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Regnum Galliae Regnum Mariae

Sainte Catherine de Sienne vierge

30 Avril 2022 , Rédigé par Ludovicus

Sainte Catherine de Sienne vierge

Collecte

Accordez-nous, s’il vous plaît, Dieu tout-puissant, que célébrant la naissance au ciel de la bienheureuse Catherine, votre Vierge, nous retirions une sainte joie de cette fête annuelle, et profitions de l’exemple que nous donne sa si grande vertu.

Office

Quatrième leçon. Catherine, vierge de Sienne, née de parents pieux, obtint l’habit du bienheureux Dominique, que portent les sœurs de la Pénitence. Son abstinence fut extrême et l’austérité de sa vie admirable. Il lui arriva de prolonger son jeûne depuis le jour des Cendres jusqu’à l’Ascension du Seigneur, soutenue seulement par la communion eucharistique. Elle avait à lutter très fréquemment contre les démons, et à souffrir de leur part beaucoup de mauvais traitements ; elle était affligée par des fièvres ardentes et diverses autres maladies. Le nom de Catherine était si célèbre, et la réputation de sa sainteté si grande, qu’on lui amenait de tous côtés des malades et des personnes tourmentées par le malin esprit ; elle commandait au nom du Christ aux maladies et aux fièvres, et contraignait les démons à sortir des corps des possédés.

Cinquième leçon. Pendant son séjour à Pise, un dimanche, après avoir reçu la nourriture céleste, elle fut ravie en extase et vit le Seigneur crucifié venant à elle environné d’une grande lumière, et cinq rayons, sortis des cicatrices de ses plaies divines, se dirigeant sur cinq endroits de son corps. Elle comprit le mystère et pria le Seigneur de ne pas laisser paraître les stigmates. Aussitôt les rayons changèrent leur couleur de sang en une splendeur éclatante, et sous la forme d’une lumière très pure, ils atteignirent ses mains, ses pieds et son cœur. La douleur qu’elle éprouva dans son corps était si grande qu’elle croyait que, si Dieu ne l’eût diminuée, elle eût bientôt succombé. Le Seigneur, dont l’amour est sans bornes, ajouta à cette grâce une faveur nouvelle, en accordant à la Sainte que, tout en ressentant la douleur des plaies, il n’en paraîtrait pas de marques sanglantes. La servante de Dieu ayant rapporté à Raymond, son confesseur, ce qui s’était passé, la pieuse industrie des fidèles, pour représenter visiblement ce miracle, a peint sur les images de la bienheureuse Catherine des rayons lumineux tombant sur ses pieds, ses mains et son côté.

Sixième leçon. Sa science était infuse et non acquise : elle sut résoudre par ses réponses des questions théologiques très difficiles, que lui proposaient des professeurs d’Écriture sainte. Personne n’approcha d’elle sans devenir meilleur ; elle éteignit beaucoup de haines, et fit cesser des inimitiés mortelles. Elle se rendit à Avignon auprès du souverain Pontife Grégoire XI, pour obtenir la paix aux Florentins, qui avaient un différend avec l’Église et qui, pour ce sujet, se trouvaient sous le coup d’un interdit. Elle montra au Pape qu’elle savait par révélation le vœu qu’il avait fait de se rendre à Rome, vœu qu’il croyait connu de Dieu seul. Ce fut à sa persuasion que ce Pontife se décida, après mûre délibération, à revenir personnellement prendre possession de son siège de Rome. Grégoire et Urbain VI, son successeur, eurent Catherine en telle estime, qu’ils la chargèrent de diverses missions. Enfin, après s’être distinguée par toutes les vertus, par le don de prophétie, et illustrée par un grand nombre de miracles, elle s’en alla vers son Époux, âgée d’environ trente-trois ans. Le souverain Pontife Pie II l’a inscrite au nombre des saintes Vierges.

 

Le saint Ordre des Frères-Prêcheurs, qui présentait hier une rose vermeille à Jésus ressuscité, lui offre aujourd’hui un lis éclatant de blancheur. Catherine de Sienne succède sur le Cycle à Pierre Martyr : touchante association qui forme l’un des plus riches épisodes du Temps pascal. Notre divin Roi a droit à tous les genres de tributs, en ces derniers moments de son séjour avec nous ; et puisque la nature terrestre n’offre en cette saison que fleurs et parfums, il est juste que le monde spirituel épanouisse à la gloire de l’auteur de la grâce ses plus nobles et ses plus odorantes productions.

Qui oserait entreprendre de raconter les mérites de Catherine, d’énumérer seulement les titres de gloire dont son nom est entouré ? Entre les épouses de Jésus elle occupe un des premiers rangs. Vierge fidèle, elle s’unit à l’Époux divin dès ses premières années. Sa vie, consacrée par un si noble vœu, s’écoula au sein de la famille, afin qu’elle fût à même de remplir les hautes missions que la divine Providence lui destinait. Mais le Seigneur, qui voulait néanmoins glorifier par elle le saint état de la Religion, lui inspira de s’unir par la profession du Tiers-Ordre à l’illustre famille du grand Patriarche des Frères-Prêcheurs. Elle en revêtit l’habit, et en pratiqua toute sa vie les saints exercices.

Dès le début de cette sublime carrière, on devine sous les allures de la servante de Dieu quelque chose de céleste, comme si un ange se fût imposé de venir habiter ici-bas, pour y mener dans un corps une vie humaine. Son essor vers Dieu est comme irrésistible, et donne l’idée de cet élan qui entraîne vers le souverain bien les âmes glorifiées, aux yeux desquelles il se montre pour jamais. En vain le poids de la chair mortelle menace d’appesantir le vol du Séraphin terrestre : l’énergie de la pénitence la mate, l’assouplit et l’allège. L’âme semble vivre seule dans ce corps transformé. L’aliment divin de l’Eucharistie suffit à le soutenir ; et l’union avec le Christ devient si complète, que ses plaies sacrées s’impriment sur les membres de la vierge, et lui donnent à goûter les cuisantes et ineffables douleurs de la Passion.

Du sein de cette vie si élevée au-dessus de l’humanité, Catherine n’est étrangère à aucun des besoins de ses frères. Son zèle est tout de feu pour leurs âmes, sa compassion tendre comme celle d’une mère pour les infirmités de leurs corps. Dieu a ouvert pour elle la source des prodiges, et Catherine les dispense à pleines mains sur les hommes. La mort et les maladies cèdent à son empire, et les miracles des anciens jours se multiplient autour d’elle.

Les communications divines ont commencé pour elle dès ses premières années, et l’extase est devenue son état presque habituel. Ses yeux ont souvent vu notre divin Ressuscité qui lui prodigue les caresses et les épreuves. Les plus hauts mystères sont descendus à sa portée, et une science qui n’a rien de la terre illumine son intelligence. Cette fille sans lettres dictera des écrits sublimes, où les vues les plus profondes sur la doctrine céleste sont exposées avec une précision et une éloquence surhumaines, avec un accent qui pénètre encore les âmes aujourd’hui.

Mais le Ciel ne veut pas que tant de merveilles demeurent ensevelies dans un coin de l’Italie. Les saints sont les soutiens de l’Église ; et si leur action est souvent mystérieuse et cachée, quelquefois aussi elle se révèle aux regards des hommes. On voit alors au grand jour les ressorts à l’aide desquels Dieu gouverne le monde. Il s’agissait, à la fin du XIVe siècle, de restituer à la ville sainte la présence du vicaire du Christ, tristement absent de son siège depuis plus de soixante ans. Une âme sainte pouvait, dans le secret de la face de Dieu, par ses mérites et ses prières, déterminer cette heureuse crise vers laquelle l’Église aspirait tout entière ; le Seigneur voulut cette fois que tout se passât au grand jour. Au nom de Rome délaissée, au nom de son Époux divin qui est aussi celui de l’Église, Catherine franchit les Alpes, et se présente au Pontife qui n’a jamais vu Rome et dont Rome ignore les traits. La Prophétesse lui intime avec respect le devoir qu’il doit remplir ; pour garantir la mission qu’elle exerce, elle lui révèle un secret dont lui seul a conscience. Grégoire XI est vaincu, et la Ville éternelle revoit enfin son pasteur et son père. Mais, à la mort du Pontife, un schisme effrayant, présage sinistre de plus grands malheurs, vient déchirer le sein de l’Église. Catherine lutte contre la tempête jusqu’à sa dernière heure ; mais la trente-troisième année de sa vie s’accomplit ; l’Époux divin ne veut pas qu’elle dépasse l’âge qu’il a consacré en sa personne ; il est temps que la vierge aille continuer dans les cieux son ministère d’intercession pour l’Église qu’elle a tant aimée, pour les âmes rachetées dans le sang de son Époux.

Notre divin Ressuscité qui l’appela aux embrassements éternels dans ces jours du Temps pascal, lui avait accordé ici-bas une faveur qui la désigne à notre vénération spéciale en ce moment Un jour, il lui apparut avec sa très sainte Mère ; et Marie-Madeleine qui annonça la Pâque aux Apôtres accompagnait respectueusement le fils et la mère. Le cœur de Catherine se fondit d’amour dans cette visite ; à la fin ses yeux s’arrêtèrent sur Madeleine, dont elle goûtait et enviait à la fois le bonheur. Jésus lui dit : « Bien-aimée, je te la donne pour mère ; adresse-toi désormais à elle en toute assurance ; je la charge spécialement de toi. » A partir de ce jour, une tendresse filiale pour l’amante du Sauveur s’empara du cœur de Catherine, et dès lors elle ne la nomma plus que sa mère.

Le pape Pie II, l’une des gloires de la ville de Sienne, a composé les Hymnes suivantes en l’honneur de sa sainte et illustre concitoyenne. Elles font partie de l’Office de sainte Catherine de Sienne au Bréviaire dominicain.

HYMNE.
Les cantiques d’honneur que nous chantons en chœur à ta louange, dans la joie que nous inspire ta fête, ô vierge Catherine, présente-les au ciel.
S’ils ne sont pas dignes d’y être accueillis, daigne pardonner à notre faiblesse : c’est que notre génie ne saurait s’élever à la hauteur de tes mérites, ô vierge remplie de bonté !
Mais qui a pu jamais porter ton éloge aussi haut que tes mérites ? Quel mortel en ce monde pourrait, dans des vers impérissables, chanter dignement tes grandeurs, ô femme dont rien n’a pu vaincre le courage ?
Tes exemples, ô Catherine, rayonnent par toute la terre ; ta vertu supérieure est à l’égal de ta sagesse ; en toi brillent la tempérance, la force, la piété, la justice, la prudence ; et tu montes dans les cieux.
Nul ici-bas n’ignore ta vertu, tes nobles actions ; nul en ce monde n’a surpassé ta sainteté ; ta compassion envers le Christ souffrant a imprimé sur tes membres jusqu’à ses blessures.
Pauvre, affligée, menant une vie remplie de toutes les douleurs, ton cœur généreux a méprisé tout ce que les hommes estiment précieux ; le ciel pouvait seul être un séjour digne de toi.
Rendons avec transport nos actions de grâces à l’auguste Fils de l’éternel Père ; offrons à l’ Esprit-Saint l’hommage de notre adoration ; aux trois, louange égale !
Amen.
 
HYMNE
Tu as droit, vierge illustre, à tous les triomphes ; car tes vertus ont été du ciel plutôt que de la terre.
C’est au ciel aussi que tu reçois le prix de ta sainte vie, la récompense de ta vertu, que tu es comblée de tous les biens.
Tu vénères le Père de l’Ordre des Prêcheurs, cet homme comblé de mérites, donné en exemple à l’univers entier, d’une piété sans égale ; et tu deviens toi-même la gloire de son Ordre.
Les plaisirs d’ici-bas, les parures mondaines, l’éclat de la beauté n’eurent aucun prix à tes yeux ; ta seule étude fut de fuir avec soin le péché qui rend la vie coupable.
Assidue à châtier ton corps avec rigueur, des ruisseaux de sang coulent sur tes membres déchirés par les fouets ; les crimes des hommes t’arrachent des larmes continuelles.
Tu intercèdes pour tous ceux qui, dans le monde entier, sont en proie à l’infortune, pour tous ceux dont l’âme est agitée par de cruels soucis.
Pour célébrer dignement tes louanges, il nous faudrait rappeler tous les bienfaits dont tu es la source, toi dont la sainteté dépasse de si loin celle des autres.
On vit le soldat farouche céder à ta parole, les chefs ennemis qui menaçaient la vie des habitants de Sienne, déposer à tes pieds leur fureur.
Ton puissant génie se livra à la science des choses sacrées ; les villes les plus célèbres conservent encore avec respect les lettres gracieuses et pleines de doctrine que tu daignas leur écrire.
Tes exhortations relèvent ceux qui sont tombés ; tu donnes à tous les conseils de la vertu ; tu leur apprends que l’honnêteté est la seule source du bonheur.
La mort et ses terreurs n’excitent que ton mépris ; la menace du trépas ne t’effraie jamais ; à tes yeux il n’est que la récompense d’une vie sainte.
C’est dans cette pensée qu’à l’heure où tu allais quitter ton corps sacré et livrer tes cendres à la tombe, prête à monter au ciel, tu exhortais encore ceux qui, baignés de larmes, entouraient ta couche.
Adorant profondément le divin corps du Christ, tu reçois en versant des pleurs l’hostie du salut, et tes dernières paroles enseignent encore la véritable vie à tes disciples.
Rendons avec transport nos actions de grâces à l’auguste Fils de l’éternel Père ; offrons à l’Esprit-Saint l’hommage de notre adoration ; aux trois, louange égale !
Amen.

Tout entière aux joies de la résurrection de son Époux, la sainte Église s’adresse à vous, ô Catherine, à vous qui suivez ce divin Agneau partout où il va. Dans ce lieu d’exil où il ne doit plus s’arrêter longtemps, elle ne jouit que par intervalles de sa présence ; elle vous demande donc : « L’avez-vous rencontré, celui que chérit mon âme ? » Vous êtes son Épouse, elle l’est aussi ; mais pour vous il n’y a plus de voiles, plus de séparation, tandis que pour elle la jouissance est rare et rapide, et la lumière tempérée encore par les ombres. Mais quelle vie a été la vôtre, ô Catherine ! Elle a uni la plus poignante compassion pour les douleurs de Jésus, aux délices les plus enivrantes de sa vie glorifiée. Vous pouvez nous initier aux mystères sanglants du Calvaire et aux magnificences de la Résurrection. Ces dernières sont en ce moment l’objet de notre méditation respectueuse ; parlez-nous donc de notre divin Ressuscité. N’est-ce pas lui qui a passé à votre doigt virginal l’anneau nuptial, cet anneau orné d’un diamant non pareil qu’entourent quatre pierres précieuses ? Les rayons lumineux qui jaillissent de vos membres stigmatisés ne nous disent-ils pas que vous l’avez vu tout resplendissant de l’éclat de ses plaies glorieuses, lorsque l’amour vous transforma en lui ? Fille de Madeleine, vous annoncez comme elle à l’Église qu’il est ressuscité, et vous allez achever au ciel cette dernière Pâque, cette Pâque de votre trente-troisième année. O Catherine, mère des âmes ici-bas, aimez-les jusque dans le séjour de la gloire où vous brillez entre les épouses du grand Roi. Nous aussi, nous sommes dans la Pâque, dans la vie nouvelle ; veillez sur nous, afin que la vie de Jésus ne s’éteigne jamais dans nos âmes, mais qu’elle croisse toujours par l’amour dont votre vie toute céleste nous offre l’admirable modèle.

Faites-nous part, ô Vierge, de cet attachement filial que vous eûtes pour la sainte Église, et qui vous fit entreprendre de si grandes choses. Vous vous affligiez de ses afflictions, et vous vous réjouissiez de ses joies comme une fille dévouée, parce que vous saviez qu’il n’est point d’amour de l’Époux sans l’amour de l’Épouse, et que l’Époux donne à ses enfants par l’Épouse tout ce qu’il a résolu de leur donner. Nous aussi, nous voulons aimer notre Mère, confesser toujours le lien qui nous unit à elle, la défendre contre ses ennemis, lui gagner de nouveaux fils généreux et fidèles.

Le Seigneur se servit de votre faible bras, ô femme inspirée, pour replacer sur son siège le Pontife dont Rome regrettait l’absence. Vous fûtes plus forte que les éléments humains qui s’agitaient pour prolonger une situation désastreuse pour l’Église. La cendre de Pierre au Vatican, celle de Paul sur la voie d’Ostie, celle de Laurent et de Sébastien, celle de Cécile et d’Agnès, et de tant de milliers de martyrs, tressaillirent dans leurs glorieux tombeaux, lorsque le char triomphal qui portait Grégoire entra dans la ville sainte. Par vous, ô Catherine, soixante-dix années d’une désolante captivité avaient en ce jour leur terme, et Rome expirante revenait à la vie. Aujourd’hui les temps sont changés, et l’enfer a dressé de nouvelles embûches. Rome a vu détrôner le Pontife dont le choix imprescriptible de Pierre a fixé pour jamais la chaire dans la ville éternelle, le Pontife qui ne peut être à Rome que roi. Souffrirez-vous, ô Catherine, que l’œuvre du Seigneur, qui est aussi la vôtre, éprouve un démenti en nos jours, au scandale des faibles, au triomphe insultant des impies ? Hâtez-vous donc d’accourir au secours ; et si votre Époux, dans sa trop juste colère, nous a destinés à subir d’humiliantes épreuves, suppliez du moins, ô notre mère, afin qu’elles soient abrégées.

Priez aussi, ô Catherine, pour la malheureuse Italie qui vous a tant aimée, qui fut si fière de vos grandeurs. L’impiété et l’hérésie circulent aujourd’hui librement dans son sein ; on blasphème le nom de votre Époux, on enseigne à un peuple égaré les doctrines les plus perverses, on lui apprend à maudire tout ce qu’il avait vénéré, l’Église est outragée et dépouillée, la foi dès longtemps affaiblie menace de s’éteindre ; souvenez-vous de votre infortunée patrie, ô Catherine ! Il est temps devenir à son aide et de l’arracher des mains de ses mortels ennemis. L’Église entière espère en vous pour le salut de cette illustre province de son empire : fille immortelle de Sienne, calmez les tempêtes, et sauvez la foi dans ce naufrage qui menace de tout engloutir.

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Saint Pierre de Vérone martyr

29 Avril 2022 , Rédigé par Ludovicus

Saint Pierre de Vérone martyr

Collecte

Nous vous en prions, ô Dieu tout-puissant, accordez-nous d’imiter, avec la dévotion convenable, la foi du bienheureux Pierre, votre Martyr, qui, pour l’extension de cette même foi, mérita d’obtenir la palme du martyre.

Épitre 2. Tm. 2, 8-10 ; 3, 10-12

Mon bien-aimé : Souviens-toi que le Seigneur Jésus-Christ, de la race de David, est ressuscité d’entre les morts, selon mon évangile, pour lequel je souffre, jusqu’à porter les chaînes comme un malfaiteur ; mais la parole de Dieu n’est pas enchaînée. C’est pourquoi je supporte tout pour les élus, afin qu’ils obtiennent aussi eux-mêmes le salut qui est dans le Christ Jésus, avec la gloire du Ciel. Mais toi, tu as suivi mon enseignement, ma conduite, ma résolution, ma foi, ma douceur, ma charité, ma patience, mes persécutions, mes souffrances : celles qui me sont arrivées à Antioche, à Iconium et à Lystres ; tu sais quelles persécutions j’ai endurées, et le Seigneur m’a délivré de toutes. Aussi tous ceux qui veulent vivre pieusement dans le Christ Jésus subiront la persécution.

Évangile Jn. 15, 1-7

En ce temps-là, Jésus dit à ses disciples : Je suis la vraie vigne, et mon Père est le vigneron. Tout sarment qui ne porte pas de fruit en moi, il le retranchera ; et tout sarment qui porte du fruit, il l’émondera, afin qu’il porte plus de fruit. Vous êtes déjà purs, à cause de la parole que je vous ai annoncée. Demeurez en moi, et je demeurerai en vous. Comme le sarment ne peut de lui-même porter du fruit, s’il ne demeure attaché au cep, ainsi vous ne le pouvez pas non plus, si vous ne demeurez en moi. Je suis la vigne, vous êtes les sarments. Celui qui demeure en moi, et moi en lui, porte beaucoup de fruit ; car, sans moi, vous ne pouvez rien faire. Si quelqu’un ne demeure pas en moi, il sera jeté dehors comme le sarment, et il séchera ; puis on le ramassera, et on le jettera au feu, et il brûlera. Si vous demeurez en moi, et que mes paroles demeurent en vous, vous demanderez tout ce que vous voudrez, et cela vous sera accordé.

Office

Quatrième leçon. Pierre, né à Vérone de parents infectés des erreurs des Manichéens, combattit les hérésies presque dès son enfance. A l’âge de sept ans, comme il fréquentait les écoles, se voyant un jour demander par son oncle paternel qui était hérétique ce qu’il y avait appris, il répondit qu’il y avait été instruit du symbole de la foi chrétienne : et, ni les caresses ni les menaces de son père et de son oncle, ne purent jamais ébranler sa constance dans la foi. Parvenu à l’adolescence, il vint à Bologne pour y continuer ses études ; c’est là, qu’appelé par le Saint-Esprit à un genre de vie plus élevé, il entra dans l’Ordre des Frères Prêcheurs.

Cinquième leçon. Ses vertus brillèrent avec un grand éclat en religion ; il conserva son corps et son âme dans une telle pureté, que jamais il ne se sentit souillé d’aucun péché mortel. Il macérait sa chair par des jeûnes et des veilles, et il exerçait son esprit par la contemplation des choses divines. Il s’appliquait assidûment à procurer le salut des âmes, et réfutait les hérétiques avec une force qui était un don particulier de la grâce. Il exerçait, en prêchant, une tell influence, qu’une multitude innombrable d’hommes accouraient pour l’entendre, e que beaucoup se convertissaient et faisaient pénitence.

Sixième leçon. L’ardeur de sa foi l’enflammai tellement qu’il souhaitait de subir la mort pour elle, et demandait constamment cette grâce à Dieu. Il fut exaucé les hérétiques le firent mourir ainsi qu’il l’avait prédit peu auparavant dans un sermon. Comme il exerçait la charge d’inquisiteur et revenait de Côme à Milan, un impie sicaire lui déchargea sur la tête deux coups d’épée. Le Saint, à demi-mort, prononça avant de rendre le dernier soupir le symbole de la foi qu’il avait dès l’enfance confessé avec un courage déjà viril : le meurtrier, le frappant de nouveau, lui perça le côté de son arme, et Pierre s’en alla au ciel recevoir la palme du martyre, l’an du salut mil deux cent cinquante-deux. Son nom devint bientôt illustre par beaucoup de miracles, et c’est pourquoi Innocent IV l’inscrivit l’année suivante au nombre des saints Martyrs.

Le héros que la sainte Église députe aujourd’hui vers Jésus ressuscité, a combattu si vaillamment que le martyre a couronné jusqu’à son nom. Le peuple chrétien l’appelle saint Pierre Martyr, en sorte que son nom et sa victoire ne se séparent jamais. Immolé par un bras hérétique, il est le noble tribut que la chrétienté du XIIIe siècle offrit au Rédempteur. Jamais triomphe ne recueillit de plus solennelles acclamations. Au siècle précédent, la palme cueillie par Thomas de Cantorbéry fut saluée avec transport par les peuples qui n’aimaient rien tant alors que la liberté de l’Église ; celle de Pierre fut l’objet d’une ovation pareille. Rien ne surpasse l’enthousiasme du grand Innocent IV, dans la Bulle pour la canonisation du martyr. « La foi chrétienne appuyée sur tant de prodiges, s’écrie-t-il, brille aujourd’hui d’un éclat nouveau. Voici qu’un nouvel athlète vient par son triomphe raviver nos allégresses. Les trophées de la victoire éclatent à nos regards, le sang répandu élève sa voix, la trompette du martyre retentit, la terre arrosée d’un sang généreux fait entendre son langage, la contrée qui a produit un si noble guerrier proclame sa gloire, et jusqu’au glaive parricide qui l’a immolé acclame sa victoire. Dans sa joie, l’Église-mère entonne au Seigneur un cantique nouveau, et le peuple chrétien va trouver matière à des chants d’allégresse qui n’avaient pas retenti encore. Un fruit délicieux cueilli dans le jardin de la foi vient d’être placé sur la table du Roi éternel. Une grappe choisie dans la vigne de l’Église a rempli de son suc généreux le calice royal ; la branche dont elle a été détachée par le fer était des plus adhérentes au cep divin. L’Ordre des Prêcheurs a produit une rose vermeille dont le parfum réjouit le Roi céleste. Une pierre choisie dans l’Église militante, taillée et polie par l’épreuve, a mérité sa place dans l’édifice du ciel . »

Ainsi s’exprimait le Pontife suprême, et les peuples répondaient en célébrant avec transport le nouveau martyr. Sa fête était gardée comme les solennités antiques par la suspension des travaux, et les fidèles accouraient aux églises des Frères-Prêcheurs, portant des rameaux qu’ils présentaient pour être bénits en souvenir du triomphe de Pierre Martyr. Cet usage s’est maintenu jusqu’à nos temps dans l’Europe méridionale, et les rameaux bénits en ce jour par les Dominicains sont regardés comme une protection pour les maisons où on les conserve avec respect.

Quel motif avait donc enflammé le zèle du peuple chrétien pour la mémoire de cette victime d’un odieux attentat ? C’est que Pierre avait succombé en travaillant à la défense de la foi, et les peuples n’avaient alors rien de plus cher que la foi. Pierre avait reçu la charge de rechercher les hérétiques manichéens, qui depuis longtemps infectaient le Milanais de leurs doctrines perverses et de leurs mœurs aussi odieuses que leurs doctrines. Sa fermeté, son intégrité dans l’accomplissement d’une telle mission, le désignaient à la haine des Patarins ; et lorsqu’il tomba victime de son noble courage, un cri d’admiration et de reconnaissance s’éleva dans la chrétienté. Rien donc de plus dépourvu de vérité que les déclamations des ennemis de l’Église et de leurs imprudents fauteurs, contre les poursuites que le droit public des nations catholiques avait décrétées pour déjouer et atteindre les ennemis de la foi. Dans ces siècles, aucun tribunal ne fut jamais plus populaire que celui qui était chargé de protéger la sainte croyance, et de réprimer ceux qui avaient entrepris de l’attaquer. Que l’Ordre des Frères-Prêcheurs, chargé principalement de cette haute magistrature, jouisse donc, sans orgueil comme sans faiblesse, de l’honneur qu’il eut de l’exercer si longtemps pour le salut du peuple chrétien. Que de fois ses membres ont rencontre une mort glorieuse dans l’accomplissement de leur austère devoir ! Saint Pierre Martyr est le premier des martyrs que ce saint Ordre a fournis pour cette grande cause ; mais les fastes dominicains en produisent un grand nombre d’autres, héritiers de son dévouement et émules de sa couronne. La poursuite des hérétiques n’est plus qu’un fait de l’histoire ; mais, à nous catholiques, il n’est pas permis de la considérer autrement que ne la considère l’Église. Aujourd’hui elle nous prescrit d’honorer comme martyr un de ses saints qui a rencontré le trépas en marchant à l’encontre des loups qui menaçaient les brebis du Seigneur ; ne serions-nous pas coupables envers notre mère, si nous osions apprécier autrement qu’elle le mérite des combats qui ont valu à Pierre la couronne immortelle ? Loin donc de nos cœurs catholiques cette lâcheté qui n’ose accepter les courageux efforts que rirent nos pères pour nous conserver le plus précieux des héritages ! Loin de nous cette facilité puérile à croire aux calomnies des hérétiques et des prétendus philosophes contre une institution qu’ils ne peuvent naturellement que détester ! Loin de nous cette déplorable confusion d’idées qui met sur le même pied la vérité et l’erreur, et qui, de ce que l’erreur ne saurait avoir de droits, a osé conclure que la vérité n’en a pas à réclamer !

Nous empruntons les Antiennes et le Répons suivants au Bréviaire dominicain, à la louange du glorieux champion de la foi.

Ant. Du sein de la fumée la flamme lumineuse s’élance ; la rose fleurit sur les épines du buisson : ainsi Pierre, docteur et martyr, naît d’une famille infidèle.

Ant. D’abord soldat dans l’armée des Prêcheurs, il brille aujourd’hui dans les rangs de la milice céleste.

Ant. Son âme fut tout angélique, sa langue féconde, sa vie apostolique, sa mort précieuse.

V/. Tandis qu’il est à la recherche des renards de Samson, il est immole par un bras impie ; un meurtrier frappe sa tête sacrée ; le sang du juste est répandu : * Ainsi le martyr cueille la palme du triomphe, en succombant pour la foi.

V/. Athlète invincible, il confesse encore en mourant la loi pour laquelle il verse son sang. * Ainsi le martyr cueille la palme triomphale, en succombant pour la foi.

Vous avez vaincu, ô Pierre ! et votre zèle pour la défense de la foi a obtenu sa récompense. Vous désiriez ardemment répandre votre sang pour la plus sainte des causes, et confirmer par votre sacrifice les fidèles du Christ dans la fermeté de leur croyance. Le Seigneur a comblé vos vieux, et il a voulu que votre immolation coïncidât avec les têtes de notre divin Agneau pascal, que vous suivez dans son triomphe comme vous l’avez suivi dans son immolation. Le fer parricide s’abattit sur votre tète vénérable, votre sang généreux coulait en ruisseaux sur la terre, et de votre doigt vous traciez encore sur le sable, en mourant, les premières paroles du Symbole pour lequel vous donniez votre vie.

Protecteur du peuple chrétien, quel autre mobile que celui de la charité vous dirigea dans vos travaux ? Soit que votre parole vive et lumineuse reconquit sur l’erreur les âmes abusées, soit que marchant droit à l’ennemi, votre vigueur le forçât à fuir loin des pâturages qu’il venait empoisonner, vous n’eûtes qu’un but, celui de préserver les faibles de la séduction. Combien d’âmes simples auraient joui avec délices de la vérité divine que la sainte Église faisait arriver jusqu’à elles, et qui, misérablement trompées par les prédicants de l’erreur, sans défense contre le sophisme et le mensonge, perdent le don de la foi et s’éteignent dans l’angoisse ou dans la dépravation ! La société catholique avait prévenu de tels dangers. Elle ne souffrait pas que l’héritage conquis au prix du sang des martyrs fût en proie aux ennemis jaloux qui avaient résolu de s’en emparer. Elle savait que l’attrait de l’erreur se rencontre souvent au fond du cœur de l’homme déchu, et que la vérité, immuable en elle-même, n’est assurée de demeurer en possession de notre intelligence qu’autant qu’elle y est défendue par la science ou par la foi : la science qui est le partage du petit nombre, la foi contre laquelle l’erreur conspire sans cesse, sous les apparences de la vérité. Dans les âges chrétiens, on eût regardé comme coupable autant qu’absurde de garantir à l’erreur la liberté qui n’est due qu’à la vérité, et les pouvoirs publics se considéraient comme investis du devoir de veiller au salut des faibles, en écartant d’eux les occasions de chute, comme le père de famille prend soin d’éloigner de ses enfants les périls qui leur seraient d’autant plus funestes que leur inexpérience ne les soupçonne pas.

Obtenez-nous, ô saint martyr, une estime toujours plus grande de ce don précieux de la foi qui nous maintient dans le chemin du ciel. Veillez avec sollicitude à sa conservation en nous et en tous ceux qui sont confiés à notre garde. L’amour de cette sainte foi s’est refroidi chez plusieurs ; le contact de ceux qui ne croient pas les a accoutumés à des complaisances de pensée et de parole qui les ont énervés. Rappelez-les, ô Pierre, à ce zèle pour la vérité divine qui doit être le trait principal du chrétien. Si, dans la société où ils vivent, tout conspire pour égaliser les droits de l’erreur et ceux de la vérité, qu’ils se sentent d’autant plus obligés à professer la vérité et à détester l’erreur. Réchauffez donc en nous tous, ô saint martyr, l’ardeur de la foi, « sans laquelle il est impossible à l’homme d’être agréable à Dieu ». Rendez-nous délicats sur ce point de première importance pour le salut, afin que, notre foi prenant toujours de nouveaux accroissements, nous méritions de voir éternellement au ciel ce que nous aurons cru fermement sur la terre.

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Saint Paul de la Croix confesseur

28 Avril 2022 , Rédigé par Ludovicus

Saint Paul de la Croix confesseur

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Seigneur Jésus-Christ, vous qui avez donné à saint Paul une charité singulière pour prêcher le mystère de ta Croix, et qui avez fait fleurir par lui dans l’Église une nouvelle famille, accordez-nous, par son intercession, qu’entretenant en nous sur la terre le souvenir continuel de votre passion, nous méritions d’en recueillir le fruit dans les cieux.

uatrième leçon. Paul de la Croix, originaire d’une noble famille de Castellazzo, près d’Alexandrie, naquit à Uvada en Ligurie. La clarté merveilleuse qui remplit la chambre de sa mère dans la nuit de sa naissance, et l’insigne bienfait de l’auguste Reine du ciel qui le retira sain et sauf, dans son enfance, d’un fleuve où il était tombé et où sa perte semblait certaine, firent connaître quel serait dans l’avenir l’éclat de sa sainteté. Dès qu’il eut l’usage de la raison, brûlant d’amour pour Jésus-Christ crucifié, il commença à s’adonner longuement à la contemplation des souffrances du Sauveur, et à soumettre sa chair innocente par des veilles, des disciplines, des jeûnes et d’autres dures pénitences, ne buvant le vendredi que du vinaigre mélangé de fiel. Enflammé du désir du martyre, il se joignit à l’armée qui s’assemblait à Venise pour combattre les Turcs ; mais ayant connu dans la prière la volonté de Dieu, il laissa aussitôt les armes, car il devait consacrer ses soins à former une milice plus excellente, qui travaillerait de toutes ses forces à défendre l’Église, et à procurer aux hommes le salut éternel. De retour dans sa patrie, il refusa une alliance très honorable et l’héritage d’un oncle qui lui étaient offerts. Il voulut entrer dans la voie étroite, et être revêtu par son Évêque d’une tunique grossière. Alors, sur l’ordre de ce Prélat, que frappaient l’éminente sainteté de sa vie et sa science des choses divines, il se mit, bien qu’il ne fût pas encore clerc, à cultiver le champ du Seigneur par la prédication de la parole de Dieu, au grand profit des âmes.

Cinquième leçon. Paul se rendit à Rome, où il se pénétra de la science théologique ; le souverain Pontife Benoît XIII l’éleva au sacerdoce, dignité qu’il reçut par obéissance. Ayant obtenu du même Pontife la permission de réunir des compagnons, il se retira dans la solitude du mont Argentaro, que la bienheureuse Vierge lui avait désignée depuis longtemps déjà, lui montrant en même temps un habit de couleur noire, orné des insignes de la passion de son Fils. Ce fut en ce lieu qu’il jeta les fondements de la nouvelle congrégation, prodiguant pour elle ses travaux et ses peines. Il vit bientôt des hommes d’élite grossir ses rangs, et, avec la bénédiction divine, elle prit un grand développement ; elle fut confirmée plus d’une fois par le siège apostolique, avec les règles que le Saint avait reçues de Dieu dans la prière, et le quatrième vœu de propager le souvenir béni de la passion du Seigneur. Il institua aussi des religieuses consacrées à méditer l’excès d’amour de l’Époux divin. Parmi tous ces soins, Paul ne cessait de prêcher l’Évangile avec un zèle avide du salut des âmes ; il amena dans la voie du salut un nombre d’hommes presque incalculable, parmi lesquels plusieurs grands scélérats et des hérésiarques. La puissance de sa parole était merveilleuse, surtout lorsqu’il faisait le récit de la passion du Christ ; versant lui-même une grande abondance de larmes et arrachant aussi des pleurs aux assistants, il brisait les cœurs endurcis des pécheurs, et les portait à la pénitence.

Sixième leçon. Une vive flamme d’amour divin avait fait son foyer dans sa poitrine, au point que la partie de son vêtement la plus voisine du cœur parut souvent comme brûlée par le feu, et que deux de ses côtes se soulevèrent. Il ne pouvait arrêter ses larmes quand il offrait le saint Sacrifice ; on le voyait fréquemment en extase, parfois le corps élevé de terre et le visage rayonnant d’une lumière surnaturelle. Pendant qu’il prêchait, il arriva qu’on entendît une voix du ciel lui suggérant ses paroles, ou encore que son sermon retentissait à plusieurs milles de distance. Il brilla par le don de prophétie, le don des langues, celui de pénétration des cœurs, comme aussi par son pouvoir sur les démons, les maladies et les éléments. Tandis qu’il était l’objet de l’affection et de la vénération des souverains Pontifes eux-mêmes, il se jugeait un serviteur inutile, le plus misérable des pécheurs, digne d’être foulé aux pieds par les démons. Enfin, ayant persévéré avec une fidélité inviolable, jusqu’à une extrême vieillesse, dans son genre de vie très austère, il donna à ses disciples d’admirables avis, comme pour leur transmettre son esprit en héritage ; réconforté par les sacrements de l’Église et par une vision céleste, il passa de la terre au ciel, à Rome, l’an mil sept cent soixante-quinze, au jour qu’il avait prédit. Le souverain Pontife Pie IX l’a inscrit au nombre des Bienheureux, puis parmi les Saints, à cause des nouveaux et éclatants miracles dus à son intercession.

Resplendissant du signe sacré de la Passion, Paul de la Croix fait aujourd’hui cortège au vainqueur de la mort. « Il fallait que le Christ souffrît, et qu’il entrât ainsi dans sa gloire. » Il faut que le Chrétien, membre du Christ, suive son Chef à la souffrance, pour raccompagner au triomphe. Paul, dès son enfance, a sondé l’ineffable mystère des souffrances d’un Dieu ; il s’est épris pour la Croix d’un immense amour, il s’est élancé à pas de géant dans cette voie royale ; et c’est ainsi qu’à la suite du Chef il a traversé le torrent, et qu’enseveli avec lui dans la mort, il est devenu participant des gloires de sa Résurrection.

La diminution des vérités par les enfants des hommes semblait avoir tari la source des Saints, quand l’Italie, toujours féconde dans sa foi toujours vive, donna naissance au héros chrétien qui devait projeter sur la froide nuit du XVIIIe siècle le rayonnement de la sainteté d’un autre âge. Dieu ne manque jamais à son Église. Au siècle de révolte et de sensualisme qui couvre du nom de philosophie ses tristes aberrations, il opposera la Croix de son Fils. Rappelant par son nom et ses œuvres le grand Apôtre des Gentils, un nouveau Paul surgira de cette génération enivrée de mensonge et d’orgueil, pour qui la Croix est redevenue scandale et folie. Faible, pauvre, méconnu longtemps, seul contre tous, mais le cœur débordant d’abnégation, de dévouement et d’amour, il ira, cet apôtre, avec la prétention de confondre, lui aussi, la sagesse des sages et la prudence des prudents ; dans la grossièreté d’un habit étrange pour la mollesse du siècle, nu-pieds, la tête couronnée d’épines, les épaules chargées d’une lourde croix, il parcourra les villes, il se présentera devant les puissants et les faibles, estimant ne savoir autre chose que Jésus et Jésus crucifié. Et la Croix dans ses mains, fécondant son zèle, apparaîtra comme la force et la sagesse de Dieu. Qu’ils triomphent, ceux qui prétendent avoir banni le miracle de l’histoire et le surnaturel de la vie des peuples ; ils ne savent pas qu’à cette heure même, d’étonnants prodiges, des miracles sans nombre, soumettent des populations entières à la voix de cet homme, qui, par la destruction complète du péché dans sa personne, a reconquis le primitif empire d’Adam sur la nature et semble jouir déjà, dans sa chair mortelle, des qualités des corps ressuscites.

Mais l’apostolat de la Croix ne doit pas finir avec Paul. A la vieillesse d’un monde décrépit ne suffisent plus les ressources anciennes. Nous sommes loin des temps où la délicatesse exquise du sentiment chrétien était surabondamment touchée par le spectacle de la Croix sous les fleurs, telle que la peignait aux Catacombes un suave et respectueux amour. L’humanité a besoin qu’à ses sens émoussés par tant d’émotions malsaines, quelqu’un soit maintenant chargé d’offrir sans cesse, comme réactif suprême, les larmes, le sang, les plaies béantes du divin Rédempteur. Paul de la Croix a reçu d’en haut la mission de répondre à ce besoin des derniers temps ; au prix d’indicibles souffrances, il devient le père d’une nouvelle famille religieuse qui ajoute aux trois vœux ordinaires celui de propager la dévotion à la Passion du Sauveur, et dont chaque membre en porte ostensiblement le signe sacré sur la poitrine.

N’oublions pas toutefois qu’elle-même la Passion du Sauveur n’est que la préparation pour l’âme chrétienne au grand mystère delà Pique, terme radieux des manifestations du Verbe, but suprême des élus, sans l’intelligence et l’amour duquel la piété reste incomplète et découronnée. L’Esprit-Saint, qui conduit l’Église dans l’admirable progression de son Année liturgique, n’a pas d’autre direction pour les âmes qui s’abandonnent pleinement à la divine liberté de son action sanctificatrice. Du sommet sanglant du Calvaire où il voudrait clouer tout son être, Paul de la Croix est emporté maintes fois dans les hauteurs divines où il entend ces paroles mystérieuses qu’une bouche humaine ne saurait dire ; il assiste au triomphe de ce Fils de l’homme qui, après avoir vécu de la vie mortelle et passé par la mort, vit aujourd’hui dans les siècles des siècles; il voit sur le trône de Dieu l’Agneau immolé, devenu le foyer des splendeurs des cieux ; et de cette vue sublime des célestes réalités il rapporte sur terre l’enthousiasme divin, l’enivrement d’amour qui, au milieu des plus effrayantes austérités, donne à toute sa personne un charme incomparable. « Ne craignez pas, dit-il à ses enfants terrifiés par les attaques furieuses des démons ; n’ayez pas peur, et dites bien haut : Alléluia ! Le diable a peur de l’Alléluia ; c’est une parole venue du Paradis. » Au spectacle de la nature renaissant avec son Seigneur en ces jours du printemps, au chant harmonieux des oiseaux célébrant sa victoire, à la vue des rieurs naissant sous les pas du divin Ressuscité, il n’y tient plus ; suffoquant de poésie et d’amour, et ne pouvant modérer ses transports, il gourmande les fleurs, il les touche de son bâton, en disant : « Taisez-vous ! Taisez-vous ! » — « A qui appartiennent ces campagnes ? dit-il un jour à son compagnon de route... A qui appartiennent ces campagnes ? Vous dis-je. Ah ! Vous ne comprenez pas ?... Elles appartiennent à notre grand Dieu ! » Et, transporté d’amour, raconte son biographe, il vole en l’air jusqu’à une certaine distance. « Mes frères, aimez Dieu ! répète-t-il à tous ceux qu’il rencontre, aimez Dieu qui mérite tant d’être aime ! N’entendez-vous pas les feuilles mêmes des arbres qui vous disent d’aimer Dieu ? O amour de Dieu ! ô amour de Dieu ! »

Nous nous laissons aller aux charmes d’une sainteté si suave et si forte à la fois ; attrait divin que n’inspirèrent jamais les disciples d’une spiritualité faussée, trop en vogue dans le dernier siècle auprès des meilleurs. Sous prétexte de dompter la nature mauvaise et d’éviter des écarts possibles, on vit les nouveaux docteurs, alliés inconscients du jansénisme, enserrer l’âme dans les liens d’une régularité contrainte, abattre son essor, la discipliner, la refaire à leur façon dans un moule uniforme, et, par des règles savamment déduites, déterminer avec précision les contours de la sphère où tous enfin marcheraient d’un pas égal, et, sous une direction logique, atteindraient sûrement la perfection de la sainteté. Mais c’est le divin Esprit, l’Esprit de sainteté qui seul fait les Saints, et cet Esprit d’amour est libre par essence. Il s’accommode peu du moule et des méthodes humaines : il souffle où il veut et quand il veut ; mais on ne sait d’où il vient, ni où il va. Ainsi en est-il de celui qui est né de l’Esprit, nous dit le Seigneur. L’Esprit a élu Paul dès sa première enfance ; il le saisit dans toute l’expansion de sa riche nature, ne détruit rien, sanctifie tout, et par la grâce décuplant son essor, il le produit sur les modèles antiques, toujours ardent, toujours aimable, et saint plus que personne, en face des chétifs produits d’une école dont les procédés corrects ont pour résultat le plus ordinaire d’user péniblement l’âme sur elle-même, dans les stériles efforts d’une ascèse impuissante.

Vous n’avez eu qu’une pensée, ô Paul : retiré dans les trous de la pierre, qui sont les plaies sacrées du Sauveur, vous eussiez voulu amener tous les hommes à ces sources divines où s’abreuve le vrai peuple élu dans le désert de la vie. Heureux ceux qui purent entendre votre parole toujours victorieuse, et la mettant à profit, se sauver par la Croix du milieu d’une génération perverse ! Mais en dépit de votre zèle d’apôtre, elle ne pouvait, cette parole, retentir à la fois sur tous les rivages ; et là où vous n’étiez pas, le mal débordait sur le monde. Préparé de longue main par la fausse science et la fausse piété, la défiance contre Rome et la corruption des grands, le siècle où devait sombrer la vieille société chrétienne s’abandonnait aux docteurs de mensonge, et avançait toujours plus vers son terme fatal. Votre œil, éclairé d’en haut, pénétrait l’avenir et voyait le gouffre où, pris de vertige, peuples et rois s’abîmaient ensemble. Battu par la tempête, le successeur de Pierre, le pilote du monde, impuissant à prévenir l’orage, cherchait par quels efforts, au prix de quel sacrifice il contiendrait au moins un temps les flots déchaînés. O vous, l’ami des Pontifes et leur soutien dans ces tristes jours, témoin et confident des amertumes du Christ en son vicaire, de quelles angoisses suprêmes votre cœur n’eut-il pas le mortel secret ? Et quelles n’étaient pas vos pensées, en léguant, près de mourir, l’image vénérée de la Vierge des douleurs à celui des Pontifes qui devait boire jusqu’à la lie le calice d’amertume et mourir captif dans une terre étrangère ? Vous promîtes alors de reporter sur l’Église, du haut du ciel, cette compassion tendre et effective qui vous identifiait sur la terre à son Époux souffrant. Tenez votre promesse, ô Paul de la Croix ! En ce siècle de désagrégation sociale, qui n’a pas su réparer les crimes du précédent, ni s’instruire aux leçons du malheur, voyez l’Église opprimée de toutes parts, la force aux mains des persécuteurs, le vicaire du Christ prisonnier dans son palais, vivant d’aumônes. L’Épouse n’a d’autre lit que la croix de l’Époux ; elle vit du souvenir de ses souffrances. L’Esprit-Saint qui la garde et la prépare à l’appel suprême, vous a suscité, ô Paul, pour raviver sans cesse désormais ce souvenir qui doit la fortifier dans les angoisses des derniers jours.

Vos enfants continuent votre œuvre ici-bas ; répandus par le monde, ils gardent fidèlement l’esprit de leur père. Ils ont pris pied sur le sol d’Angleterre où les voyait d’avance votre esprit prophétique ; et ce royaume pour lequel vous avez tant prié se dégage peu à peu, sous leur douce influence, des liens du schisme et de l’hérésie. Bénissez leur apostolat ; qu’ils croissent et se multiplient dans la proportion toujours croissante des besoins de ces temps malheureux ; que jamais leur zèle ne fasse défaut à l’Église, la sainteté de leur vie à la gloire de leur père.

Pour vous, ô Paul, fidèle au divin Crucifié dans ses abaissements, vous l’avez trouvé fidèle aussi dans sa Résurrection triomphante ; caché dans les enfoncements du rocher mystérieux au temps de son obscurité volontaire, quelle splendeur est la vôtre, aujourd’hui que du sommet des collines éternelles, cette pierre divine, qui est le Christ, illumine de ses rayons vainqueurs la terre entière et l’étendue des cieux ! Éclairez-nous, protégez-nous du sein de cette gloire. Nous rendons grâces à Dieu pour vos triomphes. Faites en retour que nous aussi soyons fidèles à l’étendard de la Croix, afin de resplendir comme vous dans sa lumière, quand paraîtra au ciel ce signe du Fils de l’homme, au jour où il viendra juger les nations. Apôtre de la Croix, initiez-nous en ces jours au mystère de la Pâque si intimement uni au mystère sanglant du Calvaire : celui-là seul comprend la victoire qui fut au combat ; seul il partage le triomphe.

Saint Paul de la Croix confesseur

Saint Louis-Marie Grignion de Montfort

Prêtre


Louis-Marie Grignion de La Bacheleraie naquit à Montfort-la-Cane, à l'époque dans le diocèse de Saint-Malo, aujourd'hui de celui de Rennes, le 31 janvier
1673. Il étudia chez les Jésuites de Rennes. Puis il monta a Paris où il étudia aussi chez les Sulpiciens. C'est d'ailleurs à cette école qu'il puisa son amour pour la Très Sainte Vierge dont il devint l'Apôtre et le Docteur.

D'abord aumônier à l'hôpital de Poitiers, il se rendit à Rome pour œuvrer aux missions étrangères, et il reçut du Saint Père l'ordre de travailler à l'évangélisation de la France. Il alla de missions en mission dans des diocèses de l'Ouest de la France. Il sema partout la dévotion du Très Saint Rosaire.

Après seize ans d'apostolat, il mourut pendant une prédication, le 28 avril 1716 à Saint-Laurent-sur-Sèvre en Vendée, à quarante-trois ans, laissant, pour continuer son œuvre, une Société de missionnaires, "les Sœurs de la Sagesse", et quelques Frères pour les écoles, connus aujourd'hui sous le nom de Frères de Saint-Gabriel. Il sera béatifié en 1888 et canonisé par Pie XII en 1947.

 

« Ô Sagesse, venez, le pauvre vous en prie, par le sang de mon doux Jésus, par les entrailles de Marie. Nous ne serons point confondus ! Pourquoi prolongez-vous si longtemps mon martyre ? Je vous recherche nuit et jour !

Venez, mon âme vous désire, venez, car je languis d'amour ! Ma bien-aimée, ouvrez, l'on frappe à votre porte, ah ! Ce n'est pas un étranger, c'est un coeur que l'amour transporte qui n'a que chez vous où loger !

Si vous ne voulez pas que je vous appartienne, laissez-moi vous importuner, laissez-moi toujours dans la peine de vous chercher sans vous trouver. Je me jette en esprit au pied de votre trône, si vous ne voulez pas de moi, du moins donnez-moi quelque aumône pour les pauvres remplis de foi. Sagesse, que je crains qu'un malheur ne m'arrive !

C’est d'être lâche et négligent, c'est de manquer d'une foi vive, pour vous aimer éperdument. Digne Mère de Dieu, Vierge pure et fidèle, communiquez-moi votre foi, j'aurai la Sagesse par elle, et tous les biens viendront en moi. Sagesse, venez donc, par la foi de Marie, Vous n'avez pu lui résister, elle vous a donné la vie, elle vous a fait incarner. Je crois sans hésiter : rien ne m'est impossible. En moi la Sagesse viendra, Dieu l'a dit, il est infaillible !

Qui prie en croyant recevra, qui frappe en croyant entrera, qui cherche en croyant trouvera ! Amen. »

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Saint Pierre Canisius confesseur et docteur

27 Avril 2022 , Rédigé par Ludovicus

Saint Pierre Canisius confesseur et docteur

Collecte

O Dieu qui, pour la défense de la foi catholique, avez armé de force et de science le Bienheureux Pierre, votre Confesseur, daignez faire que ses exemples et ses avis ramènent les égarés dans la voie du salut et maintiennent les fidèles dans la confession de la vérité.

Office

Au deuxième nocturne.

Pierre Canisius naquit à Nimègue en Gueldre, l’année même où, en Allemagne, Luther brisait avec l’Église par une révolte ouverte, tandis qu’en Espagne, Ignace de Loyola abandonnait la milice terrestre et se consacrait à soutenir les combats du Seigneur : Dieu voulant sans doute annoncer par cette double coïncidence quels seraient dans la suite ses adversaires et sous quel chef il s’enrôlerait dans la sainte milice. A Cologne où l’avaient amené ses études, Pierre se lia à Dieu par le vœu de chasteté perpétuelle et s’enrôla, peu après, dans la Compagnie de Jésus. Revêtu du sacerdoce, il entreprit aussitôt, par ses missions, ses sermons et ses écrits, de défendre la foi catholique contre les attaques perfides des novateurs. Par deux fois il prit part au Concile de Trente où le désiraient vivement, à cause de sa rare sagesse et de son expérience des affaires, le Cardinal d’Augsbourg et les Pontifes Légats. De plus, sur l’autorité du Souverain Pontife Pie IV, il s’employa à en faire publier et appliquer comme il convenait les décrets en Allemagne. Envoyé par Paul IV au synode de Petrikan et chargé d’autres missions par Grégoire XIII, il y traita des plus graves affaires de la Religion avec un courage toujours ardent qu’aucune difficulté ne put abattre, et, à travers toutes les circonstances critiques de l’époque, les conduisit à une heureuse fin.

Quatrième leçon. On peut à peine exprimer combien, durant plus de quarante ans, embrasé du feu de la divine charité que jadis, dans la basilique vaticane, il avait abondamment puisé au plus profond du Cœur de Jésus, et uniquement voué à l’augmentation de la gloire divine, le Bienheureux accomplit de travaux et endura de souffrances, soit pour préserver un grand nombre de villes et provinces d’Allemagne de la contagion de l’hérésie, soit pour les ramener à la foi lorsqu’elles s’en trouvaient infectées. Aux diètes de Ratisbonne et d’Augsbourg il sut animer les chefs de l’Empire à la défense des droits de l’Église et à la correction des mœurs populaires. En celle de Worms il réduisit au silence l’orgueil et l’impiété des magistrats de cette ville. Préposé par saint Ignace à la Province d’Allemagne il fonda en beaucoup de lieux des résidences ; et des collèges de la Compagnie, apporta tous ses soins à promouvoir et développer le Collège germanique fondé à Rome, remit en honneur ; dans les académies l’étude des sciences sacrées et des humanités regrettablement négligées ; écrivit deux livres admirables contre les Centuriateurs de Magdebourg, enfin composa une somme de doctrine chrétienne universellement et hautement approuvée tant par le jugement des théologiens que par l’usage public de trois siècles, et publia en langue vulgaire pour l’instruction du peuple de nombreux et très utiles ouvrages. Tant de services, qui valurent au Bienheureux-le nom de marteau des hérétiques et de nouvel apôtre de la Germanie, le firent à juste titre regarder comme suscité par Dieu pour être le défenseur de la religion en Allemagne.

Cinquième leçon. Au milieu de tant de travaux Pierre Canisius entretenait avec Dieu une union habituelle par de fréquentes prières, et la méditation assidue des choses surnaturelles, souvent inondé de larmes et parfois ravi en extase. Tenu en grande estime par les personnages les plus importants ou les plus renommés pour leur piété, grandement honoré par quatre Souverains Pontifes, il avait de si bas sentiments de lui-même qu’il se disait et se croyait le dernier de tous. Il refusa à trois reprises l’évêché de Vienne. D’une obéissance admirable envers ses supérieurs, on le voyait prêt, au moindre signe de leur part, à tout abandonner ou entreprendre, même au péril de sa santé et de sa vie. Les rigueurs volontaires qu’il exerçait contre lui-même furent sans cesse les protectrices de sa chasteté. Enfin le Bienheureux, âgé de soixante dix-sept ans et se trouvant à Fribourg en Suisse où il avait passé les dernières années de sa vie à s’épuiser pour la gloire divine et le salut des âmes, s’en alla vers Dieu le onze décembre quinze cent quatre-vingt dix-sept. Le Pape Pie IX a élevé aux honneurs de la béatification ce vaillant champion de la vérité catholique ; et, de nouveaux miracles l’ayant rendu illustre, le Souverain Pontife Pie XI, en l’année jubilaire, l’inscrivit au nombre des Saints en même temps qu’il le déclarait Docteur de l’Église universelle.

Sixième leçon.

Au troisième nocturne.

Homélie de saint Pierre Canisius, Prêtre.

Septième leçon. J’aime et vénère les Apôtres envoyés par le Christ et leurs successeurs, si zélés à répandre la semence de l’Évangile, infatigables propagateurs et coopérateurs de la divine Parole, qui peuvent à juste titre se rendre ce témoignage : Les hommes nous doivent estimer ministres du Christ et dispensateurs des mystères de Dieu. C’est que le Christ, en Père de famille très vigilant et très fidèle, a voulu que, par de tels ministres et de tels envoyés, fût allumé ici-bas au feu venu du ciel, le flambeau évangélique et qu’allumé il ne fût pas placé sous le boisseau mais sur le chandelier, d’où cette lumière répandrait de tous côtés sa splendeur, et triompherait à jamais de toutes les ténèbres et erreurs régnant tant parmi les Juifs que parmi les Gentils.

Huitième leçon. En effet, il ne suffit pas au docteur évangélique d’éclairer les peuples par sa parole, de faire entendre une voix criant dans le désert, d’aider de ses discours beaucoup d’âmes à progresser dans la piété, de peur que s’il omettait la prédication, devoir de son ministère, il ne soit de ces chiens muets incapables d’aboyer que stigmatisa le Prophète. Mais il doit encore être plein de ferveur lui-même, afin que, riche en œuvres et en charité, il fasse honneur à son ministère évangélique et suive les traces de Paul son Maître. Celui-ci, en effet, non content d’adresser à l’évêque d’Éphèse cette recommandation : Avertis et instruis, combats comme un bon soldat du Christ Jésus, évangélisa lui-même constamment amis et ennemis et pouvait dire en bonne conscience aux évêques assemblés à Éphèse : Vous le savez, il n’y a rien d’utile que j’aie négligé de vous annoncer et de vous enseigner tant en public que dans vos maisons, affirmant devant les Juifs et les Gentils la nécessité de la pénitence vis-à-vis de Dieu, et de la foi en notre Seigneur Jésus-Christ.

Neuvième leçon. Tel en effet doit être le Pasteur de l’Église : à l’exemple de saint Paul, qu’il se fasse tout à tous, afin qu’en lui le malade trouve le remède ; l’affligé, la joie ; le désespéré, la confiance ; l’ignorant, l’instruction ; l’indécis, le conseil ; le pécheur repentant, pardon et consolation ; chacun enfin, tout ce qui est nécessaire à son salut. Aussi le Christ lorsqu’il voulut constituer les Chefs de la terre et les Docteurs de l’Église, dans sa sagesse ne se contenta pas de dire à ses disciples : Vous êtes la lumière du monde ; mais ajouta ceci encore : Une ville fondée sur la montagne ne peut demeurer cachée et on n’allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau mais sur le chandelier, afin qu’elle éclaire tous ceux qui sont dans la maison. Ils se trompent en effet, les ecclésiastiques qui pensent pouvoir satisfaire aux obligations de leur charge, plus par l’éclat de leur science que par la pureté de leur vie et l’ardeur de leur charité.

 

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Saints Clet et Marcellin papes et martyrs

26 Avril 2022 , Rédigé par Ludovicus

 
 

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Pasteur éternel de l’Église, regardez avec bienveillance votre troupeau, protégez-le et gardez-le toujours. Nous vous le demandons par les bienheureux Papes Clet et Marcellin, vos Martyrs, que vous avez placé comme berger à la tête de l’Église.

uatrième leçon. Clet, fils d’Émilien, était de Rome, de la cinquième région et du quartier de Patricius. Il gouverna l’Église sous les empereurs Vespasien et Titus. Conformément au précepte du prince des Apôtres, il ordonna vingt-cinq Prêtres pour la ville de Rome. Il est le premier qui, dans ses lettres, se servit de ces mots : Salut et bénédiction apostolique. Il fit d’excellentes organisations dans l’Église, et l’ayant administrée douze ans, sept mois et deux jours, il reçut la couronne du martyre sous l’empereur Domitien, dans la persécution qui est la seconde après celle de Néron ; il fut enseveli au Vatican, près du corps du bienheureux Pierre.

Cinquième leçon. Marcellin était romain, et gouverna l’Église, de l’an deux cent quatre-vingt-seize à l’an trois cent quatre, pendant la terrible persécution de l’empereur Dioclétien. Il eut à souffrir de nombreuses vexations, par suite de l’injuste sévérité de ceux qui lui reprochaient sa grande indulgence envers les fidèles tombés dans l’idolâtrie, et c’est à cause de cela qu’il fut calomnieusement diffamé, comme ayant offert de l’encens aux idoles. Ce bienheureux Pontife subit la peine capitale pour la confession de la foi avec trois autres Chrétiens : Claudius, Cyrinus et Antoninus. Leurs corps, laissés sans sépulture, devaient en être privés durant trente-six jours, par ordre de l’empereur ; mais le bienheureux Marcel, averti en songe par saint Pierre, prit soin de les inhumer honorablement dans le cimetière de Priscille, sur la voie Salaria ; il était accompagné de Prêtres et de Diacres qui portaient des flambeaux et chantaient des hymnes. Saint Marcellin avait gouverné l’Église pendant sept ans, onze mois et vingt-trois jours, et pendant ce temps, i ! fit au mois de décembre deux ordinations, dans lesquelles il ordonna quatre Prêtres et sacra cinq Évêques pour divers lieux.

 

Deux astres jumeaux se lèvent aujourd’hui sur le Cycle, à la gloire de Jésus vainqueur de la mort. Pour la seconde fois, ce sont deux Pontifes, et deux Pontifes martyrs. Clet, disciple de Pierre, et son successeur presque immédiat sur la chaire romaine, nous reporte à l’origine de l’Église ; Marcellin a vu les jours de la grande persécution de Dioclétien, à la veille du triomphe de la Croix. Inclinons-nous devant ces deux pères de la chrétienté qui l’ont nourrie de leur sang, et présentons leurs mérites à Jésus qui les a soutenus par sa grâce, et leur a donné la confiance qu’un jour ils auraient part à sa résurrection.

On trouve dans le récit de la vie de saint Marcellin un fait qui a été rejeté comme une fable par de savants critiques, et défendu par d’autres non moins érudits. Il est rapporté que le saint Pape fléchit un moment devant les persécuteurs, et qu’il eut la faiblesse d’offrir de l’encens aux idoles. Plus tard, il aurait réparé sa faute dans une nouvelle et courageuse confession qui lui assura la couronne du martyre. Notre plan ne comporte pas les discussions critiques ; nous ne chercherons donc pas à éclaircir ce point d’histoire ; il nous suffit que tout le monde soit d’accord sur le martyre du saint Pape. A l’époque où furent rédigées les Légendes du Bréviaire, on ne doutait pas de la chute de Marcellin, et elle ne fut point omise au récit de la vie du Pontife ; dans la suite, ce fait a été attaqué par des arguments qui ne manquent pas de force ; l’Église cependant n’a jugé que très tard à propos de modifier la rédaction première, et avec d’autant plus de raison que les faits de cette nature n’intéressent en rien la foi. Il n’est pas besoin, sans doute, d’avertir le lecteur que la chute de Marcellin, si elle a eu lieu, ne compromet en rien l’infaillibilité du Pontife romain. Le Pape ne peut enseigner l’erreur quand il s’adresse à l’Église ; mais il n’est pas impeccable dans sa conduite personnelle.

Priez pour nous, saints Pontifes, et jetez un regard paternel sur l’Église de la terre qui fut si agitée en vos temps, et qui est si loin de jouir du calme en ceux où nous vivons. Le culte des idoles a reparu, et si elles ne sont pas aujourd’hui de pierre ou de métal, la violence de ceux qui les adorent n’est pas moindre que celle dont étaient animés les païens des premiers siècles. Les dieux et les déesses devant lesquels on veut voir le monde entier se prosterner, on les appelle Liberté, Progrès, Civilisation moderne. Pour établir le culte de ces nouvelles divinités, on décrète la persécution contre ceux qui refusent de les adorer, on renverse la constitution chrétienne des États, on altère les principes de l’éducation de l’enfance, on rompt l’équilibre des éléments sociaux, et un grand nombre de fidèles sont entraînés par l’attrait de ces nouveautés funestes. Préservez-nous de cette séduction, bienheureux martyrs ! Ce n’est pas en vainque Jésus a souffert ici-bas et qu’il est ressuscité d’entre les morts. Sa royauté était à ce prix ; mais nul n’échappe à son sceptre souverain. C’est afin de lui obéir que nous ne voulons d’autre Liberté que celle qu’il a fondée par son Évangile, d’autre Progrès que celui qui s’accomplit dans la voie qu’il a tracée, d’autre Civilisation que celle qui résulte de l’accomplissement des devoirs qu’il a établis entre les hommes. C’est lui qui a créé l’humanité, qui en a posé les lois et les conditions ; c’est lui qui l’a rachetée et rétablie sur ses bases. Devant lui seul nous fléchissons le genou ; ne permettez pas, bienheureux martyrs, que jamais nous ayons le malheur de nous abaisser devant les rêves de l’orgueil humain, quand bien même ceux qui les exploitent auraient la force matérielle à leur service.

Le 25 avril 1467, en la fête de saint Marc, alors que l’on restaurait l’église (confiée aux Ermites de saint Augustin en 1356), on découvrit une fresque représentant la Vierge et l’Enfant. La découverte fut considérée comme miraculeuse, d’autant que des miracles se produisirent.

On raconte que les fidèles présents entendirent une musique céleste et virent un étrange nuage, qui vint sur l’église, et quand le nuage se dissipa la fresque était là. Et il y avait aussi deux Albanais, qui affirmaient que la fresque était auparavant à Scutari (Shkodër), et avait été transportée par des anges. Les Albanais avaient une vénération pour cette icône et Marie avait décidé de la sauver avant que la ville soit prise par les Ottomans. Ce qui fut fait en 1479, après un premier siège en 1474 (ce fut la dernière ville d’Albanie à être prise par les Turcs). Mais avant cela le pape Paul II avait demandé une enquête, et l’on découvrit que dans l’église de Scutari il y avait un espace vacant qui correspondait à la fresque de Genazzano. Mais à l’époque on ne savait pas transférer une fresque.

Le culte de Notre Dame du Bon Conseil se développa surtout à partir du XVIIIe siècle, sous l’impulsion des Augustins. Clément XII accorda l’indulgence plénière à qui irait prier à Genazzano le 25 avril ou dans l’octave, Pie VI concéda un office propre et une messe, Benoît XIV approuva la pieuse union de Notre Dame du Bon Conseil, Léon XIII approuva un nouvel office, et un scapulaire, éleva l’église de Genazzano au rang de basilique mineure, et ajouta l’invocation à Notre Dame du Bon Conseil dans les litanies de Lorette, Jean-Paul II se rendit à Genazzano avant d’aller en Albanie restaurer la hiérarchie catholique, Benoît XVI proclama Notre Dame du Bon Conseil patronne de Genazzano et la ville Cité mariale.

Source Daoudal

Saints Clet et Marcellin papes et martyrs
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St Marc évangéliste Litanies Majeures

25 Avril 2022 , Rédigé par Ludovicus

St Marc évangéliste Litanies Majeures

Collecte

Faites, nous vous en supplions, ô Dieu tout-puissant : que, plein de confiance en votre bonté dans notre affliction ; nous soyons constamment fortifiés contre toutes les adversités.

Lecture Jc. 5, 16-20

Mes très chers Frères : Confessez-vous donc réciproquement vos péchés, et priez les uns pour les autres, afin que vous soyez guéris ; car la prière fervente du juste a beaucoup de puissance. Élie était un homme sujet aux mêmes faiblesses que nous ; et il pria avec instance pour qu’il ne plût pas sur la terre, et il ne plut pas durant trois ans et demi. Puis il pria de nouveau, et le ciel donna de la pluie, et la terre donna son fruit. Mes frères, si quelqu’un d’entre vous s’égare loin de la vérité, et qu’un autre l’y ramène, qu’il sache que celui qui ramène un pécheur de la voie où il s’égare, sauvera son âme de la mort, et couvrira une multitude de péchés.

Évangile Lc. 11, 5-13

En ce temps-là : Jésus dit à ses disciples : Si l’un de vous a un ami, et qu’il aille le trouver au milieu de la nuit, pour lui dire : Mon ami, prête-moi trois pains, car un de mes amis est arrivé de voyage chez moi, et je n’ai rien à lui offrir, et si, de l’intérieur, l’autre répond : Ne m’importune pas ; la porte est déjà fermée, et mes enfants et moi nous sommes au lit ; je ne puis me lever pour t’en donner ; si cependant le premier continue de frapper, je vous le dis, quand même il ne se lèverait pas pour lui en donner parce qu’il est son ami, il se lèvera du moins à cause de son importunité, et il lui en donnera autant qu’il lui en faut. Et moi, je vous dis : Demandez, et on vous donnera ; cherchez, et vous trouverez ; frappez à la porte, et on vous ouvrira. Car quiconque demande, reçoit ; et qui cherche, trouve ; et à celui qui frappe à la porte, on ouvrira. Si l’un de vous demande du pain à son père, celui-ci lui donnera-t-il une pierre ? Ou, s’il demande un poisson, lui donnera-t-il un serpent au lieu du poisson ? Ou, s’il demande un œuf, lui donnera-t-il un scorpion ? Si donc vous, qui êtes méchants, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, à combien plus forte raison votre Père qui est dans le Ciel donnera-t-il l’Esprit bon à ceux qui le lui demandent !

Office

Homélie de saint Ambroise, Évêque.

Première leçon. Il est commandé en un autre endroit de prier sans cesse, non seulement durant le jour, mais même la nuit. Vous voyez, en effet, que cet homme qui alla trouver son ami au milieu de la nuit, lui demandant trois pains, et persistant à les demander, ne fut pas privé de l’objet de sa prière. Que signifient ces trois pains, si ce n’est l’aliment des célestes mystères ? Si vous aimez le Seigneur votre Dieu, vous pourrez mériter ses dons non seulement pour vous, mais encore pour les autres. Qui est plus notre ami que celui qui a livré son corps pour nous ?

Deuxième leçon. C’est à cet ami que David, au milieu de la nuit, a demandé ces pains, et il les a reçus. Car il les demandait, quand il disait : « Au milieu de la nuit je me levais pour vous louer ; » c’est pourquoi il a mérité ces pains qu’il nous a présentés pour nous en nourrir. Il les demanda encore, lorsqu’il dit : « Je laverai chaque nuit mon lit de mes pleurs. » Il ne craignait pas d’interrompre le sommeil de celui qu’il sait veiller toujours. Aussi, nous souvenant de ces paroles des Écritures, implorons le pardon de nos péchés en persévérant jour et nuit dans la prière.

Troisième leçon. Car si un homme aussi saint que David, occupé du gouvernement de tout un royaume, louait Dieu sept fois le jour, et était appliqué sans cesse à lui offrir les sacrifices du matin et du soir, que nous faut-il faire, nous qui devons prier d’autant plus que nous défaillons plus souvent, à cause de la fragilité de la chair et de l’esprit ; nous qui, las de la route et fatigués cruellement par notre course en ce monde et par les détours de cette vie, devons prier afin que le pain qui refait ne puisse nous manquer, lui qui fortifie le cœur de l’homme. Ce n’est pas seulement au milieu de la nuit que le Seigneur nous apprend qu’il faut veiller, mais à tous les instants pour ainsi dire. En effet il vient et le soir, et à la seconde et à la troisième veille, et il a coutume de frapper à la porte. « Heureux les serviteurs que le Seigneur, quand il viendra, trouvera veillant ! »

Ce jour est remarquable dans les fastes de la Liturgie par la célèbre Procession dite de Saint-Marc. Cette appellation cependant n’est pas exacte, puisque la procession était déjà fixée au 25 avril, avant l’institution de la fête du saint Évangéliste, qui n’avait pas encore son jour spécial dans l’Église romaine au VIe siècle. Le véritable nom de cette Procession est Litanie majeure. Le mot Litanie signifie Supplication, et s’entend d’une marche religieuse durant laquelle on exécute des chants qui ont pour but de fléchir le ciel. Ce mot désigne également le cri que l’on y fait entendre : « Seigneur, ayez pitié ! » c’est le sens des deux mots grecs : Kyrie, eleison. Plus tard on a appliqué le nom de Litanies à tout l’ensemble d’invocations qui ont été ajoutées à la suite des deux mots grecs, de manière à former un corps de prière liturgique que l’Église emploie dans certaines circonstances importantes.

La Litanie majeure, ou grande Procession, est ainsi nommée pour la distinguer des Litanies mineures, ou processions moindres sous le rapport de la solennité ou du concours. On voit par un passage de saint Grégoire le Grand que l’usage de l’Église Romaine était de célébrer chaque année une Litanie majeure, à laquelle tout le Clergé et tout le peuple prenaient part, et que cet était déjà ancien. Le saint Pontife ne fit autre chose que de fixer au 25 avril cette Procession, et d’indiquer la Basilique de Saint-Pierre pour lieu de la station.

Plusieurs auteurs liturgistes ont confondu avec cette institution les Processions que saint Grégoire ordonna plusieurs fois dans les calamités publiques, et qui sont totalement distinctes de celle d’aujourd’hui. Celle-ci avait lieu antérieurement, mais sans époque absolument déterminée, et elle n’est redevable à saint Grégoire que de son attribution au 25 avril. C’est donc à ce jour qu’elle est affectée, et non à la solennité de saint Marc établie postérieurement. S’il arrive que le 25 avril tombe dans la semaine de Pâques, la procession a lieu le jour même, à moins que ce jour ne soit celui de Pâques ; quant à la fête du saint Évangéliste, elle est alors renvoyée après l’Octave.

On demandera peut-être pourquoi saint Grégoire a choisi de préférence le 25 avril, pour y établir une Procession et une Station où tout respire la componction et la pénitence, dans une saison de l’année où l’Église est tout entière aux joies de la résurrection du Sauveur. Un savant liturgiste du siècle dernier, le chanoine Moretti, a le premier résolu ce problème. Dans une dissertation érudite il a constaté que l’Église Romaine, au Ve siècle et probablement dès le IVe, célébrait solennellement la journée du 25 avril. La population se rendait en ce jour à la Basilique de Saint-Pierre, afin d’y célébrer l’anniversaire du jour où le Prince des Apôtres, entrant dans Rome, était venu apporter à la ville éternelle la dignité inamissible de capitale suprême de toute la chrétienté. De ce jour commencent en effet les vingt-cinq années, deux mois et quelques jours, que Pierre siégea dans Rome. Le Sacramentaire Léonien contient encore la Messe de cette solennité tombée plus tard en désuétude. Saint Grégoire, le grand organisateur de la Liturgie, ne voulut pas qu’un jour si auguste passât chaque année sans réveiller chez les Romains le souvenir de l’événement qui fait la principale gloire de leur cité, et il ordonna que l’Église de Saint-Pierre fût le rendez-vous de la grande Litanie fixée pour jamais à ce jour. La coïncidence assez fréquente du 25 avril avec l’Octave de la Pâque ne permettait pas d’établir une fête proprement dite pour commémorer l’arrivée de saint Pierre à Rome ; saint Grégoire prit donc le seul parti qui restait à prendre pour conserver un si grand souvenir.

Mais le saint Pontife ne put empêcher le contraste très prononcé qui exista dès lors entre les allégresses du moment présent et les sentiments de pénitence qui doivent accompagner la Procession et la Station de la Litanie majeure, instituées l’une et l’autre dans le but d’implorer la miséricorde divine. Comblés de faveurs de toute espèce en ce saint Temps, inondés des joies pascales, ne nous plaignons pas cependant de la nécessité que la sainte Église nous impose de rentrer pour quelques heures dans les sentiments de componction qui conviennent à des pécheurs comme nous. Il s’agit de détourner les fléaux que les iniquités de la terre ont mérités, d’obtenir, en s’humiliant et en invoquant le crédit de la Mère de Dieu et des Saints, la cessation des maladies, la conservation des moissons ; de présenter enfin à la divine justice une compensation à l’orgueil, à la mollesse et aux révoltes de l’homme. Entrons dans ces sentiments, et reconnaissons humblement la part qu’ont nos propres péchés dans les motifs qui ont excité le courroux céleste ; et nos faibles supplications, unies à celles de la sainte Église, obtiendront grâce pour les coupables et pour nous qui sommes du nombre.

Ce jour consacré à la réparation de la gloire divine ne pouvait se passer sans les expiations salutaires dont le chrétien doit accompagner l’offrande de son cœur repentant. L’abstinence de la viande a été exigée de tout temps à Rome en ce jour ; et lorsque la Liturgie Romaine eut été établie en France par Pépin et Charlemagne, la grande Litanie du 25 avril se trouvant dès lors en usage chez nous, le même précepte d’abstinence y fut promulgué. Le concile d’Aix-la-Chapelle de 836 ajouta l’obligation de suspendre en ce jour les œuvres serviles, et cette même disposition se retrouve dans les Capitulaires de Charles le Chauve. Quant au jeûne proprement dit, le Temps pascal ne l’admettant pas, il ne semble pas avoir été observé en ce jour, au moins dune manière générale. Amalaire, au IXe siècle, atteste qu’on ne le pratiquait pas même à Rome de son temps.

Dans le cours de la Procession, on chante les Litanies dos Saints, suivies des nombreux Versets et Oraisons qui les complètent. La Messe de la Station est célébrée selon le rite du Carême, sans Gloria in excelsis et avec la couleur violette.

Mais qu’il nous soit permis de protester contre la négligence d’un grand nombre de chrétiens, de personnes même plus ou moins adonnées à la piété, et que l’on ne voit jamais assister à la Procession de Saint-Marc ni à celles des Rogations. Le relâchement sur ce point est à son comble, surtout dans les villes. Ces mêmes chrétiens ont accueilli cependant avec satisfaction la remise de l’abstinence qui a été obtenue pour certains diocèses ; il semble que cette indulgence devrait les rendre d’autant plus empressés à prendre part à l’œuvre de la prière, celle de la pénitence ayant été allégée par la dispense. La présence du peuple fidèle aux Litanies fait partie essentielle de ce rite réconciliateur, et Dieu n’est pas obligé de prendre en considération des prières auxquelles ne s’unissent pas ceux qui sont appelés à les lui offrir. C’est là un des mille points sur lesquels une prétendue dévotion privée a jeté dans l’illusion beaucoup de personnes. A son arrivée dans la ville de Milan, saint Charles Borromée trouva aussi que soi peuple laissait le clergé accomplir seul la Procession du 25 avril. Il se fit une loi d’y assister en personne, et il y marchait nu-pieds. Le peuple ne tarda pas à se presser sur les pas de son pasteur.

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Dimanche in Albis

24 Avril 2022 , Rédigé par Ludovicus

Dimanche in Albis

Introït

Comme des enfants nouveau-nés, alléluia ; désirez ardemment le lait spirituel, alléluia, alléluia, alléluia. Tressaillez d’allégresse en Dieu notre protecteur ; chantez avec transport en l’honneur du Dieu de Jacob.

Collecte

Nous vous supplions, ô Dieu tout-puissant, de faire qu’après avoir achevé la célébration des fêtes pascales, nous retenions, au moyen de votre grâce, l’esprit de ces fêtes dans nos habitudes et dans notre vie

Épître 1. Jn. 5, 4-10

Mes bien-aimés, tout ce qui est né de Dieu est vainqueur du monde ; et ce qui remporte la victoire sur le monde, c’est notre foi. Quel est celui qui est vainqueur du monde, sinon celui qui croit que Jésus est le Fils de Dieu ? C’est lui qui est venu par l’eau et par le sang, Jésus-Christ ; non par l’eau seulement, mais par l’eau et par le sang. Et c’est l’Esprit qui rend témoignage que le Christ est la vérité. Car il y en a trois qui rendent témoignage dans le ciel : le Père, le Verbe et le Saint-Esprit ; et ces trois sont un. Et il y en a trois qui rendent témoignage sur la terre : l’esprit, l’eau, et le sang ; et ces trois sont un. Si nous recevons le témoignage des hommes, le témoignage de Dieu est plus grand ; or, ce témoignage de Dieu qui est plus grand, est celui qu’il a rendu au sujet de son Fils. Celui qui croit au Fils de Dieu a le témoignage de Dieu en lui-même.

Évangile Jn. 20, 19-31

En ce temps-là, le soir de ce même jour, qui était le premier de la semaine, comme les portes du lieu où les disciples étaient assemblés étaient fermées, par crainte des Juifs, Jésus vint, et se tint au milieu d’eux, et leur dit : La paix soit avec vous ! Et après avoir dit cela, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples se réjouirent donc, en voyant le Seigneur. Et il leur dit de nouveau : La paix soit avec vous ! Comme mon Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie. Ayant dit ces mots, il souffla sur eux, et leur dit : Recevez l’Esprit-Saint. Les péchés seront remis à ceux auxquels vous les remettrez, et ils seront retenus à ceux auxquels vous les retiendrez. Or Thomas, l’un des douze, appelé Didyme, n’était pas avec eux lorsque Jésus vint. Les autres disciples lui dirent donc : Nous avons vu le Seigneur. Mais il leur dit : Si je ne vois dans ses mains le trou des clous, et si je ne mets mon doigt à la place des clous, et si je ne mets ma main dans son côté, je ne croirai point. Huit jours après, les disciples étaient enfermés de nouveau, et Thomas avec eux. Jésus vint, les portes étant fermées ; et il se tint au milieu d’eux, et dit : La paix soit avec vous ! Ensuite il dit à Thomas : Introduis ton doigt ici, et vois mes mains ; approche aussi ta main, et mets-la dans mon côté ; et ne sois pas incrédule, mais fidèle. Thomas répondit, et lui dit : Mon Seigneur et mon Dieu ! Jésus lui dit : Parce que tu m’as vu, Thomas, tu as cru ; heureux ceux qui n’ont pas vu, et qui ont cru ! Jésus fit encore, en présence de ses disciples, beaucoup d’autres miracles, qui ne sont point écrits dans ce livre. Ceux-ci ont été écrits, afin que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et que, le croyant, vous ayez la vie en son nom.

Postcommunion

Faites, nous vous en prions, ô Seigneur notre Dieu, que ces mystères sacro-saints que vous avez donnés pour nous fortifier dans la grâce de notre régénération, nous soient un remède dans le présent et l’avenir.

Hymne

Ad régias Agni dapes,
Stolis amícti cándidis,
Post tránsitum Maris Rubri,
Christo canámus Príncipi :
Au royal banquet de l’Agneau,
revêtus de nos robes blanches,
après le passage de la mer Rouge,
chantons au Christ notre Chef :
Divína cuius cáritas
Sacrum propínat sánguinem,
Almíque membra córporis
Amor sacérdos ímmolat.
C’est lui dont la charité divine
nous verse à boire le sang sacré,
son amour est le sacrificateur qui immole
les membres du corps nourricier.
Sparsum cruórem póstibus
Vastátor horret Angelus :
Fugítque divísum mare ;
Mergúntur hostes flúctibus.
Le sang dont nos portes sont marquées
remplit de crainte l’Ange exterminateur :
la mer, divisée en deux, fuit devant nous ;
les ennemis sont submergés dans les flots.
Iam Pascha nostrum Christus est,
Paschális idem víctima,
Et pura puris méntibus
Sinceritátis ázyma.
Notre Pâque, maintenant, c’est le Christ :
il est notre victime pascale ;
il est pour les cœurs purs,
le pur azyme de la sincérité.
O vera cæli víctima,
Subiécta cui sunt tártara,
Solúta mortis víncula,
Recépta vitæ prǽmia.
O victime véritable, venue du ciel,
par qui les enfers sont domptés,
les liens de la mort brisés,
les dons de la vie recouvrés !
Victor subáctis ínferis,
Trophǽa Christus éxplicat ;
Cælóque apérto, súbditum
Regem tenebrárum trahit.
Vainqueur de la mort terrassée,
le Christ déploie son étendard ;
il rouvre le ciel, et traîne
en captif le roi des ténèbres.
Ut sis perénne méntibus
Paschále, Iesu, gáudium,
A morte dira críminum
Vitæ renátos líbera.
Pour être toujours, de nos âmes,
ô Jésus, la joie pascale
libérez de la cruelle mort du péché,
ceux que vous avez fait renaître à la vie.

Deo Patri sit glória,
Et Fílio qui a mórtuis
Surréxit ac Paráclito,
In sempitérna sǽcula.
Amen.

 

 

 

 

Gloire soit rendue à Dieu le Père,
et au Fils ressuscité d’entre les morts,
ainsi qu’au Paraclet,
dans les siècles éternels. Ainsi soit-il.

Office

4e leçon

Sermon de saint Augustin, Évêque

La solennité pascale se termine par la fête de ce jour ; c’est pourquoi les néophytes changent aujourd’hui de vêtements, de telle sorte cependant que leur cœur garde toujours la blancheur de la robe qu’ils quittent. Puisque c’est le temps pascal, c’est-à-dire un temps d’indulgence et de pardon, notre premier devoir est, en cette sainte journée, comme il l’a été pendant toutes les autres de la même solennité, de ne pas permettre que la relâche accordée au corps ternisse la pureté de l’âme. Abstenons-nous de toute mollesse, de toute intempérance, de toute licence. Veillons à nous délasser avec modération, et à garder une sainte pureté, afin d’obtenir par cette pureté d’âme ce que nous n’acquérons pas en ce moment par l’abstinence corporelle.

5e leçon

Nos paroles s’adressent, il est vrai, à tous ceux qu’embrasse notre sollicitude ; mais aujourd’hui toutefois, en terminant la célébration des mystères de Pâques, c’est à vous surtout que nous nous adressons, jeunes rejetons de sainteté, régénérés dans l’eau et dans le Saint-Esprit, germe pieux, essaim nouveau, fleur de notre honneur et fruit de nos peines, ma joie et ma couronne, vous tous qui êtes affermis dans le Seigneur. Je vous adresse ces paroles de l’Apôtre : La nuit est déjà fort avancée et le jour approche, rejetez les œuvres des ténèbres, et revêtez-vous des armes de la lumière. Comme durant le jour, marchons honnêtement, non dans les excès de table et les ivrogneries, non dans les dissolutions et les impudicités ; non dans l’esprit de contention et l’envie ; mais revêtez-vous du Seigneur Jésus-Christ.

6e leçon

"Nous avons, dit saint Pierre, la parole très certaine des Prophètes, à laquelle vous faites bien d’être attentifs, comme à une lampe qui luit dans un lieu obscur, jusqu’à ce que le jour brille, et que l’étoile du matin se lève dans vos cœurs ». « Ceignez vos reins ; et ayez en vos mains des lampes allumées, soyez semblables à des hommes qui attendent que leur maître revienne des noces ». Ils approchent, ces jours desquels le Seigneur parle en ces termes : « Un peu de temps, et vous ne me verrez plus ; et encore un peu de temps, et vous me verrez ». C’est de cette heure qu’il a dit : « Vous serez tristes, mais le monde se réjouira » ; parole qui se rapporte à cette vie pleine de tentations, durant laquelle « nous voyageons loin du Seigneur ». « Mais je vous reverrai, ajoute-t-il, et votre cœur se réjouira, et personne ne vous ravira votre joie »

7e leçon

Homélie de saint Grégoire, Pape

Lorsque nous entendons cette lecture de l’Évangile, une première question frappe notre esprit : comment le corps du Seigneur, après sa résurrection, était-il un véritable corps, ayant pu entrer dans le lieu où se trouvaient les disciples, quoique les portes fussent fermées ? Mais nous devons savoir que l’opération divine serait moins admirable si elle était comprise par la raison, et que la foi n’a pas de mérite, si c’est la raison humaine qui lui fournit la preuve de ce qu’elle croit. Il faut comparer ces œuvres de notre Rédempteur, qui d’elles-mêmes sont absolument incompréhensibles, à ce qu’il opéra en d’autres circonstances, afin d’augmenter notre foi en ces choses admirables, par le souvenir de faits plus merveilleux encore. Ainsi, ce corps du Seigneur, qui entra dans le lieu où les disciples se trouvaient rassemblés en laissant les portes closes, c’est le même corps qui, dans sa nativité, vint au monde sans ouvrir le sein de la Vierge, sa mère. Quoi donc d’étonnant, si, après être ressuscité pour vivre éternellement, il entra les portes closes, lui qui, venant pour mourir, était sorti du sein fermé de la Vierge ?

8e leçon

Mais la foi de ceux qui contemplaient ce corps rendu visible à leurs yeux, restant indécise, Jésus leur montra aussitôt les plaies de ses mains et de son côté ; il leur accorda de palper cette chair avec laquelle il était entré, portes closes. En cela le Seigneur a fait voir deux choses merveilleuses, qui, selon la raison humaine, paraissent contraires l’une à l’autre : son corps ressuscité, il nous l’a montré incorruptible et néanmoins palpable. Car ce qu’on peut toucher est sujet à se corrompre, et ce qui ne se peut corrompre ne se peut toucher. Mais chose admirable et incompréhensible, notre Rédempteur a fait voir à ses disciples après sa résurrection, son corps à la fois incorruptible et palpable. En le montrant incorruptible, il voulait nous inviter à la récompense, et en accordant de le toucher, il voulait affermir notre foi. Le Sauveur s’est donc montré et incorruptible et palpable, afin de prouver qu’après sa résurrection son corps était de la même nature qu’auparavant, mais bien autrement glorieux.

9e leçon

Jésus dit à ses disciples : « Paix à vous ! Comme mon Père m’a envoyé, ainsi moi je vous envoie. » C’est-à-dire, comme Dieu mon Père m’a envoyé, moi qui suis Dieu ; de même, moi qui suis homme, je vous envoie, vous qui êtes hommes. Le Père a envoyé son Fils, dont il a résolu l’incarnation pour la rédemption du genre humain. Il a voulu qu’il vînt au monde pour souffrir, et cependant il aimait ce Fils qu’il envoyait à la passion. Or le Seigneur, après avoir choisi ses Apôtres, les envoie dans le monde, non pour goûter les joies du monde, mais il les envoie, comme il a été envoyé lui-même, pour souffrir. Le Fils est aimé par le Père, et cependant envoyé pour souffrir ; de même les disciples sont chéris du Seigneur, qui les envoie dans le monde pour y trouver la souffrance. C’est donc avec raison que Jésus leur dit : « Comme mon Père m’a envoyé, ainsi moi je vous envoie. » Ce qui signifie : L’amour dont je vous aime, quand je vous envoie parmi les pièges des persécuteurs, c’est cet amour dont mon Père m’a aimé, lui qui a voulu que je vienne pour endurer la passion.

Nous avons vu nos néophytes clore hier leur Octave de la Résurrection. Ils avaient été mis avant nous en participation de l’admirable mystère du Dieu ressuscité ; avant nous ils devaient achever leur solennité. Ce jour est donc le huitième pour nous qui avons fait la Pâque au Dimanche, et qui ne l’avons pas anticipée au soir du Samedi. Il nous retrace toutes les joies et toutes les grandeurs de cet unique et solennel Dimanche qui a associé toute la chrétienté dans un même sentiment de triomphe. C’est le jour de la Lumière, qui efface pour jamais l’antique Sabbat ; désormais le premier jour de la semaine est le jour sacré ; c’est assez que deux fois le Fils de Dieu l’ait marqué du sceau de sa puissance. La Pâque est donc pour jamais fixée au Dimanche ; et ainsi qu’il a été expliqué ci-dessus, dans la Mystique du Temps pascal, tout Dimanche est désormais une Pâque.

Notre divin ressuscité a voulu que son Église comprît ainsi le mystère ; car ayant l’intention de se montrer une seconde fois à ses disciples rassemblés, il a attendu, pour le faire, le retour du Dimanche. Durant tous les jours précédents, il a laissé Thomas en proie à ses doutes ; ce n’est qu’aujourd’hui qu’il a voulu venir à son secours, se manifestant à cet Apôtre, en présence des autres, et l’obligeant à déposer son incrédulité devant la plus palpable évidence. Aujourd’hui donc le Dimanche reçoit de la part du Christ son dernier titre de gloire, en attendant que l’Esprit-Saint descende du ciel pour venir l’illuminer de ses feux, et faire de ce jour, déjà si favorisé, l’ère de la fondation de l’Église chrétienne.

L’apparition du Sauveur à la petite troupe des onze, et la victoire qu’il y remporta sur l’infidélité d’un disciple, est aujourd’hui l’objet spécial du culte de la sainte Église. Cette apparition, qui se lie à la précédente, est la septième ; par elle, Jésus entre en possession complète de la foi de ses disciples. Sa dignité, sa patience, sa charité, dans cette scène, sont véritablement d’un Dieu. Là encore, nos pensées humaines sont renversées, à la vue de ce délai que Jésus accorde à l’incrédule, dont il semblerait devoir éclairer sans retard l’aveuglement malheureux, ou châtier l’insolence téméraire. Mais Jésus est la souveraine sagesse et la souveraine bonté ; dans sa sagesse, il ménage, par cette lente confrontation du fait de sa Résurrection, un nouvel argument en faveur de la réalité de ce fait ; dans sa bonté, il amène le cœur du disciple incrédule à rétracter de lui-même son doute par une protestation sublime de regret, d’humilité et d’amour. Nous ne décrirons point ici cette scène si admirablement retracée dans le récit de l’Évangile que la sainte Église va tout à l’heure mettre sous nos yeux. Nous nous attacherons, pour la doctrine de ce jour, à faire comprendre au lecteur la leçon pieuse que Jésus donne aujourd’hui à tous, en la personne de saint Thomas. C’est le grand enseignement du Dimanche de l’Octave de Pâques ; il importe de ne le pas négliger ; car il nous révèle, plus que tout autre, le véritable sens du christianisme ; il nous éclaire sur la cause de nos impuissances, sur le remède de nos langueurs.

Jésus dit à Thomas : « Tu as cru, parce que tu as vu ; heureux ceux qui n’ont pas vu et qui néanmoins ont cru ! » Paroles remplies d’une divine autorité, conseil salutaire donné non seulement à Thomas, mais à tous les hommes qui veulent entrer en rapport avec Dieu et sauver leurs âmes ! Que voulait donc Jésus de son disciple ? Ne venait-il pas de l’entendre confesser la foi dont il était désormais pénétré ? Thomas, d’ailleurs, était-il si coupable d’avoir désiré l’expérience personnelle, avant de donner son adhésion au plus étonnant des prodiges ? Était-il tenu de s’en rapportera Pierre et aux autres, au point d’avoir à craindre de manquer à son Maître, en ne déférant pas à leur témoignage ? Ne faisait-il pas preuve de prudence en suspendant sa conviction, jusqu’à ce que d’autres arguments lui eussent révélé à lui-même que le fait était tel que ses frères le lui racontaient ? Oui, Thomas était un homme sage, un homme prudent, qui ne se confiait pas outre mesure ; il était digne de servir de modèle à beaucoup de chrétiens qui jugent et raisonnent comme lui dans les choses de la foi. Cependant, combien est accablant, dans sa douceur si pénétrante, le reproche de Jésus ! Il a daigné se prêter, avec une condescendance inexplicable, à l’insolente vérification que Thomas avait osé demander ; maintenant que le disciple tremble devant le divin ressuscite, et qu’il s’écrie dans l’émotion la plus sincère : « Oh ! vous êtes bien mon Seigneur et mon Dieu ! » Jésus ne lui fait pas grâce de la leçon qu’il avait méritée. Il faut un châtiment à cette hardiesse, à cette incrédulité ; et ce châtiment consisterai s’entendre dire : « Tu as cru, Thomas, parce que tu as vu. »

Mais Thomas était-il donc obligé de croire avant d’avoir vu ?— Et qui peut en douter ? Non seulement Thomas, mais tous les Apôtres étaient tenus de croire à la résurrection de leur maître, avant même qu’il se fût montré à eux. N’avaient-ils pas vécu trois années dans sa compagnie ? Ne l’avaient-ils pas vu confirmer par les plus divins prodiges sa qualité de Messie et de Fils de Dieu ? Ne leur avait-il pas annoncé sa résurrection pour le troisième jour après sa mort ? Et quant aux humiliations et aux douleurs de sa Passion, ne leur avait-il pas dit, peu de temps auparavant, sur la route de Jérusalem, qu’il allait être saisi par les Juifs qui le livreraient aux gentils ; qu’il serait flagellé, couvert de crachats et mis à mort ? Des cœurs droits et disposés à la foi n’auraient eu aucune peine à se rendre, dès le premier bruit de la disparition du corps. Jean ne fit qu’entrer dans le sépulcre, que voir les linceuls, et aussitôt il comprit tout et commença à croire. Mais l’homme est rarement aussi sincère ; il s’arrête sur le chemin, comme s’il voulait obliger Dieu à faire de nouvelles avances. Ces avances, Jésus daigna les faire. Il se montra à Madeleine et à ses compagnes qui n’étaient pas incrédules, mais seulement distraites par l’exaltation d’un amour trop naturel. Au jugement des Apôtres, leur témoignage n’était que le langage de quelques femmes que l’imagination avait égarées. Il fallut que Jésus vînt en personne se montrer à ces hommes rebelles, à qui leur orgueil faisait perdre la mémoire de tout un passé qui eût suffi à lui seul pour les éclairer sur le présent. Nous disons leur orgueil ; car la foi n’a pas d’autre obstacle que ce vice. Si l’homme était humble, il s’élèverait jusqu’à la foi qui transporte les montagnes.

Or Thomas a entendu Madeleine, et il a dédaigné son témoignage ; il a entendu Pierre, et il a décliné son autorité ; il a entendu ses autres frères et les disciples d’Emmaüs, et rien de tout cela ne l’a dépris de sa raison personnelle. La parole d’autrui qui, lorsqu’elle est grave et désintéressée, produit la certitude dans un esprit sensé, n’a plus cette efficacité chez beaucoup de gens, dès qu’elle a pour objet d’attester le surnaturel. C’est là une profonde plaie de notre nature lésée par le péché. Trop souvent nous voudrions, comme Thomas, avoir expérimenté nous-mêmes ; et il n’en faut pas davantage pour nous priver de la plénitude de la lumière. Nous nous consolons comme Thomas parce que nous sommes toujours du nombre des disciples ; car cet Apôtre n’avait pas rompu avec ses frères ; seulement il n’entrait pas en part de leur bonheur. Ce bonheur, dont il était témoin, ne réveillait en lui que l’idée de faiblesse ; et il se savait un certain gré de ne le pas partager.

Tel est de nos jours encore le chrétien entaché de rationalisme. Il croit, mais c’est parce que sa raison lui fait comme une nécessité de croire ; c’est de l’esprit et non du cœur qu’il croit. Sa loi est une conclusion scientifique, et non une aspiration vers Dieu et la vérité surnaturelle. Aussi cette foi, comme elle est froide et impuissante ! Comme elle est restreinte et embarrassée ! Comme elle craint de s’avancer, en croyant trop ! A la voir se contenter si aisément de vérités diminuées, pesées dans la balance de la raison, au lieu de voler à pleines ailes comme la foi des saints, on dirait qu’elle est honteuse d’elle-même. Elle parle bas, elle craint de se compromettre ; quand elle se montre, c’est sous le couvert d’idées humaines qui lui servent de passeport. Ce n’est pas elle qui s’exposera à un affront pour des miracles qu’elle juge inutiles, et qu’elle n’eût jamais conseillé à Dieu d’opérer. Dans le passé comme dans le présent, le merveilleux l’effraie ; n’a-t-elle pas eu déjà assez d’effort à faire pour admettre celui dont l’acceptation lui est strictement nécessaire ? La vie des saints, leurs vertus héroïques, leurs sacrifices sublimes, tout cela l’inquiète. L’action du christianisme dans la société, dans la législation, lui semble léser les droits de ceux qui ne croient pas ; elle entend réserver la liberté de l’erreur et la liberté du mal ; et elle ne s’aperçoit même pas que la marche du monde est entravée depuis que Jésus-Christ n’est plus Roi sur la terre.

Or c’est pour ceux dont la foi est si faible et si près du rationalisme, que Jésus ajoute aux paroles de reproche qu’il adressa à Thomas, cette sentence qui ne le regardait pas seul, mais qui avait en vue tous les hommes et tous les siècles : « Heureux ceux qui n’ont pas vu, et qui ont cru ! » Thomas pécha, pour n’avoir pas eu la disposition à croire. Nous nous exposons à pécher comme lui, si nous n’entretenons pas dans notre foi cette expansion qui la mêlerait à tout, et lui ferait faire ce progrès que Dieu récompense par des flots de lumière et de joie au cœur. Une fois entrés dans l’Église, le devoir pour nous est de considérer désormais toute chose au point de vue surnaturel ; et ne craignons pas que ce point de vue, réglé par les enseignements de l’autorité sacrée, nous entraîne trop loin. « Le juste vit de la foi » ; c’est sa nourriture continuelle. La vie naturelle est transformée en lui pour jamais, s’il demeure fidèle à son baptême.

Croyons-nous donc que l’Église avait pris tant de soins dans l’instruction de ses néophytes, qu’elle les avait initiés partant de rites qui ne respirent que les idées et les sentiments de la vie surnaturelle, pour les abandonner sans remords dès le lendemain à l’action de ce dangereux système qui place la foi dans un recoin de l’intelligence, du cœur et de la conduite, afin de laisser plus librement agir l’homme naturel ? Non, il n’en est pas ainsi. Reconnaissons donc notre erreur avec Thomas ; confessons avec lui que jusqu’ici nous n’avons pas cru encore d’une foi assez parfaite. Comme lui, disons à Jésus : « Vous êtes mon Seigneur et mon Dieu ; et j’ai souvent pensé et agi comme si vous n’étiez pas en tout mon Seigneur et mon Dieu. Désormais je croirai sans avoir vu ; car je veux être du nombre de ceux que vous avez appelés heureux. »

Ce Dimanche, appelé vulgairement le Dimanche de Quasimodo, porte dans la Liturgie le nom de Dimanche in albis, et plus explicitement in albis depositis, parce que c’était en ce jour que les néophytes paraissaient à l’Église sous les habits ordinaires. Au moyen âge, on l’appelait Pâque close : sans doute pour exprimer qu’en ce jour l’Octave de Pâques se terminait. La solennité de ce Dimanche est si grande dans l’Église, que non seulement il est du rite Double, mais qu’il ne cède jamais la place à aucune fête, de quelque degré supérieur qu’elle soit.

A Rome, la Station est dans la Basilique de Saint-Pancrace, sur la Voie Aurélia. Les anciens ne nous ont rien appris sur les motifs qui ont fait désigner cette Église pour la réunion des fidèles en ce jour. Peut-être l’âge du jeune martyr de quatorze ans auquel elle est dédiée l’a-t-il fait choisir de préférence, par une sorte de rapport avec la jeunesse des néophytes qui sont encore aujourd’hui l’objet de la préoccupation maternelle de l’Église.

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Samedi in Albis

23 Avril 2022 , Rédigé par Ludovicus

Samedi in Albis

Lecture 1. Pi 2, 1-10

Mes bien-aimés, ayant donc dépouillé toute malice, toute ruse, dissimulation et envie, et toute médisance, comme des enfants nouveau-nés, désirez ardemment le lait spirituel et pur, afin que par lui vous croissiez pour le salut, si toutefois vous avez goûté que le Seigneur est doux. Approchez-vous de lui, pierre vivante, rejetée par les hommes, mais choisie et mise en honneur par Dieu ; et vous-mêmes, comme des pierres vivantes, soyez posés sur lui pour former une maison spirituelle, et un sacerdoce saint qui offre des sacrifices spirituels, agréables à Dieu par Jésus-Christ. C’est pourquoi il est dit dans l’Écriture : Voici, je mets dans Sion la pierre angulaire choisie, précieuse ; et celui qui aura confiance en elle ne sera pas confondu. Ainsi donc, à vous qui croyez, l’honneur ; mais, pour les incrédules, la pierre qu’ont rejetée ceux qui bâtissaient, est devenue la tête de l’angle, et une pierre d’achoppement, et une pierre de scandale pour ceux qui se heurtent contre la parole et qui ne croient pas ; ce à quoi ils ont été destinés. Mais vous, vous êtes la race choisie, le sacerdoce royal, la nation sainte, un peuple acquis, afin que vous annonciez les vertus de celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière : vous qui autrefois n’étiez pas un peuple, mais qui maintenant êtes le peuple de Dieu ; vous qui n’aviez pas reçu miséricorde, mais qui maintenant avez reçu miséricorde.

Évangile Jn. 20, 1-9

En ce temps-là : le premier jour de la semaine, Marie-Madeleine vint au sépulcre dès le matin, comme les ténèbres régnaient encore ; et elle vit que la pierre avait été ôtée du sépulcre. Elle courut donc, et vint auprès de Simon-Pierre, et de l’autre disciple que Jésus aimait. Et elle leur dit : Ils ont enlevé le Seigneur du sépulcre, et nous ne savons où ils t’ont mis. Pierre sortit donc avec cet autre disciple, et ils allèrent au sépulcre. Ils couraient tous deux ensemble ; mais cet autre disciple courut plus vite que Pierre, et arriva le premier au sépulcre. Et s’étant baissé, il vit les linceuls posés à terre ; cependant, il n’entra pas. Simon-Pierre qui le suivait, vint aussi et entra dans le sépulcre ; et il vît les linceuls posés à terre, et le suaire, qu’on avait mis sur sa tête, non pas posé avec les linceuls, mais roulé à part, dans un autre endroit. Alors l’autre disciple, qui était arrivé le premier au sépulcre, entra aussi ; et il vit, et il crut. Car ils ne savaient pas encore, d’après l’Écriture, qu’il fallait qu’il ressuscitât d’entre les morts.

Office

1ère leçon

Homélie de saint Grégoire, Pape.

La lecture du saint Évangile que vous venez d’entendre, mes frères, est bien facile à comprendre, si l’on s’arrête à la surface, en ne considérant que le sens historique ; mais il nous faut rechercher brièvement les mystères qu’elle renferme. « Marie-Madeleine vint au sépulcre quand les ténèbres duraient encore. » L’heure est marquée selon l’histoire, mais au sens mystique elle indique où en était l’entendement de celle qui cherchait. Marie cherchait dans le sépulcre l’auteur de toutes choses, celui qu’elle avait vu mort selon la chair ; comme elle ne l’y trouva pas, elle crut qu’il avait été dérobé. Les ténèbres duraient encore lorsqu’elle vint au sépulcre. Elle courut promptement et annonça aux disciples : et ceux-là coururent plus vite que les autres, qui aimaient plus que les autres, c’est-à-dire Pierre et Jean.

2e leçon

« Ils couraient tous deux ensemble ; mais Jean courut plus vite que Pierre, il arriva le premier au sépulcre. » Cependant il n’osa pas entrer. « Pierre, qui le suivait, vint aussi, et entra. » Que signifie, mes frères, que signifie cette course ? Est-il à croire qu’un fait décrit avec tant de détails par l’Évangéliste soit sans mystère ? Non, sans doute. Saint Jean n’aurait pas dit, ni qu’il était arrivé le premier ni qu’il n’était point entré, s’il eût cru vide de mystère l’hésitation même qu’il éprouva. De qui saint Jean est-il donc la figure, sinon de la Synagogue ; que représente saint Pierre, sinon l’Église ?

3e leçon

Qu’il ne nous semble pas étrange d’entendre dire que la Synagogue est figurée par le plus jeune des deux Apôtres, et l’Église par le plus âgé. Bien qu’en ce qui concerne le culte de Dieu, la Synagogue ait précédé l’Église où sont entrés les Gentils, néanmoins la multitude des Gentils est plus ancienne que la Synagogue en ce qui concerne l’usage des choses du siècle, et saint Paul l’atteste, lui qui dit : « Non d’abord ce qui est spirituel mais ce qui est animal ». L’Église des Gentils est donc désignée par Pierre qui était le plus âgé, et la Synagogue des Juifs par Jean qui était le plus jeune. Ils courent tous deux ensemble, parce que depuis leur origine jusqu’à la fin, la Gentilité et la Synagogue qui diffèrent de pensée, et de sentiment, courent dans une même et commune voie. La Synagogue est arrivée la première au sépulcre, mais elle n’est point entrée ; car, bien qu’elle ait reçu les préceptes de la loi et entendu les prophéties annoncer l’incarnation et la passion du Seigneur, le sachant mort, elle n’a pas voulu croire en lui.

Le septième jour de la plus joyeuse des semaines s’est levé, apportant avec lui le souvenir du repos du Seigneur, après son œuvre de six jours. Il nous retrace en même temps ce second repos que le même Seigneur voulut prendre, comme un guerrier assuré de la victoire, avant de livrer le combat décisif à son adversaire. Repos dans un sépulcre, sommeil d’un Dieu qui ne s’était laissé vaincre par la mort que pour rendre son réveil plus funeste à cette cruelle ennemie. Aujourd’hui que ce sépulcre n’a plus rien à rendre, qu’il a vu sortir de ses flancs le vainqueur qu’il ne pouvait retenir, il convenait que nous nous arrêtions à le contempler, à lui rendre nos hommages ; car ce sépulcre est saint, et sa vue ne peut qu’accroître notre amour envers celui qui daigna dormir quelques heures a son ombre.

Isaïe avait dit : « Le rejeton de Jessé sera comme l’étendard autour duquel se rallieront les peuples ; les nations l’entoureront de leurs hommages ; et son sépulcre deviendra glorieux ». L’oracle est accompli ; il n’est pas une nation sur la terre qui ne renferme des adorateurs de Jésus ; et tandis que les tombeaux des autres hommes, quand le temps ne les a pas détruits et égales au sol, restent comme un trophée de la mort, celui de Jésus est toujours debout et proclame la vie.

Quel tombeau que celui qui réveille des pensées de gloire, et dont les grandeurs avaient été prédites tant de siècles à l’avance ! Quand les temps sont accomplis. Dieu suscite dans Jérusalem un homme pieux, Joseph d’Arimathie, qui secrètement, mais d’un cœur sincère, devient le disciple de Jésus. Ce magistrat songe à se faire creuser un tombeau ; et c’est à l’ombre des remparts de la ville, sur le versant de la colline du Calvaire, qu’il fait tailler dans la roche vive deux chambres sépulcrales, dont l’une sert de vestibule à l’autre. Joseph pensait travailler pour lui-même ; et c’était pour la dépouille d’un Dieu qu’il préparait ce funèbre asile ; il songeait à la fin commune de toute créature humaine depuis le péché ; et les décrets divins portaient que Joseph ne reposerait pas dans ce tombeau, et que ce tombeau deviendrait pour les hommes le titre de l’immortalité. Jésus expire sur la croix, au milieu des insultes de son peuple ; toute la ville est soulevée contre le fils de David, qu’elle avait accueilli peu de jours auparavant au cri de l’Hosannah ; c’est à ce moment même que, bravant les fureurs de la cité déicide, Joseph se rend chez le gouverneur romain pour réclamer l’honneur d’ensevelir le corps du supplicié. Il ne tarde pas d’arriver avec Nicodème sur le Calvaire ; et lorsqu’il a détaché de la croix les membres de la divine victime, il a la gloire de déposer ce corps sacré sur la table de pierre qu’il avait fait préparer pour lui-même : heureux d’en faire hommage au maître pour lequel il venait de confesser son attachement jusque dans le Prétoire de Ponce-Pilate. O homme véritablement digne des respects de l’humanité tout entière dont vous teniez la place dans ces augustes funérailles, nous ne doutons pas qu’un regard reconnaissant de la Mère des douleurs ne vous ait récompensé du sacrifice que vous faisiez si volontiers pour son Fils !

Les Évangélistes insistent avec une intention marquée sur les conditions du sépulcre. Saint Matthieu, saint Luc, saint Jean, nous disent qu’il était neuf, et qu’aucun corps mort n’y avait encore été déposé. Les saints Pères sont venus ensuite, et nous ont expliqué le mystère, à la gloire du saint tombeau. Ils nous ont enseigné la relation que ce sépulcre, qui rendit l’Homme-Dieu à la vie immortelle, devait avoir avec le sein virginal qui l’enfanta pour être la victime du monde ; et ils en ont tiré cette conséquence, que le Seigneur notre Dieu, quand il se choisit un asile dans sa créature, tient à le trouver libre et digne de sa souveraine sainteté. Honneur donc au tombeau de notre Rédempteur d’avoir présenté, dans son être matériel, un rapport mystérieux avec l’incomparable et vivante pureté de la Mère de Jésus !

Durant les heures qu’il conserva son précieux dépôt, quelle gloire égalait alors la sienne sur la terre ! Quel trésor fut confié à sa garde ! Sous sa voûte silencieuse reposait dans ses linceuls, mouillés des larmes de Marie, le corps qui avait été la rançon du monde. Dans son étroite enceinte, les saints Anges se pressaient, faisant la garde auprès de la dépouille de leur créateur, adorant son divin repos, et aspirant à l’heure où l’Agneau égorgé allait se lever Lion redoutable. Mais quel prodige inouï éclata sous la voûte de l’humble caverne, lorsque l’instant décrété éternellement étant arrivé, Jésus plein de vie pénétra, plus prompt que l’éclair, les veines de la roche, et s’élança au grand jour. Bientôt, c’est la main de l’Ange qui vient arracher la pierre de l’entrée, afin de révéler le départ du céleste prisonnier ; ce sont ensuite d’autres Anges qui attendent Madeleine et ses compagnes. Elles arrivent et font retentir cette voûte de leurs sanglots ; Pierre et Jean y pénètrent à leur tour. Vraiment ce lieu est saint entre tous ; le Fils de Dieu a daigné l’habiter ; sa Mère y a été vue en pleurs ; il a été le rendez-vous des Esprits célestes ; les plus saintes âmes de la terre l’ont consacré par leurs visites empressées, l’ont rendu le théâtre de leurs plus dévots sentiments. O sépulcre du Fils de Jessé, vous êtes véritablement glorieux !

L’enfer la voit, cette gloire ! Et il voudrait l’effacer de la terre. Ce tombeau désespère son orgueil ; car il rappelle d’une manière trop éclatante la défaite qu’a essuyée la mort, fille du péché. Satan croit avoir accompli son odieux dessein, lorsque Jérusalem avant succombé sous les coups des Romains, une ville nouvelle et toute païenne s’élève sur les ruines avec le nom d’Ælia. Mais le nom de Jérusalem ne périra pas plus que la gloire du saint tombeau. En vain des ordres impies prescrivent d’amonceler la terre autour du monument, et d’élever sur ce monticule un temple à Jupiter, en même temps que sur le Calvaire lui-même un sanctuaire à l’impure Vénus, et sur la grotte de la Nativité un autel à Adonis ; ces constructions sacrilèges ne feront que désigner d’une manière plus précise les lieux sacrés à l’attention des chrétiens. On a voulu tendre un piège, et tourner au profit des faux dieux les hommages dont les disciples du Christ avaient coutume d’entourer ces lieux : vain espoir ! Les chrétiens ne les visiteront plus, tant qu’ils seront souillés par la présence des infâmes idoles ; mais ils tiendront l’œil fixé sur ces vestiges d’un Dieu, vestiges ineffaçables pour eux ; et ils attendront en patience qu’il plaise au Père de glorifier encore son Fils.

Lorsque l’heure a sonné, Dieu envoie à Jérusalem une impératrice chrétienne, mère d’un empereur chrétien, pour rendre visibles de nouveau les traces adorables du passage de notre Rédempteur. Émule de Madeleine et de ses compagnes, Hélène s’avance sur le lieu où fut le tombeau. Il fallait une femme pour continuer les grandes scènes du matin de la Résurrection. Madeleine et ses compagnes cherchaient Jésus ; Hélène qui l’adore ressuscité ne cherche que son tombeau ; mais un même amour les transporte. Par les ordres de la pieuse impératrice, l’impie sanctuaire de Jupiter s’écroule, la terre amoncelée est écartée ; et bientôt le soleil éclaire de nouveau le trophée de la victoire de Jésus. La défaite de la mort était donc une seconde fois proclamée par cette réapparition du sépulcre glorieux. Bientôt un temple magnifique s’élève aux dépens du trésor impérial, et porte le nom de Basilique de la Résurrection. Le monde entier s’émeut à la nouvelle d’un tel triomphe ; le paganisme déjà croulant en ressent un ébranlement auquel il ne résiste plus ; et les pieuses pérégrinations des chrétiens vers le sépulcre glorifié commencent pour ne plus s’arrêter qu’au dernier jour du monde.

Durant trois siècles, Jérusalem demeura la ville sainte et libre, éclairée des splendeurs du saint tombeau ; mais les conseils de la justice divine avaient arrêté que l’Orient, foyer inépuisable de toutes les hérésies, serait châtié et soumis à l’esclavage. Le Sarrasin vient inonder de ses hordes enthousiastes la terre des prodiges ; et les eaux de ce déluge honteux n’ont reculé un moment que pour se répandre avec une nouvelle impétuosité sur cette terre qui leur semble abandonnée pour longtemps encore. Mais ne craignons pas pour la tombe sacrée ; elle demeurera toujours debout. Le Sarrasin aussi la révère ; car à ses veux elle est le sépulcre d’un grand prophète. Pour approcher d’elle, le chrétien devra payer un tribut ; mais elle est en sûreté ; on verra même un calife offrir en hommage à notre Charlemagne les clefs de cet auguste sanctuaire, montrant par cet acte de courtoisie la vénération que lui inspire à lui-même la grotte sacrée, autant que le respect dont il est pénétré envers le plus grand des princes chrétiens. Ainsi le sépulcre continuait d’apparaître glorieux à travers même les tribulations qui, à penser humainement, auraient dû l’effacer de la terre.

Sa gloire parut avec plus d’éclat encore, lorsque, à la voix du Père de la chrétienté, l’Occident tout entier se leva soudain en armes, et marcha, sous la bannière de la croix, à la délivrance de Jérusalem. L’amour du saint tombeau était dans tous les cœurs, son nom sur toutes les lèvres ; et dès le premier choc, le Sarrasin, contraint de reculer à son tour, laissa la place aux croisés. La Basilique d’Hélène vit alors un sublime spectacle : le pieux Godefroi de Bouillon sacré avec l’huile sainte roi de Jérusalem, à l’ombre du sépulcre du Christ, et les saints mystères célèbres pour la première fois, avec la langue et les rites de Rome, sous les lambris orientaux de la Basilique constantinienne. Mais ce règne de Japhet sous les tentes de Sem ne se perpétua pas. D’un côté, l’étroite politique de nos princes d’Occident n’avait pas su comprendre le prix d’une telle conquête ; de l’autre, la perfidie de l’empire grec ne se donna pas de relâche qu’elle n’eût amené, par ses noires trahisons, le retour du Sarrasin dans les murs sans défense de Jérusalem. Cette période n’en fut pas moins l’une des gloires prédites par Isaïe au saint tombeau ; elle ne sera pas la dernière.

Aujourd’hui, profané par les sacrifices offerts dans son enceinte par les mains sacrilèges du schisme et de l’hérésie ; confié, à des heures rares et comptées, aux hommages légitimes de l’unique Épouse de celui qui daigna se reposer dans son sein, le divin sépulcre attend le jour où son honneur sera encore une fois vengé. Sera-ce que l’Occident, redevenu docile à la foi, viendra renouer sur cette terre les grands souvenirs qu’y a laisses sa chevalerie ? Sera-ce que l’Orient lui-même, renonçant à une scission qui ne lui a valu que la servitude, tendra la main à la Mère et à la Maîtresse de toutes les Églises, et scellera sur le roc immortel de la Résurrection une réconciliation qui serait la ruine de l’islamisme ? Dieu seul le sait ; mais nous avons appris de sa divine et infaillible parole qu’avant la fin des temps, l’antique Israël doit revenir au Dieu qu’il a méconnu et crucifié ; que Jérusalem sera relevée par la main des Juifs devenus chrétiens. Alors la gloire du sépulcre du fils de Jessé s’élèvera au-dessus de tout ; mais le fils de Jessé lui-même ne tardera pas à paraître ; la terre sera au moment de rendre nos corps pour la résurrection générale ; et le dernier accomplissement de la Pâque se trouvera lié ainsi avec le dernier et suprême honneur qu’aura reçu la tombe sacrée. En nous éveillant de nos sépulcres, nous la chercherons du regard ; et il nous sera doux de la contempler alors comme le point de départ et comme le principe de cette immortalité dont nous serons déjà en possession. En attendant l’heure où nous devrons entrer dans l’habitation passagère qui gardera nos corps, vivons dans l’amour du sépulcre du Christ ; que son honneur soit le nôtre ; et héritiers de cette foi sincère et ardente qui animait nos pères et les arma pour venger son injure, remplissons ce devoir particulier de la Pâque, qui consiste à comprendre et à goûter les magnificences du Sépulcre glorieux.

Cette journée, dans la Liturgie, est appelée le Samedi in albis, ou plus exactement in albis deponendis ; parce que c’était aujourd’hui que les néophytes devaient déposer les robes blanches qu’ils avaient portées durant toute l’Octave. L’Octave, en effet, avait commencé pour eux plus tôt que pour les autres fidèles ; car c’était dans la nuit du Samedi saint qu’ils avaient été régénérés, et qu’on les avait ensuite couverts de ce vêtement, symbole de la pureté de leurs âmes. C’était donc sur le soir du Samedi suivant, après l’office des Vêpres, qu’ils le quittaient, comme nous le raconterons plus loin.

La Station, à Rome, est aujourd’hui dans la Basilique de Latran, l’Église Mère et Maîtresse. qu’avoisine le Baptistère de Constantin, où les néophytes ont reçu, il y a huit jours, la grâce de la régénération. La Basilique qui les réunit aujourd’hui est celle-là même de laquelle ils partirent, sous les ombres de la nuit, se dirigeant vers la fontaine du salut, précédés du cierge mystérieux qui éclairait leurs pas ; c’est celle où étant de retour sous leurs habits blancs, ils assistèrent pour la première fois à la célébration entière du Sacrifice chrétien, et participèrent au corps et au sang du Rédempteur. Nul autre lieu ne convenait mieux que celui-ci pour la Station de ce jour, dont les impressions doivent se conserver durables dans le cœur des néophytes, qui sont au moment de rentrer dans la vie commune.

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Vendredi de Pâques

22 Avril 2022 , Rédigé par Ludovicus

Vendredi de Pâques

Lecture 1. P 3, 18-22

Mes bien-aimés, le Christ est mort une fois pour nos péchés, lui juste pour des injustes, afin de nous offrir à Dieu, ayant été mis à mort quant à la chair, mais rendu à la vie quant à l’esprit ; par lequel aussi il est allé prêcher aux esprits qui étaient en prison, qui autrefois avaient été incrédules, lorsqu’au temps de Noé ils s’attendaient à la patience de Dieu, pendant qu’était préparée l’arche, dans laquelle peu de personnes, savoir huit seulement, jurent sauvées à travers l’eau. Figure à laquelle correspond le baptême, qui nous sauve maintenant, non pas en enlevant tes souillures de la chair, mais par l’engagement d’une bonne conscience envers Dieu, grâce à la résurrection de Jésus-Christ, qui est assis à la droite de Dieu.

Évangile Mt. 28, 16-20

En ce temps-là : les onze disciples s’en allèrent en Galilée, sur la montagne que Jésus leur avait indiquée. Et le voyant, ils L’adorèrent. Cependant, quelques-uns eurent des doutes. Et Jésus s’approchant, leur parla ainsi : Toute puissance m’a été donnée dans le ciel et sur la terre. Allez donc, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, et leur enseignant à observer tout ce que je vous ai commandé. Et voici que je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la consommation des siècles.

Postcommunion

Regardez, nous vous en supplions, Seigneur, votre peuple, et comme vous avez daigné le renouveler par des mystères préparés dès l’éternité, daignez l’absoudre avec bonté des fautes que l’on commet dans le temps

Office

1ère leçon

Homélie de saint Jérôme, Prêtre.

Après sa résurrection, Jésus se fait voir sur une montagne de la Galilée, et il y est adoré, bien que quelques-uns doutent encore, mais leur doute augmente notre foi. C’est alors qu’il montre très manifestement à Thomas et lui présente son côté ouvert par la lance, et ses mains percées par les clous. « Jésus, s’approchant, leur parla, disant : Toute puissance m’a été donnée dans le ciel et sur la terre. » La puissance a été donnée à celui qui, peu auparavant, était attaché à la croix, déposé dans le sépulcre ; à celui qui reposait mort dans le tombeau, et qui ensuite ressuscita. Et la puissance lui a été donnée dans le ciel et sur la terre, afin que régnant déjà dans le ciel, il régnât aussi sur la terre par la foi de ceux qui croiraient en lui.

2e leçon

« Allez donc, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. » Les Apôtres instruisent d’abord toutes les nations, puis lorsqu’elles sont instruites, ils les baptisent dans l’eau. Il ne se peut faire, en effet, que le corps reçoive le sacrement de baptême, si l’âme n’a d’abord embrassé les vérités de la foi. Elles sont baptisées au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, pour rappeler que la grâce du baptême est à la fois le don des trois personnes dont la divinité est une, et dont le nom est un seul Dieu.

3e leçon

« Leur apprenant à garder tout ce que je vous ai commandé. » Enchaînement remarquable : le Sauveur a ordonné à ses Apôtres d’instruire d’abord toutes les nations, puis de leur donner le baptême qui est le sacrement de la foi, et lorsqu’elles auraient reçu la foi et le baptême, de leur prescrire tout ce qu’il faut observer. Et pour que nous ne regardions pas comme peu importantes et peu nombreuses les choses qui nous sont ordonnées, il a ajouté : « Tout ce que je vous ai commandé. » Ainsi, quels que soient ceux qui auront cru, et auront été baptisés au nom des trois personnes de la sainte Trinité, ils doivent accomplir tous les préceptes. « Et voici que je suis avec vous jusqu’à la consommation du siècle. » Celui qui promet à ses disciples d’être avec eux jusqu’à la consommation du siècle, leur montre à la fois qu’ils seront toujours victorieux, et que lui-même ne se séparera jamais des fidèles.

Il y a huit jours, nous entourions la croix sur laquelle « l’homme des douleurs » expirait abandonné de son Père, et repoussé comme un faux Messie par le jugement solennel de la Synagogue, et voici que le soleil se lève aujourd’hui pour la sixième fois, depuis que le cri de l’Ange, proclamant la Résurrection de l’adorable victime, s’est fait entendre. L’Épouse qui naguère, le front dans la poussière , tremblait devant cette justice d’un Dieu qui se montre ennemi du péché, jusqu’à « ne pas épargner même son propre Fils », parce que ce Fils divin en portait la ressemblance, a relevé tout à coup la tète pour contempler le triomphe subit et éclatant de son Époux qui la convie lui-même a la joie. Mais s’il est un jour dans cette Octave où elle doive exalter le triomphe d’un tel vainqueur, c’est assurément le Vendredi, où elle avait vu expirer, « rassasié d’opprobres », celui-là même dont la victoire retentit présentement dans le monde entier.

Arrêtons-nous donc aujourd’hui à considérer la Résurrection de notre Sauveur comme l’apogée de sa gloire personnelle, comme l’argument principal sur lequel repose notre foi en sa divinité. Si le Christ n’est pas ressuscité, nous dit l’Apôtre, notre foi est vaine » ; mais parce qu’il est ressuscité, notre foi est assurée. Jésus nous devait donc d’élever sur ce point notre certitude au plus haut degré ; voyez s’il a manqué de le faire ; voyez si, au contraire, il n’a pas porté en nous la conviction de cette vérité capitale jusqu’à la plus souveraine évidence de fait. Pour cela deux choses étaient nécessaires : que sa mort fût la plus réelle, la mieux constatée, et que le témoignage qui atteste sa Résurrection fût le plus irréfragable à notre raison. Le Fils de Dieu n’a manqué à aucune de ces conditions ; il les a remplies avec un divin scrupule : aussi le souvenir du triomphe qu’il a remporté sur la mort ne saurait-il s’effacer de la pensée des hommes ; et de là vient que nous éprouvons encore aujourd’hui, après dix-neuf siècles, quelque chose de ce frisson de terreur et d’admiration que ressentirent les témoins qui eurent à constater ce passage subit de la mort à la vie.

Certes, il était bien réellement devenu la proie de la mort, celui que, vers la dixième heure du jour, Joseph d’Arimathie et Nicodème descendaient de la croix, et dont ils déposaient les membres roidis et sanglants entre les bras de la plus désolée des mères. L’affreuse agonie de la veille, lorsqu’il luttait avec les répugnances de son humanité, à la vue du calice qu’il était appelé à épuiser ; le brisement qu’avait éprouvé son cœur par suite de la trahison de l’un des siens et de l’abandon des autres ; les outrages et les violences dont il fut assailli durant de longues heures ; l’effroyable flagellation que Pilate lui fit subir, dans le but d’apitoyer un peuple altéré de meurtre ; la croix, avec ses clous ouvrant quatre sources d’où le sang s’échappait à grands flots ; les angoisses du cœur de l’agonisant, à la vue de sa mère éplorée à ses pieds ; une soif ardente qui consumait rapidement les dernières ressources de la vie ; enfin le coup de lance traversant la poitrine, et allant atteindre le cœur et faire sortir de son enveloppe les dernières gouttes de sang et d’eau : tels furent les titres de la mort pour revendiquer une si noble victime. C’est afin de vous glorifier, ô Christ, que nous les rappelons aujourd’hui : pardonnez à ceux pour lesquels vous avez daigné mourir, de n’oublier aucune des circonstances d’une mort si chère. Ne sont-elles pas aujourd’hui les plus solides assises du monument de votre résurrection ?

Il avait donc véritablement conquis la mort, ce vainqueur d’une nouvelle espèce qui s’était montré à la terre. Un fait surtout restait acquis à son histoire : c’est que sa carrière, passée tout entière dans une obscure contrée, s’était terminée par un trépas violent, au milieu des acclamations de ses indignes concitoyens. Pilate adressa à Tibère les actes du jugement et du supplice du prétendu Roi des Juifs ; et dès ce moment l’injure fut toute prête pour les sectateurs de Jésus. Les philosophes, les beaux esprits, les esclaves de la chair et du monde, se les montreront du doigt, en disant : « Voila ces gens étranges qui adorent un Dieu mort sur une croix ». Mais si pourtant ce Dieu mort s’est ressuscité, que devient sa mort, sinon la base inébranlable sur laquelle s’appuie l’évidence de sa divinité ? Il était mort et il s’est ressuscité ; il avait annoncé qu’il mourrait et qu’il ressusciterait ; quel autre qu’un Dieu peut tenir entre ses mains « les clefs de la mort et du tombeau » ?

Or il est ainsi. Jésus mort est sorti vivant du tombeau. Comment le savons-nous ? — Par le témoignage de ses Apôtres, qui L’ont vu vivant après sa mort, auxquels il s’est donné à toucher, avec Lesquels il a conversé durant quarante jours. Mais ces Apôtres, devons-nous les en croire ? — Et qui pourrait douter du témoignage le plus sincère que le monde entendit jamais ? Car quel intérêt auraient ces hommes à publier la gloire du maître auquel ils s’étaient donnés, et qui leur avait promis qu’après sa mort il ressusciterait, s’ils savaient qu’après avoir péri dans un supplice ignominieux pour eux aussi bien que pour lui, il n’a pas rempli sa promesse ? Que les princes des Juifs, pour décrier le témoignage de ces hommes, soudoient les gardes du tombeau, afin de leur faire dire que, pendant qu’ils dormaient, ces pauvres disciples que la frayeur avait dispersés, sont venus durant la nuit enlever le corps ; on est en droit de leur répondre par cet éloquent sarcasme de saint Augustin : « Ainsi donc les témoins que vous produisez sont des témoins qui dormaient ! Mais n’est-ce pas vous-mêmes qui dormez, quand vous vous épuisez à chercher une telle défaite ? » Mais où les Apôtres auraient-ils pris le motif de prêcher une résurrection qu’ils auraient su n’être pas arrivée ? « A leurs yeux, remarque saint Jean Chrysostome, leur maître ne doit plus être qu’un faux prophète et un imposteur ; et ils iront défendre sa mémoire contre une nation tout entière ! Ils se dévoueront à tous les mauvais traitements pour un homme qui les aurait trompés ! Serait-ce dans l’espérance des promesses qu’il leur avait faites ? Mais s’ils savent qu’il n’a pas rempli sa promesse de ressusciter, quel fond peuvent-ils faire sur les autres ? » Non, il faut nier la nature humaine, ou reconnaître que le témoignage des Apôtres est un témoignage sincère.

Ajoutons maintenant que ce témoignage fut le plus indépendant de tous : car il ne procurait d’autres avantages aux témoins que les supplices et la mort ; qu’il révélait dans ceux qui l’émettaient une assistance divine : car il faisait voir en eux, si timides la veille, une fermeté que rien ne fit jamais faiblir, et dans des hommes du peuple une assurance humainement inexplicable, et qui les accompagna jusqu’au sein des capitales les plus civilisées, où ils firent de nombreuses conquêtes. Disons encore que les prodiges les plus frappants venaient confirmer leur témoignage, et réunir autour d’eux dans la foi de la Résurrection de leur maître des multitudes de toute langue et de toute nation ; qu’enfin, lorsqu’ils disparurent de la terre, après avoir scellé de leur sang le grand fait dont ils étaient dépositaires, ils avaient répandu dans toutes les régions du monde, et bien au-delà des frontières de l’Empire romain, la semence de leur doctrine, qui germa promptement et produisit une moisson dont la terre entière se vit bientôt couverte. Tout ceci n’engendre-t-il pas la plus ferme de toutes les certitudes sur le fait étonnant dont ces hommes étaient porteurs ? Les récuser, ne serait-ce pas récuser en même temps les lois de la raison ? O Christ ! Votre résurrection est certaine comme votre mort ; la vérité a pu seule faire parler vos Apôtres ; seule elle peut expliquer le succès de leur prédication.

Mais le témoignage des Apôtres a cessé ; et un autre témoignage non moins imposant, celui de l’Église, est venu continuer le premier, et il proclame avec non moins d’autorité que Jésus n’est plus parmi les morts. L’Église attestant la résurrection de Jésus, c’est la voix de toutes ces centaines de millions d’hommes qui, chaque année depuis dix-huit siècles, ont fêté la Pâque. En face de ces milliards de témoignages de foi, y a-t-il place pour le doute ? Qui ne se sent écrasé sous le poids de cette acclamation qui n’a pas fait défaut une seule année, depuis que la parole des Apôtres est venue l’ouvrir ? Et dans cette acclamation, il est juste de distinguer la voix de tant de milliers d’hommes doctes et profonds qui ont aimé à sonder toute vérité, et n’ont donne leur adhésion à la foi qu’après avoir tout pesé dans leur raison ; de tant de millions d’autres qui n’ont accepté le joug d’une croyance si peu favorable aux passions humaines, que parce qu’ils ont vu clairement que nulle sécurité après cette vie n’était possible en dehors des devoirs qu’elle impose ; enfin, de tant de millions d’autres qui ont soutenu et protégé la société humaine par leurs vertus, et qui ont été la gloire de notre race, uniquement parce qu’ils ont fait profession de croire au Dieu mort et ressuscité pour les hommes.

Ainsi s’enchaîne d’une façon sublime l’incessant témoignage de l’Église, c’est-à-dire de la portion la plus éclairée et la plus morale de l’humanité, à celui des premiers témoins que le Christ daigna se choisir lui-même : en sorte que ces deux témoignages n’en font qu’un seul. Les Apôtres attestèrent ce qu’ils avaient vu ; nous, nous attestons, et nous attesterons jusqu’à la dernière génération, ce que les Apôtres ont prêché. Les Apôtres s’assurèrent par eux-mêmes du fait qu’ils avaient à annoncer ; nous nous assurons de la véracité de leur parole. Après expérience, ils crurent ; et après expérience, nous aussi nous croyons. Ils ont été assez heureux pour voir, dès ce monde, le Verbe de vie, pour l’entendre, pour le toucher de leurs mains ; nous, nous voyons et nous entendons l’Église qu’ils avaient établie en tous lieux, mais qui ne faisait encore que sortir du berceau, lorsqu’ils furent enlevés de la terre. L’Église est le complément du Christ, qui l’avait annoncée aux Apôtres comme devant couvrir le monde, bien que sortie du faible grain de sénevé. Sur ce sujet, saint Augustin, dans un de ses Sermons sur la Pâque, dit ces admirables paroles : « Nous ne voyons pas encore le Christ ; mais nous voyons l’Église ; croyons donc au Christ. Les Apôtres, au contraire, virent le Christ ; mais ils ne voyaient l’Église que par la foi. L’une des deux choses leur était montrée, et l’autre était l’objet de leur croyance ; il en est de même pour nous. Croyons au Christ que nous ne voyons pas encore ; et en nous tenant attachés à l’Église que nous voyons, nous arriverons à celui dont la vue ne nous est que différée. »

Ayant donc, ô Christ, par une si magnifique attestation, la certitude de votre Résurrection glorieuse, comme nous avons celle de votre mort sur l’arbre de la croix, nous confessons que vous êtes le grand Dieu, l’auteur et le souverain Seigneur de toutes choses. Votre mort vous a abaissé, et votre résurrection vous a élevé ; et c’est vous-même qui avez été l’auteur de votre abaissement et de votre élévation. Vous aviez dit devant vos ennemis : « Personne ne m’ôte la vie ; c’est moi-même qui la dépose ; j’ai le pouvoir de la quitter, et j’ai aussi celui de la reprendre » ; un Dieu pouvait seul réaliser cette parole : vous l’avez accomplie dans toute son étendue ; en confessant votre Résurrection, nous confessons donc votre Divinité : rendez digne de vous l’humble et heureux hommage de notre foi.

La Station, à Rome, est dans l’Église de Sainte-Marie ad Martyres. Cette Église est l’ancien Panthéon d’Agrippa, dédié autrefois à tous les faux dieux, et concédé par l’empereur Phocas au pape saint Boniface IV, qui le consacra à la Mère de Dieu et à tous les Martyrs. Nous ignorons en quel sanctuaire de Rome avait lieu auparavant la Station d’aujourd’hui. Quand elle fut fixée à cette Église, au VIIe siècle, les néophytes, réunis pour la seconde fois de cette Octave dans un temple dédié à Marie, devaient sentir combien l’Église avait à cœur de nourrir dans leurs âmes la confiance filiale en celle qui était devenue leur Mère, et qui est chargée de conduire elle-même à son Fils tous ceux qu’il appelle par sa grâce à devenir ses frères.

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Jeudi de Pâques

21 Avril 2022 , Rédigé par Ludovicus

Jeudi de Pâques

Lecture Ac. 8, 26-40

En ce temps-là, un Ange du Seigneur parla à Philippe, et lui dit : Lève-toi et va vers le midi, sur la route qui descend de Jérusalem à Gaza ; cette route est déserte. Et se levant, il partit. Et voici qu’un Éthiopien, eunuque, officier de Candace, reine d’Ethiopie, et intendant de tous ses trésors, était venu adorer à Jérusalem. Il s’en retournait, assis sur son char, et lisait le prophète Isaïe. Alors l’Esprit dit à Philippe : Approche-toi et rejoins ce char. Et Philippe, accourant, l’entendit lire le prophète Isaïe, et lui dit : Crois-tu comprendre ce que tu lis ? Il répondit : Et comment le pourrais-je, si quelqu’un ne me dirige ? Et il pria Philippe de monter et de s’asseoir auprès de lui. Or le passage de l’Écriture qu’il lisait était celui-ci : Comme une brebis il a été mené à la boucherie, et comme un agneau muet devant celui qui le tond, il n’a point ouvert la bouche. Dans son abaissement son jugement a été aboli. Qui racontera sa génération, car sa vie sera retranchée de la terre ? L’eunuque, répondant à Philippe, lui dit : Je t’en prie, de qui le prophète dit-il cela ? de lui-même ou de quelque autre ? Alors Philippe, ouvrant la bouche et commençant par ce passage de l’Écriture, lui annonça Jésus. Et chemin faisant, ils rencontrèrent de l’eau ; et l’eunuque dit : Voici de l’eau ; qu’est-ce qui empêche que je sois baptisé ? Philippe dit : Si tu crois de tout ton cœur, cela est possible. Il répondit : Je crois que Jésus-Christ est le Fils de Dieu. Il fit arrêter le char, et ils descendirent tous deux dans l’eau, et Philippe baptisa l’eunuque. Lorsqu’ils furent remontés hors de l’eau, l’Esprit du Seigneur enleva Philippe, et l’eunuque ne le vit plus ; mais il continua son chemin, plein de joie. Quant à Philippe, il se trouva dans Azot, et il annonçait la bonne nouvelle au nom de Jésus-Christ à toutes les villes par où il passait, (jusqu’à ce qu’il fût arrivé à Césarée).

Évangile Jn. 20, 11-18

En ce temps-là : Marie se tenait dehors, près du sépulcre, pleurant. Et tout en pleurant elle se baissa, et regarda dans le sépulcre. Et elle vit deux anges vêtus de blanc, assis l’un à la tête, et l’autre aux pieds, à l’endroit où avait été déposé le corps du Christ. Ils lui dirent : Femme, pourquoi pleures-tu ? Elle leur dit : Parce qu’ils ont enlevé mon Seigneur, et que je ne sais où ils l’ont mis. Ayant dit cela, elle se retourna, et vit Jésus debout ; mais elle ne savait pas que ce fut Jésus. Jésus lui dit : Femme, pourquoi pleures-tu ? qui cherches-tu ? Pensant que c’était le jardinier, elle lui dit ; Seigneur, si c’est toi qui l’as enlevé, dis-moi où tu l’as mis, et je l’emporterai. Jésus lui dit : Marie ! Elle se retourna, et lui dit : Rabboni (c’est-à-dire, Maître) ! Jésus lui dit : Ne me touche pas, car je ne suis pas encore monté vers mon Père. Mais va vers mes frères, et dis-leur : Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu. Marie-Madeleine vint annoncer aux disciples : J’ai vu te Seigneur, et voici ce qu’il m’a dit.

Office

1ère leçon

Homélie de saint Grégoire, Pape.

Marie-Madeleine qui avait été « connue dans la ville pour une pécheresse », a lavé de ses larmes les taches de ses iniquités en aimant la vérité, et elle est accomplie, cette parole de la Vérité, disant : « Beaucoup de péchés lui sont remis, parce qu’elle a beaucoup aimé ». Madeleine, qui auparavant était demeurée dans la froideur en péchant, brûlait dans la suite d’une véhémente ardeur en aimant. Quand elle vint au sépulcre et n’y trouva point le corps du Seigneur, elle crut qu’il avait été enlevé, et l’annonça aux disciples. Ceux-ci vinrent, regardèrent, et pensèrent qu’il en était comme cette femme l’avait dit. C’est d’eux qu’il est écrit immédiatement après : « Les disciples donc s’en retournèrent chez eux. » Et aussitôt l’Évangile ajoute : « Mais Marie se tenait dehors, près du sépulcre, pleurant. »

2e leçon

Il faut considérer à ce sujet avec quelle force l’amour divin s’était allumé dans l’âme de cette femme, qui ne quittait point le sépulcre du Seigneur bien que les disciples se retirassent. Elle cherchait avec soin celui qu’elle n’avait pas trouvé, elle pleurait en le cherchant, et, embrasée du feu de son amour, elle brûlait du désir de retrouver celui qu’elle croyait enlevé. Aussi arriva-t-il que Madeleine seule le vit alors, elle qui était restée pour le chercher ; car, ce qui donne de l’efficacité aux bonnes œuvres, c’est la persévérance, et la Vérité a dit. « Celui qui aura persévéré jusqu’à la fin, celui-là sera sauvé » 

3e leçon

« Or, tout en pleurant, Marie se pencha, et regarda dans le sépulcre. » Elle avait déjà vu le sépulcre vide, et déjà elle avait annoncé que le corps du Seigneur était enlevé ; pourquoi s’incline-t-elle de nouveau, et désire-t-elle voir encore ? C’est qu’il ne suffit pas à celui qui aime d’avoir regardé une seule fois, car la force de l’amour multiplie les soins et l’attention de la recherche. Elle le chercha donc d’abord et ne le trouva pas ; elle persévéra à le chercher, et c’est ainsi qu’elle obtint de le trouver. Il arriva que ses désirs augmentèrent d’autant plus que leur réalisation fut différée, et que, dans leur accroissement, ils purent jouir du bien qu’ils avaient obtenu.

 

Après avoir glorifié l’Agneau de Dieu, et salué le passage du Seigneur à travers l’Égypte où il vient d’exterminer nos ennemis ; après avoir célébré les merveilles de cette eau qui nous délivre et nous introduit dans la Terre de promission ; si maintenant nous reportons nos regards sur le divin Chef dont tous ces prodiges annonçaient et préparaient le triomphe, nous nous sentons éblouis de tant de gloire. Comme le prophète de Pathmos, nous nous prosternons aux pieds de cet Homme-Dieu, jusqu’à ce qu’il nous dise, à nous aussi : « Ne craignez point : je suis le premier et le dernier ; je suis vivant et j’ai été mort ; je vis dans les siècles des siècles, et je tiens les clefs de la mort et du tombeau ».

Il est maître, en effet, désormais de celle qui l’avait tenu captif ; il tient les clefs du tombeau ; c’est-à-dire, selon le langage de l’Écriture, il commande à la mort ; elle lui est soumise sans retour. Or le premier usage qu’il fait de sa victoire, c’est de l’étendre à la race humaine tout entière. Adorons cette infinie bonté ; et fidèles au désir de la sainte Église, méditons aujourd’hui la Pâque dans ses rapports avec chacun de nous.

Le Fils de Dieu dit à l’Apôtre bien-aimé : « Je suis vivant et j’ai été mort ; » par la vertu de la Pâque, le jour viendra où nous dirons aussi avec l’accent du triomphe : « Nous sommes vivants, et nous avons été morts. »

La mort nous attend ; elle est prête à nous saisir ; nous ne fuirons pas sa faux meurtrière. « La mort est la solde du péché, » dit le livre sacré ; avec cette explication, tout est compris : et la nécessité de la mort, et son universalité. La loi n’en est pas moins dure ; et nous ne pouvons nous empêcher de voir un effrayant désordre dans cette rupture violente du lien qui unissait ensemble, dans une vie commune, ce corps et cette âme que Dieu avait lui-même unis. Si nous voulons comprendre la mort telle qu’elle est, souvenons-nous que Dieu créa l’homme immortel ; nous nous rendrons raison alors de l’invincible horreur que la destruction inspire à l’homme, horreur qui ne peut être surmontée que par un sentiment supérieur à tout égoïsme, par le sentiment du sacrifice. Il y a dans la mort de chaque homme un monument honteux du péché, un trophée pour l’ennemi du genre humain ; et pour Dieu même il y aurait humiliation, si sa justice n’y paraissait, et ne rétablissait ainsi l’équilibre.

Quel sera donc le désir de l’homme, sous la dure nécessité qui l’opprime ? Aspirer à ne pas mourir ? Ce serait folie. La sentence est formelle, et nul n’y échappera. Se flatter de l’espoir qu’un jour ce corps, qui devient d’abord un cadavre, et qui ensuite se dissout jusqu’à ne plus laisser la moindre trace visible de lui-même, pourrait revivre et se sentir uni de nouveau à l’âme, pour laquelle il avait été créé ? Mais qui opérera cette réunion impossible d’une substance immortelle avec une autre substance qui lui fut unie un jour, et qui depuis semble être retournée aux éléments desquels elle avait été empruntée ? O homme ! Il en est pourtant ainsi. Tu ressusciteras ; ce corps oublié, dissous, anéanti en apparence, revivra et te sera rendu. Que dis-je ? Aujourd’hui même il sort du tombeau, en la personne de l’Homme-Dieu ; notre résurrection future s’accomplit dès aujourd’hui dans la sienne ; il devient aujourd’hui aussi certain que nous ressusciterons qu’il est assuré que nous mourrons ; et c’est là encore la Pâque. Dieu, dans son courroux salutaire, cacha d’abord à l’homme cette merveille de son pouvoir et de sa bonté. Sa parole fut dure à Adam : « Tu mangeras ton pain à la sueur de ton front, jusqu’à ce que tu retournes dans la terre de laquelle tu as été tiré ; car tu es poussière, et tu retourneras dans la poussière ». Pas un mot, pas une allusion qui donne au coupable la plus légère espérance au sujet de cette portion de lui-même vouée ainsi à la destruction, à la honte du sépulcre, il fallait humilier l’ingrat orgueil qui avait voulu s’élever jusqu’à Dieu. Plus tard, le grand mystère fut manifesté, quoique avec mesure ; et il y a quatre mille ans, un homme dont le corps, dévoré d’affreux ulcères, tombait par lambeaux, pouvait dire déjà : « Je sais que j’ai un Rédempteur qui est vivant, et qu’au dernier jour je me lèverai de terre ; que mes membres seront de nouveau recouverts de ma peau, et que je verrai Dieu dans ma chair. Cette espérance repose dans mon cœur ».

Mais pour que l’attente de Job se réalisât, il fallait que ce Rédempteur, en qui il espérait, parût sur la terre, qu’il vint attaquer la mort, lutter corps à corps avec elle, qu’il la terrassât enfin. Il est venu au temps marqué, non pour faire que nous ne mourions pas : l’arrêt est trop formel ; mais pour mourir lui-même, et ôter ainsi à la mort tout ce qu’elle avait de dur et d’humiliant Semblable à ces médecins généreux que l’on a vus s’inoculer à eux-mêmes le virus de la contagion, il a commencé, selon l’énergique expression de saint Pierre, par « absorber la mort ». Mais la joie de cette ennemie de l’homme a été courte ; car il est ressuscité pour ne plus mourir, et il a acquis en ce jour le même droit à nous tous.

De ce moment, nous avons dû considérer le tombeau sous un nouvel aspect. La terre nous recevra, mais pour nous rendre, comme elle rend l’épi, après avoir reçu le grain de blé. Les éléments, au jour marqué, seront contraints, par la puissance qui les tira du néant, de restituer ces atomes qu’ils n’avaient reçus qu’en dépôt ; et au son de la trompette de l’Archange, le genre humain tout entier se lèvera de terre, et proclamera la dernière victoire sur la mort. Pour les justes ce sera la Pâque : mais une Pâque qui ne sera que la suite de celle d’aujourd’hui.

Avec quel ineffable bonheur nous retrouverons cet ancien compagnon de notre âme, cette partie essentielle de notre être humain, dont, nous aurons été séparés si longtemps ! Depuis des siècles, peut-être, nos âmes étaient ravies dans la vision de Dieu ; mais notre nature d’hommes n’était pas représentée tout entière dans cette béatitude souveraine ; notre félicité, qui doit être aussi la félicité du corps, n’avait pas son complément ; et au sein de cette gloire, de ce bonheur, il restait encore une trace non effacée du châtiment qui frappa la race humaine, dès les premières heures de son séjour sur la terre. Pour récompenser les justes par sa vue béatifique, le grand Dieu a daigné ne pas attendre le moment où leurs corps glorieux seront réunis aux âmes qui les animèrent et les sanctifièrent ; mais le ciel tout entier aspire à cette dernière phase du sublime mystère de la Rédemption de l’homme. Notre Roi, notre Chef divin qui, du haut de son trône, prononce avec majesté ces paroles : « Je suis vivant, et j’ai été mort, » veut que nous les répétions à notre tour dans l’éternité. Marie qui, trois jours après son trépas, reprit sa chair immaculée, désire voir autour d’elle, dans leur chair purifiée par l’épreuve du tombeau, les innombrables fils qui l’appellent leur Mère.

Les saints Anges, dont les élus de la terre doivent renforcer les rangs, se réjouissent dans l’attente du magnifique spectacle qu’offrira la cour céleste, lorsque les corps des hommes glorifiés, comme les fleurs du monde matériel, émailleront de leur éclat la région des esprits. Une de leurs joies est de contempler par avance le corps resplendissant du divin Médiateur qui, dans son humanité, est leur Chef aussi bien que le nôtre ; d’arrêter leurs regards éblouis sur l’incomparable beauté dont resplendissent les traits de Marie qui est aussi leur Reine. Quelle fête complète sera donc pour eux le moment où leurs frères de la terre, dont les âmes bienheureuses jouissent déjà avec eux de la félicité, se revêtiront du manteau de cette chair sanctifiée qui n’arrêtera plus les rayons de l’esprit, et mettra enfin les habitants du ciel en possession de toutes les grandeurs et de toutes les beautés de la création ! Au moment où, dans le sépulcre, Jésus, rejetant les linceuls qui le retenaient, se dressa ressuscité dans toute sa force et sa splendeur, les Anges qui l’assistaient furent saisis d’une muette admiration à la vue de ce corps qui leur était inférieur par sa nature, mais que les splendeurs de la gloire rendaient plus éclatant que ne le sont les plus radieux des Esprits célestes ; avec quelles acclamations fraternelles n’accueilleront-ils pas les membres de ce Chef victorieux se revêtant de nouveau d’une livrée glorieuse à jamais, puisqu’elle est celle d’un Dieu !

L’homme sensuel est indifférent à la gloire et à la félicité du corps dans l’éternité ; le dogme de la résurrection de la chair ne le touche pas. Il s’obstine à ne voir que le présent ; et, dans cette préoccupation grossière, son corps n’est pour lui qu’un jouet dont il faut se hâter de profiter ; car il ne dure pas. Son amour pour cette pauvre chair est sans respect ; voilà pourquoi il ne craint pas de la souiller, en attendant qu’elle aille aux vers, sans avoir reçu d’autre hommage qu’une préférence égoïste et ignoble. Avec cela, l’homme sensuel reproche à l’Église d’être l’ennemie du corps ; à l’Église qui ne cesse d’en proclamer la dignité et les hautes destinées. C’est trop d’audace et d’injustice. Le christianisme nous avertit des dangers que l’âme court de la part du corps ; il nous révèle la dangereuse maladie que la chair a contractée dans la souillure originelle, les moyens que nous devons employer pour o faire servir à la justice nos membres qui pourraient se prêter à l’iniquité » ; mais, loin de chercher à nous déprendre de l’amour de notre corps, il nous le montre destiné à une gloire et à une félicité sans fin. Sur notre lit funèbre, l’Église l’honore par le Sacrement de l’Huile sainte, dont elle marque tous ses sens pour l’immortalité ; elle préside aux adieux que l’âme adresse à ce compagnon de ses combats, jusqu’à la future et éternelle réunion ; elle brûle respectueusement l’encens autour de cette dépouille mortelle devenue sacrée depuis le jour où l’eau du baptême coula sur elle ; et à ceux qui survivent elle adresse avec une douce autorité ces paroles : « Ne soyez pas tristes comme ceux qui n’ont point d’espérance. » Or quelle est notre espérance, sinon celle qui consolait Job : Dans ma propre chair, je verrai Dieu ?

C’est ainsi que notre sainte foi nous révèle l’avenir de notre corps, et favorise, en l’élevant, l’amour d’instinct que l’âme porte à cette portion essentielle de notre être. Elle enchaîne indissolublement le dogme de la Pâque à celui de la résurrection de notre chair ; et l’Apôtre ne fait pas difficulté de nous dire que « si le Christ n’était pas ressuscité, notre foi serait vaine ; de même que si la résurrection de la chair n’avait pas lieu, celle de Jésus-Christ aurait été superflue » ; tant est étroite la liaison de ces deux vérités qui n’en font, pour ainsi dire, qu’une seule. Aussi devons-nous voir un triste signe de l’affaiblissement du véritable sentiment de la foi, dans l’espèce d’oubli où semble tombé, chez un grand nombre de fidèles, le dogme capital de la résurrection de la chair. Ils le croient, assurément, puisque le Symbole le leur impose ; ils n’ont pas même à ce sujet l’ombre d’un doute ; mais l’espérance de Job est rarement l’objet de leurs pensées et de leurs aspirations. Ce qui leur importe pour eux-mêmes et pour les autres, c’est le sort de l’âme après cette vie ; et certes, ils ont grandement raison ; mais le philosophe aussi prêche l’immortalité de l’âme et les récompenses pour le juste dans un monde meilleur. Laissez-le donc répéter la leçon qu’il a apprise de vous, et montrez que vous êtes chrétiens ; confessez hardiment la Résurrection de la chair, comme fit Paul dans l’Aréopage. On vous dira peut-être, ainsi qu’il lui fut dit : « Nous vous entendrons une autre fois sur ce sujet » ; mais que vous importe ? vous aurez rendu hommage à celui qui a vaincu la mort, non seulement en lui-même , mais en vous ; et vous n’êtes en ce monde que pour rendre témoignage à la vérité révélée, et par vos paroles et par vos œuvres.

Lorsque l’on parcourt les peintures murales des Catacombes de Rome, on est frappé d’y rencontrer partout les symboles de la résurrection des corps ; c’est, avec le Bon Pasteur, le sujet qui se retrouve le plus souvent sur ces fresques de l’église primitive ; tant ce dogme fondamental du christianisme occupait profondément les esprits, à l’époque où l’on ne pouvait se présenter au baptême sans avoir rompu violemment avec le sensualisme. Le martyre était le sort au moins probable de tous les néophytes ; et quand l’heure de confesser leur foi était arrivée, pendant que leurs membres étaient broyés ou disloqués dans les tortures, on les entendait, ainsi que leurs Actes en font foi à chaque page, proclamer le dogme de la résurrection de la chair comme l’espérance qui soutenait leur courage. Plusieurs d’entre nous ont besoin de s’instruire à cet exemple, afin que leur christianisme soit complet, et s’éloigne toujours davantage de cette philosophie qui prétend se passer de Jésus-Christ, tout en dérobant çà et là quelques lambeaux de ses divins enseignements.

L’âme est plus que le corps ; mais dans l’homme le corps n’est ni un étranger, ni une superfétation passagère. C’est à nous de le conserver avec un souverain respect pour ses hautes destinées ; et si, dans son état présent, nous devons le châtier, afin qu’il ne se perde pas et l’âme avec lui, ce n’est pas dédain, c’est amour. Les martyrs et les saints pénitents ont aimé leur corps plus que ne l’aiment les voluptueux ; en l’immolant, afin de le préserver du mal, ils l’ont sauvé ; en le flattant, les autres l’exposent au plus triste sort. Que l’on y prenne garde : l’alliance du sensualisme avec le naturalisme est facile à conclure. Le sensualisme suppose la destinée de l’homme autre qu’elle n’est, afin de pouvoir le dépraver sans remords ; le naturalisme craint les vues de la foi ; mais c’est par la foi seule que l’homme peut pénétrer son avenir et sa fin. Que le chrétien se tienne donc pour averti ; et si, en ces jours, son cœur ne tressaille pas d’amour et d’espérance à la vue de ce que le Fils de Dieu a fait pour nos corps, en ressuscitant glorieux, qu’il sache que la foi est faible en lui ; et s’il ne veut pas périr, qu’il s’attache désormais avec une entière docilité à la parole de Dieu, qui seule lui révélera ce qu’il est dès à présent, et ce qu’il est appelé à devenir.

A Rome, la Station est dans la Basilique des Douze-Apôtres. On convoquait les néophytes aujourd’hui dans ce sanctuaire dédié aux Témoins de la résurrection, et où reposent deux d’entre eux, saint Philippe et saint Jacques. La Messe est remplie d’allusions au rôle sublime de ces courageux hérauts du divin ressuscité, qui ont fait entendre jusqu’aux extrémités de la terre leur voix dont les échos retentissent, sans s’affaiblir, à travers tous les siècles.

 

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