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Regnum Galliae Regnum Mariae

Lundi de la III ème semaine de Carême

29 Février 2016 , Rédigé par Ludovicus

Collecte

Nous vous supplions, Seigneur, de répandre en toute bonté votre grâce dans nos cœurs, afin que, de même que nous nous abstenons de manger des viandes, nous retirions aussi nos sens de tout excès nuisible. Par Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Lecture

Seul le vrai Dieu purifie de la lèpre des péchés

En ces jours-là, Naaman, général de l’armée du roi de Syrie, était puissant et en grand honneur auprès de son maître, parce que le Seigneur avait sauvé par lui la Syrie. Il était vaillant et riche, mais lépreux. Or quelques voleurs, sortis de Syrie, avaient emmené captive une petite fille du pays d’Israël, qui fut depuis mise au service de la femme de Naaman. Et elle dit à sa maîtresse : Plût à Dieu que mon seigneur eût été trouver le prophète qui est à Samarie ! Il l’aurait sans doute guéri de sa lèpre. Naaman vint donc trouver son maître, et lui dit : Une jeune fille d’Israël a dit telle et telle chose. Le roi de Syrie lui répondit : Allez et j’écrirai au roi d’Israël. Il partit, prit avec lui dix talents d’argent, six mille écus d’or, et dix vêtements de rechange, et porta au roi d’Israël la lettre, qui était conçue en ces termes : Lorsque vous aurez reçu cette lettre, vous saurez que je vous ai envoyé Naaman, mon serviteur, afin que vous le guérissiez de sa lèpre. Lorsque le roi d’Israël eut lu cette lettre, il déchira ses vêtements, et dit : Suis-je un Dieu, pour pouvoir ôter et rendre la vie ? Pourquoi m’a-t-il envoyé un homme afin que je le guérisse de sa lèpre ? Remarquez et voyez qu’il cherche une occasion de dispute contre moi. Élisée, homme de Dieu, ayant appris que le roi d’Israël avait déchiré ses vêtements, lui envoya dire : Pourquoi avez-vous déchiré vos vêtements ? Que cet homme vienne à moi, et qu’il sache qu’il y a un prophète en Israël. Naaman vint donc avec ses chevaux et ses chars, et s’arrêta à la porte de la maison d’Élisée. Et Élisée lui envoya un messager pour lui dire : Allez vous laver sept fois dans le Jourdain, et votre chair se guérira, et vous serez purifié. Naaman se retirait irrité, en disant : Je croyais qu’il sortirait vers moi, et que, se tenant debout, il invoquerait le nom du Seigneur son Dieu, qu’il toucherait de sa main ma lèpre, et qu’il me guérirait. Les fleuves d’Abana, et de Pharphar, à Damas, ne sont-ils pas meilleurs que tous ceux d’Israël ? Ne puis-je pas m’y laver, et devenir pur ? Il s’était déjà retourné, et s’en allait tout indigné lorsque ses serviteurs s’approchèrent de lui, et lui dirent : Père, alors même que le prophète vous aurait ordonné une chose difficile, vous auriez dû néanmoins la faire, combien plus deviez-vous obéir, lorsqu’il vous a dit : Allez vous laver, et vous deviendrez pur. Il s’en alla donc, et se lava sept fois dans le Jourdain, selon l’ordre de l’homme de Dieu ; et sa chair devint comme la chair d’un petit enfant, et il fut guéri. Et il retourna avec toute sa suite vers l’homme de Dieu ; et il vint se présenter devant lui, et il dit : Je sais certainement qu’il n’y a pas d’autre Dieu dans toute la terre que celui qui est en Israël.

Evangile

En ce temps-là, Jésus dit aux Pharisiens : Sans doute, vous m’appliquerez ce proverbe : Médecin, guéris-toi toi-même ; les grandes choses faites à Capharnaüm, dont nous avons entendu parler, faites-les également ici, dans votre pays. Et il ajouta : En vérité, je vous le dis, aucun prophète n’est bien reçu dans sa patrie. En vérité, je vous le dis, il y avait beaucoup de veuves en Israël au temps d’Élie, lorsque le ciel fut fermé pendant trois ans et six mois, et qu’il y eut une grande famine dans tout le pays ; et cependant Élie ne fut envoyé à aucune d’elles, mais à une femme veuve de Sarepta, dans le pays de Sidon. Il y avait aussi beaucoup de lépreux en Israël au temps du prophète Élisée ; et aucun d’eux ne fut guéri, si ce n’est Naaman, le Syrien. Ils furent tous remplis de colère, dans la synagogue, en entendant ces paroles. Et se levant, ils le chassèrent hors de la ville, et ils le menèrent jusqu’au sommet de la montagne sur laquelle leur ville était bâtie, pour le précipiter en bas. Mais lui, passant au milieu d’eux, s’en alla.

Oraison

Que votre miséricorde nous vienne en aide, Seigneur, en sorte que votre protection nous arrache aux périls imminents où nos péchés nous engagent ; et que votre intervention libératrice nous conduise au salut. Par N.-S.

Office

1ère leçon

Homélie de saint Ambroise, évêque

Ce n’est pas une animosité banale qui se fait jour ici ! Oublieuse de l’amour que l’on doit à des compatriotes, elle fait tourner en haine cruelle les motifs d’aimer. En même temps, exemple et parole enseignent que tu attendras vainement le secours de la miséricorde céleste, si tu te montres jaloux des fruits de la vertu des autres car le Seigneur méprise les envieux et il détourne les merveilles de sa puissance de ceux qui s’en prennent chez autrui aux bienfaits divins. En effet, la façon dont le Seigneur s’est comporté dans la chair est l’image de son action divine et sa nature invisible se manifeste à nous par ses dehors visibles.

2e leçon

Ce n’est donc pas sans raison que le Sauveur se disculpe de n’avoir pas accompli de miracles de sa puissance dans sa patrie ; ainsi nul ne sera tenté de croire que l’amour de la patrie doive compter pour peu de chose à nos yeux. Il ne pouvait pas ne point aimer ses concitoyens, lui qui aimait tous les hommes ; ce sont eux qui, par leur haine, se sont soustraits à cet amour qu’il portait à sa patrie. « En vérité, je vous le dis, il y avait beaucoup de veuves au temps d’Élie. » Non que ces jours appartenaient à Élie : c’était le temps où Élie accomplit ses oeuvres, ou encore : il faisait naître le jour pour ceux qui discernaient dans ses œuvres la lumière de la grâce spirituelle et se convertissaient au Seigneur. Et ainsi, le ciel s’ouvrait pour ceux qui voyaient les mystères divins et éternels ; il se fermait, et c’était la famine, quand venait à manquer l’abondance de la connaissance de Dieu. Mais nous avons traité de cela plus amplement dans notre écrit sur les veuves.

3e leçon

« Il y avait beaucoup de lépreux en Israël sous le prophète Élisée et aucun d’eux ne fut purifié, sinon Naaman, le Syrien. » Il est clair que cette parole du Seigneur notre Sauveur veut nous instruire et nous exhorter à rendre à Dieu un hommage empressé ; elle montre que nul n’est guéri et délivré de la maladie qui marque sa chair, s’il n’a recherché la santé avec un soin ardent et religieux. Car les bienfaits de Dieu ne vont pas au dormeur mais à qui sait veiller. Nous avons dit ailleurs que cette veuve vers laquelle Élie fut envoyé, préfigurait l’Église. Il convient que le peuple vienne après l’Église. Je veux parler de ce peuple rassemblé d’entre les étrangers, de ce peuple autrefois lépreux, de ce peuple autrefois couvert de taches impures, avant qu’il ne fût baptisé dans le fleuve mystique. Ce même peuple, aussitôt consommés les mystères du baptême, est purifié dans son corps et son âme. Il n’était que lèpre, voici qu’il devient une vierge sans tache ni ride.

La Station est dans l’Église de Saint-Marc, bâtie au IVe siècle en l’honneur de l’Évangéliste de ce nom, par le pape saint Marc, dont le corps y repose encore aujourd’hui.

LEÇON.

Hier, la sainte Église annonçait l’approche du Baptême pour nos Catéchumènes ; aujourd’hui, elle leur présente une histoire de l’Ancien Testament qui renferme un symbole de ce bain salutaire que leur a préparé la miséricorde divine. La lèpre de Naaman est la figure du péché ; cette hideuse maladie n’a pour l’officier syrien qu’un seul remède : il faut qu’il se baigne sept fois dans les eaux du Jourdain, et il sera guéri. Le Gentil, l’infidèle, l’enfant qui naît avec la tache originelle, tous peuvent devenir justes et saints, mais par l’eau seulement et par l’invocation de la glorieuse Trinité. Naaman trouve qu’un tel remède est trop vulgaire ; il doute, il hésite ; dans sa sagesse humaine, il voudrait un moyen plus digne de lui, un prodige sensible qui pût lui faire honneur autant qu’au Prophète. Au temps de la prédication apostolique, plus d’un Gentil raisonna de même ; mais ceux qui crurent avec simplicité à la vertu de l’eau sanctifiée par Jésus-Christ reçurent la régénération ; et la fontaine baptismale enfanta un nouveau peuple formé de tous les peuples qui sont sous le ciel. Naaman, figure de la gentilité, se résolut enfin à croire ; et sa foi fut récompensée par une guérison complète. Ses chairs putréfiées devinrent semblables à celles de l’enfant chez qui les sources de la vie n’ont point encore été altérées. Glorifions Dieu qui a donné cette vertu aux eaux, et qui, par sa grâce, produit dans les âmes dociles cette foi à laquelle il réserve une si précieuse récompense.

ÉVANGILE.

Nous venons d’entendre le Sauveur proclamer encore le mystère de la vocation des Gentils à la place des Juifs incrédules ; et notre Naaman est cité ici comme un exemple de cette miséricordieuse substitution. Jésus rappelle aussi la veuve de Sarepta, l’hôtesse d’Élie, dont nous avons lu l’histoire il y a quelques jours. Cette effrayante résolution du Seigneur de transporter sa lumière d’un peuple à l’autre irrite les pharisiens de Nazareth contre le Messie. Ils savent que Jésus, qui, à ce moment, n’était encore qu’au début de sa prédication, vient d’opérer de grandes merveilles dans Capharnaüm : ils voudraient le voir illustrer leur petite ville par quelques signes semblables ; mais Jésus sait qu’ils ne se convertiraient pas. Le connaissent-ils seulement ? Il a atteint au milieu d’eux l’âge de trente ans, «croissant toujours en âge et en sagesse devant Dieu et devant les hommes» ; mais ces puissants du siècle ne faisaient guère attention à un pauvre ouvrier, au fils du charpentier. Savent-ils môme que, si Jésus a fait un long séjour à Nazareth, ce n’est cependant pas dans cette ville, mais à Bethléhem, qu’il est né ? Devant eux, dans la synagogue de Nazareth, il vient d’expliquer le prophète Isaïe avec une éloquence et une grâce merveilleuses ; il annonçait que le temps de la miséricorde était arrivé. Son discours, qui étonna et ravit l’assistance, a moins frappé les sages de la ville que le bruit des prodiges qu’il vient d’opérer dans un pays voisin. Ils veulent lui voir faire quelque miracle sous leurs yeux, comme un vain spectacle ; ils ne l’obtiendront pas. Qu’ils se rappellent le discours que Jésus a fait dans la synagogue, et surtout qu’ils tremblent en l’entendant annoncer le retour des Gentils. Mais le divin Prophète n’est point écouté dans sa propre ville ; et si sa puissance ne l’eût soustrait à la férocité de ses indignes compatriotes, le sang du Juste eût été répandu dès ce jour-là. C’est la triste gloire de l’ingrate Jérusalem, « que nul prophète ne doit périr, si ce n’est dans ses murs ».

 

 

 

 

 

 

 

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Comment nous devons nous convertir au Seigneur

28 Février 2016 , Rédigé par Ludovicus

Comment nous devons nous convertir au Seigneur.

DEUXIÈME SERMON POUR LE PREMIER JOUR DU CARÊME. Saint Bernard

1. Maintenant donc, dit le Seigneur Tout-Puissant, convertissez-vous à moi, de tout votre coeur, dans les jeûnes, dans les larmes et dans les gémissements. Déchirez vos coeurs, non vos vêtements (Jo. II, 12.et 13). » Que veut dire le, Seigneur, quand il nous ordonne, mes bien aimés frères, de nous convertir à lui? En effet, n'est-il point partout et ne remplit-il point l'univers entier de sa présence ? Où me tourner pour me tourner vers vous, Seigneur mon Dieu? Si je monte dans le ciel, vous y faites votre demeure, et si je descends dans l'enfer, vous y êtes présent (Ps. CXXXVIII, 8). Que voulez-vous que je fasse ? Où me tourner pour me tourner vers vous ? Est-ce en haut, est-ce en bas? Est-ce à droite, est-ce à gauche, que je me tournerai ? Mes frères, ces paroles cachent une pensée, un secret qui n'est dévoilé qu'aux amis. C'est un mystère du royaume de Dieu, il n'en est parlé ouvertement qu'aux apôtres, dans le tuyau de l’oreille, quant au reste des hommes, il ne leur est parlé qu'en paraboles. « Si vous ne vous convertissez, dit-il, et si vous ne devenez semblables à ce petit enfant, vous n'entrerez point, dans le royaume des cieux (Mt. XVIII, 3).» Je comprends parfaitement maintenant en quel sens il veut que nous nous tournions vers lui. C'est vers lui enfant, qu'il veut que nous nous tournions, afin que nous apprenions de lui qu'il est doux et humble de coeur; il ne nous a été donné enfant que pour cela. Sans doute il est grand aussi, mais il ne l'est que dans la cité de Dieu, à qui s'adressent ces paroles : « Séjour de Sion, tressaille d'allégresse et loue le Seigneur, parce que le grand Saint d'Israël est dans ton sein (Is. XII, 6). » O homme, pourquoi t'enfles-tu? Pourquoi t'élèves-tu sans cause ? Pourquoi ces pensées de grandeur et ces regards toujours dirigés vers ce qui est élevé et qui ne peut être bon pour toi? Sans doute, le Seigneur est grand, mais ce n'est pas en tant que tel qu'il t'est proposé en exemple ; s'il faut louer sa grandeur, on ne saurait en même temps l'imiter. Sa magnificence est également élevée, tu ne pourras jamais l'égaler, en vain tu t'enflerais au point d'en crever, jamais tu ne pourras y atteindre. Il est dit ; « L'homme descendra au fond de son cœur et Dieu sera éleva, LXIII, 8). » En effet, Dieu est élevé, mais il regarde les choses basses et humbles et ne voit que de loin celles qui sont élevées (Ps. CXXXVII, 6). » Telle est la loi de la piété, et c'est pour l'établir que vous avez tant souffert, Seigneur. S'il nous avait indiqué la voie de la grandeur, et que ce fut la seule qui conduisit au salut de Dieu, que ne feraient point les hommes pour s'élever? Avec quelle charité ils se renverseraient les uns les autres, et se fouleraient aux pieds ? Avec quelle impudence ils ramperaient sur les pieds et sur les mains, pour arriver en haut, et pour s'élever au dessus de tous leurs semblables? Or, il est certain que ceux qui veulent s'élever au dessus de leurs voisins, rencontreront bien des difficultés, auront beaucoup de rivaux, trouveront bien des contradicteurs, bien des gens qui s'efforceront aussi de s'élever de leur côté. Au contraire, rien de plus facile que de s'humilier si on le veut. Voilà, mes bien-aimés, ce qui nous rend tout à fait inexcusables et ne nous laisse pas la ressource du voile le plus léger.

2. Mais voyons maintenant comment nous pourrons nous tourner vers cet enfant, vers ce maître de mansuétude et d'humilité : « Convertissez-vous à moi, dit le Seigneur, de tout votre coeur. » Mes frères, si le Seigneur s'était contenté de nous dire : « convertissez-vous, sans rien ajouter, peut-être aurions-nous pu répondre : c'est fait, vous pouvez maintenant nous prescrire autre chose. Mais il nous parle là, si je l'entends bien, d'une conversion toute spirituelle, qui ne saurait être l'œuvre d'un seul jour; plût au ciel même qu'elle pût s'accomplir pendant le cours entier de la vie présente. Quant à la conversion du corps, si elle est seule, elle est nulle, car cette sorte de conversion, qui n'en est pas une véritable, n'est qu'une vaine apparence de conversion. Combien à plaindre est l'homme qui, tout entier adonné aux choses du dehors, et oublieux de son intérieur, se croit quelque chose tandis qu'il n'est rien ! il se trompe lui-même. «Je me suis répandu comme l'eau, dit le Psalmiste, et tous mes os se sont disloqués (Ps. XXI, 5).» Un autre Prophète a dit aussi : «Des étrangers ont dévoré toute sa joie et il ne s'en est même point aperçu (Os. VII, 9).» Comme il ne regarde que l'extérieur il croit que tout va bien pour lui, parce qu'il ne voit point le ver qui le ronge à l'intérieur. Il a toujours la tonsure, ses vêtements n'ont point changé, il pratique ses jeûnes et chante l'office aux heures indiquées, mais «son cœur est bien loin de moi, dit le Seigneur (Mc. VII, 4). »

3. Mais veuillez remarquer quel est l'objet de votre amour ou de votre crainte, de votre joie ou de votre tristesse, et vous trouverez que vous avez un coeur mondain sous l'habit du religieux, un cœur pervers sous les dehors de la conversion. Le cœur est en effet tout entier dans ces quatre sentiments, et je crois que c'est d'eux qu'il faut entendre ces mots, convertissez-vous à Dieu de tout votre coeur. Que votre cœur se convertisse donc, c'est-à-dire, qu'il n'aime que Dieu ou du moins que pour Dieu; que votre crainte se convertisse également à lui, car toute crainte qui n'a pas Dieu pour objet, ou ne se rapporte pas à lui, est mauvaise. De même que votre joie et votre tristesse se convertissent à lui de la même manière. Or il en sera ainsi, si vous ne vous affligez ou ne vous réjouissez qu'en lui. Que peut-il se voir, en effet, de plus pervers, que de se réjouir quand on a mal fait, et d'être heureux des pires choses ? D'un autre côté toute tristesse qui est selon la chair donne la mort (II Cor. VII, 10). Si donc vous vous affligez à cause de vos péchés ou de ceux du prochain, c'est bien, et votre tristesse est salutaire. Si vous vous réjouissez des grâces de Dieu, votre joie est sainte, et vous pouvez la goûter en toute sécurité dans le Saint-Esprit. Vous devez même vous réjouir, en Notre-Seigneur Jésus-Christ, du bonheur de vos frères, et gémir de même de leurs malheurs, selon ce qui est écrit : « Soyez dans la joie avec ceux qui s'y trouvent, et dans les larmes avec ceux qui en versent (Rm. XII, 15). »

4. Toutefois il faut bien se garder de mépriser même la conversion du corps, attendu qu'elle n'est pas une preuve sans importance de la conversion du coeur. Voilà pourquoi, dans le passage que j'ai cité, le Seigneur, après avoir dit : «de tout votre coeur» ajoute : «dans le jeûne» ce qui ne concerne que le corps. Mais à ce sujet, je veux que vous sachiez bien, mes frères, que vous devez jeûner non seulement des aliments du corps, mais de tout ce qui flatte la chair et de tout ce qui est un plaisir pour le corps. Je dis plus, vous devez jeûner plus rigoureusement de vices que de pain. Il est même un pain dont je ne veux pas que vous jeûniez jamais, de peur que vous ne tombiez en défaillance le long du chemin ; et si vous ne savez de quel pain je veux parler, je vous dirai que c'est du pain de vos larmes, selon les paroles mêmes de mon texte: «dans le jeûne, dans les larmes et les gémissements.» En effet, le regret de notre vie passée réclame de nous des gémissements, et le désir de la félicité future doit faire couler nos larmes. Le Prophète a dit : «Mes larmes ont été mon pain le jour et la nuit, quand on me disait tous les jours, où est ton Dieu (Ps. XLI, 4).» La nouveauté de cette vie a peu de charmes pour celui qui ne gémit point sur le passé, qui ne déplore point les péchés qu'il a commis, et qui ne pleure point sur le temps perdu. Si vous ne pleurez point, c'est que vous ne sentez pas les blessures de votre âme, les coups portés à votre conscience. De même vous ne ressentez pas un bien vif désir des joies futures si vous ne les appelez point tous les jours avec larmes, et vous les connaissez bien peu, si votre âme ne refuse pas toute consolation jusqu'à ce qu'elle en jouisse.

5. Puis, le Prophète continue : «déchirez vos coeurs et non point vos vêtements.» Ces paroles sont évidemment un reproche adressé à la dureté de coeur et aux vaines superstitions des Juifs. En effet, ils déchiraient volontiers leurs vêtements mais non leurs coeurs. Comment d'ailleurs auraient-ils pu déchirer des coeurs de pierre qu'on ne pouvait même circoncire. « Déchirez vos coeurs, dit donc le Prophète, et non vos vêtements. Où est parmi nous celui dont la volonté tient ordinairement un peu trop de l'entêtement ? Que celui-là déchire son coeur avec le glaive de l'esprit, qui n'est autre que la parole de Dieu. Qu'il le brise et se hâte de le réduire en poudre, car ce n'est point se convertir à Dieu de tout son coeur, que de le faire sans l'avoir brisé. Et jusqu'à ce qu'on le retrouve dans cette Jérusalem dont toutes les parties sont dans une parfaite union entre elles, il nous sera toujours prescrit bien des choses : Or si nous péchons en un point de la loi, nous sommes coupables comme l'ayant violée tout entière (Jc. II. 10). Le sage a dit : «L'esprit du Seigneur est multiple (Sg. VII, 22); » or comment suivre un esprit multiple si on ne se multiplie soi-même. Mais écoutez un homme que Dieu avait trouvé selon son coeur. «Mon Dieu, mon cœur est préparé, dit-il, mon coeur est prêt (Ps. LVI, 8).» Préparé à l'adversité, préparé pour la prospérité : prêt pour les grandes choses, prêt pour les humbles, il est prêt à tout ce que vous ordonnerez. Voulez-vous faire de moi un pasteur de brebis? Voulez-vous me placer à la tête des peuples? Mon cœur est tout prêt, Seigneur, mon cœur est préparé. Qui est comme David, disposé à sortir, ou à entrer, ou hier à marcher à la volonté du Roi ? Il disait encore, en parlant des pécheurs : « Leur cœur s'est épaissi comme le lait, mais pour moi je me suis appliqué à la méditation de votre loi (Ps. CXVIII, 70).» La dureté du coeur, l'obstination de l'esprit ne viennent que de ce que nous méditons notre propre volonté, au lieu de méditer la loi de Dieu.

6. Eh bien, mes chers amis, déchirons donc nos coeurs, et conservons nos vêtements intacts. C'est un bon vêtement que la charité, un excellent vêtement que l'obéissance. Heureux ceux qui la conservent avec soin, pour ne point aller nus. D'ailleurs, «bienheureux ceux dont les péchés sont couverts (Ps. XXXI, V)» or, « La charité couvre une multitude de péchés (Jc. 20). » Oui, déchirons nos coeurs, selon ce qui est dit, pour conserver entiers ces vêtements-là, comme a été conservée intacte la robe du Sauveur. Non seulement se déchirer le cœur est un moyen de conserver sa robe entière, mais c'est même la manière d'en faire une robe traînante, et de couleurs variées, telle que celle que le Patriarche Jacob a donnée au fils qu'il aimait plus que tous ses autres enfants (Gn. XXXVII, 3). C'est en effet le moyen de persévérer dans les vertus et de donner à la vie entière de belles et harmonieuses couleurs. C'est de ce déchirement du cœur que vient la beauté de celle qui est la fille du Roi, au milieu des franges d'or et des divers vêtements dont elle est environnée (Ps. XLIV, 15). Cependant on peut encore entendre d'une autre manière ce déchirement du coeur, en ce sens que s'il est mauvais, il faut, en le déchirant, l'ouvrir à la componction et, s'il est dur, l'ouvrir à la compassion. En effet, n'ouvre-t-on point un ulcère pour livrer passage à l'humeur corrompue qu'il renferme ? Pourquoi donc ne déchirerait-on point le coeur pour qu'il se répande par les entrailles de la charité ? Il est doublement bon qu'il soit ainsi déchiré, pour que le virus du péché ne demeure point enfermé et caché dans le coeur, et pour que nous ne fermions point les entrailles de la miséricorde à notre prochain dans le besoin, afin que nous puissions, nous aussi, obtenir miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui est Dieu et béni par-dessus tout, dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

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III ème dimanche de Carême

28 Février 2016 , Rédigé par Ludovicus

III ème dimanche de Carême

Collecte

Nous vous en prions, Dieu tout-puissant, ayez égard aux vœux de nos cœurs humiliés, et pour nous défendre, étendez le bras de votre majesté. Par Notre-Seigneur.

Epitre

Mes frères : Soyez donc les imitateurs de Dieu comme des enfants bien-aimés, et marchez dans l’amour, comme le Christ, qui nous a aussi aimés, et qui s’est livré lui-même pour nous à Dieu, comme une oblation et un sacrifice d’agréable odeur.

Que la fornication, et toute impureté, ou l’avarice ne soient pas même nommés parmi vous, comme il convient à des saints ; non plus que ce qui est déshonnête, les propos insensés, les paroles bouffonnes, toutes choses qui sont malséantes ; qu’on entende plutôt des actions de grâces.

Car, sachez-le bien, aucun fornicateur, aucun impudique, aucun avare, ce qui est une idolâtrie, n’a d’héritage dans le royaume du Christ et de Dieu.

Que personne ne vous séduise par de vains discours ; car c’est à cause de ces choses que la colère de Dieu vient sur les hommes rebelles.

N’ayez donc aucune part avec eux. Car vous étiez autrefois ténèbres ; mais maintenant vous êtes lumière dans le Seigneur. Marchez comme des enfants de lumière ; car le fruit de la lumière consiste en toute sorte de bonté, de justice et de vérité.

Evangile

En ce temps-là, Jésus chassait un démon, et ce démon était muet. Et lorsqu’il eut chassé le démon, le muet parla, et les foules furent dans l’admiration. Mais quelques-uns d’entre eux dirent : C’est par Béelzébub, prince des démons, qu’il chasse les démons. Et d’autres, pour le tenter, lui demandaient un signe qui vînt du ciel. Mais lui, ayant vu leurs pensées, leur dit : Tout royaume divisé contre lui-même sera dévasté, et la maison tombera sur la maison. Si donc Satan est aussi divisé contre lui-même, comment son règne subsistera-t-il ? Car vous dites que c’est par Béelzébub que je chasse les démons. Or si c’est par Béelzébub que je chasse les démons, par qui vos fils les chassent-ils ? C’est pourquoi ils seront eux-mêmes vos juges. Mais si c’est par le doigt de Dieu que je chasse les démons, assurément le royaume de Dieu est arrivé jusqu’à vous. Lorsque l’homme fort, armé, garde sa maison, ce qu’il possède est en paix. Mais si un plus fort que lui survient et triomphe de lui, il emportera toutes ses armes, dans lesquelles il se confiait, et il distribuera ses dépouilles. Celui qui n’est point avec moi est contre moi, et celui qui ne recueille pas avec moi dissipe. Lorsque l’esprit impur est sorti d’un homme, il va par des lieux arides, cherchant du repos ; et n’en trouvant pas, il dit : Je retournerai dans ma maison, d’où je suis sorti. Et quand il arrive, il la trouve balayée et ornée. Alors il s’en va, et prend avec lui sept autres esprits, plus méchants que lui, et entrant dans cette maison, ils y habitent. Et le dernier état de cet homme devient pire que le premier. Or il arriva, tandis qu’il disait ces choses, qu’une femme, élevant la voix du milieu de la foule, lui dit : Heureux le sein qui vous a porté et les mamelles qui vous ont allaité. Mais il dit : Heureux plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui la gardent.

Office

1ère leçon

Du Livre de la Genèse

Joseph, âgé de seize ans, et n’étant encore qu’un enfant, conduisait le troupeau de son père avec ses frères, et il était avec les enfants de Bala et de Zelpha, femmes de son père. Il accusa alors ses frères, devant son père, d’un crime énorme. Israël aimait Joseph plus que tous ses autres enfants, parce qu’il l’avait eu étant déjà vieux ; et il lui avait faire une robe de plusieurs couleurs. Ses frères, voyant donc que leur père l’aimait plus que tous ses autres enfants, le haïssaient et ne pouvaient lui parler avec douceur. Il arriva aussi que Joseph rapporta à ses frères un songe qu’il avait eu, qui fut encore la semence d’une plus grande haine. Car il leur dit : « Ecoutez le songe que j’ai eu. Il me semblait que je liais des gerbes dans la campagne, que ma gerbe se leva et se tient debout, et que les vôtres, entourant la mienne, l’adoraient. » Ses frères lui répondirent : « Est-ce que tu seras notre roi, et serons-nous soumis à ta puissance ? » Ces songes et ses entretiens allumèrent donc encore davantage l’envie et la haine qu’ils avaient contre lui. Il eut encore un autre songe, qu’il raconta à ses frères, en leur disant : « J’ai vu en songe que le soleil et la lune, et onze étoiles m’adoraient. » Lorsqu’il eut rapporté ce songe à son père et à ses frères, son père lui en fit réprimande, et il lui dit : « Que voudrait dire ce songe que tu as eu ? Est-ce que ta mère, tes frères et moi nous t’adorerons sur la terre ? »

2e leçon

Ainsi ses frères étaient transportés d’envie contre lui ; mais son père considérait tout cela en silence. Il arriva alors que les frères de Joseph s’arrêtèrent à Sichem, où ils faisaient paître les troupeaux de leur père. Et Israël dit à Joseph : « Tes frères font paître nos brebis dans le pays de Sichem ; viens, et je t’enverrai vers eux. » « Je suis tout prêt, lui dit Joseph. » Jacob ajouta : « Va, et vois si tes frères se portent bien et si les troupeaux sont en bon état, et tu me rapporteras ce qui se passe. » Ayant donc été envoyé de la vallée d’Hébron, il vint à Sichem ; et un homme, l’ayant trouvé errant dans la campagne, lui demanda ce qu’il cherchait. Il lui répondit : « Je cherche mes frères ; je vous prie de me dire où ils font paître leurs troupeaux. » Cet homme lui répondit : « Ils se sont retirés de ce lieu, et j’ai entendu qu’ils se disaient : Allons vers Dothaïn. » Joseph alla donc après ses frères, et il les trouva à Dothaïn. Lorsqu’ils l’eurent aperçu de loin, avant qu’il se fût approché d’eux, ils résolurent de le tuer ; et ils se disaient l’un à l’autre : « Voici notre songeur qui vient. Allons, tuons-le et jetons-le dans une vieille citerne ; nous dirons qu’une bête sauvage l’a dévoré, et après cela on verra à quoi ses songes lui auront servi. »

3e leçon

Ruben, les ayant entendus parler ainsi, tâchait de le tirer d’entre leurs mains, et il leur disait : « Ne le tuez point et ne répandez point son sang, mais jetez-le dans cette citerne qui est au désert, et conservez vos mains pures. » Il disait cela dans le dessein de le tirer de leurs mains et de le rendre à son père. Aussitôt donc que Joseph fut arrivé près de ses frères, ils lui ôtèrent sa robe de plusieurs couleurs, qui le couvrait jusqu’en bas ; et ils le jetèrent dans cette vieille citerne, qui était sans eau. S’étant ensuite assis pour manger, ils virent des Ismaëlites qui passaient, et qui, venant de Galaad, portaient sur leurs chameaux des parfums, de la résine et de la myrrhe, et s’en allaient en Egypte. Judas dit alors à ses frères : Que nous servira si nous tuons notre frère et nous cahcons son sang ? Il vaut mieux qu’il soit vendu aux Ismaélites, et que nos mains ne soient pas souillées ; car il est notre frère et notre chair. Ses frères acquiescèrent à ses discours. Et des marchands Madianites passant, ils le retirèrent de la citerne et le vendirent vingt pièces d’argent aux Ismaélites qui le menèrent en Egypte.

4e leçon

Livre de l’évêque saint Ambroise sur le Patriarche Joseph

C’est pour les autres une règle de conduite que la vie des saints. Aussi l’Ecriture nous en offre-t-elle une série ample et ordonnée. Cette lecture nous fait connaître Abraham, Isaac, Jacob et d’autres justes. Leur vie, tel un sentier d’innocence, frayé par leur vertu, s’ouvre aux pas de notre imitation. J’ai eu souvent déjà l’occasion d’en parler. Aujourd’hui se présente l’histoire du saint patriarche Joseph. De nombreuses vertus le signalent à notre admiration, mais c’est la chasteté qui brille en lui d’un éclat sans pareil. Ainsi donc, nous avons reçu d’Abraham l’enseignement d’une inlassable dévotion de foi, d’Isaac, celui d’une parfaite pureté de cœur, de Jacob, celui d’une remarquable fermeté d’âme et de patience dans les épreuves. Il convient de passer de la considération de ces types généraux de vertus à des enseignements plus particuliers.

5e leçon

Que le saint patriarche Joseph nous apparaisse donc comme un miroir de chasteté. En sa conduite et en ses actes brille la pudeur et se répand l’éclat de ce charme inséparable de la chasteté. C’est pour cela même que ses parents l’aimaient plus que leurs autres fils. Or, de cette préférence naquit la haine. C’est un fait à ne pas oublier, car il commande tout l’enchaînement de l’histoire ; de plus, nous apprenons par là que l’homme parfait ne se laisse pas ébranler par la violence d’une douleur à venger et ne rend pas le mal pour le mal. Aussi David a-t-il dit : « Si j’ai rendu le mal à qui me le faisait que je tombe devant mes ennemis. »

6e leçon

En effet, pourquoi Joseph aurait-il mérité qu’on le préfère aux autres, s’il avait voulu faire du tort à qui lui en faisait, et aimer seulement qui l’aimait ? Cela, la plupart le font. Mais voici ce qui est admirable, c’est d’aimer son ennemi, comme le Sauveur l’enseigne. Il mérite à bon droit qu’on l’admire, celui qui a fait cela avant l’Evangile. Offensé, il ne tient pas rigueur ; attaqué, il pardonne ; vendu, il ne compte pas le dommage, mais au contraire, il paie en bienfait le prix de l’outrage. Cela, l’Evangile nous l’a appris à tous, et nous ne savons pas l’observer. Même les saints ont éprouvé la haine, apprenons-le pour imiter leur patience et sachons qu’ils n’étaient pas d’une nature supérieure à la nôtre, mais d’une plus généreuse fidélité au devoir. Ils n’ont pas ignoré le vice, mais ils ont su le vaincre. Si donc la brûlure de la haine a touché même les saints, combien plus ne faut-il pas craindre qu’elle n’atteigne les pécheurs.

7e leçon

Homélie de saint Bède le Vénérable, prêtre

Dans Matthieu on raconte que ce démoniaque est non seulement muet mais aveugle aussi. Il fut guéri par le Seigneur, nous dit-on, si bien qu’il pouvait parler et voir. Trois miracles sont accomplis simultanément dans un seul homme : l’aveugle voit ; le muet parle ; le possédé est délivré du démon. Mais ce qui fut fait alors dans la chair, s’accomplit chaque jour dans la conversion des croyants. Une fois le démon expulsé, ils perçoivent la lumière de la foi, ensuite la bouche, jadis muette, s’ouvre pour louer Dieu. « Mais il s’en trouva pour dire : C’est par Béelzéboub, le chef des démons, qu’il chasse les démons. » Ceux qui dénigraient ainsi, n’étaient pas des personnes dans la foule, mais des scribes et des pharisiens comme l’attestent d’autres évangélistes.

8e leçon

Car les foules, bien que manifestement moins instruites, s’émerveillaient toujours des faits et gestes da Seigneur ; tandis que ceux-ci les niaient, ou bien, s’ils ne trouvaient rien à nier, ils s’efforçaient de les dénaturer par une interprétation malveillante ; comme s’ils eussent été l’œuvre, non de la divinité, mais de l’esprit impur. « D’autres, pour le mettre à l’épreuve, lui demandaient un signe venant du ciel.» Ils désiraient, par exemple, qu’à la manière d’Elie, il fasse venir le feu du ciel, ou bien, semblable à Samuel, qu’il fasse, par un beau temps d’été, gronder le tonnerre, briller les éclairs, et tomber l’averse à torrents ; comme s’ils ne pouvaient dénigrer cela aussi et affirmer l’effet dû aux causes occultes et aux diverses perturbations atmosphériques, mais toi qui ergotes sur ce que tu vois de tes yeux, ce que tu tiens en mains, ce que tu perçois à l’usage, que ferais-tu de ce qui viendrait du ciel ? Sans doute répondras-tu que les mages en Egypte faisaient aussi beaucoup de signes dans le ciel.

9e leçon

« Mais lui, sachant leur pensée leur dit : Tout royaume divisé contre lui-même va à sa ruine, et maison sur maison s’écroule. » Il répond aux pensées, non aux paroles ; ainsi seraient-ils forcés, sans doute, d’admettre la puissance de celui qui voyait les secrets du cœur. Mais si tout royaume divisé contre lui-même va à sa ruine, alors le royaume du Père et du Fils et de l’Esprit-Saint n’est pas divisé ; car, sans conteste, il ne sera ruiné par aucun assaut, mais il doit subsister éternellement. « Si donc Satan est divisé contre lui-même, comment son royaume tiendra-t-il, puisque vous dites que c’est par Béelzéboub que moi, je chasse les démons ? » En disant ceci il voulait leur faire comprendre, par leur propre aveu, qu’en refusant de croire en lui, ils ont opté pour le royaume du diable, qui ne peut évidemment pas tenir divisé contre lui-même.

La sainte Église, qui, au premier Dimanche de Carême, nous a proposé la tentation de Jésus-Christ au désert pour sujet de nos méditations, afin de nous éclairer sur la nature de nos propres tentations, et sur la manière dont nous en devons triompher, nous fait lire aujourd’hui un passage de l’Évangile de saint Luc, dont la doctrine est destinée à compléter notre instruction sur la puissance et les manœuvres de nos ennemis invisibles. Durant le Carême, le chrétien doit réparer le passé et assurer l’avenir ; il ne pourrait se rendre compte du premier, ni défendre efficacement le second, s’il n’avait des idées saines sur la nature des périls auxquels il a succombé, et sur ceux qui le menacent encore. Les anciens liturgistes ont donc reconnu un trait de la sagesse maternelle de l’Église dans le discernement avec lequel elle propose aujourd’hui à ses enfants cette lecture, qui est comme le centre des enseignements de la journée.

Nous serions assurément les plus aveugles et les plus malheureux des hommes, si, environnés comme nous le sommes d’ennemis acharnés à notre perte et très supérieurs à nous en force et en adresse, nous en étions venus à ne pas songer souvent à leur existence, peut-être même à n’y réfléchir jamais. Tel est cependant l’état dans lequel vivent un nombre immense de chrétiens de nos jours : tant « les vérités sont diminuées parmi les enfants des hommes ». Cet état d’insouciance et d’oubli sur un objet que les saintes Écritures nous rappellent à chaque page, est tellement répandu, qu’il n’est pas rare de rencontrer des personnes aux yeux desquelles l’action continue des démons autour de nous n’est rien autre chose qu’une croyance gothique et populaire qui n’appartient point aux dogmes de la religion. Tout ce qu’en racontent l’histoire de l’Église et la vie des Saints est pour eux comme s’il n’existait pas. Pour eux, Satan semble n’être qu’une pure abstraction sous laquelle on aurait personnifié le mal.

S’agit-il d’expliquer le péché en eux-mêmes ou dans les autres ? Ils vous parlent du penchant que nous avons au mal, du mauvais usage de notre liberté ; et ils ne veulent pas voir que l’enseignement chrétien nous révèle en outre dans nos prévarications l’intervention d’un agent malfaisant, dont la puissance est égale à la haine qu’il nous porte. Cependant, ils savent, ils croient sincèrement que Satan a conversé avec nos premiers parents et les a entraînés dans le mal, en se montrant à eux sous la forme d’un serpent. Ils croient que ce même Satan a osé tenter le Fils de Dieu incarné, qu’il l’a enlevé par les airs jusque sur le sommet du temple, et de là sur une haute montagne. Ils lisent aussi dans l’Évangile et ils croient qu’un des malheureux possédés qui furent délivrés par le Sauveur était assiégé d’une légion entière d’esprits infernaux, que l’on vit, sur la permission qu’ils en reçurent, fondre sur un troupeau de porcs et le précipiter dans le lac de Génésareth. Ces faits et mille autres sont l’objet de leur foi ; et avec cela tout ce qu’ils entendent dire de l’existence des démons, de leurs opérations, de leur adresse à séduire les âmes, leur semble fabuleux. Sont-ils chrétiens, ou ont-ils perdu le sens ? On ne saurait répondre, surtout lorsqu’on les voit se livrer de nos jours à des consultations sacrilèges du démon, à l’aide de moyens renouvelés des siècles du paganisme, sans qu’ils paraissent se rappeler, ni même savoir qu’ils commettent un crime que Dieu, dans l’ancienne loi, punissait de mort, et que la législation de tous les peuples chrétiens, durant un grand nombre de siècles, a frappé du dernier supplice.

Mais s’il est une époque de l’année où les fidèles doivent méditer ce que la foi et l’expérience nous apprennent sur l’existence et les opérations des esprits de ténèbres, c’est assurément ce temps où nous sommes, durant lequel nous avons tant à réfléchir sur les causes de nos péchés, sur les dangers de notre âme, sur les moyens de la prémunir contre de nouvelles chutes et de nouvelles attaques. Écoutons donc le saint Évangile. Il nous apprend d’abord que le démon s’était emparé d’un homme, et que l’effet de cette possession avait été de rendre cet homme muet. Jésus délivre ce malheureux, et l’usage de la parole revient aussitôt que l’ennemi a été chassé. Ainsi, la possession du démon non seulement est un monument de l’impénétrable justice de Dieu ; mais elle peut produire des effets physiques sur ceux qui en sont l’objet. L’expulsion du malin esprit rend l’usage de la langue à celui qui gémissait sous ses liens. Nous n’insistons pas ici sur la grossière malice des ennemis du Sauveur, qui veulent attribuer son pouvoir sur les démons à l’intervention de quelque prince de la milice infernale ; nous voulons seulement constater le pouvoir des esprits de ténèbres sur les corps, et confondre par le texte sacré le rationalisme de certains chrétiens. Qu’ils apprennent donc à connaître la puissance de nos adversaires, et qu’ils évitent de leur donner prise sur eux, par l’orgueil de la raison.

Depuis la promulgation de l’Évangile, le pouvoir de Satan sur les corps s’est trouvé restreint par la vertu de la Croix, dans les pays chrétiens ; mais il reprend une nouvelle extension, si la foi et les œuvres de la piété chrétienne diminuent. De là toutes ces horreurs diaboliques qui, sous divers noms plus ou moins scientifiques, se commettent d’abord dans l’ombre, sont ensuite acceptées dans une certaine mesure par les gens honnêtes, et pousseraient au renversement de la société, si Dieu et son Église n’y mettaient enfin une digue. Chrétiens de nos jours, souvenez-vous que vous avez renoncé à Satan, et prenez garde qu’une ignorance coupable ne vous entraîne dans l’apostasie. Ce n’est pas à un être de raison que vous avez renoncé sur les fonts baptismaux : c’est à un être réel, formidable, et dont Jésus-Christ nous dit qu’il a été homicide dès le commencement.

Mais si nous devons redouter l’affreux pouvoir qu’il peut exercer sur les corps, et éviter tout contact avec lui dans les pratiques auxquelles il préside, et qui sont le culte auquel il aspire, nous devons aussi craindre son influence sur nos âmes. Voyez quelle lutte la grâce divine a dû engager pour l’arracher de votre âme. En ces jours, l’Église nous offre tous ses moyens pour triompher de lui : le jeûne uni à la prière et à l’aumône. Vous arriverez à la paix ; et votre cœur, vos sens purifiés, redeviendront le temple de Dieu. Mais n’allez pas croire que vous ayez anéanti votre ennemi. Il est irrité ; la pénitence l’a expulsé honteusement de son domaine, et il a juré de tout tenter pour y rentrer. Craignez donc la rechute dans le péché mortel ; et pour fortifier en vous cette crainte salutaire, méditez la suite des paroles de notre Évangile.

Le Sauveur nous y apprend que cet esprit immonde, chassé d’une âme, s’en va errant dans les lieux arides et déserts. C’est là qu’il dévore son humiliation, et qu’il sent davantage les tortures de cet enfer qu’il porte partout avec lui, et dont il voudrait se distraire, s’il le pouvait, par le meurtre des âmes que Jésus-Christ a rachetées. L’Ancien Testament nous montre déjà les démons vaincus, réduits à fuir dans des solitudes éloignées : c’est ainsi que le saint Archange Raphaël relégua dans les déserts de l’Égypte supérieure l’esprit infernal qui avait fait périr les sept maris de Sara. Mais l’ennemi de l’homme ne se résigne pas à rester ainsi toujours éloigné de la proie qu’il convoite. La haine le pousse, comme au commencement du monde, et il se dit : « Il faut que je retourne à ma maison d’où je suis sorti ». Mais il ne viendra pas seul ; il veut triompher, et pour cela il amènera, s’il le faut, avec lui sept autres démons plus pervers encore. Quel choc se prépare pour la pauvre âme, si elle n’est pas vigilante, fortifiée ; si la paix que Dieu lui a rendue n’a pas été une paix armée ! L’ennemi sonde les abords de la place ; dans sa perspicacité, il examine les changements qui se sont opérés pendant son absence. Qu’aperçoit-il dans cette âme où il avait naguère ses habitudes et son séjour ? Notre Seigneur nous le dit : le démon la trouve sans défense, toute disposée à le recevoir encore ; point d’armes dirigées contre lui. Il semble que l’âme attendait cette nouvelle visite. C’est alors que, pour être plus sûr de sa conquête, l’ennemi va chercher ses renforts. L’assaut est donné ; rien ne résiste ; et bientôt, au lieu d’un hôte infernal, la pauvre âme en recèle une troupe ; « et, ajoute le Sauveur, le dernier état de cet homme devient pire que le premier ».

Comprenons l’avertissement que nous donne la sainte Église, en nous faisant lire aujourd’hui ce terrible passage de l’Évangile. De toutes parts, des retours à Dieu se ménagent ; la réconciliation va s’opérer dans des millions de consciences ; le Seigneur va pardonner sans mesure ; mais tous persévéreront-ils ? Lorsque le Carême reviendra dans un an convoquer les chrétiens à la pénitence, tous ceux qui, dans ces jours, vont se sentir arrachés à la puissance de Satan, auront-ils maintenu leurs âmes franches et libres de son joug ? Une triste expérience ne permet pas à l’Église de l’espérer. Beaucoup retomberont, et peu de temps après leur délivrance, dans les liens du péché. Oh ! S’ils étaient saisis par la justice de Dieu en cet état ! Cependant, tel sera le sort de plusieurs, d’un grand nombre peut-être. Craignons donc la rechute ; et pour assurer notre persévérance, sans laquelle il nous eût peu servi de rentrer pour quelques jours seulement dans la grâce de Dieu, veillons désormais, prions, défendons les abords de notre âme, résignons-nous au combat ; et l’ennemi, déconcerté de notre contenance, ira porter ailleurs sa honte et ses fureurs.

 

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Samedi de la II ème semaine de Carême

27 Février 2016 , Rédigé par Ludovicus

Samedi de la II ème semaine de Carême

Introït

La loi du Seigneur est parfaite, elle restaure les âmes ; le témoignage du Seigneur est fidèle, il donne la sagesse aux petits. Les cieux racontent la gloire de Dieu, et le firmament publie les œuvres de ses mains.

Collecte

Nous vous en prions, Seigneur, donnez à nos jeûnes un effet salutaire, afin qu’ayant entrepris de châtier notre chair, cette mortification corporelle serve à développer la vigueur de nos âmes. Par N.-S.

Lecture

En ces jours-là, Rébecca dit à Jacob son fils : J’ai entendu votre père qui parlait à votre frère Ésaü, et qui lui disait : Apportez-moi quelque chose de votre chasse et préparez-moi de quoi manger, afin que je vous bénisse devant le Seigneur avant de mourir. Suivez donc maintenant, mon fils, le conseil que je vais vous donner. Allez-vous-en au troupeau, et apportez-moi deux des meilleurs chevreaux, afin que j’en prépare à votre père une sorte de mets que je sais qu’il aime ; et qu’après que vous le lui aurez présenté et qu’il en aura mangé, il vous bénisse avant de mourir. Jacob lui répondit : Vous savez que mon frère Ésaü a le corps velu, et que moi je n’ai point de poil. Si mon père vient donc à me toucher et qu’il s’en aperçoive, j’ai peur qu’il ne croie que je l’ai voulu tromper, et qu’ainsi je n’attire sur moi sa malédiction au lieu de sa bénédiction. Sa mère lui répondit : Mon fils, je me charge moi-même de cette malédiction : faites seulement ce que je vous conseille, et allez me chercher ce que je vous dis. Il y alla, il l’apporta, et il le donna à sa mère, qui en prépara à manger à son père comme elle savait qu’il l’aimait. Elle fit prendre ensuite à Jacob de très beaux habits d’Ésaü qu’elle gardait elle-même à la maison. Et elle lui mit autour des mains la peau des chevreaux, et lui en couvrit le cou partout où il était découvert. Puis elle lui donna ce qu’elle avait préparé à manger, et les pains qu’elle avait cuits. Jacob porta le tout devant Isaac, et lui dit : Mon père. Je vous entends, dit Isaac. Qui êtes-vous, mon fils ? Jacob lui répondit ; Je suis Ésaü, votre fils aîné. J’ai fait ce que vous m’avez commandé : levez-vous, mettez-vous sur votre séant, et mangez de ma chasse afin que vous me donniez votre bénédiction. Isaac dit encore à son fils : Mais comment avez-vous pu, mon fils, en trouver si tôt ? Il lui répondit : Dieu a voulu que ce que je désirais se présentât tout d’un coup à moi. Isaac dit encore : Approchez-vous ; d’ici, mon fils, afin que je vous : touche, et que je reconnaisse si vous êtes mon fils Ésaü ou non. Jacob s’approcha de son père ; et Isaac l’ayant tâté, dit : Pour la voix, c’est la voix de Jacob ; mais les mains sont les mains d’Ésaü. Et il ne le reconnut point, parce que ses mains, étant couvertes de poil, parurent toutes semblables à celles de son aîné. Isaac, le bénissant donc, lui dit : Êtes-vous mon fils Ésaü ? Je le suis, répondit Jacob. Mon fils, ajouta Isaac, apportez-moi à manger de votre chasse, afin que je vous bénisse. Jacob lui en présenta ; et après qu’il en eut mangé, il lui présenta aussi du vin qu’il but. Isaac lui dit ensuite : Approchez-vous de moi, mon fils, et venez me baiser. Il s’approcha donc de lui, et le baisa. Et Isaac, aussitôt qu’il eut senti la bonne odeur qui sortait de ses habits, lui dit en le bénissant : L’odeur qui sort de mon fils est semblable à celle d’un champ plein de fleurs que le Seigneur a comblé de ses bénédictions. Que Dieu vous donne une abondance de blé et de vin, de la rosée du ciel et de la graisse de la terre. Que les peuples vous soient assujettis, et que les tribus vous adorent. Soyez le seigneur de vos frères, et que les enfants de votre mère se courbent devant vous. Que celui qui vous maudira, soit maudit lui-même ; et que celui qui vous bénira, soit comblé de bénédictions. Isaac ne faisait que d’achever ces paroles, et Jacob était à peine sorti dehors, lorsqu’Ésaü entra, et que, présentant à son père ce qu’il avait apprêté de sa chasse, il lui dit : Levez-vous, mon père, et mangez de la chasse de votre fils, afin que vous me donniez votre bénédiction. Isaac lui dit : Qui êtes-vous donc ? Ésaü lui répondit : Je sais Ésaü, votre fils aîné. Isaac fut frappé d’un profond étonnement ; et, admirant au delà de tout ce qu’on peut croire ce qui était arrivé, il lui dit : Qui est donc celui qui m’a déjà apporté de ce qu’il avait pris à la chasse, et qui m’a fait manger de tout avant que vous vinssiez ? et je lui ai donné ma bénédiction, et il sera béni. Ésaü, à ces paroles de son père, jeta un cri furieux ; et, étant dans une extrême consternation, il lui dit : Donnez-moi aussi votre bénédiction, mon père. Isaac lui répondit : Votre frère m’est venu surprendre, et il a reçu la bénédiction qui vous était due. C’est avec raison, dit Ésaü, qu’il a été appelé Jacob ; car voici la seconde fois qu’il m’a supplanté. Il m’a enlevé auparavant mon droit d’aînesse ; et présentement II vient encore de me dérober la bénédiction qui m’était due. Mais, mon père, ajouta Ésaü, ne m’avez-vous point réservé aussi une bénédiction ? Isaac lui répondit : Je l’ai établi votre seigneur et j’ai assujetti à sa domination tous ses frères. Je l’ai affermi dans la possession du blé et du vin ; et après cela, mon fils, que me reste-t-il que je puisse faire pour vous ? Ésaü lui répartit : N’avez-vous donc, mon père, qu’une seule bénédiction ? Je vous conjure de me bénir aussi. Il jeta ensuite de grands cris mêlés de larmes. Et Isaac, en étant touché, lui dit : Votre bénédiction sera dans la graisse de la terre et dans la rosée du ciel qui vient d’en haut.

Evangile

En ce temps-là, Jésus dit aux Pharisiens et aux Scribes cette parabole : Un homme avait deux fils ; et le plus jeune des deux dit à son père : Mon père, donne-moi la part de bien qui doit me revenir. Et le père leur partagea son bien. Et peu de jours après, le plus jeune fils, ayant rassemblé tout ce qu’il avait, partit pour un pays étranger et lointain, et là il dissipa son bien, en vivant dans la débauche. Et après qu’il eut tout dépensé, il survint une grande famine dans ce pays-là, et il commença à être dans le besoin. Il alla donc, et s’attacha au service d’un des habitants du pays, qui l’envoya dans sa maison des champs pour garder es pourceaux. Et il désirait remplir son ventre des gousses que les pourceaux mangeaient ; mais personne ne lui en donnait. Et étant rentré en lui-même, il dit : Combien de mercenaires, dans la maison de mon père, ont du pain en abondance, et moi je meurs ici de faim ! Je me lèverai, et j’irai vers mon père, et je lui dirai : Mon père, j’ai péché contre le ciel et contre toi ; je ne suis plus digne désormais d’être appelé ton fils, traite-moi comme l’un de tes mercenaires. Et se levant, il vint vers son père. Comme il était encore loin, son père le vit, et fut ému de compassion ; et, accourant, il se jeta à son cou, et le baisa. Et le fils lui dit : Mon père, fat péché contre le ciel et contre toi ; je ne suis plus digne d’être appelé ton fils. Alors le père dit à ses serviteurs : Vite, apportez la plus belle robe, et revêtez-l’en ; et mettez un anneau à sa main, et des chaussures à ses pieds ; puis amenez le veau gras et tuez-le ; et mangeons, et faisons bonne chère ; car mon fils que voici était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé. Et ils commencèrent à faire grande chère. Cependant son fils aîné était dans les champs ; et comme il revenait et s’approchait de la maison, il entendit la musique et les danses. Et il appela un des serviteurs, et demanda ce que c’était. Celui-ci lui dit : Ton frère est revenu, et ton père a tué le veau gras, parce qu’il l’a recouvré sain et sauf. Il s’indigna, et ne voulait pas entrer. Son père sortit donc, et se mit à le prier. Mais, répondant à son père, il dit : Voilà tant d’années que je te sers, et je n’ai jamais transgressé tes ordres, et jamais tu ne m’as donné un chevreau pour faire bonne chère avec mes amis ; mais dès que cet autre fils, qui a dévoré son bien avec des femmes perdues, est revenu, tu as tué pour lui le veau gras. Alors le père lui dit : Mon fils, tu es toujours avec moi, et tout ce que j’ai est à toi : mais II fallait faire bonne chère et se réjouir, parce que ton frère que voici était mort, et qu’il est revenu à la vie parce qu’il était perdu, et qu’il est retrouvé.

Offertoire

Éclairez mes yeux, afin que je ne m’endorme jamais dans la mort : de peur que mon ennemi me dise : J’ai eu l’avantage contre lui.

Office

1ère leçon

Homélie de saint Ambroise, évêque

Tu le vois, le patrimoine divin est donné à qui le demande. Ne crois pas que le père ait eu tort de donner à quelqu’un de trop jeune sa part de fortune. Aucun âge n’est inapte au Royaume de Dieu et la foi ne souffre pas du poids des années. A coup sûr, celui qui demande sa part s’est estimé capable de la gérer. Ah ! qu’il eût bien fait de ne pas s’éloigner de son père ! Il n’aurait pas connu de détriment du fait de son âge. Mais, parti pour un pays lointain, sorti de la maison paternelle, il tombe dans l’indigence. En vérité, il dissipe son patrimoine, celui qui s’éloigne de l’Église.

2e leçon

« Il partit pour un pays lointain. » Est-il pire éloignement que de se quitter soi-même, d’accepter la distance que crée, non l’espace, mais la conduite, de s’isoler par les désirs du cœur et non par des étendues de terre, d’être séparé des saints comme par une zone brûlante de luxure terrestre ? Car quiconque se sépare du Christ, s’exile de la patrie et choisit le monde pour cité. Mais nous, « nous ne sommes plus des étrangers ni des gens de passage. Nous sommes concitoyens des saints, nous sommes la maison de Dieu. » « Nous qui jadis étions loin, nous sommes devenus proches grâce au sang du Christ » Gardons-nous donc d’être malveillants envers ceux qui reviennent d’un pays éloigné car nous aussi, nous avons vécu dans une région lointaine, comme l’enseigne Isaïe. Tu lis en effet : « Sur ceux qui gisent dans l’ombre de la mort une lumière a resplendi ». Ainsi, le pays lointain, c’est l’ombre de la mort.

3e leçon

Pour nous, le Christ Seigneur est le souffle de notre vie ; nous vivons à l’ombre du Christ. Aussi l’Église dit-elle : « A son ombre désirée, je me suis assise ». Ce jeune homme donc, a consumé dans une vie de débauche tout le charme dont il était pourvu. Toi, qui as reçu l’empreinte de l’image de Dieu, qui portes sa ressemblance, veille donc à ne pas la réduire à néant par une vie honteuse, indigne de ta raison. Tu es l’œuvre de Dieu, ne dis pas au bois : « Tu es mon père ». Ne te rends pas semblable aux idoles de bois, puisqu’il est écrit : « Que deviennent comme elles ceux qui les font ».

La Station est à l’Église des saints Pierre et Marcellin, célèbres martyrs de Rome sous la persécution de Dioclétien, et dont les noms ont l’honneur d’être inscrits au Canon de la Messe.

LEÇON.

Les deux enfants de Jacob nous manifestent à leur tour la suite des jugements de Dieu sur Israël et sur la gentilité ; et l’initiation de nos Catéchumènes poursuit son cours. Voici deux frères, l’aîné et le plus jeune. Ésaü est le type du peuple juif : il possède le droit d’aînesse, et la plus haute destinée l’attend ; Jacob, né après lui, quoique d’un même enfantement, n’a pas le droit de compter sur la bénédiction réservée à l’aîné : il figure la gentilité. Cependant, les rôles sont changés : c’est Jacob qui reçoit cette bénédiction, et son frère en est frustré. Que s’est-il donc passé ? Le récit de Moïse nous l’apprend. Ésaü est un homme charnel ; ses appétits le dominent. La jouissance qu’il attend d’un mets grossier lui a fait perdre de vue les biens spirituels attachés à la bénédiction de son père. Dans son avidité, il cède à Jacob pour un plat de lentilles les droits sublimes que lui confère son aînesse. Nous venons de voir comment l’industrie d’une mère servit les intérêts de Jacob, et comment le vieux père, instrument de Dieu sans le savoir, confirma et bénit cette substitution dont il avait ignoré l’existence. Ésaü, de retour auprès d’Isaac, comprit l’étendue de la perte qu’il avait faite ; mais il n’était plus temps ; et il devint l’ennemi de son frère. C’est ainsi que le peuple juif, livré à ses idées charnelles, a perdu son aînesse sur les Gentils. Il n’a pas voulu suivre un Messie pauvre et persécuté ; il rêvait triomphes et grandeurs mondaines, et Jésus ne promettait qu’un royaume spirituel. Israël a donc dédaigne ce Messie ; mais les Gentils l’ont reçu, et ils sont devenus les aînés. Et parce que le peuple juif ne veut pas reconnaître cette substitution qu’il a cependant consentie, au jour où il criait : « Nous ne voulons pas que celui-ci règne sur nous » : maintenant il voit avec dépit que toutes les faveurs du Père céleste sont pour le peuple chrétien. Les enfants d’Abraham selon la chair sont déshérités à la vue de toutes les nations, tandis que les enfants d’Abraham par la foi sont manifestement les fils de la promesse, selon la parole du Seigneur à cet illustre Patriarche : « Je multiplierai ta race au-dessus des étoiles du ciel et des sables de la mer et toutes les nations seront bénies en celui qui sortira de toi. »

ÉVANGILE.

C’est ici encore le mystère que nous venons de reconnaître tout à l’heure dans le récit de la Genèse. Deux frères sont en présence, et l’aîné se plaint du sort que la bonté du père a fait au plus jeune. Celui-ci s’en est allé dans une région lointaine, il a fui loin du toit paternel, afin de s’abandonner plus librement à ses désordres : mais quand il s’est vu réduit à la plus extrême disette, il s’est ressouvenu de son père, et il est venu solliciter humblement la dernière place dans cette maison qui aurait dû être un jour la sienne. Le père a accueilli le prodigue avec la plus vive tendresse : non seulement il lui a pardonné, mais il lui a rendu tous ses droits de fils. Il a fait plus encore : un festin a été donné pour célébrer cet heureux retour ; et c’est toute cette conduite du père qui excite la jalousie du frère aîné. Mais c’est en vain qu’Israël s’indigne contre la miséricorde du Seigneur : l’heure est venue où la plénitude des nations va être convoquée pour entrer au bercail universel. Si loin que leurs erreurs et leurs passions aient entraîné les Gentils, ils entendront la voix des Apôtres. Grecs et Romains, Scythes et barbares, tous, frappant leurs poitrines, accourront demandant à être admis en participation des faveurs d’Israël. Mais on ne leur donnera pas seulement les miettes qui tomberont de la table, comme le demandait la Chananéenne ; ils seront admis sur le pied d’enfants légitimes et honorés. Les plaintes envieuses d’Israël ne seront pas reçues. S’il refuse de prendre part au banquet, la fête ne s’en célébrera pas moins. Or, cette fête, c’est la Pâque ; ces enfants rentrés nus et exténués dans la maison paternelle, ce sont nos Catéchumènes, sur lesquels le Seigneur s’apprête à répandre la grâce de l’adoption.

Mais ces enfants prodigues qui viennent se mettre à la merci de leur père offensé, sont aussi les Pénitents publics dont l’Église, en ces jours, préparait la réconciliation. Ce passage de l’Évangile a été choisi pour eux aussi bien que pour les Catéchumènes. L’Église, qui s’est relâchée de sa sévère discipline, propose aujourd’hui cette parabole à tous les pécheurs qui se disposent à faire leur paix avec Dieu. Ils ne connaissaient pas encore l’infinie bonté du Seigneur qu’ils ont abandonné : qu’ils apprennent aujourd’hui combien la miséricorde l’emporte sur la justice dans le cœur de celui qui « a aimé le monde jusqu’à lui donner son propre Fils unique ». Quelque lointaine qu’ait été leur fuite, quelque profonde qu’ait été leur ingratitude, tout est préparé, dans la maison paternelle, pour fêter leur retour. Le père tendre qu’ils ont quitté attend à la porte, prêt à courir au-devant d’eux pour les embrasser ; leur première robe, la robe de l’innocence, va leur être rendue ; l’anneau que portent seuls les enfants de la maison ornera de nouveau leur main purifiée. La table du festin est dressée pour eux, et les Anges vont y faire entendre les mélodies célestes. Qu’ils crient donc du fond de leur cœur : « O Père, j’ai péché contre le Ciel et contre vous ; je ne mérite plus d’être appelé votre fils ; traitez-moi comme l’un de vos mercenaires. » Le regret sincère de leur égarement passé, l’humilité de l’aveu, la ferme résolution d’être désormais fidèles : ce sont là les seules et faciles conditions que le père exige de ses prodigues pour en faire les fils de sa prédilection.

 

 

 

 

 

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Vendredi de la IIème semaine de Carême

26 Février 2016 , Rédigé par Ludovicus

Vendredi de la IIème semaine de Carême

Lecture

En ces jours-là, Joseph dit à ses frères : Écoutez le songe que j’ai eu. Il me semblait que je liais avec vous des gerbes dans la campagne, que ma gerbe se leva et se tint debout, et que les vôtres, entourant la mienne, l’adoraient. Ses frères lui répondirent : Est-ce que tu seras notre roi, et serons-nous soumis à ta puissance ? Ces songes et ces entretiens allumèrent donc encore davantage l’envie et la haine qu’ils avaient contre lui. Il eut encore un autre songe, qu’il raconta à ses frères, en leur disant : J’ai vu en songe que le soleil, et la lune, et onze étoiles m’adoraient. Lorsqu’il eut rapporté ce songe à son père et à ses frères, son père lui en fit réprimande, et il lui dit : Que voudrait dire ce songe que tu as eu ? Est-ce que ta mère, tes frères et moi nous t’adorerons sur la terre ? Ainsi ses frères étaient transportés d’envie contre lui ; mais le père considérait tout cela en silence. Il arriva alors que les frères de Joseph s’arrêtèrent à Sichem, où ils faisaient paître les troupeaux de leur père. Et Israël dit à Joseph : Tes frères font paître nos brebis dans le pays de Sichem ; viens, et je t’enverrai vers eux. Je suis tout prêt, lui dit Joseph. Jacob ajouta : Va, et vois si tes frères se portent bien, et si les troupeaux sont en bon état, et tu me rapporteras ce qui se passe. Ayant donc été envoyé de la vallée d’Hébron, il vint à Sichem ; et un homme, l’ayant trouvé errant dans la campagne, lui demanda ce qu’il cherchait. Il lui répondit : Je cherche mes frères ; je vous prie de me dire où ils font paître leurs troupeaux. Cet homme lui répondit : Ils se sont retirés de ce lieu, et j’ai entendu qu’ils se disaient : Allons vers Dothaïn. Joseph alla donc après ses frères, et il les trouva à Dothaïn. Lorsqu’ils l’eurent aperçu, de loin, avant qu’il se fût approché d’eux, ils résolurent de le tuer ; et ils se disaient l’un à l’autre : Voici notre songeur qui vient. Allons, tuons-le et jetons-le dans une vieille citerne ; nous dirons qu’une bête sauvage l’a dévoré, et après cela on verra à quoi ses songes lui auront servi. Ruben, les ayant entendus parler ainsi, tâchait de le tirer d’entre leurs mains, et il leur disait : Ne le tuez point et ne répandez point son sang, mais jetez-le dans cette citerne qui est au désert, et conservez vos mains pures. Il disait cela dans le dessein de le tirer de leurs mains et de le rendre à son père.

Evangile

En ce temps-là, Jésus dit à la foule des Juifs et aux princes des prêtres cette parabole : II y avait un père de famille qui planta une vigne, l’entoura d’une haie, y creusa un pressoir, et y bâtit une tour ; puis il la loua à des vignerons, et partit pour un pays lointain. Or, lorsque le temps des fruits approcha, il envoya ses serviteurs aux vignerons, pour recueillir les fruits de sa vigne. Mais les vignerons, s’étant saisis de ses serviteurs, battirent l’un, tuèrent l’autre, et en lapidèrent un autre. Il leur envoya encore d’autres serviteurs, en plus grand nombre que les premiers, et ils les traitèrent de même. Enfin il leur envoya son fils, en disant : Ils auront du respect pour mon fils. Mais les vignerons voyant le fils, dirent entre eux : Voici l’héritier ; venez, tuons-le, et nous aurons son héritage. Et s’étant saisis de lui, ils le jetèrent hors de la vigne et le tuèrent. Lors donc que le maître de la vigne sera venu, que fera-t-il à ces vignerons ? Ils lui dirent : II fera périr misérablement ces misérables, et il louera sa vigne à d’autres vignerons, qui lui en rendront les fruits en leur temps. Jésus leur dit : N’avez-vous jamais lu dans les Écritures : La pierre qu’ont rejetée ceux qui bâtissaient, celle-là même est devenue la tête de l’angle ; c’est le Seigneur qui a fait cela, et c’est une chose admirable à nos yeux ? C’est pourquoi, je vous dis que le royaume de Dieu vous sera enlevé, et qu’il sera donné à une nation qui en produira les fruits. Et celui qui tombera sur cette pierre, s’y brisera, et celui sur qui elle tombera, elle l’écrasera. Lorsque les princes des prêtres et les pharisiens eurent entendu ces paraboles, ils comprirent que Jésus parlait d’eux. Et cherchant à se saisir de lui, ils craignirent les foules, parce qu’elles le regardaient comme un prophète.

1ère leçon

Homélie de saint Ambroise, Évêque

Beaucoup d’auteurs font dériver de cette dénomination de vigne des sens variés ; mais Isaïe a exposé clairement que la vigne du Seigneur des armées n’était autre que la maison d’Israël. Quel est celui qui planta cette vigne, si ce n’est Dieu ? C’est donc lui qui la loua à des vignerons, et partit pour un voyage : non que le Seigneur soit allé d’un lieu dans un autre, lui qui demeure sans cesse présent partout : mais en ce sens qu’il est très proche de ceux qui travaillent avec amour et diligence, tandis qu’il est éloigné des négligents. Longtemps, il resta absent, afin de ne point paraître réclamer trop tôt les fruits de sa vigne. Aussi la persistance opiniâtre des vignerons dans leur mauvais vouloir est-elle d’autant plus inexcusable, que la bonté du maître a poussé plus loin l’indulgence.

2e leçon

Ce n’est pas sans raison qu’il est dit dans l’Évangile selon saint Matthieu, que le père de famille environna sa vigne d’une haie ; ce qui signifie que le Seigneur l’entoura du rempart de la protection divine, afin qu’elle ne fût pas facilement accessible aux incursions des bêtes spirituelles. « Et il y. creusa un pressoir. » Comment comprendrons-nous quel est ce pressoir, si ce n’est en nous souvenant qu’il y a des Psaumes intitulés : Pour les pressoirs, parce qu’en ceux-ci les mystères de la passion du Seigneur distillent plus abondamment, comme un vin échauffé par le Saint-Esprit ? Aussi l’on croyait ivres, [au jour de la Pentecôte], ceux qui étaient remplis de l’Esprit-Saint. Le Seigneur a donc aussi creusé un pressoir, afin que le jus du raisin mystérieux découlât par une infusion spirituelle.

3e leçon

« Il y bâtit une tour », c’est-à-dire qu’il y éleva le faîte de la loi ; et sa vigne étant ainsi fortifiée, pourvue et ornée, il la loua au peuple juif. « En la saison des fruits, il envoya ses serviteurs. » On ne dit pas que ce fut au temps de la récolte, mais au temps des fruits. Car les Juifs ne firent paraître aucun fruit ; il fut nul, le revenu de cette vigne dont le Seigneur a dit : « J’ai espéré qu’elle produirait des raisins, et elle n’a produit que des grappes sauvages. » Ses pressoirs n’ont pas regorgé d’un vin de joie, d’un vin doux spirituel, mais du sang des .Prophètes.

La Station est aujourd’hui dans l’Église de Saint-Vital, Martyr, père des deux illustres martyrs milanais saint Gervais et saint Protais.

LEÇON.

La sainte Église reporte aujourd’hui notre attention sur la prévarication des Juifs, et sur ce qui en est résulté pour la vocation des Gentils ; dans cette instruction destinée aux Catéchumènes, puisons notre propre édification. Prenons d’abord dans une figure de l’Ancien Testament la notion du fait que nous allons voir accompli dans notre Évangile. Joseph est l’objet des complaisances de son père Jacob, qui voit en lui le fils de Rachel, son épouse préférée, et qui l’aime pour son innocence. Des songes prophétiques ont annoncé la future grandeur de cet enfant ; mais il a des frères ; et ces frères, poussés par une noire envie, ont résolu de le faire périr. Ce dessein impie n’est pas mis à exécution dans toute son étendue ; mais il s’accomplit dans une certaine mesure : Joseph ne reverra plus la terre qui l’a vu naître. Il est vendu à des marchands étrangers ; bientôt un noir cachot devient son séjour. Mais il en sort pour dicter des lois, non dans la terre de Chanaan qui l’a repoussé, mais au sein de l’Égypte païenne. Par lui, cette région de la gentilité, livrée à la plus affreuse famine, retrouve l’abondance et la paix ; et pour ne pas périr eux-mêmes dans le pays d’où ils l’ont exilé, les frères de Joseph sont réduits à descendre en Égypte et à venir implorer la clémence de celui qui fut leur victime. Qui ne reconnaît dans cette merveilleuse histoire le type de notre divin Rédempteur, Fils de Dieu et de Marie, en butte à la jalousie de sa propre nation, malgré les signes prophétiques qui se réalisent en lui jusqu’au dernier ? Sa mort est résolue comme celle de Joseph ; comme lui il est indignement vendu. Il traverse les ombres de la mort, pour reparaître ensuite plein de gloire et de puissance. Mais ce n’est plus à Israël qu’il prodigue les marques de sa prédilection ; il s’est tourné vers les Gentils, et il demeure avec eux désormais. C’est là que les restes d’Israël viendront le chercher, lorsque, voulant enfin rassasier la faim qui les presse, ils consentiront à reconnaître pour le véritable Messie ce Jésus de Nazareth, leur Roi, qu’ils ont crucifié.

ÉVANGILE.

Ce ne sont plus ici les ombres et les figures de l’antique alliance, qui ne nous montraient notre Rédempteur que dans le lointain et sous des traits empruntés ; nous sommes en face de la réalité même. Encore un peu de temps, et la victime trois fois sainte aura succombé sous les coups de ses envieux. Qu’elle est terrible et solennelle la parole de Jésus dans ces dernières heures ! Ses ennemis en sentent tout le poids ; mais, dans leur orgueil, ils veulent lutter jusqu’à la fin contre celui qui est la Sagesse du Père, s’obstinant à ne pas reconnaître en lui cette Pierre redoutable qui brise celui qui la heurte, et qui écrase celui sur lequel elle tombe. Cette Vigne, c’est la Vérité révélée, la règle de la foi et des mœurs, l’attente du Messie Rédempteur, l’ensemble des moyens du salut ; c’est aussi la famille des enfants de Dieu, son héritage, son Église. Dieu avait choisi la Synagogue pour être dépositaire d’un tel trésor ; il voulait que sa vigne fût gardée fidèlement, qu’elle fructifiât entre les mains des vignerons, qu’ils la reconnussent toujours pour son bien à lui, l’objet de ses complaisances. Mais dans son cœur sec et avare, la Synagogue a voulu s’approprier la Vigne du Seigneur. En vain a-t-il envoyé à diverses reprises ses Prophètes pour revendiquer ses droits : les vignerons infidèles les ont fait périr. Le Fils de Dieu, l’héritier, vient lui-même en personne. Le recevront-ils du moins avec honneur et déférence ? Rendront-ils hommage à son divin caractère ? Non ; ils ont formé l’affreux projet de le tuer, et, après l’avoir expulsé comme un étranger sacrilège, ils le mettront à mort. Accourez donc, ô Gentils ! Venez exercer la vengeance du Père ; ne laissez pas pierre sur pierre dans cette ville coupable qui a crié : « Que son sang retombe sur nous et sur nos enfants ! » Mais vous ne serez pas seulement les ministres de la justice céleste ; vous êtes devenus l’objet de la prédilection du Seigneur. La réprobation de ce peuple ingrat vous ouvre les portes du salut. Soyez désormais les gardiens de la vigne jusqu’à la fin des siècles ; nourrissez-vous de ses fruits ; ils sont à vous. De l’Orient à l’Occident, du Midi à l’Aquilon, venez à la grande Pâque qui se prépare ; il y a place pour vous tous Descendez dans la piscine du salut, peuple nouveau formé de tous les peuples qui sont sous le ciel. Soyez la joie de L’Église votre Mère, qui ne cesse d’enfanter, jusqu’à ce que le nombre des élus étant rempli, son Époux descende comme un juge formidable pour condamner « ceux qui n’auront pas connu le temps de sa visite ».

 

 

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Jeudi de la IIème semaine de Carême

25 Février 2016 , Rédigé par Ludovicus

Epitre

Ainsi parle le Seigneur Dieu : Maudit soit l’homme qui se confie dans l’homme, qui se fait un bras de chair, et dont le cœur se retire du Seigneur. Il sera comme les bruyères dans le désert, et il ne verra pas arriver le bonheur ; mais il habitera au désert dans la sécheresse, dans une terre de sel et inhabitable, Béni soit l’homme qui se confie dans le Seigneur, et dont le Seigneur est l’espérance, il sera comme un arbre transplanté près des eaux qui étend ses racines vers l’humidité, et qui ne craint pas la chaleur lorsqu’elle est venue. Son feuillage sera toujours vert ; il ne sera point en peine au temps de la sécheresse, et il ne cessera jamais de porter du fruit. Le cœur de tous les hommes est mauvais et impénétrable ; qui pourra e connaître ? Moi, le Seigneur, je sonde le cœur, et j’éprouve les reins ; je rends à chacun selon sa voie et selon le fruit de ses pensées, dit le Seigneur tout-Puissant.

Evangile

En ce temps-là, Jésus dit aux Pharisiens : Il y avait un homme riche, qui était vêtu de pourpre et de lin, et qui faisait chaque jour une chère splendide. Il y avait aussi un mendiant, nommé Lazare, qui était couché à sa porte, couvert d’ulcères, désirant se rassasier des miettes qui tombaient de la table du riche, et personne ne lui en donnait ; mais les chiens venaient aussi, et léchaient ses plaies. Or il arriva que le mendiant mourut, et fut emporté par les anges dans le sein d’Abraham. Le riche mourut aussi, et il fut enseveli dans l’enfer. Et levant les yeux, lorsqu’il était dans les tourments, il vit de loin Abraham, et Lazare dans son sein ; et s’écriant, il dit : Père Abraham, ayez pitié de moi, et envoyez Lazare, afin qu’il trempe l’extrémité de son doigt dans l’eau, pour rafraîchir ma langue, car je suis tourmenté dans cette flamme. Mais Abraham lui dit : Mon fils, souviens-toi que tu as reçu les biens pendant ta vie, et que Lazare a reçu de même les maux ; or maintenant il est consolé, et toi, tu es tourmenté. De plus, entre nous et vous un abîme a été établi ; de sorte que ceux qui voudraient passer d’ici vers vous, où de là venir ici, ne le peuvent pas. Le riche dit : Je vous supplie donc, père, de l’envoyer dans la maison de mon père ; car j’ai cinq frères, afin qu’il leur atteste ces choses, de peur qu’ils ne viennent eux aussi, dans ce lieu de tourments. Et Abraham lui dit : Ils ont Moïse et les prophètes : qu’ils les écoutent. Et il reprit : Non, père Abraham ; mais si quelqu’un des morts va vers eux, ils feront pénitence. Abraham lui dit : S’ils n’écoutent pas Moïse et les prophètes, quand même quelqu’un des morts ressusciterait, ils ne croiront pas.

1ère leçon

Homélie de saint Grégoire, pape

Que signifie, frères très chers, que signifie ce riche « qui s’habillait de pourpre et de linge fin et faisait chaque jour des festins splendides », sinon le peuple juif qui eut extérieurement un culte de vie ; qui se servit des délices de la loi reçue pour s’en faire gloire et non pour agir ? Et Lazare, couvert d’ulcères, qu’exprime-t-il en figure, sinon le peuple des nations ? S’étant converti à Dieu, il n’a pas rougi de confesser ses péchés, ce lui fut une lésion sur la peau. Car le virus est attiré des organes internes et se déclare au-dehors par une lésion de la peau.

2e leçon

Qu’est donc la confession des péchés sinon une sorte d’ouverture des lésions ? Parce que le virus du péché se déclare salutairement par la confession alors qu’il couvait pernicieusement dans l’âme. Car, les lésions de la peau attirent en surface l’humeur putride. Et, en confessant nos péchés) que faisons-nous d’autre que de déclarer le mal qui couvait en nous ? Mais Lazare, couvert de plaies, « aurait bien voulu se rassasier de ce qui tombait de la table du riche ; et personne ne le lui offrait. » Car ce peuple superbe dédaignait d’admettre un païen à la connaissance de la loi.

3e leçon

Puisque la doctrine de la loi portait ce peuple à l’élèvement, non à la charité, il s’enflait comme d’une richesse reçue ; et parce que les paroles débordaient de sa science, elles tombaient comme des miettes de la table. D’autre part, les chiens venaient lécher les plaies de ce pauvre qui gisait là. Souvent, dans le langage sacré, les chiens désignent les prédicateurs ; car la langue des chiens, en léchant une plaie, la guérit. De la même manière, les saints docteurs, quand ils nous instruisent lors de la confession de notre péché, touchent, pour ainsi dire, la plaie de notre âme avec la langue.

La Station est aujourd’hui dans la célèbre basilique de Sainte-Marie-au-delà-du Tibre, la première église de Rome consacrée à Marie, dès le IIIe siècle, sous le pontificat de saint Calliste.

LEÇON.

Les lectures de ce jour sont consacrées à fortifier dans nos cœurs les principes de la morale chrétienne. Détournons un instant les yeux du triste spectacle que nous offre la malice des ennemis du Sauveur ; reportons-les sur nous-mêmes, afin de connaître les plaies de nos âmes et d’en préparer le remède. Le prophète Jérémie nous présente aujourd’hui le tableau de deux situations pour l’homme ; laquelle des deux est la nôtre ? Il y a l’homme qui met sa confiance dans un bras de chair, c’est-à-dire qui ne considère sa vie que dans les conditions du présent, qui voit tout dans les créatures, et se trouve par là même entraîné à violer la loi du Créateur. Tous nos péchés sont venus de cette source ; nous avons perdu de vue nos fins éternelles, et la triple concupiscence nous a séduits. Hâtons-nous de revenir au Seigneur notre Dieu : autrement, nous aurions à craindre le sort dont le Prophète menace le pécheur : Quand le bien arrivera, il ne le verra pas. La sainte Quarantaine avance dans son cours ; les grâces les plus choisies se multiplient à chaque heure ; malheur à l’homme qui, distrait par la vaine figure de ce monde qui passe ne s’aperçoit de rien, et demeure, en ces saints jours, stérile pour le ciel, comme la bruyère du désert l’est pour la terre ! Qu’il est grand, le nombre de ces aveugles volontaires, et que leur insensibilité est effrayante ! Enfants fidèles de la sainte Église, priez pour eux, priez sans cesse ; offrez au Seigneur à leur intention les œuvres de votre pénitence, les largesses de votre charité. Chaque année, plusieurs d’entre eux rentrent au bercail, dont la porte leur a été ouverte par les pieux suffrages de leurs frères ; faisons violence à la divine miséricorde.

Le Prophète nous dépeint ensuite l’homme qui met sa confiance dans le Seigneur, et qui, n’ayant pas d’autre espérance que lui, veille sans cesse à lui être fidèle. C’est un bel arbre au bord des eaux, dont le feuillage est toujours vert, et dont les fruits sont abondants. « Je vous ai établis, dit le Sauveur, afin que vous portiez du fruit et que votre fruit demeure. » Devenons cet arbre béni et toujours fécond. L’Église, en ce saint temps, répand sur ses racines l’eau de la componction ; laissons agir cette eau bienfaisante. Le Seigneur pénètre nos cœurs ; il sonde nos désirs de conversion ; et, quand la Pâque sera venue, « il rendra à chacun selon sa voie ».

ÉVANGILE.

Nous voyons dans ce récit la sanction des lois divines, le châtiment du péché ; combien le Seigneur nous y apparaît redoutable ! et « qu’il est terrible de tomber entre les mains du Dieu vivant ! » Un homme est aujourd’hui dans le repos, dans les jouissances, dans la sécurité ; l’inévitable mort vient fondre sur lui, et le voilà enseveli tout vivant dans l’enfer. Haletant au milieu des flammes éternelles, il implore une goutte d’eau, et cette goutte d’eau lui est refusée. D’autres hommes, ses semblables, qu’il a vus de ses yeux, il y a peu d’heures, sont dans un autre séjour, dans le séjour d’une félicité éternelle, et un immense abîme le sépare d’eux pour jamais. Sort effroyable ! Désespoir sans fin ! Et des hommes, sur la terre, vivent et meurent souvent sans avoir un seul jour sondé cet abîme, même de leur simple pensée ! Heureux donc ceux qui craignent ! Car cette crainte peut les aider à soulever le poids qui les entraînerait dans le gouffre sans fond. Quelles épaisses ténèbres le péché a répandues dans l’âme de l’homme ! Des gens sages, prudents, qui ne commettront jamais une faute dans la gestion de leurs affaires de ce monde, sont insensés, stupides, quand il s’agit de l’éternité. Quel affreux réveil ! Et le malheur est sans remède. Afin de rendre la leçon plus efficace, le Sauveur ne nous a pas raconté la réprobation d’un de ces grands scélérats dont les crimes font horreur, et que les mondains eux-mêmes regardent comme la proie de l’enfer ; il nous représente un de ces hommes tranquilles, d’un commerce aimable, faisant honneur à leur position. Ici, point de forfaits, point d’atrocités ; le Sauveur nous dit simplement qu’il était vêtu avec luxe, qu’il faisait tous les jours bonne chère. Il y avait bien un pauvre mendiant à sa porte ; mais il ne le maltraitait pas ; il eût pu le chasser plus loin ; il le souffrait sans insulter à sa misère. Pourquoi donc ce riche sera-t-il dévoré éternellement par les ardeurs de ce feu que Dieu a allumé dans sa colère ? C’est parce que l’homme qui vit dans le luxe et la bonne chère, s’il ne tremble pas à la pensée de l’éternité, s’il ne comprend pas qu’il doit « user de ce monde comme n’en usant pas», s’il est étranger à la croix de Jésus-Christ, est déjà vaincu par la triple concupiscence. L’orgueil , l’avarice, la luxure, se disputent son cœur, et finissent par y dominer d’autant plus qu’il ne songe pas même à rien faire pour les abattre. Cet homme ne lutte pas : c’est qu’il est vaincu ; et la mort s’est établie dans son âme. Il ne maltraite pas le pauvre ; mais il se souviendra trop tard que le pauvre est plus que lui, et qu’il fallait l’honorer et le soulager. Ses chiens ont eu plus d’humanité que lui ; et voilà pourquoi Dieu l’a laissé s’endormir jusqu’au bord de l’abîme où il doit tomber. Dira-t-il qu’il n’a pas été averti ? Il avait Moïse et les Prophètes ; plus que cela, il avait Jésus et son Église. Il a en ce moment la sainte Quarantaine qui a été annoncée pour lui ; mais se donne-t-il la peine de savoir même ce que c’est que ce temps de grâce et de pardon ? Il l’aura traversé sans s’en être douté ; mais il aura en même temps fait un pas de plus vers l’éternel malheur.

 

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St Mathias apôtre mémoire de la férie

24 Février 2016 , Rédigé par Ludovicus

St Mathias apôtre mémoire de la férie

Colecte

O Dieu, qui avez associé le bienheureux Mathias au collège de vos Apôtres, accordez-nous, s’il vous plaît, que, par son intercession, nous ressentions toujours les effets : de vôtre miséricorde à notre égard.

Epitre

En ces jours-là, Pierre, se levant au milieu des frères qui étaient rassemblés au nombre d’environ cent vingt, leur dit : Mes frères, il fallait que s’accomplît ce que le Saint-Esprit a prédit dans l’Ecriture, par la bouche de David, au sujet de Judas, qui a été le guide de ceux qui ont arrêté Jésus. Il était compté parmi nous, et il avait reçu sa part de notre ministère. Cet homme, après avoir acquis un champ avec te salaire du crime, se pendit et se brisa par le milieu, et toutes ses entrailles se répandirent. Le fait a été si connu de tous les habitants de Jérusalem que ce champ a été nommé dans leur langue Haceldama, c’est-à-dire Champ du sang. Car il est écrit dans le livre des Psaumes : Que leur demeure devienne déserte et qu’il n’y ait personne qui l’habite, et qu’un autre reçoive son ministère. Il faut donc que, parmi les hommes qui ont été en notre compagnie pendant tout le temps que le Seigneur Jésus a vécu avec nous, à commencer depuis le baptême de Jean, jusqu’au jour où il a été enlevé du milieu de nous, il y en ait un qui devienne avec nous témoin de sa résurrection. Ils en présentèrent deux : Joseph appelé Barsabas, surnommé le Juste, et Mathias. Et se mettant en prières, ils dirent : Seigneur, vous qui connaissez les cœurs de tous, montrez lequel de ces deux vous avez choisi pour occuper la part du ministère et de l’apostolat que Judas a quittée par son crime, pour s’en aller en son lieu. Alors ils tirèrent au sort ; et le sort tomba sur Mathias, qui fut mis au rang des onze apôtres.

Evangile

En ce temps-là Jésus prit la parole et dit : Je vous rends grâce, Père, Seigneur du ciel et de la terre, de ce que vous avez caché ces choses aux sages et aux prudents, et de ce que vous les avez révélées aux petits. Oui, Père, (je vous rends grâce) parce, qu’il vous a plu ainsi. Toutes choses m’ont été données par mon Père. Et personne ne connaît le Fils, si ce n’est le Père ; personne non plus ne connaît le Père, si ce n’est le Fils, et celui à qui le Fils aura voulu le révéler. Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et qui êtes chargés, et Je vous soulagerai. Prenez mon joug sur vous, et recevez mes leçons, parce que je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos pour vos âmes. Car mon joug est doux, et mon fardeau léger.

Office

Au premier nocturne.

Des Actes des Apôtres. Cap. 1, 15-26.

Première leçon. En ces jours-là, Pierre se levant au milieu des frères (or le nombre des hommes réunis était d’environ cent vingt), dit : Mes frères, il faut que s’accomplisse ce qu’a écrit et prédit l’Esprit-Saint par la bouche de David, touchant Judas, qui a été le guide de ceux qui ont pris Jésus : qui était compté parmi nous, et avait reçu sa part au même ministère. Et il a acquis un champ du salaire de l’iniquité, et s’étant pendu, il a crevé par le milieu, et toutes ses entrailles se sont répandues.

Deuxième leçon. Et cela a été connu de tous les habitants de Jérusalem, en sorte que ce champ a été appelé en leur langue, Haceldama, c’est-à-dire champ du sang. Car il est écrit au livre 1 des Psaumes : « Que leur demeure devienne déserte, et qu’il n’y ait personne qui l’habite, et que son épisco pat, un autre le reçoive. » Il faut donc que de ceux qui se sont unis à nous pendant tout le temps où le Seigneur Jésus a vécu parmi nous, à commencer du baptême de Jean, jusqu’au jour où il a été enlevé d’au milieu de nous, il y en ait un qui devienne témoin avec nous de sa résurrection.

Troisième leçon. Et ils en présentèrent deux, Joseph, qui s’appelait Barsabas, et qui a été surnommé le Juste, et Mathias. Et, priant, ils dirent : Vous, Seigneur, qui connaissez les cœurs de tous, montrez lequel vous avez choisi, de ces deux, afin de prendre place dans ce ministère et cet apostolat, dans lequel Judas a prévariqué pour s’en aller en son lieu. Et ils leur distribuèrent les sorts, elle sort tomba sur Mathias, et il fut associé aux onze Apôtres.

Un apôtre de Jésus-Christ, Saint Matthias, vient compléter par sa présence le chœur des Bienheureux que l’Église nous invite à honorer en cette saison liturgique. Mathias s’attacha de bonne heure à la suite du Sauveur, et fut témoin de toutes ses œuvres jusqu’à l’Ascension. Il était du nombre des Disciples ; mais le Christ ne l’avait point établi au rang de ses Apôtres. Cependant il était appelé à cette gloire ; car c’était lui que David avait en vue, lorsqu’il prophétisa qu’un autre recevrait l’Épiscopat laissé vacant par la prévarication du traître Judas. Dans l’intervalle qui s’écoula entre l’Ascension de Jésus et la descente de l’Esprit-Saint, le Collège Apostolique dut songer à se compléter, afin que le nombre duodénaire fixé par le Christ se trouvât rempli, au jour où l’Église enivrée de l’Esprit-Saint se déclarerait en face de la Synagogue. Le nouvel Apôtre eut part à toutes les tribulations de ses frères dans Jérusalem ; et, quand le moment de la dispersion des envoyés du Christ fut arrivé, il se dirigea vers les provinces qui lui avaient été données à évangéliser. D’anciennes traditions portent que la Cappadoce et les côtes de la mer Caspienne lui échurent en partage.

Les actions de saint Mathias, ses travaux et ses épreuves sont demeurés inconnus : et c’est pour cette raison que la Liturgie ne donne point, comme pour les autres Apôtres, l’abrégé historique de sa vie dans les Offices divins. Quelques traits de la doctrine du saint Apôtre ont été conservés dans les écrits de Clément d’Alexandrie ; on y trouve une sentence que nous nous ferons un devoir de citer ici, parce qu’elle est en rapport avec les sentiments que l’Église veut nous inspirer en ce saint temps. « Il faut, disait saint Mathias, combattre la chair et se servir d’elle sans la flatter par de coupables satisfactions ; quant à l’âme, nous devons la développer par la foi et par l’intelligence. » En effet, l’équilibre ayant été rompu dans l’homme par le péché, et l’homme extérieur ayant toutes ses tendances en bas, nous ne pouvons rétablir en nous l’image de Dieu qu’en contraignant le corps à subir violemment le joug de l’esprit. Blessé à sa manière par la faute originelle, l’esprit lui-même est entraîné par une pente malheureuse vers les ténèbres. La foi seule l’en fait sortir en l’humiliant, et l’intelligence est la récompense de la foi. C’est en résumé toute la doctrine que l’Église s’attache à nous faire comprendre et pratiquer dans ces jours. Glorifions le saint Apôtre qui vient nous éclairer et nous fortifier. Les mêmes traditions qui nous fournissent quelque lumière sur la carrière apostolique de saint Mathias, nous apprennent que ses travaux furent couronnés de la palme du martyre. Célébrons aujourd’hui son triomphe en empruntant quelques-unes des strophes par lesquelles l’Église grecque, dans les Menées, célèbre son Apostolat.

 

 

 

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Mardi de la II ème semaine de Carême

23 Février 2016 , Rédigé par Ludovicus

Mardi de la II ème semaine de Carême

Introït

Mon cœur vous a dit : Mes yeux vous ont cherché, votre visage, Seigneur, je le chercherai. Ne détournez pas de mol votre face. Le Seigneur est ma lumière et mon salut ; qui craindrai-je ?

Collecte

Nous vous supplions, Seigneur, de continuer à nous assister avec bonté, dans l’observation de ce saint jeûne ; afin qu’ayant appris de vous-même ce que nous avons à faire, nous l’accomplissions par le secours de votre grâce. Par Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Epitre

En ces jours-là, la parole du Seigneur fut aussi adressée à Élie de Thesbé : Allez à Sarepta des Sidoniens, et demeurez-y ; car j’ai commandé à une femme veuve de vous y nourrir. Élie se leva et s’en alla à Sarepta. Lorsqu’il fut venu à la porte de la ville, il aperçut une femme veuve qui ramassait du bois ; il l’appela et lui dit : Donnez-moi un peu d’eau dans un vase afin que je boive. Tandis qu’elle allait lui en chercher, il lui cria derrière elle : Apportez-moi aussi, je vous prie, une bouchée de pain dans votre main. Elle lui répondit : Vive le Seigneur votre Dieu, je n’ai point de pain ; j’ai seulement dans un pot autant de farine qu’on peut en prendre avec trois doigts, et un peu d’huile dans un petit vase. Je viens ramasser ici deux morceaux de bois pour aller apprêter à manger à moi et à mon fils, afin que nous mourions ensuite. Élie lui dit : Ne craignez point, et faites comme vous avez dit ; mais faites d’abord pour moi, de ce petit reste de farine, un petit pain cuit sous la cendre et apportez-le-moi, et vous en ferez après cela pour vous et pour votre fils. Car voici ce que dit le Seigneur, Dieu d’Israël : La farine qui est dans ce pot ne manquera point, et l’huile qui est dans ce petit vase ne diminuera pas, jusqu’au jour où le Seigneur doit faire tomber la pluie sur la terre. Cette femme s’en alla donc, et fit ce qu’Élie lui avait dit. Et Élie mangea, et elle, et sa maison ; et depuis ce jour, la farine du pot ne manqua point, et l’huile du petit vase ne diminua pas, selon que le Seigneur l’avait prédit par Élie.

Evangile

En ce temps-là, Jésus parla aux foules et à ses disciples en disant : Les scribes et les pharisiens sont assis sur la chaire de Moïse. Observez donc et faites tout ce qu’ils vous disent ; mais n’agissez pas selon leurs œuvres, car ils disent, et ils ne font pas. Ils lient des fardeaux pesants et insupportables, et ils les mettent sur les épaules des hommes ; mais ils ne veulent pas les remuer du doigt. Ils font toutes leurs actions pour être vus des hommes ; c’est pourquoi ils portent de larges phylactères et de longues franges. Ils aiment les premières places dans les festins, et les premières chaires dans les synagogues, et à être salués dans les places publiques, et à être appelés Rabbi par les hommes. Mais vous, ne vous faites point appeler Rabbi, car vous n’avez qu’un seul Maître, et vous êtes tous frères. Et ne donnez à personne sur la terre le nom de père, car vous n’avez qu’un seul Père, qui est dans les cieux. Et qu’on ne vous appelle point maîtres, car vous n’avez qu’un seul Maître, le Christ. Celui qui est le plus grand parmi vous, sera votre serviteur. Quiconque s’élèvera, sera humilié, et quiconque s’humiliera, sera élevé.

Office

1ère leçon

Homélie de saint Jérôme, prêtre

Est-il douceur, est-il bonté plus grande que celle du Seigneur ? Les pharisiens le tentent, leurs pièges s’écroulent, et selon les mots du psalmiste : « Dieu leur a tiré une flèche, soudaines ont été leurs blessures » et néanmoins, par respect pour la dignité de leur sacerdoce et de leur titre, il exhorte les foules à leur être soumises, en considérant non leurs œuvres, mais leur doctrine. En disant : « Les scribes et les pharisiens se sont installés dans la chaire de Moïse », il désigne par le mot « chaire » l’enseignement de la loi. Et ce qui est dit dans le psaume : « Il ne s’est pas assis dans la chaire de pestilence », et « Il renversa les chaires des marchands de colombes », nous devons le comprendre dans le sens de la doctrine.

2e leçon

« Ils attachent des fardeaux pesants et les mettent sur les épaules des hommes mais eux-mêmes ne veulent pas les remuer du doigt. » Ceci s’adresse d’une manière générale à tous les maîtres qui commandent des choses pesantes et n’en font pas de moindres. Notons d’ailleurs que les mots épaules, doigts, fardeaux et liens qui servent à fixer les fardeaux doivent s’entendre au sens spirituel. « Toutes leurs actions, ils les font pour être vus des hommes. » Ainsi quiconque agit en quoi que ce soit pour être vu des hommes est un scribe et un pharisien.

3e leçon

« Ils portent de larges phylactères et de longues franges, ils aiment la première place dans les banquets, les premiers sièges dans les synagogues, les salutations sur les places publiques, et qu’on les appelle ‘Rabbi’. » Malheur à nous, misérables ! à qui sont passés les vices des pharisiens. Quand le Seigneur eut donné par l’intermédiaire de Moïse les commandements de la loi, il conclut : « Tu les attacheras à ta main et sur ton front comme un bandeau. » En voici le sens : Que mes préceptes soient dans ta main pour que tu les réalises dans tes actes ; qu’ils soient sur ton front pour que tu les médites jour et nuit. Les pharisiens ont mal interprété ; ils se sont mis à écrire le Décalogue de Moïse, c’est-à-dire les dix paroles de la loi, sur des bouts de parchemins qu’ils pliaient et attachaient à leur front pour s’en faire comme une couronne sur leur tête : ils les emportaient toujours avec eux sur leur front.

La Station est dans l’Église de Sainte-Balbine. Cette vierge romaine était fille du tribun Quirinus, qui souffrit le martyre sous le pontificat du pape saint Alexandre, au second siècle. Elle consacra à Dieu sa virginité, et vécut dans les bonnes œuvres jusqu’à son heureuse mort.

LEÇON.

L’instruction des Catéchumènes se poursuit, à l’aide des faits évangéliques qui vont se développant de jour en jour ; et l’Église continue de prendre dans l’Ancien Testament les indices prophétiques qui se réaliseront dans la malédiction des Juifs et la vocation des Gentils. Aujourd’hui, c’est Élie, ce personnage mystérieux qui nous tient fidèle compagnie pendant le Carême ; c’est lui qui vient mettre en action les jugements que Dieu portera un jour sur son peuple ingrat. Une sécheresse de trois ans a réduit aux abois le royaume d’Israël, sans qu’il ait songé à se convertir au Seigneur. Élie cherche encore quelqu’un qui veuille le nourrir. Nourrir le Prophète de Dieu, c’est une grande faveur, car Dieu est avec lui. Cet homme de miracle se dirigera-t-il vers quelque maison du royaume d’Israël ? Passera-t-il dans la terre de Juda ? Non ; il se tourne vers les régions de la gentilité ; c’est au pays de Sidon qu’il se rend, à Sarepta, chez une pauvre veuve. C’est chez cette humble femme qu’il transporte la bénédiction d’Israël. Le Sauveur lui-même a relevé cette circonstance, où paraît si visiblement la justice de Dieu contre les Juifs et sa miséricorde envers nous. « En vérité, je vous le dis, il y avait dans Israël beaucoup de veuves au temps d’Élie ; et cependant il ne fut envoyé à aucune d’elles, mais bien à la veuve de Sarepta, dans la terre de Sidon. »

Cette pauvre femme est donc le type de la gentilité appelée à la foi. Aussi, voyons quels caractères frappants nous présente cette histoire symbolique. Il s’agit d’une veuve sans appui, sans protection ; c’est la gentilité délaissée, n’ayant personne qui la défende contre l’ennemi du genre humain. Pour nourrir la mère et l’enfant, il ne reste plus qu’un peu de farine et un peu d’huile, après quoi il faudra mourir ; c’est l’image de l’affreuse disette de vérités que souffrait le monde païen, dont la vie était près de s’éteindre quand l’Évangile lui fut annoncé. Dans cette extrémité, la veuve de Sarepta reçoit le Prophète avec humanité et confiance ; elle ne doute point de sa parole, et elle est sauvée, elle et son fils. C’est ainsi que la gentilité accueillit les Apôtres, lorsque, secouant la poussière de leurs pieds, ils se virent contraints de tourner le dos à l’infidèle Jérusalem. Nous voyons la veuve tenant dans ses mains deux morceaux de bois ; ce double bois, au jugement de saint Augustin, de saint Césaire d’Arles et de saint Isidore de Séville, échos de la tradition primitive du christianisme, est la figure de la Croix. Avec ce bois, la veuve cuit le pain qui doit la nourrir, parce que c’est de la Croix que procède pour les gentils la nourriture et la vie, par Jésus qui est le Pain vivant. Tandis qu’Israël demeure dans la disette et la sécheresse, l’Église des Gentils ne voit défaillir en son sein ni la farine du froment céleste, ni l’huile, symbole de force et de douceur. Gloire soit donc à Celui qui nous a appelés du sein des ténèbres à l’admirable lumière de la foi ! Mais tremblons à la vue des malheurs que l’abus des grâces a attirés surtout un peuple. Si la justice de Dieu n’a pas reculé devant la réprobation d’une nation, s’arrêtera-t-elle devant notre endurcissement volontaire ?

ÉVANGILE.

Les docteurs de la Loi sont encore assis sur la chaire de Moïse ; Jésus veut qu’on écoute leur enseignement. Mais cette chaire, qui est une chaire de vérité, malgré l’indignité de ceux qui y sont assis, ne restera plus longtemps au sein d’Israël. Caïphe prophétisera encore, parce qu’il est pontife en cette année ; mais sa chaire, qu’il a souillée par d’indignes passions, va bientôt être enlevée et transférée au milieu de la gentilité. Jérusalem, qui aura renié le divin libérateur, va perdre ses honneurs ; et bientôt Rome, le centre de la puissance païenne, verra s’élever dans ses murs cette même chaire qui était la gloire d’Israël, du haut de laquelle se proclamaient les prophéties si visiblement accomplies en Jésus. Cette chaire ne sera plus ébranlée désormais, quelle que soit la fureur des portes de l’enfer ; elle sera toujours l’espoir fidèle des nations qui recevront d’elle l’indéfectible témoignage de la vérité. C’est ainsi que le flambeau de la foi qui luisait dans Jacob a été déplacé, mais ne s’est pas éteint. Jouissons de sa lumière, et méritons par notre humilité que ses rayons viennent toujours jusqu’à nous.

Quelle a été la cause de la perte d’Israël ? Son orgueil. Il s’est complu dans les dons que Dieu avait accumulés sur lui ; il n’a pas voulu reconnaître un Messie dépourvu de toute gloire humaine ; il s’est révolté d’entendre dire à Jésus que les Gentils participeraient au salut, et il a voulu, par le plus grand des forfaits, étouffer cette voix qui lui reprochait la dureté de son cœur. Ces hommes superbes, à la veille du jour de la vengeance divine, que tout leur annonce être prochain, n’ont rien perdu de leur arrogance. C’est toujours le même faste, le même mépris impitoyable pour les pécheurs. Le Fils de Dieu s’est fait le fils de l’homme ; il est notre maître, et c’est lui qui nous sert ; apprenons à cet exemple le prix de l’humilité. Si on nous nomme Maître, si on nous appelle Père, n’oublions pas que nul n’est maître, que nul n’est père que par le Seigneur notre Dieu. Le maître digne de ce nom est celui par la bouche duquel Jésus-Christ enseigne ; et celui-là seul est vraiment père qui reconnaît que son autorité paternelle ne vient que de Dieu ; car, comme le dit l’Apôtre, « c’est du Père de notre Seigneur Jésus-Christ que découle toute paternité au ciel et sur la terre ».

 

 

 

 

 

 

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Chaire de Saint Pierre à Antioche

22 Février 2016 , Rédigé par Ludovicus

Chaire de Saint Pierre à Antioche

Epitre

Pierre, Apôtre de Jésus-Christ, aux élus étrangers et dispersés dans le Pont, la Galatie, la Cappadoce, l’Asie et la Bithynie, élus selon la prescience de Dieu le Père pour la sanctification de l’Esprit, pour obéir à la foi et avoir part à l’aspersion du sang de Jésus-Christ, que la grâce et la paix vous soient multipliées ! Béni soit le Dieu et le Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui, selon sa grande miséricorde, nous a régénérés pour une espérance vivante par la résurrection de Jésus-Christ d’entre les morts, pour un héritage qui ne peut ni se corrompre, ni se souiller, ni se flétrir, qui est réservé dans les cieux pour vous, qui êtes gardés par la puissance de Dieu, par la foi, pour le salut qui est prêt à être manifesté dans le dernier temps. Vous devez en être transportés de joie, supposé même qu’il faille que, pour un peu de temps, vous soyez attristés par diverses épreuves, afin que votre foi ainsi éprouvée, plus précieuse que l’or (qu’on éprouve par le feu) tourne à votre louange, votre gloire et votre honneur, lorsque paraîtra Jésus-Christ Notre-Seigneur.

Evangile

En ce temps-là, Jésus vint aux environs de Césarée de Philippe, et il interrogeait ses disciples en disant : Que disent les hommes touchant le Fils de l’homme ? Ils lui répondirent : Les uns, qu’il est Jean-Baptiste ; les autres, Élie ; les autres, Jérémie, ou quelqu’un des prophètes. Jésus leur dit : Et vous, qui dites-vous que je suis ? Simon-Pierre, prenant la parole, dit : Vous êtes le Christ, le Fils du Dieu vivant. Jésus lui répondit : Tu es bienheureux, Simon, fils de Jonas, parce que ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est dans les cieux. Et moi, je te dis que tu es Pierre et que sur cette pierre je bâtirai mon Église, et les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle. Et je te donnerai les clefs du royaume des cieux ; et tout ce que tu lieras sur la terre sera lié aussi dans les cieux, et tout ce que tu délieras sur la terre sera délié dans les cieux.

AU DEUXIÈME NOCTURNE.

Sermon de saint Augustin, Évêque.

Quatrième leçon. L’institution de la solennité de ce jour a reçu de nos ancêtres le nom de Chaire, parce qu’il est de tradition que Pierre, prince des Apôtres, fut mis à pareil jour, en possession de son siège épiscopal. Les fidèles célèbrent donc à juste titre l’origine de ce siège, dont l’Apôtre fut investi pour leur salut par ces paroles du Seigneur : « Tu es Pierre, et sur cette Pierre je bâtirai mon Église. »
Cinquième leçon. Le Seigneur a donc appelé Pierre le fondement de l’Église, et celle-ci vénère justement ce fondement sur lequel repose tout l’édifice. C’est bien à Pierre que s’appliquent ces paroles du Psaume qui vous a été lu : « Qu’on l’exalte dans l’assemblée du peuple, et qu’on le loue dans la chaire des anciens ». Béni soit Dieu qui prescrit d’exalter le .bienheureux Apôtre Pierre dans l’assemblée des fidèles ; il est juste en effet que l’Église vénère le fondement qui lui permet de s’élever jusqu’au ciel.
Sixième leçon. En fêtant aujourd’hui l’origine de la Chaire de saint Pierre, nous rendons honneur au ministère du sacerdoce. Les Églises se rendent ces mutuels égards, comprenant qu’elles croissent d’autant plus en dignité, que les fonctions sacerdotales reçoivent plus d’honneur. C’est à bon droit qu’un religieux usage a introduit cette solennité dans les Églises. Je m’étonne donc des proportions croissantes qu’a prises de nos jours une pernicieuse erreur toute païenne, qui consiste à porter des mets et des vins sur les tombeaux des morts ; comme si les âmes qui ont quitté leurs corps réclamaient ces aliments propres à la chair.
 

AU TROISIÈME NOCTURNE.

Homélie de S. Léon, Pape.

Septième leçon. Le Seigneur demande aux Apôtres ce que les hommes pensent de lui, et leur réponse est commune tant qu’ils expriment l’incertitude de l’esprit des hommes. Mais dès qu’il interroge ses disciples sur leur propre sentiment, le premier en dignité parmi les Apôtres est le premier aussi à confesser le Seigneur. Quand il eut dit : « Vous êtes le Christ le Fils du Dieu vivant », Jésus lui répondit : « Tu es heureux, Simon, fils de Jean, car ni la chair ni le sang ne t’ont révélé ceci ». C’est-à-dire : Tu es heureux, parce que mou Père t’a instruit ; tu n’as pas été trompé par les opinions terrestres, mais l’inspiration céleste t’a éclairé : et ce n’est ni la chair ni le sang qui m’ont fait connaître à toi ; c’est celui dont je suis le Fils unique.
Huitième leçon. « Aussi moi je te dis » ; ce qui signifie : de même que mon Père t’a manifesté ma divinité, ainsi moi je veux te faire connaître ta propre excellence car « tu es Pierre » ; moi je suis la pierre inébranlable, la pierre de l’angle qui des deux peuples n’en fait qu’un, le fondement (et personne n’en peut poser d’autre) ; mais toi aussi tu es une pierre, car tu es affermi par ma vertu, afin que ce qui m’appartient en propre de par ma puissance, te soit donné en participation avec moi. « Et sur cette pierre je bâtirai mon Église, et les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle ». Sur cette force, je bâtirai un temple éternel, et la sublimité de mon Église, qui doit pénétrer le ciel, s’élèvera sur la fermeté de cette foi.
Neuvième leçon. Les portes de l’enfer n’empêcheront pas cette confession de Pierre ; les chaînes de la mort ne la lieront pas, car cette parole est une parole de vie. Elle élève au ciel ceux qui font cette profession ce foi, et plonge dans l’enfer ceux qui refusent de la faire ou de l’admettre. C’est pourquoi le Seigneur dit au bienheureux Pierre : « Je te donnerai les clefs du royaume des cieux ; et tout ce que tu lieras sur la terre sera lié aussi dans les cieux ; et tout ce que tu délieras sur la terre, sera aussi délié dans les cieux. » Il est vrai que ce pouvoir a été communiqué aussi aux autres Apôtres, et que ce décret constitutif concerne également tous les princes de l’Église ; mais en confiant une telle prérogative, ce n’est pas sans raison que notre Seigneur s’adresse à un seul, bien qu’il parle pour tous. C’est à Pierre en particulier que cette autorité est confiée, parce que Pierre est établi chef de tous les pasteurs de l’Église. Le privilège de Pierre subsiste en tout jugement porté en vertu de sa légitime autorité, et il n’y a excès, ni de sévérité ni d’indulgence où l’on ne lie ni ne délie que ce que le bienheureux Pierre a lié ou délié.

Pour la seconde fois (Voir la fête de la Chaire de Sainte Pierre à Rome, le 18 janvier), Pierre reparaît avec sa Chaire sur le Cycle de la sainte Église ; mais aujourd’hui ce n’est plus son Pontificat dans Rome, c’est son épiscopat à Antioche que nous sommes appelés à vénérer. Le séjour que le Prince des Apôtres fit dans cette dernière ville fut pour elle la plus grande gloire qu’elle eût connue depuis sa fondation ; et cette période occupe une place assez notable dans la vie de saint Pierre pour mériter d’être célébrée par les chrétiens, Cornélius avait reçu le baptême à Césarée des mains de Pierre, et l’entrée de ce Romain dans l’Église annonçait que le moment était venu où le Christianisme allait s’étendre en dehors de la race juive. Quelques disciples dont saint Luc n’a pas conservé les noms, tentèrent un essai de prédication à Antioche, et le succès qu’ils obtinrent porta les Apôtres à diriger Barnabé de Jérusalem vers cette ville. Celui-ci étant arrivé ne tarda pas à s’adjoindre un autre juif converti depuis peu d’années, et connu encore sous le nom de Saul, qu’il devait plus tard échanger en celui de Paul, et rendre si glorieux dans toute l’Église. La parole de ces deux hommes apostoliques dans Antioche suscita au sein de la gentilité de nouvelles recrues, et il fut aisé de prévoir que bientôt le centre de la religion du Christ ne serait plus Jérusalem, mais Antioche ; l’Évangile passant ainsi aux gentils, et délaissant la ville ingrate qui n’avait pas connu le temps de sa visite.

La voix de la tradition tout entière nous apprend que Pierre transporta sa résidence dans cette troisième ville de l’Empire romain, lorsque la foi du Christ y eut pris le sérieux accroissement dont nous venons de raconter le principe. Ce changement de lieu, le déplacement de la Chaire de primauté montraient l’Église avançant dans ses destinées, et quittant l’étroite enceinte de Sion, pour se diriger vers l’humanité tout entière.

Nous apprenons du pape saint Innocent Ier qu’une réunion des Apôtres eut lieu à Antioche. C’était désormais vers la Gentilité que le vent de l’Esprit-Saint poussait ces nuées rapides et fécondes, sous l’emblème desquelles Isaïe nous montre les saints Apôtres. Saint Innocent, au témoignage duquel se joint celui de Vigile, évêque de Thapsus, enseigne que l’on doit rapporter au temps de la réunion de saint Pierre et des Apôtres à Antioche ce que dit saint Luc dans les Actes, qu’à la suite de ces nombreuses conversions de gentils, les disciples du Christ furent désormais appelés Chrétiens.

Antioche est donc devenue le siège de Pierre. C’est là qu’il réside désormais ; c’est de là qu’il part pour évangéliser diverses provinces de l’Asie ; c’est là qu’il revient pour achever la fondation de cette noble Église. Alexandrie, la seconde ville de L’empire, semblerait à son tour réclamer l’honneur de posséder le siège de primauté, lorsqu’elle aura abaissé sa tête sous le joug du Christ ; mais Rome, préparée de longue main par la divine Providence à l’empire du monde, a plus de droits encore. Pierre se mettra en marche, portant avec lui les destinées de l’Église ; là où il s’arrêtera, là où il mourra, il laissera sa succession. Au moment marqué, il se séparera d’Antioche, où il établira pour évêque Évodius son disciple. Évodius sera le successeur de Pierre en tant qu’Évêque d’Antioche ; mais son Église n’héritera pas de la principauté que Pierre emporte avec lui. Ce prince des Apôtres envoie Marc son disciple prendre possession d’Alexandrie en son nom ; et cette Église sera la seconde de l’univers, élevée d’un degré au-dessus d’Antioche, par la volonté de Pierre, qui cependant n’y aura pas siégé en personne. C’est à Rome qu’il se rendra, et qu’il fixera enfin cette Chaire sur laquelle il vivra, il enseignera, il régira, dans ses successeurs.

Telle est l’origine des trois grands Sièges Patriarcaux si vénérés dans l’antiquité : le premier, Rome, investi de la plénitude des droits du prince des Apôtres, qui les lui a transmis en mourant ; le deuxième, Alexandrie, qui doit sa prééminence à la distinction que Pierre en a daigné faire en l’adoptant pour le second ; le troisième, Antioche, sur lequel il s’est assis en personne, lorsque, renonçant à Jérusalem, il apportait à la Gentilité les grâces de l’adoption. Si donc Antioche le cède pour le rang à Alexandrie, cette dernière lui est inférieure, quant à l’honneur d’avoir possédé la personne de celui que le Christ avait investi de la charge de Pasteur suprême. Il était donc juste que l’Église honorât Antioche pour la gloire qu’elle a eue d’être momentanément le centre de la chrétienté : et telle est l’intention de la fête que nous célébrons aujourd’hui.

Les solennités qui se rapportent à saint Pierre ont droit d’intéresser particulièrement les enfants de l’Église. La fête du père est toujours celle de la famille tout entière ; car c’est de lui qu’elle emprunte et sa vie et son être. S’il n’y a qu’un seul troupeau, c’est parce qu’il n’y a qu’un seul Pasteur ; honorons donc la divine prérogative de Pierre, à laquelle le Christianisme doit sa conservation, et aimons à reconnaître les obligations que nous avons au Siège Apostolique. Au jour où nous célébrions la Chaire Romaine, nous avons reconnu comment la Foi s’enseigne, se conserve, se propage par l’Église-Mère, en laquelle résident les promesses faites à Pierre. Honorons aujourd’hui le Siège Apostolique, comme source unique du pouvoir légitime par lequel les peuples sont régis et gouvernés dans l’ordre du salut éternel.

Le Sauveur a dit à Pierre : «Je te donnerai les Clefs du Royaume des cieux», c’est-à-dire de l’Église ; il lui a dit encore : «Pais mes agneaux, pais mes brebis». Pierre est donc prince : car les Clefs, dans l’Écriture, signifient la principauté ; il est donc Pasteur, et Pasteur universel : car, dans le troupeau, il n’y a rien en dehors des brebis et des agneaux. Mais voici que, par la bonté divine, nous rencontrons de toutes parts d’autres Pasteurs : les Évêques, «que l’Esprit-Saint a posés pour régir l’Église de Dieu», gouvernent en son nom les chrétientés, et sont aussi Pasteurs. Comment ces Clefs, qui sont le partage de Pierre, se trouvent-elles en d’autres mains que dans les siennes ? L’Église catholique nous explique ce mystère dans les monuments de sa Tradition.

Elle nous dit par Tertullien que le Seigneur a «donné les Clefs à Pierre, et par lui à l’Église» ; par saint Optât de Milève, que, pour le bien de l’unité, Pierre a été préféré aux autres Apôtres, et a reçu seul les Clefs du Royaume des cieux, pour les communiquer aux autres» ; par saint Grégoire de Nysse, que le Christ a donné par Pierre aux Évêques les Clefs de leur céleste « prérogative» ; par saint Léon le Grand, que le Sauveur a donné par Pierre aux autres prince ces des Églises tout ce qu’il n’a pas jugé à propos de leur refuser ».

L’Épiscopat est donc à jamais sacré ; car il se rattache à Jésus-Christ par Pierre et ses successeurs ; et c’est ce que la Tradition catholique nous atteste de la manière la plus imposante, applaudissant au langage des Pontifes Romains qui n’ont cessé de déclarer, depuis les premiers siècles, que la dignité des Évêques était d’être appelés à partager leur propre sollicitude, in partem sollicitudinis vocatos. C’est pourquoi saint Cyprien ne fait pas difficulté de dire que le Seigneur, voulant établir la dignité épiscopale et constituer son Église, dit à Pierre : Je te donnerai les Clefs du Royaume des cieux ; et c’est de là que découle l’institution des Évêques et la disposition de l’Église». C’est ce que répète, après le saint Évêque de Carthage, saint Césaire d’Arles, dans les Gaules, au V° siècle, quand il écrit au saint pape Symmaque : «Attendu que l’Épiscopat prend sa source dans la personne du bienheureux Apôtre Pierre, il suit de là, par une conséquence nécessaire, que c’est à Votre Sainteté de prescrire aux diverses Églises les règles auxquelles elles doivent se conformer». Cette doctrine fondamentale, que saint Léon le Grand a formulée avec tant d’autorité et d’éloquence, et qui est en d’autres termes la même que nous venons de montrer tout à l’heure par la Tradition, se trouve intimée aux Églises, avant saint Léon, dans les magnifiques Épîtres de saint Innocent Ier qui sont venues jusqu’à nous. C’est ainsi qu’il écrit au concile de Carthage que l’Épiscopat et toute son autorité émanent du Siège Apostolique» ; au concile de Milève, que «les Évêques doivent considérer Pierre comme la source de leur nom et de leur dignité » ; à saint Victrice, Évêque de Rouen, que l’Apostolat et l’Épiscopat prennent en Pierre leur origine».

Nous n’avons point ici à composer un traité polémique ; notre but, en alléguant ces titres magnifiques de la Chaire de Pierre, n’est autre que de réchauffer dans le cœur des fidèles la vénération et le dévouement dont ils doivent être animés envers elle. Mais il est nécessaire qu’ils connaissent la source de l’autorité spirituelle qui, dans ses divers degrés, les régit et les sanctifie. Tout découle de Pierre, tout émane du Pontife Romain dans lequel Pierre se continuera jusqu’à la consommation des siècles. Jésus-Christ est le principe de l’Épiscopat, l’Esprit-Saint établit les Évêques ; mais la mission, l’institution, qui assigne au Pasteur son troupeau et au troupeau son Pasteur, Jésus-Christ et l’Esprit-Saint les donnent par le ministère de Pierre et de ses successeurs.

Qu’elle est divine et sacrée, cette autorité des Clefs, qui, descendant du ciel dans le Pontife Romain, dérive de lui par les Prélats des Églises sur toute la société chrétienne qu’elle doit régir et sanctifier ! Le mode de sa transmission par le Siège Apostolique a pu varier selon les siècles ; mais tout pouvoir n’en émanait pas moins de la Chaire de Pierre. Au commencement, il y eut trois Chaires : Rome, Alexandrie et Antioche ; toutes trois, sources de l’institution canonique pour les Évêques de leur ressort ; mais toutes trois regardées comme autant de Chaires de Pierre, fondées par lui pour présider, comme l’enseignent saint Léon, saint Gélase et saint Grégoire le Grand. Mais, entre ces trois Chaires, le Pontife qui siégeait sur la première ne recevait que du Ciel son institution, tandis que les deux autres Patriarches n’exerçaient leurs droits qu’après avoir été reconnus et confirmés par celui qui occupait à Rome la place de Pierre. Plus tard, on voulut adjoindre deux nouveaux Sièges aux trois premiers ; mais Constantinople et Jérusalem n’arrivèrent à un tel honneur qu’avec l’agrément du Pontife Romain. Puis, afin que les hommes ne fussent pas tentés de confondre les distinctions accidentelles dont avaient été décorées ces diverses Églises, avec la divine prérogative de l’Église de Rome, Dieu permit que les Sièges d’Alexandrie, d’Antioche, de Constantinople et de Jérusalem fussent souillés par l’hérésie ; et que, devenues autant de Chaires d’erreur, elles cessassent de transmettre la mission légitime, à partir du moment où elles avaient altéré la foi que Rome leur avait transmise avec la vie. Nos pères les ont vues tomber successivement, ces colonnes antiques que la main paternelle de Pierre avait élevées ; mais leur ruine lamentable n’atteste que plus haut combien est solide l’édifice que la main du Christ a bâti sur Pierre. Le mystère de l’unité s’est alors révélé avec plus d’éclat ; et Rome, retirant à elle les faveurs qu’elle avait versées sur des Églises qui ont trahi cette Mère commune, n’en a paru qu’avec plus d’évidence le principe unique du pouvoir pastoral.

C’est donc à nous, prêtres et fidèles, à nous enquérir de la source où nos pasteurs ont puisé leur pouvoir, de la main qui leur a transmis les Clefs. Leur mission émane-t-elle du Siège Apostolique ? S’il en est ainsi, ils viennent de la part de Jésus-Christ qui leur a confié, par Pierre, son autorité ; honorons-les, soyons-leur soumis. S’ils se présentent sans être envoyés par le Pontife Romain, ne nous joignons point à eux ; car le Christ ne les connaît pas. Fussent-ils revêtus du caractère sacré que confère l’onction épiscopale, ils ne sont rien dans l’Ordre Pastoral ; les brebis fidèles doivent s’éloigner d’eux.

C’est ainsi que le divin Fondateur de l’Église ne s’est pas contenté de lui assigner la visibilité comme caractère essentiel, afin qu’elle fût cette Cité bâtie sur la montagne, et qui frappe tous les regards ; il a voulu encore que le pouvoir céleste qu’exercent les Pasteurs dérivât d’une source visible, afin que chaque fidèle fût à même de vérifier les titres de ceux qui se présentent à lui pour réclamer son âme au nom du Christ. Le Seigneur ne devait pas moins faire pour nous, puisque d’autre part il exigera au dernier jour que nous ayons été membres de son Église, et que nous ayons vécu en rapport avec lui par le ministère des pasteurs légitimes. Honneur donc et soumission au Christ en son Vicaire ; honneur et soumission au Vicaire du Christ dans les pasteurs qu’il envoie !

Chaire de Saint Pierre à Antioche
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Tout pour le bonheur du peuple

21 Février 2016 , Rédigé par Ludovicus

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