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Regnum Galliae Regnum Mariae

Saint Raymond Nonnat confesseur

31 Août 2021 , Rédigé par Ludovicus

Saint Raymond Nonnat confesseur

Collecte

Dieu, vous avez rendu le bienheureux Raymond, votre Confesseur, admirable par son dévouement pour délivrer vos fidèles de la captivité des impies : accordez-nous, par son intercession, d’être délivrés des liens du péché, et d’accomplir d’une âme libre ce qui vous est agréable

Office

Au deuxième nocturne.

Quatrième leçon. Raymond a été surnommé Nonnat, en raison d’un fait contraire aux lois ordinaires de la nature : sa mère étant morte avant de le mettre au monde, il fallut lui ouvrir le sein pour amener l’enfant à la lumière. Issu d’une pieuse et illustre famille, il vit le jour à Portel en Catalogne. Dès son enfance, il donna des marques de sa future sainteté. Étranger aux divertissements de son âge, insensible aux attraits du monde, il se donnait tellement à la piété, que tous admiraient dans cet enfant une vertu déjà mûre. En avançant en âge, il s’appliqua à l’étude des lettres ; mais bientôt, sur l’ordre de son père, il se retira à la campagne, où il visitait souvent une petite chapelle dédiée à saint Nicolas, aux environs de Portel, pour y vénérer une image de la sainte Vierge ; image que les fidèles continuent d’entourer encore aujourd’hui d’une très grande vénération. Là, se répandant en prières, il suppliait constamment la Mère de Dieu de l’adopter pour sou fils, de daigner lui enseigner la voie du salut et la science des Saints.

Cinquième leçon. La Vierge très clémente ne repoussa point sa demande ; car elle fit comprendre à Raymond, qu’il lui serait très agréable de le voir entrer dans l’ordre de la Merci ou du rachat des captifs, récemment fondé d’après son inspiration. Aussitôt cet avertissement reçu, il se rendit à Barcelone et embrassa cet institut, voué à une œuvre si excellente de charité envers le prochain. Enrôlé dans cette sainte milice, il garda toujours la virginité, qu’il avait déjà consacrée à Marie. Il se signala également par la pratique des autres vertus et surtout par sa charité envers les Chrétiens qui, tombés au pouvoir des païens, traînaient une vie misérable dans la captivité. Envoyé en Afrique pour racheter ces malheureux, il en délivra un grand nombre, et se constitua comme otage pour ne pas voir ceux qui restaient, faute de rançon, courir le risque d’apostasier. Mais comme, enflammé du zèle le plus ardent pour le salut des âmes, il réussit, par ses prédications à convertir à Jésus Christ un certain nombre de Musulmans, les barbares le jetèrent dans un étroit cachot, et le soumirent à différents supplices : il endura notamment le cruel martyre d’avoir les lèvres percées et tenues fermées par un cadenas de fer.

Sixième leçon. Ces choses, et d’autres actions pleines de courage, lui firent de tous côtés la réputation d’un saint et portèrent Grégoire IX à lui donner une place dans le sacré Collège des Cardinaux de la sainte Église romaine ; mais l’homme de Dieu, conservant dans cette dignité l’horreur qu’il avait de la pompe et du luxe, ne cessa de pratiquer strictement l’humilité religieuse. Il se mit en route pour aller à Rome, mais à peine arrivé à Cordoue il tomba dangereusement malade, et demanda instamment à être muni des sacrements de l’Église. La maladie s’aggravant et le Prêtre tardant à venir, Raymond reçut le saint viatique par le ministère des Anges, qui lui apparurent sous l’aspect de religieux de son Ordre. L’ayant reçu, il rendit grâces à Dieu, et s’en alla au Seigneur le dernier dimanche d’août, l’an douze cent quarante. Une discussion s’étant élevée au sujet du lieu de sa sépulture, son corps, enfermé dans un cercueil, fut placé sur une mule aveugle, qui le transporta, non sans une permission de Dieu à la chapelle de saint Nicolas, pour qu’il fût enseveli au lieu même où Raymond avait jeté les premiers fondements de sa très sainte vie. Un couvent de son Ordre, fut bâti en cet endroit et les fidèles y affluent de toutes les parties de la Catalogne, pour s’acquitter de leurs vœux en venant honorer le Saint, dont la gloire y est manifestée par différentes sortes de miracles et de choses merveilleuses.

Au troisième nocturne. Du Commun.

Homélie de saint Grégoire, Pape. Homilia 13 in Evang.

Septième leçon. Mes très chers frères, le sens de la lecture du saint Évangile que vous venez d’entendre est très clair. Mais de crainte qu’elle ne paraisse, à cause de sa simplicité même, trop élevée à quelques-uns, nous la parcourrons brièvement, afin d’en exposer la signification à ceux qui l’ignorent, sans cependant être à charge à ceux qui la connaissent. Le Seigneur dit : « Que vos reins soient ceints ». Nous ceignons nos reins lorsque nous réprimons les penchants de la chair par la continence. Mais parce que c’est peu de chose de s’abstenir du mal, si l’on ne s’applique également, et par des efforts assidus, à faire du bien, notre Seigneur ajoute aussitôt : « Ayez en vos mains des lampes allumées ». Nous tenons en nos mains des lampes allumées, lorsque nous donnons à notre prochain, par nos bonnes œuvres, des exemples qui l’éclairent. Le Maître désigne assurément ces œuvres-là, quand il dit : « Que votre lumière luise devant les hommes, afin qu’ils voient vos bonnes œuvres, et qu’ils glorifient votre Père qui est dans les cieux ».

Huitième leçon. Voilà donc les deux choses commandées : ceindre ses reins, et tenir des lampes ; ce qui signifie que la chasteté doit parer notre corps, et la lumière de la vérité briller dans nos œuvres. L’une de ces vertus n’est nullement capable de plaire à notre Rédempteur si l’autre ne l’accompagne. Celui qui fait des bonnes actions ne peut lui être agréable s’il n’a renoncé à se souiller par la luxure, ni celui qui garde une chasteté parfaite, s’il ne s’exerce à la pratique des bonnes œuvres. La chasteté n’est donc point une grande vertu sans les bonnes œuvres, et les bonnes œuvres ne sont rien sans la chasteté. Mais si quelqu’un observe les deux préceptes, il lui reste le devoir de tendre par l’espérance à la patrie céleste, et de prendre garde qu’en s’éloignant des vices, il ne le fasse pour l’honneur de ce monde.

Neuvième leçon. « Et vous, soyez semblables à des hommes qui attendent que leur maître revienne des noces, afin que lorsqu’il viendra et frappera à la porte, ils lui ouvrent aussitôt ». Le Seigneur vient en effet quand il se prépare à nous juger ; et il frappe à la porte, lorsque, par les peines de la maladie, il nous annonce une mort prochaine. Nous lui ouvrons aussitôt, si nous l’accueillons avec amour. Il ne veut pas ouvrir à son juge lorsqu’il frappe, celui qui tremble de quitter son corps, et redoute de voir ce juge qu’il se souvient avoir méprisé ; mais celui qui se sent rassuré, et par son espérance et par ses œuvres, ouvre aussitôt au Seigneur lorsqu’il frappe à la porte, car il reçoit son Juge avec joie. Et quand le moment de la mort arrive, sa joie redouble à la pensée d’une glorieuse récompense.

Août finit comme il a commencé, par une fête de délivrance : sceau divin de l’éternelle Sagesse sur ce mois qui lui est consacré. Depuis qu’au sortir d’Éden, elle fit son but de la rédemption du genre humain que poursuivait son amour, tous ses privilégiés ont eu leur part en ce grand œuvre : part de labeur, de prières, de souffrances, comme fut la sienne en la chair ; part féconde en la mesure même de l’association qu’elle daigne leur octroyer à ses renoncements miséricordieux. Pierre dans ses liens avança plus l’émancipation du monde que les conspirateurs soulevés contre la tyrannie des Césars ; Raymond Nonnat et ses frères, prenant sur eux les chaînes des captifs, firent plus que tous les philosophes égalitaires ou les déclamateurs de liberté pour l’abolition de l’esclavage et l’extinction de la barbarie.

Déjà les fêtes des saints Raymond de Pegnafort et Pierre Nolasque nous ont donné d’assister aux origines de l’Ordre illustre où Raymond Nonnat brille d’un éclat si grand. Bientôt sa fondatrice auguste elle-même, Notre-Dame de la Merci, daignera se prêter à l’expression de la reconnaissance du monde pour tant de bienfaits.

Jusqu’où, illustre Saint, n’avez-vous pas suivi le conseil du Sage ! Les liens de la Sagesse sont des liens de salut, disait-il. Et, non content de livrer vos pieds à ses fers et votre cou à ses entraves, vos lèvres sont allées, dans l’allégresse de l’amour, au-devant du cadenas redoutable dont ne parlait pas le fils de Sirach. Mais quelle récompense n’est pas la vôtre, aujourd’hui que cette Sagesse du Père, si totalement embrassée par vous dans la plénitude de la divine charité en son double précepte, vous abreuve au torrent des éternelles délices, ornant votre front de cette gloire, de ces grâces qui sont le rayonnement de sa propre beauté ! Afin que nous puissions vous rejoindre un jour près de son trône de lumière, montrez-nous à marcher en ce monde par ses voies toujours belles, par ses sentiers où la paix n’est jamais troublée fût-ce au fond des cachots. Délivrez nos âmes, si le péché les captive encore ; rompez leurs attaches égoïstes, et remplacez-les par ces liens heureux de la Sagesse qui sont l’humilité, le renoncement, l’oubli de soi, l’amour de nos frères pour Dieu, de Dieu pour lui-même.

Ici est né saint Raymond Nonnat (chapelle de Portell)

Ici est né saint Raymond Nonnat (chapelle de Portell)

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Sainte Rose de Lima vierge mémoire des Saints Félix et Adauctus Martyrs

30 Août 2021 , Rédigé par Ludovicus

Sainte Rose de Lima vierge mémoire des Saints Félix et Adauctus Martyrs

Collecte

Dieu tout-puissant, dispensateur de tous les biens, vous avez prévenu de la rosée céleste de votre grâce la bienheureuse Rose, et vous l’avez fait briller dans les Indes de tout l’éclat de la pureté et de la patience : accordez à vos serviteurs de courir à l’odeur de ses parfums, afin qu’ils méritent de devenir eux-mêmes la bonne odeur de Jésus-Christ, qui, étant Dieu, vit et règne.

Office

Au deuxième nocturne.

Quatrième leçon. La première fleur de sainteté de l’Amérique méridionale fut la vierge Rose, née à Lima, de parents chrétiens. Dès son berceau, on vit en elle des marques éclatantes de sa sainteté future, car son visage d’enfant parut un jour transfiguré et comme ayant l’aspect d’une rose, ce qui fut l’occasion de lui imposer ce nom. Dans la suite, la Vierge, Mère de Dieu, y ajouta un surnom, ordonnant de l’appeler Rose de sainte Marie. A l’âge de cinq ans, elle émit le vœu de virginité perpétuelle. Dans son adolescence, craignant que ses parents ne la contraignissent à se marier, elle coupa secrètement sa superbe chevelure. Adonnée à des jeûnes qui semblent au-dessus des forces de la nature humaine, elle passait des carêmes entiers sans manger de pain, n’ayant chaque jour pour nourriture que cinq pépins de citron.

Cinquième leçon. Quand elle eut pris l’habit du tiers ordre de saint Dominique, elle redoubla ses austérités, fixa dans un long et très dur cilice de petites aiguilles, et se mit à porter jour et nuit, sous son voile une couronne armée de pointes aiguës. A l’exemple de sainte Catherine de Sienne elle ceignit ses reins d’une chaîne de fer, qui l’entourait d’un triple nœud. Son lit se composait de troncs noueux dont les interstices étaient remplis de têts de pots cassés. Elle se fit construire une étroite cellule dans un coin retiré du jardin ; et là, livrée à la contemplation des choses du ciel, elle exténuait son faible corps par de fréquentes disciplines, des privations de nourriture et des veilles ; mais soutenue par l’esprit, elle sortit victorieusement de nombreuses luttes avec les démons qu’elle méprisait sans crainte et dominait.

Sixième leçon. Cruellement éprouvée par les souffrances de diverses maladies, les insultes de personnes de sa maison, et la calomnie, elle s’affligeait de ne pas souffrir autant qu’elle le méritait. En proie presque continuellement durant quinze années aux peines consumantes de la désolation et de l’aridité spirituelle, elle supporta avec force d’âme ces combats plus remplis d’amertume que toute mort. Après quoi elle commença à connaître l’abondance des joies célestes, à être éclairée par des visions, et à sentir son cœur se fondre sous l’action de séraphiques ardeurs. Favorisée de fréquentes apparitions de son Ange gardien, de sainte Catherine de Sienne et de la Mère de Dieu, elle usait avec eux d’une admirable simplicité, et mérita d’entendre de la bouche du Christ ces paroles : « Rose de mon cœur, sois une épouse pour moi. » Introduite heureusement enfin dans le paradis de cet Époux divin, Rose devint illustre après sa mort comme auparavant par de nombreux miracles, et le souverain Pontife Clément X l’inscrivit solennellement au catalogue des saintes Vierges.

Au troisième nocturne. Du Commun.

Homélie de saint Grégoire, Pape. Homilia 12 in Evang.

Septième leçon. Je vous recommande souvent, mes très chers frères, de fuir le mal et de vous préserver de la corruption du monde ; mais aujourd’hui la lecture du saint Évangile m’oblige à vous dire de veiller avec beaucoup de soin à ne pas perdre le mérite de vos bonnes actions. Prenez garde que vous ne recherchiez dans le bien que vous faites, la faveur ou l’estime des hommes, qu’il ne s’y glisse un désir d’être loué, et que ce qui paraît au dehors ne recouvre un fond vide de mérite et peu digne de récompense. Voici que notre Rédempteur nous parle de dix vierges, il les nomme toutes vierges et cependant toutes ne méritèrent pas d’être admises au séjour de la béatitude, car tandis qu’elles espéraient recueillir de leur virginité une gloire extérieure, elles négligèrent de mettre de l’huile dans leurs vases.

Huitième leçon. Il nous faut d’abord examiner ce qu’est le royaume des cieux, ou pourquoi il est comparé à dix vierges, et encore quelles sont les vierges prudentes et les vierges folles. Puisqu’il est certain qu’aucun réprouvé n’entrera dans le royaume des cieux, pourquoi nous dit-on qu’il est semblable à des vierges parmi lesquelles il y en a de folles ? Mais nous devons savoir que l’Église du temps présent est souvent désignée dans le langage sacré sous le nom de royaume des cieux ; d’où vient que le Seigneur dit en un autre endroit : « Le Fils de l’homme enverra ses anges, et ils enlèveront de son royaume tous les scandales ». Certes, ils ne pourraient trouver aucun scandale à enlever, dans ce royaume de la béatitude, où se trouve la plénitude de la paix.

Neuvième leçon. L’âme humaine subsiste dans un corps doué de cinq sens. Le nombre cinq, multiplié par deux, donne celui de dix. Et parce que la multitude des fidèles comprend l’un et l’autre sexe, la sainte Église est comparée à dix vierges. Comme, dans cette Église, les méchants se trouvent mêlés avec les bons et ceux qui seront réprouvés avec les élus, ce n’est pas sans raison qu’on la dit semblable à des vierges, dont les unes sont sages et les autres insensées. Il y a en effet, beaucoup de personnes chastes qui veillent sur leurs passions quant aux choses extérieures et sont portées par l’espérance vers les biens intérieurs ; elles mortifient leur chair et aspirent de toute l’ardeur de leur désir vers la patrie d’en haut ; elles recherchent les récompenses éternelles, et ne veulent pas recevoir pour leurs travaux de louanges humaines : celles-ci ne mettent assurément pas leur gloire dans les paroles des hommes, mais la cachent au fond de leur conscience. Et il en est aussi plusieurs qui affligent leur corps par l’abstinence, mais attendent de cette abstinence même des applaudissements humains.

Quel parfum d’au delà de l’Océan nous apporte aujourd’hui la brise ! L’ancien monde renouvelle sa jeunesse à ces senteurs du ciel ; le nouveau se concilie par elles la terre et les cieux.

Cent ans ont passé depuis les jours où l’Europe étonnée apprit qu’un continent nouveau se révélait par delà les flots de la mer Ténébreuse, effroi des navigateurs. L’Espagne venait d’expulser le Croissant de ses propres terres ; comme récompense, elle reçut la mission de planter la Croix sur ces plages immenses. Ni héros, ni apôtres, ne firent défaut dans cette œuvre au royaume Catholique ; ni non plus, pour son malheur, les aventuriers dont la soif de l’or fit le fléau des Indiens qu’il s’agissait d’amener au vrai Dieu. La décadence si prompte de l’illustre nation qui avait triomphé du Maure, montrera bientôt jusqu’à quel point les peuples prévenus des plus hautes bénédictions restent pourtant solidaires des crimes commis, sous le couvert de leur nom, par quiconque porte le drapeau du pays. On sait comment finit au Pérou l’empire des Incas : malgré les protestations indignées des missionnaires, malgré les ordres venus de la mère patrie, quelques années suffirent aux compagnons de Pizarre pour exterminer le tiers des habitants de ces florissantes contrées ; un autre tiers achevait de périr dans la misère d’une servitude pire que la mort immédiate ; le reste fuyait vers les montagnes, emportant au fond des forêts la haine de l’envahisseur, et trop souvent, hélas ! de l’Évangile, responsable à ses yeux des atrocités accomplies par les baptisés. La cupidité des vainqueurs donnait entrée à tous les vices dans ces âmes en lesquelles cependant la foi restait vive : Lima, fondée au pied des Cordillères comme métropole des provinces conquises, semblait bâtie sur la triple concupiscence ; avant la fin du siècle, Jonas nouveau d’une nouvelle Ninive, saint François Solano la menaçait du courroux de Dieu.

Mais déjà la miséricorde avait pris les devants ; la justice et la paix s’étaient rencontrées dans l’âme d’une enfant prête à toutes les expiations, insatiable d’amour. Combien nous voudrions nous arrêter à contempler la vierge péruvienne dans son héroïsme qui s’ignora toujours, dans sa grâce si candide et si pure ! Rose qui n’eut pour ceux qui l’approchaient que des suavités embaumées, et garda pour elle le secret des épines sans lesquelles ne vont point les roses ici-bas ! Éclose du sourire de Marie, elle ravit l’Enfant-Dieu qui la veut sur son cœur. Les fleurs la reconnaissent pour reine, et toute saison les voit répondre à son désir ; à son invitation, les plantes s’agitent joyeuses, les arbres inclinent leurs rameaux, toute la nature tressaille, eux-mêmes les insectes organisent des chœurs, les oiseaux rivalisent avec elle d’harmonies pour célébrer leur auteur commun. Et elle chante, au souvenir des noms de son père et de sa mère, Gaspard des Fleurs et Marie d’Olive : « O mon Jésus, que vous êtes beau entre les olives et les fleurs ; et vous ne dédaignez pas votre Rose ! »

Cependant l’éternelle Sagesse se révélait dans les jeux de l’Enfant divin et de sa bien-aimée. C’est Clément X qui, dans la bulle de canonisation, nous rappelle qu’un jour où elle était plus souffrante, le tout aimable fils de la Vierge bénie l’invita pour une partie mystérieuse où l’enjeu serait laissé au libre choix du vainqueur. Rose gagne, et réclame sa guérison, aussitôt accordée. Mais Jésus demande la revanche, et l’emportant au second tour, il rend son mal, accompagné du don de patience, à la perdante toute joyeuse ; car elle avait compris qu’elle gagnait plus à la seconde partie qu’à la première.

Réservons à l’Église de raconter, en la Légende, jusqu’où notre Sainte fut amenée par l’efficacité de ces divines leçons touchant la souffrance. Dans les tortures surhumaines de sa dernière maladie, elle répondait à qui l’exhortait au courage : « Ce que je demande à mon Époux, c’est qu’il ne cesse point de me brûler des ardeurs les plus cuisantes, jusqu’à ce que je sois pour lui le fruit mûr qu’il daigne recevoir de cette terre à sa table des deux ». Et comme on s’étonnait alors de sa sécurité, de sa certitude d’aller directement au paradis, elle dit avec feu cette autre parole qui montre aussi tout un aspect de son âme : « Moi, j’ai un Époux qui peut ce qu’il y a de plus grand, qui possède ce qu’il y a de plus rare ; et je ne me vois pas n’espérant de lui que de petites choses ».

Confiance bien justifiée par l’infinie bonté, les assurances et les prévenances du Seigneur à l’égard de Rose. Elle n’avait que trente et un ans, lorsque, au milieu de la nuit qui ouvrait la fête de saint Barthélémy de l’année 1617, elle entendit le cri : Voici l’Époux ! Dans Lima, dans tout le Pérou, dans l’Amérique entière, des prodiges de conversion et de grâce signalèrent le trépas de l’humble vierge, inconnue jusque-là du grand nombre. « Il fut attesté juridiquement, dit le Pontife suprême, que, depuis la découverte du Pérou, aucun missionnaire ne s’était rencontré qui eût produit pareil ébranlement d’universelle pénitence ». Cinq ans plus tard, était dédié ce monastère de Sainte-Catherine-de-Sienne qui devait continuer au milieu de Lima l’œuvre de sanctification, d’assainissement, de défense sociale, et qu’on appelait le monastère de Rose, parce qu’elle en était en effet devant Dieu la fondatrice et la mère. Ses prières en avaient obtenu l’érection qu’elle avait prédite pour après sa mort, désignant d’avance le plan, les religieuses futures, la première supérieure, qu’elle investit un jour prophétiquement de son esprit dans un embrassement plein de mystère.

Patronne de votre patrie de ce monde, veillez sur elle toujours. Justifiez sa confiance, dans l’ordre même de la vie présente, en la défendant des tremblements de terre dont les secousses promènent l’effroi sur ses rivages, des commotions politiques dont sa récente indépendance s’est vue si cruellement éprouvée. Étendez votre action tutélaire aux jeunes républiques qui l’avoisinent, et qui elles aussi vous honorent ; ainsi que votre terre natale, protégez-les contre le mirage des utopies venues de notre vieux monde, contre les entraînements, les illusions de leur propre jeunesse, contre les sectes condamnées qui finiraient par ébranler jusqu’à leur foi toujours vive. Enfin, Rose aimée du Seigneur, souriez à l’Église entière que ravissent aujourd’hui vos charmes célestes. Comme elle, nous voulons tous courir à l’odeur de vos parfums.

Apprenez-nous à nous laisser prévenir comme vous par la céleste rosée. Montrez-nous à répondre aux avances du sculpteur divin qui vous apparut un jour, remettant aux soins de ceux qu’il aime les marbres de choix des vertus, pour les polir et les tailler en s’aidant de leurs larmes et du ciseau de la pénitence. Plus que tout le reste, enseignez-nous la confiance et l’amour. Tout ce qu’opère, disiez-vous, le soleil dans l’immensité de l’univers, faisant éclore les fleurs et mûrissant les fruits, créant les perles au sein des océans, les pierres précieuses dans les plis des montagnes : l’Époux l’accomplissait dans les espaces sans fin de votre âme, y produisant toute richesse, toute beauté, toute joie, toute chaleur et toute vie. Puissions-nous, ainsi que vous-même, profiter de la descente du Soleil de justice eh nos poitrines au Sacrement d’union, ne vivre plus que de sa lumière bénie, porter la bonne odeur du Christ en tous lieux

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XIVème Dimanche après la Pentecôte

29 Août 2021 , Rédigé par Ludovicus

XIVème Dimanche après la Pentecôte

Introït

Dieu, notre protecteur, jetez les yeux sur nous, et regardez la face de votre Christ ; car un jour passé dans vos parvis vaut mieux que mille autres. Que vos tabernacles sont aimés, ô Dieu des vertus ! mon âme est consumée d’un ardent désir et défaille en pensant aux parvis du Seigneur.

Collecte

O Seigneur, gardez votre Église par l’assistance continuelle de votre miséricorde ; et puisque, sans vous, la faiblesse humaine ne peut que faillir, daignez, par votre assistance, la préserver sans cesse de tout ce qui peut lui nuire, et la diriger vers ce qui est salutaire.

Épitre Ga. 5, 16-24

Mes Frères : Marchez selon l’esprit, et vous n’accomplirez point les désirs de la chair. Car la chair convoite contre l’esprit, et l’esprit contre la chair ; en effet, ils sont opposés l’un à l’autre, pour que vous ne fassiez pas tout ce que vous voudriez. Si vous êtes conduits par l’esprit, vous n’êtes point sous la loi.

Or les œuvres de la chair sont manifestes : c’est la fornication, l’impureté, l’impudicité, la luxure, l’idolâtrie, les maléfices, les inimitiés, les querelles, les jalousies, les animosités, les rixes, les dissensions, les factions, l’envie, les meurtres, l’ivrognerie, les débauches, et les choses semblables, dont je vous prédis, comme je l’ai déjà fait, que ceux qui les commettent ne seront point héritiers du royaume de Dieu.

Mais les fruits de l’esprit sont : la charité, la joie, la paix, la patience, la bénignité, la bonté, la longanimité, la douceur, la foi, la modestie, la continence, la chasteté. Contre de pareilles choses il n’y a pas de loi. Or ceux qui sont au Christ ont crucifié leur chair avec ses passions et ses convoitises.

Évangile Mt. 6, 24-33

En ce temps-là, Jésus dit à ses disciples : Nul ne peut servir deux maîtres ; car, ou il haïra l’un et aimera l’autre, ou il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon. C’est pourquoi je vous dis : Ne vous inquiétez pas, pour votre vie, de ce que vous mangerez ; ni pour votre corps, de ce dont vous serez vêtus. La vie n’est-elle pas plus que la nourriture, et le corps plus que le vêtement ? Regardez les oiseaux du ciel : ils ne sèment ni ne moissonnent, et ils n’amassent pas dans des greniers ; et votre Père céleste les nourrit. N’êtes-vous pas beaucoup plus qu’eux ? Qui de vous, en se tourmentant, peut ajouter une coudée à sa taille ? Et au sujet du vêtement, pourquoi vous inquiéter ? Considérez comment croissent les lis des champs : ils ne travaillent ni ne filent. Cependant je vous dis que Salomon lui-même dans toute sa gloire n’a pas été vêtu comme l’un d’eux. Mais si Dieu revêt ainsi l’herbe des champs, qui existe aujourd’hui, et qui demain sera jetée dans le four, combien plus vous-mêmes hommes de peu de foi ! Ne vous inquiétez donc pas, en disant : Que mangerons-nous, ou que boirons-nous, ou de quoi nous couvrirons-nous ? Car ce sont les païens qui se préoccupent de toutes ces choses ; mais votre Père sait que vous avez besoin de tout cela. Cherchez donc premièrement le royaume de Dieu et sa justice, et toutes ces choses vous seront données par surcroît.

Secrète

Accordez-nous, s’il vous plaît, Seigneur, que cette hostie salutaire nous purifie de nos fautes, et nous rende votre puissance favorable.

Postcommunion

Que vos sacrements, ô Dieu, nous purifient toujours ; qu’ils nous munissent de secours et qu’ils nous conduisent au salut éternel.

Office

Au troisième nocturne. Lecture du saint Évangile selon saint Matthieu.
Homélie de saint Augustin, évêque.

Septième leçon. « Nul ne peut servir deux maîtres. » A cette même intention, bonne ou mauvaise, se rapporte ce que notre Seigneur expose en conséquence de son assertion : « Ou il haïra l’un et il aimera l’autre, ou il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. » Il faut examiner attentivement ce passage ; le Seigneur lui-même indique quels sont ces deux maîtres, en ajoutant : « Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon. » Les Hébreux donnent, dit-on, aux richesses le nom de Mammona. En langue punique, ce mot a le même sens ; car mammon signifie gain.

Huitième leçon. Servir Mammon, c’est être l’esclave de celui que sa perversité a préposé aux choses terrestres, et que le Seigneur appelle « prince de ce monde ». Donc : « ou l’homme le haïra et aimera l’autre », c’est-à-dire Dieu ; « ou il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. » En effet, quiconque est esclave des richesses s’attache à un maître dur et à une domination funeste ; enchaîné par sa cupidité, il subit la tyrannie du démon, et certes, il ne l’aime pas ; car qui peut aimer le démon ? Mais cependant il le supporte.

Neuvième leçon. « C’est pourquoi, continue le Sauveur, je vous dis : Ne vous inquiétez point pour votre vie de ce que vous mangerez, ni pour votre corps de quoi vous vous vêtirez. » Il ne veut pas que notre cœur se partage à la recherche, non seulement du superflu, mais même du nécessaire, et que, pour nous le procurer, notre intention se détourne de sa véritable fin, dans les actions que nous paraissons faire par un motif de miséricorde. C’est-à-dire qu’il ne veut pas que, tout en paraissant nous dévouer aux intérêts du prochain, nous ayons moins en vue son utilité que notre avantage personnel, et que nous nous regardions comme exempts de fautes, parce que nous ne voulons obtenir que le nécessaire et non le superflu.

ÉPÎTRE.

L’Épouse venue pour être couronnée des hauteurs de Sanir et d’Hermon, ne connaît point la servitude du Sinaï. Bien moins encore est-elle soumise à l’esclavage des sens. Sur la montagne où sa tente est fixée jusqu’aux derniers jours, l’Époux a brisé, avec les liens de la loi juive, la chaîne plus terrible encore qui liait tout les peuples, la trame de péché enveloppant les nations. Ses fils sont rois comme elle ; le lait qu’elle leur donne infuse en eux la liberté. Remplis de l’Esprit-Saint qui fait leur noblesse et leur force, ils grandissent sous l’œil du Dieu des armées dans les combats qui conviennent à des princes. Satan a vu leurs luttes glorieuses restreindre son empire. Deux cités se partagent la terre désormais ; et la cité sainte, composée des vainqueurs du démon, du monde et de la chair, tressaille de voir affluer dans son sein l’élite des nations. L’amour supplée à toute loi dans ses murs ; car l’Esprit, qui conduit ses heureux citoyens, dirige leur marche bien au delà des prescriptions ou des défenses d’une loi quelconque. Avec la charité, la joie et tous ces fruits divins qu’énumère l’Apôtre, y nais sent, comme d’eux-mêmes, sur un sol imbibé des eaux du fleuve qui n’est autre encore que l’Esprit sanctificateur inondant de ses flots la cité de Dieu. Ne nous étonnons point que la nouvelle Sion soit plus aimée du Seigneur que ne le furent toutes les tentes de Jacob autrefois si belles. Depuis que la bénédiction a remplacé la loi sur terre, les serviteurs de Dieu ont fait place à ses fils. Prouvant dans la chair même leur céleste origine, ils vont de vertu en vertu ; sans quitter la vallée des larmes, ils montent incessamment, atteignant les plus hauts sommets de la sainteté, retraçant ici-bas la perfection du Père céleste qui apparaît véritablement comme le Dieu des dieux, entouré qu’il est dans Sion de leur noble cour.

La chair et le sang n’ont eu nulle part à leur divine naissance ; la chair et le sang n’en ont point davantage en leur vie renouvelée. Nés de la chair primitivement, ils étaient chair, et faisaient les œuvres de honte citées dans l’Épître, montrant bien en tout qu’ils sortaient du limon ; nés de l’Esprit, ils sont esprit, et font les œuvres de l’Esprit malgré la chair qui les enveloppe toujours. Car l’Esprit en leur donnant la vie, les a soustraits, par la force de l’amour, à l’empire du péché qui régnait dans leurs membres ; et, greffés sur le Christ, ils fructifient maintenant pour Dieu.

L’homme, asservi par la concupiscence, a donc retrouvé sur la croix de l’Homme-Dieu l’équilibre de son être avec la liberté. La suprématie que l’âme avait perdue en punition de sa révolte contre Dieu lui a été rendue sous les eaux de la fontaine sacrée ; redevenue reine, qu’a-t-elle à faire qu’à châtier l’esclave qui, si longtemps, tyrannisa sa légitime maîtresse ? Certes, de lui-même déjà, l’homme ne doit rien à la chair. Mais de plus, Dieu, insulté par tant d’ignominies commises sous ses yeux trois fois saints, réclame aussi sa vengeance ; et il daigne faire alliance avec l’homme affranchi, en lui confiant la mission d’exercer sur l’usurpatrice ennemie leurs communes représailles. Au reste il y va, dans la continuation de la lutte, de la sûreté même des résultats acquis. Car, bien que réduite à l’impuissance de nuire à ceux qui sont en Jésus-Christ et ne suivent point ses honteuses suggestions, l’ancienne révoltée n’en demeure pas moins toujours en état de rébellion ouverte contre l’esprit, n’épargnant qu’à de rares privilégiés ses importunes attaques, suivant Antoine au désert, souffletant Paul au sortir de ses révélations sublimes.

C’est pourquoi, n’eussions-nous aucune faute à expier, la plus élémentaire sagesse nous dicterait encore, contre cette persévérante et trop intime ennemie, des mesures de répression préventive. « Je châtie mon corps, disait l’Apôtre, et je le réduis en servitude, de peur que je ne devienne réprouvé. »

La pénitence est une dette de justice, qui s’impose au pécheur ; la mortification est un devoir de haute prudence, qui regarde quiconque ne peut se vanter d’avoir éteint en lui sans retour les feux de la concupiscence. Et qui donc se rendra le double témoignage d’être quitte envers Dieu, et d’avoir étouffé dans son sein tous les germes des basses convoitises ? C’est pourquoi tous les auteurs qui traitent de la conduite des âmes professent, sans exception, qu’aucun homme soucieux de la perfection et du salut ne doit se borner à l’observation des règles de la simple tempérance, qui prohibe l’excès dans l’usage des jouissances de tout genre ; il faut que, s’armant de force, il sache de temps en temps se refuser des plaisirs permis d’ailleurs, s’imposer des privations qui n’étaient pas commandées, aller même au-devant de la souffrance proprement dite, selon le mode et dans la mesure que conseillera un sage directeur.

Écoutons entre mille, sur ce sujet, l’aimable et doux saint François de Sales : « Si vous pouvez supporter le jeûne », dit-il, dans l’Introduction à la vie dévote, à sa chère Philothée, « vous ferez bien de jeûner quelques jours outre les jeûnes que l’Église nous commande... ; bien qu’on ne jeûne pas beaucoup, l’ennemi néanmoins nous craint davantage quand il connait que nous savons jeûner. Les mercredi, vendredi et samedi sont les jours lesquels les anciens chrétiens s’exerçaient le plus à l’abstinence. Prenez-en donc de ceux-là pour jeûner, autant que votre dévotion et la discrétion de votre directeur vous le conseilleront..... La discipline a une merveilleuse vertu pour réveiller l’appétit de la dévotion, étant prise modérément. La haire matte puissamment le corps... ; ès jours plus signalés de la pénitence, on la peut employer avec l’avis d’un discret confesseur. »

Ainsi s’exprime le docte et pieux évêque de Genève, malgré sa douceur ; et c’est aux personnes vivant dans le monde que s’adressent ses instructions. C’est qu’en effet, dans le monde comme dans le cloître, la vie chrétienne, dès qu’on la prend au sérieux, exige cet incessant combat de l’esprit contre la chair, faute duquel celle-ci reprend bientôt son empire usurpé et réduit l’âme à l’impuissance, en éteignant ses premières aspirations vers la vertu dans la torpeur d’un engourdissement fatal, quand elle ne la replonge pas d’un seul bond dans la fange.

Qu’on ne craigne point, au reste, que l’affabilité des rapports sociaux ait rien à souffrir de cette énergie que le chrétien saura déployer contre lui-même : la vertu qui repose sur l’oubli de soi jusqu’à aimer pour Dieu la souffrance et la gêne, n’enlève rien aux grâces de qui la possède, ni aux charmes de la société où elle se rencontre ; et il n’est point de parure, quand c’est l’amour du Christ Jésus qui préside à son agencement, où les bijoux de la pénitence ne sachent très bien trouver leur place sans faire nul tort à ceux du siècle. Quelle leçon ne réserve pas le jour du jugement à tant de chrétiens, tièdes et lâches, qui pensent que tout autour d’eux partage sur ce point la mollesse où ils s’endorment si volontiers ! Alors ils verront, révélées au grand jour, les pieuses industries que le culte de la croix suggérait, pour crucifier leur chair au sein même des plaisirs, à tels et telles dont l’aménité faisait le plus bel ornement de leurs fêtes mondaines.

Et ne faut-il pas reconnaître qu’il en doit être ainsi d’ailleurs, à moins de dire que le christianisme et l’amour divin ne sont plus de ce monde ? Comment aimer Jésus, l’homme de douleurs, sans aimer ses souffrances ? Comment prétendre marcher après lui, si l’on n’est pas dans la voie du Calvaire ? Si quelqu’un veut venir après moi, dit l’Homme-Dieu, qu’il se renonce lui-même, qu’il porte sa croix tous les jours, et qu’il me suive. Et l’Église qui ne fait qu’un avec son Époux, qui le complète en toutes choses, poursuivant et développant sa vie d’expiation et de réparation à travers les siècles, l’Église demande à ses fils l’accomplissement de cette tâche sublime que l’Apôtre exprimait par ces mots : Je supplée à ce qui manque aux souffrances de Jésus-Christ, en souffrant dans ma chair pour son corps qui est l’Église. Tâche sublime en effet, toute filiale du côté qui regarde l’Église, mais aussi toute divine et déifiante, considérée entre le Verbe et l’âme qu’il daigne élever au-dessus des anges à ce point de l’appeler en part du calice réservé par le Père souverain à son humanité-sainte. C’est là vraiment l’intimité de l’Épouse ; c’est le breuvage dont la vertu confond leurs deux vies en une seule ; et l’on ne doit pas s’étonner si l’ivresse douloureuse qu’ils puisent à l’envi dans la coupe sacrée donne une telle force à leur union, que la créature redescend parfois de l’extase marquée dans son âme, et dans sa chair même, des plaies du divin Crucifié. Mais que le Seigneur daigne ou non communiquer d’une manière invisible ou visible à sa bien-aimée les stigmates de son amour, la souffrance, sous ses mille formes, est le sceau royal qui donne ici-bas son cachet d’authenticité le plus sûr au contrat de l’union divine. Plusieurs, qui tressaillent d’une pieuse envie au récit des faveurs gratuitement accordées à quelques âmes saintes, reculeraient terrifiés devant l’exposé des épreuves qu’elles ont dû traverser pour gagner ces sommets mystérieux. Après même que les épreuves purifiantes dont nous avons parlé ailleurs sont accomplies, le rendez-vous du Cantique n’en demeure pas moins fixé toujours au mont de la myrrhe qui signifie la souffrance ; la myrrhe est le premier des parfums que le Verbe divin recueille au jardin symbolique, le seul qu’il nomme entre tous ; la myrrhe découle des mains de l’Épouse et remplit ses doigts ; il est lui-même au sein de son élue le bouquet de myrrhe, et c’est la myrrhe que distillent pour elle ses lèvres d’Époux.

Ne prétendons point, dans notre misère, être emportés jamais par l’Esprit jusqu’aux cimes élevées de la vie mystique où l’union divine produit les merveilleux résultats cités plus haut ; mais rappelons-nous que ni l’intensité, ni le mérite de l’amour, ni la réalité même de l’union effective ne dépendent de ces manifestations extérieures. Il doit nous suffire, pour aimer, pour rechercher la souffrance, de nous souvenir par la foi qu’elle a été toute la vie de Celui qui désire et mérite si bien être l’unique objet de nos affections et de nos pensées. Nous sommes les membres d’un Chef couronné d’épines : pourrions-nous ne rêver que délices et fleurs ? N’oublions point que tous les saints, au ciel, doivent reproduire les traits de l’Adam nouveau ; le Père éternel n’admet dans sa maison que des images de son Fils.

 

ÉVANGILE.

La vie surnaturelle, pour arriver à son plein épanouissement dans les âmes, doit triompher de trois ennemis que saint Jean a nommés la concupiscence de la chair, la concupiscence des yeux et l’orgueil de la vie. Nous venons de voir, dans l’Épître du jour, l’obstacle opposé par le premier de ces ennemis à l’Esprit-Saint et la manière de le surmonter ; l’humilité, sur laquelle l’Église a ramené plus d’une fois notre attention dans les Dimanches précédents, est le renversement de l’orgueil de la vie ; la concupiscence des yeux, ou l’attache aux biens de ce monde qui n’ont de biens que le faux nom et l’apparence trompeuse, est l’objet de l’Évangile qu’on vient d’entendre.

« Personne, dit l’Homme-Dieu, ne peut servir deux maîtres ; » et ces deux maîtres dont il parle sont Dieu et Mammon, c’est-à-dire la richesse. Non que la richesse soit mauvaise par elle-même. Acquise légitimement et employée suivant la volonté du Seigneur suprême, elle sert à gagner les vrais biens, à entasser par avance dans l’éternelle patrie des trésors qui ne craignent point les voleurs ou la rouille. Quoique la pauvreté soit la noblesse des cieux depuis que le Verbe divin Fa épousée, c’est une grande mission que celle du riche, établi pour faire valoir, au nom du Très-Haut, les diverses parties de la création matérielle. Dieu daigne remettre à ses soins la nourriture et l’entretien de ses fils les plus aimés, des membres dénués et souffrants de son Christ ; il l’appelle à se faire le soutien des intérêts de son Église, le promoteur des œuvres du salut ; il lui confie la splendeur de ses temples. Heureux et digne de toute louange est celui qui ramène directement ainsi à la gloire de leur auteur les fruits de la terre et les métaux qu’elle renferme en son sein ! Qu’il ne craigne point : ce n’est pas à lui que s’adressent les anathèmes tombés si souvent de la bouche de l’Homme-Dieu sur les riches et les heureux du siècle. Lui n’a qu’un maître : le Père qui est aux cieux, dont il se reconnaît humblement l’économe. Mammon ne le domine pas ; car, au contraire, il en a fait son esclave et l’a mis au service de son zèle. Le soin qu’il prend pour administrer ses biens dans la justice et la charité, n’est point celui que condamne l’Évangile ; car en cela même il suit la parole du Seigneur, cherchant d’abord le royaume de Dieu ; et la richesse qui passe par ses mains en bonnes œuvres ne distrait point ses pensées du ciel où est son trésor et son cœur.

Tout autrement en est-il, quand la richesse n’est plus envisagée comme un simple moyen, mais devient le but de l’existence, au point défaire négliger et parfois oublier à l’homme sa fin dernière. Les voies de l’avare ravissent son âme, dit l’Esprit-Saint. C’est qu’en effet, explique l’Apôtre à son disciple Timothée, l’amour de l’argent précipite l’homme dans la tentation et les filets du diable par la multitude des désirs pernicieux et vains qu’il engendre ; il l’enfonce toujours plus avant dans l’abîme, lui faisant vendre au besoin jusqu’à sa foi. Et cependant plus l’avare amasse, et moins il dépense. Garder chèrement son trésor, le contempler, ne penser qu’à lui quand la nécessité l’en éloigne, c’est là toute sa vie ; sa passion tourne en idolâtrie. Mammon bientôt, en effet, n’est plus seulement pour lui un maître aux ordres primant tous les autres ; c’est un dieu devant qui, courbé jour et nuit, l’avare immole amis, parents, patrie et lui-même, dévouant son âme à son idole, et lui jetant tout vivant, dit l’Ecclésiastique, ses propres entrailles. Ne soyons point étonnés que notre Évangile représente Dieu et Mammon comme d’irréconciliables rivaux : quel autre que Mammon a vu Dieu en personne sacrifié pour trente pièces d’argent sur son vil autel ? Est-il un ange déchu dont la hideuse gloire rayonne d’un plus sinistre éclat sous les voûtes infernales, que le démon du gain, auteur du marché qui livra aux bourreaux le Verbe éternel ? Le déicide est à la charge des avares ; leur misérable passion, que l’Apôtre qualifie de racine de tous les maux, revendique légitimement le plus grand des crimes que le monde ait commis.

Mais, sans aller jusqu’aux excès qui firent dire aux auteurs inspirés des livres eux-mêmes de l’ancienne alliance : « Rien de plus criminel que l’avare, rien de plus inique que d’aimer l’argent, » il est facile de se laisser entraîner, au sujet des biens de ce monde, à une sollicitude exagérée, dépassant celle que permet la prudence. Le Créateur qui ne néglige ni les oiseaux du ciel, ni les lis des champs, oublierait-il, soit de nourrir, soit de vêtir l’homme même, pour qui furent faits les oiseaux et les lis ? Depuis surtout que l’homme peut dire à Dieu : Mon Père, l’inquiétude que condamne la simple raison serait pour des chrétiens une injure à Celui dont ils sont les fils. Leur bassesse d’âme mériterait l’abandon du Seigneur de toutes choses. Si répondant au contraire à leur noblesse de race, ils cherchent avant tout ce royaume de Dieu dont la couronne est pour eux dans la vraie patrie, les biens de la vallée d’exil leur sont assurés par la parole expresse du Seigneur même, dans la mesure utile au voyage qui les conduit au ciel. Quelle ineffable suavité dans ces déductions du Sauveur ! Vouloir y ajouter d’humaines paroles serait en diminuer le charme et la force à la fois.

Insistons seulement pour faire observer que la préoccupation blâmée ici comme un manque de confiance envers le Père qui est aux cieux, serait, en outre, la preuve d’une attache incompatible avec la perfection de la vie chrétienne et le désir d’avancer dans les voies de l’union divine. La Vie unitive n’est fermée à aucun des états de ce monde ; mais c’est à la condition pour l’âme de se dégager des liens qui l’empêchent de monter vers son Dieu. Le religieux brise ces liens par ses trois vœux, qui répondent directement aux efforts de la triple concupiscence ; le séculier qui désire, quoique dans le monde, répondre autant que possible à l’appel du Seigneur, doit arriver, sans l’aide de cette séparation effective, à se détacher non moins complètement de sa volonté propre, de ses sens et des biens qu’il possède, pour n’avoir plus de regards et d’aspirations qu’au ciel où réside son amour. S’il ne fait pas en sorte d’être, au sein même des richesses, aussi pauvre d’esprit que l’est de fait le religieux, sa marche se trouve arrêtée dès le premier degré de l’échelle contemplative ; tant qu’il n’aura pas triomphé de l’obstacle, il ne doit pas compter s’élever, dans la vie et l’amour, au-dessus des sentiers du grand nombre.

 

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Saint Augustin évêque confesseur et docteur de l’Eglise mémoire de Saint Hermès Martyr

28 Août 2021 , Rédigé par Ludovicus

Saint Augustin évêque confesseur et docteur de l’Eglise mémoire de Saint Hermès Martyr

Collecte

Recevez favorablement nos supplications, Dieu tout-puissant : et puisque vous voulez bien nous permettre d’espérer en votre bonté, daignez, grâce à l’intercession du bienheureux Augustin, votre Confesseur et Pontife, nous accorder les effets de votre miséricorde habituelle.

Office

Au deuxième nocturne.

Quatrième leçon. Augustin, né à Tagaste en Afrique, d’une famille recommandable, surpassa de beaucoup les autres enfants par ses aptitudes et les dépassa bientôt par son savoir. Jeune homme, il tomba, pendant son séjour à Carthage, dans l’hérésie manichéenne. Il partit ensuite pour Rome, d’où on l’envoya enseigner la rhétorique à Milan et devint, dans cette ville, un des auditeurs les plus assidus de saint Ambroise. Poussé par le saint Évêque à étudier les dogmes catholiques, il reçut de lui le baptême, étant âgé de trente-trois ans. Retourné en Afrique, il joignit aux pratiques religieuses une grande pureté de vie, et fut ordonné Prêtre par l’Évêque d’Hippone, Valère, homme d’une sainteté éminente. C’est alors qu’Augustin établit une famille de religieux, dont il partagea la vie commune et les occupations, et qu’il instruisait avec un très grand soin dans la doctrine et dans le genre de vie apostolique. Mais comme l’hérésie manichéenne devenait puissante, il se mit à l’attaquer énergiquement et confondit l’hérésiarque Fortunat.

Cinquième leçon. Cette piété d’Augustin porta Valère à le prendre pour coadjuteur dans sa charge épiscopale. Personne ne fut plus humble ni plus réglé que lui. Son lit était simple, simple aussi son vêtement, sa table n’avait rien que de très commun, et ses repas étaient toujours assaisonnés d’une lecture sainte ou d’un pieux entretien. Telle était sa libéralité envers les pauvres, qu’un jour n’ayant plus rien à sa disposition, il fit briser les vases sacrés pour secourir leur détresse. Il évita d’être en rapport et en familiarité avec les femmes, sans excepter sa sœur et la fille de son frère, et il avait coutume de dire que, si ses parentes ne donnaient lieu à aucun soupçon, il pourrait n’en être pas de même de celles qu’on trouverait en visite chez elles. Jamais il ne cessa de prêcher la parole de Dieu, à moins d’en être empêché par une grave maladie. Il combattit sans relâche les hérétiques, soit par ses discours, soit par ses écrits, et ne les laissa s’implanter nulle part. Poursuivant aussi les erreurs des Manichéens, des Donatistes, des Pélagiens et autres sectes, il en délivra presque toute l’Afrique.

Sixième leçon. Il écrivit tant de livres remplis de piété, de goût et d’éloquence, qu’il a fait resplendir les dogmes chrétiens ; et c’est lui qu’ont principalement suivi ceux qui plus tard appliquèrent à l’enseignement théologique la méthode et le raisonnement. Tandis que les Vandales dévastaient l’Afrique et assiégeaient Hippone depuis trois mois, Augustin tomba malade de la fièvre. Comprenant alors qu’il était près de quitter cette vie, il fit placer devant lui les Psaumes de David qui se rapportent à la pénitence, et il les lisait avec abondance de larmes. « Personne, disait-il souvent, n’aurait-il conscience d’aucune faute, ne doit risquer de quitter la vie sans avoir fait pénitence. » Étant donc en pleine connaissance, tout entier à la prière, entouré de ses frères qu’il exhortait à la charité, à la piété et à toutes les vertus, il s’en alla au ciel, ayant vécu soixante-seize ans, dont trente-six dans l’épiscopat. Son corps apporté d’abord en Sardaigne, fut ensuite racheté ,à grand prix par Luitprand, roi des Lombards, et transféré à Pavie, où on l’ensevelit avec honneur.

Au troisième nocturne. Du Commun.

Homélie de saint Jean Chrysostome. Homil. 15 in Matth., sub med.

Septième leçon. Remarquez ce que dit Jésus-Christ : « Vous êtes le sel de la terre ». Il montre par là combien il est nécessaire qu’il donne ces préceptes à ses Apôtres. Car, ce n’est pas seulement, leur dit-il, de votre propre vie, mais de l’univers entier que vous aurez à rendre compte. Je ne vous envoie pas comme j’envoyais les Prophètes, à deux, à dix, ou à vingt villes ni à une seule nation, mais à toute la terre, à la mer, et au monde entier, à ce monde accablé sous le poids de crimes divers.

Huitième leçon. En disant : « Vous êtes le sel de la terre », il montre que l’universalité des hommes était comme affadie et corrompue par une masse de péchés ; et c’est pourquoi il demande d’eux les vertus qui sont surtout nécessaires et utiles pour procurer le salut d’un grand nombre. Celui qui est doux, modeste, miséricordieux et juste, ne peut justement se borner à renfermer ces vertus en son âme, mais il doit avoir soin que ces sources excellentes coulent aussi pour l’avantage des autres. Ainsi celui qui a le cœur pur, qui est pacifique et qui souffre persécution pour la vérité, dirige-sa vie d’une manière utile à tous.

Neuvième leçon. Ne croyez donc point, dit-il, que ce soit à de légers combats que vous serez conduits, et que ce soient des choses de peu d’importance dont il vous faudra prendre soin et rendre compte, « vous êtes le sel de la terre ». Quoi donc ? Est-ce que les Apôtres ont guéri ce qui était déjà entièrement gâté ? Non certes ; car il ne se peut faire que ce qui tombe déjà en putréfaction soit rétabli dans son premier état par l’application du sel. Ce n’est donc pas cela qu’ils ont fait, mais ce qui était auparavant renouvelé et à eux confié, ce qui était délivré déjà de cette pourriture, ils y répandaient le sel et le conservaient dans cet état de rénovation qui est une grâce reçue du Seigneur. Délivrer de la corruption du péché, c’est l’effet de la puissance du Christ ; empêcher que les hommes ne retournent au péché, voilà ce qui réclame les soins et les labeurs des Apôtres.

Dom Guéranger, l’Année Liturgique

Le plus grand des Docteurs et le plus humble, Augustin se lève, acclamé par les cieux dont nulle conversion de pécheur n’excita comme la sienne l’ineffable joie, célébré par l’Église où ses travaux laissent pour les siècles en pleine lumière la puissance, le prix, la gratuité de la divine grâce.

Depuis l’entretien extatique qui fit d’Ostie un jour le vestibule du ciel, Dieu a complété ses triomphes dans le fils des larmes de Monique et de la sainteté d’Ambroise. Loin des villes fameuses où l’abusèrent tant de séductions, le rhéteur d’autrefois n’aspire qu’à nourrir son âme de la simplicité des Écritures sacrées dans le silence de la solitude. Mais la grâce, qui a brisé la double chaîne enserrant son esprit et son cœur, garde sur lui des droits souverains ; c’est dans la consécration des pontifes vouant Augustin à l’oubli de soi-même, que la Sagesse consomme avec lui son alliance : la Sagesse qu’il déclare « aimer seule pour elle seule, n’aimant qu’à cause d’elle le repos et la vie ». A ce sommet où l’a porté la miséricorde divine, entendons-le épancher son cœur :

« Je vous ai aimée tard, beauté si ancienne et si nouvelle ! je vous ai aimée tard ! Et vous étiez en moi ; et moi, hors de moi-même, vous cherchais en tous lieux... J’interrogeais la terre, et elle me disait : « Je ne suis pas ce que tu cherches » ; et tous les êtres que porte la terre me faisaient même aveu. J’interrogeais la mer et ses abîmes, et ce qui a vie dans leurs profondeurs ; et la réponse était : « Nous ne sommes pas ton Dieu, cherche au-dessus de nous ». J’interrogeais les vents et la brise ; et l’air disait avec ses habitants : « Anaximènes se trompe ; je ne suis pas Dieu ». J’interrogeais le ciel, le soleil, la lune, les étoiles : « Nous non plus, nous ne sommes pas le Dieu que tu cherches ». O vous tous qui vous pressez aux portes de mes sens, objets qui m’avez dit n’être pas mon Dieu, dites-moi de lui quelque chose ; et dans leur beauté qui avait attiré mes recherches avec mon désir, ils ont crié d’une seule voix : « C’est lui qui nous a faits ». — Silence à l’air, aux eaux, à la terre ! Silence aux cieux ! Silence en l’homme à l’âme elle-même ! Qu’elle passe au delà de sa propre pensée : par delà tout langage, qu’il soit de la chair ou de l’ange, s’entend lui-même Celui dont parlent les créatures ; là où cessent le signe et l’image, et toute vision figurée, se révèle la Sagesse éternelle... Mes oreilles sourdes ont entendu votre voix puissante ; votre lumière éblouissante a forcé l’entrée de mes yeux aveugles ; votre parfum a éveillé mon souffle, et c’est à vous que j’aspire, j’ai faim et soif, car je vous ai goûté ; j’ai tressailli à votre contact, je brûle d’entrer dans votre repos : quand je vous serai uni de tout moi-même, la douleur et le travail auront pris fin pour moi ».

Un autre travail que le labeur de la correspondance intime aux prévenances de son Dieu ne devait finir pour Augustin qu’avec la vie : celui de ses luttes pour la vérité qui avait délivré son âme, sur tous les champs de bataille choisis dans ces temps par le père du mensonge. Combats terminés par autant de victoires, où l’on ne sait qu’admirer le plus, comme d’autres l’ont dit : la science des Livres saints, la puissance de la dialectique ou l’art de bien dire ; mais dans lesquels l’emporte sur tout la plénitude de la charité. Nulle part ailleurs n’apparaît mieux l’unité de cette divine charité communiquée par l’Esprit à l’Église, et qui, du même cœur où elle puise son inflexibilité à maintenir jusqu’au moindre iota les droits du Seigneur Dieu, déborde d’ineffable mansuétude pour tant de malheureux qui les méconnaissent encore :

« Qu’ils vous soient durs, ceux qui ne savent pas quel labeur c’est d’arriver au vrai, d’éviter l’erreur. Qu’ils vous soient durs, ceux qui ne savent pas combien il est rare, combien il en coûte, de parvenir à surmonter dans la sérénité d’une âme pieuse les fantômes des sens. Qu’ils vous soient durs, ceux qui ne savent pas avec quelle peine se guérit l’œil de l’homme intérieur, pour fixer son soleil, le soleil de justice ; ceux qui ne savent pas par quels soupirs, quels gémissements, on arrive, en quelque chose, à comprendre Dieu. Qu’ils vous soient durs enfin, ceux qui n’ont jamais connu séduction pareille à celle qui vous trompe... Pour moi qui, ballotté par les vaines imaginations dont mon esprit était en quête, ai partagé votre misère et si longtemps pleuré, je ne saurais aucunement être dur avec vous ».

C’est aux disciples de Manès, traqués partout en vertu des lois mêmes des empereurs païens, qu’Augustin adressait ces paroles émues : nouveau Paul, se souvenant du passé ! Combien effrayante n’est donc pas la misère de notre race déchue, que les nuages s’élevant des bas fonds y prévalent à ce point sur les plus hautes intelligences ! avant d’être le plus redoutable adversaire de l’hérésie, Augustin, neuf années durant, s’était montré le sectateur convaincu, l’apôtre ardent du manichéisme : variante incohérente de ce roman dualiste et gnostique dans lequel, pour expliquer l’existence du mal, on n’imaginait rien de mieux que de faire un dieu du mal même, et qui trouva dans la complaisance qu’y prenait l’orgueil du prince des ténèbres le secret de son influence étrange à travers les siècles.

Plus locale, mais autrement prolongée, devait être la lutte d’Augustin contre la secte Donatiste, appuyée d’un principe aussi faux que le fait dont elle se disait née. Le fait, démontré juridiquement inexact à la suite des requêtes présentées par Douai et ses partisans, était que Cécilien, primat d’Afrique en 311, aurait reçu la consécration épiscopale d’un évêque traditeur des Livres saints pendant la persécution. Comme principe et conséquence tirée par eux dudit principe, les Donatistes affirmaient que nul ne pouvait communiquer avec un pécheur sans cesser de faire partie du troupeau du Christ ; que dès lors, les évêques du reste du monde n’en ayant pas moins continué de communiquer avec Cécilien et ses successeurs, eux seuls Donatistes étaient maintenant l’Église. Schisme sans fondement, s’il en fut, mais qui s’était imposé pourtant au plus grand nombre des habitants de l’Afrique romaine, avec ses quatre cent dix évêques et ses troupes de Circoncellions, fanatiques toujours prêts aux violences et aux meurtres contre les catholiques surpris sur les routes ou dans les maisons isolées. Le rappel de ces brebis égarées prit à notre Saint le meilleur de son temps.

Qu’on ne se le représente pas méditant à loisir, écrivant dans la paix d’une humble ville épiscopale, choisie comme à dessein par la Providence, ces ouvrages précieux dont le monde devait jusqu’à nous recueillir les fruits. Il n’est point sur la terre de fécondité sans souffrance, souffrances publiques, angoisses privées, épreuves connues des hommes ou de Dieu ; lorsque, à la lecture des écrits des Saints, germent en nous les pieuses pensées, les résolutions généreuses, nous ne devons pas nous borner, comme pour les livres profanes, à solder un tribut quelconque d’admiration au génie de leurs auteurs, mais plus encore songer au prix dont sans nul doute ils ont payé le bien surnaturel produit par eux dans chacune de nos âmes. Avant l’arrivée d’Augustin dans Hippone, les Donatistes s’y trouvaient en telle majorité, rappelle-t-il lui-même, qu’ils en abusaient jusqu’à interdire de cuire le pain pour les catholiques. Quand le Saint mourut, l’état des choses était bien changé ; mais il avait fallu que le pasteur, faisant passer avant tous autres devoirs celui de sauver, fût-ce malgré elles, les âmes qui lui étaient confiées, donnât ses jours et ses nuits à cette œuvre première, et courût plus d’une fois le risque heureux du martyre. Les chefs des schismatiques, redoutant la force de ses raisons plus encore que son éloquence, se refusaient à toute rencontre avec lui ; mais ils avaient déclaré que mettre à mort Augustin serait œuvre louable, méritant la rémission de tout péché à qui aurait pu l’accomplir.

« Priez pour nous, disait-il en ces débuts de son ministère, priez pour nous qui vivons d’une façon si précaire entre les dents de loups furieux : brebis égarées, brebis obstinées qui s’offensent de ce que nous courons après elles, comme si leur égarement faisait qu’elles ne soient pas nôtres. — Pourquoi nous appeler ? disent-elles ; pourquoi nous poursuivre ? — Mais la cause de nos cris, de nos angoisses, c’est justement qu’elles vont à leur perte. — Si je suis perdue, si je n’ai plus la vie, qu’avez-vous affaire de moi ? que me voulez-vous ? — Ce que je veux, c’est te rappeler de ton égarement ; ce que je veux, c’est t’arracher à la mort. — Et si je veux m’égarer ? si je veux me perdre ? —Tu veux t’égarer ? tu veux te perdre ? Combien mieux, moi, je ne le veux pas ! Oui ; j’ose le dire : je suis importun ; car j’entends l’Apôtre : Prêche la parole, presse à temps, à contretemps. A temps, sans doute, ceux qui le veulent bien ; à contretemps, ceux qui ne le veulent pas. Oui, donc ; je suis importun : tu veux périr ; je ne le veux pas. Il ne le veut pas, lui non plus, Celui qui dit, plein de menaces, aux pasteurs : Vous n’avez pas rappelé ce qui s’égarait, vous n’avez pas cherché ce qui était perdu. Dois-je plus te redouter que lui-même ? Je ne te crains pas : ce tribunal du Christ, devant lequel nous devons tous paraître, tu ne le remplaceras pas par celui de Donat. Que tu le veuilles ou non, je rappellerai la brebis qui s’égare, je chercherai la brebis perdue. Que les ronces me déchirent : il n’y aura pas de brèche assez étroite pour arrêter ma poursuite ; il n’y aura pas de haie que je ne secoue, tant que le Seigneur me donnera des forces, pour pénétrer où que ce soit que tu prétendes périr »

Forcés dans leurs derniers retranchements par l’intransigeance d’une telle charité, les Donatistes répondaient-ils en massacrant, à défaut d’Augustin, fidèles et clercs ; l’évêque suppliait les juges impériaux qu’on épargnât aux coupables la mutilation et la mort, de crainte que le triomphe des martyrs ne fût comme souillé par ces représailles sanglantes. Mansuétude bien digne, à coup sûr, de l’Église dont il était Pontife, mais que tenteraient vainement de retourner contre cette même Église, en l’opposant à certains faits de son histoire, les tenants d’un libéralisme qui reconnaît tout droit à l’erreur et lui réserve toute prévenance. L’évêque d’Hippone l’avoue : sa pensée fut d’abord qu’il ne fallait point user de contrainte pour amener personne à l’unité du Christ ; il crut que la parole, la libre discussion, devait être dans la conversion des hérétiques le seul élément de victoire ; mais, à la lumière de ce qui se passait sous ses yeux, la logique même de cette charité qui dominait son âme l’amenait bientôt à se ranger au sentiment tout autre de ses collègues plus anciens dans l’épiscopat.

« Qui peut, remarque-t-il, nous aimer plus que ne fait Dieu ? Dieu néanmoins emploie la crainte pour nous sauver, tout en nous instruisant avec douceur. Et le Père de famille, voulant des convives à son festin, n’envoie-t-il pas par les chemins, le long des haies, ses serviteurs, avec ordre de forcer à venir tous ceux qu’ils rencontreront ? Ce festin, c’est l’unité du corps du Christ. Si donc la divine munificence a fait qu’au temps voulu la foi des rois devenus chrétiens reconnût ce pouvoir à l’Église, c’est aux hérétiques .ramenés de tous les carrefours, aux schismatiques forcés dans leurs buissons, de considérer, non la contrainte qu’ils subissent, mais le banquet du Seigneur où sans elle ils n’arriveraient pas. Le berger n’use-t-il pas de la menace, de la verge au besoin, pour faire rentrer au bercail du maître les brebis que la séduction en avait fait sortir ? La sévérité provenant de l’amour est préférable à la douceur qui trompe. Celui qui lie l’homme en délire et réveille le dormeur de sa léthargie, les moleste tous deux, mais pour leur bien. Si dans une maison menaçant ruine se trouvaient des gens que nos cris ne persuaderaient pas d’en sortir, est-ce que ne point user de violence à leur endroit pour les sauver malgré eux ne serait pas cruauté ? et cela, lors même que nous ne pourrions en arracher qu’un seul à la mort, et que l’obstination de plusieurs en prendrait occasion de précipiter leur perte : comme font ceux du parti de Donat qui, dans leur furie, demandent au suicide la couronne du martyre. Nul ne saurait devenir bon malgré lui ; mais ce sont des villes entières, non quelques hommes seulement, que la rigueur des lois dont ils se plaignent amène chaque jour à délivrance, en les dégageant des liens du mensonge, en leur faisant voir la vérité que la violence ou les tromperies schismatiques dérobaient à leurs yeux. Loin qu’elles se plaignent, leur reconnaissance aujourd’hui est sans bornes, leur joie entière ; leurs fêtes et leurs chants ne cessent plus ».

Cependant, par delà les flots séparant Hippone des rivages d’Italie, la justice du ciel passait sur la reine des nations. Rome, qui depuis le triomphe de la Croix n’avait point su répondre au délai que lui laissait la miséricorde, expiait sous les coups d’Alaric le sang des Saints versé jadis pour ses faux dieux. Sortez d’elle, mon peuple. A ce signal que le prophète de Pathmos avait entendu d’avance, la ville aux sept collines s’était dépeuplée. Loin des routes remplies de Barbares, heureux le fugitif pouvant confier à la haute mer, au plus fragile esquif, l’honneur des siens, les débris de sa fortune ! Comme un phare puissant dont les feux dominent l’orage, Augustin, par sa seule renommée, attirait vers la côte d’Afrique les meilleurs de ces naufragés de la vie. Sa correspondance si variée nous fait connaître les liens nouveaux créés par Dieu alors entre l’évêque d’Hippone et tant de nobles exilés. Naguère, c’était jusqu’à Nole, en l’heureuse Campanie, que des messages pleins de charmes, où se mêlaient les doctes questions, les réponses lumineuses, allaient saluer « ses très chers seigneurs et vénérables frères, Paulin et Thérasia, condisciples d’Augustin en l’école du Seigneur Jésus ». Maintenant c’est à Carthage, ou plus près encore, que les lettres du Saint vont consoler, instruire, fortifier Albina, Mélanie, Pinianus, Proba surtout et Juliana, aïeule et mère illustres d’une plus illustre fille, la vierge Démétriade, première du monde romain par la noblesse et l’opulence, conquête très chère d’Augustin pour l’Époux.

« Oh ! qui donc, s’écrie-t-il à la nouvelle de la consécration de cette fiancée du Seigneur, qui expliquera dignement combien glorieuse se révèle aujourd’hui la fécondité des Anicii, donnant des vierges au Christ après avoir pour le siècle ennobli tant d’années du nom des consuls leurs fils ! Que Démétriade soit imitée : quiconque ambitionne la gloire de l’illustre famille, prenne pour soi sa sainteté ! » Vœu du cœur d’Augustin, qui devait se réaliser magnifiquement, lorsque la gens Anicia, moins d’un siècle plus tard, donna au monde Scholastique et Benoît pour conduire tant d’âmes avides de la vraie noblesse dans le secret de la face de Dieu.

La chute de Rome eut dans les provinces et par delà un retentissement immense. L’évêque d’Hippone nous dit ses propres gémissements quand il l’eut apprise, ses larmes à lui, descendant des anciens Numides, sa douleur presque inconsolable : tant, même en sa décadence, par l’action secrète de Celui qui lui réservait de nouvelles, de plus hautes destinées, la cité reine avait gardé de place en la pensée universelle et d’empire sur les âmes. En attendant, la terrible crise devenait pour Augustin l’occasion de ses œuvres les plus importantes. Sur les ruines du monde qui semblait s’écrouler pour toujours, il édifiait son grand ouvrage de la Cité de Dieu : réponse aux partisans de l’idolâtrie, nombreux encore, qui attribuaient à la suppression du culte des dieux les malheurs de l’empire. Il y oppose à la théologie et, en même temps, à la philosophie du paganisme romain et grec la réfutation la plus magistrale, la plus complète qu’on en ait jamais vue ; pour de là établir l’origine, l’histoire, la fin des deux cités, l’une de la terre, l’autre du ciel, qui se divisent le monde, et que « firent deux amours divers : l’amour de soi jusqu’au mépris de Dieu, l’amour de Dieu jusqu’au mépris de soi-même ».

Mais le principal triomphe d’Augustin fut celui qui joignit à son nom le titre de Docteur de la grâce. La prière aimée de l’évêque d’Hippone : Da quod jubes, et jube quod vis, froissait l’orgueil d’un moine breton que les événements de l’année 410 avaient amené lui aussi sur la terre africaine : d’après Pelage, la nature, toute-puissante pour le bien, se suffisait pleinement dans l’ordre du salut, n’ayant été lésée d’aucune sorte d’ailleurs par le péché d’Adam qui n’avait affecté que lui-même. On comprend la répulsion toute spéciale d’Augustin, si redevable à la miséricorde céleste, pour un système dont les auteurs « semblaient dire à Dieu : Tu nous as faits hommes, mais c’est nous qui nous faisons justes ».

Dans cette campagne nouvelle, les injures ne furent pas épargnées au converti de jadis ; mais elles étaient la joie et l’espérance de celui qui, rencontrant ce même genre d’arguments dans la bouche d’autres adversaires, avait dit déjà : « Catholiques, mes frères très aimés, unique troupeau de l’unique Pasteur, je n’ai cure des insultes de l’ennemi au chien de garde du bercail ; ce n’est pas pour ma défense, c’est pour la vôtre que je dois aboyer. Faut-il lui dire pourtant, à cet ennemi, qu’en ce qui touche mes égarements, mes erreurs d’autrefois, je les condamne avec tout le monde, et n’y vois que la gloire de Celui qui par sa grâce m’a délivré de moi-même. Lorsque j’entends rappeler cette vie qui fut la mienne, à quelque intention qu’on le fasse, je ne suis pas si ingrat que de m’en affliger ; car autant l’on fait ressortir ma misère, autant moi je loue mon médecin ».

La renommée de celui qui faisait si bon marché de lui-même remplissait néanmoins la terre, en compagnie de la grâce par lui victorieuse. « Honneur à vous, écrit de Bethléem Jérôme chargé d’années ; honneur à l’homme que n’ont point abattu les vents déchaînés !... Ayez bon courage toujours. L’univers entier célèbre vos louanges ; les catholiques vous vénèrent et vous admirent comme le restaurateur de l’ancienne foi. Signe d’une gloire encore plus grande : tous les hérétiques vous détestent. Moi aussi, ils m’honorent de leur haine ; ne pouvant nous frapper du glaive, ils nous tuent en désir ».

On reconnaît dans ces lignes l’intrépide lutteur que nous retrouverons en septembre, et qui laissait bientôt après sa dépouille mortelle à la grotte sacrée près de laquelle il avait abrité sa vie. Augustin devait poursuivre le bon combat quelques années, compléter l’exposé de la doctrine catholique à l’encontre même de saints personnages, auxquels il eût semblé que du moins le commencement du salut, le désir de la foi, ne requérait pas un secours spécial du Dieu rédempteur et sauveur. C’était le semi-pélagianisme. Cent ans plus tard, le second concile d’Orange, approuvé par Rome, acclamé par l’Église, terminait la lutte en s’inspirant dans ses définitions des écrits de l’évêque d’Hippone. Lui cependant concluait ainsi le dernier ouvrage achevé par ses mains : « Que ceux qui lisent ces choses rendent grâces à Dieu, s’ils les comprennent ; sinon, qu’ils s’adressent dans la prière au docteur de nos âmes, à Celui dont le rayonnement produit la science et l’intelligence. Me croient-ils dans l’erreur ? qu’ils y réfléchissent encore et encore, de peur que peut-être ce ne soient eux qui se trompent. Pour moi, quand il advient que les lecteurs de mes travaux m’instruisent et me corrigent, j’y vois la honte de Dieu ; et c’est ce que je demande comme faveur, aux doctes surtout qui sont dans l’Église, s’il arrive que ce livre parvienne en leurs mains et qu’ils daignent prendre connaissance de ce que j’écris ».

Revenons au milieu de ce peuple d’Hippone, si privilégié, conquis par le dévouement d’Augustin plus encore que par ses admirables discours. Sa porte, ouverte à tout venant, accueillait toute demande, toute douleur, tout litige de ses fils. Parfois, devant l’insistance des autres églises, des conciles même, réclamant d’Augustin la poursuite plus active de travaux d’intérêt général, un accord intervenait entre le troupeau et le pasteur, et l’on déterminait que, tels et tels jours de la semaine, le repos laborieux de celui-ci serait respecté par tous ; mais la convention durait peu ; quiconque le voulait triomphait de cet homme si aimant et si humble, près de qui, mieux que tous, les petits savaient bien qu’ils ne seraient jamais éconduits : témoin l’heureuse enfant qui, désireuse d’entrer en relation épistolaire avec l’évêque, mais craignant de prendre l’initiative, reçut de lui la missive touchante qu’on peut lire en ses Œuvres. Resterait à montrer dans notre Saint l’initiateur de la vie monastique en Afrique romaine, par les monastères qu’il fonda et habita lui-même avant d’être évêque ; le législateur dont une simple lettre aux vierges d’Hippone devenait la Règle où tant de serviteurs et de servantes de Dieu puiseraient jusqu’aux derniers temps la forme de leur vie religieuse ; enfin, avec les clercs de son église vivant ainsi que lui de la vie commune dans la désappropriation absolue, l’exemplaire et la souche de la grande famille des Chanoines réguliers. Mais il nous faut abréger ces pages déjà longues, que complétera le récit de la sainte Liturgie.

Indépendamment de la fête présente, l’Église fait au cinq mai mémoire spéciale de la Conversion d’Augustin dans son Martyrologe.

Quelle mort fut la vôtre, Augustin, sur l’humble couche où n’arrivaient à vous que nouvelles de désastres et de ruines ! Livrée aux Barbares en punition de ces crimes innommés du vieux monde dont la nourricière de Rome avait eu sa si large part, l’Afrique, votre patrie, ne devait pas vous survivre. Avec Genséric, Arius triomphait sur cette terre qui pourtant, grâce à vous, parla vigueur de foi qu’elle avait retrouvée, allait encore, un siècle durant, donner d’admirables martyrs au Verbe consubstantiel. Rendue au monde romain par Bélisaire, Dieu sembla vouloir à cause d’eux lui ménager l’occasion de retrouver ses beaux jours ; mais l’impéritie byzantine, absorbée dans ses querelles théologiques et ses intrigues de palais, ne sut ni la relever, ni la garder contre une invasion plus funeste que n’avait été la première. Les flots débordants de l’infidélité musulmane eurent bientôt fait de tout stériliser, dessécher et flétrir.

Enfin, après douze siècles, la Croix reparaît dans ces lieux où de tant d’Églises florissantes le nom même a péri. Puisse la liberté qui lui est rendue devenir bientôt le triomphe ! Puisse la nation dont relève aujourd’hui votre sol natal se montrer fière de cet honneur nouveau, comprendre les obligations qui en résultent pour elle en face d’elle-même et du monde !

Durant cette longue nuit pesant sur la terre d’où vous étiez monté aux cieux, votre action cependant ne s’était pas ralentie. Par l’univers entier, vos ouvrages immortels éclairaient les intelligences, excitaient l’amour. Dans les basiliques desservies par vos imitateurs et fils, la splendeur du culte divin, la pompe des cérémonies, la perfection des mélodies saintes, maintenaient au cœur des peuples l’enthousiasme surnaturel qui s’était emparé du vôtre à l’instant heureux où, pour la première fois dans notre Occident, résonna sous la direction d’Ambroise le chant alternatif des Psaumes et des Hymnes sacrées. Dans tous les âges, aux eaux, sorties de vos fontaines, la vie parfaite se complut à renouveler sa jeunesse sous les mille formes que le double aspect delà charité, qui regarde Dieu et le prochain, lui demande de revêtir.

Illuminez toujours l’Église de vos incomparables rayons. Bénissez les multiples familles religieuses qui se réclament de votre illustre patronage. Aidez-nous tous, en obtenant pour nous l’esprit d’amour et de pénitence, de confiance et d’humilité qui sied si bien à l’âme rachetée ; enseignez-nous l’infirmité de la nature et son indignité depuis la chute, mais aussi la bonté sans limites de notre Dieu, la surabondance de sa rédemption, la toute-puissance de sa grâce. Que tous avec vous nous sachions non seulement reconnaître la vérité, mais loyalement et pratiquement dire à Dieu : « Vous nous avez faits pour vous, et notre cœur est inquiet jusqu’à ce qu’il se repose en vous ».

DU COMBAT CHRÉTIEN

CHAPITRE PREMIER. LA COURONNE EST PROMISE AUX VAINQUEURS. — SATAN NOTRE ENNEMI EST VAINCU AVEC L'AIDE DE JÉSUS-CHRIST.

La palme de la victoire n'est offerte qu'à ceux qui combattent. Dans les saintes Écritures, nous trouvons à chaque pas la promesse de la couronne, si nous sortons victorieux de la lutte; mais pour éviter une foule de citations, ne lit-on pas en termes clairs et précis dans l'apôtre saint Paul : « J'ai achevé mon œuvre, j'ai fourni ma course, il ne me reste plus qu'à recevoir la couronne de justice qui m'est réservée (II Tm. IV, 7-8) ? » Il faut donc connaître quel adversaire nous avons à vaincre pour être couronnés; c'est celui que Notre-Seigneur lui-même a vaincu le premier, afin que nous aussi, en lui demeurant unis, nous puissions le vaincre à notre tour.

La Vertu et la Sagesse de Dieu, le Verbe par qui tout a été fait, c'est-à-dire le Fils unique de Dieu, demeure éternellement immuable au-dessus de toute créature.

Or, si toute créature que n'a pas souillée le péché, est sous sa dépendance, à plus forte raison en est-il de même pour celle que le péché a dégradée. Si tous les anges restés purs sont sous lui, encore ne sont-ils pas bien davantage sous lui, tous ces anges prévaricateurs dont Satan est le chef? Mais, comme Satan avait séduit notre nature, le Fils unique de Dieu a daigné revêtir notre humanité, pour vaincre Satan avec elle, et mettre sous notre dépendance celui qu'il tient' sans cesse sous la sienne; c'est ce qu'il fait entendre lui-même quand il dit : « Le prince du monde a été chassé (Jn, XII, 31) ». Non qu'il ait été chassé hors du monde, comme le pensent quelques hérétiques, mais il a été rejeté hors des âmes de ceux qui restent fidèles à la parole de Dieu, loin de s'attacher au monde dont Satan est le maître, car s'il exerce un pouvoir absolu sur ceux qui recherchent les biens éphémères du siècle, il n'est pas pour cela le maître du monde, mais il est le prince de toutes ces passions qui nous font convoiter les biens périssables, de là vient l'empire qu'il exerce sur tous ceux qui négligent Dieu, dont le règne est éternel, pour n'estimer que des frivolités que le temps change sans cesse : « car la cupidité est la racine de tous les maux, et c'est en s'y laissant aller que quelques-uns se sont écartés de la foi et se sont attirés de nombreux chagrins (I Tm, VI, 10) ». C'est à cause de cette concupiscence que Satan établit sa domination sur l'homme, et prend possession de son cœur. Voilà l'état de ceux qui aiment ce monde. Or, nous bannissons Satan, toutes les fois que nous renonçons du fond du cœur aux vanités du monde, car on se sépare de Satan, maître du monde, quand on renonce à ses attraits corrupteurs, à ses pompes, à ses anges. Aussi Dieu lui-même, une fois revêtu de la nature triomphante de l'homme, nous dit-il : « Sachez que j'ai vaincu le monde (Jn, XVI, 33)».

CHAPITRE II. VAINCRE SATAN, C'EST VAINCRE SES PASSIONS.

Bien des gens s'écrient: Comment vaincre Satan, quand nous ne le voyons pas? Mais n'avons-nous pas un maître qui n'a point dédaigné de nous montrer comment on arrive à subjuguer des ennemis invisibles? C'est en parlant de ce maître que l'Apôtre a dit : «Se dépouillant lui-même de la chair, il a exposé les principautés et les puissances à une ignominie publique, triomphant d'elles courageusement en lui-même (Col. II, 15) ». Ainsi donc nous aurons vaincu ces puissances invisibles, nos ennemies, dès que nous aurons subjugué les passions qui sont au fond de notre cœur ; et si nous éteignons en nous-mêmes les désirs qui nous font rechercher les biens de ce monde, nous arrivons nécessairement à vaincre en nous celui qui a établi son empire dans le cœur de l'homme en y allumant ces mêmes désirs. Quand Dieu dit à Satan: « Tu mangeras « de la terre »,il a dit au pécheur: «Tu es terre, et tu retourneras en terre (Gn. III, 14-19) ». Ainsi le pécheur a été livré à Satan pour que Satan fît de lui sa nourriture. Donc, ne restons pas terre, si nous ne voulons pas servir de pâture à Satan. La nourriture que nous prenons devenant partie de notre corps, les aliments eux-mêmes, par l'action des organes, s'assimilent à notre substance, ainsi la perversité, l'orgueil et l'impiété, avec leurs habitudes pernicieuses, font de chacun de nous un autre Satan, c'est-à-dire un être semblable à lui. L'on demeure alors soumis à Satan, comme le corps est soumis à l'âme. Voilà ce que signifie « être mangé par le serpent ». Quiconque redoute le feu éternel, allumé pour Satan et ses anges (Mt. XXV, 41), doit chercher à vaincre en soi ce mauvais génie. Nous repousserons victorieusement de notre cœur ces ennemis du dehors qui nous assiègent, en étouffant les désirs de la concupiscence qui nous asservissent. Ces esprits viennent-ils à rencontrer des hommes qui leur ressemblent, ils les entraînent à partager leurs châtiments..........


 

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Saint Joseph Calasance confesseur

27 Août 2021 , Rédigé par Ludovicus

Saint Joseph Calasance confesseur

Collecte

Dieu, par saint Joseph, votre Confesseur, vous avez daigné pourvoir votre Église d’un nouveau secours pour former la jeunesse à la science et à la piété : faites, nous vous en prions, qu’aidés de son exemple et de son intercession, nous puissions agir et enseigner de manière à mériter les éternelles récompenses.

Office

Au deuxième nocturne.

Quatrième leçon. Joseph Calasance de la Mère de Dieu naquit d’une noble famille, à Retraita en Aragon. Dès ses plus jeunes années, il donna des marques de sa charité envers les enfants et de son zèle pour les instruire. Tout jeune encore, il les réunissait autour de lui, pour leur apprendre les prières saintes et les mystères de la foi. Il cultiva avec soin les lettres profanes et sacrées. Pendant qu’il étudiait la théologie à Valence, il eut à se défendre des séductions d’une femme puissante et noble, et, par une insigne victoire, conserva intacte la virginité qu’il avait vouée à Dieu. S’étant fait Prêtre en exécution d’un vœu et appelé par plusieurs Évêques de la Nouvelle-Castille, d’Aragon et de Catalogne à partager leurs travaux, il surpassa les espérances de tous : grâce à lui les mœurs s’amendaient, la discipline ecclésiastique était remise en vigueur, les inimitiés et les factions qui ensanglantaient les cités s’apaisaient d’une manière étonnante. Mais sur des avertissements répétés, reçus en vision et par la voix de Dieu, il partit pour Rome.

Cinquième leçon. A Rome, il mena une vie très rude, affligeant son corps par des veilles et des jeûnes, passant les jours et les nuits dans la méditation des choses célestes et dans la prière. Il avait coutume de visiter presque chaque nuit les sept basiliques de la Ville, et il conserva cette habitude pendant plusieurs années. Enrôlé dans plusieurs confréries pieuses, il secourut avec un zèle admirable les pauvres, principalement les malades et les prisonniers, les aidant de ses aumônes et leur rendant tous les devoirs de la miséricorde. Dans une peste qui ravageait Rome, il se joignit à saint Camille et se livra si généreusement aux élans de la charité, que non content de pourvoir par de larges aumônes au soulagement des pauvres malades, il alla même jusqu’à transporter sur ses épaules, au lieu des inhumations, les cadavres de ceux qui avaient succombé. Ayant appris, par une révélation divine, qu’il était destiné à instruire et à former à la piété les enfants, et surtout les enfants pauvres, il fonda l’Ordre des Clercs réguliers pauvres des Écoles pies de la Mère de Dieu : religieux que la règle même de leur institut devait astreindre à donner un soin spécial à l’instruction des enfants. Le saint fondateur, vivement encouragé par Clément VIII, Paul V et d’autres souverains Pontifes, propagea son Ordre avec une rapidité merveilleuse dans plusieurs provinces et royaumes d’Europe. Dans cette œuvre, il supporta tant de travaux et traversa tant d’épreuves sans jamais fléchir, qu’il n’y avait partout qu’une voix pour le proclamer un prodige de force et une copie de la constance du saint homme Job.

Sixième leçon. Malgré les sollicitudes du gouvernement général de son Ordre, et bien qu’il continuât de travailler de tout son pouvoir au salut des âmes, jamais cependant il ne cessa d’instruire les enfants, surtout les plus indigents. Balayer leurs classes et les reconduire chez eux lui était habituel. Il persévéra pendant cinquante-deux ans, même étant malade, dans ces admirables pratiques de patience et d’humilité et mérita ainsi que Dieu fît éclater ses miracles devant ses disciples. La bienheureuse Vierge Marie lui apparut avec l’enfant Jésus qui les bénissait pendant qu’ils priaient. Il refusa les plus hautes dignités. Le don de prophétie, la pénétration des cœurs, la connaissance de ce qui se passait au loin, ses miracles, ont rendu son nom célèbre. Il fut extrêmement dévot envers la Vierge, Mère de Dieu : outre qu’il l’honora d’un culte particulier depuis sa plus tendre enfance, il recommanda aux siens de la vénérer de même. Marie et d’autres Saints le favorisèrent de fréquentes apparitions. Ayant prédit le jour de sa mort, le rétablissement et les progrès de son Ordre, alors presque détruit, il s’endormit dans le Seigneur, à Rome, âgé de quatre-vingt-douze ans, l’an mil six cent quarante-huit, la nuit des calendes de septembre. Au bout d’un siècle, on retrouva sa langue et son cœur intacts et sans corruption. Dieu l’ayant illustré par beaucoup d’autres prodiges après sa mort, le Pape Benoît XIV le mit au rang des Bienheureux et Clément XIII l’inscrivit solennellement au nombre des Saints.

Au troisième nocturne.

Homélie de saint Jean Chrysostome. In Cap. 18 Matth. Hom. 60

Septième leçon. « Gardez-vous de mépriser un seul de ces petits enfants ; parce que leurs Anges voient toujours la face de mon Père », parce que je suis venu pour eux et que telle est la volonté de mon Père. Par là, Jésus-Christ nous rend plus attentifs à protéger et à préserver les petits enfants. Vous voyez quels grands remparts il a élevés pour abriter les faibles ; que de zèle et de sollicitude il a pour empêcher leur perte ! Il menace des châtiments les plus graves ceux qui les trompent ; il promet à ceux qui en prennent soin la suprême récompense ; et cela, il le corrobore tant par son exemple que par celui de son Père.

Huitième leçon. A nous donc aussi d’imiter le Seigneur, et de ne rien négliger pour nos frères, pas même les choses qui nous sembleraient trop basses et trop viles ; mais s’il est besoin même de notre service, quelque faible et humble que soit celui qu’il faut servir, quelque difficile et pénible que la chose paraisse, que tout cela, je vous en prie, nous semble tolérable et aisé pour le salut d’un frère : car Dieu nous a montré que cette âme est digne d’un si grand zèle et d’une si grande sollicitude, que pour elle « il n’a pas même épargné son Fils ».

Neuvième leçon. Puisque, pour assurer notre salut, il ne suffit pas de mener une vie vertueuse, et qu’il faut encore effectivement désirer le salut d’autrui, que répondrons-nous, quel espoir du salut nous restera, si nous négligeons de mener une vie sainte, et d’exciter les autres à faire de même ? Quelle plus grande chose que de discipliner les esprits, que de former les mœurs des tendres adolescents ? Pour moi, celui qui s’entend à former l’âme de la jeunesse est assurément bien au-dessus des peintres, bien au-dessus des statuaires, et de tous les artistes de ce genre.

 

Vous serez le secours de l’orphelin ; c’est à vous que le pauvre a été laissé. Cette parole que déjà Venise la superbe avait vue réalisée dans la personne de son noble fils Jérôme Émilien, fixe aujourd’hui la sainteté d’un autre illustre personnage comptant parmi ses aïeux les premiers princes de Navarre, mais devenu souche d’une lignée plus haute au royaume de la charité.

Dieu qui arrose les arbustes de la plaine comme les cèdres du Liban, parce qu’il les a tous plantés , ne néglige point non plus les passereaux qui n’amassent rien dans des greniers : oubliera-t-il l’enfant, qui vaut mieux que l’oiseau du ciel? Ou, nourrissant son corps, négligera-t-il en lui l’âme qui est plus, l’âme affamée de ce pain de la science du salut qui conforte le cœur de l’homme ? Hélas ! En ce seizième siècle qui se leva sur tant de ruines, on eût dit que les anciennes réserves du Père de famille étaient épuisées. Merveilleuses sans doute se manifestèrent bientôt les revanches de l’Esprit qui fait les Saints, et qui par eux ressuscite les morts ; mais que d’abandonnés auxquels la charité renaissante n’avait pu suffire, en son zèle trop débordé par les mille soins de la première heure ! combien d’enfants surtout, loin des écoles où le riche seul avait entrée, réclamaient l’aliment de l’éducation la plus élémentaire, la plus indispensable à leurs obligations, à leur noblesse aussi de fils de Dieu, sans que personne se présentât pour leur rompre le pain de l’intelligence !

Plus heureuse que tant d’autres nations où l’hérésie minait toutes les forces sociales, l’Espagne, à son apogée, jouissait du centuple promis à quiconque cherche premièrement le royaume de Dieu. Un moment, elle sembla devenue la ressource intarissable du Seigneur : naguère, c’était Ignace de Loyola qu’elle donnait au monde ; elle vient, par la précieuse mort de Thérèse d’Avila, d’enrichir le ciel ; aujourd’hui, c’est encore à son abondance que l’Esprit recourt pour relever l’opulence de la capitale même de l’univers chrétien, et subvenir, sous les yeux de l’Église maîtresse et mère, aux besoins des plus humbles de la grande famille.

Le descendant des Calasanz de Péralta de la Sal, l’apôtre auquel les peuples d’Aragon, de Catalogne et de Castille préparent les plus hautes dignités dans leur admiration reconnaissante, entend retentir à l’oreille de son âme une voix mystérieuse : Va à Rome ; sors de la terre de ta naissance ; bientôt t’apparaîtra dans sa beauté des cieux la compagne qui t’est destinée, la sainte pauvreté, qui t’appelle à cette heure aux austères délices de son alliance ; va, sans savoir la route par où je te mène ; je te ferai le père d’une postérité immense ; je te montrerai tout ce qu’il faudra souffrir pour mon nom.

Quarante années d’une fidélité aveugle ont été nécessaires pour disposer l’élu du ciel, dans la sainteté qui s’ignore, à sa vocation sublime. En effet, nous dit aujourd’hui pour l’Église saint Jean Chrysostome, « quoi de plus grand que de manier les âmes, que de former les mœurs des enfants ? Je le dis dans ma persuasion intime : il l’emporte sans nul doute possible sur tous les peintres, il l’emporte sur tout statuaire, sur tout artiste d’aucune sorte, celui qui sait modeler les jeunes âmes ».

Joseph a compris la dignité de sa mission : conformément aux recommandations du saint Docteur, durant cinquante-deux années qu’il doit vivre encore, rien ne lui semblera méprisable ou vil dans le service des petits de ce monde ; rien ne lui coûtera pour arriver, par l’enseignement des éléments des lettres, à infuser aux enfants qui viennent à lui sans nombre la crainte du Seigneur Bientôt, de Saint-Pantaléon, sa résidence, les Écoles pies couvrent l’Italie entière : puis passant la mer et les monts, elles se répandent par la Sicile, l’Espagne, tandis que peuples et rois se disputent leur trop petit nombre dans la Moravie, la Bohème, la Pologne et les pays du Nord.

L’éternelle Sagesse associait Calasanz à son œuvre de salut sur terre ; elle reconnut ses travaux en la manière qu’elle manque rarement de le faire pour les privilégiés de son amour, leur offrant, comme dit l’Esprit-Saint, le combat des forts, où elle leur assure, par son aide plus puissante que tout, la victoire. Combat des patriarches au gué de Jaboc, dernier obstacle séparant de la terre promise, quand déjà sont passés devant, par le dépouillement absolu, toutes les délices et tous les biens de ce monde ; combat de nuit, où défaille la nature boiteuse, mais qui fait se lever l’aurore et laisse le lutteur en face du jour sans fin ; combat avec Dieu seul à seul, sous l’apparence, il est vrai, de l’homme ou de l’ange : mais qu’importe, si la diversité du voile sous lequel il plaît au Seigneur de se cacher dans la lutte n’enlève rien aux droits de son domaine suprême ! Pourquoi chercher mon nom ? dit l’adversaire de Jacob ; le vôtre est maintenant Israël, fort contre Dieu.

On pourra demander aux historiens de saint Joseph Calasanz le détail des épreuves qui firent de lui ce prodige de force que nous recommande aujourd’hui l’Église ; elles allèrent jusqu’à amener, sur les calomnies spécieuses de quelques faux frères, la déposition du bienheureux et la ruine momentanée de son Ordre, réduit à l’état de congrégation séculière. Ce fut seulement après sa mort, qu’Alexandre VII, puis Clément IX, rendirent aux Écoles pies l’état Régulier et le titre de Religion à vœux solennels. Dans son grand ouvrage de la Canonisation des Saints, Benoît XIV s’étend longuement sur ce sujet, et il se complaît à rappeler la part multiple qu’il eut au procès du Serviteur de Dieu, à titre d’abord d’Avocat consistorial, puis comme Promoteur de la foi, enfin, Cardinal, émettant un suffrage favorable en la cause ; on verra dans la Légende que, de plus, ce fut lui qui le béatifia.

Le Seigneur a exaucé le désir des pauvres, il a été au-devant des aspirations de leur cœur, en vous faisant le mandataire de son amour, en mettant sur vos lèvres la parole que lui-même formula le premier : Laissez venir à moi les petits enfants. Combien, ô Joseph, vous devront l’éternel bonheur, parce que vous et vos fils aurez gardé en eux la ressemblance divine reçue au baptême, et qui est l’unique titre de l’homme à entrer aux cieux ! Soyez béni d’avoir justifié la confiance de Jésus remettant à vos soins ces êtres si frêles, objet de sa divine prédilection.

Soyez béni de l’avoir justifiée mieux encore cette confiance du Seigneur Dieu, quand il donna, comme pour Job, licence à l’enfer de tout briser autour de vous, avec des recherches de surprise douloureuse que ne connut point le juste de l’Idumée. Ne faut-il pas que Dieu puisse compter imperturbablement sur les siens ? N’est-il pas d’une convenance souveraine, qu’au milieu des défections de ce triste monde, il justifie, devant ses Anges, et sa grâce et notre pauvre nature, en montrant jusqu’où peuvent aller dans ses Saints les reprises de sa volonté toujours adorée ?

La réparation que votre indomptable confiance attendait de la Mère de Dieu, devait venir quand il plairait au ciel. O Joseph, maintenant que depuis si longtemps a sonné pour les Écoles pies l’heure de la résurrection, bénissez les disciples que notre siècle vous donne toujours ; obtenez-leur, ainsi qu’aux nombreux écoliers qu’ils continuent de former à la science chrétienne, les bénédictions de Jésus Enfant ; à tous ceux qui consacrent au jeune âge leurs travaux et leur vie, inspirez votre esprit, obtenez courage ; élevez nos âmes à la hauteur des enseignements de votre héroïque existence.

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Saint Louis roi, confesseur

25 Août 2021 , Rédigé par Ludovicus

Saint Louis roi, confesseur

Introït

La bouche du juste méditera la sagesse et sa langue proférera l’équité ; la loi de son Dieu est dans son cœur. Ne porte pas envie au méchant et ne sois pas jaloux de ceux qui commettent l’iniquité.

Collecte

Dieu, d’une royauté terrestre, vous avez élevé saint Louis, votre Confesseur, à la gloire du céleste royaume : daignez, nous vous en prions, nous accorder, en considération de ses mérites et de son intercession, la grâce d’être associés à la gloire du Roi des rois, Jésus-Christ votre Fils, qui, étant Dieu, vit et règne.

Lecture Sg. 10, 10-14

Le Seigneur a conduit le juste par des voies droites, il lui a montré le royaume de Dieu, il lui a donne la science des saints, il l’a enrichi dans ses travaux, et a fait fructifier ses labeurs. Il l’a aidé contre ceux qui voulaient le tromper par leurs ruses et il l’a enrichi. Il l’a protégé contre ses ennemis, et l’a défendu contre les séducteurs. Il l’a engagé dans un rude combat, afin qu’il demeurât victorieux, et qu’il sût que la sagesse est plus puissante que toutes choses. Il n’a point abandonné le juste lorsqu’il fut vendu, mais il le délivra des mains des pécheurs. Il est descendu avec lui dans la fosse, et ne le délaissa point dans les chaînes, jusqu’à ce qu’il lui eût apporté le sceptre royal, et la puissance contre ceux qui l’opprimaient. Il convainquit de mensonge ceux qui l’avaient déshonoré, et le Seigneur notre Dieu lui donna une gloire éternelle.

Évangile Lc. 19, 12-26

En ce temps-là : Jésus dit cette parabole à ses disciples : Un homme de haute naissance s’en alla dans un pays lointain, pour prendre possession d’un royaume, et revenir ensuite. Ayant appelé dix de ses serviteurs, il leur donna dix mines, et leur dit : Faites-les valoir jusqu’à ce que je revienne. Mais ses concitoyens le haïssaient, et ils envoyèrent après lui une ambassade, pour dire : Nous ne voulons pas que cet homme règne sur nous. Et il arriva qu’à son retour, après avoir pris possession du royaume, il ordonna qu’on appelât les serviteurs auxquels il avait donné de l’argent, pour savoir comment chacun l’avait fait valoir. Le premier vint, et dit : Seigneur, ta mine a produit dix mines. Et il lui dit : C’est bien, bon serviteur ; parce que tu as été fidèle en peu de chose, tu auras puissance sur dix villes. Le second vint, et dit : Seigneur, ta mine a produit cinq mines. Et il lui dit : Et toi, sois établi sur cinq villes. Un autre vint, et dit : Seigneur, voici ta mine, que j’ai tenue enveloppée dans un mouchoir ; car je t’ai craint, parce que tu es un homme sévère : tu enlèves ce que tu n’as pas déposé, et tu moissonnes ce que tu n’as pas semé. Il lui dit : Je te juge par ta propre bouche, méchant serviteur. Tu savais que je suis un homme sévère, enlevant ce que je n’ai pas déposé, et moissonnant ce que je n’ai pas semé ; pourquoi donc n’as-tu pas mis mon argent à la banque, afin qu’à mon retour je le retirasse avec les intérêts ? Puis il dit à ceux que étaient présents : Ôtez-lui la mine, et donnez-la à celui qui en a dix. Et ils lui dirent : Seigneur, il a dix mines. Je vous le dis, on donnera à celui qui a déjà,

Secrète

Faites, nous vous en prions, Dieu tout-puissant, que comme le bienheureux Louis votre Confesseur, méprisant les délices du monde, s’appliqua à ne plaire qu’au seul Christ-Roi, qu’ainsi sa prière nous rende agréable à vous

Postcommunion

Dieu, vous avez magnifié le bienheureux Louis, votre Confesseur, sur la terre, et l’avez glorifié dans le ciel : établissez-le, nous vous en prions, défenseur de votre Église.

Office

Au deuxième nocturne.

Quatrième leçon. Louis IX, devenu roi de France à l’âge de douze ans, par la mort de son père, fut très pieusement élevé par la reine Blanche, sa mère. Il régnait depuis vingt ans déjà, lorsque, tombé malade, la pensée lui vint de reconquérir Jérusalem. Aussitôt revenu à la santé, il reçut l’étendard des mains de l’Évêque de Paris. Puis, ayant traversé la mer avec une armée nombreuse, il mit en déroute les Sarrasins dans un premier combat. Mais beaucoup de ses soldats moururent de la peste, et lui-même fut vaincu et fait prisonnier.

Cinquième leçon. Après un traité avec les Sarrasins, le roi et son armée furent laissés libres. Il demeura pendant cinq ans en Orient, racheta de l’esclavage un grand nombre de Chrétiens, convertit beaucoup d’infidèles à la foi du Christ, et rebâtit à ses frais plusieurs villes appartenant aux Chrétiens. Sa mère étant morte sur ces entrefaites, il dut revenir en France où il s’adonna tout entier aux œuvres de piété.

Sixième leçon. Le saint roi construisit nombre de monastères et d’hospices pour les pauvres ; il secourait de ses largesses les indigents, visitait fréquemment les malades et, non content de les faire soigner à ses frais, leur donnait de ses propres mains ce dont ils avaient besoin. Simple dans ses habits, il n’épargnait pas à son corps les mortifications du ciliée et du jeûne. Louis IX traversa de nouveau la mer pour combattre les Sarrasins, mais au moment où il venait d’établir son camp en face de l’ennemi, il mourut de la peste en prononçant ces paroles : « J’entrerai dans votre maison, Seigneur, je vous adorerai dans votre saint temple et je glorifierai votre nom. » Son corps fut transporté à Paris ; il est conservé dans la célèbre église de Saint-Denis, où on le vénère. Quant à son chef, on le porta à la sainte Chapelle. Glorifié par d’éclatants miracles, il a été mis au nombre des Saints par le Pape Boniface VIII.

Au troisième nocturne.

Homélie de saint Ambroise, Évêque. Liber 8 in Lucam.

Septième leçon. Il était bon et dans l’ordre que, devant appeler les Gentils et décréter la perte des Juifs qui n’avaient point voulu que le Christ régnât sur eux, le Sauveur employât d’abord cette comparaison pour éviter que l’on ne vînt à dire : Il n’avait rien donné au peuple des Juifs qui pût le rendre meilleur : comment exiger quelque chose de qui n’a rien reçu ? Ce n’est vraiment pas d’une monnaie de médiocre valeur qu’il s’agit car cette femme dont l’Évangile parle plus haut, ne trouvant pas une drachme, allume sa lampe, la cherche en promenant sa lumière, et est félicitée quand elle est retrouvée.

Huitième leçon. D’une mine unique, l’un des serviteurs a gagné dix mines et l’autre cinq. Peut-être ce dernier observe-t-il les préceptes de la morale, puisque les sens corporels sont au nombre de cinq ; l’autre a le double, c’est-à-dire qu’il approfondit les mystères de la loi et pratique la justice en ses mœurs. Aussi saint Matthieu a-t-il parlé de cinq talents et de deux talents : en sorte que l’accomplissement des préceptes moraux soit indiqué par les cinq talents et qu’en les deux autres talents nous voyions figurées, la connaissance des mystères de la foi et l’observation de la morale ; ce qui est moindre en nombre, se trouvant donc plus abondant en réalité.

Neuvième leçon. Et ici, nous pouvons entendre, par les dix mines, les dix préceptes, c’est-à-dire la doctrine de la loi ; et par les cinq autres, les leçons de la morale dues au magistère. Mais je veux que celui qui enseigne, soit accompli en toutes choses : « car le royaume de Dieu ne consiste pas dans les paroles, mais dans la vertu. » Comme il parle de Juifs, c’est bien à propos qu’il dit que deux seulement ont apporté à leur maître de l’argent multiplié, non certes par l’usure, mais par les profits d’une bonne administration. Autre, en effet, est le produit usuraire de l’argent, autre le fruit retiré de la céleste doctrine.

C’est la foi du chrétien qui fit en Louis, neuvième du nom, la grandeur du prince. Ayez du Seigneur des sentiments dignes de lui, vous qui gouvernez la terre, et cherchez-le dans la simplicité de votre cœur. Lorsqu’elle donnait ce précepte aux rois, l’éternelle Sagesse se complaisait dans sa prescience infinie parmi les lis de France, où notre Saint devait briller d’un éclat si pur.

Une commune loi rattache à Dieu le sujet et le prince, parce que semblable est leur naissance, et une aussi leur destinée. Celui qui crée les petits et les grands n’exempte point ces derniers des droits du domaine suprême ; leur puissance, qui les fait ses ministres, loin de modifier pour eux la notion du devoir de tous, ne fait qu’accroître du poids de la responsabilité de chacun Celui de leur responsabilité privée. Or, le devoir universel où toute obligation morale puise son principe, la loi première du monde, sa raison d’être, est de glorifier Dieu par lé retour des créatures à leur auteur, en la manière, en la mesure qu’il a voulues. Dieu donc ayant voulu élever jusqu’à sa propre vie divine l’homme pour qui la terre n’est plus qu’un séjour de passage, la justice naturelle, Tordre du temps présent, ne suffisent pas au monde ; les rois doivent savoir que l’objet de leur civile souveraineté, n’étant pas la fin dernière de toutes choses, reste rangé comme eux-mêmes sous la direction et l’empire absolu de cette fin supérieure en face de laquelle ils ne sont que sujets. Chefs des nations, prêtez l’oreille ; comprenez quel jugement vous est réservé. Ainsi, sous l’ancienne alliance, la divine pitié remplissait de ses avertissements miséricordieux la nuit des siècles d’attente.

Mais, non contente de multiplier ses oracles aux rois, la Sagesse, exauçant la prière du plus sage des princes de ces temps, est un jour descendue de son trône du ciel. Racheté par elle, le monde, à dater de ce jour, lui appartint à double titre. Au titre de sa divine filiation, dès avant la naissance de l’aurore, elle exerçait la principauté dans les splendeurs des Saints ; elle règne maintenant par droit de conquête sur la terre délivrée. Avant sa venue dans la chair, c’était d’elle déjà que les princes recevaient, avec leur puissance, l’équité qui devait en régler l’usage ; par le contrat des noces sacrées qui l’unirent à notre nature, Jésus, le fils de l’homme dont le sang paya la rançon du monde, est aujourd’hui l’unique source du pouvoir, comme de toute vraie justice élevant les nations. Et maintenant derechef, comprenez, o rois, dit le Psalmiste ; ayez l’intelligence, vous qui jugez la terre.

« C’est le Christ qui parle, explique saint Augustin : maintenant que je suis roi de par Dieu mon Père, ne vous attristez pas, comme si vous étiez dépouillés en. cela d’un bien qui fût vôtre ; mais plutôt, reconnaissant qu’il vous est bon d’être soumis à celui qui vous donne sécurité dans la lumière, servez ce Seigneur de tous avec crainte, et tressaillez en lui ».

La sécurité provenant de la lumière, c’est l’Église qui continue de la donner aux rois, pour l’Homme-Dieu remonté dans les cieux : l’Église qui, sans empiéter sur le domaine des princes, leur demeure pourtant supérieure, comme mère des peuples et comme juge des consciences, comme guide unique de l’humanité voyageuse à sa destinée suprême. Écoutons, dans la précision et la plénitude qui caractérisent son infaillible enseignement, le Souverain Pontife Léon XIII :

« Comme il y a sur la terre deux grandes sociétés : l’une civile, dont la fin prochaine est de procurer au genre humain le bien temporel et terrestre ; l’autre religieuse, qui a pour objet de conduire les hommes à la félicité céleste pour laquelle ils sont faits : ainsi il y a deux puissances, entre lesquelles Dieu a divisé le gouvernement de ce monde. Chacune d’elles en son genre est souveraine ; chacune est renfermée dans des limites déterminées et tracées en conformité de sa nature et de son but spécial. Le fondateur de l’Église, Jésus-Christ, a voulu qu’elles fussent distinctes l’une de l’autre, et que toutes deux fussent libres d’entraves dans l’accomplissement de leur mission propre ; avec cette clause toutefois que dans les choses qui ressortissent simultanément à la juridiction et au jugement de l’une et de l’autre, bien qu’à un titre différent, la puissance chargée des intérêts du temps dépendrait, comme il convient, de celle qui doit veiller à ceux du ciel. Soumises au reste toutes deux à la loi éternelle et naturelle, elles doivent s’accorder réciproquement dans les choses qui tiennent à l’ordre et au gouvernement de chacune d’elles, réalisant un ensemble de rapports que l’on peut justement comparer à celui qui dans l’homme constitue l’union de l’âme et du corps ».

Dans la sphère des intérêts éternels, dont nul ne peut légitimement se désintéresser ici-bas, c’est donc leurs peuples, et non seulement leurs propres personnes individuellement prises, que les princes doivent maintenir en la dépendance de l’Église comme en celle de Dieu. Car « les hommes unis par les liens d’une société commune ne relevant pas moins de Dieu que pris isolément, les sociétés politiques aussi bien que les particuliers ne peuvent sans crime se conduire comme si Dieu n’existait pas, ou se passer de la religion comme étrangère, ou se dispenser de suivre en cette religion les règles suivant lesquelles Dieu lui-même a déclaré vouloir être honoré. En conséquence, les chefs d’État doivent comme tels tenir pour saint le Nom de Dieu, mettre au nombre de leurs principaux devoirs celui de couvrir la religion de l’autorité des lois, ne rien statuer ou ordonner qui soit contraire à son intégrité ».

Nous pouvons maintenant reprendre avec saint Augustin l’explication du texte du psaume, et dire avec lui : « Comment les rois servent-ils le Seigneur dans la crainte, si ce n’est en prohibant et punissant avec une religieuse sévérité les actes contraires aux commandements du Seigneur ? Au double titre, en effet, d’homme et de prince, le roi sert Dieu en une double manière : homme, il le sert par la fidélité de sa vie ; roi, par la confection ou le maintien des lois qui ordonnent le bien et proscrivent le mal. Comme fit Ézéchias, et aussi Josias, en détruisant les temples des fausses divinités et ces hauts lieux que l’on avait construits contre l’ordre divin ; comme fit le roi de Ninive, en contraignant sa ville d’apaiser le Seigneur ; comme fit Darius, livrant l’idole à Daniel pour être brisée, et jetant les ennemis de celui-ci aux lions ; comme fit Nabuchodonosor, interdisant le blasphème dans tout son royaume par une loi terrible. C’est en cela donc que les rois servent le Seigneur en tant qu’ils sont rois, à savoir quand ils font pour le servir ce que peuvent seuls faire les rois ».

Qu’on ne pense pas qu’en ces développements nous ayons perdu de vue la fête de ce jour. De Louis IX aussi l’on doit dire, résumant sa vie : Il fit alliance avec le Seigneur, gardant ses commandements, les faisant observer par tous. Dieu comme but, la foi pour guide : c’est tout le secret de sa politique comme de sa sainteté. Comme chrétien, serviteur du Christ ; comme prince, son lieutenant : entre les aspirations du chrétien et celles du prince, son âme ne fut pas divisée ; cette unité fut sa force, comme elle est aujourd’hui sa gloire. Le Christ, qui régna seul en lui et par lui ici-bas, le fait régner avec lui-même aux deux. Si vous vous complaisez dans les sceptres et les trônes, rois de la terre, aimez la Sagesse pour régner à jamais.

Sacré à Reims le premier dimanche de l’Avent 1226, Louis fit siennes pour la vie les paroles de l’Antienne d’Introït en ce jour : J’ai élevé mon âme vers vous, je me confie en vous, mon Dieu ! Il n’avait que douze ans ; mais le Seigneur avait muni son enfance du plus sûr rempart, en lui donnant pour mère la noble fille des Espagnes dont la venue dans notre France, dit Guillaume de Nangis, y amena tous les biens. La mort prématurée de Louis VIII, son époux, laissait Blanche de Castille aux prises avec la plus redoutable des conspirations. Amoindris sous les règnes précédents, les grands vassaux s’étaient promis de mettre à profit la minorité du nouveau prince, et de ressaisir les droits que la féodalité ancienne leur reconnaissait au détriment de l’unité du pouvoir. Pour écarter cette mère qui se dressait seule entre la faiblesse de l’héritier du trône et leurs ambitions, les barons, partout révoltés, donnèrent la main à l’hérésie albigeoise renaissant au midi ; ils ne rougirent point de faire alliance avec le fils de Jean Sans-Terre, Henri III, épiant d’au delà de la Manche l’occasion de réparer les pertes territoriales dont Philippe-Air liste avait châtié sur le continent la perfidie du meurtrier d’Arthur de Bretagne. Forte du droit de son fils et de la protection du Pontife romain, Grégoire IX, Blanche ne s’abandonna pas ; on vit cette femme que, pour justifier leur crime de lèse-patrie, tous ces amis de l’Anglais nommaient l’étrangère, sauver par sa prudence, sa vaillante fermeté, la terre française. Après neuf ans de régence, elle remettait la nation à son roi, plus unie, plus puissante que jamais depuis Charlemagne.

Nous ne pouvons songer à faire ici l’histoire du règne qui acheva de replacer la France à la tête des peuples ; mais il convenait de rendre à qui de droit aujourd’hui cet hommage : d’autant que pour devenir l’honneur du ciel comme de la terre en cette fête, Louis eut seulement à continuer Blanche, le fils à ne point oublier les préceptes de sa mère.

De là, sur toute sa vie, le reflet de simplicité gracieuse qui en relève d’une façon si spéciale l’héroïsme et la grandeur. On dirait que Louis ne connut jamais le labeur nécessaire à tant d’autres, élevés loin du trône, pour adapter leurs âmes à la divine parole : Si vous ne devenez comme de petits enfants, vous n’entrerez pas dans le royaume des deux. Mais aussi, selon la même parole du Seigneur, qui fut plus grand que cet humble s’honorant plus du baptême de Poissy que du sacre de Reims, disant ses Heures, jeûnant, se flagellant comme ses amis les Frères Prêcheurs et Mineurs, toujours prêt à s’abaisser devant ceux en qui le sacerdoce, l’état religieux, la souffrance ou la pauvreté lui manifestaient Les privilégiés du ciel ? Libre aux grands hommes que nous avons connus dans nos temps de sourire en présence du vaincu de Mansourah, s’affligeant plus de la perte de son bréviaire que de la captivité qui le livre aux Sarrasins. On les a trop vus ces hommes en de semblables extrémités ! Si pareille faiblesse d’esprit, comme ils pensent, n’a point chez eux déshonoré la défaite, on n’a point non plus entendu l’ennemi s’écrier d’aucun d’eux : « Vous êtes notre captif, et l’on dirait que c’est nous qui sommes vos prisonniers ». On ne les a pas vus en imposer à la cupidité féroce, à l’ivresse de sang des geôliers, dicter la paix aussi fièrement que s’ils eussent été les vainqueurs ; le pays, jeté par eux dans les aventures, n’est point, hélas ! sorti plus glorieux de l’épreuve. C’est le propre de cet admirable règne de saint Louis, que les désastres y ajoutent à sa taille de héros la hauteur qui sépare la terre du ciel même, que la France y conquiert pour des siècles, en cet Orient où son roi fut chargé de chaînes, une renommée dont nulle victoire n’aurait pu égaler le prestige.

L’humilité des saints rois n’est point l’oubli de la grandeur du rôle qu’ils remplissent pour Dieu ; leur abnégation ne saurait consister dans l’abandon de droits qui sont aussi des devoirs ; pas plus que la charité ne supprime en eux la justice, l’amour de la paix n’y fait tort aux vertus guerrières. Saint Louis sans armée ne laissait pas de traiter de toute la hauteur de son baptême avec l’infidèle victorieux ; par ailleurs en notre Occident, on le sut de bonne heure, on le sut toujours mieux à mesure qu’avec les années croissait en lui la sainteté : ce roi dont les nuits se passaient à prier Dieu, les journées à servir les pauvres, n’entendait céder à quiconque les prérogatives de la couronne qu’il tenait de ses pères. Il n’y a qu’un roi en France, dit un jour le justicier du bois de Vincennes cassant une sentence de son frère, Charles d’Anjou ; et les barons au château de Bellême, les Anglais à Taillebourg, n’avaient pas attendu jusque-là pour l’apprendre ; non plus que ce Frédéric II, qui menaçait d’écraser l’Église, cherchant chez nous des complices, et dont les hypocrites explications valurent à l’Allemand la réponse : Le royaume de France n’est mie encore si affaibli qu’il se laisse mener à vos éperons.

La mort de Louis fut simple et grande comme sa vie. Dieu l’appela vers lui dans des circonstances douloureuses et critiques, loin de la patrie, sur ce sol africain où il avait une première fois déjà tant souffert : épines sanctifiantes, qui devaient rappeler au prince croisé son joyau de prédilection, la couronne sacrée acquise par lui au trésor de France. Mû par l’espoir de convertir au christianisme le roi de Tunis, c’était plus en apôtre qu’en soldat qu’il avait abordé le rivage où l’attendait le combat suprême. Je vous dis le ban de notre Seigneur Jésus-Christ et de son sergent Louis, roi de France : sublime provocation jetée à la ville infidèle, bien digne de clore une telle vie. Après six siècles écoulés, Tunis verra les fils des Francs qui l’entourèrent alors donner suite sans le vouloir au défi du plus saint de leurs rois, appelés qu’ils seront, sans le savoir, par tous les bienheureux dont cette terre de l’antique Carthage devenue chrétienne garde la mémoire pour l’éternité.

Cependant l’armée de la Croix, victorieuse en tous les combats, était décimée par un mal terrible. Entouré de morts et de mourants, atteint lui-même parla contagion, Louis manda près de lui son fils aîné et prochain successeur, Philippe, troisième du nom, pour lui donner ses instructions dernières :

« Cher fils, la première chose que je t’enseigne, c’est que tu mettes ton cœur à aimer Dieu ; car sans ce, ne peut nul valoir nulle chose. Garde-toi défaire chose qui à Dieu déplaise, c’est à savoir mortel péché ; ains plutôt devrais souffrir toutes manières de tourments. Si Dieu t’envoie adversité, reçois-le en patience et en rends grâces à notre Seigneur, et pense que tu l’as desservi. S’il te donne prospérité, l’en remercie humblement, et ne sois pas pire ou par orgueil ou par autre manière de ce dont tu dois mieux valoir ; car l’on ne doit pas Dieu de ses dons guerroyer. Le cœur aie doux et piteux aux pauvres et aux mésaisiés, et les conforte et aide selon ce que tu pourras. Maintiens les bonnes coutumes de ton royaume, et les mauvaises abaisse. Aime tout bien, et hais tout mal en quoique ce soit. Nulle vilenie de Dieu ou de Notre-Dame ou des Saints ne souffre que l’on die devant toi, que tu n’en fasses tantôt vengeance. A justice tenir sois loyal envers tes sujets, sans tourner à dextre ni à senestre ; mais aide au droit, et soutiens la querelle du pauvre jusques à tant que la vérité soit éclaircie. Honore et aime toutes les personnes de la sainte Église, et garde qu’on ne leur soustraie leurs dons et leurs aumônes que tes devanciers leur auront donnés. Cher fils, je t’enseigne que tu sois toujours dévot à l’Église de Rome et au souverain évêque notre père, c’est le Pape, et lui portes révérence et honneur comme tu dois faire à ton père spirituel. Travaille-toi que tout vilain péché soit ôté de ta terre ; spécialement vilains serments et hérésie fais abattre à ton pouvoir... Biau cher fils, je te donne toutes les bénédictions que bon père peut donner à fils ; et la benoîte Trinité et tous les Saints te gardent et défendent de tous maux ; et Dieu te donne grâce de faire sa volonté toujours, et qu’il soit honoré par toi, et que toi et moi puissions après cette mortelle vie être ensemble avec lui et le louer sans fin ».

« Quand le bon roi, poursuit Joinville, eut enseigné son fils monseigneur Philippe, la maladie que il avait commença à croître fortement ; et demanda les sacrements de sainte Église, et les reçut en saine pensée et en droit entendement, ainsi comme il apparut ; car quand on l’enhuilait et on disait les sept psaumes, il disait les versets d’une part. J’ai ouï conter monseigneur le comte d’Alençon son fils, que quand il approchait de la mort, il appela les Saints pour l’aider et secourir, et mêmement monseigneur saint Jacques, en disant son oraison, qui commence : Esto Domine ; c’est à dire : « Dieu, soyez saint fier et garde de votre peuple ». Monseigneur saint Denis de France appela lors en s’aide, en disant son oraison qui vaut autant à dire : « Sire Dieu, donne-nous que nous puissions despire la prospérité de ce monde, si que nous ne doutions nulle adversité ». Et ouï dire lors à monseigneur d’Alençon (que Dieu absolve !) que son père réclamait lors madame sainte Geneviève. Après se fit le saint roi coucher en un lit couvert de cendre, et mit ses mains sur sa poitrine, et en regardant vers le ciel rendit à notre Créateur son esprit, en celle heure même que le Fils de Dieu mourut pour le salut du monde en la croix ».

Jérusalem, la vraie Sion, vous ouvre enfin ses portes, à vous, ô Louis, qui pour elle avez donné vos trésors et vous-même. Du trône éternel où le Fils de Dieu vous associe à ses honneurs et à sa puissance, soyez toujours le promoteur du règne de Dieu sur terre, le zélateur de la foi, le bras de notre Mère l’Église. Sans adorer le Christ, l’Orient infidèle, grâce à vous, respecte ses adorateurs, confondant sous une même signification le nom de chrétien et de Franc. A cause de cela, nos gouvernants du jour prétendent rester dans ces contrées les protecteurs du christianisme qu’ils poursuivent sur le sol gaulois ! Contradiction non moins fatale au pays, qu’opposée à ses traditions de franchise, à sa renommée d’honneur et de loyauté. Comment connaîtraient-ils nos traditions et notre histoire, comment comprendraient-ils l’intérêt national, ceux qui méconnaissent le Dieu de Clovis, de Charlemagne et de saint Louis ? Déjà, qu’est devenu, dans cette Égypte qui eut vos plus durs labeurs, le patrimoine d’influence glorieuse que les siècles avaient maintenu à la nation ?

Vos descendants ne sont plus là pour nous garder de l’invasion de ces hommes qui exploitent la patrie et n’ont que l’exil pour ceux qui l’ont faite. Ici pourtant, combien redoutables ne se révèlent pas les justices du Seigneur ! Vous-même l’aviez dit : Plutôt un étranger que mon fils pour gouverner le peuple du royaume, si mon fils le doit mal gouverner ! Trente années après la croisade de Tunis, un prince indigne, votre deuxième successeur, outrageait le Vicaire de l’Homme-Dieu. Rejeté d’en haut, Philippe IV, le Bel, voyait aussitôt s’arrêter dans sa race stérilisée la sève partie de votre racine. Flétri et brisé, le rameau sacrilège faisait place sur la tige auguste à une autre branche issue de vous toujours. Mais la nation, solidaire de ses rois, allait expier elle-même le forfait d’Anagni dans une guerre terrible, dont l’imprévoyance politique du même Philippe le Bel avait, par le jugement de Dieu, posé la cause ; prince aussi funeste à l’État qu’à l’Église et à sa propre famille. Ce fut alors que, cent années durant, le pays parut à la veille de sa perte ; jusqu’à ce que, protection merveilleuse du ciel sur notre patrie ! la pucelle d’Orléans, Jeanne la Vénérable, arrachât des griffes du léopard anglais le lis de France qu’il prétendait s’unir.

D’autres fautes devaient, hélas ! compromettre encore, puis par deux fois à nouveau dessécher ou rompre les branches de l’arbre royal. Longtemps vos mérites personnels firent contre-poids devant Dieu au scandale des mœurs dont nos princes s’étaient fait comme une note de race, un privilège odieux : honte que transmirent aux Bourbons les Valois mourants, que dut expier sans parvenir à l’effacer le sang du juste Louis XVI, qu’expient toujours tant d’illustres proscrits promenant sur la terre étrangère leur déchéance et leurs souvenirs. Puissiez-vous du moins reconnaître, en ces fils qui vous restent, les imitateurs de vos vertus ! c’est en revendiquant d’abord ce premier héritage, qu’un jour peut-être ils amèneront Dieu à leur rendre l’autre. Car Dieu qui commande d’obéir au pouvoir établi dans les divers temps, reste le maître des peuples, l’arbitre immuable de leurs variables destinées. Mais c’est alors qu’instruit par l’épreuve, nul de vos descendants ne devra plus oublier, ô Louis, votre recommandation suprême : Travaille-toi que tout vilain péché soit ôté de ta terre ; spécialement vilains serments et hérésie fais abattre à ton pouvoir.

Saint Louis roi, confesseur

Cher fils, parce que je désire de tout mon cœur que tu sois bien enseigné en toutes choses, j’ai pensé que je te ferais quelques enseignements par cet écrit, car je t’ai entendu dire plusieurs fois que tu retiendrais davantage de moi que de tout autre.

Cher fils, je t’enseigne premièrement que tu aimes Dieu de tout ton cœur et de tout ton pouvoir, car sans cela personne ne peut rien valoir. Tu dois te garder de toutes choses que tu penseras devoir lui déplaire et qui sont en ton pouvoir, et spécialement tu dois avoir cette volonté que tu ne fasses un péché mortel pour nulle chose qui puisse arriver, et qu’avant de faire un péché mortel avec connaissance, que tu souffrirais que l’on te coupe les jambes et les bras et que l’on t’enlève la vie par le plus cruel martyre. Si Notre Seigneur t’envoie persécution, maladie ou autre souffrance, tu dois la supporter débonnairement, et tu dois l’en remercier et lui savoir bon gré car il faut comprendre qu’il l’a fait pour ton bien. De plus, tu dois penser que tu as mérité ceci- et encore plus s’il le voulait- parce que tu l’as peu aimé et peu servi, et parce que tu as fait beaucoup de choses contre sa volonté. Si Notre Seigneur t’envoie prospérité, santé de corps ou autre chose, tu dois l’en remercier humblement et puis prendre garde qu’à cause de cela il ne t’arrive pas de malheur causé par orgueil ou par une autre faute, car c’est un très grand péché de guerroyer Notre Seigneur de ses dons.

Cher fils, je te conseille de prendre l’habitude de te confesser souvent et d’élire toujours des confesseurs qui soient non seulement pieux mais aussi suffisamment bien instruits, afin que tu sois enseigné par eux des choses que tu dois éviter et des choses que tu dois faire ; et sois toujours de telle disposition que des confesseurs et des amis osent t’enseigner et te corriger avec hardiesse.


Cher fils, je t’enseigne que tu entendes volontiers le service de la sainte Église, et quand tu seras à l’église garde-toi de perdre ton temps et de parler vaines paroles. Dis tes oraisons avec recueillement ou par bouche ou de pensée, et spécialement sois plus recueilli et plus attentif à l’oraison pendant que le corps de Notre-Seigneur Jésus-Christ sera présent à la messe et puis aussi pendant un petit moment avant.

Cher fils, je t’enseigne que tu aies le cœur compatissant envers les pauvres et envers tous ceux que tu considéreras comme souffrant ou de cœur ou de corps , et selon ton pouvoir soulage-les volontiers ou de soutien moral ou d’aumônes. Si tu as malaise de cœur, dis-le à ton confesseur ou à quelqu’un d’autre que tu prends pour un homme loyal capable de garder bien ton secret, parce qu’ainsi tu seras plus en paix, pourvu que ce soit, bien sûr, une chose dont tu peux parler.

Cher fils, recherche volontiers la compagnie des bonnes gens, soit des religieux, soit des laïcs, et évite la compagnie des mauvais. Parle volontiers avec les bons, et écoute volontiers parler de Notre Seigneur en sermons et en privé. Achète volontiers des indulgences. Aime le bien en autrui et hais le mal. Et ne souffre pas que l’on dise devant toi paroles qui puissent attirer gens à péché. N’écoute pas volontiers médire d’autrui. Ne souffre d’aucune manière des paroles qui tournent contre Notre Seigneur, Notre-Dame ou des saints sans que tu prennes vengeance, et si le coupable est un clerc ou une grande personne que tu n’as pas le droit de punir, rapporte la chose à celui qui peut le punir. Prends garde que tu sois si bon en toutes choses qu’il soit évident que tu reconnaisses les générosités et les honneurs que Notre Seigneur t’a faits de sorte que, s’il plaisait à Notre Seigneur que tu aies l’honneur de gouverner le royaume, que tu sois digne de recevoir l’onction avec laquelle les rois de France sont sacrés.

Cher fils, s’il advient que tu deviennes roi, prends soin d’avoir les qualités qui appartiennent aux rois, c’est-à-dire que tu sois si juste que, quoi qu’il arrive, tu ne t’écartes de la justice. Et s’il advient qu’il y ait querelle entre un pauvre et un riche, soutiens de préférence le pauvre contre le riche jusqu’à ce que tu saches la vérité, et quand tu la connaîtras, fais justice. Et s’il advient que tu aies querelle contre quelqu’un d’autre, soutiens la querelle de l’adversaire devant ton conseil, et ne donne pas l’impression de trop aimer ta querelle jusqu’à ce que tu connaisses la vérité, car les membres de ton conseil pourraient craindre de parler contre toi, ce que tu ne dois pas vouloir. Si tu apprends que tu possèdes quelque chose à tort, soit de ton temps soit de celui de tes ancêtres, rends-la tout de suite toute grande que soit la chose, en terres, deniers ou autre chose. Si le problème est tellement épineux que tu n’en puisses savoir la vérité, arrive à une telle solution en consultant ton conseil de prud’hommes, que ton âme et celle de tes ancêtres soient en repos. Et si jamais tu entends dire que tes ancêtres aient fait restitution, prends toujours soin à savoir s’il en reste encore quelque chose à rendre, et si tu la trouves, rends-la immédiatement pour le salut de ton âme et de celles de tes ancêtres. Sois bien diligent de protéger dans tes domaines toutes sortes de gens, surtout les gens de sainte Église ; défends qu’on ne leur fasse tort ni violence en leurs personnes ou en leurs biens. Et je veux te rappeler ici une parole que dit le roi Philippe, mon aïeul, comme quelqu’un de son conseil m’a dit l’avoir entendue. Le roi était un jour avec son conseil privé comme l’était aussi celui qui m’a parlé de la chose et quelques membres de son conseil lui disaient que les clercs lui faisaient grand tort et que l’on se demandait avec étonnement comment il le supportait. Et il répondit : « Je crois bien qu’ils me font grand tort ; mais, quand je pense aux honneurs que Notre Seigneur me fait, je préfère de beaucoup souffrir mon dommage, que faire chose par laquelle il arrive esclandre entre moi et sainte Église. » Je te rappelle ceci pour que tu ne sois pas trop dispos à croire autrui contre les personnes de sainte Église. Tu dois donc les honorer et les protéger afin qu’elles puissent faire le service de Notre Seigneur en paix. Ainsi je t’enseigne que tu aimes principalement les religieux et que tu les secoures volontiers dans leurs besoins; et ceux par qui tu crois que Notre Seigneur soit le plus honoré et servi, ceux-là aime plus que les autres.

Cher fils, je t’enseigne que tu aimes et honores ta mère, et que tu retiennes volontiers et observes ses bons enseignements, et sois enclin à croire ses bons conseils. Aime tes frères et veuille toujours leur bien et leur avancement, et leur tiens lieu de père pour les enseigner à tous biens, mais prends garde que, par amour pour qui que ce soit, tu ne déclines de bien faire, ni ne fasses chose que tu ne doives.

Cher fils, je t’enseigne que les bénéfices de saint Église que tu auras à donner, que tu les donnes à bonnes personnes par grand conseil de prud’hommes ; et il me semble qu’il vaut mieux les donner à ceux qui n’ont aucunes prébendes qu’à ceux qui en ont déjà ; car si tu les cherches bien, tu trouveras assez de ceux qui n’ont rien et en qui le don sera bien employé.

Cher fils, je t’enseigne que tu te défendes, autant que tu pourras, d’avoir guerre avec nul chrétien; et si l’on te fait tort, essaie plusieurs voies pour savoir si tu ne pourras trouver moyen de recouvrer ton droit avant de faire guerre, et fasse attention que ce soit pour éviter les péchés qui se font en guerre. Et s’il advient que tu doives la faire, ou parce qu’un de tes hommes manque en ta cour de s’emparer de ses droits, ou qu’il fasse tort à quelque église ou à quelque pauvre personne ou à qui que ce soit et ne veuille pas faire amende, ou pour n’importe quel autre cas raisonnable pour lequel il te faut faire la guerre, commande diligemment que les pauvres gens qui ne sont pas coupables de forfaiture soient protégés et que dommage ne leur vienne ni par incendie ni par autre chose; car il te vaudrait mieux contraindre le malfaiteur en prenant ses possessions, ses villes ou ses châteaux par force de siège. Et garde que tu sois bien conseillé avant de déclarer la guerre, que la cause en soit tout à fait raisonnable, que tu aies bien averti le malfaiteur et que tu aies assez attendu, comme tu le devras.

Cher fils, je t’enseigne que les guerres et les luttes qui seront en ta terre ou entre tes hommes, que tu te donnes la peine, autant que tu le pourras, de les apaiser, car c’est une chose qui plaît beaucoup à Notre Seigneur. Et Monsieur saint Martin nous en a donné un très grand exemple car, au moment où il savait par Notre Seigneur qu’il devait mourir, il est allé faire la paix entre les clercs de son archevêché, et il lui a semblé en le faisant qu’il mettait bonne fin à sa vie. Cher fils, prends garde diligemment qu’il y ait bons baillis et bons prévôts en ta terre, et fais souvent prendre garde qu’ils fassent bien justice et qu’ils ne fassent à autrui tort ni chose qu’ils ne doivent. De même, ceux qui sont en ton hôtel, fais prendre garde qu’ils ne fassent injustice à personne car, combien que tu dois haïr le mal qui existe en autrui, tu dois haïr davantage celui qui viendrait de ceux qui auraient reçu leur pouvoir de toi, et tu dois garder et défendre davantage que cela n’advienne.

Cher fils, je t’enseigne que tu sois toujours dévoué à l’Église de Rome et à notre saint-père le pape, et lui portes respect et honneur comme tu le dois à ton père spirituel.

Cher fils, donne volontiers pouvoir aux gens de bonne volonté qui en sachent bien user, et mets grande peine à ce que les péchés soient supprimés en ta terre, c’est-à-dire les vilains serments et toute chose qui se fait ou se dit contre Dieu ou Notre-Dame ou les saints: péchés de corps, jeux de dés, tavernes ou autres péchés. Fais abattre tout ceci en ta terre sagement et en bonne manière. Fais chasser les hérétiques et les autres mauvais gens de ta terre autant que tu le pourras en requérant comme il le faut le sage conseil des bonnes gens afin que ta terre en soit purgée. Avance le bien par tout ton pouvoir ; mets grande peine à ce que tu saches reconnaître les bontés que Notre Seigneur t’auras faites et que tu l’en saches remercier.

Cher fils, je t’enseigne que tu aies une solide intention que les deniers que tu dépenseras soient dépensés à bon usage et qu’ils soient levés justement. Et c’est un sens que je voudrais beaucoup que tu eusses, c’est-à-dire que tu te gardasses de dépenses frivoles et de perceptions injustes et que tes deniers fussent justement levés et bien employés-et c’est ce même sens que t’enseigne Notre Seigneur avec les autres sens qui te sont profitables et convenables.

Cher fils, je te prie que, s’il plaît à Notre Seigneur que je trépasse de cette vie avant toi, que tu me fasses aider par messes et par autres oraisons et que tu demandes prières pour mon âme auprès des ordres religieux du royaume de France, et que tu entendes dans tout ce que tu feras de bon, que Notre Seigneur m’y donne part.

Cher fils, je te donne toute la bénédiction qu’un père peut et doit donner à son fils, et je prie Notre Seigneur Dieu Jésus-Christ que, par sa grande miséricorde et par les prières et par les mérites de sa bienheureuse mère, la Vierge Marie, et des anges et des archanges, de tous les saints et de toutes les saintes, il te garde et te défende que tu ne fasses chose qui soit contre sa volonté, et qu’il te donne grâce de faire sa volonté afin qu’il soit servi et honoré par toi ; et puisse-t-il accorder à toi et à moi, par sa grande générosité, qu’après cette mortelle vie nous puissions venir à lui pour la vie éternelle, là où nous puissions le voir, aimer et louer sans fin, Amen. A lui soit gloire, honneur et louange, qui est un Dieu avec le Père et le Saint-Esprit, sans commencement et sans fin . Amen.

 

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Saint Barthélemy apôtre

24 Août 2021 , Rédigé par Ludovicus

Saint Barthélemy apôtre

Collecte

Dieu tout-puissant et éternel, de qui nous vient la religieuse et sainte joie que nous éprouvons à célébrer aujourd’hui la fête de votre bienheureux Apôtre Barthélémy, accordez à votre Église, nous vous en prions, la grâce d’aimer ce qu’il a cru et de prêcher ce qu’il a enseigné.

Office

4e leçon

L’Apôtre Barthélémy était Galiléen. Il parcourut la partie des Indes située en deçà du Gange, contrée que le sort lui avait assignée, quand les Apôtres s’étaient partagé le monde pour y prêcher l’Évangile de Jésus-Christ. Il annonça à ces peuples l’avènement du Seigneur Jésus, en suivant l’Évangile de saint Matthieu. Après avoir obtenu de nombreuses conversions à la foi chrétienne dans ces contrées, et supporté beaucoup de travaux et d’épreuves, il se dirigea vers la grande Arménie.

5e leçon

Là, il convertit à la foi chrétienne le roi Polymius, la reine son épouse, et douze villes entières. Ce succès suscita contre lui une grande jalousie de la part des prêtres de cette nation. Ils allèrent jusqu’à exciter la haine d’Astyage, frère du roi Polymius, au point que le prince ordonna d’écorcher vif Barthélémy et, après cette cruauté, de lui trancher la tête. Ce fut dans ce supplice que l’Apôtre rendit son âme à Dieu.

6e leçon

Son corps, enseveli à Albanopoli, ville de la grande Arménie et lieu de son martyre, fut, dans la suite, transporté d’abord à Lipari, puis à Bénévent, et enfin à Rome, par, l’Empereur Othon III. On le plaça dans une église consacrée sous son patronage, dans l’île du Tibre. Sa Fête se fait à Rome le huitième jour des calendes de septembre, et elle est célébrée pendant huit jours consécutifs dans cette basilique, par un grand concours de peuple.

7e leçon

Homélie de saint Ambroise, Évêque

Ce sont les grandes âmes, les âmes sublimes qui gravissent la montagne. Car le Prophète ne dit pas au premier venu : « Monte sur une haute montagne, toi qui évangélises Sion ; élève ta voix avec force, toi qui évangélises Jérusalem. » Efforcez-vous, non de vos pieds corporels, mais par de grandes actions, de gravir cette montagne et de suivre Jésus-Christ, afin de pouvoir être aussi vous-même une montagne. Car, parcourez l’Évangile, et vous trouverez que les disciples furent les seuls à monter avec lui sur la montagne. Le Seigneur prie donc, non pour lui, mais pour moi. Car bien que le Père ait tout remis en la puissance du Fils, néanmoins le Fils, pour remplir son rôle d’homme, juge qu’il doit prier pour nous son Père, parce qu’il est notre avocat.

8e leçon

« Et il passa, dit le texte, toute la nuit à prier Dieu. » C’est un exemple qui vous est donné, ô Chrétien, c’est un modèle qu’on vous prescrit d’imiter. Car, que ne devez-vous pas faire pour votre salut, quand le Christ passa toute la nuit à prier pour vous ? Qu’est-il convenable que vous fassiez, ayant quelque œuvre de piété à entreprendre, puisque le Christ, avant que d’envoyer en mission ses Apôtres, se mit en prière, et pria seul ? Et on ne voit pas ailleurs, ce me semble, qu’il ait prié avec ses Apôtres. Partout il est seul à prier. C’est que les désirs des hommes ne comprennent pas les desseins de Dieu, et personne ne peut pénétrer dans l’intérieur de Jésus-Christ.

9e leçon

« Il appela ses disciples, dit le texte, et il choisit douze d’entre eux, » qu’il destinait à procurer aux hommes le secours du salut dans tout l’univers, en y répandant la semence de la foi. Remarquez en même temps l’économie du plan céleste. Ce ne sont ni des savants, ni des riches, ni des nobles, mais des pêcheurs et des publicains qu’il a choisis pour cette mission : de peur qu’il ne semblât avoir usé auprès de quelques âmes, soit des artifices de la prudence pour les séduire, soit des richesses pour les acheter, soit de l’autorité du pouvoir et du prestige de la noblesse pour les amener à sa grâce : le Sauveur voulait que ce soit l’empire de la vérité, et non la force de l’éloquence, qui triomphât des esprits.

Un témoin du Fils de Dieu, un des princes qui annoncèrent sa gloire aux nations, illumine ce jour des incomparables feux de la lumière apostolique. Tandis que ses frères du collège sacré suivaient la race humaine sur toutes les routes où la migration des peuples l’avait portée, c’est au point de départ, sur les monts d’Arménie d’où les fils de Noé remplirent la terre, que Barthélémy parut comme l’envoyé des collines éternelles et le héraut de l’Époux. Là, s’était arrêtée l’arche figurative ; l’humanité, partout ailleurs voyageuse, y restait assise, se souvenant de la colombe au rameau d’olivier, attendant la consommation de l’alliance dont l’arc-en-ciel, brillant sur la nue, avait dans ces lieux pour la première fois signifié les splendeurs. Or, voici qu’une nouvelle bienheureuse a réveillé dans ces hautes vallées les échos des antiques traditions : nouvelle de paix, fin du péché dont l’universel déluge recule devant le bois du salut. Combien la sérénité qu’apportait la colombe de jadis est dépassée ! Au châtiment va succéder l’amour. L’ambassadeur du ciel a montré Dieu aux fils d’Adam dans le plus beau de leurs frères. Les nobles sommets d’où coulent les fleuves qui arrosèrent autrefois le jardin de délices, voient renouveler le contrat déchiré en Éden, et célébrer dans l’allégresse de la terre et des cieux les noces divines, attente des siècles, union du Verbe et de l’humanité régénérée.

Personnellement, que fut l’Apôtre dont le ministère emprunte une telle solennité du lieu où il s’accomplit ? Sous le nom ou le surnom de Barthélémy, qui est le seul trait que nous aient conservé de lui les trois premiers Évangiles, devons-nous voir, comme plusieurs l’ont pensé, ce Nathanaël dont la présentation par Philippe à Jésus est l’objet en saint Jean d’une scène si suave? Personnage tout de droiture, d’innocence, de simplicité, bien digne d’avoir eu la colombe pour précurseur, et pour lequel on sent que l’Homme-Dieu dès l’abord réservait des tendresses et des grâces de choix .

Quoi qu’il en puisse être, la part échue entre les douze à l’élu de ce jour dit assez la spéciale confiance du Cœur divin ; l’héroïsme du redoutable martyre où il scelle son apostolat, nous révèle sa fidélité ; la dignité qu’a su garder sous toutes les latitudes où elle vit transplantée la nation qu’il greffa sur le Christ, témoigne de l’excellence de la sève infusée originairement dans ses rameaux. Lorsque, deux siècles et demi plus tard, Grégoire l’illuminateur fit germer par toute l’Arménie l’abondance des fleurs et des fruits qui la manifestèrent si belle, il n’eut qu’à réveiller la semence divine déposée par l’Apôtre, et dont les épreuves, qui ne devaient jamais manquer à la généreuse contrée, avaient un temps comprimé l’essor, sans pouvoir l’étouffer.

Pourquoi faut-il que de déplorables malentendus, nourris dans le trouble d’invasions sans fin, aient maintenu trop longtemps en défiance contre Rome une race que les guerres d’extermination, les supplices, la dispersion, n’ont pu détacher de l’amour du Christ Sauveur ! Grâce à Dieu pourtant, le mouvement de retour, plus d’une fois commencé pour ensuite se ralentir, semble aujourd’hui s’accentuer davantage ; l’illustre nation voit l’élite de ses fils travailler avec persévérance au rapprochement si souhaitable, en dissipant les préjugés de leur peuple, en révélant à nos régions les trésors de sa littérature si chrétienne, les magnificences de sa liturgie, en priant surtout et en se dévouant sous l’étendard du père des moines de l’Occident. Avec ces tenants de la vraie tradition nationale, prions Barthélémy leur Apôtre, et le disciple Thaddée qui eut aussi part à l’évangélisation primitive, et Ripsima, l’héroïque vierge amenant des terres romaines ses trente-cinq compagnes à la conquête d’une nouvelle patrie, et tous les martyrs dont le sang cimenta l’édifice sur le seul fondement posé par le Seigneur. Puisse, comme ces grands prédécesseurs, le chef du second apostolat, Grégoire l’Illuminateur, qui voulut voir Pierre en la personne de Silvestre et reçut la bénédiction du Pontife romain ; puissent les saints rois, les patriarches et les docteurs de l’Arménie, redevenir pour elle les guides écoutés des beaux temps de son histoire, et ramener tout entière, sans retour enfin, à l’unique bercail, une Église faite pour marcher d’un même pas avec l’Église maîtresse et mère !

Nous apprenons d’Eusèbe et de saint Jérôme, qu’avant de se rendre dans l’Arménie, but suprême de son apostolat, saint Barthélémy évangélisa les Indes, où Pantène, au siècle suivant, trouva un exemplaire de l’Évangile de saint Matthieu en lettres hébraïques qu’il y avait laissé. Saint Denys rapporte aussi du glorieux Apôtre une parole profonde, qu’il cite et commente en ces termes : « Le divin Barthélémy dit de la théologie qu’elle est à la fois abondante et succincte, de l’Évangile qu’il est de vaste étendue et en même temps concis ; donnant ainsi excellemment à entendre que la bienfaisante cause de tous les êtres s’exprime et en beaucoup et en peu de paroles, ou même sans discours, n’y ayant parole ou pensée qui la puisse rendre. Car elle est au-dessus de tout par son essence supérieure ; et ceux-là seuls l’atteignent dans sa vérité, non dans les voiles dont elle s’entoure, qui dépassant la matière et l’esprit, s’élevant par delà le faite des plus saints sommets, laissent tous les rayonnements divins, tous les échos de Dieu, tous les discours des cieux, pour entrer dans l’obscurité où habite, comme dit l’Écriture, celui qui est au delà de toutes choses ».

C’est demain seulement que la ville de Rome célèbre la fête de saint Barthélémy ; elle est en cela d’accord avec les Grecs, qui rattachent au 25 août le souvenir d’une translation des reliques de l’Apôtre. Les translations diverses en effet du saint corps, jointes à la difficulté de préciser la date du martyre de Barthélémy, expliquent la variété des jours adoptés pour cette fête par les Églises de l’Orient comme de l’Occident. La détermination du 24 de ce mois, consacrée par l’usage de la plupart des Églises latines, remonte aux plus anciens martyrologes, y compris le hiéronymien. Au XIIIe siècle, Innocent III, consulté sur la divergence, répondit qu’il fallait maintenir en ce point les coutumes locales.

En cette fête qui vous est consacrée, ô Apôtre, l’Église implore la grâce d’aimer ce qui fut l’objet de votre foi, de prêcher ce que vous avez enseigné. Non que l’Épouse du Fils de Dieu puisse défaillir jamais dans la croyance ou dans l’amour ; mais elle sait trop que si sa tête sera toujours dans la lumière et son cœur toujours à l’Époux dans l’Esprit qui la sanctifie, ses membres isolés, les Églises particulières qui la composent, peuvent se détacher de leur centre vital et s’égarer dans la nuit. O vous qui choisîtes notre Occident pour le lieu de votre repos, vous dont Rome se glorifie de garder les restes précieux, ramenez à Pierre les nations que vous avez évangélisées ; justifiez les espérances d’universelle union qui se ravivent en nos jours ; aidez les efforts que tente le Vicaire de l’Homme-Dieu pour rassembler sous la houlette du pasteur les troupeaux dissidents dont le schisme a desséché les pâturages. Puisse votre Arménie achever la première un retour commencé par elle dès longtemps : qu’elle croie à l’Église Mère, et ne se livre plus aux semeurs d’embûches. Tous réunis, puissions-nous jouir en commun des trésors de nos traditions concordantes, aller à Dieu, au prix de tous les dépouillements, par le procédé à la fois si vaste et si simple que nous enseignent votre sublime théologie et vos exemples.

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Saint Philippe Béniti confesseur

23 Août 2021 , Rédigé par Ludovicus

Saint Philippe Béniti confesseur

Collecte

Dieu, vous nous avez donné un excellent modèle d’humilité en la personne de votre Confesseur, le bienheureux Philippe : accordez à vos serviteurs de mépriser, à son exemple, les biens de ce monde et de chercher toujours les biens du ciel.

Office

Au deuxième nocturne.

Quatrième leçon. Philippe, né à Florence de l’illustre famille des Beniti, donna dès son berceau des marques de sa future sainteté. A peine était-il âgé de cinq mois, que sa langue se délia miraculeusement pour engager sa mère à faire l’aumône aux Frères Servites. Encore adolescent, étant à Paris pour étudier les belles lettres, il joignit à cette étude une ardente piété et alluma le désir du ciel en plusieurs de ses compagnons. Rentré dans sa patrie, une vision de la sainte Vierge lui fit connaître sa vocation pour l’Ordre des Servites, récemment fondé. Retiré avec eux dans une grotte, du mont Senario, il y passa des jours pleins de douceur, soumettant son corps à de rudes austérités et méditant les souffrances du Seigneur crucifié. Puis il se mit à parcourir l’Europe et une grande partie de l’Asie pour y prêcher l’Évangile ; il établit des couvents des Sept-Douleurs de la Sainte Vierge et propagea son Ordre par le rare exemple de ses vertus.

Cinquième leçon. Le feu de la divine charité dont il brûlait et son zèle ardent pour l’extension de la foi catholique l’ayant fait élire, malgré ses résistances, général de son Ordre, il envoya un grand nombre de ses frères prêcher l’Évangile en Russie ; lui-même parcourut les principales villes de l’Italie, apaisant les discordes qui s’élevaient de plus en plus parmi les citoyens, et en ramenant aussi plusieurs sous l’obéissance du Pontife romain. Il ne négligea rien de ce qui pouvait contribuer au salut du prochain, et fit passer des hommes très pervers, de la fange des vices à la pénitence et à l’amour de Jésus-Christ. Extrêmement assidu à l’oraison, il parut souvent ravi en extase. La virginité lui était si chère, qu’il s’infligea volontairement les plus rigoureuses mortifications pour la garder intacte jusqu’au dernier soupir.

Sixième leçon. On vit constamment briller en lui une tendre compassion envers les pauvres ; elle parut surtout avec éclat lorsque, dans un faubourg de Sienne, il donna son propre vêtement à un pauvre lépreux à peu près nu ; aussitôt que ce malheureux en fut couvert, il se trouva guéri de sa lèpre. Le bruit de ce miracle s’étant répandu de tous côtés, quelques-uns des Cardinaux réunis à Viterbe pour l’élection du successeur de Clément IV, jetèrent les yeux sur Philippe, dont ils connaissaient du reste la prudence toute céleste. A cette nouvelle, l’homme de Dieu craignant de se voir imposer la charge de pasteur suprême, s’enfuit sur le mont Tuniato, et y demeura caché jusqu’au moment où Grégoire fut proclamé souverain Pontife. En cet endroit se trouve une source d’eau qu’on appelle encore aujourd’hui Fontaine de Saint-Philippe, eau qui doit à ses prières la vertu de guérir les malades. Enfin il quitta très saintement cette vie, à Todi, l’an douze cent quatre-vingt-cinq, en embrassant le crucifix, qu’il appelait son livre. A son tombeau, des aveugles recouvrèrent la vue, des boiteux furent guéris et des morts ressuscitèrent. Devant l’éclat de ces prodiges et de beaucoup d’autres encore, le souverain Pontife Clément X l’inscrivit au nombre des Saints.

Au troisième nocturne. Du Commun.

Homélie de saint Bède le Vénérable, Prêtre. Lib. 4, cap. 54 in Luc. 12

Septième leçon. Notre Seigneur appelle petit le troupeau des élus, soit à cause du très grand nombre des réprouvés, soit plutôt par affection pour l’humilité ; car il veut que son Église, quelque développement qu’elle prenne par le nombre de ses membres, croisse néanmoins en humilité jusqu’à la fin du monde, et parvienne dans l’humilité au royaume promis. C’est pourquoi, encourageant et consolant les labeurs de cette Église à laquelle il commande de chercher uniquement le royaume de Dieu, il promet à cette même Église le royaume que lui donnera le Père dans son infinie bonté.

Huitième leçon. « Vendez ce que vous avez, et donnez l’aumône ». Ne craignez point, dit notre Seigneur, qu’en combattant pour le royaume de Dieu vous veniez à manquer des choses nécessaires à la vie ; vendez même, pour le donner en aumône, ce que vous possédez. On accomplit dignement ce conseil quand, après avoir méprisé une fois pour toutes, ses biens pour le Seigneur, on s’adonne ensuite au travail des mains afin de pouvoir se nourrir soi-même et faire l’aumône. C’est de quoi l’Apôtre se glorifie, en disant : « Je n’ai convoité ni l’or, ni l’argent, ni le vêtement de personne, comme vous le savez vous-mêmes ; parce que, à l’égard des choses dont moi et ceux qui sont avec moi avions besoin, ces mains y ont pourvu. Je vous ai montré en tout, que c’est en travaillant ainsi qu’il faut soutenir les faibles ».

Neuvième leçon. « Faites-vous des bourses que le temps n’use point », c’est-à-dire en répandant des aumônes, car leur récompense demeurera éternellement. Il ne faut pas interpréter ce précepte en ce sens qu’il soit défendu aux saints de conserver quelque argent pour subvenir à leurs propres besoins ou à ceux des pauvres, puisque l’Évangile nous apprend que notre Seigneur lui-même, bien qu’ayant les Anges à son service, n’a pas dédaigné, pour instruire son Église naissante, d’avoir une bourse ; qu’il conservait les offrandes des fidèles, et qu’il en usait pour subvenir aux nécessités des siens ou d’autres indigents ; mais ce n’est pas à cause de ces biens qu’il faut s’attacher au service de Dieu ; ce n’est pas la crainte de la pauvreté qui doit faire jamais abandonner la justice.

Notre-Dame règne maintenant dans les cieux. Son triomphe sur la mort a été sans labeur ; comme Jésus pourtant, c’est par la souffrance qu’elle a mérité d’entrer dans sa gloire. Nous n’arriverons pas autrement que le Fils et la Mère au bonheur sans fin. Ayons souvenir des joies si douces goûtées durant ces huit jours ; mais n’oublions pas que le chemin n’est point achevé pour nous encore. Que restez-vous à regarder le ciel ? disaient aux disciples les Anges de l’Ascension, de la part du Seigneur monté dans la nue ; car les disciples, devant qui s’étaient révélés un instant les horizons de la patrie, ne se résignaient pas à reporter leurs yeux vers la vallée des larmes. Comme le Seigneur, Marie, aujourd’hui, nous envoie son message des hauteurs radieuses où nous la suivrons, mais plus tard, où nous l’entourerons, mais après avoir dans les peines de l’exil mérité de former sa cour ; sans distraire d’elle notre âme, l’apôtre de ses douleurs, Philippe Benizi, nous rappelle au vrai sentiment de notre situation d’étrangers et de pèlerins sur la terre.

Luttes au dehors, au dedans craintes : pour une large part, ce fut la vie de Philippe, comme l’histoire de sa patrie, Florence, l’histoire de l’Italie et du monde au XIIIe siècle. Né à l’heure où une admirable efflorescence de sainteté conspirait à faire de la cité des fleurs un paradis nouveau, il trouvait au même temps sa ville natale en butte aux factions sanglantes, aux assauts de l’hérésie, à tout l’excès des misères qui montrent que Jérusalem et Babylone se pénètrent partout ici-bas. Nulle part l’enfer n’est si près, que là où le ciel se manifeste avec une intensité plus grande ; par l’assistance de Marie, on le vit bien dans ce siècle où se rencontrèrent en voisinage plus immédiat que jamais la tête du serpent et le talon de la femme. L’ancien ennemi, multipliant les sectes, avait ébranlé la foi au centre même des provinces enserrant la Ville éternelle. Tandis qu’en Orient l’Islam refoulait les derniers croisés, en Occident la papauté se débattait contre l’empire, devenu comme un fief de Satan aux mains de Frédéric II. Partout, dans la chrétienté dont l’unité sociale apparaissait dissoute, se révélait, à l’affaiblissement des croyances, au refroidissement de l’amour, le progrès du poison dont l’humanité doit mourir.

Mais le prince du mal allait connaître la vertu des réactifs que le ciel tenait en réserve pour soutenir la sénilité du monde. C’est alors que Notre-Dame présente à son Fils irrité Dominique et François, pour réduire, par l’accord de la science et de tous les renoncements, les ignorances et les cupidités de la terre : alors aussi que Philippe Benizi, le Servite de la Mère de Dieu, reçoit d’elle la mission de prêcher par l’Italie, la France et la Germanie, les indicibles souffrances qui firent d’elle la corédemptrice du genre humain.

Déjà les fêtes des Sept saints fondateurs et de Julienne Falconiéri nous ont dit les origines, le but du pieux Ordre des Servites, la part prépondérante qu’eurent dans sa propagation les travaux, les épreuves, la foi du Saint de ce jour.

Approche, Philippe, et monte sur ce char. Vous l’entendîtes, cette parole, dans les jours où le monde souriait à votre jeunesse et vous offrait sa renommée ou ses plaisirs ; c’était l’invitation que vous faisait Marie, alors qu’assise sur le char d’or figurant la vie religieuse à laquelle vous étiez convié, elle était vers vous descendue : un manteau de deuil enveloppait de ses plis la souveraine des cieux ; une colombe voltigeait autour de sa tête ; un lion et une brebis traînaient son char, entre des précipices d’où montaient les sifflements de l’abîme. C’était l’avenir qui se dévoilait : vous deviez parcourir la terre en la compagnie de la Mère des douleurs, et ce monde que déjà l’enfer avait miné de toutes parts n’aurait pour vous nul péril ; car la douceur et la force y seraient vos guides, la simplicité votre inspiratrice. Heureux les doux, car ils posséderont la terre !

Mais c’est contre le ciel surtout que devait vous servir l’aimable vertu qui a cette promesse d’empire ; contre le ciel qui lutte lui-même avec les forts, et vous réservait l’épreuve du suprême abandon devant lequel avait tremblé l’Homme-Dieu : après des années de prières, de travaux, d’héroïque dévouement, pour récompense vous connûtes le rejet apparent du Seigneur, le désaveu de son Église, l’imminence d’une ruine menaçant par delà votre tête tous ceux que Marie vous avait confiés. Contre l’existence de vos fils les Servîtes, nonobstant les paroles de la Mère de Dieu, ne se dressait rien moins que l’autorité de deux conciles généraux, dont le Vicaire du Christ avait arrêté de laisser les résolutions suivre leur cours. Notre-Dame vous donnait de puiser au calice de ses souffrances. Vous ne vîtes point le triomphe d’une cause qui était la sienne autant que la vôtre ; mais comme les patriarches saluant de loin l’accomplissement des promesses, la mort ne put ébranler votre confiance sereine et soumise : vous laissiez à votre fille Julienne Falconieri le soin d’obtenir, par ses prières devant la face du Seigneur, ce que n’avaient pu gagner vos démarches auprès des puissants.

La puissance suprême ici-bas, un jour l’Esprit-Saint parut la mettre à vos pieds : comme le demande l’Église au souvenir de l’humilité qui vous fit redouter la tiare, obtenez-nous de mépriser les faveurs du temps pour ne rechercher que le ciel. Les fidèles cependant n’ont point oublié que vous fûtes le médecin des corps, avant d’être celui des âmes ; leur confiance est grande dans l’eau et les pains que vos fils bénissent en cette fête, et qui rappellent les faveurs miraculeuses dont fut illustrée la vie de leur père : ayez égard toujours à la foi des peuples ; répondez au culte spécial dont les médecins chrétiens vous honorent. Aujourd’hui enfin que le char mystérieux de la première heure est devenu le char de triomphe où Notre-Dame vous associe à la félicité de son entrée dans les cieux, apprenez-nous à compatir comme vous de telle sorte à ses douleurs, que nous méritions d’être avec vous dans l’éternité participants de sa gloire.

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XIIIème Dimanche après la Pentecôte

22 Août 2021 , Rédigé par Ludovicus

XIIIème Dimanche après la Pentecôte

Introït

Ayez égard à votre alliance, Seigneur, n’abandonnez pas à la fin les âmes de vos pauvres. Levez- vous, Seigneur et jugez votre cause, et n’oubliez pas les appels de ceux qui vous cherchent. Pourquoi, ô Dieu, nous avez-vous rejetés finalement ? Pourquoi votre colère s’est-elle allumée contre les brebis de vos pâturages ?

Collecte

Dieu tout-puissant et éternel, augmentez en nous la foi, l’espérance et la charité ; et pour que nous méritions d’obtenir ce que vous promettez, faites-nous aimer ce que vous commandez.

Épitre Ga. 3, 16-22

Mes frères, les promesses ont été faites à Abraham, et à sa postérité. Il ne dit pas : Et à ses postérités, comme s’il s’agissait de plusieurs ; mais il dit : comme parlant d’un seul : Et à ta postérité, qui est le Christ. Voici ce que je veux dire : Dieu ayant conclu une alliance en bonne forme, la loi, qui a été donnée quatre cent trente ans après, n’a pu la rendre nulle, ni abroger la promesse. Car si c’est par la loi qu’est donné l’héritage, ce n’est donc plus par la promesse. Or, Dieu l’a donné à Abraham par une promesse. Pourquoi donc la loi ? Elle a été établie à cause des transgressions, jusqu’à ce que vînt la postérité à qui la promesse avait été faite ; cette loi a été promulguée par les anges et par l’entremise d’un médiateur. Or un médiateur n’est pas le médiateur d’un seul ; et Dieu est un seul. La loi est-elle donc opposée aux promesses de Dieu ? Loin de là ! Car s’il avait été donné une loi qui pût produire la vie, la justice viendrait véritablement de la loi. Mais l’Écriture a tout renfermé sous le péché, afin que la promesse fût réalisée, pour les croyants par la foi en Jésus-Christ.

Évangile Lc. 17, 11-19

En ce temps-là, en se rendant à Jérusalem, Jésus côtoyait la frontière de la Samarie et de la Galilée. Et comme il entrait dans un village, dix lépreux vinrent au-devant de lui ; et, se tenant éloignés, ils élevèrent la voix, en disant : Jésus, maître, ayez pitié de nous. Lorsqu’il les eut vus, il dit : Allez, montrez-vous aux prêtres. Et comme ils y allaient, ils furent guéris. Or l’un d’eux, voyant qu’il était guéri revint, glorifiant Dieu à haute voix. Et il se jeta le visage contre terre aux pieds de Jésus, lui rendant grâces ; et celui-là était Samaritain. Alors Jésus, prenant la parole, dit : Est-ce que les dix n’ont pas été guéris ? Où sont donc les neuf autres ? Il ne s’en est pas trouvé qui soit revenu, et qui ait rendu gloire à Dieu, sinon cet étranger. Et il lui dit : Lève-toi, va ; ta foi t’a sauvé.

Offertoire

J’ai espéré en vous, Seigneur, j’ai dit : Vous êtes mon Dieu, mes jours sont entre vos mains.

Postcommunion

Ayant reçu ces célestes sacrements, nous vous supplions, Seigneur, de nous faire progresser pour que le fruit de l’éternelle rédemption augmente en nous.

Office

Au troisième nocturne.
Homélie de saint Augustin, évêque.

Septième leçon. Le Seigneur a purifié dix lépreux et leur a dit : "Allez vous montrer aux prêtres." A ce sujet, on peut se demander pourquoi il les envoya aux prêtres, de telle sorte qu’en cours de route, ils soient purifiés. Hormis les lépreux, nul de ceux qu’il a gratifiés de bienfaits corporels ne se trouve jamais envoyé aux prêtres. C’était aussi de la lèpre qu’il avait purifié celui auquel il a dit : "Va, montre-toi aux prêtres et offre pour toi le sacrifice prescrit par Moïse pour leur servir d’attestation." Il faut donc rechercher la signification de cette lèpre. Ceux qui en sont délivrés ne sont pas dits guéris mais purifiés. La lèpre est à proprement parler une corruption de la couleur plutôt que de la santé ou de l’intégrité des sens et des membres.

Huitième leçon. On peut donc, sans absurdité, penser que les lépreux représentent ceux qui, sans avoir la science de la vraie foi, professent en conséquence les doctrines variées de l’erreur. Loin de cacher leur ignorance, ils la produisent au grand jour comme la science suprême et dans des discours pleins de jactance, ils en font étalage. Or, il n’est si fausse doctrine qui ne soit mêlée de quelque vérité. Dans une seule et même discussion ou récit d’un homme, les vérités s’entremêlent sans ordre aux erreurs comme si elles apparaissaient dans la coloration d’un seul corps. Ainsi en va-t-il de la lèpre, elle altère et flétrit les corps humains, mêlant aux teintes vraies des fausses couleurs.

Neuvième leçon. Que l’Église se garde donc de tels hommes ! Ainsi, s’il se peut, se voyant maintenus à distance ils interpelleront le Christ en une grande clameur, comme ces dix qui s’arrêtèrent à distance puis, élevant la voix, dirent : " Jésus, maître, aie pitié de nous. " Ils l’appellent : " Maître. " Et de ce nom, personne, que je sache, n’a jamais interpellé le Seigneur pour lui demander un remède corporel. C’est assez montrer, je crois, que la fausse doctrine est signifiée par la lèpre dont le bon maître lave la souillure.

 

Dom Guéranger, l’Année Liturgique

ÉPÎTRE.

« Regarde le ciel et comptes-en, si tu peux, les étoiles : aussi nombreuse sera ta descendance. » Abraham avait près de cent ans, et la stérilité de Sara lui enlevait tout espoir naturel de postérité, quand le Seigneur lui parla de la sorte. Abraham cependant crut à Dieu, nous dit l’Écriture, et sa foi lui fut imputée à justice. Et quand, plus tard, la même foi lui eut fait offrir sur la montagne le fils de la promesse, son unique espérance, Dieu renouvela sa prophétie, et il ajouta : En ton germe seront bénies toutes les nations de la terre.

Or voici qu’à cette heure la promesse s’accomplit ; l’événement donne raison à la foi d’Abraham. Il crut contre toute espérance, se confiant au Dieu qui donne la vie aux morts et appelle ce qui est comme ce qui n’est pas ; et voici que, selon la parole de Jean-Baptiste, des pierres mêmes de la gentilité surgissent en tous lieux des fils d’Abraham.

Sa foi, en même temps si ferme et si simple, rendit à Dieu la gloire qu’il attend de la créature. L’homme ne peut rien ajouter aux perfections divines ; mais, sur la parole du Seigneur lui-même, quoique ne les voyant point directement ici-bas, il reconnaît ces perfections dans l’adoration et l’amour, il inspire de la foi sa vie entière ; et cet usage qu’il fait librement de ses facultés, cette adhésion spontanée d’un être intelligent, magnifie Dieu par l’extension de sa gloire extérieure.

Sur les traces d’Abraham sont donc venues des multitudes nées pour le ciel de la foi dont il donna le spectacle au monde, vivant d’elle seule, rendant au Seigneur, dans tous leurs actes, l’hommage de la confession et de la louange par Jésus-Christ son Fils, et comme Abraham, recevant en retour la bénédiction d’une justice toujours croissante. Le splendide épanouissement de la sainte Église, qui suscite au père des croyants cette nouvelle descendance, s’est encore accentué depuis la chute d’Israël. Dans les contrées les plus reculées, au sein des villes jadis païennes, voyons ces foules nombreuses d’hommes, de femmes et d’enfants quittant comme Abraham[Gn. XII, 1.[]], à la voix du ciel, sinon leur pays, du moins tout ce qui les rattachait à la terre ; confiants comme lui dans la fidélité de Dieu et sa puissance, ils se sont faits étrangers au milieu de leurs proches et dans leurs maisons mêmes, usant de ce monde comme n’en usant pas. Dans le tumulte des cités comme au désert, au milieu des vains plaisirs de ce monde dont la figure passe, ils n’ont d’autre pensée que celle des réalités invisibles, d’autre souci que de plaire au Seigneur. Ils prennent pour eux la parole qui fut dite à leur père : Marche en ma présence, et sois parfait. C’était bien, en effet, à eux tous qu’elle s’adressait dès lors ; c’était la clause de l’alliance conclue par Dieu pour la suite des âges avec ces hommes fidèles, dans la personne du patriarche leur modèle et leur souche ; et Dieu répond de même à leur foi en d’intimes manifestations, ou par la voix plus sûre encore des Écritures, disant : Ne crains pas, je suis moi-même ta récompense immense !

Véritablement donc la bénédiction d’Abraham s’est répandue sur les nations. Jésus-Christ, vrai fils de la promesse, germe unique du salut, a par la foi dans sa résurrection rassemblé de toute race les hommes de bonne volonté, les faisant un en lui, les rendant comme lui fils d’Abraham et, qui mieux est, fils de Dieu. Car la bénédiction promise au début de l’alliance, c’était l’Esprit-Saint lui-même, l’Esprit d’adoption des enfants descendu dans nos cœurs pour faire de tous les héritiers de Dieu et les cohéritiers du Christ. Puissance merveilleuse de la foi qui brise les anciennes barrières de séparation, unit les peuples, et substitue l’amour et la liberté sainte des fils du Très-Haut à la loi d’esclavage et de défiance !

Pourtant ce spectacle grandiose des nations incorporées à la race élue, et devenant participantes en Jésus-Christ des promesses sacrées, n’agrée pas à tous. Le Juif charnel qui se vante d’avoir Abraham pour père sans se soucier d’imiter ses œuvres, le circoncis qui se glorifie de porter en sa chair les marques d’une foi qui n’est pas dans son cœur, ces hommes qui ont renié le Christ renient maintenant ses membres et voudraient repousser ou tronquer son Église. C’est avec rage qu’ils voient de tous les points de l’horizon ce concours immense que leur jalousie mesquine n’a pu arrêter. Tandis que leur orgueil froissé se tenait à l’écart, les peuples s’asseyaient en foule avec Abraham, Isaac, Jacob et tous les prophètes, au banquet du royaume de Dieu ; les derniers devenaient les premiers. Jusqu’à la fin des temps, Israël, déchu par son obstination de son antique gloire, restera l’ennemi de cette postérité spirituelle d’Abraham qui l’a supplanté ; mais ses persécutions contre les fils de la promesse et l’Épouse légitime n’aboutiront qu’à faire voir en lui, comme dit saint Paul, le fils d’Agar, le fils de l’esclave exclue avec son fruit de l’héritage et du royaume.

Libre à lui de repousser l’affranchissement que lui offrait le Seigneur, plutôt que de reconnaître l’abrogation définitive de sa loi périmée. Sa haine n’amènera point les fils de l’Église, figurée par Sara la femme libre, à rejeter la grâce de leur Dieu pour lui complaire, à délaisser la justice de la foi, les richesses de l’Esprit, la vie dans le Christ, pour retourner au joug de servitude brisé à jamais, quoi qu’en ait le Juif, par la croix qu’il dressa au Calvaire. Jusqu’à la fin la vraie Jérusalem, la cité libre notre mère, l’Épouse jadis stérile, maintenant si féconde, opposera aux prétentions surannées et cependant toujours vivaces de la synagogue, la lecture publique de l’Épître qu’on vient d’entendre. Jusqu’à la fin, Paul, en son nom, traitant de la loi du Sinaï signifiée aux hommes qu’elle concernait par l’intermédiaire de Moïse et des anges, fera ressortir son infériorité relativement à l’alliance conclue par Abraham directement avec Dieu ; chaque année, aussi fortement qu’au premier jour, il redira le caractère transitoire de cette législation venue quatre cent trente ans après une promesse qui ne pouvait changer, pour durer seulement jusqu’au jour où paraîtrait ce fils d’Abraham de qui le monde attendait la bénédiction promise.

Mais que dire de l’impuissance du ministère mosaïque à fortifier l’homme, à le relever de sa chute ? L’Évangile que nous méditions il y a huit jours donnait de l’inutilité de l’ancienne loi sous ce rapport un symbolique et frappant commentaire, en même temps qu’il affirmait la puissance de guérison résidant dans le Christ et transmise par lui aux ministres de la loi nouvelle. Or, n’oublions pas que cet Évangile était autrefois l’Évangile du jour même où nous sommes. « Tout dans l’Office du treizième Dimanche, dit justement l’Abbé Rupert, se rapporte à l’histoire de ce Samaritain dont le nom signifie le gardien divin, notre Seigneur Jésus-Christ, venant par son incarnation au secours de l’homme que l’ancienne loi n’a pu sauver, et le remettant, quand il quitte la terre, aux soins des Apôtres et des hommes apostoliques dans l’hôtellerie de l’Église. La proximité voulue de cet Évangile jette une grande lumière sur notre Épître, ainsi que sur toute la Lettre aux Galates d’où elle est tirée. Le prêtre et le lévite de la parabole, en effet, c’est toute la loi représentée ; et leur passage auprès de l’homme à demi-mort qu’ils voient, sans chercher à le guérir, marque ce qu’a fait la loi. Elle n’allait point à l’encontre des promesses de Dieu, mais par elle-même ne pouvait justifier personne. Quelquefois le médecin qui ne doit pas venir encore envoie au malade un serviteur expert dans la connaissance des causes de maladie, mais inhabile à composer le remède contraire, et pouvant seulement indiquer à l’infirme les aliments, les breuvages dont il doit s’abstenir de crainte que son mal, en s’aggravant, n’amène la mort. Telle fut la loi, établie, nous dit l’Épître, à cause des transgressions, comme simple surveillante, jusqu’à l’arrivée du bon Samaritain, du médecin céleste. L’homme, en effet, tombé dès son entrée dans la vie entre les mains des voleurs, naît dépouillé de ses biens surnaturels et couvert des plaies que lui a faites le péché d’origine ; s’il ne s’abstient des péchés actuels, de ces transgressions pour l’indication desquelles la loi a été établie, il court risque de mourir tout à fait sans retour. »

ÉVANGILE.

Le lépreux Samaritain, guéri de sa hideuse maladie, figure du péché, en compagnie de neuf lépreux de nationalité juive, représente la race décriée des gentils admise d’abord comme à la dérobée, et par surcroît, en communication des grâces destinées aux brebis perdues de la maison d’Israël. La conduite différente que tiennent ces dix hommes, à l’occasion du miracle qui les concerne, répond elle-même à l’attitude des deux peuples dont ils sont l’image, en présence du salut apporté au monde par le Fils de Dieu. Elle démontre une fois de plus le principe posé par l’Apôtre : « Tous ceux-là ne sont pas Israélites qui sont nés d’Israël, tous ceux-là ne sont pas fils d’Abraham qui sont sortis de lui ; mais en Isaac, dit l’Écriture, est établie la race qui portera son nom : c’est-à-dire, ce ne sont pas les enfants nés de la chair qui sont les fils de Dieu, mais bien les fils de la promesse, nés de la foi d’Abraham et formant sa vraie race devant le Seigneur. »

La sainte Église ne se lasse point de revenir sur cette comparaison des deux Testaments et le contraste offert par les deux peuples. C’est pourquoi, avant d’aller plus loin, nous sentons la nécessité de répondre à l’étonnement qu’une telle insistance ne peut manquer d’exciter en certaines âmes déshabituées de la sainte Liturgie. Le genre de spiritualité qui remplace aujourd’hui chez plusieurs l’ancienne vie liturgique de nos pères, ne les dispose en effet que médiocrement à entrer dans cet ordre d’idées. Accoutumés à ne vivre qu’en face d’eux-mêmes et de la vérité telle qu’ils la conçoivent, mettant la perfection dans l’oubli de tout le reste, il n’est pas surprenant que ces chrétiens ne comprennent aucunement ce retour continuel vers un passé fini, croient-ils, depuis des siècles. Mais la vie intérieure, vraiment digne de ce nom, n’est point ce que ces chrétiens s’imaginent ; aucune école de spiritualité, ni maintenant, ni jamais, ne plaça l’idéal de la vertu dans l’oubli des grands faits de l’histoire qui intéressent à ce point l’Église et Dieu même. Aussi qu’advient-il, trop souvent, de ce délaissement de la Mère commune par ses fils ? C’est que, dans l’isolement voulu de leurs prières privées, ils perdent de vue, par une juste punition, le but suprême de l’oraison qui est l’union et l’amour. La méditation dépouille en eux ce caractère de conversation intime avec Dieu, que lui assignent tous les maîtres de la vie spirituelle ; elle n’est bientôt plus qu’un exercice stérile d’analyse et de raisonnement, où l’abstraction domine en souveraine.

Quand Dieu, cependant, voulut manifester son Verbe, en appelant l’homme aux noces divines, il ne recourut point à l’abstraction pour traduire à la terre ce fils de sa substance éternelle que l’homme ne pouvait voir encore directement dans sa divinité. Pareille traduction de l’éternelle Sagesse, où résident dans l’amour toute beauté, toute chaleur et toute vie, eût été plus qu’imparfaite et que froide. Aussi Dieu, selon l’expression de saint Paul, jeta dans la chair ce grand mystère de la piété ; le Verbe fut fait âme vivante ; l’éternelle Vérité prit un corps pour converser avec les hommes et grandit comme l’un d’eux. Et quand ce corps que la Vérité doit garder à jamais fut enlevé dans la gloire, l’Église, Épouse de l’Homme-Dieu, os de ses os, chair de sa chair, continua dans le monde cette manifestation de Dieu par les membres du Christ, ce développement  historique du Verbe, qui ne s’arrêtera qu’au dernier jour, qui surpasse tout raisonnement, et révèle aux anges mêmes sous des aspects nouveaux la Sagesse de Dieu. Assurément un respect profond est dû aux axiomes où l’homme renferme dans un ordre logique, indépendant de l’histoire et des faits, les principes de la science ; mais pas plus en Dieu qu’en l’homme même, la vie ne répond à cette immobilité de raison qui ne ressemble en rien, qu’on se garde de le croire, à l’immutabilité toujours féconde, essentiellement active, de la Vérité substantielle. Or donc, dans l’Église comme en Dieu, la vérité est vie et lumière. S’il ne fallait y voir qu’une suite de formules, les accents de son Credo n’éclateraient pas aussi triomphants sous les voûtes de ses temples. S’il force victorieusement les portes du ciel, c’est que tous ses articles ont jusqu’à nous leur sublime histoire : c’est que chaque mot qui le compose se présente au Dieu très haut ruisselant du sang des martyrs ; que de siècle en siècle il rayonne toujours plus de l’éclat des travaux et des luttes glorieuses de tant de saints confesseurs, qui sont l’élite de l’humanité baptisée chargée de compléter le Christ ici-bas.

Il nous faut abréger ces considérations. Disons donc de suite qu’après ce grand fait de l’incarnation du Verbe venu en terre pour manifester Dieu dans la suite des âges par le Christ et ses membres, il n’en est point de plus important, il n’en est point qui ait tenu, qui tienne encore davantage au cœur de Dieu, que l’élection des deux peuples appelés par lui successivement au bénéfice de son alliance. Les dons et la vocation de Dieu sont sans repentir, nous dit l’Apôtre ; ces Juifs, ennemis aujourd’hui parce qu’ils repoussent l’Évangile, n’en sont pas moins toujours aimés et très aimés, carissimi, à cause de leurs pères. C’est pourquoi aussi un temps viendra, attendu par le monde, où le reniement de Juda étant rétracté, ses iniquités effacées, les promesses reçues par Abraham, Isaac et Jacob auront leur accomplissement littéral. Alors apparaîtra la divine unité des deux Testaments ; les deux peuples eux-mêmes n’en feront plus qu’un sous le Christ leur chef. L’alliance de Dieu avec l’homme étant dès lors pleinement consommée telle qu’il l’avait voulue dans ses desseins éternels, la terre ayant donné son fruit, le monde ayant atteint son but, les tombes rendront leurs morts et l’histoire cessera ici-bas, pour laisser l’humanité glorifiée s’épanouir dans la plénitude de la vie sous le regard éternel.

Rien donc n’est moins suranné que l’ordre d’idées auquel nous ramène de nouveau l’Évangile du jour ; rien n’est plus grand ; et ajoutons, quoi qu’il en puisse sembler à première vue : rien n’est plus pratique, dans cette partie de l’année consacrée aux mystères de la Vie unitive. Qu’est-ce, en effet, que l’union entre Dieu et l’homme, sinon tout d’abord la communauté des sentiments et des vues ? Or, nous venons de le montrer, les vues divines se trouvent résumées tout entières dans l’histoire comparée des deux Testaments et des deux peuples ; le résultat final qui clora l’histoire de ces rapports est l’unique but que poursuivait et que poursuive l’amour infini, au commencement, maintenant et toujours. L’Église donc, loin de se montrer d’un autre âge en revenant continuellement à ces pensées, ne fait que manifester ainsi l’éternelle jeunesse de son cœur d’Épouse à l’unisson toujours de celui de l’Époux.

Reprenons brièvement l’explication littérale de notre Évangile, interrompue par cette longue digression. Ici encore donc le Seigneur veut plutôt nous instruire symboliquement, que montrer sa puissance. C’est pourquoi il ne rend pas d’un mot la santé aux malheureux qui l’invoquent, comme il le fit dans une autre circonstance pour un cas semblable »Je le veux, sois guéri, » dit-il un jour à un de ces infortunés qui implorait son secours dans les débuts de sa vie publique, et la lèpre avait disparu aussitôt. Les lépreux de notre Évangile, qui se rapporte aux derniers temps du Sauveur, sont délivrés seulement en allant se montrer aux prêtres ; Jésus les y renvoie, comme il l’avait fait pour le premier, donnant à tous, depuis le commencement jusqu’au dernier jour de sa vie mortelle, l’exemple du respect dû jusqu’au bout à l’ancienne loi non encore abrogée. Cette loi en effet donnait au fils d’Aaron le pouvoir, non de guérir, mais de discerner la lèpre et de prononcer sur sa guérison.

Le temps est venu cependant d’une loi plus auguste que celle du Sinaï, d’un sacerdoce dont les jugements n’auront plus pour objet de constater l’état des corps, mais d’enlever effectivement, par le prononcé même de leur sentence d’absolution, la lèpre des âmes. La guérison rencontrée par les dix lépreux avant d’être arrivés aux prêtres qu’ils cherchent, devrait suffire à leur montrer dans l’Homme-Dieu la puissance du sacerdoce nouveau qu’annonçaient les prophètes ; le pouvoir qui surpasse pour eux, en la prévenant ainsi, l’autorité du ministère antique, révèle de soi dans celui qui l’exerce une dignité plus grande. Si, du moins, ils apportaient les dispositions convenables aux rites sacrés qui vont s’accomplir dans la cérémonie de leur purification, l’Esprit-Saint, qui régla autrefois, en vue du moment où ils sont, les prophétiques détails de cette fonction mystérieuse, les aiderait à comprendre la signification du passereau expiatoire dont le sang, versé sur les eaux vives, délivre par le bois l’autre passereau son semblable. Le premier, en effet, c’est le Christ, qui se compare dans le psaume au passereau solitaire ; son immolation sur la croix, qui donne à l’eau la vertu de laver les âmes, communique aux autres passereaux ses frères la pureté du sang divin.

Mais le Juif est loin d’être préparé à l’intelligence de ces grands mystères. La loi pourtant lui fut donnée pour le conduire au Christ comme par la main et sans crainte d’erreur : faveur précieuse qu’il ne méritait point, qu’il devait à ses pères, et d’autant plus inestimable qu’au moment où elle lui fut accordée, la notion du sauveur à venir allait se corrompant toujours plus dans l’esprit des peuples. La reconnaissance eût dû s’imposer à Juda ; l’orgueil prit sa place. L’attache au privilège surmonte en lui le désir du Messie. Il refuse de se faire à la pensée qu’un temps viendra où, le Soleil de justice s’étant levé pour la terre entière, l’avantage fait à quelques-uns durant les heures de nuit s’effacera dans les flots surabondants d’une lumière égale pour tous. Il proclame donc sa loi définitive en dépit d’elle-même, affirmant ainsi l’éternité du règne des figures et des ombres. Il pose en dogme qu’aucune intervention divine n’égalera celle du Sinaï dans l’avenir, que tout prophète futur, tout envoyé de Dieu, ne pourra qu’être inférieur à Moïse, que tout salut possible est dans sa loi et que d’elle seule découle toute grâce.

C’est la raison pour laquelle de ces dix hommes guéris par Jésus de la lèpre, il s’en trouve neuf qui ne songent même pas à venir remercier leur libérateur : ceux-là sont juifs, et Jésus n’est pour eux qu’un disciple de Moïse, un instrument des grâces provenant du Sinaï ; la formalité légale de leur purification accomplie, ils se croient quittes envers le ciel. Seul le Samaritain abandonné, le gentil, disposé par sa longue misère à l’humilité qui rend au pécheur la simplicité du regard de l’âme, reconnaît Dieu à ses œuvres et lui rend grâces pour ses bienfaits. Que de siècles d’abandon apparent, d’humiliation et de souffrance, devront passer sur Juda à son tour, pour qu’enfin, reconnaissant lui-même son Dieu et son Roi dans l’adoration, le repentir et l’amour, il entende comme cet étranger tomber de la bouche du Christ les paroles de pardon : Lève-toi et va, ta foi t’a sauvé !

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Quelques conseils de l'apôtre des Gentils

22 Août 2021 , Rédigé par Ludovicus

Quelques conseils de l'apôtre des Gentils

PAUL, SERVITEUR DE DIEU, apôtre de Jésus Christ au service de la foi de ceux que Dieu a choisis et de la pleine connaissance de la vérité qui est en accord avec la piété.


Nous avons l'espérance de la vie éternelle, promise depuis toujours par Dieu qui ne ment pas.

Aux temps fixés, il a manifesté sa parole dans la proclamation de l'Évangile qui m'a été confiée par ordre de Dieu notre Sauveur.

Je m'adresse à toi, Tite, mon véritable enfant selon la foi qui nous est commune : à toi, la grâce et la paix de la part de Dieu le Père et du Christ Jésus notre Sauveur.

Si je t'ai laissé en Crète, c'est pour que tu finisses de tout organiser et que, dans chaque ville, tu établisses des Anciens comme je te l'ai commandé moi-même.

L'Ancien doit être quelqu'un qui soit sans reproche, époux d'une seule femme, ayant des enfants qui soient croyants et ne soient pas accusés d'inconduite ou indisciplinés.

Il faut en effet que le responsable de communauté soit sans reproche, puisqu'il est l'intendant de Dieu ; il ne doit être ni arrogant, ni coléreux, ni buveur, ni brutal, ni avide de profits malhonnêtes ; mais il doit être accueillant, ami du bien, raisonnable, juste, saint, maître de lui.

Il doit être attaché à la parole digne de foi, celle qui est conforme à la doctrine, pour être capable d'exhorter en donnant un enseignement solide, et aussi de réfuter les opposants.

Car il y a beaucoup de réfractaires, des gens au discours inconsistant, des marchands d'illusion, surtout parmi ceux qui viennent du judaïsme.

Il faut fermer la bouche à ces gens qui, pour faire des profits malhonnêtes, bouleversent des maisons entières, en enseignant ce qu'il ne faut pas.

Car l'un d'entre eux, un de leurs prophètes, l'a bien dit : Crétois toujours menteurs, mauvaises bêtes, gloutons fainéants !

Ce témoignage est vrai. Pour cette raison, réfute-les vigoureusement, afin qu'ils retrouvent la santé de la foi, au lieu de s'attacher à des récits légendaires du judaïsme et à des préceptes de gens qui se détournent de la vérité.

Tout est pur pour les purs ; mais pour ceux qui sont souillés et qui refusent de croire, rien n'est pur : leur intelligence, aussi bien que leur conscience, est souillée.

Ils proclament qu'ils connaissent Dieu, mais, par leurs actes, ils le rejettent, abominables qu'ils sont, révoltés, totalement inaptes à faire le bien.


PAUL, APÔTRE du Christ Jésus par ordre de Dieu notre Sauveur et du Christ Jésus notre espérance, à Timothée, mon véritable enfant dans la foi. À toi, la grâce, la miséricorde et la paix de la part de Dieu le Père et du Christ Jésus notre Seigneur.

Comme je te l'ai recommandé en partant pour la Macédoine, reste à Éphèse pour interdire à certains de donner un enseignement différent

ou de s'attacher à des récits mythologiques et à des généalogies interminables :

cela ne porte qu'à de vaines recherches, plutôt qu'au dessein de Dieu qu'on accueille dans la foi.

 

Le but de cette interdiction, c'est l'amour, la charité, qui vient d'un cœur pur, d'une conscience droite et d'une foi sans détours.


Pour s'être écartés de ce chemin, certains se sont tournés vers des discours inconsistants ; ils veulent passer pour des spécialistes de la Loi, alors qu'ils ne comprennent ni ce qu'ils disent, ni ce dont ils se portent garants.

Or nous savons que la Loi est bonne, à condition d'en faire un usage légitime,

car, on le sait bien, une loi ne vise pas l'homme juste, mais les sans-loi et les insoumis, les impies et les pécheurs, les sacrilèges et les profanateurs, les parricides et matricides, et autres meurtriers, débauchés, sodomites, trafiquants d'êtres humains, menteurs, parjures, et tout ce qui s'oppose à l'enseignement de la saine doctrine.

Voilà ce qui est conforme à l'Évangile qui m'a été confié, celui de la gloire du Dieu bienheureux.

Voici la consigne que je te transmets, Timothée mon enfant, conformément aux paroles prophétiques jadis prononcées sur toi : livre ainsi la bonne bataille, en gardant la foi et une conscience droite ; pour avoir abandonné cette droiture, certains ont connu le naufrage de leur foi.

J'encourage, avant tout, à faire des demandes, des prières, des intercessions et des actions de grâce pour tous les hommes, pour les chefs d'État et tous ceux qui exercent l'autorité,

afin que nous puissions mener notre vie dans la tranquillité et le calme, en toute piété et dignité.

Cette prière est bonne et agréable à Dieu notre Sauveur,

car Il veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la pleine connaissance de la vérité.


En effet, il n'y a qu'un seul Dieu ; il n'y a aussi qu'un seul médiateur entre Dieu et les hommes : un homme, le Christ Jésus, qui s'est donné lui-même en rançon pour tous.

Aux temps fixés, il a rendu ce témoignage, pour lequel j'ai reçu la charge de messager et d'apôtre – je dis vrai, je ne mens pas – moi qui enseigne aux nations la foi et la vérité.

 .Mais au cas où je tarderais, je veux que tu saches comment il faut se comporter dans la maison de Dieu, c'est-à-dire la communauté, l'Église du Dieu vivant, elle qui est le pilier et le soutien de la vérité.

Assurément, il est grand, le mystère de notre religion : c'est le Christ, manifesté dans la chair, justifié dans l'Esprit, apparu aux anges, proclamé dans les nations, cru dans le monde, enlevé dans la gloire !

L'Esprit dit clairement qu'aux derniers temps certains abandonneront la foi, pour s'attacher à des esprits trompeurs, à des doctrines démoniaques ; ils seront égarés par le double jeu des menteurs dont la conscience est marquée au fer rouge ; ces derniers empêchent les gens de se marier, ils disent de s'abstenir d'aliments, créés pourtant par Dieu pour être consommés dans l'action de grâce par ceux qui sont croyants et connaissent pleinement la vérité.

Or tout ce que Dieu a créé est bon, et rien n'est à rejeter si on le prend dans l'action de grâce,

car alors, cela est sanctifié par la parole de Dieu et la prière.


En exposant ces choses aux frères, tu seras un bon serviteur du Christ Jésus, nourri des paroles de la foi et de la bonne doctrine que tu as toujours suivie.

Quant aux récits mythologiques, ces racontars de vieilles femmes, écarte-les.

Exerce-toi, au contraire, à la piété.

En effet, l'exercice physique n'a qu'une utilité partielle, mais la religion concerne tout, car elle est promesse de vie, de vie présente et de vie future.

Voilà une parole digne de foi, et qui mérite d'être accueillie sans réserve : si nous nous donnons de la peine et si nous combattons, c'est parce que nous avons mis notre espérance dans le Dieu vivant, qui est le Sauveur de tous les hommes et, au plus haut point, des croyants.

Voilà ce que tu dois prescrire et enseigner.


Que personne n'ait lieu de te mépriser parce que tu es jeune ; au contraire, sois pour les croyants un modèle par ta parole et ta conduite, par ta charité, ta foi et ta pureté.

En attendant que je vienne, applique-toi à lire l'Écriture aux fidèles, à les encourager et à les instruire.

Ne néglige pas le don de la grâce en toi, qui t'a été donné au moyen d'une parole prophétique, quand le collège des Anciens a imposé les mains sur toi.

Prends à cœur tout cela, applique-toi, afin que tous voient tes progrès.

Veille sur toi-même et sur ton enseignement. Maintiens-toi dans ces dispositions. En agissant ainsi, tu obtiendras le salut, et pour toi-même et pour ceux qui t'écoutent.


Mais toi, homme de Dieu, fuis tout cela ; recherche la justice, la piété, la foi, la charité, la persévérance et la douceur.

Mène le bon combat, celui de la foi, empare-toi de la vie éternelle ! C'est à elle que tu as été appelé, c'est pour elle que tu as prononcé ta belle profession de foi devant de nombreux témoins.


Et maintenant, en présence de Dieu qui donne vie à tous les êtres, et en présence du Christ Jésus qui a témoigné devant Ponce Pilate par une belle affirmation, voici ce que je t'ordonne : garde le commandement du Seigneur, en demeurant sans tache, irréprochable jusqu'à la Manifestation de notre Seigneur Jésus Christ.


Celui qui le fera paraître aux temps fixés, c'est Dieu, Souverain unique et bienheureux, Roi des rois et Seigneur des seigneurs ; Lui seul possède l'immortalité, habite une lumière inaccessible ; aucun homme ne l'a jamais vu, et nul ne peut le voir. À lui, honneur et puissance éternelle. Amen.


Voilà pourquoi, je te le rappelle, ravive le don gratuit de Dieu, ce don qui est en toi depuis que je t'ai imposé les mains.

Car ce n'est pas un esprit de peur que Dieu nous a donné, mais un esprit de force, d'amour et de pondération.

N'aie donc pas honte de rendre témoignage à notre Seigneur, et n'aie pas honte de moi, qui suis son prisonnier ; mais, avec la force de Dieu, prends ta part des souffrances liées à l'annonce de l'Évangile.

Car Dieu nous a sauvés, il nous a appelés à une vocation sainte, non pas à cause de nos propres actes, mais à cause de son projet à lui et de sa grâce.

Cette grâce nous avait été donnée dans le Christ Jésus avant tous les siècles, et maintenant elle est devenue visible, car notre Sauveur, le Christ Jésus, s'est manifesté : il a détruit la mort, et il a fait resplendir la vie et l'immortalité par l'annonce de l'Évangile, pour lequel j'ai reçu la charge de messager, d'apôtre et d'enseignant.

Et c'est pour cette raison que je souffre ainsi ; mais je n'en ai pas honte, car je sais en qui j'ai cru, et j'ai la conviction qu'il est assez puissant pour sauvegarder, jusqu'au jour de sa venue, le dépôt de la foi qu'il m'a confié.

Tiens-toi au modèle donné par les paroles solides que tu m'as entendu prononcer dans la foi et dans l'amour qui est dans le Christ Jésus.

Garde le dépôt de la foi dans toute sa beauté, avec l'aide de l'Esprit Saint qui habite en nous.

Toi donc, mon enfant, trouve ta force dans la grâce qui est en Jésus Christ.

Ce que tu m'as entendu dire en présence de nombreux témoins, confie-le à des hommes dignes de foi qui seront capables de l'enseigner aux autres, à leur tour.

Prends ta part de souffrance comme un bon soldat du Christ Jésus.

Celui qui est dans l'armée ne s'embarrasse pas des affaires de la vie ordinaire, il cherche à satisfaire celui qui l'a enrôlé.

De même, dans une compétition sportive, on ne reçoit la couronne de laurier que si l'on a observé les règles de la compétition. Le cultivateur qui se donne de la peine doit être le premier à recevoir une part de la récolte.

Réfléchis à ce que je dis, car le Seigneur te donnera de tout comprendre.


Souviens-toi de Jésus Christ, ressuscité d'entre les morts, le descendant de David : voilà mon évangile.

 

C'est pour lui que j'endure la souffrance, jusqu'à être enchaîné comme un malfaiteur. Mais on n'enchaîne pas la parole de Dieu !

 

C'est pourquoi je supporte tout pour ceux que Dieu a choisis, afin qu'ils obtiennent, eux aussi, le salut qui est dans le Christ Jésus, avec la gloire éternelle.

 

Voici une parole digne de foi : Si nous sommes morts avec lui, avec lui nous vivrons.

Si nous supportons l'épreuve, avec lui nous régnerons.

Si nous le rejetons, lui aussi nous rejettera.

Si nous manquons de foi, Lui reste fidèle à sa parole, car Il ne peut se rejeter lui-même.


Voilà ce que tu dois rappeler, en déclarant solennellement devant Dieu qu'il faut bannir les querelles de mots : elles ne servent à rien, sinon à perturber ceux qui les écoutent.

Toi-même, efforce-toi de te présenter devant Dieu comme quelqu'un qui a fait ses preuves, un ouvrier qui n'a pas à rougir de ce qu'il a fait et qui trace tout droit le chemin de la parole de vérité.


Quant aux bavardages impies, évite-les ; leurs auteurs progressent sans cesse en impiété et leur parole se propage comme la gangrène. Tels sont Hyménaios et Philètos, qui se sont écartés de la vérité en prétendant que la résurrection est déjà arrivée, et ils bouleversent la foi de quelques-uns.

Cependant le fondement solide posé par Dieu tient bon ; il est marqué du sceau de ces paroles : Le Seigneur connaît les siens, et aussi : Qu'il se détourne de l'iniquité, celui qui prononce le nom du Seigneur.


Dans une grande maison, il n'y a pas seulement des instruments d'or et d'argent, mais il y en a aussi en bois et en terre cuite, les premiers pour ce qui est honorable, et les autres pour ce qui ne l'est pas.

Si donc quelqu'un se purifie des travers dont j'ai parlé, il sera un instrument pour ce qui est honorable, sanctifié, utile au Maître, prêt à faire tout ce qui est bien.

Fuis les passions de la jeunesse. Cherche à vivre dans la justice, la foi, la charité et la paix, avec ceux qui invoquent le Seigneur d'un cœur pur.

Évite les discussions folles et simplistes : tu sais qu'elles provoquent des querelles.
Or un serviteur du Seigneur ne doit pas être querelleur ; il doit être attentionné envers tous, capable d'enseigner et de supporter la malveillance ;
il doit reprendre avec douceur les opposants, car Dieu leur donnera peut-être de se convertir, de connaître pleinement la vérité : ils retrouveront alors leur bon sens et se dégageront des pièges du diable qui les retient captifs, soumis à sa volonté.

 

 Sache-le bien : dans les derniers jours surviendront des moments difficiles.

En effet, les gens seront égoïstes, cupides, fanfarons, orgueilleux, blasphémateurs, révoltés contre leurs parents, ingrats, sacrilèges, sans cœur, implacables, médisants, incapables de se maîtriser, intraitables, ennemis du bien, traîtres, emportés, aveuglés par l'orgueil, amis du plaisir plutôt que de Dieu ; ils auront des apparences de piété, mais rejetteront ce qui fait sa force.

Détourne-toi aussi de ces gens-là !

Parmi eux, il y en a qui s'introduisent dans les maisons et captivent des bonnes femmes chargées de péchés, entraînées par toutes sortes de convoitises, toujours en train d'apprendre et jamais capables de parvenir à la pleine connaissance de la vérité.

Mais toi, tu m'as suivi pas à pas dans l'enseignement, la manière de diriger et les projets, dans la foi, la patience, la charité et la persévérance, dans les persécutions et les souffrances, celles qui me sont arrivées à Antioche, à Iconium et à Lystres, toutes les persécutions que j'ai subies. Et de tout cela le Seigneur m'a délivré.


D'ailleurs, tous ceux qui veulent vivre en hommes religieux dans le Christ Jésus subiront la persécution.

Quant aux hommes mauvais et aux charlatans, ils iront toujours plus loin dans le mal, ils seront à la fois trompeurs et trompés.


Mais toi, demeure ferme dans ce que tu as appris : de cela tu as acquis la certitude, sachant bien de qui tu l'as appris.


Depuis ton plus jeune âge, tu connais les Saintes Écritures : elles ont le pouvoir de te communiquer la sagesse, en vue du salut par la foi que nous avons en Jésus Christ.

Toute l'Écriture est inspirée par Dieu ; elle est utile pour enseigner, dénoncer le mal, redresser, éduquer dans la justice ;

grâce à elle, l'homme de Dieu sera accompli, équipé pour faire toute sorte de bien.

Devant Dieu, et devant le Christ Jésus qui va juger les vivants et les morts, je t'en conjure, au nom de sa Manifestation et de son Règne : proclame la Parole, interviens à temps et à contretemps, dénonce le mal, fais des reproches, encourage, toujours avec patience et souci d'instruire.


Un temps viendra où les gens ne supporteront plus l'enseignement de la saine doctrine ; mais, au gré de leurs caprices, ils iront se chercher une foule de maîtres pour calmer leur démangeaison d'entendre du nouveau.

Ils refuseront d'entendre la vérité pour se tourner vers des récits mythologiques.


Mais toi, en toute chose garde la mesure, supporte la souffrance, fais ton travail d'évangélisateur, accomplis jusqu'au bout ton ministère.

Moi, en effet, je suis déjà offert en sacrifice, le moment de mon départ est venu.

J'ai mené le bon combat, j'ai achevé ma course, j'ai gardé la foi.

Je n'ai plus qu'à recevoir la couronne de la justice : le Seigneur, le juste juge, me la remettra en ce jour-là, et non seulement à moi, mais aussi à tous ceux qui auront désiré avec amour sa Manifestation glorieuse.

 

PAUL, SERVITEUR DE DIEU, apôtre de Jésus Christ au service de la foi de ceux que Dieu a choisis et de la pleine connaissance de la vérité qui est en accord avec la piété. Nous avons l'espérance de la vie éternelle, promise depuis toujours par Dieu qui ne ment pas.

 Je m'adresse à toi, Tite, mon véritable enfant selon la foi qui nous est commune : à toi, la grâce et la paix de la part de Dieu le Père et du Christ Jésus notre Sauveur.

Si je t'ai laissé en Crète, c'est pour que tu finisses de tout organiser et que, dans chaque ville, tu établisses des Anciens comme je te l'ai commandé moi-même.

L'Ancien doit être quelqu'un qui soit sans reproche, époux d'une seule femme, ayant des enfants qui soient croyants et ne soient pas accusés d'inconduite ou indisciplinés.

Il faut en effet que le responsable de communauté soit sans reproche, puisqu'il est l'intendant de Dieu ; il ne doit être ni arrogant, ni coléreux, ni buveur, ni brutal, ni avide de profits malhonnêtes ;

mais il doit être accueillant, ami du bien, raisonnable, juste, saint, maître de lui.

Il doit être attaché à la parole digne de foi, celle qui est conforme à la doctrine, pour être capable d'exhorter en donnant un enseignement solide, et aussi de réfuter les opposants.


Car il y a beaucoup de réfractaires, des gens au discours inconsistant, des marchands d'illusion, surtout parmi ceux qui viennent du judaïsme.

Il faut fermer la bouche à ces gens qui, pour faire des profits malhonnêtes, bouleversent des maisons entières, en enseignant ce qu'il ne faut pas.

Car l'un d'entre eux, un de leurs prophètes, l'a bien dit : Crétois toujours menteurs, mauvaises bêtes, gloutons fainéants ! Ce témoignage est vrai. Pour cette raison, réfute-les vigoureusement, afin qu'ils retrouvent la santé de la foi, au lieu de s'attacher à des récits légendaires du judaïsme et à des préceptes de gens qui se détournent de la vérité.

Tout est pur pour les purs ; mais pour ceux qui sont souillés et qui refusent de croire, rien n'est pur : leur intelligence, aussi bien que leur conscience, est souillée.

Ils proclament qu'ils connaissent Dieu, mais, par leurs actes, ils le rejettent, abominables qu'ils sont, révoltés, totalement inaptes à faire le bien.


Quant à toi, dis ce qui est conforme à l'enseignement de la saine doctrine.

Car la grâce de Dieu s'est manifestée pour le salut de tous les hommes.

Elle nous apprend à renoncer à l'impiété et les convoitises de ce monde, et à vivre dans le temps présent de manière raisonnable, avec justice et piété, attendant que se réalise la bienheureuse espérance : la manifestation de la gloire de notre grand Dieu et Sauveur, Jésus Christ.

Car Il s'est donné pour nous afin de nous racheter de toutes nos fautes, et de nous purifier pour faire de nous son peuple, un peuple ardent à faire le bien.

Voilà comment tu dois parler, exhorter et réfuter, en toute autorité. Que personne n'ait lieu de te mépriser.

Rappelle à tous qu'ils doivent être soumis aux gouvernants et aux autorités, qu'ils doivent leur obéir et être prêts à faire tout ce qui est bien ; qu'ils n'insultent personne, ne soient pas violents, mais bienveillants, montrant une douceur constante à l'égard de tous les hommes.

Car nous aussi, autrefois, nous étions insensés, révoltés, égarés, esclaves de toutes sortes de convoitises et de plaisirs ; nous vivions dans la méchanceté et la jalousie, nous étions odieux et remplis de haine les uns pour les autres.

Mais lorsque Dieu, notre Sauveur, a manifesté sa bonté et son amour pour les hommes, Il nous a sauvés, non pas à cause de la justice de nos propres actes, mais par sa miséricorde.

Par le bain du baptême, Il nous a fait renaître et nous a renouvelés dans l'Esprit Saint.
Cet Esprit, Dieu l'a répandu sur nous en abondance, par Jésus Christ notre Sauveur,
afin que, rendus justes par sa grâce, nous devenions en espérance héritiers de la vie éternelle.

 

Voilà une parole digne de foi, et je veux que tu t'en portes garant, afin que ceux qui ont mis leur foi en Dieu aient à cœur d'être les premiers pour faire le bien : c'est cela qui est bon et utile pour les hommes.
 

Mais les recherches folles, les généalogies, les disputes et les polémiques sur la Loi, évite-les, car elles sont inutiles et vaines.

Quant à l'hérétique, après un premier et un second avertissement, écarte-le, sachant qu'un tel homme est perverti et pécheur : il se condamne lui-même.

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