en effet de sa part une bonté que de se laisser nourrir. Sans doute, il avait une chair sujette à la faim et à la soif ; mais ignorez-vous que des Anges lui apportèrent à manger, quand il eut faim au désert ? Si donc il a voulu être nourri, ç’a été dans l’intérêt de quiconque le nourrissait. Et quoi d’étonnant, puisqu’il a fait ainsi du bien à une veuve, en nourrissant par elle le saint Prophète Élie, qu’il avait nourri auparavant par le ministère d’un corbeau ? Est-ce qu’il est impuissant à nourrir le Prophète, pour l’envoyer à cette veuve ? Nullement, mais il se proposait de bénir la pieuse veuve, en raison du service rendu à son serviteur.

Neuvième leçon. C’est donc ainsi que le Seigneur fut reçu en qualité d’hôte ; « lui qui est venu chez lui, et les siens ne l’ont point reçu, mais à tous ceux qui l’ont reçu, il a donné le pouvoir d’être faits enfants de Dieu », adoptant des esclaves et les prenant pour enfants, rachetant des captifs et les faisant ses cohéritiers. Qu’il n’arrive cependant à aucun de vous de dire : ô bienheureux ceux qui ont eu l’honneur de recevoir le Christ dans leur propre maison ! Garde-toi de te plaindre et de murmurer de ce que tu es né à une époque où tu ne vois plus le Seigneur en sa chair. Il ne t’a point privé de cette faveur. « Chaque fois que vous l’avez fait à un de ces plus petits d’entre mes frères, dit-il, c’est à moi que vous l’avez fait ». En voilà assez sur la nourriture corporelle à offrir au Seigneur. Quant à la nourriture spirituelle qu’il nous donne, nous en dirons quelques mots à l’occasion.

 

Madeleine, cette fois, avait été la première au-devant du Seigneur. Huit jours à peine étaient écoulés depuis son glorieux passage, que rendant à sa sœur le bon office qu’elle en reçut autrefois, elle venait lui dire à son tour : « Le bien-aimé est là, et il t’appelle ». Et Jésus, prenant les devants, paraissait lui-même : « Viens, disait-il, « mon hôtesse ; viens de l’exil, tu seras couronnée ». Hôtesse du Seigneur, tel sera donc au ciel comme ici-bas le nom de Marthe et son titre de noblesse éternel.

« En quelque ville ou village que vous entriez, disait l’Homme-Dieu à ses disciples, informez-vous qui en est digne, et demeurez chez lui ». Or, raconte saint Luc, il arriva que comme ils marchaient, lui-même entra en un certain village, et une femme nommée Marthe le reçut dans sa maison, Où chercher plus bel éloge, où trouver plus sûre louange de la sœur de Madeleine, que dans le rapprochement de ces deux textes du saint Évangile ?

Ce certain lieu où elle fut, comme en étant digne, élue par Jésus pour lui donner asile, ce village, dit saint Bernard, est notre humble terre, perdue comme une bourgade obscure dans l’immensité des possessions du Seigneur. Le Fils de Dieu, parti des cieux, faisait route à la recherche de la brebis perdue, guidé par l’amour. Sous le déguisement de notre chair de péché, il était venu dans ce monde qui était son œuvre, et le monde ne l’avait point connu ; Israël, son peuple, n’avait pas eu pour lui, même une pierre où il pût reposer sa tête, et l’avait laissé dans sa soif mendier l’eau des Samaritains. Nous, ses rachetés de la gentilité, qu’à travers reniements et fatigues il poursuivait ainsi, n’est-il pas vrai que sa gratitude doit être aussi la nôtre pour celle qui, bravant l’impopularité du moment, la persécution de l’avenir, voulut solder envers lui notre dette à tous ?

Gloire donc à la fille de Sion, descendante des rois, qui, fidèle aux traditions d’hospitalité des patriarches ses premiers pères, fut bénie plus qu’eux dans l’exercice de cette noble vertu ! Plus ou moins obscurément encore, ils savaient pourtant, ces ancêtres de notre foi, que le désiré d’Israël et l’attente des nations devait paraître en voyageur et en étranger sur la terre. Aussi, eux-mêmes pèlerins d’une patrie meilleure, sans demeure fixe, ils honoraient le Sauveur futur en tout inconnu se présentant sous leur tente ; comme nous leurs fils dans la foi des mêmes promesses, accomplies maintenant, vénérons le Christ dans l’hôte que sa bonté nous envoie. Pour eux comme pour nous, cette relation qui leur était montrée entre Celui qui devait venir et l’étranger cherchant un asile, faisait de l’hospitalité, fille du ciel, une des plus augustes suivantes de la divine charité. Plus d’une fois, la visite d’Anges se prêtant sous des traits humains aux bons offices de leur zèle, manifesta en effet la complaisance qu’y prenaient les cieux. Mais s’il convient d’estimer à leur prix ces célestes prévenances dont notre terre n’était point digne, combien pourtant s’élève plus haut le privilège de Marthe, vraie dame et princesse de la sainte hospitalité, depuis qu’elle en a placé l’étendard au sommet vers lequel convergèrent tous les siècles de l’attente et ceux qui suivirent !

S’il fut grand d’honorer le Christ, avant sa venue, dans ceux qui de près ou de loin étaient ses figures ; si Jésus promet l’éternelle récompense à quiconque, depuis qu’il n’est plus avec nous, l’abrite et le sert en ses membres mystiques : celle-là est plus grande et mérita plus, qui reçut en personne Celui dont le simple souvenir ou la pensée donne à la vertu dans tous les temps mérite et grandeur. Et de même que Jean l’emporte sur tous les Prophètes, pour avoir montré présent le Messie qu’ils annonçaient à distance ; ainsi le privilège de Marthe, tirant son excellence de la propre et directe excellence du Verbe de Dieu qu’elle secourut dans la chair même qu’il avait prise pour nous sauver, établit la sœur de Madeleine au-dessus de tous ceux qui pratiquèrent jamais les œuvres de miséricorde.

Si donc Madeleine aux pieds du Seigneur garde pour elle la meilleure part, ne croyons pas que celle de Marthe doive être méprisée. Le corps est un, mais il a plusieurs membres, et tous ces membres n’ont pas le même rôle ; ainsi l’emploi de chacun dans le Christ est différent selon la grâce qu’il a reçue, soit pour prophétiser, soit pour servir. Et l’Apôtre, exposant cette diversité de l’appel divin : « Par la grâce qui m’a été donnée, disait-il, je recommande à tous ceux qui sont parmi vous de ne point être sage plus qu’il ne convient d’être sage, mais de se tenir à la mesure du don que Dieu départit à chacun dans la foi ». O discrétion, gardienne de la doctrine autant que mère des vertus, que de pertes dans les âmes, que de naufrages parfois, vous feriez éviter !

« Quiconque, dit saint Grégoire avec son sens si juste toujours, quiconque s’est donné entièrement à Dieu, doit avoir soin de ne pas se répandre seulement dans les œuvres, et tendre aussi aux sommets de la contemplation. Cependant il importe extrêmement ici de savoir qu’il y a une grande variété de tempéraments spirituels. Tel qui pouvait vaquer paisible à la contemplation de Dieu, tombera écrasé sous les œuvres ; tel que l’usuelle occupation des humains eût gardé dans une vie honnête, se blesse mortellement au glaive d’une contemplation qui dépasse ses forces : ou faute de l’amour qui empêche le repos de tourner en torpeur, ou faute de la crainte qui garde des illusions de l’orgueil et des sens. L’homme qui désire être parfait doit à cause de cela s’exercer dans la plaine d’abord, à la pratique des vertus, pour monter plus sûrement aux hauteurs, laissant en bas toute impulsion des sens qui ne peuvent qu’égarer les recherches de l’esprit, toute image dont les contours ne sauraient s’adapter à la lumière sans contours qu’il désire voir. A l’action donc le premier temps, à la contemplation le dernier. L’Évangile loue Marie, mais Marthe n’y est point blâmée, parce que grands sont les mérites de la vie active, quoique meilleurs ceux de la contemplation ».

Et si nous voulons pénétrer plus avant le mystère des deux sœurs, observons que, bien que Marie soit la préférée, ce n’est pourtant point dans sa maison, ni dans celle de Lazare leur frère, mais dans la maison de Marthe, que l’Homme-Dieu nous est montré faisant séjour ici-bas avec ceux qu’il aime. Jésus, dit saint Jean, aimait Marthe, et sa sœur Marie, et Lazare : Lazare, figure des pénitents que sa miséricordieuse toute-puissance appelle chaque jour de la mort du péché à la vie divine ; Marie, s’adonnant dès ce monde aux mœurs de l’éternité ; Marthe enfin, nommée ici la première comme l’aînée de son frère et de sa sœur, la première en date mystiquement selon ce que disait saint Grégoire, mais aussi comme celle de qui l’un et l’autre dépendent en cette demeure dont l’administration est remise à ses soins. Qui ne reconnaîtrait là le type parfait de l’Église, où, dans le dévouement d’un fraternel amour sous l’œil du Père qui est aux cieux, le ministère actif tient la préséance de gouvernement sur tous ceux que la grâce amène à Jésus ? Qui ne comprendrait aussi les préférences du Fils de Dieu pour cette maison bénie ? L’hospitalité qu’il y recevait, toute dévouée qu’elle fût, le reposait moins de sa route laborieuse que la vue si achevée déjà des traits de cette Église qui l’avait attiré du ciel en terre.

Marthe par avance avait donc compris que quiconque a la primauté doit être le serviteur : comme le Fils de l’homme est venu non pour être servi, mais pour servir ; comme plus tard le Vicaire de Jésus, le prince des prélats de la sainte Église, s’appellera Serviteur des serviteurs de Dieu. Mais en servant Jésus, comme elle servait avec lui et pour lui son frère et sa sœur, qui pourrait douter que plus que personne elle entrait en part des promesses de cet Homme-Dieu, lorsqu’il disait : « Qui me sert me suit ; et où je serai, là aussi sera mon serviteur ; et mon Père l’honorera ». Et cette règle si belle de l’hospitalité antique, qui créait entre l’hôte et l’étranger admis une fois à son foyer des liens égaux à ceux du sang, croyons-nous que dans la circonstance l’Emmanuel ait pu n’en pas tenir compte, lorsqu’au contraire son Évangéliste nous dit qu’« à tous ceux qui le reçurent il a donné le pouvoir d’être faits enfants de Dieu ». C’est qu’en effet « quiconque le reçoit, déclare-t-il lui-même, ne reçoit pas lui seulement, mais le Père qui l’envoie ».

La paix promise à toute maison qui se montrerait digne de recevoir les envoyés du ciel, la paix qui ne va point sans l’Esprit d’adoption des enfants, s’était reposée sur Marthe avec une incomparable abondance. L’exubérance trop humaine qui d’abord s’était laissée voir dans sa sollicitude empressée, avait été pour l’Homme-Dieu l’occasion de montrer sa divine jalousie pour la perfection de cette âme si dévouée et si pure. Au contact sacré, la vive nature de l’hôtesse du Roi pacifique dépouilla ce qu’il lui restait de fébrile inquiétude ; et servante plus active que jamais, plus agréée qu’aucune autre, elle puisa dans sa foi ardente au Christ Fils du Dieu vivant l’intelligence de l’unique nécessaire et de la meilleure part qui devait un jour être aussi la sienne. Oh ! quel maître de la vie spirituelle, quel modèle ici Jésus n’est il pas de discrète fermeté, de patiente douceur, de sagesse du ciel dans la conduite des âmes aux sommets !

Jusqu’à la fin de sa carrière mortelle, selon le conseil de stabilité que lui-même il donnait aux siens, l’Homme-Dieu resta fidèle à l’hospitalité de Béthanie : c’est de là qu’il partit pour sauver le monde en sa douloureuse Passion ; c’est de Béthanie encore que, quittant le monde, il voulut remonter dans les cieux. Alors cette demeure, paradis de la terre, qui avait abrité Dieu, la divine Mère, le collège entier des Apôtres, parut bien vide à ceux qui l’habitaient. L’Église tout à l’heure nous dira par quelles voies, toutes d’amour pour nous Gentils, l’Esprit de la Pentecôte transporta dans la terre des Gaules la famille bénie des amis de l’Homme-Dieu.

Sur les rives du Rhône, Marthe restée la même apparut comme une mère, compatissant à toutes misères, s’épuisant en bienfaits Jamais sans pauvres, dit l’ancien historien des deux sœurs, elle les nourrissait avec une tendre sollicitude des mets que le ciel fournissait abondamment à sa charité, n’oubliant qu’elle-même, ne se réservant que des herbes ; et en mémoire du glorieux passé, comme elle avait servi le Chef de l’Église en sa propre personne, elle le servait maintenant dans ses membres, toujours aimable pour tous, affable à chacun. Cependant les pratiques d’une effrayante pénitence étaient ses délices. Mille fois martyre, de toutes les puissances de son âme Marthe la très sainte aspirait aux cieux. Son esprit, perdu en Dieu, s’absorbait dans la prière et y passait les nuits. Infatigablement prosternée, elle adorait régnant au ciel Celui qu’elle avait vu sans gloire en sa maison. Souvent aussi elle parcourait les villes et les bourgs, annonçant aux peuples le Christ Sauveur.

Avignon et d’autres villes de la province Viennoise l’eurent pour apôtre. Tarascon fut par elle délivré de l’ancien serpent, qui sous une forme monstrueuse perdait les corps comme au dedans il tyrannisait les âmes. Ce fut là qu’au milieu d’une communauté de vierges qu’elle avait fondée, elle entendit le Seigneur l’appeler en retour de son hospitalité d’autrefois à celle des cieux. C’est là qu’aujourd’hui encore elle repose, protégeant son peuple de Provence, accueillant en souvenir de Jésus l’étranger. La paix des bienheureux qui respire en sa noble image, pénètre le pèlerin admis à baiser ses pieds apostoliques ; et en remontant les degrés de la crypte sacrée pour reprendre sa route dans cette vallée d’exil, il garde, comme un parfum de la patrie, le souvenir de l’unique et touchante épitaphe : SOLLICITA NON TURBATUR ; zélée toujours, elle n’est plus troublée.

Entrée pour jamais comme Madeleine en possession de la meilleure part, votre place, ô Marthe, est belle dans les cieux. Car celui qui sert dignement s’acquiert un rang élevé, dit saint Paul, et sa confiance est grande à juste titre dans la foi du Christ Jésus : le service que les diacres dont parlait l’Apôtre accomplissent pour l’Église, vous l’avez accompli pour son Chef et son Époux ; vous avez bien gouverné votre maison, qui était la figure de cette Église aimée du Fils de Dieu. Or, assure encore le Docteur des nations, « Dieu n’est point injuste, pour oublier vos œuvres et l’amour que vous avez témoigné pour son nom, vous qui avez servi les saints ». Et le Saint des saints, devenu lui-même votre hôte et votre obligé, ne nous laisse-t-il pas déjà entrevoir assez vos grandeurs, lorsque parlant seulement du serviteur fidèle établi sur sa famille pour distribuer à chacun la nourriture au temps voulu, il s’écrie : « Heureux ce serviteur que le Maître, quand il viendra, trouvera agissant de la sorte ! en vérité, je vous le dis, il l’établira sur tous ses biens ». O Marthe, l’Église tressaille en ce jour où le Seigneur vous trouva, sur notre terre des Gaules, continuant de l’accueillir en ces plus petits où il déclare que nous devons maintenant le chercher. Il est donc venu le moment de la rencontre éternelle ! Assise désormais, dans la maison de cet hôte fidèle plus qu’aucun aux lois de l’hospitalité, vous le voyez faire de sa table votre table, et se ceignant à son tour, vous servir comme vous l’avez servi.

Du sein de votre repos, protégez ceux qui continuent de gérer les intérêts du Christ ici-bas, dans son corps mystique qui est toute l’Église, dans ses membres fatigués ou souffrants qui sont les pauvres et les affligés de toutes sortes. Multipliez et bénissez les œuvres de la sainte hospitalité ; que le vaste champ de la miséricorde et de la charité voie ses prodigieuses moissons s’accroître encore en nos jours. Puisse rien ne se perdre de l’activité si louable où se dépense le zèle de tant d’âmes généreuses ! et dans ce but, ô sœur de Madeleine, apprenez à tous, comme vous-même l’avez appris du Seigneur, à mettre au-dessus de tout l’unique nécessaire, à estimer à son prix la meilleure part. Après la parole qui vous fut dite moins pour vous que pour tous, quiconque voudrait troubler Madeleine aux pieds de Jésus, ou l’empêcher de s’y rendre, verrait à bon droit le ciel froissé stériliser ses œuvres.

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Saints Nazaire et Celse martyrs, Victor pape et martyr et Innocent Ier pape

28 Juillet 2022 , Rédigé par Ludovicus

Saints Nazaire et Celse martyrs, Victor pape et martyr et Innocent Ier papeSaints Nazaire et Celse martyrs, Victor pape et martyr et Innocent Ier pape

Collecte

Que la bienheureuse profession de foi de vos saints Nazaire, Celse, Victor et Innocent nous fortifie, Seigneur : et qu’elle obtienne de votre bonté des secours pour notre faiblesse.

Office

Au deuxième nocturne.

Quatrième leçon. Nazaire, baptisé par le Pape saint Lin, passa en Gaule et y baptisa le jeune Celse, qu’il avait pieusement instruit des préceptes chrétiens : ils allèrent ensemble à Trêves, et pendant la persécution de Néron, ils furent jetés tous les deux à la mer, mais ils en sortirent miraculeusement. Ils vinrent ensuite à Milan ; comme ils répandaient la foi du Christ, et confessaient sa divinité avec la plus grande constance, le préfet Anolinus leur fit trancher la tête ; leurs corps, ensevelis en dehors de la porte Romaine, y restèrent longtemps, mais, sur une indication céleste, saint Ambroise les découvrit, portant les traces d’un sang aussi vermeil que s’ils avaient souffert le martyre tout récemment ; ils furent transportés à Rome et renfermés dans un sépulcre honorable.

Cinquième leçon. Victor, né en Afrique, gouverna l’Église sous l’empereur Sévère. Il confirma le décret de Pie Ier, réglant que Pâques serait célébrée le dimanche ; dans le but de faire passer cette loi dans la pratique, il se tint des conciles en beaucoup de lieux ; le premier synode de Nicée décréta enfin qu’on célébrerait la fête de Pâques après la quatorzième lune, afin que les Chrétiens ne parussent pas imiter les Juifs. Le Pape Victor décida qu’on pourrait baptiser en cas de nécessité avec n’importe quelle eau, pourvu qu’elle fût naturelle. Il rejeta du sein de l’Église le corroyeur byzantin Théodote, qui prétendait que le Christ n’avait été qu’un homme, écrivit un traité sur la solennité pascale et quelques autres opuscules. En deux ordinations faites au mois de décembre, il ordonna quatre Prêtres, sept Diacres et sacra douze Évêques pour divers lieux. Ayant reçu la couronne du martyre, il fut enseveli au Vatican, le cinq des calendes d’août, après avoir siégé neuf ans, un mois et vingt-huit jours.

Sixième leçon. Innocent, d’Albano, vécut au temps de saint Augustin et de saint Jérôme. Celui-ci, écrivant à la vierge Démétriade, disait de lui : « Gardez la foi de saint Innocent, qui siège sur la chaire apostolique, et qui est le successeur et le fils spirituel d’Anastase, d’heureuse mémoire ; ne recevez pas une autre doctrine, si sage et si séduisante qu’elle paraisse. » L’écrivain Orose, comparant Innocent au juste Lot que la divine Providence a préservé, dit que ce Pape fut amené à Ravenne pour qu’il eût la vie sauve et ne vît pas la ruine du peuple romain. Après la condamnation de Pelage et de Célestius, il porta ce décret au sujet de leurs hérésies : qu’il fallait régénérer par le baptême les petits enfants, fussent-ils nés d’une mère chrétienne, afin de purifier en eux au moyen de cette régénération spirituelle, la souillure contractée par la génération naturelle. Il approuva aussi le jeûne du samedi, en mémoire de la sépulture de notre Seigneur. Il siégea quinze ans, un mois et dix jours. En quatorze ordinations au mois de décembre, il ordonna trente Prêtres, quinze diacres, et sacra cinquante-quatre Évêques pour divers lieux. Il fut enseveli dans le cimetière nommé : Ad Ursum pileatum.

Au troisième nocturne.

Homélie de saint Grégoire, Pape. Homilia 35 in Evangelia

Septième leçon. Notre Seigneur et Rédempteur annonce les calamités qui doivent précéder la fin du monde, afin qu’au moment où elles viendront, elles causent d’autant moins de trouble qu’elles auront été connues à l’avance. Les traits dont on prévoit l’atteinte sont, en effet, moins dangereux ; et les maux de ce monde nous semblent plus supportables quand la prévoyance nous munit contre eux comme d’un bouclier. Voici donc ce que nous dit le Sauveur : « Quand vous entendrez parler de guerres et de séditions, n’en soyez point effrayés, il faut auparavant que ces choses arrivent ; mais ce n’est pas encore sitôt la fin ». Il faut peser ces paroles par lesquelles notre Rédempteur nous déclare ce que nous aurons à souffrir, soit au dedans soit au dehors. En effet, par guerres, on désigne des combats contre les ennemis extérieurs, et par séditions, des luttes entre concitoyens. Afin donc de nous faire entendre que nous rencontrerons des sujets de trouble au dedans comme au dehors, Jésus-Christ nous dit que nous aurons à souffrir des peines de la part de nos ennemis, et d’autres de la part de nos frères.

Huitième leçon. Mais parce que la fin ne suivra pas immédiatement ces maux qui auront lieu d’abord, le Seigneur ajoute : « Une nation se soulèvera contre une nation, un royaume contre un royaume. Il y aura de grands tremblements de terre en divers lieux, et des pestes et des famines, et des signes effrayants dans le ciel, et de grands prodiges ». Beaucoup de tribulations préviennent la dernière tribulation ; et les calamités qui se succèdent alors en si grand nombre sont l’indice des maux éternels, réservés aux méchants. Aussi, après les guerres et les séditions, n’est-ce pas encore la fin. Un grand nombre de malheurs doivent la précéder, afin qu’ils puissent faire présager le malheur qui n’aura pas de fin.

Neuvième leçon. Après avoir énuméré tant de signes de la perturbation finale, il nous faut maintenant considérer brièvement chacun d’eux en particulier, puisque nécessairement, nous subirons ces maux qui nous viennent les uns du ciel, les autres de la terre ; ceux-ci des éléments, ceux-là des hommes. Notre Seigneur dit : « Une nation se soulèvera contre une autre nation » : voilà la perturbation venant des hommes. « Il y aura de grands tremblements de terre en divers lieux », c’est la colère divine qui éclate d’en haut. « Il y aura des pestes », c’est la désorganisation se manifestant dans les corps ; « de la famine » : cela vient de la stérilité de la terre ; « des signes effrayants dans le ciel et des tempêtes » ; ce sont les troubles atmosphériques. Parce que toutes choses doivent être détruites, il se produira avant cette consommation des troubles universels et nous qui avons par le péché abusé de toutes les créatures, nous les verrons servir toutes à notre châtiment, afin que cette parole s’accomplisse : « Toute la terre combattra avec lui contre les insensés ».

 

La gloire de l’Église de Milan, Nazaire et Celse apparaissent au Cycle en ce jour. Oubliés trois siècles dans l’obscurité de la tombe qui, au temps de Néron, avait caché leurs dépouilles sacrées, ils reçoivent maintenant les hommages de l’Orient et de l’Occident réunis dans leur culte. Neuf ans s’étaient écoulés depuis la journée triomphale où, non moins ignorés de la ville témoin jadis de leurs combats, Gervais et Protais étaient venus, comme d’eux-mêmes, se ranger près d’un illustre Pontife attaqué pour la divine consubstantialité du même Christ qui avait eu leur amour et leur foi. Ambroise, que le martyre fuyait, mais qu’aimaient les Martyrs, était près de recevoir la blanche couronne réservée à ses œuvres saintes, quand le ciel lui révéla le nouveau trésor dont la découverte allait, une fois de plus, « illustrer les temps de son épiscopat ». Théodose n’était plus ; Ambroise allait mourir ; partout déjà les Barbares se montraient. Mais comme si, avec la menace de la destruction imminente de l’ancien monde, l’heure de la première résurrection dont parle saint Jean eût sonné, les Martyrs se levaient de leurs tombes, et ils allaient régner mille ans avec le Christ sur un monde renouvelé.

Elle est tombée, elle est tombée la grande Babylone qui abreuvait tous les peuples du vin de sa fornication, et dans laquelle s’est trouvé tout le sang des saints qui furent tués sur la terre. Le grand Pape saint Innocent Ier, dont la mémoire semble venir aujourd’hui compléter tout exprès celle des Martyrs, n’est-il pas là pour rendre en effet témoignage du cataclysme dans lequel, aux jours de son pontificat, Rome païenne périt enfin et fit place entière à la Jérusalem nouvelle descendue des cieux ? Pas plus que l’antique Sion, la Rome des Césars ne s’était rendue aux avances du Dieu qui pouvait seul répondre à ses espérances d’immortalité. Depuis même le triomphe de la Croix sous Constantin, aucune ville de l’empire n’était restée si opiniâtrement éprise des idoles aux pieds desquelles avait coulé par sa criminelle folie, tant qu’elle était demeurée libre, le sang généreux qui aurait pu renouveler sa jeunesse. Après pourtant la défaite de ses vains simulacres, la patience divine s’était résolue de l’attendre un siècle entier, dont les dix dernières années ne furent qu’une suite de menaces salutaires et d’interventions miséricordieuses, où se montrait ce Christ qu’elle s’obstinait à repousser. Or les marches et contremarches des Goths, alliés la veille, ennemis le lendemain, promenant l’anarchie, furent l’occasion pour elle de revenir aux superstitions que les empereurs chrétiens ne toléraient plus ; et l’on vit sa sénile démence sourire à la liberté que le siège mis par Alaric devant ses murs rendait aux aruspices toscans, venus à son secours, d’y rétablir le culte des dieux. Le réveil fut terrible, lorsqu’au matin du 24 août 410, le vrai Dieu des armées prit sa revanche enfin, et qu’on vit la foudre, tandis que les Barbares massacraient et pillaient, mettre en feu la ville et pulvériser les statues dans lesquelles si longtemps elle avait mis sa confiance et sa gloire.

Les justiciers de Dieu, renversant Babylone, avaient respecté la tombe des deux fondateurs de la Rome éternelle. Sur ces fondements apostoliques, Innocent reprit en sous-œuvre l’édification de la cité sainte. Bientôt, sur les sept collines purifiées par le feu, elle reparaissait plus éclatante que jamais comme le foyer prédestiné du monde des intelligences. C’est en l’année 417, dernière du pontificat d’Innocent, que retentissait dans l’Église l’acclamation d’Augustin à la condamnation portée contre l’hérésie pélagienne : « Des lettres de Rome sont arrivées ; la cause est finie ».

Les conciles de Carthage et de Milève qui, dans la circonstance, avaient sollicité du Siège apostolique la confirmation de leurs décrets, ne faisaient en cela, du reste, que reprendre la tradition ininterrompue des Églises à l’égard de la suréminente principauté reconnue par toutes à leur Maîtresse et Mère. C’est ce qu’atteste éloquemment le saint Pape Victor, associé aux Martyrs dans la Liturgie de ce jour. Son grand nom nous rappelle en effet les conciles qui, par son ordre, se tinrent au second siècle dans l’Église entière au sujet de la Pâque ; la condamnation exécutée ou projetée par lui contre les Églises d’Asie, sans que personne méconnût le droit qu’il avait de la prononcer ; enfin les anathèmes incontestés dont il frappa Montan et les précurseurs d’Arius.

Glorieux élus qui, soit par l’effusion de votre sang dans l’arène, soit par les décrets rendus sur le Siège apostolique, avez exalté la foi du Seigneur, bénissez nos prières. Donnez-nous de comprendre l’enseignement qui résulte pour nous de votre rencontre au Cycle sacré. Ni martyrs, ni pontifes, nous pouvons mériter pourtant d’être associés à votre gloire ; car le motif qui explique votre commun rendez-vous dans la béatitude en ce jour, doit être aussi pour chacun de nous, à des degrés divers, la raison du salut : dans le Christ Jésus, rien ne vaut, dit l’Apôtre, que la foi qui opère parla charité ; c’est uniquement de cette foi, pour laquelle vous avez travaillé ou souffert, que nous aussi espérons la justice et attendons la couronne.

Nazaire, qui aviez tout quitté pour annoncer le Christ aux contrées qui ne le connaissaient pas ; Celse qui, tout enfant, ne craignîtes point de sacrifier comme lui au Seigneur Jésus votre famille, votre pays, votre vie même : obtenez-nous l’estime du trésor que tout fidèle est appelé à faire valoir par la confession des œuvres et de la louange. Victor, gardien jaloux des traditions de cette divine louange en ce qui regarde le jour de la solennité des solennités, vengeur de l’Homme-Dieu dans sa nature divine ; Innocent, oracle incorruptible de la grâce du Christ Sauveur, témoin aussi de ses inexorables justices : apprenez-nous et la confiance et la crainte, et la rectitude de la croyance et la susceptibilité qui sied au chrétien en ce qui touche cette foi, fondement unique pour lui de la justice et de l’amour. Martyrs et Pontifes, ensemble attirez-nous parla voie droite qui mène au ciel.

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Sainte Anne, mère de la T.S. Vierge Marie

26 Juillet 2022 , Rédigé par Ludovicus

Sainte Anne, mère de la T.S. Vierge Marie

Collecte

Dieu, vous avez daigné donner à sainte Anne la grâce de mériter d’être la mère de celle par laquelle votre Fils unique est né : faites que nous soyons aidés de son patronage en ce jour où nous célébrons sa solennité.

Office

4e leçon

Sermon de saint Jean Damascène

On ouvre devant nous la chambre nuptiale de sainte Anne, où s’offrent à nos regards deux modèles à la fois : l’un de vie conjugale, dans la mère ; et l’autre, de virginité, dans la fille. La première a été récemment délivrée de l’opprobre de la stérilité ; et bientôt la seconde, par un enfantement étranger aux lois de la nature, donnera naissance au Christ, que l’opération divine aura formé et formé semblable à nous. C’est donc à bon droit que, remplie de l’Esprit de Dieu, Anne fait ainsi éclater son bonheur et son allégresse : Réjouissez-vous avec moi de ce que mes entrailles stériles ont porté le rejeton que le Seigneur m’avait promis, et de ce que mon sein nourrit, selon mes vœux, le fruit de la bénédiction d’en haut. J’ai mis de côté le deuil de la stérilité, pour revêtir les habits de fête de la fécondité. Qu’en ce jour, Anne, la rivale de Phénenna, se réjouisse avec moi, et célèbre par son exemple le nouveau et si étonnant prodige opéré en moi.

5e leçon

Que Sara, comblée de joie en ses vieux jours par une grossesse qui était la figure de ma fécondité tardive, s’unisse à mes transports. Que les femmes qui n’ont jamais conçu célèbrent avec moi l’admirable visite que le ciel a daigné me faire. Que toutes celles qui ont eu cette joie de là maternité disent également : Béni soit le Seigneur qui a exaucé les prières et rempli les vœux de ses servantes, et qui, rendant féconde une épouse stérile, lui a donné ce fruit incomparable d’une Vierge devenue Mère de Dieu selon la chair, une Vierge dont le sein très pur est un ciel, où celui qu’aucun lieu ne peut contenir a voulu demeurer. Mêlons nos voix aux leurs pour offrir aussi nos louanges à celle qu’on appelait stérile, et qui maintenant est mère d’une mère vierge. Disons-lui avec l’Écriture : Heureuse la maison de David dont vous êtes issue ! Heureux le sein dans lequel le Seigneur lui-même a construit son arche de sanctification, c’est-à-dire Marie, qui l’a conçu sans le concours de l’homme.

6e leçon

Vous êtes vraiment heureuse et trois fois heureuse, Anne, d’avoir mis au monde une fille à qui le Seigneur a donné en partage la béatitude, cette Vierge Marie, que son nom même rend singulièrement vénérable, le rejeton qui a produit la fleur de vie, Jésus-Christ ; cette Vierge dont la naissance a été glorieuse, et dont l’enfantement sera plus sublime que tout au monde. Nous vous félicitons encore, ô bienheureuse Anne, d’avoir eu le privilège de donner à la terre l’espérance de tous les cœurs, le rejeton objet des divines promesses. Oui, vous êtes bienheureuse, et bienheureux est le fruit de vos entrailles. Les âmes pieuses glorifient celle que vous avez conçue, et toute langue célèbre avec joie votre enfantement. Et certes il est digne, il est on ne peut plus juste, de louer une sainte que la bonté divine a favorisée d’un oracle, et qui nous a donné le fruit merveilleux duquel est sorti le très doux Jésus.

7e leçon

Homélie de saint Grégoire, Pape

Si le Seigneur, mes très chers frères, nous dépeint le royaume des cieux comme semblable à des objets terrestres, c’est pour que notre esprit s’élève, de ce qu’il connaît, à ce qu’il ne connaît pas ; qu’il se porte vers les biens invisibles par l’exemple des choses visibles, et, qu’excité par des vérités dont il a l’expérience, il s’enflamme de telle sorte, que l’affection qu’il éprouve pour un bien connu lui apprenne à aimer aussi des biens inconnus. Voici « que le royaume des cieux est comparé à un trésor caché dans un champ ; celui qui l’a trouvé, le cache, et à cause de la joie qu’il en a, il va et vend tout ce qu’il a, et il achète ce champ ».

8e leçon

Il faut remarquer dans ce fait, que le trésor une fois trouvé, on le cache afin de le conserver. C’est parce que celui qui ne met pas à l’abri des louanges humaines l’ardeur des désirs qu’il ressent pour le ciel, ne parvient pas à les défendre contre les malins esprits. Nous sommes, en effet, dans la vie présente comme dans un chemin par lequel nous nous dirigeons vers la patrie ; et les esprits malins infestent notre route, comme le feraient des voleurs. C’est vouloir être dépouillé que de porter un trésor à découvert sur le chemin. Je ne dis pas cela, néanmoins, pour empêcher que le prochain soit témoin de nos bonnes œuvres, selon ce qui est écrit : « Qu’ils voient vos bonnes œuvres et qu’ils glorifient votre Père qui est dans les cieux » ; mais afin que nous ne recherchions pas, dans le motif qui nous fait agir, les louanges du dehors. Que l’action soit publique, mais que notre intention demeure cachée, pour que nous donnions ainsi à notre prochain l’exemple d’une bonne œuvre, et cependant que par l’intention que nous avons de plaire uniquement à Dieu, nous souhaitions toujours le secret.

9e leçon

Or, le trésor, c’est le désir du ciel, et le champ où est caché ce trésor, c’est une vie digne du ciel. Il vend bien tout ce qu’il a pour acheter ce champ, celui qui, renonçant aux voluptés charnelles, foule aux pieds tous ses désirs terrestres, par la pratique exacte de cette vie digne du ciel, en sorte que plus rien de ce qui flatte les sens ne lui plaise, et que son esprit ne redoute rien de ce qui détruit la vie charnelle.

Joignant le sang des rois à celui des pontifes, Anne apparaît glorieuse plus encore de son incomparable descendance au milieu des filles d’Ève. La plus noble de toutes celles qui conçurent jamais en vertu du Croissez et multipliez des premiers jours, à elle s’arrête, comme parvenue à son sommet, comme au seuil de Dieu, la loi de génération de toute chair ; car de son fruit Dieu même doit sortir, fils uniquement ici-bas de la Vierge bénie, petit-fils à la fois d’Anne et de Joachim.

Avant d’être favorisés de la bénédiction la plus haute qu’union humaine dût recevoir, les deux saints aïeuls du Verbe fait chair connurent l’angoisse qui purifie l’âme. Des traditions dont l’expression, mélangée de détails de moindre valeur, remonte pourtant aux origines du christianisme, nous montrent les illustres époux soumis à l’épreuve d’une stérilité prolongée, en butte à cause d’elle aux dédains de leur peuple, Joachim repoussé du temple allant cacher sa tristesse au désert, et Anne demeurée seule pleurant son veuvage et son humiliation. Quel exquis sentiment dans ce récit, comparable aux plus beaux que nous aient gardes les saints Livres !

« C’était le jour d’une grande fête du Seigneur. Maigre sa tristesse extrême, Anne déposa ses vêtements de deuil, et elle orna sa tête, et elle se revêtit de sa robe nuptiale. Et vers la neuvième heure, elle descendit au jardin pour s’y promener ; et voyant un laurier, elle s’assit à son ombre et répandit sa prière en présence du Seigneur Dieu, disant : « Dieu de mes pères, bénissez-moi « et exaucez mes supplications, comme vous avez « béni Sara et lui avez donné un fils ! »

Et levant les yeux au ciel, elle vit sur le laurier un nid de passereau, et gémissant elle dit : « Hélas ! quel sein m’a portée, pour être ainsi malédiction en Israël ?
A qui me comparer ? Je ne puis me comparer aux oiseaux du ciel ; car les oiseaux sont bénis de vous, Seigneur.
A qui me comparer ? Je ne puis me comparer aux animaux de la terre ; car eux aussi sont féconds devant vous.
A qui me comparer ? Je ne puis me comparer aux eaux ; car elles ne sont point stériles en votre présence, et les fleuves et les océans poissonneux vous louent dans leurs soulèvements ou leur cours paisible.
A qui me comparer ? Je ne puis me comparer à la terre même ; car la terre elle aussi porte ses fruits en son temps, et elle vous bénit, Seigneur ».

Or voici qu’un Ange du Seigneur survint, lui disant :
« Anne, Dieu a exaucé ta prière ; tu concevras et enfanteras, et ton fruit sera célébré dans toute terre habitée ».

Et le temps venu, Anne mit au monde une fille, et elle dit : « Mon âme est magnifiée à cette heure ».

Et elle nomma l’enfant Marie ; et lui donnant le sein, elle entonna ce cantique au Seigneur :

« Je chanterai la louange du Seigneur mon Dieu ; car il m’a visitée, il a éloigné de moi l’opprobre, il m’a donné un fruit de justice. Qui annoncera aux fils de Ruben qu’Anne est devenue féconde ? Écoutez, écoutez, douze tribus : voici qu’Anne allaite ! »

La fête de Joachim, que l’Église a placée au Dimanche dans l’Octave de l’Assomption de sa bienheureuse fille, nous permettra de compléter bientôt l’exposé si suave d’épreuves et de joies qui furent aussi les siennes. Averti par le ciel de quitter le désert, il avait rencontré son épouse sous la porte Dorée donnant accès au temple du côté de l’Orient. Non loin, près de la piscine Probatique, où les agneaux destinés à l’autel lavaient leur blanche toison avant d’être offerts au Seigneur, s’élève aujourd’hui la basilique restaurée de Sainte-Anne, appelée primitivement Sainte-Marie de la Nativité. C’est là que, dans la sérénité du paradis, germa sur la tige de Jessé le béni rejeton salué du Prophète et qui devait porter la divine fleur éclose au sein du Père avant tous les temps. Séphoris, patrie d’Anne, Nazareth, où vécut Marie, disputent, il est vrai, à la Ville sainte l’honneur que réclament ici pour Jérusalem d’antiques et constantes traditions. Mais nos hommages à coup sûr ne sauraient s’égarer, quand ils s’adressent en ce jour à la bienheureuse Anne, vraie terre incontestée des prodiges dont le souvenir renouvelle l’allégresse des cieux, la fureur de Satan, le triomphe du monde.

Anne, point de départ du salut, horizon qu’observaient les Prophètes, région du ciel la première empourprée des feux de l’aurore ; sol béni, dont la fertilité si pure donna dès lors à croire aux Anges qu’Éden nous était rendu ! Mais dans l’auréole d’incomparable paix qui l’entoure, saluons en elle aussi la terre de victoire éclipsant tous les champs de bataille fameux : sanctuaire de l’Immaculée Conception, là fut repris par notre race humiliée le grand combatcommencé près du trône de Dieu par les célestes phalanges ; là le dragon chassé des deux vit broyer sa tête, et Michel surpassé en gloire remit joyeux à la douce souveraine qui, dès son éveil à l’existence, se déclarait ainsi, le commandement des armées du Seigneur.

Quelle bouche humaine, si le charbon ardent ne l’a touchée, pourra dire l’admiratif étonnement des angéliques principautés, lorsque la sereine complaisance de la Trinité sainte, passant des brûlants Séraphins jusqu’aux derniers rangs des neuf chœurs, inclina leurs regards de feu à la contemplation de la sainteté subitement éclose au sein d’Anne ? Le Psalmiste avait dit de la Cité glorieuse dont les fondations se cachent en celle qui auparavant fut stérile : Ses fondements sont posés sur les saintes montagnes ; et les célestes hiérarchies couronnant les pentes des collines éternelles découvrent là des hauteurs inconnues qu’elles n’atteignirent jamais, des sommets avoisinant la divinité de si presque déjà elle s’apprête à y poser son trône. Comme Moïse à la vue du buisson ardent sur Horeb, elles sont saisies d’une frayeur sainte, en reconnaissant au désert de notre monde de néant la montagne de Dieu, et comprennent que l’affliction d’Israël va cesser. Quoique sous le nuage qui la couvre encore, Marie, au sein d’Anne, est en effet déjà cette montagne bénie dont la base, le point de départ de grâce, dépasse le faîte des monts où les plus hautes saintetés créées trouvent leur consommation dans la gloire et l’amour.

Oh ! Combien donc justement Anne, par son nom, signifie grâce, elle qui, neuf mois durant, resta le lieu des complaisances souveraines du Très-Haut, de l’extase des très purs esprits, de l’espoir de toute chair ! Sans doute ce fut Marie, la fille et non la mère, dont l’odeur si suave attira dès lors si puissamment les cieux vers nos humbles régions. Mais c’est le propre du parfum d’imprégner de lui premièrement le vase qui le garde, et, lors même qu’il en est sorti, d’y laisser sa senteur. La coutume n’est-elle pas du reste que ce vase lui aussi soit avec mille soins préparé d’avance, qu’on le choisisse d’autant plus pure, d’autant plus noble matière, qu’on le relève d’autant plus riches ornements que plus exquise et plus rare est l’essence qu’on se propose d’y laisser séjourner ? Ainsi Madeleine renfermait-elle son nard précieux dans l’albâtre. Ne croyons pas que l’Esprit-Saint, qui préside à la composition des parfums du ciel, ait pu avoir de tout cela moins souci que les hommes. Or le rôle de la bienheureuse Anne fut loin de se borner, comme fait le vase pour le parfum, à contenir passivement le trésor du monde. C’est de sa chair que prit un corps celle en qui Dieu prit chair à son tour ; c’est de son lait qu’elle fut nourrie ; c’est de sa bouche que, tout inondée qu’elle fût directement de la divine lumière, elle reçut les premières et pratiques notions de la vie. Anne eut dans l’éducation de son illustre fille la part de toute mère ; non seulement, quand Marie dut quitter ses genoux, elle dirigea ses premiers pas ; elle fut en toute vérité la coopératrice de l’Esprit-Saint dans la formation de cette âme et la préparation de ses incomparables destinées : jusqu’au jour où, l’œuvre parvenue à tout le développement qui relevait de sa maternité, sans retarder d’une heure, sans retour sur elle-même, elle offrit l’enfant de sa tendresse à celui qui la lui avait donnée.

Sic fingit tabernaculum Deo, ainsi elle crée un tabernacle à Dieu : c’était la devise que portaient, autour de l’image d’Anne instruisant Marie, les jetons de l’ancienne corporation des ébénistes et des menuisiers, qui, regardant la confection des tabernacles de nos églises où Dieu daigne habiter comme son œuvre la plus haute, avait pris sainte Anne pour patronne et modèle auguste. Heureux âge que celui où ce que l’on aime à nommer la naïve simplicité de nos pères, atteignait si avant dans l’intelligence pratique des mystères que la stupide infatuation de leurs fils se fait gloire d’ignorer ! Les travaux du fuseau, de tissage, de couture, de broderie, les soins d’administration domestique, apanage de la femme forte exaltée au livre des Proverbes, rangèrent naturellement aussi dans ces temps les mères de famille, les maîtresses de maison, les ouvrières du vêtement, sous la protection directe de la sainte épouse de Joachim. Plus d’une fois, celles que le ciel faisait passer par l’épreuve douloureuse qui, sous le nid du passereau, avait dicté sa prière touchante, expérimentèrent la puissance d’intercession de l’heureuse mère de Marie pour attirer sur d’autres qu’elle-même la bénédiction du Seigneur Dieu.

L’Orient précéda l’Occident dans le culte public de l’aïeule du Messie. Vers le milieu du VIe siècle, Constantinople lui dédiait une église. Le Typicon de saint Sabbas ramène sa mémoire liturgique trois fois dans l’année : le 9 septembre, en la compagnie de Joachim son époux, au lendemain de la Nativité de leur illustre fille ; le 9 décembre, où les Grecs, qui retardent d’un jour sur les Latins la solennité de la Conception immaculée de Notre-Dame, célèbrent cette fête sous un titre qui rappelle plus directement la part d’Anne au mystère ; enfin le 25 juillet, qui, n’étant point occupé chez eux par la mémoire de saint Jacques le Majeur anticipée au 30 avril, est appelé Dormition ou mort précieuse de sainte Anne, mère de la très sainte Mère de Dieu : ce sont les expressions mêmes que le Martyrologe romain devait adopter par la suite.

Si Rome, toujours plus réservée, n’autorisa que beaucoup plus tard l’introduction dans les Églises latines d’une fête liturgique de sainte Anne, elle n’avait point attendu cependant pour diriger de ce côté, en l’encourageant, la piété des fidèles. Dès le temps de saint Léon III,et parle commandement exprès de l’illustre Pontife, on représentait l’histoire d’Anne et de Joachim sur les ornements sacrés destinés aux plus nobles basiliques de la Ville éternelle. L’Ordre des Carmes, si dévot à sainte Anne, contribua puissamment, par son heureuse transmigration dans nos contrées, au développement croissant d’un culte appelé d’ailleurs comme naturellement par les progrès de la dévotion des peuples à la Mère de Dieu. Cette étroite relation des deux cultes est en effet rappelée dans les termes de la concession par laquelle, en 1381, Urbain VI donnait satisfaction aux vœux des fidèles d’Angleterre et autorisait pour ce royaume la fête de la bienheureuse Anne. Déjà au siècle précédent, l’Église d’Apt en Provence était en possession de cette solennité : priorité s’expliquant chez elle par l’honneur insigne qui lui échut pour ainsi dire avec la foi, lorsqu’au premier âge du christianisme elle reçut en dépôt le très saint corps de l’aïeule du Messie.

Depuis que le Seigneur remonté aux cieux a voulu que, comme lui, Notre-Dame y fût couronnée sans plus tarder dans la totalité de son être virginal, n’est-il pas vrai de dire que les reliques de la Mère de Marie doivent être doublement chères au monde : et comme toutes autres, en raison de la sainteté de celle dont ils sont les restes augustes ; et plus qu’aucunes autres, par ce côté qui nous les montre en voisinage plus immédiat qu’aucune avec le mystère de la divine Incarnation ? Dans son abondance, l’Église d’Apt crut pouvoir se montrer prodigue ; si bien qu’il nous serait impossible d’énumérer les sanctuaires qui, soit de cette source incomparable, soit d’ailleurs pour de plus ou moins notables portions, se trouvent aujourd’hui enrichis d’une part de ces restes précieux. Nous ne pouvons omettre de nommer cependant, parmi ces lieux privilégiés, l’insigne Basilique de Saint-Paul-hors-les-Murs ; dans une apparition à sainte Brigitte de Suède, Anne voulut confirmer elle-même l’authenticité du bras que l’église où repose le Docteur des nations, conserve d’elle comme un des plus nobles joyaux de son opulent trésor.

Ce fut seulement en 1584, que Grégoire XIII ordonna la célébration de la fête du 26 juillet dans le monde entier, sous le rit double. C’était Léon XIII qui devait, de nos jours (1879), l’élever en même temps que celle de saint Joachim à la dignité des solennités de seconde Classe. Mais auparavant, en 1622, Grégoire XV, guéri d’une grave maladie par sainte Anne, avait déjà mis sa fête au nombre des fêtes de précepte entraînant l’abstention des œuvres serviles.

Anne recevait enfin ici-bas les hommages dus au rang qu’elle occupe au ciel ; elle ne tardait pas à reconnaître par des bienfaits nouveaux la louange plus solennelle qui lui venait delà terre. Dans les années 1623, 1624, 1625, au village de Keranna près Auray en Bretagne, elle se manifestait à Yves Nicolazic, et lui faisait trouver au champ du Bocenno, qu’il tenait à ferme, l’antique statue dont la découverte allait, après mille ans d’interruption et de ruines, amener les peuples au lieu où l’avaient jadis honorée les habitants de la vieille Armorique. Les grâces sans nombre obtenues en ce lieu, devaient en effet porter leur renommée bien au delà des frontières d’une province à laquelle sa foi, digne des anciens âges, venait de mériter la faveur de l’aïeule du Messie ; Sainte-Anne d’Auray allait compter bientôt parmi les principaux pèlerinages du monde chrétien.

Plus heureuse que l’épouse d’Elcana, qui vous avait figurée par ses épreuves et son nom même, ô Anne, vous chantez maintenant les magnificences du Seigneur. Où est la synagogue altière qui vous imposait ses mépris ? Les descendants de la stérile sont aujourd’hui sans nombre ; et nous tous, les frères de Jésus, les enfants comme lui de Marie votre fille, c’est dans la joie qu’amenés par notre Mère, nous vous présentons avec elle nos vœux en ce jour. Quelle fête plus touchante au foyer que celle de l’aïeule, quand autour d’elle, comme aujourd’hui, viennent se ranger ses petits-fils dans la déférence et l’amour ! Pour tant d’infortunés qui n’eussent jamais connu ces solennités suaves, ces fêtes de famille, de jour en jour, hélas ! Plus rares, où la bénédiction du paradis terrestre semble revivre en sa fraîcheur, quelle douce compensation réservait la miséricordieuse prévoyance de notre Dieu ! lia voulu, ce Dieu très haut, tenir à nous de si près qu’il fût un de nous dans la chair ; il a connu ainsi que nous les relations, les dépendances mutuelles résultant comme une loi de notre nature, ces liens d’Adam dans lesquels il avait projeté de nous prendre et où il se prit le premier. Car, en élevant la nature au-dessus d’elle-même, il ne l’avait pas supprimée ; il faisait seulement que la grâce, s’emparant d’elle, l’introduisît jusqu’aux cieux : en sorte qu’alliées dans le temps par leur commun auteur, nature et grâce demeurassent pour sa gloire unies dans l’éternité. Frères donc par la grâce de celui qui reste à jamais votre petit-fils par nature, nous devons à cette disposition pleine d’amour de la divine Sagesse de n’être point, sous votre toit, des étrangers en ce jour ; vraie fête du cœur pour Jésus et Marie, cette solennité de famille est aussi la nôtre.

Donc, ô Mère, souriez à nos chants, bénissez nos vœux. Aujourd’hui et toujours, soyez propice aux supplications qui montent vers vous de ce séjour d’épreuves. Dans leurs désirs selon Dieu, dans leurs douloureuses confidences, exaucez les épouses et les mères. Maintenez, où il en est temps encore, les traditions du foyer chrétien. Mais déjà, que de familles où le souffle de ce siècle a passé, réduisant à néant le sérieux de la vie, débilitant la foi, ne semant qu’impuissance, lassitude, frivolité, sinon pis, à la place des fécondes et vraies joies de nos pères ! Oh ! Comme le Sage, s’il revenait parmi nous, dirait haut toujours : « Qui trouvera la femme forte ? » Elle seule, en effet, par son ascendant, peut encore conjurer ces maux, mais à la condition de ne point oublier où réside sa puissance ; à savoir dans les plus humbles soins du ménage exercés par elle-même, le dévouement qui se dépense obscurément, veilles de nuit, prévoyance de chaque heure, travaux de la laine et du lin, jeu du fuseau : toutes ces fortes choses qui lui assurent confiance et louange de la part de l’époux, autorité sur tous, abondance au foyer, bénédiction du pauvre assisté par ses mains, estime de l’étranger, respect de ses fils, et pour elle-même, dans la crainte du Seigneur, noblesse et dignité, beauté autant que force, sagesse, douceur et contentement, sérénité du dernier jour.

Bienheureuse Anne, secourez la société qui se meurt parle défaut de ces vertus qui furent vôtres. Vos maternelles bontés, dont les effusions sont devenues plus fréquentes, ont accru la confiance de l’Église ; daignez répondre aux espérances qu’elle met en vous. Bénissez spécialement votre Bretagne fidèle ; ayez pitié de la France malheureuse, que vous avez aimée si tôt en lui confiant votre saint corps, que vous avez choisie plus tard de préférence comme le lieu toujours cher d’où vous vouliez vous manifester au monde, que naguère encore vous avez comblée en lui remettant le sanctuaire qui rappelle dans Jérusalem votre gloire et vos ineffables joies : ô vous donc qui, comme le Christ, aimez les Francs, qui dans la Gaule déchue daignez toujours voir le royaume de Marie, continuez-nous cet amour, tradition de famille pour nous si précieuse. Que votre initiative bénie vous fasse connaître par le monde à ceux de nos frères qui vous ignoreraient encore. Pour nous qui dès longtemps avons connu votre puissance, éprouvé vos bontés, laissez-nous toujours chercher en vous, ô Mère, repos, sécurité, force en toute épreuve ; à qui s’appuie sur vous, rien n’est à craindre ici-bas : ce que votre bras porte est bien porté.

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Saint Jacques apôtre mémoire de Saint Christophe Martyre

25 Juillet 2022 , Rédigé par Ludovicus

Saint Jacques apôtre mémoire de Saint Christophe Martyre

Collecte

Seigneur, soyez le sanctificateur de votre peuple et son gardien : afin qu’aidé par l’assistance de votre Apôtre Jacques, il mène une vie qui vous soit agréable et vous serve avec tranquillité et confiance.

Office

Tandis qu’on les emmenait au supplice, le nouveau chrétien demanda pardon à saint Jacques : « Que la paix soit avec toi » lui répondit celui-ci en l’embrassant. Ils furent tous deux frappés de la hache ; l’Apôtre avait, un moment auparavant, guéri un paralytique. Le corps du Saint a été plus tard transporté à Compostelle, où son culte est en très grand honneur, et où se rassemblent des pèlerins amenés de tous les points du monde par leur piété et leurs vœux. Pour célébrer la mémoire de la naissance du saint Apôtre à la vie du ciel, l’Église a pris le jour qui est celui de la translation de son corps ; car c’est aux environs de la fête de Pâques, que, le premier d’entre les Apôtres, il a rendu témoignage à Jésus-Christ par l’effusion de son sang, dans la ville de Jérusalem.

Office

4e leçon

Jacques, fils de Zébédée et frère de l’Apôtre Jean, était Galiléen. Appelé, ainsi que son frère, à prendre rang parmi les premiers Apôtres, il quitta son père et ses filets et suivit le Seigneur. Jacques et Jean furent appelés par Jésus lui-même Boanergès, c’est-à-dire fils du tonnerre. Jacques fut l’un des trois Apôtres que le Sauveur aima le plus, qu’il choisit pour témoins de sa transfiguration, et de la résurrection de la fille du chef de la synagogue, et qui l’accompagnèrent le jour où il se retira sur le mont des Oliviers pour y prier son Père, quelques heures avant de tomber aux mains des Juifs.

5e leçon

Après l’ascension de Jésus-Christ au ciel, Jacques prêcha sa divinité dans la Judée et la Samarie, et détermina beaucoup d’hommes à embrasser la foi chrétienne. Il partit bientôt pour l’Espagne, et y convertit quelques personnes au Christ. De ce nombre, il y en eut sept que saint Pierre ordonna Évêques dans la suite et qui furent envoyés les premiers en Espagne. Jacques étant revenu à Jérusalem, le magicien Hermogène fut un de ceux auxquels il inculqua les vérités de la foi. Comme l’Apôtre proclamait librement la divinité de Jésus-Christ, Hérode Agrippa, élevé à la royauté sous l’empereur Claude et désireux de se concilier les Juifs, le condamna à la peine capitale. Celui qui l’avait conduit au tribunal ayant vu son courage pour le martyre, déclara sur-le-champ que lui aussi était chrétien.

6e leçon

Tandis qu’on les emmenait au supplice, le nouveau chrétien demanda pardon à saint Jacques : « Que la paix soit avec toi » lui répondit celui-ci en l’embrassant. Ils furent tous deux frappés de la hache ; l’Apôtre avait, un moment auparavant, guéri un paralytique. Le corps du Saint a été plus tard transporté à Compostelle, où son culte est en très grand honneur, et où se rassemblent des pèlerins amenés de tous les points du monde par leur piété et leurs vœux. Pour célébrer la mémoire de la naissance du saint Apôtre à la vie du ciel, l’Église a pris le jour qui est celui de la translation de son corps ; car c’est aux environs de la fête de Pâques, que, le premier d’entre les Apôtres, il a rendu témoignage à Jésus-Christ par l’effusion de son sang, dans la ville de Jérusalem.

7e leçon

Homélie de saint Jean Chrysostome.

Que personne ne se trouble, si nous disons qu’il y avait tant d’imperfection chez les Apôtres. Car le mystère de la croix n’était pas encore consommé, et la grâce du Saint-Esprit n’avait pas encore été répandue dans leurs âmes. Si vous voulez savoir qu’elle a été leur vertu, considérez ce qu’ils furent après avoir reçu la grâce du Saint-Esprit et vous les trouverez vainqueurs de toute inclination mauvaise. Leur imperfection n’est ignorée de personne aujourd’hui, afin qu’on apprécie mieux à quel point la grâce les a tout d’un coup transformés. Qu’ils n’aient rien sollicité de spirituel, et qu’ils n’aient pas même eu la pensée du royaume céleste, cela est évident. Mais examinons comment ils abordent Jésus-Christ, et lui adressent la parole. « Nous voudrions, disent-ils, que tout ce que nous vous demanderons, vous le fissiez pour nous. Mais le Christ leur répondit : Que voulez-vous ? » Non qu’il l’ignorât, certes, mais pour les obliger à s’expliquer, afin de mettre à nu leur plaie et d’être ainsi à même d’y appliquer le remède.

8e leçon

Mais eux, rougissant de honte et confus, parce qu’ils en étaient venus à des sentiments humains, ayant pris Jésus en particulier, lui firent en secret leur demande. Ils marchèrent en effet devant les autres, comme l’insinue l’Évangéliste, à dessein de n’être pas entendus. Et c’est ainsi qu’ils exprimèrent enfin ce qu’ils voulaient. Or, ce qu’ils voulaient, le voici, je présume. Comme ils lui avaient ouï dire que ses Apôtres seraient assis sur douze trônes, ils désiraient occuper les premiers de ces trônes. Sans doute ils savaient que Jésus les avait en prédilection ; mais redoutant que Pierre ne leur fût préféré, ils eurent la hardiesse de dire : « Ordonnez que nous soyons assis, l’un à votre droite et l’autre à votre gauche », ils le pressent par ce mot : ordonnez. Que va-t-il donc répondre ? Pour leur faire entendre qu’ils ne demandaient rien de spirituel, et qu’ils ne savaient pas même ce qu’ils sollicitaient, car s’ils le savaient, ils n’oseraient pas le demander, il leur fait cette réponse : « Vous ne savez pas ce que vous demandez » : vous ignorez combien cette chose est grande, combien elle est admirable, et dépassant même les plus hautes Vertus des cieux.

9e leçon

Et Il ajouta : « Pouvez-vous boire le calice que je vais boire », et être baptisé du baptême dont je suis baptisé ? Remarquez comment, tout en les entretenant de choses bien opposées, il les éloigne aussitôt de cette espérance. Vous me parlez, dit-il, d’honneur et de couronnes ; et moi, je vous parle de combats et de travaux. Ce n’est point ici le temps des récompenses, et cette gloire, qui m’appartient, n’apparaîtra pas de sitôt ; c’est à présent le temps de la persécution et des périls. Mais observez comme, par cette interrogation même, il les exhorte et les attire. Il ne leur dit point : Pouvez-vous endurer les mauvais traitements ? pouvez-vous verser votre sang ? il dit seulement : « Pouvez-vous boire le calice ? » et pour les attirer, il ajoute : « que je vais boire » afin de les mieux disposer à souffrir, par la perspective même de partager ses souffrances.

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VIIème dimanche après la Pentecôte

24 Juillet 2022 , Rédigé par Ludovicus

VIIème dimanche après la Pentecôte

Introït

Nations, frappez toutes des mains ; célébrez Dieu par des cris d’allégresse.Car le Seigneur est très haut et terrible, roi suprême sur toute la terre.

Collecte

Dieu, votre providence ne se trompe jamais dans ce qu’elle dispose : nous vous prions en suppliant ; détournez de nous tout ce qui nous serait nuisible, et accordez-nous tout ce qui doit nous être avantageux.

Épitre Rm. 6, 19-23

Mes frères : Je parle à la manière des hommes, à cause de la faiblesse de votre chair. Car de même que vous avez livré vos membres comme esclaves à l’impureté et à l’injustice, pour arriver à l’injustice, de même livrez maintenant vos membres comme esclaves à la justice, pour arriver à la sainteté. Car, lorsque vous étiez les esclaves du péché, vous étiez libres à l’égard de la justice. Quel fruit aviez-vous alors des choses dont vous rougissez aujourd’hui ? Car la fin de ces choses, c’est la mort. Mais maintenant, affranchis du péché et devenus les esclaves de Dieu, vous avez pour fruit la sainteté, et pour fin la vie éternelle. Car le salaire du péché, c’est la mort ; mais le don de Dieu c’est la vie éternelle en Jésus-Christ Notre-Seigneur.

Évangile Mt. 7, 15-21

En ce temps-là : Jésus dit à ses disciples : Gardez-vous des faux prophètes qui viennent à vous sous des vêtements de brebis, mais au dedans sont des loups rapaces. C’est à leurs fruits que vous les reconnaîtrez : cueille-t-on du raisin sur les épines, ou des figues sur les ronces ? Ainsi tout arbre bon porte de bons fruits, et tout arbre mauvais porte de mauvais fruits. Un arbre bon ne peut porter de mauvais fruits, ni un arbre mauvais porter de bons fruits. Tout arbre qui ne porte pas de bons fruits, on le coupe et on le jette au feu. Donc, c’est à leurs fruits que vous les reconnaîtrez. Ce n’est pas celui qui m’aura dit : « Seigneur, Seigneur ! » qui entrera dans le royaume des cieux, mais celui qui aura fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux.

Secrète

Dieu, vous avez sanctionné les divers sacrifices offerts sous la loi par la perfection d’un sacrifice unique : recevez ce sacrifice que vous présentent vos dévots serviteurs, et sanctifiez-le au moyen d’une bénédiction pareille à celle qu’obtinrent les donc d’Abel ; afin que ce que chacun de nous a offert en l’honneur de votre majesté, profite à tous pour le salut.

Postcommunion

Que votre action qui guérit, ô Seigneur, nous délivre doucement des tendances perverses, et nous conduise à ce qu’il y a de bien et de droit.

Office

4e leçon

De la Lettre du prêtre saint Jérôme à Népotien

David était septuagénaire ; il avait connu l’ardeur belliqueuse, mais en vieillissant, il était accablé par le froid et ne parvenait plus à se réchauffer. On chercha donc dans tout le territoire d’Israël une jeune fille, Abisag la Sunamite pour dormir avec le roi et réchauffer son corps sénile. Quelle est cette Sunamite, épouse et vierge, dont l’ardeur peut réchauffer celui qui est accablé par le froid, dont la sainteté peut garder de toute passion celui qu’elle réchauffe ? Que Salomon le très sage nous explique les délices de son père ; que le Pacifique nous raconte les embrassements du guerrier ! « Acquiers la sagesse, acquiers l’entendement, ne l’oublie pas et ne t’écarte pas des paroles de ma bouche ; ne l’abandonne pas, elle te gardera ; chéris-là et elle veillera sur toi. Principe de la sagesse : acquiers la sagesse ; au prix de tout ce que tu possèdes, acquiers l’entendement. Étreins-la et elle t’élèvera ; exalte-la, elle t’embrassera et sur ta tête elle posera un diadème de grâce. Elle te couvrira d’une couronne de délices »

5e leçon

Presque toutes les énergies du corps s’affaiblissent chez les vieillards ; la sagesse seule se fortifie, le reste diminue : jeûnes, veilles, ‘chameunies’, c’est-à-dire repos sur la dure, démarches multipliées, hospitalité rendue aux voyageurs, défense des pauvres, assiduité et persévérance dans la prière, visite des malades, travail manuel qui produit l’aumône. En un mot, toutes les œuvres que le corps accomplit perdent de leur importance à mesure que les forces s’usent.

6e leçon

Je ne veux pas dire que la sagesse soit de glace chez les jeunes gens et chez ceux qui sont dans la force de l’âge, quand ils se sont acquis la science par leur ardeur et leur zèle au travail, par leur vie pure et l’assiduité de leurs prière à Dieu alors que cette sagesse se ramollit par l’âge chez beaucoup de vieillards. Mais la jeunesse soutient de nombreux combats corporels, et la sagesse est ainsi étouffée au milieu de tout ce qui enflamme les vices et excite la chair : comme le feu dans du bois vert, elle ne parvient pas à faire briller sa flamme. Pourtant ceux-là encore qui ont appliqué leur jeunesse aux arts libéraux, qui ont médité jour et nuit sur la loi du Seigneur lorsqu’ils parviennent à la vieillesse, acquièrent avec l’âge plus de connaissance, avec l’expérience, plus d’habileté, avec le temps plus de sagesse et recueillent les fruits très savoureux des efforts de jadis.

7e leçon

Homélie de saint Hilaire, évêque.

Le Seigneur nous recommande d’évaluer aux fruits des œuvres les paroles de flatterie et les apparences de douceur et de n’apprécier personne tel qu’il se dépeint en paroles, mais bien tel qu’il se présente par ses actes ; car la rage du loup se couvre chez plus d’un de la peau du mouton. Les épines ne produisent, pas de raisins, ni les chardons des figues, et les arbres mauvais ne donnent pas de bons fruits : le Seigneur nous enseigne par là que la réalité des bonnes œuvres ne consiste pas en de telles apparences, et qu’il faut donc reconnaître chacun à ses fruits. Car ce n’est pas uniquement le zèle en paroles qui obtiendra le Royaume des Cieux et ce n’est pas celui qui dit : « Seigneur, Seigneur » qui en recueillera l’héritage

8e leçon

Quel mérite y a-t-il en effet à dire « Seigneur, Seigneur » au Seigneur ? Ne serait-il pas Seigneur si nous ne l’appelions ainsi ? Et quelle marque de sainteté y a-t-il à lui donner ce nom ? C’est en obéissant à la volonté de Dieu bien plus qu’en lui décernant un titre qu’on trouvera l’accès au Royaume des Cieux. « Beaucoup me diront en ce jour-là : “Seigneur, Seigneur, n’est-ce pas en ton nom que nous avons prophétisé ?”« Ici encore, c’est la fourberie des faux prophètes que le Seigneur condamne ainsi que les artifices des hypocrites qui tirent présomptueusement gloire de la vertu de leurs paroles, de la prédication de la doctrine, de la mise en fuite des démons et d’autres prodiges semblables.

9e leçon

Et ils se promettent ainsi le Royaume des Cieux, comme s’ils tenaient d’eux-mêmes ce qu’ils disent et réalisent, et comme si tout bien ne procédait pas de la puissance de Dieu qu’ils ont invoquée : car la science de la doctrine se tire de la lecture et le nom du Christ met en fuite les démons. L’éternité bienheureuse requiert donc notre effort, il nous faut nous dépenser un peu nous-mêmes : nous attacher au bien, éviter tout mal, obéir de tout cœur aux préceptes divins, et en accomplissant semblables devoirs, nous serons connus de Dieu. Faisons ce qu’il veut au lieu de tirer gloire de ce qu’il peut, lui qui rejette et repousse ceux dont les œuvres sont impies : il ne les connaît pas.

Dom Guéranger, l’Année Liturgique

ÉPÎTRE.

« Considérez-vous comme morts au péché et vivant pour Dieu dans le Christ Jésus notre Seigneur. » Le Docteur des nations entre aujourd’hui dans le développement de cette formule par excellence de la vie chrétienne. L’Épître de Dimanche dernier n’avait eu d’autre but que d’en établir les termes ; elle nous l’a montrée ressortant de la notion du baptême qui nous unit au Christ sous les eaux.

Là, comme dans un tombeau, la mort de Jésus devient nôtre et nous délivre du péché. Vendus au péché par nos premiers parents avant même que d’avoir vu le jour, marqués en naissant de son stigmate ignominieux, notre vie entière appartenait à ce tyran cruel ; maître avide, il nous faisait sentir son droit de tout instant sur les membres flétris d’un corps esclave. Mais si la vie de l’esclave est de droit à son maître, la mort au moins délivre son âme, et la sépulture dérobe son corps même aux revendications de l’exacteur. Or sur la croix de l’Homme-Dieu, sur la croix de Jésus devenu péché pour nos crimes, l’humanité coupable a suivi, au regard d’une miséricordieuse justice, le sort de son chef innocent. Le vieil homme, issu d’Adam pécheur, a été crucifié ; il est mort dans le Christ ; et l’esclave de naissance, affranchi par cette bienheureuse mort, a vu ensevelir sous les eaux le corps de péché qui portait dans sa chair le titre de sa servitude.

Le corps du péché, c’était en effet notre chair, non l’innocente sortie toute pure à l’origine des mains du Créateur, mais la chair souillée de génération en génération par la transmission d’un honteux héritage. Dans le secret du mystérieux tombeau, l’onde dissolvante a détruit la souillure de ce corps avili ; elle a disjoint du même coup ces membres du péché qui sont les passions mauvaises, tristes puissances du mal qui déformaient en nous et tournaient au crime les facultés et les organes reçus de Dieu pour accomplir toute justice. En un moment, le fort armé a perdu le titre de sa possession ; la mort lui a ravi son esclave. Le péché donc étant détruit, la triple concupiscence décapitée s’agite en vain ; aidé de la grâce, l’homme délivré saura toujours empêcher, s’il le veut, ces hideux tronçons du serpent de se rejoindre et de retrouver leur chef.

Car telle est l’action multiple et une du saint baptême : en un clin d’œil, et par sa seule puissance, il extirpe le péché et réduit à néant tous ses droits acquis ; mais l’homme doit ensuite prêter son concours à la grâce du sacrement, pour surveiller en lui les penchants complices du mal toujours prêt à renaître, et continuer sans fin sur ses rejetons impurs l’œuvre d’extermination salutaire du premier jour. A la mort du péché, résultat tout divin dans sa plénitude et sa rapidité foudroyante pour l’ancien ennemi, succède pour l’esclave affranchi le long travail de la mortification de l’esprit et des sens. Mais c’est toujours la vertu du premier sacrement qui poursuit alors dans le chrétien son œuvre vengeresse ; c’est le saint baptême qui, ayant opéré seul dans le malheureux captif du péché ce que Dieu seul en effet pouvait faire, l’appelle, maintenant que ses chaînes sont tombées, à mener de concert la lutte glorieuse de son indépendance, et le convie à partager l’honneur de la victoire divine sur Satan et ses œuvres.

La répression de la chair apparaîtra de nouveau, Dimanche prochain, comme le vrai monument de notre liberté sur terre, comme la preuve authentique de la noblesse des fils de Dieu. « Que du moins, dirons-nous dès maintenant avec l’Apôtre, que du moins le péché ne règne plus dans votre corps mortel ; n’obéissez plus à ses désirs honteux. Ne faites plus de vos membres des armes d’injustice au service du mal ; de morts que vous étiez, soyez vraiment vivants pour Dieu ; faites de vos membres des armes de justice à sa gloire. Car le péché n’est plus votre maître, et sa tyrannie sur vous a pris fin par la grâce. Lui obéissant de nouveau, vous redeviendriez son esclave ; ne lui rendez pas contre vous ce titre de mort. Mais louez Dieu qui a brisé vos fers, et souvenez-vous qu’affranchis du péché, vous êtes devenus les serviteurs de la justice. »

Ferons-nous moins pour elle qu’on ne fait partout pour le péché son ennemi ? Certes, la justice mérite plus d’efforts de notre part que l’odieux tyran qui n’a pour ses esclaves que la honte et la mort. Et pourtant, admirable condescendance du ciel pour notre faiblesse ! saint Paul le déclare au nom du Saint-Esprit, dans l’Épître du jour : servons la justice comme nous avons servi le péché, et nous serons saints, et nous aurons la vie éternelle.

Humilions-nous, hélas ! et sondons nos misères. Qu’est devenue pour plusieurs, dans la voie du salut, cette ardeur dévorante avec laquelle on les voyait courir les mille sentiers du mal ? La vraie conversion cependant n’a point pour résultat l’engourdissement des facultés ; elle tourne à Dieu l’activité humaine, et l’augmente en lui rendant son but légitime, ou tout au moins ne la diminue pas, ce qui serait une injure à la grâce.

Quelles leçons donc ne nous donnent point les fils du siècle, à la poursuite de l’ambition, de l’intérêt ou du plaisir ! Que d’activité, d’industrie et de persévérance, que de souffrances souvent, que d’abnégation en tous genres et d’héroïsme à faux, pour satisfaire à la fois les sept têtes de la bête, et gagner d’être admis à tremper ses lèvres un instant dans la coupe fangeuse de Babylone ! Il en est, sous les voûtes infernales, qui ont plus peiné et pâti, pour se damner, que n’ont fait les martyrs : et que de fois sans même avoir atteint la compensation prétendue qu’ils rêvaient ici-bas ! Car le troupeau de Satan n’arrive pas toujours à lui complaire au point de mériter, même un jour, les viles récompenses de ses esclaves. La justice en use autrement avec les siens ; elle n’abaisse point, elle ne trompe point ceux qui la servent. Elle affermit leurs pas dans la paix, augmente sans fin le trésor de leurs mérites, et les conduit sûrement à la perfection de l’amour. La vie de l’union divine s’épanouit alors comme spontanément à ce faîte de la justice, et s’appuie sur elle comme la fleur sur sa tige. « Celui qui est affermi dans la justice possédera la Sagesse, dit l’Esprit-Saint ; c’est en lui qu’elle prendra ses délices d’Épouse. »

Pourrions-nous donc compter avec des travaux qui préparent le ciel, et devancent ici-bas les mystères de la patrie ? La vie présente, quelque longue qu’elle puisse être, paraît peu de chose à l’âme fidèle heureuse de pouvoir y prouver son amour. « Jacob, dit saint Augustin, servit deux fois sept ans pour Rachel, dont le nom signifie la vision du principe, ou le Verbe, la Sagesse qui révèle Dieu. C’est elle qu’aime en effet tout homme vertueux en ce monde ; c’est pour elle qu’il travaille et souffre, en servant la justice. Comme Jacob, ce qu’il recherche dans ses labeurs, ce n’est point assurément la fatigue pour elle-même, mais la possession qu’elle doit lui valoir de Rachel en sa beauté, le repos dans le Verbe où l’on voit le principe qui est Dieu. Est-il un vrai serviteur de Dieu qui puisse avoir d’autre pensée sous l’empire de la grâce ? Que veut l’homme, quand il se convertit ? que médite-t-il, que porte-t-il en son cœur, qu’aime-t-il et désire-t-il ainsi passionnément, sinon la science de la Sagesse ? L’homme sans doute voudrait, s’il était possible, écarter le travail et la peine, pour arriver de suite aux délices de la toute belle et parfaite Sagesse ; mais cela ne se peut dans la terre des mourants. L’Écriture nous l’apprend, quand elle dit : Tu désires la Sagesse ? garde les commandements, et le Seigneur te la donnera. Les commandements dont il est ici parlé regardent les œuvres de la justice, de cette justice qui vient de la foi, qui vit au milieu de l’incertitude des tentations et sous les ombres, afin qu’en croyant pieusement ce qu’elle ne comprend pas encore, elle arrive à mériter l’intelligence. « Il ne faut donc point blâmer l’ardeur de ceux qu’embrase le désir de posséder la vérité sans voiles, mais ramener leur amour à l’ordre qui est de commencer par la foi, et de s’efforcer d’arriver par l’exercice des bonnes mœurs où il tend. Dans le chemin, c’est le labeur de la vertu ; mais au terme convoité brille la Sagesse. Aime et désire dès le commencement et au-dessus de toute chose un objet si digne ; mais que l’ardeur qui te domine ait pour premier résultat, de te faire embrasser la fatigue de la route qui conduit au but où te porte l’amour. Une fois arrivé même, tu ne posséderas point dans le temps la belle vérité, sans avoir à cultiver toujours de compagnie la laborieuse justice. Quelque pénétrante et pure que puisse devenir en effet pour des mortels la vue du bien immuable, le corps qui se corrompt alourdit l’âme, et cette demeure terrestre abat toujours l’esprit sous le poids de mille soins. La Sagesse est l'unique but auquel on doit tendre ; mais il faut supporter beaucoup pour l’atteindre. »

ÉVANGILE.

Le peuple juif, en repoussant l’Évangile, a rejeté la lumière. Pendant que le Soleil de justice, salué par les nations, illumine de ses feux toujours croissants l’ancienne région des ombres de la mort, la nuit s’étend sur la terre autrefois bénie des patriarches, et les ténèbres s’épaississent à toute heure en Jérusalem. Dans l’aveuglement qui la pousse à sa perte, la synagogue justifie pleinement la parole du Sauveur : Celui gui marche dans les ténèbres ne sait où il va. Elle précipite par ses démarches insensées la catastrophe qui doit l’engloutir.

Les faux prophètes et les faux christs abondent en Israël, depuis que le vrai Messie qu’annonçaient les Prophètes, s’est vu méconnu et traité par les siens comme les Prophètes eux-mêmes. Ses témoins, les Apôtres, ont tenté en vain d’obtenir de Juda la rétractation du fatal reniement du prétoire. Juda cependant sait mieux que personne que les temps sont accomplis, depuis que le sceptre est tombé de ses mains ; et Juda, qui repousse dédaigneusement la royauté spirituelle du Sauveur des hommes, n’en continue pas moins d’attendre sans cesse et de chercher partout le christ qu’il a rêvé, le messie qui lui rendra sa puissance. Les docteurs juifs n’ont point encore, pour écarter l’autorité écrasante d’oracles qui les confondent, inventé la sentence de leur Talmud : « Maudit soit celui qui suppute les temps de la venue du Messie! » Quels sentiments ne doivent donc pas s’agiter dans l’âme d’un peuple qui, tant de siècles durant, vécut de l’attente d’une heure solennelle entre toutes : lorsqu’enfin il se rend compte que la dernière limite des temps annoncés lui échappe et va le contraindre à renier son passé, ou le forcer d’avouer, au pied de la croix qu’il a dressée, son erreur lamentable !

Une étrange anxiété s’empare alors de la nation déicide. L’esprit de vertige préside à ses conseils. Dans l’effarement de la fébrile démence qui remplace en son cœur l’attente sereine et soumise des patriarches, elle voit le Christ en tous les révoltés ; elle qui n’a point voulu du fils de David se livre à des hommes sans nom, et s’abandonne à tous les aventuriers qui se la disputent au nom de l’insurrection contre Rome et de l’indépendance chimérique de la patrie terrestre. Bientôt l’anarchie et la confusion sont au comble dans la Judée ; les partis hostiles portent leurs querelles sanglantes jusqu’au fond du sanctuaire. La fille de Sion suit ses faux christs au désert, et s’y dresse à l’émeute ; elle en revient, pour remplir la ville sainte des voleurs de grand chemin et de tous les sicaires errants dans les solitudes. Longtemps à l’avance, Ézéchiel avait dit : « Tes prophètes, Israël, sont devenus pareils aux renards du désert ; malheur aux prophètes insensés qui ne débitent que des visions menteuses ! » Et Isaïe s’écriait : « A cause de cela, le Seigneur frappera ce peuple ; il n’aura pitié ni des jeunes gens, ni des enfants, ni des veuves, parce qu’ils sont tous hypocrites et criminels, et que leur bouche ne profère que folies. » Le temps est proche ; l’heure vient, pour ceux qui sont dans la Judée, de fuir aux montagnes.

C’était la recommandation du Seigneur ; et, en effet, l’histoire nous montrera bientôt les chrétiens de Jérusalem quittant la ville réprouvée, sous la conduite de Siméon leur évêque. Avec eux s’enfuit la dernière espérance de Sion ; Dieu va venger son Christ. Déjà le signal de ruine, le coup de sifflet divin qu’entendait le prophète, a retenti au delà des mers ; et ils accourent, ils viennent d’Italie sur les navires qu’avait vus Balaam ceux qui doivent dévaster les Hébreux. Le chef annoncé par Daniel aborde enfin l’ancienne terre des promesses ; la désolation et la ruine qui l’accompagnent resteront après lui. Laissons les Juifs hâter leur perte et revenons à l’Église qui s’élève, au même temps, si grande et si belle sur la pierre d’angle rejetée de la synagogue. A cause de l’absence de cette pierre, où les ouvriers de Sion n’ont point su reconnaître la base nécessaire qui portait leur ville, Jérusalem tombe en Judée ; mais elle reparaît plus brillante sur les collines où Céphas, prince des Apôtres, a transplanté son fondement éternel. Affermie sur le roc divin, elle ne craindra plus la violence des flots ni les vents déchaînés contre ses murailles. Les faux prophètes et tous ces ouvriers de mensonge, qui sapèrent si fatalement les murs de l’ancienne, ne manqueront point cependant à la nouvelle Jérusalem. « Car il est nécessaire que le scandale arrive », disait le Seigneur ; et l’Apôtre, parlant de l’hérésie, le plus grand des scandales : « Il faut, dit-il de même, qu’il y ait des hérésies,pour que la vertu des bons soit manifestée dans l’épreuve de leur foi. »

Pour chaque chrétien, en effet, comme pour l’Église entière, la garantie de l’édifice de la sainteté repose sur la fermeté de la foi qui en est le fondement. L’Esprit-Saint se refuse à bâtir sur un fondement ruineux ou mal assuré. Quand surtout il doit conduire une âme jusqu’aux régions supérieures de l’union divine, il exige d’elle tout d’abord une foi non moins supérieure, dont l’héroïsme puisse affronter victorieusement les luttes purificatrices au prix desquelles se conquièrent la lumière et l’amour. A tous les degrés de la vie chrétienne d’ailleurs, c’est la foi qui fournit à l’amour son aliment et sa substance, comme c’est elle aussi qui donne aux vertus leurs motifs surnaturels et les rend dignes de former le cortège royal de la sainte charité. Le développement d’une âme ne saurait donc point dépasser la mesure de sa foi. L’ampleur de celle-ci, sa plénitude croissante, sa rectitude en tout, assurent les progrès que le juste doit accomplir ; tandis que la sainteté qui prétend marcher de concert avec une croyance amoindrie, n’est elle-même qu’une sainteté bien équivoque et sujette aux plus redoutables illusions. Il était donc véritablement bon et salutaire que la foi fût tentée, parce qu’elle rayonne davantage et s’affermit dans l’épreuve. Saint Paul a célébré magnifiquement, dans l’Épître aux Hébreux, les triomphes de la foi des anciens. L’alliance nouvelle pouvait-elle se trouver dépourvue des luttes glorieuses qui furent le mérite de nos pères au temps des figures ?

C’est par leur foi victorieuse dans la parole de la promesse, que tous ces dignes ancêtres du peuple chrétien ont mérité que Dieu même leur rendît témoignage, Pour nous qui possédons dans la joie l’objet de leurs héroïques espérances, l’épreuve sans doute n’est plus comme pour eux dans l’attente. Mais l’hérésie, née de l’orgueil de l’homme et de la malice de l’enfer, l’hérésie et ses annexes variées, qui sont les multiples diminutions de la vérité dans le monde, sauront nous faire un mérite de la bienheureuse possession des réalités qu’ils saluaient de loin dans leurs larmes. L’homme voudra, malgré l’Église, mêler à la révélation d’en haut ses vaines pensées ; et le prince du monde appuiera ces tentatives audacieuses d’altération du Verbe. Mais la Sagesse, jamais vaincue, y trouvera pour les siens l’occasion des plus belles victoires ; de là cette permission si large laissée par Dieu aux sectes ennemies, dès les premiers jours du christianisme et dans tous les temps, de se produire au grand jour. C’est dans le champ des combats contre l’erreur que l’Église, produisant au soleil sa divine armure, apparaît toute resplendissante de cette vérité absolue qui est la splendeur du Verbe son Époux ; c’est par le triomphe personnel sur l’esprit de mensonge et l’adhésion spontanée aux enseignements du Christ et de son Église, que le chrétien se manifeste en toute vérité fils de la lumière, et devient lui-même la lumière du monde.

Le combat n’est point sans périls pour le chrétien qui veut garder dans son intégrité la foi de sa mère l’Église. Les ruses de l’ennemi, son hypocrisie calculée et patiente, l’adresse perfide avec laquelle il sait mouvoir dans l’âme, presque à l’insu de l’âme même, mille ressorts secrets qui l’inclinent à l’erreur, finissent souvent par prévaloir contre la lumière en diminuant ses rayons, s’ils ne l’éteignent entièrement. La victoire néanmoins reste assurée à ceux qui s’inspirent des enseignements de notre Évangile. Méditons-les dans la reconnaissance et l’amour ; car c’est par eux que l’éternelle Sagesse exauce la prière que nous lui adressions au temps de l’Avent, la suppliant de venir nous enseigner le chemin de la prudence. La prudence, amie du sage, gardienne de ses trésors et sa très sûre défense, n’a point en effet de danger plus grand à écarter de celui qui la prend pour compagne, que le danger du naufrage de la foi, dont la perte entraîne tout le reste dans l’abîme. Acquérons à tout prix  cette prudence du serpent qui s’allie si bien, dans les disciples de Jésus-Christ, avec la simplicité de la colombe. Quand nous l’aurons, la distinction se fera pour nous d’elle-même entre les docteurs que nous devons fuir et ceux qu’il convient d’écouter, entre les faussaires du Verbe et ses interprètes fidèles.

« Vous les reconnaîtrez à leurs fruits », dit l’Évangile ; et l’histoire justifie la parole du Sauveur. Sous la peau de brebis dans laquelle ils veulent tromper les simples, les apôtres du mensonge exhalent toujours une odeur de mort. Leurs habiletés de paroles et leurs flatteries intéressées ne dissimulent point le vide de leurs œuvres. N’ayez donc rien de commun avec eux. Les fruits inutiles ou impurs des ténèbres, les arbres d’automne et deux fois morts qui les portent sur leurs branches desséchées, auront le feu pour partage. Si vous avez été vous-mêmes ténèbres autrefois, maintenant que vous êtes devenus lumière dans le Seigneur par le baptême ou le retour d’une conversion sincère, montrez-vous tels : produisez les fruits de la lumière en toute bonté, justice et vérité. A cette condition seulement vous pourrez espérer le royaume des cieux, et vous dire dès ce monde les disciples de cette Sagesse du Père qui réclame pour elle aujourd’hui notre amour.

En effet, dit l’Apôtre saint Jacques, semblant commenter l’Évangile de ce jour, « est-ce que le figuier peut porter des raisins, ou la vigne produire des figues ? Est-ce que la fontaine peut donner de l’eau amère et de l’eau douce à la fois ? Et maintenant qui d’entre vous prétend passer pour sage ? Qu’il le prouve en montrant dans ses œuvres et toute sa vie la douceur de la Sagesse. Car il y a une sagesse amère et trompeuse qui n’est point d’en haut, mais de la terre et de l’enfer. La Sagesse qui est d’en haut est d’abord toute chaste et pure, ensuite amie de la paix, modeste, sans attache à son sens, toujours d’accord avec les bons, pleine de miséricorde et de fruits de bonnes œuvres, ne jugeant point les autres et sans arrière-pensée. Les fruits de justice qu’elle produit se sèment dans la paix au sein des pacifiques. »

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Saint Apollinaire, évêque et martyr mémoire de Saint Liboire Évêque et Confesseur

23 Juillet 2022 , Rédigé par Ludovicus

Saint Apollinaire, évêque et martyr mémoire de Saint Liboire Évêque et Confesseur

Collecte

Dieu, qui récompensez les âmes fidèles, vous avez consacré ce jour par le martyre du bienheureux Apollinaire, votre Prêtre : faites, s’il vous plaît, que nous, qui sommes vos serviteurs, nos obtenions notre pardon au moyen des prières de celui dont nous célébrons la fête vénérable.

Office

Au deuxième nocturne.

Quatrième leçon. Apollinaire vint d’Antioche à Rome avec le prince des Apôtres, qui l’ordonna Évêque et l’envoya à Ravenne pour prêcher l’Évangile de notre Seigneur Jésus-Christ. Comme il convertissait dans cette ville beaucoup d’âmes à la foi chrétienne, il fut arrêté par les prêtres des idoles et cruellement frappé. Par ses prières, un noble personnage nommé Boniface, muet depuis longtemps, recouvra la parole, et sa fille fut délivrée d’un esprit immonde : ces miracles soulevèrent une nouvelle sédition contre le Saint. On le battit de verges, et on le contraignit à marcher pieds nus sur des charbons ardents ; comme le feu de ces charbons ne le brûlait point, on le chassa de la ville.

Cinquième leçon. Il se cacha un certain temps avec quelques Chrétiens, puis partit pour l’Émilie, où il ressuscita la fille du patricien Rufin ; ce prodige détermina toute la famille de Rufin à croire en Jésus-Christ. Le préfet, s’en étant fort irrité, manda Apollinaire et lui enjoignit de ne plus propager la foi du Christ dans la ville. Comme Apollinaire ne tenait aucun compte de ses ordres, on le tortura sur le chevalet, on répandit de l’eau bouillante sur ses plaies et on lui frappa le visage avec une pierre ; ensuite, le chargeant de chaînes, on le jeta en prison. Quatre jours après, on l’embarqua pour l’envoyer en exil ; ayant fait naufrage, il vint en Mysie ; de là, sur les rives du Danube, et puis en Thrace.

Sixième leçon. Pendant que le disciple de l’Apôtre Pierre y séjournait, le démon refusa de donner des réponses dans le temple de Sérapis. Après qu’on l’eut cherché longtemps, Apollinaire fut enfin trouvé et de nouveau contraint de prendre la mer. Étant donc revenu à Ravenne, et les mêmes prêtres des idoles recommençant à l’accuser, il fut confié à la garde d’un centurion. Celui-ci, qui honorait secrètement le Christ, favorisa son évasion pendant la nuit. La chose connue, les satellites se mirent à le poursuivre, le couvrirent de blessures et le laissèrent pour mort sur le chemin. Recueilli par des Chrétiens, il les exhorta à rester fermes dans la foi et quitta cette vie sept jours après, couronné de la gloire du martyre. Son corps fut enseveli non loin des murailles de la ville.

Au troisième nocturne.

Homélie de saint Ambroise, Évêque.. Lib. 10 in Lucæ cap. 22, post init.

Septième leçon. Le royaume de Dieu n’est pas de ce monde. Il n’y a donc pas moyen pour l’homme d’égaler Dieu ; mais il doit y avoir émulation pour lui ressembler. Seul le Christ est l’image parfaite de Dieu, ne faisant qu’un avec son Père dont il exprime en sa personne toute la splendeur. L’homme juste, lui, est à l’image de Dieu, quand éclairé par la connaissance de Dieu et désireux d’imiter la conduite divine, il compte pour peu ce bas monde et dédaigne les voluptés de la terre, rassasié qu’il est du Verbe, aliment vivifiant de nos âmes : aussi mangeons-nous le corps du Christ, afin de pouvoir être participants de la vie éternelle.

Huitième leçon. Car ce qui nous est promis en fait de récompense et d’honneur ce n’est pas de manger et de boire ; c’est la communication de la grâce céleste et de la vie sans fin. Les douze trônes ne sont pas non plus comme des sièges faits pour asseoir le corps. Mais de même que le Christ, en raison de son égalité avec Dieu, juge les âmes d’après la connaissance intime qu’il en a, et non d’après un interrogatoire qui les force à déclarer leurs actes, rémunérant la vertu et condamnant l’impiété, de même aussi, les Apôtres sont destinés et formés à l’exercice d’un jugement spirituel par lequel la foi est récompensée, l’incrédulité détestée ; ils refusent l’erreur avec force et poursuivent les sacrilèges d’une haine sainte.

Neuvième leçon. Convertissons-nous et prenons garde qu’il ne s’élève entre nous, pour notre perte, quelque contestation au sujet du premier rang. Que les Apôtres même eurent à ce sujet un débat, cela n’est point rappelé pour nous fournir une excuse mais pour nous mettre sur nos gardes. Si Pierre ne fut qu’à la fin tout à fait converti, lui qui avait suivi le Seigneur dès son premier appel, qui donc pourra se vanter d’une conversion tôt et vite accomplie ? Évitez donc la jactance ; évitez le monde. Il reçut l’ordre de quitter ses frères, l’Apôtre qui a dit : « Nous avons tout quitté et nous vous avons suivi ».

 

Ravenne, mère des cités, convoque aujourd’hui l’univers à célébrer l’évêque martyr dont les travaux firent plus pour son éternelle renommée que la faveur des empereurs et des rois. Du milieu de ses antiques monuments la rivale de Rome, aujourd’hui déchue, n’en montre pas moins fièrement la chaîne ininterrompue de ses Pontifes, remontant jusqu’au Vicaire de l’Homme-Dieu par Apollinaire, qu’ont exalté dans leurs discours les Pères et Docteurs de l’Église universelle, ses successeurs et ses fils. Plût au ciel que toujours la noble ville se fût souvenue de ce qu’elle devait à Pierre !

Pour suivre uniquement le Prince des Apôtres, Apollinaire, oubliant famille, patrie, avait tout quitté. Or, un jour, le maître dit au disciple : « Pourquoi restes-tu assis avec nous ? Voilà que tu es instruit de tout ce que Jésus a fait : lève-toi, reçois le Saint-Esprit, et va vers cette ville qui ne le connaît pas ». Et le bénissant, et lui donnant le baiser, il l’envoya au loin. Scènes sublimes de séparation, fréquentes en ces premiers temps, bien des fois répétées depuis, et qui font dans leur héroïque simplicité la grandeur de l’Église.

Apollinaire courait au sacrifice. Le Christ, dit saint Pierre Chrysologue, se hâtait au-devant du martyr, le martyr précipitait le pas vers son Roi : l’Église qui voulait garder cet appui de son enfance se jeta au-devant du Christ pour retarder, non le combat, mais la couronne ; et durant vingt-neuf ans, ajoute Pierre Damien, le martyre se poursuivit à travers d’innombrables tourments, de telle sorte que les labeurs du seul Apollinaire suffirent à ces contrées qui n’eurent point d’autre témoin de la foi par le sang. Selon les traditions de l’Église qu’il avait si puissamment fondée, la divine Colombe intervint directement et visiblement par douze fois, jusqu’à l’âge de la paix, pour désigner chacun des successeurs d’Apollinaire.

Instruits par Venance Fortunat venu de Ravenne en nos régions du Nord, nous saluons de loin votre glorieuse tombe. Répondez-nous par le souhait que vous formuliez durant les jours de votre vie mortelle : Que la paix de notre Seigneur et Dieu Jésus-Christ repose sur vous ! La paix, don parfait, premier salut de l’apôtre et consommation de toute grâce : combien vous l’avez appréciée, combien vous en fûtes jaloux pour vos fils, même après avoir quitté la terre ! C’est elle qui vous fit obtenir du Dieu de paix et de dilection cette intervention miraculeuse par laquelle si longtemps furent marqués les pontifes qui devaient après vous s’asseoir en votre chaire. Vous-même n’apparûtes-vous pas un jour au Pontife romain, pour lui montrer dans Chrysologue l’élu de Pierre et d’Apollinaire ? Et plus tard, sachant que les cloîtres allaient devenir l’asile de cette divine paix bannie du reste du monde, vous vîntes en personne par deux fois solliciter Romuald d’obéir à l’appel de la grâce et d’aller féconder le désert.

Pourquoi faut-il qu’enivré de faveurs qui partaient de la terre, plus d’un de vos successeurs, que ne désignait plus, hélas ! La divine Colombe, ait oublié si tôt les leçons laissées par vous à votre Église ? Fille de Rome, ne devait-elle pas se trouver assez grande d’occuper entre ses illustres sœurs la première place à la droite de la mère ? Du moins l’Évangile même chanté depuis douze siècles et plus peut-être, en la solennité de ce jour, aurait-il dû la protéger contre les lamentables excès appelés à précipiter sa déchéance. Rome, avertie par de trop regrettables indices, prévoyait-elle donc déjà les sacrilèges ambitions des Guibert, quand son choix se fixait sur ce passage du texte sacré : Il s’éleva une contestation parmi les disciples, à qui devait passer pour le plus grand ? Et quel commentaire, à la fois plus significatif et plus touchant, pouvait-on donner à cet Évangile, que les paroles de Pierre même en l’Épître : « Les vieillards qui sont parmi vous, je les supplie, moi vieillard comme eux et témoin des souffrances du Christ, de paître le troupeau, non dans un esprit de domination sur l’héritage du Seigneur, mais en étant ses modèles dans le désintéressement et l’amour ; que tous s’animent à l’humilité mutuellement, car Dieu résiste aux superbes, et il donne sa grâce aux humbles ». Faites, ô Apollinaire, que pasteurs et troupeau, dans toutes les Églises, profitent maintenant du moins de ces apostoliques et divines leçons, pour que tous un jour nous nous trouvions assis à la table éternelle où le Seigneur convie les siens près de Pierre et de vous dans son royaume 

 

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Sainte Marie-Madeleine pénitente

22 Juillet 2022 , Rédigé par Ludovicus

Sainte Marie-Madeleine pénitente

Collecte

Nous vous prions, Seigneur, par les suffrages de la bienheureuse Marie-Madeleine, de venir à notre aide : vous qui, fléchi par ses prières, avez ressuscité vivant des enfers son frère Lazare, mort depuis quatre jours.

Office

4e leçon

Sermon de saint Grégoire, Pape

Marie-Madeleine, qui avait été « connue dans la ville comme pécheresse », a lavé de ses larmes les taches de sa vie criminelle en aimant la vérité, et cette parole de la Vérité s’est accomplie : « Beaucoup de péchés lui sont remis, parce qu’elle a beaucoup aimé ». Madeleine, qui auparavant était demeurée dans la froideur en péchant, était dans la suite embrasée d’ardeur dans son amour. Elle ne quittait point le sépulcre du Seigneur, alors même que les disciples s’en éloignaient. Elle chercha avec soin celui qu’elle n’avait point trouvé d’abord. Elle pleurait en le cherchant, et embrasée du feu de son amour, elle brûlait de retrouver celui qu’elle croyait enlevé ! Aussi arriva-t-il que Madeleine seule le vit alors, elle qui était restée pour le chercher ; c’est qu’en effet toute bonne œuvre a son mérite dans la persévérance.

5e leçon

Elle le chercha donc d’abord sans le trouver ; mais en continuant sa recherche, elle réussit enfin à le trouver. Il se fit que le retard augmenta ses désirs, et que ses désirs devenus plus vifs rencontrèrent ce qu’ils voulaient trouver. C’est ce qui fait dire à l’Épouse mystique, l’Église, parlant de cela dans le Cantique des cantiques : « Sur ma couche, pendant les nuits, j’ai cherché celui que chérit mon âme ». Le bien-aimé, nous le cherchons, couchés sur notre lit, lorsque, dans le peu de repos que laisse la vie présente, le désir de voir notre Sauveur nous fait soupirer après lui. Nous le cherchons pendant la nuit ; car, si déjà notre esprit veille en pensant à lui, l’obscurité pèse encore sur notre vue.

6e leçon

Mais que celui qui ne trouve pas son bien-aimé se lève à la fin et fasse le tour de la ville ; c’est-à-dire, qu’il porte dans la sainte Église des élus les investigations de son esprit ; qu’il cherche par les rues et les places : c’est-à-dire qu’il observe ceux qui suivent les chemins étroits et ceux qui fréquentent les routes plus larges, pour voir s’il ne découvre pas quelques traces de Celui qu’il aime : car il y a des personnes, jusque dans la vie du siècle, qui offrent quelque chose à imiter pour la pratique de la vertu. Mais au milieu de nos recherches, nous voici rencontrés par les sentinelles de la ville : je veux dire que les saints Pères, qui veillent à la sécurité de l’Église, viennent au-devant de nos bons desseins, pour nous instruire et par leurs discours et par leurs écrits. Et c’est après les avoir un peu dépassés, que nous trouvons l’objet de notre amour. Car si notre humble Sauveur s’est fait l’égal des hommes par son humanité, il les a toujours surpassés par sa divinité.

7e leçon

Homélie de saint Augustin, Évêque

Vous avez écouté très attentivement l’Évangile qu’on vient de lire, et le fait qu’il rapporte a été soigneusement retracé aux yeux de votre esprit. Vous avez vu, non des yeux du corps mais de ceux de l’âme, notre Seigneur Jésus-Christ s’asseoir à table chez un Pharisien dont il n’avait pas dédaigné l’invitation. Vous avez vu aussi une femme, célèbre dans la ville par sa mauvaise réputation, pénétrant dans la salle, sans avoir été conviée au repas offert au médecin de son âme, et osant, par une sainte hardiesse, lui demander sa guérison. Sa présence est importune pour un festin, mais très opportune par rapport au bienfait qu’elle attend. Madeleine connaissait, en effet, la gravité de son mal, et elle savait que celui qu’elle était venue trouver était capable de la guérir.

8e leçon

Elle vint donc tout près du Seigneur, non à sa tête, mais à ses pieds, cherchant des traces de vertu, après avoir longtemps erré dans le vice. D’abord elle fait couler de son cœur un ruisseau de larmes, et en lave les pieds du divin Maître par l’humble aveu de ses fautes. Et les ayant essuyés avec ses cheveux, elle les baise et y répand une profusion de parfums. Son silence était tout un langage ; pas un mot ne sortait de sa bouche, mais elle faisait voir sa dévotion. La voyant donc toucher le Sauveur, voyant qu’elle arrose de larmes ses pieds, qu’elle les essuie, les couvre de baisers et les parfume, le Pharisien qui avait invité notre Seigneur Jésus-Christ, et qui était un de ces hommes superbes désignés par le Prophète Isaïe : « Qui disent : Retire-toi de moi, ne m’approche pas, parce que je suis pur », ce Pharisien supposa que le Seigneur ne savait pas ce qu’était cette femme.

9e leçon

O Pharisien, qui invites le Seigneur et qui souris à son sujet, tu le nourris, et tu ne comprends point que c’est lui qui doit te nourrir ! D’où sais-tu qu’il ignore ce qu’a été cette femme, sinon parce que tu vois qu’il s’est laissé approcher, qu’elle lui baise les pieds, qu’elle les essuie et les parfume ? Apparemment il ne fallait point permettre à une femme impure de toucher des pieds si purs. Et si pareille femme fût venue aux pieds du Pharisien, il n’aurait pas manqué de lui dire ce qu’Isaïe met dans la bouche de ces orgueilleux : « Retire-toi de moi, et ne me touche pas, parce que je suis pur ». Celle-ci, au contraire, eut accès auprès du Seigneur ; elle s’approcha souillée, pour s’en aller purifiée ; elle s’approcha malade, pour s’en aller guérie ; elle s’approcha en confessant ses fautes pour s’en aller ayant professé sa foi.

« Trois Saints, dit à Brigitte de Suède le Fils de Dieu, m’ont agréé pardessus tous les autres : Marie ma mère, Jean-Baptiste, et Marie Madeleine ». Figure, nous disent les Pères, de l’Église des Gentils appelée des abîmes du péché à la justice parfaite, Marie Madeleine plus qu’aucune autre, en effet, personnifia les égarements et l’amour de cette humanité que le Verbe avait épousée. Comme les plus illustres personnages de la loi de grâce, elle se préexista dans les siècles. Suivons dans l’histoire de la grande pénitente la marche tracée par la voix unanimement concordante de la tradition : Madeleine, on le verra, n’en sera point diminuée.

Lorsqu’avant tous les temps Dieu décréta de manifester sa gloire, il voulut régner sur un monde tiré du néant ; et la bonté en lui égalant la puissance, il fit du triomphe de l’amour souverain la loi de ce royaume que l’Évangile nous montre semblable à un roi qui fait les noces de son fils.

C’était jusqu’aux limites extrêmes de la création, que l’immortel Fils du Roi des siècles arrêta de venir contracter l’alliance résolue au sommet des collines éternelles. Bien au-dessous de l’ineffable simplicité du premier Être, plus loin que les pures intelligences dont la divine lumière parcourt en se jouant les neuf chœurs, l’humaine nature apparaissait, esprit et corps, faite elle aussi pour connaître Dieu, mais le cherchant avec labeur, nourrissant d’incomplets échos sa soif d’harmonies, glanant les derniers reflets de l’infinie beauté sur l’inerte matière. Elle pouvait mieux, dans son infirmité, manifester la condescendance suprême ; elle fixa le choix de Celui qui s’annonçait comme l’Époux.

Parce que l’homme est chair et sang, lui donc aussi se ferait chair ; il n’aurait point les Anges pour frères, et serait fils d’Adam. Splendeur du Père dans les deux, le plus beau de sa race ici-bas, il captiverait l’humanité dans les liens qui l’attirent. Au premier jour du monde, en élevant par la grâce l’être humain jusqu’à Dieu, en le plaçant au paradis de l’attente, l’acte même de création scella les fiançailles.

Hélas ! Sous les ombrages de l’Éden, l’humanité ne sut attendre l’Époux. Chassée du jardin de délices, elle se jeta dans tous les bois sacrés des nations et prostitua aux idoles vaines ce qui lui restait de sa gloire. Car grands encore étaient ses attraits ; mais ces dons de nature, quoiqu’elle l’eût oublié, restaient les présents profanés de l’Époux : « Cette beauté qui te rendait parfaite aux yeux, c’était la mienne que j’avais mise en toi, dit le Seigneur Dieu ».

L’amour n’avouait pas sa défaite ; la Sagesse, suave et forte, entreprenait de redresser les sentiers des humains Dans l’universelle conspiration laissant les nations mener jusqu’au bout leur folle expérience, elle se choisit un peuple issu de souche sainte, en qui la promesse faite à tous serait gardée. Quand Israël sortit d’Égypte, et la maison de Jacob du milieu d’un peuple barbare, la nation juive fut consacrée à Dieu, Israël devint son domaine. En la personne du fils de Béor, la gentilité vit passer au désert ce peuple nouveau, et elle le bénit dans l’admiration des magnificences du Seigneur habitant avec lui sous la tente, et cette vue fit battre en elle un instant le cœur de l’Épouse. « Je le verrai, s’écria-t-elle en son transport, mais non maintenant ; je le contemplerai, mais plus tard ! » Du sommet des collines sauvages d’où l’Époux l’appellera un jour, elle salua l’étoile qui devait se lever de Jacob, et redescendit prédisant la ruine à ces Hébreux qui l’avaient pour un temps supplantée.

Extase sublime, suivie bientôt de plus coupables égarements ! Jusques à quand, fille vagabonde, t’épuiseras-tu dans ces délices fausses? Comprends qu’il t’a été mauvais d’abandonner ton Dieu. Les siècles ont passé ; la nuit tombe ; l’étoile a paru, signe de l’Époux conviant les nations. Laisse-toi ramener au désert ; écoute Celui qui parle à ton cœur. Ta rivale d’autrefois n’a point su rester reine ; l’alliance du Sinaï n’a produit qu’une esclave. L’Époux attend toujours l’Épouse.

Quelle attente, ô Dieu, que celle qui vous fait franchir au-devant de l’infidèle humanité les collines et les monts ! A quel point donc peuvent s’abaisser les cieux, que devenu péché pour l’homme pécheur, vous portiez vos conquêtes au delà du néant, et triomphiez de préférence au fond des abîmes ? Quelle est cette table où votre Évangéliste nous montre le Fils de l’Éternel, inconnu sous la servile livrée des hommes mortels, assis sans gloire dans la maison du pharisien superbe? L’heure a sonné où l’altière synagogue qui n’a su ni jeûner avec Jean, ni se réjouir avec Celui dont il préparait les sentiers, va voir enfin Dieu justifier les délais de son miséricordieux amour. « Ne méprisons pas comme des pharisiens les conseils de Dieu, s’écrie saint Ambroise à cet endroit du livre sacré. Voici que chantent les fils de la Sagesse ; écoute leurs voix, entends leurs danses : c’est l’heure des noces. Ainsi chantait le Prophète, quand il disait : Viens ici du Liban, mon Épouse, viens ici du Liban ».

Et voici qu’une femme, qui était pécheresse dans la ville, quand elle apprit qu’il était assis à table dans la maison du pharisien, apporta un vase d’albâtre plein de parfum ; et se tenant derrière lui à ses pieds, elle commença à les arroser de ses larmes, et les essuyant avec ses cheveux, elle les baisait, et y répandait le parfum. « Quelle est cette femme ? L’Église sans nul doute, répond saint Pierre Chrysologue : l’Église sous le poids des souillures de ses péchés passés dans la cité de ce monde. A la nouvelle que le Christ a paru dans la Judée, qu’il s’est montré au banquet de la Pâque, où il livre ses mystères, où il révèle le Sacrement divin, où il manifeste le secret du salut : soudain, se précipitant, elle dédaigne les contradictions des scribes qui lui ferment l’entrée, elle brave les princes de la synagogue ; et ardente, toute de désirs, elle pénètre au sanctuaire, où elle trouve Celui qu’elle cherche trahi par la fourberie judaïque au banquet de l’amour, sans que la passion, la croix, le sépulcre, arrêtent sa foi et l’empêchent de porter au Christ ses parfums ».

Et quelle autre que l’Église, disent à leur tour ensemble Paulin de Noie et Ambroise de Milan, a le secret de ce parfum ? Elle dont les fleurs sans nombre ont tous les arômes, qui, odorante des sucs variés de la céleste grâce, exhale suavement à Dieu les multiples senteurs des vertus provenant de nations diverses et les prières des saints, comme autant d’essences s’élevant sous l’action de l’Esprit de coupes embrasées. De ce parfum de sa conversion, qu’elle mêle aux pleurs de son repentir, elle arrose les pieds du Seigneur, honorant en eux son humanité. Sa foi qui l’a justifiée croit de pair avec son amour ; bientôt la tête même de l’Époux, sa divinité, reçoit d’elle l’hommage de la pleine mesure de nard précieux et sans mélange signifiant la justice consommée, dont l’héroïsme va jusqu’à briser le vase de la chair mortelle qui le contenait dans le martyre de l’amour ou des tourments.

Mais alors même qu’elle est parvenue au sommet du mystère, elle n’oublie pas les pieds sacrés dont le contact l’a délivrée des sept démons représentant tous les vices ; car à jamais pour le cœur de l’Épouse, comme désormais au sein du Père, l’Homme-Dieu reste inséparable en sa double nature. A la différence donc du Juif qui, ne voulant du Christ ni pour fondement ni pour chef, n’a trouvé, comme Jésus l’observe ni pour sa tête l’huile odorante, ni l’eau même pour ses pieds, elle verse sur les deux son parfum de grand prix; et tandis que l’odeur suave de sa foi si complète remplit la terre devenue par la victoire de cette foi la maison du Seigneur, elle continue, comme au temps où elle y répandait ses larmes, d’essuyer de ses longs cheveux les pieds du Maître. Mystique chevelure, gloire de l’Épouse : où les saints voient ses œuvres innombrables et ses prières sans fin; dont la croissance réclame tous ses soins d’ici-bas ; dont l’abondance et la beauté seront divinement exaltées dans les cieux par Celui qui comptera jalousement, sans négliger aucune, sans laisser perdre une seule, toutes les œuvres de l’Église. C’est alors que de sa tête, comme de celle de l’Époux, le divin parfum qui est l’Esprit-Saint se répandra éternellement, comme une huile d’allégresse, jusqu’aux extrémités de la cité sainte.

En attendant, ô pharisien qui méprises la pauvresse dont l’amour pleure aux pieds de ton hôte divin méconnu, j’aime mieux, s’écrie le solitaire de Nole, me trouver lié dans ses cheveux aux pieds du Christ, que d’être assis près du Christ avec toi sans le Christ. Heureuse pécheresse que celle qui mérita de figurer l’Église, au point d’avoir été directement prévue et annoncée par les Prophètes, comme le fut l’Église même ! C’est ce qu’enseignent saint Jérôme et saint Cyrille d’Alexandrie, pour sa vie de grâce comme pour son existence de péché. Et résumant à son ordinaire la tradition qui l’a précédé, Bède le Vénérable ne craint pas d’affirmer qu’en effet « ce que Madeleine a fait une fois, reste le type de ce que fait toute l’Église, de ce que chaque âme parfaite doit toujours faire ».

Qui ne comprendrait la prédilection de l’Homme-Dieu pour cette âme dont le retour, en raison même de la misère plus profonde où elle était tombée, manifesta dès l’abord et si pleinement le succès de sa venue, la défaite de Satan, le triomphe de cet amour souverain posé à l’origine comme l’unique loi de ce monde ! Lorsque Israël n’attendait du Messie que des biens périssables, quand les Apôtres eux-mêmes et jusqu’à Jean le bien-aimé ne rêvaient près de lui que préséances et honneurs, la première elle vient à Jésus pour lui seul et non pour ses dons. Avide uniquement de purification et d’amour, elle ne veut pour partage que les pieds augustes fatigués à la recherche de la brebis égarée : autel béni, où elle trouve le moyen d’offrir à son libérateur autant d’holocaustes d’elle-même, dit saint Grégoire, qu’elle avait eu de vains objets de complaisance. Désormais ses biens comme sa personne sont à Jésus, dont elle n’aura plus d’occupation que de contempler les mystères et la vie, dont elle recueillera chaque parole, dont elle suivra tous les pas dans la prédication du royaume de Dieu. S’asseoir à ses pieds est pour elle l’unique bien, le voir l’unique joie, l’entendre le seul intérêt de ce monde. Combien vite, dans la lumière de son humble confiance, elle a dépassé la synagogue et les justes eux-mêmes ! Le pharisien s’indigne, sa sœur se plaint, les disciples murmurent : partout Marie se tait, mais Jésus parle pour elle ; on sent que son Cœur sacré est atteint de la moindre appréciation défavorable à rencontre. A la mort de Lazare, le Maître doit l’appeler du repos mystérieux où même alors, remarque saint Jean, elle restait assise ; sa présence au tombeau fait plus que celle du collège entier des Apôtres et de la tourbe des Juifs ; un seul mot d’elle, déjà dit par Marthe accourue la première, est plus puissant que tous les discours de celle-ci ; ses pleurs enfin font pleurer l’Homme-Dieu, et suscitent en lui le frémissement sacré, précurseur du rappel à la vie de ce mort de quatre jours, le trouble divin qui montre Dieu conquis à sa créature. Bien véritablement donc, pour les siens comme pour elle-même, pour le monde comme pour Dieu, Marie a choisi la meilleure part, qui ne lui sera point enlevée.

En ce qui précède, nous n’avons fait, pour ainsi dire, que coudre l’un à l’autre les témoignages bien incomplets d’une vénération qui se retrouve la même, toujours et partout, chez les dépositaires de la doctrine et les maîtres de la science. Cependant les hommages réunis des Docteurs n’équivalent point, pour l’humble Madeleine, à celui que lui rend l’Église même, lorsqu’au jour de la glorieuse Assomption de Notre-Dame, elle n’hésite pas à rapprocher l’incomparable souveraine du monde et la pécheresse justifiée, au point d’appliquer à la première en son triomphe l’éloge évangélique qui regarde celle-ci. Ne devançons point les lumières que le Cycle nous réserve en ses développements ; mais entendons Albert le Grand nous attester pour sûr que, dans le monde de la grâce aussi bien que dans celui de la création matérielle, Dieu a fait deux grands astres, à savoir deux Maries, la Mère du Seigneur et la sœur de Lazare : le plus grand, qui est la Vierge bienheureuse, pour présider au jour de l’innocence ; le plus petit, qui est Marie la pénitente sous les pieds de cette bienheureuse Vierge, pour présider à la nuit en éclairant les pécheurs qui viennent comme elle à repentir. Comme la lune par ses phases marque les jours de fête à la terre, ainsi sans doute Madeleine, au ciel, donne le signal de la joie qui éclate parmi les Anges de Dieu sur tout pécheur faisant pénitence. N’est-elle donc pas également, par son nom de Marie et en participation de l’Immaculée, l’Étoile de la mer, ainsi que le chantaient autrefois nos Églises des Gaules, lorsqu’elles rappelaient qu’en pleine subordination servante et reine avaient été toutes deux principe d’allégresse en l’Église : l’une engendrant le salut, l’autre annonçant la Pâque !

Nous ne reviendrons point sur les inoubliables récits de ce jour, le plus grand des jours, où Madeleine, comme l’étoile du matin, marcha en avant de l’astre vainqueur inaugurant l’éternité sans couchant. Glorieuse aurore, où la divine rosée, s’élevant de la terre, effaça du fatal décret la déchéance prononcée contre Ève ! Femme, pourquoi pleures-tu ? Tu ne te trompes pas : c’est bien le divin jardinier qui te parle, celui qui, hélas ! au commencement avait planté le paradis. Mais trêve aux pleurs ; dans cet autre jardin, dont le centre est un tombeau vide, le paradis t’est rendu : vois les Anges, qui n’en ferment plus l’entrée ; vois l’arbre de vie qui, depuis trois jours, a donné son fruit. Ce fruit que tu réclames pour t’en saisir encore et l’emporter comme aux premiers jours, il t’appartient en effet pour jamais ; car ton nom maintenant n’est plus Ève, mais Marie S’il se refuse à tes empressements, situ ne peux le toucher encore, c’est que de même qu’autrefois tu ne voulus point goûter seule le fruit de la mort, tu ne dois pas non plus jouir de l’autre aujourd’hui, sans ramener préalablement l’homme qui par toi fut perdu.

O profondeurs en notre Dieu de la sagesse et de la miséricorde! voici donc que, réhabilitée, la femme retrouve des honneurs plus grands qu’avant la chute même, n’étant plus seulement la compagne de l’homme, mais son guide à la lumière. Madeleine, à qui toute femme doit cette revanche glorieuse, conquiert en ce moment la place à part que lui assigne l’Église dans ses Litanies en tête des vierges elles-mêmes, comme Jean-Baptiste précède l’armée entière des Saints par le privilège qui fit de lui le premier témoin du salut. Le témoignage de la pécheresse complète celui du Précurseur : sur la foi de Jean, l’Église a reconnu l’Agneau qui efface les péchés du monde ; sur la foi de Madeleine, elle acclame l’Époux triomphateur de la mort : et constatant que, par ce dernier témoignage, le cycle entier des mystères est désormais pleinement acquis à la croyance catholique, elle entonne aujourd’hui l’immortel Symbole dont les accents lui paraissaient prématurés encore en la solennité du fils de Zacharie.

O Marie, combien grande vous apparûtes aux regards des cieux dans l’instant solennel où, la terre ignorant encore le triomphe de la vie, il vous fut dit par l’Emmanuel vainqueur : « Va vers mes frères, et dis-leur : Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu ! » Vous étiez bien toujours alors notre représentante, à nous Gentils, qui ne devions entrer en possession du Seigneur par la foi qu’après son Ascension par delà les nues. Ces frères vers qui vous envoyait l’Homme-Dieu, c’étaient sans doute les privilégiés que lui-même durant sa vie mortelle avait appelés à le connaître, et auxquels vous deviez, ô Apôtre des Apôtres, manifester ainsi le mystère complet de la Pâque ; toutefois déjà la miséricordieuse bonté du Maître projetait de se montrer le jour même à plusieurs, et tous devaient être comme vous bientôt les témoins de son Ascension triomphante. Qu’est-ce à dire, sinon que, tout en s’adressant aux disciples immédiats du Sauveur, votre mission, ô Madeleine, s’étendait bien plus dans l’espace et les temps ?

Pour l’œil du vainqueur de la mort à cette heure de son entrée dans la vie sans fin, ils remplissaient en effet la terre et les siècles ces frères en Adam comme en Dieu qu’il amenait à la gloire, selon l’expression du Docteur futur de la gentilité. C’est d’eux qu’il avait dit dans le Psaume : « J’annoncerai votre Nom à mes frères ; je vous louerai dans la grande assemblée des nations, au sein du peuple encore à naître qui doit appartenir au Seigneur ». C’est d’eux, c’est de nous tous composant cette génération à venir à laquelle le Seigneur devait être annoncé, qu’il vous disait alors : « Va vers mes frères, et dis-leur : Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu ». Et au loin comme auprès vous êtes venue, vous venez sans cesse, remplir votre mission près des disciples et leur dire : « J’ai vu le Seigneur, et il m’a dit ces choses ».

Vous êtes venue, ô Marie, lorsque notre Occident vous vit sur ses montagnes foulant de vos pieds apostoliques, dont Cyrille d’Alexandrie salue la beauté, les rochers de Provence. Sept fois le jour, enlevée vers l’Époux sur l’aile des Anges, vous montriez à l’Église, plus éloquemment que n’eût fait tout discours, la voie qu’il avait suivie, qu’elle devait suivre elle-même par ses aspirations, en attendant de le rejoindre enfin pour jamais.

Ineffable démonstration que l’apostolat lui-même, en son mérite le plus élevé, n’est point dépendant de la parole effective ! Au ciel, les Séraphins, les Chérubins, les Trônes fixent sans cesse l’éternelle Trinité, sans jamais abaisser leurs yeux vers ce monde de néant ; et cependant par eux passent la force, la lumière et l’amour dont les augustes messagers des hiérarchies subordonnées sont les distributeurs à la terre. Ainsi, ô Madeleine, vous ne quittez plus les pieds sacrés rendus maintenant à votre amour ; et pourtant, de ce sanctuaire où votre vie reste absorbée sans nulle réserve avec le Christ en Dieu qui mieux que vous nous redit à toute heure : « Si vous êtes ressuscites avec le Christ, cherchez ce qui est en haut, là où le Christ est assis à la droite de Dieu ; goûtez ce qui est en haut, non ce qui est sur la terre ! »

O vous, dont le choix si hautement approuvé du Seigneur a révélé au monde la meilleure part, faites qu’elle demeure toujours appréciée comme telle en l’Église, cette part de la divine contemplation qui prélude ici-bas à la vie du ciel, et reste en son repos fécond la source des grâces que le ministère actif répand par le monde. La mort même, qui la fait s’épanouir en la pleine et directe vision, ne l’enlève pas, mais la confirme à qui la possède. Puisse nul de ceux qui l’ont reçue de la gratuite et souveraine bonté, ne travailler à s’en déposséder lui-même ! Fortunée maison, bienheureuse assemblée, dit le dévot saint Bernard, où Marthe se plaint de Marie ! Mais l’indignité serait grande de voir Marie jalouser Marthe. Saint Jude nous l’apprend : malheur aux anges qui ne gardent point leur principauté, qui, familiers du Très-Haut, veulent abandonner sa cour ! Maintenez au cœur des familles religieuses établies par leurs pères sur les sommets avoisinant les cieux, le sentiment de leur noblesse native : elles ne sont point faites pour la poussière et le bruit de la plaine ; elles ne sauraient s’en rapprocher qu’au grand détriment de l’Église et d’elles-mêmes. Pas plus que vous, ô Madeleine, elles ne se désintéressent pour cela des brebis perdues, mais prennent en restant ce qu’elles sont le plus sûr moyen d’assainir la terre et d’élever les âmes.

Ainsi même vous fut-il donné un jour, à Vézelay, de soulever l’Occident dans ce grand mouvement des croisades dont le moindre mérite ne fut pas de surnaturaliser en l’âme des chevaliers chrétiens, armés pour la défense du saint tombeau qui avait vu vos pleurs et votre ravissement, les sentiments qui sont l’honneur de l’humanité.

Et n’était-ce pas encore une leçon de ce genre que le Dieu par qui seul règnent les rois, et qui se rit des projets de leur vanité, voulut donner dans les premières années de ce siècle au guerrier fameux dont l’orgueil dictait ses lois aux empires ? Dans l’ivresse de sa puissance, on le vit prétendre élever à lui-même et à son armée ce qu’il appelait le Temple de la gloire. Mais bientôt, emportant le guerrier, passait la tempête ; et continué par d’autres constructeurs, le noble édifice s’achevait, portant comme dédicace à son fronton le nom de Madeleine.

O Marie, bénissez ce dernier hommage de notre France que vous avez tant aimée, et dont le peuple et les princes entourèrent toujours d’une vénération si profonde votre retraite bénie de la Sainte-Baume et votre église de Saint-Maximin, où reposent les restes mille fois précieux de celle qui sut rendre amour pour amour. En retour, apprenez-nous que la seule vraie et durable gloire est de suivre comme vous, dans ses ascensions, Celui qui vous envoya vers nous autrefois, disant : « Va vers mes frères, et dis-leur : Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu ! »

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QUAND LE PASTEUR REFUSE D'ÊTRE UN BON PASTEUR

22 Juillet 2022 , Rédigé par Ludovicus

QUAND LE PASTEUR REFUSE D'ÊTRE UN BON PASTEUR

Une lecture attentive de Pastor Aeternus dans les ténèbres modernistes actuels

Préambule

L’éternel pasteur et gardien de nos âmes [1 P 2, 26], pour perpétuer l’œuvre salutaire de la Rédemption, a décidé d’édifier la sainte Église dans laquelle, comme en la maison du Dieu vivant, tous les fidèles seraient rassemblés par le lien d’une seule foi et d’une seule charité. C’est pourquoi, avant d’être glorifié, « il pria son Père », non seulement pour les Apôtres, « mais aussi pour ceux qui croiraient en lui, à cause de leur parole, pour que tous soient un, comme le Fils et le Père sont un » [Jn 17, 20 sv.]. De même qu’il « envoya » les Apôtres qu’il s’était choisis dans le monde, « comme lui-même avait été envoyé par le Père » [Jn 20, 21], de même il voulut qu’il y eût en son Église des pasteurs et des docteurs « jusqu’à la fin du monde » [Mt 28, 20].

Pour que l’épiscopat fût un et non-divisé, pour que, grâce à l’union étroite et réciproque des pontifes, la multitude entière des croyants fût gardée dans l’unité de la foi et de la communion, plaçant le bienheureux Pierre au-dessus des autres Apôtres, il établit en sa personne le principe durable et le fondement visible de cette double unité. Sur sa solidité se bâtirait le temple éternel et sur la fermeté de cette foi s’élèverait l’Église dont la grandeur doit toucher le ciel [1]. Parce que les portes de l’enfer se dressent de toutes parts avec une haine de jour en jour croissante contre ce fondement établi par Dieu, pour renverser, s’il se pouvait, l’Église, Nous jugeons nécessaire pour la protection, la sauvegarde et l’accroissement du troupeau catholique, avec l’approbation du saint concile, de proposer à tous les fidèles la doctrine qu’ils doivent croire et tenir sur l’institution, la perpétuité et la nature de la primauté du Siège apostolique, sur lequel repose la force et la solidité de l’Église, conformément à la foi antique et constante de l’Église universelle, et aussi de proscrire et de condamner les erreurs contraires, si pernicieuses pour le troupeau du Seigneur.

Ch. 1. L’institution de la primauté apostolique dans le bienheureux Pierre

Nous enseignons donc et nous déclarons, suivant les témoignages de l’Évangile, que la primauté de juridiction sur toute l’Église de Dieu a été promise et donnée immédiatement et directement au bienheureux Apôtre Pierre par le Christ notre Seigneur. C’est, en effet, au seul Simon, auquel il avait déjà été dit : « Tu t’appelleras Céphas » [Jn 1,42], après que celui-ci l’avait confessé en ces termes : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant », que le Seigneur adressa ces paroles solennelles : « Bienheureux es-tu, Simon, fils de Jona, car ce n’est ni la chair ni le sang qui te l’ont révélé, mais mon Père qui est dans les cieux ; et moi, je te dis que tu es Pierre et que sur cette pierre je bâtirai mon Église, et les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle. Je te donnerai les clefs du royaume des Cieux. Et tout ce que tu lieras sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que tu délieras sur la terre sera délié dans le ciel » [Mt 16, 16 sv.]. Et c’est au seul Simon Pierre que Jésus, après sa résurrection, conféra la juridiction de souverain pasteur et de chef suprême sur tout son troupeau en disant : « Pais mes agneaux, pais mes brebis » [Jn 21,15 sv.].

Cette doctrine si claire des saintes Écritures se voit opposer ouvertement l’opinion fausse de ceux qui, pervertissant la forme de gouvernement instituée par le Christ notre Seigneur, nient que Pierre seul se voit vu doté par le Christ d’une primauté de juridiction véritable et proprement dite, de préférence aux autres Apôtres, pris soit isolément soit tous ensemble, ou de ceux qui affirment que cette primauté n’a pas été conférée directement et immédiatement au bienheureux Pierre, mais à l’Église et, par celle-ci, à Pierre comme à son ministre.

Si quelqu’un donc dit que le bienheureux Apôtre Pierre n’a pas été établi par le Christ notre Seigneur chef de tous les Apôtres et tête visible de toute l’Église militante ; ou que ce même Apôtre n’a reçu directement et immédiatement du Christ notre Seigneur qu’une primauté d’honneur et non une primauté de juridiction véritable et proprement dite, qu’il soit anathème.

Ch. 2. La perpétuité de la primauté du bienheureux Pierre dans les Pontifes romains

Ce que le Christ notre Seigneur, chef des pasteurs, pasteur suprême des brebis, a institué pour le salut éternel et le bien perpétuel de l’Église doit nécessairement, par cette même autorité, durer toujours dans l’Église, qui, fondée sur la pierre, subsistera ferme jusqu’à la fin des siècles. » Personne ne doute, et tous les siècles savent que le saint et très bienheureux Pierre, chef et tête des Apôtres, colonne de la foi, fondement de l’Église catholique, a reçu les clés du Royaume de notre Seigneur Jésus-Christ, Sauveur et Rédempteur du genre humain : jusqu’à maintenant et toujours, c’est lui qui, dans la personne de ses successeurs « , les évêques du Saint-Siège de Rome, fondé par lui et consacré par son sang, » vit « , préside » et exerce le pouvoir de juger » [2].

Dès lors, quiconque succède à Pierre en cette chaire reçoit, de par l’institution du Christ lui-même, la primauté de Pierre sur toute l’Église. « Ainsi demeure ce qu’ordonna la vérité, et le bienheureux Pierre, gardant toujours cette solidité de pierre qu’il a reçue, n’a pas laissé le gouvernail de l’Église » [3]. Voilà pourquoi c’est vers l’Église romaine, « par suite de son origine supérieure » [4], qu’il a toujours été nécessaire que chaque Église, c’est-à-dire les fidèles de partout, se tournent, afin qu’ils ne fassent qu’un en ce Saint-Siège, d’où découlent sur tous « les droits de la vénérable communion » [5], comme des membres unis à la tête dans l’assemblage d’un seul corps.

Si donc quelqu’un dit que ce n’est pas par l’institution du Christ ou de droit divin que le bienheureux Pierre a des successeurs dans sa primauté sur l’Église universelle, ou que le Pontife romain n’est pas le successeur du bienheureux Pierre en cette primauté, qu’il soit anathème.

Chapitre 3 – Pouvoir et nature de la primauté du Pontife romain

C’est pourquoi, Nous fondant sur le témoignage évident des saintes Lettres et suivant les décrets explicitement définis de nos prédécesseurs, les Pontifes romains, comme des conciles généraux, nous renouvelons la définition du concile œcuménique de Florence, qui impose aux fidèles de croire que « le Saint-Siège apostolique et le Pontife romain possèdent la primauté sur toute la terre ; que ce Pontife romain est le successeur du bienheureux Pierre, le chef des Apôtres et le vrai vicaire du Christ, la tête de toute l’Église, le père et le docteur de tous les chrétiens ; qu’à lui, dans la personne du bienheureux Pierre, a été confié par notre Seigneur Jésus-Christ plein pouvoir de paître, de régir et de gouverner toute l’Église comme le disent les actes des conciles œcuméniques et les saints canons » [6].

En conséquence, Nous enseignons et déclarons que l’Église romaine possède sur toutes les autres, par disposition du Seigneur, une primauté de pouvoir ordinaire, et que ce pouvoir de juridiction du Pontife romain, vraiment épiscopal, est immédiat. Les pasteurs de tout rang et de tout rite et les fidèles, chacun séparément ou tous ensemble, sont tenus au devoir de subordination hiérarchique et de vraie obéissance, non seulement dans les questions qui concernent la foi et les mœurs, mais aussi dans celles qui touchent à la discipline et au gouvernement de l’Église répandue dans le monde entier. Ainsi, en gardant l’unité de communion et de profession de foi avec le Pontife romain, l’Église est un seul troupeau sous un seul pasteur. Telle est la doctrine de la vérité catholique, dont personne ne peut s’écarter sans danger pour sa foi et son salut.

Ce pouvoir du Souverain Pontife ne fait nullement obstacle au pouvoir de juridiction épiscopal ordinaire et immédiat, par lequel les évêques, établis par l’Esprit Saint [Ac 20, 28] successeurs des Apôtres, paissent et gouvernent en vrais pasteurs chacun le troupeau à lui confié. Au contraire, ce pouvoir est affirmé, affermi et défendu par le pasteur suprême et universel, comme le dit saint Grégoire le Grand : « Mon honneur est l’honneur de l’Église universelle. Mon honneur est la force solide de mes frères. Lorsqu’on rend à chacun l’honneur qui lui est dû, alors je suis honoré » [7].

Dès lors, de ce pouvoir suprême qu’a le Pontife romain de gouverner toute l’Église résulte pour lui le droit de communiquer librement, dans l’exercice de sa charge, avec les pasteurs et les troupeaux de toute l’Église, pour pouvoir les enseigner et les gouverner dans la voie du salut. C’est pourquoi nous condamnons et réprouvons les opinions de ceux qui disent qu’on peut légitimement empêcher cette communication du chef suprême avec les pasteurs et les troupeaux, ou qui l’assujettissent au pouvoir civil, en prétendant que ce qui est décidé par le Siège apostolique ou par son autorité pour le gouvernement de l’Église n’a de force ni de valeur que si le placet du pouvoir civil le confirme.

Parce que le droit divin de la primauté apostolique place le Pontife romain au-dessus de toute l’Église, nous enseignons et déclarons encore qu’il est le juge suprême des fidèles et que, dans toutes les causes qui touchent à la juridiction ecclésiastique, on peut faire recours à son jugement. Le jugement du Siège apostolique, auquel aucune autorité n’est supérieure, ne doit être remis en question par personne, et personne n’a le droit de juger ses décisions. C’est pourquoi ceux qui affirment qu’il est permis d’en appeler des jugements du Pontife romain au concile œcuménique comme à une autorité supérieure à ce Pontife, s’écartent du chemin de la vérité.

Si donc quelqu’un dit que le Pontife romain n’a qu’une charge d’inspection ou de direction et non un pouvoir plénier et souverain de juridiction sur toute l’Église, non seulement en ce qui touche à la foi et aux mœurs, mais encore en ce qui touche à la discipline et au gouvernement de l’Église répandue dans le monde entier, ou qu’il n’a qu’une part plus importante et non la plénitude totale de ce pouvoir suprême ; ou que son pouvoir n’est pas ordinaire ni immédiat sur toutes et chacune des églises comme sur tous et chacun des pasteurs et des fidèles, qu’il soit anathème.

Chapitre 4 – Le magistère infaillible du Pontife romain

La primauté apostolique que le Pontife romain, en tant que successeur de Pierre, chef des Apôtres, possède dans l’Église universelle, comprend aussi le pouvoir suprême du magistère : le Saint-Siège l’a toujours tenu, l’usage perpétuel des Églises le prouve, et les conciles œcuméniques, surtout ceux où l’Orient se rencontrait avec l’Occident dans l’union de la foi et de la charité, l’ont déclaré.

Les Pères du IVe concile de Constantinople, suivant les traces de leurs ancêtres, émirent cette solennelle profession de foi : « La condition première du salut est de garder la règle de la foi orthodoxe… On ne peut, en effet, négliger la parole de notre Seigneur Jésus-Christ qui dit : “Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église” [Mt 16, 18]. Cette affirmation se vérifie dans les faits, car la religion catholique a toujours été gardée sans tache dans le Siège apostolique. Désireux de ne nous séparer en rien de sa foi et de sa doctrine… nous espérons mériter de demeurer unis en cette communion que prêche le Siège apostolique, en qui réside, entière et vraie, la solidité de la religion chrétienne » [8].

Avec l’approbation du IIe concile de Lyon, les Grecs ont professé : « La sainte Église romaine possède aussi la primauté souveraine et l’autorité entière sur l’ensemble de l’Église catholique. Elle reconnaît sincèrement et humblement l’avoir reçue, avec la plénitude du pouvoir, du Seigneur lui-même, en la personne du bienheureux Pierre, chef ou tête des Apôtres, dont le Pontife romain est le successeur. Et comme elle doit, par-dessus tout, défendre la vérité de la foi, ainsi les questions qui surgiraient à propos de la foi doivent être définies par son jugement » [9].

Enfin, le concile de Florence a défini : « Le Pontife romain est le vrai vicaire du Christ, la tête de toute l’Église, le père et le docteur de tous les chrétiens ; à lui, dans la personne du bienheureux Pierre, a été confié par notre Seigneur Jésus-Christ plein pouvoir de paître, de régir et de gouverner toute l’Église » [10].

Pour s’acquitter de leur charge pastorale, nos prédécesseurs ont travaillé infatigablement à la propagation de la doctrine salutaire du Christ parmi tous les peuples de la terre, et ils ont veillé avec un soin égal à sa conservation authentique et pure, là où elle avait été reçue. C’est pourquoi les évêques du monde entier, tantôt individuellement, tantôt réunis en synodes, en suivant la longue coutume des églises et les formes de la règle antique, ont communiqué au Siège apostolique les dangers particuliers qui surgissaient en matière de foi, pour que les dommages causés à la foi fussent réparés là où elle ne saurait subir de défaillance. Les Pontifes romains, selon que l’exigeaient les conditions des temps et des choses, tantôt convoquèrent des conciles œcuméniques ou sondèrent l’opinion de l’Église répandue sur la terre, tantôt par des synodes particuliers, tantôt grâce à des moyens que leur fournissait la Providence, ont défini qu’on devait tenir ce qu’ils reconnaissaient, avec l’aide de Dieu, comme conforme aux saintes Lettres et aux traditions apostoliques.

Car le Saint Esprit n’a pas été promis aux successeurs de Pierre pour qu’ils fassent connaître, sous sa révélation, une nouvelle doctrine, mais pour qu’avec son assistance ils gardent saintement et exposent fidèlement la révélation transmise par les Apôtres, c’est-à-dire le dépôt de la foi.

Leur doctrine apostolique a été reçue par tous les Pères vénérés, révérée et suivie par les saints docteurs orthodoxes. Ils savaient parfaitement que ce siège de Pierre demeurait pur de toute erreur, aux termes de la promesse divine de notre Seigneur et Sauveur au chef de ses disciples : « J’ai prié pour toi, pour que ta foi ne défaille pas ; et quand tu seras revenu, affermis tes frères » [Lc 22, 32].

Ce charisme de vérité et de foi à jamais indéfectible a été accordé par Dieu à Pierre et à ses successeurs en cette chaire, afin qu’ils remplissent leur haute charge pour le salut de tous, afin que le troupeau universel du Christ, écarté des nourritures empoisonnées de l’erreur, soit nourri de l’aliment de la doctrine céleste, afin que, toute occasion de schisme étant supprimée, l’Église soit conservée tout entière dans l’unité et qu’établie sur son fondement elle tienne ferme contre les portes de l’enfer.

Mais comme en ce temps, qui exige au plus haut point l’efficacité salutaire de la charge apostolique, il ne manque pas d’hommes qui en contestent l’autorité, Nous avons jugé absolument nécessaire d’affirmer solennellement la prérogative que le Fils unique de Dieu a daigné joindre à la fonction pastorale suprême.

C’est pourquoi, nous attachant fidèlement à la tradition reçue dès l’origine de la foi chrétienne, pour la gloire de Dieu notre Sauveur, pour l’exaltation de la religion catholique et le salut des peuples chrétiens, avec l’approbation du saint concile, nous enseignons et définissons comme un dogme révélé de Dieu :

Le Pontife romain, lorsqu’il parle ex cathedra, c’est-à-dire lorsque, remplissant sa charge de pasteur et de docteur de tous les chrétiens, il définit, en vertu de sa suprême autorité apostolique, qu’une doctrine sur la foi ou les mœurs doit être tenue par toute l’Église, jouit, par l’assistance divine à lui promise en la personne de saint Pierre, de cette infaillibilité dont le divin Rédempteur a voulu que fût pourvue son Église, lorsqu’elle définit la doctrine sur la foi et les mœurs. Par conséquent, ces définitions du Pontife romain sont irréformables par elles-mêmes et non en vertu du consentement de l’Église.

Si quelqu’un, ce qu’à Dieu ne plaise, avait la présomption de contredire notre définition, qu’il soit anathème.

Notes de bas de page

  1. LÉON LE GRAND, Sermo 4, 2 : PL 54, 150 C.[]

  2. Concile d’Éphèse (IIIe œcuménique), 3e session (11 juillet 431), discours du prêtre Philippe.[]

  3. LÉON LE GRAND, Sermo 4, 3 : PL 54, 164 B.[]

  4. IRÉNÉE DE LYON, Adversus haereses, l. 3, c. 3, 1 : PG 7, 849 A.[]

  5. AMBROISE DE MILAN, Epist. 11, c. 4 : PL 16, 946 A.[]

  6. Concile de Florence (XVIIe œcuménique), Bulle Lætentur Cœli d’Eugène IV, 6 juillet 1439, décret pour les Grecs.[]

  7. GRÉGOIRE LE GRAND, Epist. ad Eulogium Alexandrinum, l. 8, c. 30 : PL 77, 983 C.[]

  8. En fait, ce texte reprend, en l’abrégeant, la formule du pape Hormisdas (11 août 515), dont le IVe concile de Constantinople ne citait que la fin[]

  9. IIe concile de Lyon, (XIVe œcuménique), 4e session (6 juillet 1274), profession de foi de Michel Paléologue.[]

  10. Concile de Florence (XVIIe œcuménique), Bulle Laetentur Coeli d’Eugène IV, 6 juillet 1439, décret pour les Grecs.[]

 

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Saint Laurent de Brindes confesseur et docteur mémoire de Sainte Praxède Vierge

21 Juillet 2022 , Rédigé par Ludovicus

Saint Laurent de Brindes confesseur et docteur mémoire de Sainte Praxède Vierge

Collecte

Dieu, pour travailler avec ardeur à la gloire de votre nom et au salut des âmes, vous avez accordé au bienheureux Laurent, votre Confesseur et Docteur, l’esprit de sagesse et de force : donnez-nous, dans ce même esprit, de connaître ce que nous devons faire, et une fois que nous le connaîtrons, la force de l’accomplir, avec le secours de son intercession.

Office

Laurent, né à Brindes (Brindisi) dans les Pouilles (1559), entré dès son adolescence dans l’Ordre des Frères Mineurs Capucins (1575), apprit à fond la philosophie et la théologie et posséda plusieurs langues anciennes et modernes. Ordonné prêtre, il se vit confier le ministère de la prédication, dont il s’acquitta inlassablement dans presque toute l’Italie et dans d’autres pays d’Europe. Favorisé d’une sagesse singulière et du don de conseil, il fut chargé du gouvernement de son Ordre tout entier et les Souverains Pontifes eurent souvent recours à lui pour des missions très importantes. C’est surtout grâce à ses efforts que les princes chrétiens associèrent leurs forces contre les hordes envahissantes des Turcs : l’armée chrétienne les affronta en Hongrie, Laurent marchant en tête avec la croix et exhortant les soldats et les chefs, et elle remporta une éclatante victoire. Cependant, parmi tant d’affaires si importantes, il pratiqua de manière héroïque les vertus d’un religieux. Il donnait à l’oraison tout le temps dont il pouvait disposer et il sut unir d’une façon admirable la vie intérieure avec l’activité extérieure. Enfin, à Lisbonne, où le peuple napolitain l’avait envoyé comme représentant auprès du roi d’Espagne, ce vaillant défenseur de la liberté chrétienne et de la justice succomba comme sur un champ de bataille, en 1619. Il laissa de nombreux écrits consacrés à la défense de la foi contre les hérésies et à l’explication des Saintes Écritures. Le Pape Léon XIII le mit au nombre des saints (1881) et le Pape Jean XXIII le déclara Docteur de l’Église universelle.

 

Traduction du Sermon I, issu du Mariale, par Jean-Etienne Parisot [webmestre de priere.org] que nous remercions pour l'autorisation de publier, 7 mai 2008.

A propos de la vision de St Jean l'évangéliste
Sur l'excellence de la Vierge Marie, mère de Dieu, à partir de ces mots de la vision : 'Un grand signe apparut dans le ciel : une femme vêtue du soleil, la lune sous ses pieds' (Apocalypse 12, 1)
 

I) Jean, Apôtre et Évangéliste, le disciple bien-aimé du Christ, le fils en qui la Très Sainte Vierge, Mère de Dieu, mit sa préférence après la crucifixion, eut beaucoup à souffrir pour la foi en Jésus Christ pendant son exil sur l'île de Patmos.
Mais, en même temps, il y fut aussi consolé par Dieu au moyen de nombreuses révélations célestes. En effet, St Paul dit : 'Car, tout comme les souffrances du Christ abondent en nous, notre consolation abonde en Christ' (2 Cor 1, 5). Et de même, dans les Psaumes, nous lisons : 'Quand les pensées s'agitent en foule au-dedans de moi, tes consolations réjouissent mon âme' (Ps  94(93), 19).
Jean avait reposé sa tête sur la poitrine du Seigneur à la Sainte Cène, il avait aussi choisi Marie comme la meilleure part qui ne lui serait pas retirée (Lc 10, 42).
Grâce à cette extraordinaire dévotion qui le caractériserait, il fut, après l'ascension du Seigneur Jésus Christ dans le Ciel, absorbé pour toujours dans la contemplation du divin. Mais c'est avec plus d'ardeur encore qu'il se consacra aux choses divines alors même qu'il était en pleine tribulation. Voilà bien ce que font les saints.
Pendant ces temps d'épreuves, Jean, "dévoré par un feu d'amour toujours plus ardent et élevé sur les hauteurs par les flammes séraphiques de cet amour, fut plongé en Dieu. Il commença alors à déborder de cette douceur divine qu'apporte la contemplation, bien plus abondamment et copieusement qu'à l'accoutumé ; de même, il expérimenta plus parfaitement les dons que procurent les visites célestes." (St Bonaventure).
Dieu, 'le Père des miséricordes et le Dieu de toute consolation, qui nous console dans toutes nos afflictions' (2 Cor 1, 3-4), consola Jean, tout comme il avait consolé autrefois le patriarche Jacob par la vision de l'échelle céleste (Gn 28, 12-16) ou Moïse par l'apparition divine du buisson ardent (Ex 3, 2-5), ou bien encore les trois jeunes gens dans la fournaise qu'Il réconforta en envoyant un ange consolateur, accompagné d'une bienfaisante fraîcheur céleste (Dn 3, 49-50) ; sans oublier Paul qui fut ravi au troisième Ciel, qui n'était autre que le Paradis lui-même. Dieu l'y consola et l'y revigora d'une manière ineffable par la vision de la gloire céleste (2 Corinthiens 12, 2-4).
C'est ainsi que Jean fut consolé de bien des manières. Souvent, les cieux s'ouvrirent et souvent Dieu lui montra, comme il l'avait montré à Étienne, la gloire du Paradis, la gloire du Christ, la gloire de Dieu. Souvent, il le réjouit par la vue et le discours des anges, il le remplit d'une grande joie. Souvent, le plus doux des sauveurs lui apparut du haut des cieux. Souvent, il fut honoré de la vision de la gloire du Père. Ô bienheureux Jean qui est béni encore et toujours en gage de l'amour divin - c'est parce que Jésus l'a aimé.

II) Une seule chose pouvait encore faire défaut. En effet, Jean aimait le Christ par dessus tout, de toute son âme et de tout son cœur. Il L'aimait d'un amour parfait. Il L'aimait comme une jeune mariée chérit tendrement un époux qui l'aime. C'est la raison pour laquelle Jean était rempli d'une si grande joie à la vue du Christ. Mais personne n'ignore non plus qu'il vénérait la Vierge Mère de Dieu, la Très Sainte Mère du Christ, de l'affection qu'un enfant porte à sa mère. Tout le monde sait qu'il l'aimait d'une affectueuse dévotion comme si elle avait été réellement sa chère et tendre mère.
Jean avait conscience qu'après le Christ, la Vierge l'aimait comme un fils très précieux. Le Christ lui-même n'avait-il pas dit à sa Mère en parlant de jean : 'Voici ton fils' ? Et de même, n'avait-il pas dit à Jean en parlant de sa Mère : 'Voici ta mère' ? Et 'le disciple', nous dit Jean, 'la prit chez lui' (Jn 19, 26-27). Il la prit avec lui.
Que possédait Jean en ce monde, je vous le demande ? Qu'avait-il en propre celui qui, pour suive le Christ, avait tout quitté, père et mère, etc…, et même son âme ? Comment prit-il la Vierge, Mère du Christ chez lui, lui qui, ayant tout quitté, ne possédait rien qui fût à lui ?
Il la considéra comme son trésor, elle était toute sa richesse, tout ce qu'il possédait. Il vénérait la Vierge avec un amour et une noblesse inimaginables. Cependant, quelques années seulement après l'ascension au ciel du Seigneur Jésus Christ, Marie, aussi, fut enlevée par le Christ vers le Royaume des cieux, afin que comme reine, elle pût se tenir à la droite du Seigneur des Seigneurs, 'parée de l'or d'Ophir, entourée par une cours nombreuse' (Ps 45 (44), 10). C'est ainsi que l'Assomption de la Vierge eut lieu vers la quinzième année qui suivit la mort du Christ. Mais Jean, quant à lui, vécut encore jusqu'à l'époque de l'empereur Trajan. Quand Jean fut envoyé en exil sur l'île de Patmos par l'empereur Domitien, un monstre d'une cruauté atroce, la Très Sainte Vierge, qui était montée au Paradis le laissa vivre, pour le bien de l’Église, dans cette vallée de larmes, selon la volonté du Christ. Comme il savait que la Vierge était montée au ciel pour y être exaltée à la droite du Christ, au-dessus de toutes les puissances célestes, Jean ne put s'empêcher de se réjouir et d'exulter en son âme.
Mais, privé de la douce conversation de la Vierge, ainsi que de la consolation et du réconfort divins, il ne put pas non plus ne pas laisser échapper larmes et lamentations quant à son sort. La Vierge n'ignorait pas du tout la situation de Jean. Doit-on penser qu'elle l'oublia ? Comment aurait-elle pu oublier celui qu'elle chérissait tendrement en son cœur de mère comme si ce fut le Christ ?
L'échanson ingrat de Pharaon oublia en prison Joseph qui était innocent. Mais Marie ne pouvait pas oublier Jean. On peut donc fort bien penser que la Très Sainte Vierge descendait souvent du ciel pour lui rendre visite et le consoler, à la manière d'une mère qui a consolé son fils unique, un fils qui ne manque pas de l'aimer en retour.

III) Il semble que Jean ait voulu conserver la trace d'une apparition particulière de la Vierge pour en faire un mémorial définitif quand il écrivit : "Un grand signe apparut dans le ciel : une femme enveloppée du soleil, la lune sous ses pieds et une couronne de 12 étoiles sur sa tête." (Ap 12, 1).
Selon Épiphane, Bernard, Rupert et d'autres Pères encore, Jean parle ici de la Vierge, Mère de Dieu. Jean lui-même semble le sous-entendre. Non, en fait, il paraît bien avoir exprimé cette opinion le plus clairement du monde, car il dit : "Elle enfanta un fils, qui doit paître toutes les nations avec une verge de fer" (Ap12, 3). Par ces mots, c'est sans aucun doute le Christ qu'il décrit, le Roi des rois et le Seigneur, le Fils de Dieu, le seul engendré, le fils de la Vierge, Mère de Dieu. La Vierge, Mère de Dieu, la mère du Christ, l'épouse de Dieu, la Reine du Ciel, la Reine des Anges, apparut donc à Jean, vêtue de la gloire céleste, resplendissante de la beauté et de la majesté divines : "Un grand signe apparut dans le ciel".
Par cette vision céleste, le Seigneur voulait montrer à Jean la grande valeur de ce précieux trésor qu'il avait confié à sa garde, ce trésor qui contient toutes les richesses et toute la gloire du ciel. A travers Jean, Il désirait montrer à l’Église catholique universelle, c'est à dire à tous les fidèles du Christ, combien la Vierge était exaltée au milieu des anges et des élus du Paradis.
Dieu agit ainsi de peur que nous pussions croire que Marie avait été rejetée par Lui ; en effet, dans les Écritures Sacrées, l'Esprit Saint avait fait la grâce à Marie de se sanctifier dans un certain effacement.

IV) L’Écriture Sainte se montre étonnamment réservée et avare de détails quand il s'agit de parler de la Vierge, il en est d'ailleurs de même pour ce qui touche à la nature des anges et à la gloire du Paradis céleste. Moïse, dans son récit des origines du monde, ne fait aucune mention de ces deux derniers éléments. Il ne nous dit rien sur leur création, même si, sous l'inspiration du Saint-Esprit, il raconte bien des choses au sujet de la création du monde visible et du paradis terrestre, tout comme il le fait au sujet de la formation de l'homme ; et c'est avec simplicité et véracité qu'il raconte les nombreuses actions historiquement véridiques de Dieu et des hommes, ceci afin de produire un témoignage qui traverserait les générations. Moïse a-t-il eu du mépris pour les anges ou pour la création de la Jérusalem céleste, alors même que leur Créateur, l'Artisan de leur existence, n'est autre que Dieu ? Pourquoi donc a-t-il omis d'en parler ? La sagesse lui commanda de garder le silence, car ce qu'il aurait pu dire dépassait la compréhension de notre esprit et la capacité de notre intelligence. Epiphanus va dans le même sens quand dans son Panarium, Haereses 78, il dit de la Vierge Mère de Dieu : "Les Écritures restent silencieuses en raison de l'excellence du miracle, de peur que celui-ci ne plonge l'esprit des hommes dans la stupeur." Aussi, les Saintes Écritures ne disent-elles rien des parents de la Vierge ; elles ne disent rien non plus de sa conception ou de sa naissance, contrairement à ce qui s'était passé pour Jean Baptiste. Elles ne nous informent en rien sur l'âge de la Vierge, sa vie, son caractère ou bien encore sa façon de vivre. Elles ne font même aucune allusion à sa mort. C'est soudainement que la Vierge fait son apparition, à la manière de Melkisédek, ce distingué prêtre de Dieu et Roi de Salem, lui dont St Paul dit "qu'il était sans père, sans mère, sans généalogie, sans commencement ni fin" (Gn 14, 18 + Hé 7, 1-3), une affirmation qu'il peut faire puisque aucun de ces renseignements ne figurent dans les Saintes Écritures. C'est ainsi que la prêtrise fit son apparition, avec majesté, comme si elle descendait du Ciel d'auprès de Dieu, ne tenant son origine ni des hommes ni de la terre.
Le silence, déclare le Prophète Royal, est louange à Dieu : "Avec confiance, ô Dieu ! on te louera dans Sion." (Ps 64, 1), mais en Hébreu, nous avons : "Dans le silence, ô Dieu ! on te louera dans Sion." En effet, comme rien de ce que l'on peut dire ne saurait constituer une louange adéquate, il est préférable de s'émerveiller en silence devant le divin plutôt que de bafouiller des mots pauvres et inadaptés ; c'est pourquoi le Saint Esprit, qui inspira les saints hommes Dieu, voulut honorer la Mère de Dieu dans ce silence sacré, ne révélant que cette vérité, à savoir qu'elle était digne de devenir l’Épouse de Dieu pour concevoir et mettre au monde le Fils unique de Ce dernier. La Très Sainte Vierge, en conséquence, fit son entrée dans le monde non sans une certaine majesté divine : "L'Ange Gabriel fut envoyé d'auprès de Dieu…vers une vierge…et quand l'ange fut près de la Vierge il lui dit : Je te salue pleine de grâce, le Seigneur est avec toi". (Lc 1, 26-28) Vraiment, "c'est un grand signe qui apparut dans le ciel". Tout à coup, Marie surgit ; c'était comme une apparition divine descendue du ciel, façonnée par la main experte de Dieu. Eve, la première mère des vivants, avait été faite à l'image d'Adam, le premier homme, issu de la terre. Marie, la femme céleste, a été faite à l'image du Christ, le deuxième Homme, venu du ciel. Voilà pourquoi Jean déclare d'une voix forte : "un grand signe apparut dans le ciel".

V) Par cette vision céleste, Dieu souhaitait, autant que faire se peut, montrer à la véritable Eglise les splendeurs divines dont Marie avait été revêtues ; de même, Il désirait révéler aux fidèles les mystères que la Vierge recelait.
Ces révélations, Dieu les donna, afin que tous prissent conscience, par les écrits la concernant, de la grandeur et de la magnificence de la gloire dont elle avait été comblée.
 

 

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