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Regnum Galliae Regnum Mariae

Saint Jean Bosco confesseur

31 Janvier 2020 , Rédigé par Ludovicus

Saint Jean Bosco confesseur

Collecte

O Dieu, qui avez appelé saint Jean votre Confesseur pour qu’il soit le père et l’éducateur des adolescents, et par lui, sous le patronage de Marie-auxiliatrice, vous avez voulu que fleurissent de nouvelles familles dans votre Église : accordez-nous, nous vous en prions, qu’enflammés du même feu de la charité, nous puissions nous mettre à la recherche des âmes et nous consacrer à votre seul service.

Office

Troisième leçon. Jean Bosco naquit d’une humble famille ; après une enfance éprouvée et pure, il fit ses études à Chieri et fut estimé pendant ce temps pour son intelligence et pour ses vertus. Ordonné prêtre, il vint à Turin, où il se fit tout à tous ; mais c’est surtout à aider les adolescents pauvres et abandonnés qu’il consacra ses efforts. Par une éducation libérale, des écoles professionnelles, des patronages il s’employa de toutes ses forces à préserver l’enfance des poisons de l’erreur et du vice : à cette fin, il suscita dans l’Église deux instituts, l’un d’hommes, l’autre de vierges. Il publia de nombreux livres, riches de sagesse chrétienne. Il contribua aussi au salut des infidèles en envoyant ses religieux en mission. L’âme constamment élevée vers Dieu, cet homme très saint ne semblait être ni effrayé par les menaces, ni fatigué par les labeurs, ni accablé par les soucis, ni troublé par l’adversité. Il mourut en 1888, dans sa soixante-treizième année. Il fut inscrit au nombre des saints par le Souverain Pontife Pie XI.

La spiritualité de don Bosco

“Les vertus qui te rendront heureux dans le temps et dans l’éternité sont : l’humilité et la charité.”

Rempli d’amour et de compassion pour les enfants et les jeunes pauvres et abandonnés, don Bosco se considérait comme un simple instrument, choisi par Dieu pour réaliser une œuvre qui dépassait les forces humaines. Don Bosco ne devait donc s’appuyer que sur Dieu seul, et, toujours, et en toutes circonstances, s’abandonner entre les bras de Dieu et à sa très sainte volonté. Ces quelques mots résument toute la spiritualité de saint Jean Bosco.

Tout ce qui a été dit plus haut met en valeur la spiritualité de don Bosco. Il nous faut maintenant exprimer ce qui animait et dirigeait sa vie, ce qui était le cœur même de l’apôtre rempli d’amour, d’amour pour Dieu, et l’amour de son prochain. Il nous faut dire aussi comment il vécut l’union à Dieu dans une vie exceptionnellement active, voire bousculée. Tout d’abord, ce qui transparaît le plus, c’est son abandon à la volonté et aux exigences de son Seigneur.

4-1-L’abandon à la volonté de Dieu

4-1-1-Don Cafasso

C’est don Cafasso qui orienta don Bosco vers les fillettes de l’internat Sainte Philomène, pour petites infirmes, et vers l’Œuvre du Refuge, internat pour les fillettes pauvres. Don Bosco ne voulait pas prendre de décision seul: en effet, au moment de la mort de don Calosso, son premier bienfaiteur, il avait fait un rêve à travers lequel “on lui reprochait d’avoir placé son espérance dans les hommes et non dans la bonté du Père des cieux.”

À regret don Bosco obéit à don Cafasso, mais telle était la volonté de Dieu, et il s’en rendit bientôt compte: c’était l’endroit choisi par Dieu pour accueillir ses garçons et édifier la première église du patronage Saint François de Sales, église qui sera consacrée le 8 décembre 1844.

4-1-2-Une prière rapidement exaucée

Deux ans plus tard Jean Bosco et son patronage devaient quitter le Refuge. Le dernier dimanche alors qu’il était en plein désarroi, don Bosco s’écria: “Mon Dieu, pourquoi ne me montrez-vous pas l’endroit où vous voulez que je recueille ces enfants, oh! faites-le-moi connaître, et dites-moi ce que je dois faire.” La prière était à peine achevée que Mr Joseph Pinardi se présenta à lui et proposa sa propriété.

4-1-3-S’abandonner à Dieu, c’est aussi un combat

Pour accomplir sa lourde tâche, don Bosco s’entoura rapidement de nombreux collaborateurs. Voici une phrase remarquable qu’il écrivit le 3 septembre 1863 à la comtesse Charlotte Gabrielle Callori. Cinq de ses jeunes prêtres venaient de tomber malade: l’un était mort, un autre allait suivre; et les autres, s’ils guérissaient, auraient bien du mal à se remettre. “Ne pensez pas pour autant que je sois abattu; fatigué, et rien d’autre. Le Seigneur a donné, a changé, a repris au moment où il lui plaisait: que soit toujours béni son saint nom! Je suis d’ailleurs consolé par l’espoir qu’après la tempête viendra le beau temps.”

Mais l’abandon spirituel n’est ni lâcheté, ni cessation des combats. Nous en avons la preuve dans ce que, plus tard, don Bosco écrira à don Bonetti: “Rappelle-toi qu’en ce monde nous avons non pas un temps de paix, mais de guerre continuelle. Nous aurons un jour la paix si nous avons combattu sur la terre.”

4-2-La miséricorde de Dieu

Don Bosco contemple la Passion de Jésus “qui accepte sa condamnation, se tait et souffre.” Il accepte, il souffre, et il pardonne. “Mais, voici un excès de bonté et d’amour: cloué sur une croix, transpercé de clous, blasphémé et insulté de mille façons par ces même ennemis, que fait-il?... Il ne fait rien d’autre que de lever le regard vers son Père céleste: ‘Père, pardonnez-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font’... Peut-on imaginer un amour  plus grand et une plus grande miséricorde?”

Selon don Bosco, Dieu ne “sait pas mépriser un cœur contrit et humilié; bien plutôt il trouve sa gloire à faire miséricorde et à pardonner. Et ce qui doit le plus consoler le pécheur, c’est qu’il n’aura pas longtemps à pleurer: à la première larme, au premier ‘je me repens’, le Seigneur sera ému de pitié. À peine te repens-tu et demandes-tu pardon, tout de suite il te pardonne... Jésus-Christ est venu pour sauver les pécheurs.”

Mais attention, on ne se moque pas de Dieu: il faut savoir se mettre en état de bénéficier de la miséricorde divine.

Dans une conférence donnée en 1858 pour le mois de Marie, don Bosco déclara: “si tu désires que Dieu use de miséricorde à ton égard, commence, toi, par user de miséricorde envers les pauvres... Fais bien attention que le Seigneur te demande de donner aux pauvres tout ton superflu.”

Et quel est ce superflu dont parle don Bosco ?

S’adressant à des gens de la haute société de Turin, il précise: “Sont du superflu ces acquisitions et ces accroissements de richesses que tu fais d’année en année. Superflue est cette recherche que tu as dans les services de table, dans les repas, les tapis, les vêtements qui pourraient servir à qui a faim, à qui a soif, à couvrir qui est nu. Superflu est ce luxe dans les voyages, dans les théâtres, les bals et autres divertissements où l’on peut dire que va finir ce qui appartient aux pauvres.”

Mais alors, ceux qui n’ont rien, qui n’ont que le juste nécessaire, et encore? Aux pauvres, don Bosco conseille: “Les moyens de faire l’aumône ne te manquent pas. N’y a-t-il pas des malades à visiter, à assister, à veiller? N’y a-t-il pas de jeunes abandonnés à recueillir, instruire, accueillir en ta maison si tu le peux, ou au moins à conduire là où ils pourront apprendre la science du salut?... Et encore, ne peux-tu faire quelque prière, aller te confesser, communier, réciter un rosaire, assister à une messe pour le soulagement des âmes du Purgatoire, pour la conversion des pécheurs, ou pour que les infidèles soient éclairés et parviennent à la foi? N’est-ce pas aussi une belle aumône que d’envoyer aux flammes les livres pervers, diffuser les bons livres et parler en toute occasion favorable de notre sainte religion catholique.”

La charité

Le 12 mars 1877, dans une conférence destinée aux Coopérateurs de Nice, don Bosco insista particulièrement sur la charité et sur la récompense que Dieu accordera à ceux qui travaillent pour Lui, car, “vous ne donnerez pas en mon nom, à l’un des plus petits, à un indigent, sans que vous n’obteniez la récompense.” Oui, “toute aumône faite aux malheureux est regardée par Dieu comme faite à lui-même.”

Le Sauveur est présent dans la personne des pauvres les plus délaissés. “Donc, ce ne sont plus les pauvres enfants qui nous demandent la charité et l’aumône, c’est Jésus lui-même en leurs personnes... “

4-3-L’ascèse vue par don Bosco

L’ascèse que don Bosco recommande peut nous sembler facile. Avons-nous vraiment essayé de la mettre en pratique? Les renoncements imposés par la vie quotidienne ne sont-ils pas une véritable ascèse?

4-3-1-Les renoncements

Dans un premier temps, on a l’impression que don Bosco insistait peu sur l’ascèse au sens strict. Il insistait sur la joie, sur l’amabilité, la présence sentie de Dieu. Pourtant, la Croix, Jean Bosco la connaissait; mais il avait compris que la meilleure ascèse, et la plus efficace, c’était de faire la volonté de Dieu, c’est à dire d’accepter les difficultés quand elles se présentaient, et d’accomplir parfaitement son devoir d’état. Cela suppose de nombreux renoncements que don Bosco a d’abord vécus avant de les proposer à ses enfants:

            – le renoncement aux commodités, pour demeurer disponible au service du prochain, et en particulier le renoncement à “l’habitude” pour suivre les jeunes sur leurs routes toujours nouvelles,

            – le renoncement à la préoccupation de soi, pour demeurer accueillant, attentif et aimable à quiconque se présente;

            – le renoncement à toute gloire personnelle, pour demeurer l’humble serviteur de Dieu et de son royaume.

Le jeune Dominique Savio , comme tous les adolescents désirant “se faire saints”, essayait d’imiter les grands pénitents qu’il connaissait ou dont il avait entendu parler, pour mieux ressembler à Jésus crucifié. Mais don Bosco lui interdira toutes les pénitences corporelles, incompatibles avec son âge. Par contre il insistera beaucoup sur l’apostolat. Pour don Bosco, “l’apostolat est une voie de sainteté, et pour un salésien, la principale voie de sainteté: les âmes à gagner valent le sang de Jésus-Christ qui les a sauvées.”

Et puis, il y a aussi l’obéissance et l’acceptation des épreuves quotidiennes qui sont les meilleures des pénitences:

– La pénitence que le Seigneur te demande, dit don Bosco à Dominique Savio, c’est d’obéir. Obéis, et pour toi, ça suffira.

Et encore :

– Oui, on te permet de faire pénitence en supportant les injures à l’occasion, en endurant patiemment le chaud, le froid, le vent, la pluie, la fatigue et tous les embarras de santé qu’il plaira à Dieu de t’envoyer. Ce que tu devrais souffrir par force, offre-le à Dieu.

4-3-2-L’ascèse de don Bosco

L’ascèse de don Bosco est celle du zèle infatigable et de l’accueil de tous ceux qui viennent auprès de nous. À don Rua il donne des conseils dont voici quelques-uns:

“Tâche de te faire aimer plutôt que de te faire craindre... Nul n’est apte à commander s’il n’est capable d’obéir...

Tâche d’éviter les ordres déplaisants; au contraire, aie le plus grand souci de favoriser les inclinations individuelles, en confiant de préférence à chacun les charges que tu sais être particulièrement à leur goût...

Aie en horreur, comme le poison, les changements dans les règles. Leur observance exacte est préférable à n’importe quelle variation. Le mieux est l’ennemi du bien.”

4-3-3-La pénitence et l’obéissance

Souvent don Bosco a manifesté l’estime qu’il portait à l’obéissance, pénitence préférable à beaucoup d’autres. Ainsi il n’hésite pas à écrire en 1884, à des amies françaises: “Quant aux pénitences corporelles, elles ne sont pas à propos pour vous. Aux personnes âgées il suffit d’endurer les peines de la vieillesse pour l’amour de Dieu; aux personnes maladives, il suffit d’endurer doucement, pour l’amour de Dieu leurs incommodités, et suivre l’avis du médecin ou des parents en esprit d’obéissance; c’est plus agréable à Dieu un manger délicat, avec l’obéissance, qu’un jeûne contre l’obéissance.”

Dans le premier projet de ses Constitutions, il écrivait: “Le divin Sauveur nous a assurés qu’il n’est pas venu pour faire sa propre volonté, mais celle de son Père céleste... Que chacun obéisse sans aucune résistance ni dans les faits, ni dans le cœur. Plus une chose répugne à celui qui la fait, plus il accroîtra devant Dieu son mérite en la faisant.”

Cette ascèse, pleine d’amour, préconisée par don Bosco, imprègne toute la spiritualité salésienne que nous découvrons dans ses lettres adressées à ses collaborateurs. On retrouve souvent, dans cette correspondance, les points essentiels de ce qu’il voulait inculquer à tout prix à ses fils et à ses filles:

L’affection paternelle, pas toujours évidente, mais nécessaire pour toucher le cœur des élèves

La joie, parfois véritable ascèse qu’il présente comme suit à don Bonetti: “Ne te fais pas de souci au sujet de ce que tu m’écris. Le démon voit que tu veux lui échapper définitivement, c’est pourquoi il s’efforce de te tromper. Suis mes conseils, va de l’avant en toute tranquillité. Pour le moment fais passer ta mélancolie ... et chante avec François d’Assise: ‘Si grand est le bien qui m’attend que toute peine m’est un présent, toute douleur un plaisir, tout chagrin est un beau jouir, toute angoisse réjouit mon cœur.”

Et un vrai souci des malades. Au même Bonetti, malade, don Bosco écrit: “... Tous les jeûnes et toutes les mortifications dans la nourriture te sont interdits... Tu peux tout compenser par des oraisons jaculatoires, par l’offrande de tes ennuis au Seigneur et par ton bon exemple.”

Et à don Rua: “Aie soin de ta santé; repose-toi librement; sois attentif aux aliments qui pourraient t’être nocifs; jusqu’à la mi-février tu es dispensé des matines; limite-toi aux petites heures, vêpres et complies, mais réparties.”

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Sainte Martine vierge et martyre

30 Janvier 2020 , Rédigé par Ludovicus

Sainte Martine vierge et martyre

Office

Quatrième leçon. Martine, vierge romaine, fille d’un consulaire, était de race illustre. Privée de ses parents dès ses plus tendres années, et embrasée de l’ardeur de la piété chrétienne, elle distribua aux pauvres, avec une admirable libéralité, les richesses qu’elle possédait en abondance. Sous l’empire d’Alexandre, comme on lui ordonnait d’adorer les faux dieux, elle repoussa avec une grande liberté la proposition de ce crime énorme. C’est pourquoi elle fut frappée de verges à diverses reprises, déchirée avec des crochets, des ongles de fer et des têts de port cassés ; on lui lacéra tous les membres avec des glaives très aigus, on l’arrosa de graisse bouillante, enfin on la condamna aux bêtes de l’amphithéâtre ; mais, par un effet de la puissance divine, elle échappa sans blessure à ce nouveau danger, et, jetée sur un bûcher ardent, elle en sortit saine et sauve par un prodige semblable au premier.

Cinquième leçon. Quelques-uns de ses bourreaux, frappés de la nouveauté de ce miracle et sollicités par la grâce de Dieu, embrassèrent la foi de Jésus-Christ ; après plusieurs tourments, ils eurent la tête tranchée et remportèrent ainsi la palme glorieuse du martyre. Aux prières de la Sainte, des tremblements de terre se produisirent, des feux tombèrent du ciel avec un bruit de tonnerre, renversèrent les temples des faux dieux et consumèrent leurs statues. Il coulait des blessures de Martine du lait avec du sang, et une clarté très brillante ainsi qu’une très suave odeur émanaient de son corps ; parfois elle paraissait élevée sur un trône royal, chantant les louanges de Dieu avec les habitants du ciel.

Sixième leçon. Exaspéré par ces prodiges et surtout par la constance de la vierge, le juge ordonna de lui trancher la tête. Dès que Martine eut reçu le coup de la mort, l’on entendit une voix du ciel qui l’appelait au séjour des bienheureux ; toute la ville trembla fortement, et beaucoup d’adorateurs des idoles se convertirent à la foi chrétienne. Le corps sacré de Martine, martyrisée pendant que saint Urbain 1er siégeait à Rome, fut trouvé sous le pontificat d’Urbain VIII avec les corps des saints Martyrs Concorde, Épiphane et leurs conpagnons, dans une antique église, près de la prison Mamertine, sur le penchant du mont Capitolin. Cette église ayant été reconstruite sur un meilleur plan et très bien ornée, on y replaça le corps ; de la Sainte, avec une pompe solennelle, en présence d’un grand concours de peuple et à la joie de la Ville entière.

Une troisième Vierge romaine, le front ceint de la couronne du martyre, vient partager les honneurs d’Agnès et d’Émérentienne, et offrir sa palme à l’Agneau. C’est Martine, dont le nom rappelle le dieu païen qui présidait aux combats, et dont le corps glorieux repose au pied du mont Capitolin, dans un ancien temple de Mars, devenu aujourd’hui la somptueuse Église de Sainte-Martine. Le désir de se rendre digne de l’Époux divin que son cœur avait choisi, Fa rendue forte contre les tourments et la mort, et sa blanche robe a été aussi lavée dans son sang. L’Emmanuel est le Dieu fort, puissant dans les combats ; mais comme le faux dieu Mars, il n’a pas besoin de fer pour vaincre. La douceur, la patience, l’innocence d’une vierge lui suffisent pour terrasser ses ennemis ; et Martine a vaincu d’une victoire plus durable que les plus grands capitaines de Rome.

Cette illustre Vierge, l’une des patronnes de Rome, a eu l’honneur d’être chantée par un Pape. Urbain VIII est l’auteur des Hymnes du bréviaire.

C’est par ces chants, ô Vierge magnanime, que Rome chrétienne continue de remettre entre vos mains le soin de sa défense. Elle est captive ; si vous la protégez, elle reprendra possession d’elle-même et reposera dans la sécurité. Écoutez ses prières, et repoussez loin de la ville sainte les ennemis qui l’oppriment. Mais souvenez-vous qu’elle n’a pas seulement à craindre les bataillons qui lancent la foudre et renversent les remparts ; même dans la paix, des attaques ténébreuses n’ont jamais cessé d’être dirigées contre sa liberté. Déjouez, ô Martine, ces plans perfides ; et souvenez-vous que vous fûtes la fille de l’Église romaine, avant d’en être la protectrice. Détruisez de plus en plus la puissance du Croissant ; affranchissez Jérusalem, amenez l’Europe à sentir enfin ses entrailles émues pour les Églises de Syrie.

Demandez pour nous à l’Agneau votre Époux la force nécessaire pour enlever de notre cœur les idoles auxquelles il pourrait encore être tenté de sacrifier. Dans les attaques que les ennemis de notre salut dirigent contre nous, prêtez-nous l’appui de votre bras. Il a ébranlé les idoles au sein même de Rome païenne ; il ne sera pas moins puissant contre le monde qui cherche à nous envahir. Pour prix de vos victoires, vous brillez auprès du berceau de notre Rédempteur ; si, comme vous, nous savons combattre et vaincre, ce Dieu fort daignera nous accueillir aussi. Il est venu pour soumettre nos ennemis ; mais il exige que nous prenions part à la lutte. Fortifiez-nous, ô Martine, afin que nous ne reculions jamais, et que notre confiance en Dieu soit toujours accompagnée de la défiance de nous-mêmes.

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Saint François de Sales évêque confesseur et docteur de l’Eglise

29 Janvier 2020 , Rédigé par Ludovicus

Saint François de Sales évêque confesseur et docteur de l’Eglise

Collecte

Dieu, pour le salut des âmes, vous avez voulu que le bienheureux François, votre Confesseur et Pontifie, se fît tout à tous : accordez-nous dans votre bonté que pénétrés de la douceur de votre amour, dirigés par ses enseignements et soutenus par ses mérites, nous obtenions les joies éternelles.

Office

AU DEUXIÈME NOCTURNE.

Quatrième leçon. François naquit au château de Sales (d’où sa famille tire son nom), de parents nobles et vertueux, et donna dès ses plus tendres années, par son innocence et sa gravité, des indices de sa sainteté future. Encore adolescent, il fut instruit dans les sciences libérales ; bientôt après, il se rendit à Paris où il se livra à l’étude de la philosophie et de la théologie, et afin que rien ne manquât à la culture de son esprit, il obtint à Padoue, avec les plus grands éloges, les honneurs du doctorat en l’un et l’autre droit. François renouvela dans le sanctuaire de Lorette le vœu de perpétuelle virginité par lequel il s’était lié à Paris ; et il ne put jamais être détourné de la résolution qu’il avait prise au sujet de cette vertu, ni par aucun des artifices du démon, ni par les attraits des sens.

Cinquième leçon. Ayant refusé une grande dignité dans le sénat de Savoie, il s’enrôla dans la milice de la cléricature. Initié au sacerdoce et fait prévôt de l’Église de Genève, François remplit si parfaitement les devoirs de cette charge que Mgr de Granier, son Évêque, le destina pour travailler comme un héraut de la parole divine, à la conversion des calvinistes du Chablais et des autres confins du territoire de Genève. Il entreprit cette campagne d’un cœur joyeux, mais il eut à souffrir les plus dures épreuves ; souvent les hérétiques cherchèrent à lui donner la mort, ils le poursuivirent de diverses calomnies et lui dressèrent beaucoup d’embûches. Au milieu de tant de périls et de combats, on vit toujours briller son insurmontable constance ; et l’on rapporte qu’aidé du secours de Dieu, il ramena à la foi catholique soixante-douze mille hérétiques, parmi lesquels il y en avait beaucoup de distingués par leur noblesse et leur science.

Sixième leçon. Après la mort de Mgr de Granier, qui avait eu soin de se le faire donner pour coadjuteur, François, consacré Évêque, répandit tout autour de lui les rayons de sa sainteté, par son zèle pour la discipline ecclésiastique, son amour de la paix, sa miséricorde envers les pauvres, et se rendit remarquable en toutes sortes de vertus. Pour l’accroissement du culte divin, il institua un nouvel Ordre de religieuses, sous le nom de la Visitation de la bienheureuse Vierge Marie et sous la règle de saint Augustin, à laquelle il ajouta des constitutions admirables de sagesse, de discrétion et de douceur. Il a aussi illustré l’Église par des écrits remplis d’une doctrine céleste, où il indique un chemin sûr et facile pour arriver à la perfection chrétienne. Enfin, âgé de cinquante-cinq ans, comme il retournait de France à Annecy, le jour de saint Jean l’Évangéliste, après avoir célébré la Messe à Lyon, il fut atteint d’une maladie grave, et, le lendemain, partit pour le ciel, l’an du Seigneur mil six cent vingt-deux. Son corps fut transporté à Annecy, et enseveli honorablement dans l’église dudit Ordre. Son tombeau commença aussitôt à être illustré par des miracles, dont le souverain Pontife Alexandre VII constata la vérité selon les règles. Il mit donc François au nombre des Saints en assignant pour sa Fête le vingt-neuvième jour de janvier, et le souverain Pontife Pie IX, après avoir pris l’avis de la Congrégation des Rites sacrés, l’a déclaré Docteur de l’Église universelle.

Voici venir au berceau du doux Fils de Marie l’angélique évêque François de Sales, digne d’y occuper une place distinguée pour la suavité de sa vertu, l’aimable enfance de son cœur, l’humilité et la tendresse de son amour. Il arrive escorté de ses brillantes conquêtes : soixante-douze mille hérétiques soumis à l’Église par l’ascendant de sa charité ; un Ordre entier de servantes du Seigneur, conçu dans son amour, réalisé par son génie céleste ; tant de milliers d’âmes conquises à la piété par ses enseignements aussi sûrs que miséricordieux, qui lui ont mérité le titre de Docteur.

Dieu le donna à son Église pour la consoler des blasphèmes de l’hérésie qui allait prêchant que la foi romaine était stérile pour la charité ; il plaça ce vrai ministre évangélique en face des âpres sectateurs de Calvin ; et l’ardeur de la charité de François de Sales fondit la glace de ces cœurs obstinés. Si vous avez des hérétiques à convaincre, disait le savant cardinal du Perron, vous pouvez me les envoyer ; si vous en avez à convertir, adressez-les à M. de Genève.

François de Sales parut donc, au milieu de son siècle, comme une vivante image du Christ ouvrant ses bras et convoquant les pécheurs à la pénitence, les errants à la vérité, les justes au progrès vers Dieu, tous à la confiance et à l’amour. L’Esprit divin s’était reposé sur lui dans sa force et dans sa douceur : c’est pourquoi, en ces jours où nous avons célébré la descente de cet Esprit sur le Verbe incarné au milieu des eaux du Jourdain, nous ne saurions oublier une relation touchante de notre admirable Pontife avec son divin Chef. Un jour de la Pentecôte, à Annecy, François était debout à l’autel, offrant l’auguste Sacrifice ; tout à coup une colombe qu’on avait introduite dans la Cathédrale, effrayée des chants et de la multitude du peuple, après avoir voltigé longtemps, vint, à la grande émotion des fidèles, se reposer sur la tête du saint Évêque : symbole touchant de la douceur de l’amour de François, comme le globe de feu qui parut, au milieu des Mystères sacrés, au-dessus de la tête du grand saint Martin, désignait l’ardeur du feu qui dévorait le cœur de l’Apôtre des Gaules.

Une autre fois, en la Fête de la Nativité de Notre-Dame, François officiait aux Vêpres, dans la Collégiale d’Annecy. Il était assis sur un trône dont les sculptures représentaient cet Arbre prophétique de Jessé, qui a produit, selon l’oracle d’Isaïe, la branche virginale, d’où est sortie la fleur divine sur laquelle s’est reposé l’Esprit d’amour. On était occupé au chant des Psaumes, lorsque, par une fente du vitrail du chœur, du côté de l’Épître, une colombe pénètre dans l’Église. Après avoir voleté quelque temps, de l’historien, elle vint se poser sur l’épaule du saint Évêque, et de là sur ses genoux, d’où les ministres assistants la prirent. Après les Vêpres, François, jaloux d’écarter de lui l’application favorable que ce symbole inspirait naturellement à son peuple, monta en chaire, et s’empressa d’éloigner toute idée d’une faveur céleste qui lui eût été personnelle, en célébrant Marie qui, pleine de la grâce de l’Esprit-Saint, a mérité d’être appelée la colombe toute belle, en laquelle il n’y a pas une tache.

Quand on cherche parmi les disciples du Sauveur le type de sainteté qui fut départi à notre admirable Prélat, l’esprit et le cœur ont tout aussitôt nommé Jean, le disciple bien-aimé. François de Sales est comme lui l’Apôtre de la charité ; et la simplesse du grand Évangéliste pressant un innocent oiseau dans ses mains vénérables, est la mère de cette gracieuse innocence qui reposait au cœur de l’Évêque de Genève. Jean, par sa seule vue, par le seul accent de sa voix, faisait aimer Jésus ; et les contemporains de François disaient : O Dieu ! si telle est la bonté de l’Évêque de Genève, quelle ne doit pas être la vôtre !

Ce rapport merveilleux entre l’ami du Christ et François de Sales se révéla encore au moment suprême, lorsque le jour même de saint Jean, après avoir célébré la sainte Messe et communié de sa main ses chères filles de la Visitation, il sentit cette défaillance qui devait amener pour son âme la délivrance des liens du corps. On s’empressa autour de lui ; mais déjà sa conversation n’était plus que dans le ciel. Ce fut le lendemain qu’il s’envola vers sa patrie, en la fête des saints Innocents, au milieu desquels il avait droit de reposer éternellement, pour la candeur et la simplicité de son âme. La place de François de Sales, sur le Cycle, était donc marquée en la compagnie de l’Ami du Sauveur, et de ces tendres victimes que l’Église compare à un gracieux bouquet d’innocentes roses ; et s’il a été impossible de placer sa mémoire à l’anniversaire de sa sortie de ce monde, parce que ces deux jours sont occupés par la solennité de saint Jean et celle des Enfants de Bethlehem, du moins la sainte Église a-t-elle pu encore placer sa fête dans l’intervalle des quarante jours consacrés à honorer la Naissance de l’Emmanuel.

C’est donc à cet amant du Roi nouveau-né qu’il appartient de nous révéler les charmes de l’Enfant de la crèche. Nous chercherons la pensée de son cœur, pour en nourrir le nôtre, dans son admirable correspondance, où il rend avec tant de suavité les sentiments pieux qui débordaient de son cœur, en présence des mystères que nous célébrons.

Vers la fin de l’Avent 1619, il écrivait à une religieuse de la Visitation, pour l’engager à préparer son cœur à la venue de l’Époux céleste : « Ma très chère fille, voilà le tant petit aimable Jésus qui va naître en notre commémoration, ces fêtes-ci prochaines ; et puisqu’il naît pour nous visiter de la part de son Père éternel, et que les pasteurs et les rois le viendront réciproquement visiter au berceau, je crois, qu’il est le Père et l’Enfant tout ensemble de cette Sainte Marie de la Visitation.

« Or sus, caressez-le bien ; faites-lui bien l’hospitalité avec toutes nos sœurs, chantez-lui bien de beaux cantiques, et surtout adorez-le bien fortement et doucement, et en lui sa pauvreté, son humilité, son obéissance et sa douceur, à l’imitation de sa très sainte Mère et de saint Joseph ; et prenez-lui une de ses chères larmes, douce rosée du ciel, et la mettez sur votre cœur, afin qu’il n’ait jamais de tristesse que celle qui réjouit ce doux Enfant ; et quand vous lui recommanderez votre âme, recommandez-lui quant et quant la mienne, qui est certes toute vôtre.
« Je salue chèrement la chère troupe de nos sœurs, que je regarde comme de simples bergères veillant sur leurs troupeaux, c’est-à-dire sur leurs affections ; qui, averties par l’Ange, vont faire l’hommage au divin Enfant, et pour gage de leur éternelle servitude, lui offrent le plus beau de leurs agneaux, qui est leur amour, sans réserve ni exception. »

La veille de la Naissance du Sauveur, saisi par avance des joies de la nuit qui va donner son Rédempteur à la terre, François s’épanche déjà avec sa fille de prédilection, Jeanne-Françoise de Chantal, et la convie à goûter avec lui les charmes de l’Enfant divin et à profiter de sa visite.

« Le grand petit Enfant de Bethlehem soit à jamais les délices et les amours de notre cœur, ma très chère mère, ma fille ! Hélas ! Comme il est beau, ce pauvre petit poupon ! Il me semble que je vois Salomon sur son grand trône d’ivoire, doré et ouvragé, qui n’eut point d’égal es royaumes, comme dit l’Écriture : et ce roi n’eut point de pair en gloire ni en magnificence. Mais j’aime cent fois mieux voir le cher enfançon en la crèche, que de voir tous les rois en leurs trônes.
« Mais si je le vois sur les genoux de sa sacrée Mère ou entre ses bras, ayant sa petite bouchette, comme un petit bouton de rose, attachée au lis de ses saintes mamelles, ô Dieu ! je le trouve plus magnifique en ce trône, non seulement que Salomon dans le sien d’ivoire, mais que jamais même ce Fils éternel du Père ne le fut au ciel ; car si bien le ciel a plus d’être visible, la Sainte Vierge a plus de perfections invisibles ; et une goutte du lait qui flue virginalement de ses sacrés sucherons, vaut mieux que toutes les affluences des cieux. Le grand saint Joseph nous fasse part de sa consolation, la souveraine Mère de son amour : et l’Enfant veuille à jamais répandre dans nos cœurs ses mérites !
« Je vous prie, reposez le plus doucement que vous pourrez auprès du petit céleste enfant : il ne laissera pas d’aimer votre cœur bien-aimé tel que vous l’avez, sans tendreté et sans sentiment. Voyez-vous pas qu’il reçoit l’haleine de ce gros bœuf et de cet âne qui n’ont sentiment ni mouvement quelconque ? Comment ne recevra-t-il pas les aspirations de notre pauvre cœur, lequel, quoique non tendrement pour le présent, solidement néanmoins et fermement, se sacrifie à ses pieds pour être à jamais serviteur inviolable du sien, et de celui de sa sainte Mère, et du grand gouverneur du petit Roi ? »

La nuit sacrée s’est écoulée, apportant avec elle la Paix aux hommes de bonne volonté ; François cherche encore le cœur de la fille que Jésus lui a confiée, pour y verser toutes les douceurs qu’il a goûtées dans la contemplation du mystère d’amour.

« Hé, vrai Jésus ! que cette nuit est douce, ma très chère fille ! Les cieux, chante l’Église, distillent de toutes parts le miel ; et moi, je pense que ces divins Anges, qui résonnent en l’air leur admirable cantique, viennent pour recueillir ce miel céleste sur les lis où il se trouve, sur la poitrine de la très douce Vierge et de saint Joseph. J’ai peur, ma chère fille, que ces divins Esprits ne se méprennent entre le lait qui sort des mamelles virginales, et le miel du ciel qui est abouché sur ces mamelles. Quelle douceur de voir le miel sucer le lait !
« Mais je vous prie, ma chère fille, ne suis-je pas si ambitieux que de penser que nos bons Anges, de vous et de moi, se trouvèrent en la chère troupe de musiciens célestes qui chantèrent en cette nuit ? O Dieu ! s’il leur plaisait d’entonner derechef, aux oreilles de notre cœur, cette même céleste chanson, quelle joie ! quelle jubilation ! Je les en supplie, afin que gloire soit au ciel, et en terre paix aux cœurs de bonne volonté.
« Revenant donc d’entre les sacrés Mystères, je donne ainsi le bonjour à ma chère fille : car je crois que les pasteurs encore, après avoir adoré le céleste poupon que le ciel même leur avait annoncé, se reposèrent un peu. Mais, ô Dieu ! que de suavité, comme je pense, à leur sommeil ! Il leur était avis qu’ils oyaient toujours la sacrée mélodie des Anges qui les avaient salués si excellemment de leur cantique, et qu’ils voyaient toujours le cher Enfant et la Mère qu’ils avaient visités.
« Que donnerions-nous à notre petit Roi, que nous n’ayons reçu de lui et de sa divine libérait lité ? Or sus, je lui donnerai donc, à la sainte Grand’Messe, la très uniquement fille bien-aimée qu’il m’a donnée. Hé ! Sauveur de nos âmes, rendez-la toute d’or en charité, toute de myrrhe en mortification, toute d’encens en oraison ; et puis recevez-la entre les bras de votre sainte protection ; et que votre cœur dise au sien : Je suis ton salut aux siècles des siècles. »

Parlant ailleurs à une autre épouse du Christ, il l’exhorte, en ces termes, à se nourrir de la douceur du nouveau-né :

« Que jamais votre âme, comme une abeille mystique, n’abandonne ce cher petit Roi, et qu’elle fasse son miel autour de lui, en lui, et pour lui ; et qu’elle le prenne sur lui, duquel les lèvres sont toutes détrempées de grâce, et sur lesquelles, bien plus heureusement que l’on ne vit sur celles de saint Ambroise, les saintes avettes, amassées en essaim, font leurs doux et gracieux ouvrages. »

Mais il faut bien s’arrêter ; écoutons cependant encore une dernière fois notre séraphique Pontife nous raconter les charmes du très saint Nom de Jésus, imposé au Sauveur dans les douleurs de la Circoncision ; il écrit encore à sa sainte coopératrice : « O Jésus, remplissez notre cœur du baume sacré de votre Nom divin, afin que la suavité de son odeur se dilate en tous nos sens, et se répande en toutes nos actions. Mais pour rendre ce cœur capable de recevoir une si douce liqueur, circoncisez-le, et retranchez d’icelui tout ce qui peut être désagréable à vos saints yeux. O Nom glorieux ! que la bouche du Père céleste a nommé éternellement, soyez à jamais la superscription de notre âme, afin que, comme vous êtes Sauveur, elle soit éternellement sauvée ! O Vierge sainte, qui, la première de toute la nature humaine, avez prononcé ce Nom de salut, inspirez-nous la façon de le prononcer ainsi qu’il est convenable, afin que tout respire en nous le salut que votre ventre nous a porté.
« Ma très chère fille, il fallait écrire la première lettre de cette année à Notre-Seigneur et à Notre-Dame ; et voici la seconde par laquelle, ô ma fille, je vous donne le bon an, et dédie notre cœur à la divine bonté. Que puissions-nous tellement vivre cette année, qu’elle nous serve de fondement pour l’année éternelle ! Du moins ce matin, sur le réveil, j’ai crié à vos oreilles : vive Jésus ! et eusse bien voulu épandre cette huile sacrée sur toute la face de la terre.
« Quand un baume est bien fermé dans une fiole, nul ne sait discerner quelle liqueur c’est, sinon celui qui l’y a mise ; mais quand on a ouvert la fiole, et qu’on en a répandu quelques gouttes, chacun dit : C’est du baume. Ma chère fille, notre cher petit Jésus était tout plein du baume de salut ; mais on ne le connaissait pas jusqu’à tant qu’avec ce couteau doucement cruel on a ouvert sa divine chair ; et lors on a connu qu’il est tout baume et huile répandue, et que c’est le baume de salut. C’est pourquoi saint Joseph et Notre-Dame, puis tout le voisinage, commencent à crier : Jésus, qui signifie Sauveur.
« Plaise à ce divin poupon de tremper nos cœurs dans son sang, et les parfumer de son saint Nom, afin que les roses .des bons désirs que nous avons conçus, soient toutes pourprées de sa teinture, et toutes odorantes de son onguent ! »

Le Pape Alexandre VII voulut composer lui-même la Collecte pour l’Office et la Messe du saint Prélat.

Conquérant pacifique des âmes, Pontife aimé de Dieu et des hommes, nous célébrons en vous la douceur de notre Emmanuel. Ayant appris de lui à être doux et humble de cœur, vous avez, selon sa promesse, possédé la terre. Rien ne vous a résisté : les sectaires les plus obstinés, les pécheurs les plus endurcis, les âmes les plus tièdes, tout a cédé aux charmes de votre parole et de vos exemples. Que nous aimons à vous contempler, auprès du berceau de l’Enfant qui vient nous aimer, mêlant votre gloire avec celle de Jean et des Innocents : Apôtre comme le premier, simple comme les fils de Rachel ! Fixez pour jamais notre cœur dans cette heureuse compagnie ; qu’il apprenne enfin que le joug de l’Emmanuel est doux, et son fardeau léger.

Réchauffez nos âmes au feu de votre charité ; soutenez en elles le désir de la perfection. Docteur des voies spirituelles, introduisez-nous dans cette Vie sainte dont vous avez tracé les lois ; ranimez dans nos cœurs l’amour du prochain, sans lequel nous ne pourrions espérer de posséder l’amour de Dieu ; initiez-nous au zèle que vous avez eu pour le salut des âmes ; enseignez-nous la patience et le pardon des injures, afin que nous nous aimions tous, non seulement de bouche et de parole, comme parle Jean votre modèle, mais en œuvre et en vérité  Bénissez l’Église de la terre, au sein de laquelle votre souvenir est encore aussi présent que si vous veniez de la quitter pour celle du ciel ; car vous n’êtes plus seulement l’Évêque de Genève, mais l’objet de l’amour et de la confiance de l’univers entier.

Hâtez la conversion générale des sectateurs de l’hérésie Calviniste. Déjà vos prières ont avancé l’œuvre du retour ; et le Sacrifice de l’Agneau s’offre publiquement au sein même de Genève. Consommez au plus tôt le triomphe de l’Église-Mère. Extirpez du milieu de nous lès derniers restes de l’hérésie Jansénienne, qui se préparait à semer son ivraie dans la France, aux jours mêmes où le Seigneur vous retirait de ce monde. Purgez nos contrées des maximes et des habitudes dangereuses qu’elles ont héritées des temps malheureux où cette secte perverse triomphait dans son audace.

Bénissez de toute la tendresse de votre cœur paternel le saint Ordre que vous avez fondé, et que vous avez donné à Marie sous le titre de sa Visitation. Conservez-le dans l’état où il fait l’édification de l’Église ; donnez-lui accroissement, dirigez-le, afin que votre esprit se maintienne dans la famille dont vous êtes le père. Protégez l’Épiscopat dont vous êtes l’ornement et le modèle ; demandez à Dieu, pour son Église, des Pasteurs formés à votre école, embrasés de votre zèle, émules de votre sainteté. Enfin, souvenez-vous de la France, avec laquelle vous avez contracté des liens si étroits. Elle s’émut au bruit de vos vertus, elle convoita votre Apostolat, elle vous a donné votre plus fidèle coopératrice ; vous avez enrichi sa langue de vos admirables écrits ; c’est de son sein même que vous êtes parti pour aller à Dieu : du haut du ciel, regardez-la aussi comme votre patrie.

 

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Apologétique

29 Janvier 2020 , Rédigé par Ludovicus

Apologétique

LA DIVINITÉ DE JÉSUS-CHRIST PROUVÉE CONTRE LES JUIFS ET LES GENTILS.

  1. La plupart des hommes, soit paresse, préoccupation de leurs affaires, ou peut-être ignorance, aiment peu les longs discours. J'ai donc cru nécessaire de leur épargner l'ennui que cause la prolixité; je veux, à force de concision, ôter toute raison d'être à la paresse, inspirer, s'il se peut, le goût de la lecture à ceux qui en sont le plus privés, et les amener â suivre avec intérêt l’œuvre que j'entreprends. Laissant de côté toutes les parures du langage, j'emploierai des expressions tellement simples et faciles qu'elles soient à la portée des domestiques, des serviteurs, des veuves, des trafiquants, des matelots et des cultivateurs, je m'efforcerai de faire disparaître partout les longueurs, autant que possible et d'instruire en peu de mots; aussi simple que court, je réveillerai de leur assoupissement mes lecteurs les plus endormis; ils liront ce traité facilement et sans aucun effort, et en retireront du profit en le gravant dans leur mémoire.

C'est avec les Gentils que j'engage d'abord le combat. Je suppose donc qu'un païen me dise : Où sont les preuves de la divinité de Jésus-Christ? (car voilà ce qu'il faut établir d'abord, et ce point établi, tout le reste en découle,) ni le ciel, ni le reste de la création ne pourront me servir à prouver cette vérité. En effet, j'aurai beau alléguer à mon adversaire païen, que Jésus-Christ a créé le ciel et la terre et la mer il ne l'admettra pas. Lui dirai-je que Jésus-Christ a ressuscité les morts, guéri les aveugles, chassé les démons : il n'y croira pas davantage. Lui parlerai-je du royaume céleste et des ineffables biens que Jésus-Christ promet aux hommes; raisonnerai-je sur la résurrection: bien loin que ces arguments le convainquent, il ne fera qu'en rire. Par où donc le saisir pour l'amener à notre foi, surtout s'il est ignorant? Par où, sinon par un fait, sur lequel lui et moi, nous soyons pleinement et incontestablement d'accord, et sur lequel il n'existe aucune incertitude. Ce fait encore une fois ne peut-être la création du monde, puisqu'il n'admet pas que Jésus-Christ en soit l'auteur. Quelle est donc l'oeuvre, qui, de l'aveu même du païen, a pour auteur Jésus-Christ? C'est la fondation du Christianisme. Ces Églises établies sur toute la surface de la terre, à qui doivent-elles leur origine? à Jésus-Christ, personne ne saurait le nier, pas même un païen.

C'est de ce fait que nous partirons pour montrer la puissance et prouver la divinité de Jésus-Christ. Est-ce un homme qui aurait pu en si peu de temps et malgré des oppositions de toute nature pénétrer le monde de sa pensée, l'élever à de si grandes choses, quand ce monde était engagé depuis tant de siècles, et si profondément dans l'erreur et le mal? Cette liberté des enfants de Dieu, il l'a rendue non seulement aux Romains, mais aux Perses et aux Barbares. Et il a réussi dans cette entreprise sans recourir aux armes, sans dépenser d'argent, sans mettre d'armées en mouvement, sans allumer de guerres, mais, au moyen de onze hommes sans nom, sans importance, illettrés, grossiers, pauvres, mal vêtus, sans armes, sans chaussures, n'ayant qu'une tunique. A quoi a-t-il réussi? À persuader aux hommes de tant de nations d'appliquer leur esprit, non seulement aux choses présentes mais encore aux choses futures; de déchirer les lois paternelles, d'extirper des coutumes très anciennes et très profondément enracinées, en implanter d'autres à leur place, de quitter un genre de vie commode, pour embrasser les sévérités, les austérités de la loi évangélique; voilà à quoi il a réussi, et cela pendant que de toutes parts on se déchaînait contre lui, et après avoir enduré le supplice infâme de la croix, et une mort ignominieuse. Personne n'osera le nier, les Juifs ont crucifié Jésus-Christ, ils ont fait ce qu'ils ont pu pour arrêter son œuvre, et cependant l'Évangile s'est répandu sur la terre, il grandit chaque jour, et chose prodigieuse, ce n'est pas seulement ici qu'il fleurit, mais jusque dans la Perse, qui donne présentement à l’Église des essaims de martyrs. Ces peuples que la prédication évangélique a trouvés plus féroces que des loups, elle les a rendus plus doux que des agneaux; et maintenant ces Barbares méditent sur l'immortalité de l'âme, sur la résurrection, et sur les biens ineffables dont nous avons reçu l'espérance.

2. Ce n'est pas simplement dans les villes que ces succès ont été obtenus, mais jusque dans le désert, dans les villages et dans les champs et dans les Iles et dans les ports et dans les arsenaux maritimes; non seulement les pauvres, mais les grands, et ceux mêmes qui portent couronnes sont les sujets très fidèles du Crucifié. Tout cela ne s'est pas fait au hasard, mais a été prédit longtemps d'avance, je vais essayer de le démontrer. Pour qu'on ne suspecte pas la sincérité de ma parole, je produirai les livres des Juifs qui ont crucifié Jésus-Christ, et je parcourrai sous les yeux des infidèles, les témoignages que rendent les Écritures conservées aujourd'hui même encore chez ce peuple.

Voici d'abord Jérémie, qui nous dit que Dieu sera homme sans cesser d'être Dieu : C'est lui qui est notre Dieu; devant lui un autre sera compté pour rien. Il a trouvé toutes les voies de la science, et il les a livrées à Jacob, son serviteur, et à Israël, son bien-aimé. Après cela, il a été vu sur la terre, et il a conversé avec les hommes. (Baruch, III, 36-38.) Voilà tout le mystère du Dieu fait homme énoncé en peu de mots : Dieu s'est fait homme, il a conversé avec les hommes, et ce Dieu est le même qui a établi l'ancienne loi : Il a trouvé toutes les voies de la science, et il les a livra à Jacob, son serviteur, et à Israël, son bien-aimé. Ceci montre que, avant même son avènement dans la chair, c'est lui qui gouvernait et réglait tout, lui qui étendait sur tout ses lois, sa providence, sa surveillance, et ses bienfaits.

Un autre prophète dit que non seulement il sera homme, mais qu'il naîtra d'une vierge; écoutez ses paroles : Voilà qu'une vierge portera dans son sein et enfantera un fils, et on lui donnera le nom d'Emmanuel (Is. VII, 14); ce qui se traduit : Dieu avec nous. Ensuite pour montrer qu'il n'aurait pas seulement les apparentes de l'humanité, mais qu'il serait réellement homme, le Prophète ajoute : Il mangera le beurre et le miel, c'est-à-dire, il usera des mêmes aliments que les enfants ordinaires. Puis, pour signifier qu'il n'est pas simplement homme, mais Dieu, le Prophète continue en ces termes : Avant l'âge auquel un enfant a coutume d'appeler son père bon ou mauvais, c'est-à-dire de discerner le bien et le mal, il repoussera le mal, et choisira le bien. (Is. VII, 16)

Non seulement le Christ sera homme et naîtra d'une vierge, mais il sortira de la maison de David, c'est encore le prophète Isaïe qui le prédit. Quoiqu'énoncée en termes figurés et métaphoriques, sa prophétie n'en est pas moins  d'une précision remarquable : Il sortira un rejeton de la tige de Jessé, et une fleur naîtra de sa racine; et sur lui se reposera l'esprit de Dieu, l'esprit de sagesse et d'intelligence, l'esprit de conseil et de force, l'esprit de science et de piété; l'esprit de la crainte de Dieu le remplira. (Is. XI, 1-3) Or, David eut Jessé pour père, ce n’est donc pas seulement la tribu, mais encore la famille d'où devait sortir le Christ qui se trouve ici marquée : Il sortira un rejeton de la racine de Jessé, paroles qui ne désignent pas un rejeton ordinaire, mais le Christ lui-même et sa royauté. Ce qui suit nous le fait voir. Car, après avoir dit : Il sortira un rejeton, le Prophète ajoute : Et sur lui se reposera l'esprit de sagesse et d'intelligence. Or, personne ne sera assez insensé pour dire que la grâce de l'esprit est venue sur du bois, non, rien n'est plus clair : c'est sur ce temple sans tache qu'elle est descendue. Le Prophète ne dit pas : l'esprit viendra, mais : il se reposera, pour marquer qu'une fois venu, il est resté et ne s'est point retiré. Jean l'Évangéliste le déclare également. J'ai vu, dit-il , l'Esprit descendre comme une colombe, et rester sur lui. (Jn, I, 32.) La décision donnée par les Juifs après la naissance de Jésus-Christ n'a pas été non plus passée sous silence. Saint Matthieu dit à ce sujet : A cette nouvelle Hérode fut troublé, et toute la ville de Jérusalem avec lui. (Mt. II, 3.) A coté de l'Évangéliste écoutez le Prophète; après avoir dit que les instruments de guerre deviendront la pâture de la flamme, il dit : Car un petit enfant nous est né et un fils nous a été donné; il sera appelé l'ange du grand conseil, le conseiller admirable, Dieu fort, le maître, le prince de la paix, le père du siècle futur. (Is. IX, 5-6) Si porté que l'on soit à la contestation, personne n'osera soutenir qu'il s'agit ici d'un pur homme, tant il est évident qu'aucun homme n'a jamais été appelé le Dieu fort, ni le prince de la paix, surtout d'une paix semblable : Sa paix, est-il dit, n'a pas de limite. (Ibid. 7.) Les faits ne parlent pas autrement que le Prophète, la paix du Sauveur a parcouru toute la terre et toute la mer, tout le monde habité et tous les déserts, les montagnes, les vallées, les collines, depuis ce jour où, près de remonter aux cieux , Jésus-Christ disait à ses disciples : Je vous donne ma paix, ce n'est pas comme le monde la donne, que je vous la donne. (Jn, XIV, 27) Pourquoi? Parce que la paix des hommes se rompt aisément et qu'elle est sujette à beaucoup de vicissitudes, tandis que la paix de Jésus-Christ est ferme, stable, fixe, constante, immortelle, sans fin, malgré les innombrables combats qu'on lui livre de toutes parts, malgré les fréquentes embûches qu'on lui tend chaque jour. Sa parole, créatrice de toutes choses, ajoute cette merveille à tant d'autres.

3. Non seulement les prophètes ont annoncé que le Christ serait homme, ils ont aussi prédit les circonstances de son avènement. Jésus-Christ ne devait pas, à son approche, lancer la foudre et les éclairs, secouer la terre, ébranler les cieux, accomplir d'épouvantables prodiges. Sans bruit et à l'insu de tous il a vu le jour dans la demeure d'un artisan, dans une obscure boutique. David l'a su et il l'a prédit, écoutez ses paroles : Il descendra comme la pluie sur la toison (Ps. LXXI, 6) : frappante image de son avènement tranquille et paisible ! C'est peu, écoutez encore un autre prophète dire la douceur, la mansuétude de sa conversation avec les hommes. Les injures, les crachats, les outrages, l'ignominie, la flagellation, le supplice de la croix enfin, il a tout supporté avec patience et douceur, il n'a tiré vengeance d'aucun de ces crimes, ni des opprobres, ni des embûches, ni de la fureur insensée, ni des attentats de ce peuple; or, tous ces faits, le Prophète les rappelle : Il ne brisera pas le roseau cassé, dit-il, et il n'éteindra pas la mèche qui fume encore, jusqu'à ce qu'il rende son jugement pour le triomphe de la vérité; et les nations mettront en lui leur espoir.

Un autre prophète indique de la sorte le lieu de sa naissance : Et toi Bethléem, terre de Juda, tu n'es pas la plus petite entre les principales villes de Juda, car de toi sortira le chef qui conduira Israël mon peuple, et dont la génération est dès le commencement, depuis les jours de l'éternité. (Mi. V, 2) Ce prophète nous prouve tout à la fois et la divinité du Christ et son humanité. Par ces paroles : Sa génération est dès le commencement, depuis les jours de l'éternité, il montre que son existence est avant les siècles, et par ces autres De toi sortira le chef qui conduira Israël mon peuple, il marque sa génération selon la chair. Mais ici encore brille une autre prophétie. Non seulement Jésus-Christ naîtra, mais le lieu où il prendra naissance, chétive bourgade jusque-là, deviendra une ville illustre. C'est le même prophète qui le dit : Tu n'es pas la plus petite  entre les principales villes de Juda. Maintenant en effet, le monde entier accourt voir Bethléem où Jésus-Christ a été déposé à sa naissance, et aucune autre cause n'y attire.

Le temps de son avènement a aussi été annoncé par un autre prophète : Il ne cessera d'y avoir un prince de Juda, ni un chef de sa postérité, jusqu'à ce que vienne celui qui doit venir, et celui-là même sera l'attente des nations il attachera son ânon à la vigne, et le petit de son ânesse; il lavera sa robe dans le vin, et son manteau dans le sang dit raisin; ses yeux ont plus de charme que le vin, et ses dents sont plus blanches que le lait. (Gn. XLIX, 10-12) Considérez l'admirable accomplissement de cette prophétie. Lorsque Jésus-Christ vint, il n'y avait plus de princes de Juda, la nation était sous le sceptre des, Romains; ainsi s'accomplissait ce que dit le Prophète : Il ne cessera d'y avoir un prince de Juda ni un chef de sa postérité, jusqu'à ce que vienne celui qui doit venir, paroles qui conviennent parfaitement à Jésus-Christ. A sa naissance, en effet, et au temps de ce premier dénombrement, les Romains dominaient sur la nation des Juifs et les avaient assujettis au joug de leur empire. Ces autres paroles ont aussi leur signification : Et il sera !'attente des nations ; ce qui est arrivé, puisque, à sa venue, il a attiré toutes les nations.

Après sa naissance, Hérode, pour l'atteindre, devait mettre à mort tous les enfants qui étaient à Bethléem et aux environs. Ce fait n'a pas été omis par les prophètes, voici en quels termes il est annoncé longtemps d'avance : Une voix a été entendue dans Rama; c'étaient des gémissements, des pleurs et de grands cris; Rachel pleurait ses enfants et ne voulait pas de consolation, parce qu'ils ne sont plus. (Jr. XXXV, 15) Son retour de l'Égypte a été pareillement annoncé par ces paroles : J'ai rappelé mon fils de l'Égypte. (Os, XI, 1.) Il devait venir dans des contrées célèbres, il devait y accomplir des miracles et y répandre sa doctrine. Cette circonstance a été également prédite ; écoutez ce que dit Isaïe : Le pays de Zabulon, la terre de Nephthali, peuple assis dans les ténèbres, a vu une grande lumière; le jour s'est levé sur ceux qui étaient assis dans les ténèbres et assis dans l'ombre de la mort. (Is. IX, 1.) Ainsi est annoncée sa présence dans ces contrées, et son enseignement dont les auditeurs voient la preuve dans les prodiges qu'il accomplit. Le même prophète rapporte encore d'autres miracles, et nous le montre guérissant les boiteux, rendant la vue aux aveugles et la parole aux muets : Alors, dit-il, seront ouverts les yeux des aveugles, et les oreilles des sourds entendront. (Is. XXXV, 5.) Puis il ajoute : Le boiteux bondira comme le cerf, et la langue des bègues sera déliée (Ibid. 6) ; ce qui ne s'était jamais vu avant son avènement.

Il est même quelques miracles dont les écrits prophétiques font une mention particulière. Ainsi Jésus-Christ entra un jour dans le temple, et les enfants à la mamelle dont la bouche ne profère encore que des sons confus, chantèrent en son honneur des hymnes sacrées et s'écrièrent : Hosanna au plus haut des cieux! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! (Mt. XXI, 9) Longtemps à l'avance le Prophète avait ainsi prédit ce miracle : De la bouche des enfants et de ceux qui sont à la mamelle vous avez tiré une louange parfaite, pour confondre votre ennemi et celui qui cherche la vengeance. (Ps. VIII, 3.) Admirez comment la nature se fait violence à elle-même pour louer son auteur, et comment l'innocence de cet âge où l'on ne peut encore articuler les sons se charge de la prédication apostolique ?

4. Jésus-Christ s'entretenant avec les Juifs leur parlait souvent à mots couverts et en paraboles, à cause de leur méchanceté ; son discours était comme une énigme : ceci encore a été prédit anciennement : Je proposerai des questions qui sont à l'état de problème depuis la fondation dit monde, et je rapporterai des vérités cachées dès le principe. (Ps. LXXVII, 2.) Un prophète avait depuis longtemps publié la sagesse qui brillait dans ses discours : La grâce, dit-il, est répandue sur vos lèvres (Ps. XLIV, 3) ; et un autre encore avait dit : Voilà que mon fils aura l'intelligence, il sera grand, illustre, sublime. (Is. LII, 13.) Les actions admirables et les miracles que son avènement a opérés sont rappelés sommairement dans ces autres paroles du même prophète : L'Esprit du Seigneur est sur moi; c'est pourquoi il m'a donné son onction, il m'a envoyé évangéliser les pauvres, annoncer la liberté aux captifs, et aux aveugles le rétablissement de la vue. (Is. LXI, 1) Les Juifs, malgré tant de bienfaits qu'ils ont reçus de lui, le repousseront sans motif, puisqu'ils n'ont absolument aucun reproche à lui faire; cet aveuglement est prédit par David ; voici son oracle : Avec ceux qui haïssent la paix j'étais pacifique; quand je leur parlais, ils s'élevaient contre moi sans sujet. (Ps. CXIX, 7) Il entrera dans la ville, monté sur un âne; Zacharie l'a publié depuis longtemps : Sois comblée de joie, dit-il, fille de Sion; pousse des cris, fille de Jérusalem : voici ton roi qui vient à toi, plein de douceur, monté sur une bête de somme et son jeune poulain. (Za. IX, 9) Il a chassé les marchands de colombes et les changeurs. Son zèle pour la maison du Seigneur le portait à agir de la sorte, et il montrait en même temps qu'il n'est pas opposé à Dieu, mais qu'il est d'accord avec le Père; il a donc vengé l'injure qu'un tel trafic faisait à sa maison. Cette action n'est pas restée dans l'ombre plus que les autres, mais le prophète David l'a signalée, et il nous a même indiqué le motif d'une telle vengeance par ces paroles : Le zèle de votre maison me dévore. (Ps. LXVIII, 10) Peut-on imaginer rien de plus clair ?

Il devait être trahi, et le traître était un homme qui mangeait à sa table. Écoutez le même prophète nous annoncer ce triste événement : Celui qui mangeait mon pain a fait éclater sa trahison contre moi. (Ps. XL, 10) Remarquez l'accord du récit évangélique avec ces paroles : Celui qui a mis la main au plat avec moi, dit Jésus-Christ, celui-là me trahira. (Mt. XXVI, 23) Non content de trahir, le traître devait vendre le sang précieux à prix d'argent; le Prophète le dit, il rapporte ce marché honteux et les paroles échangées. Que voulez-vous me donner, dit Juda, et je vous le livrerai? Ils répondirent : Trente pièces d'argent. C'est à cela que le Prophète fait allusion quand il dit : O Dieu, ne taisez pas ma louange, parce que la bouche du pécheur et la bouche de l'homme trompeur se sont ouvertes pour me nuire. (Ps. CVIII, 1) Ce traître enfin, bourrelé par le souvenir de son attentat, jeta les pièces d'argent, courut se pendre et termina ainsi ses jours, laissant sa femme veuve, ses enfants orphelins et sa maison déserte. Entendez avec quels accents pathétiques le Prophète raconte ce tragique événement : Que ses enfants deviennent orphelins, dit-il , et que sa femme devienne veuve; que ses enfants errent vagabonds d'un lieu à l'autre, et qu'ils soient chassés de leurs demeures! (Ps. CVIII, 9, 10)

Matthias reçut dans l'apostolat la place laissée vacante par le traître. Le même prophète l'avait annoncé : Qu'un autre, dit-il, reçoive son épiscopat. (Ibid. 8.) Quand Jésus-Christ, eut librement consenti à être trahi et qu'on se fut saisi de sa personne, il se forma un tribunal d'iniquité, composé de Juifs et de Gentils. Voyons encore comment ce fait est prédit par le Prophète : Pourquoi, dit-il, les nations ont-elles frémi, et les peuples ont-ils médité de vains complots ? (Ps. II, 1) C'est peu encore; il n'est pas jusqu'au silence dans lequel il se renferma, au milieu d'une infinité de discours et d'accusations, qu'Isaïe n'ait annoncé par ces paroles : Il a été conduit à la mort comme une brebis ; et comme un agneau muet sous la main de celui qui le tond, il n'a pas ouvert la bouche. (Is. LIII, 7) Le Prophète montre ensuite l'iniquité de la sentence : Une sentence a été portée contre son humilité; c'est-à-dire que les juges n'ont pas prononcé cette sentence selon l'équité. Nous voyons encore le Prophète indiquer la cause de son immolation. Ce n'est pas à cause de ses péchés, il était innocent et irrépréhensible, c'est pour les crimes du monde entier qu'il a été livré. Isaïe insinue lui-même cette double considération quand il dit de Jésus-Christ : Il n'a pas commis de péchés, et la fraude n'a pas été trouvée sur ses lèvres. (Is. LIII, 5) Poussant encore plus loin, le Prophète veut nous faire connaître le profit que nous avons retiré de la croix et de ce sacrifice; voici l'oracle qu'il prononce : Nous étions tous errants comme des brebis; l'homme s'était égaré de son chemin : le châtiment, cause de notre paix, est tombé sur lui; nous avons tous été guéris par ses meurtrissures. (Is. LIII, 6) Enfin, la même prophétie nous signale ainsi la peine qui devait être infligée aux Juifs pour tous leurs attentats : Je lui donnerai les impies pour prix de sa sépulture, et les riches en échange de sa mort. (Ib. 9) David ayant dit à son tour : Rejetons de nous leur joug, ajoute : Celui qui habite dans les cieux se rira d'eux; alors, il leur parlera dans sa colère, et dans sa fureur il, les remplira de trouble. (Ps. II, 3) Leur dispersion dans le monde entier est prédite par ces paroles. Mais Jésus-Christ lui-même nous fait connaître dans l'Évangile la peine qui les attend : Pour ceux qui n'ont pas voulu m'avoir pour roi, qu'on les amène ici, est-il écrit, et qu'on les immole. (Lc. XIX, 27)

Après avoir parlé du sacrifice, les prophètes n'ont pas oublié de dire la manière dont il s'est accompli, et David a donné ces détails : Ils ont percé mes mains et mes pieds, ils ont compté tous mes os. (Ps. XXI,17, 18) Quant à l'iniquité commise par les soldats après qu'ils eurent attaché Jésus à la croix, il en est fait aussi mention dans ces autres paroles du Psalmiste : Ils se sont partagé mes vêtements, et ils ont jeté le sort sur ma robe. (Ps. XXI, 19)

Sa sépulture est annoncée par ces autres paroles du même prophète : On m'a mis dans une fosse profonde, dans des lieux ténébreux et dans l'ombre de la mort. (Ps. LXXXVII, 7) Voici encore comment David prédit sa résurrection : Vous ne laisserez pas, dit-il, mon âme en enfer, et vous ne souffrirez pas que votre saint endure la corruption. (Ps. XV, 10) Isaïe en parle aussi en d'autres termes : Le Seigneur veut le guérir de sa blessure, lui montrer la lumière, justifier le juste qui a été utile à un grand nombre. (Is. LIII, 10, 11) Puis, dans une série de prophéties, il nous montre tout aussi clairement l'expiation des péchés des hommes par le sacrifice de Jésus-Christ : Il a porté lui-même les péchés de plusieurs (Ibid. 12) ; les hommes délivrés des démons : Il distribuera les dépouilles du fort; la mort de l'Homme-Dieu, principe de ce pouvoir : Parce qu'il a été livré à la mort (Ibid.) ; enfin, son empire établi sur le monde entier : Il possédera par héritage une grande multitude. (Ibid.)

Quand le Libérateur descendit aux enfers, il remplit tout de trouble, c'était un tumulte, une confusion universelle, et la forteresse fut démolie. Les prophètes n'ont pas oublié cet événement, écoutez plutôt ce que crie David : Princes, ouvrez vos portes; ouvrez-vous, portes éternelles, et le Roi de gloire entrera. (Ps. XXIII, 7.) Isaïe en parle aussi de la sorte : Je briserai les portes d'airain et je romprai les verrous de fer; je vous découvrirai des trésors enfouis dans les ténèbres, et je vous montrerai des trésors cachés, invisibles. (Is. XLV, 2.) C'est l'enfer que le Prophète appelle ainsi; car, tout enfer qu'il était, il contenait les saintes âmes et les vases précieux, Abraham, Isaac et Jacob. Voilà pourquoi Isaïe lui donne le nom de trésors, mais trésors enfouis dans les ténèbres, parce que le soleil de justice n'y avait pas encore répandu l'éclat de sa lumière ni l'annonce de la résurrection. Et quand cette résurrection sera accomplie, le Fils de l'homme n'ira pas prendre place parmi les anges ni les archanges, ni aucunes autres puissances subordonnées, mais il s'assiéra sur le trône royal;

nous l'apprenons encore de David dont voici les paroles : Le Seigneur a dit à mon Seigneur : Asseyez-vous à ma droite jusqu'à ce que je mette vos ennemis comme un escabeau sous vos pieds. (Ps. CIX, 1)

5. La mission des apôtres a aussi été prédite par Isaïe : Qu'ils sont beaux, s'écrie-t-il, les pieds de ceux qui annoncent l'Évangile de paix, qui annoncent les vrais biens ! (Is. LIT, 7.) Leurs pieds devaient les porter partout, voilà pourquoi ils sont l'objet de la louange du Prophète. David, en outre, nous fait connaître leurs moyens de succès : Le Seigneur, dit-il, donnera la parole à ceux qui annoncent l'Évangile avec une grande puissance. (Ps. LXVII, 12) Ce n'est pas, en effet, par les armes, ni par l'argent, ni par la force corporelle, ni par de nombreuses armées que les apôtres ont remporté la victoire, il leur a suffi de la parole, parole rendue puissante, par l'éclat des miracles. Ils ont prêché le Crucifié, ils ont opéré des miracles, et le monde a été soumis. Voilà pourquoi le Prophète dit : Le Seigneur donnera la parole à ceux qui annoncent l'Évangile avec une grande puissance, appelant de ce nom les miracles. Prodigieuse puissance, en vérité ! A la voix d'un pêcheur, d'un publicain, d'un fabricant de tentes, les morts ressuscitent, les démons sont chassés, la mort est mise en fuite, les philosophes se taisent, les rhéteurs sont muets, les rois, les princes sont vaincus, les Barbares, les Grecs, toute nation obéit. Pouvait-il mieux dire? Par cette parole, par cette grande puissance sont accomplies toutes ces merveilles : les morts revivent, les pécheurs sont justifiés, les aveugles voient, les corps malades, les âmes corrompues reviennent à la santé.

D'où leur venait donc cette puissance, sinon du Saint-Esprit, comme le déclarent ces paroles : Ils étaient remplis du Saint-Esprit (Ac. II, 4); et tous prophétisaient, les hommes en même temps que les femmes. Sur chacun d'eux se reposèrent comme des langues de feu : prodige que dès longtemps Joël avait vu et prophétisé: Je répandrai de mon Esprit sur toute chair, dit-il, vos fils prophétiseront, vos filles auront des visions, et vos jeunes gens, des songes; je le répandrai sur mes serviteurs et sur mes servantes, avant que brille dans tout son éclat le grand jour du Seigneur. (Jl, II, 28.) Ce qu'il appelle le grand jour, le jour brillant, c'est le jour du Saint-Esprit, et ensemble celui qui doit éclairer les grandes et dernières assises. La foi est la condition du salut. Cette vérité n'a pas été oubliée plus que les autres, et le même prophète s'en souvient quand il dit : Et alors quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé. (Ibid. 32.)

6. Le Christ envoie des prédicateurs par toute la terre, et il n'est personne à qui il ne soit donné d'entendre la prédication. C'est David qui l'annonce, écoutez cet oracle : Le son de leur voix a retenti par toute la terre, et leur parole est parvenue jusqu'aux extrémités du monde. (Ps. XVIII, 5) Ailleurs, il nous les montre prêchant avec autorité, et surpassant en puissance ceux mêmes qui portent la couronne : Vous les établirez princes, dit-il, sur toute la terre. (Ps. XLIV, 17) L'événement a confirmé la prophétie : Pierre et Paul sont plus grands que les rois et les princes. Car, tandis que les rois survivent souvent aux lois qu'ils ont portées, les lois de ces pêcheurs leur survivent dans une invariable stabilité, et défient tous les efforts réunis des démons, de la coutume, du vice, de la volupté et d'une infinité d'autres adversaires. Aucun roi ne sera jamais désiré avec autant d'ardeur que ces pêcheurs devenus des princes. Nous en avons pour garant le même prophète qui ajoute : Aussi tous les peuples publieront-ils éternellement vos louanges (Ibid. 18.), c'est-à-dire vous rendront grâces et vous témoigneront beaucoup de reconnaissance pour leur avoir donné de tels princes. La prédication étendra partout ses conquêtes , les prophètes nous l'affirment également. Écoutez ce que dit David : Demande-moi et je te donnerai les nations en héritage, et j'étendrai ta possession jusqu'aux extrémités de la terre. A cette attestation vient se joindre la déclaration identique d'un autre prophète : La terre entière, dit-il, sera remplie de la science de Dieu, comme les bassins des mers sont couverts par l'abondance des eaux. (Is. XI, 9) Entendez annoncer aussi la docilité avec laquelle le monde s'est soumis : Il ne faudra plus que chacun enseigne son prochain, et que chacun enseigne son frère, en lui disant : Connais le Seigneur; car tous me connaîtront parmi eux depuis le plus petit jusqu'au plus grand. (Jr. XXXI,  34)

L’Église est solidement établie, voici ce qui le prouve : En ces derniers jours, on apercevra la montagne du Seigneur et la maison du Seigneur sur le sommet des montagnes; elle sera élevée au-dessus des collines, et les peuples et les nations s'y rendront en foule. (Is. II, 2.) C'est peu qu'elle soit solide, stable, inébranlable; par elle une grande paix sera établie dans tout l'univers, les républiques et les monarchies tomberont, et tous seront soumis à un seul empire où régnera une paix presque générale, inconnue jusque-là. Dans l'antiquité, tous les artisans même et les rhéteurs portaient les armes et prenaient part aux combats, mais depuis l'avènement de Jésus-Christ rien de semblable ne se voit plus, la guerre est moins fréquente et moins farouche. Un prophète l'a dit : Ils briseront leurs glaives pour en faire des socs de charrue, et leurs lances pour en faire des faux, un peuple ne tirera plus l'épée contre un peuple, et ils ne s'exerceront plus au combat. (Ibid. 4) Auparavant tous s'y exerçaient, maintenant tous ont oublié cet art, la plupart même ne l'ont pas appris, et s'il en est encore qui le pratiquent, c'est un petit nombre et à de rares intervalles, tandis qu'autrefois, l'insurrection était en permanence chez toutes les nations.

La prophétie nous indique ensuite les éléments qui devaient former l’Église. A des hommes polis, doux et bons, d'autres viendront se joindre, farouches, inhumains, semblables par leurs moeurs à des loups, à des lions, à des taureaux, et de tous doit se former une seule Église, un seul troupeau dont le Prophète dépeint ainsi la variété : Alors le loup paîtra avec l'agneau. (Is. XI, 6.) Nous apprenons par ces paroles que les rois observeront les règles de la tempérance et de la douceur. Il ne s'agit pas de bêtes féroces, évidemment. Quand donc s'est réalisée cette prophétie? Que le Juif le dise: A-t-on jamais vu le loup paître avec l'agneau? Et dût-on le voir, quelle utilité en reviendrait-il au genre humain? Il s'agit d'hommes aux moeurs farouches, des Scythes, des Thraces, des Maures, des Indiens, des Sarmates, des Perses. Voilà les nations qui toutes doivent être assujetties au même joug, comme le déclare un autre prophète : Et ils le serviront sous un même joug, et ils l'adoreront chacun dans le lieu où il sera. (So. III, 9) Ce n'est donc plus seulement à Jérusalem que l'on peut servir Dieu, mais aussi bien sur tous les autres points du monde; désormais aucune loi n'oblige plus les hommes à aller à Jérusalem; mais chacun, sans sortir de son pays, peut rendre à Dieu le culte qui lui est dû.

7. Les Juifs devaient être rejetés; cette réprobation n'a pas été passée sous silence, et le Prophète en parle en ces termes : Voici que la porte sera fermée sur vous, et vous n'allumerez plus vainement le feu sur mon autel. (Ml. I, 10.) Voici ensuite à qui sera confié désormais ce ministère. Depuis le levant jusqu'au couchant, continue la prophétie, mon nom est glorifié parmi les nations, et en tout lieu on m'offre un encens et une victime pure. ( Ibid.11) Apercevez-vous la grandeur et l'excellence de ce culte? Et le changement accompli, le comprenez-vous ? Comprenez-vous que ce n'est pas le lieu mais la sainteté de la vie, que ce n'est pas la fumée ni l'odeur des viandes rôties mais un culte différent qui fait l'essence de ce ministère ? Et comment, dira quelqu'un, les apôtres ont-ils attiré tant de nations? Comment ne parlant qu'une seule langue, la langue des Juifs, ont-ils pu convaincre et le Scythe et l'Indien et.le Sarmate et le Thrace? C'est qu'ils avaient reçu du Saint-Esprit le don de la pluralité des langues. Voilà qui explique la conversion des Gentils, mais pour Israël à quoi a servi le don des langues? Le miracle de cette grâce n'a pas suffi pour attirer les Juifs. Écoutez le Prophète qui l'assure : Je parlerai à ce peuple en différentes langues et par d'autres lèvres, et même alors ils ne m'écouteront pas, dit le Seigneur. (Is. XXVIII, 11) Peut-on rien concevoir de plus évident? Les Juifs seront incrédules et les Gentils accourront; ce fait aussi a été prédit. C'est Isaïe qui le publie, écoutez encore ses paroles : Ceux qui ne me cherchent pas m'ont trouvé, et je me suis fait voir à ceux qui ne me demandent . pas. A une nation qui n'invoquait pas mon nom, j'ai dit : Me voici. » (Is. LXV, 1) Mais pour Israël : Tout le jour j'ai étendu les mains vers un peuple incrédule et contradicteur. (Ibid. 2.) Et encore : Nous lui avons donné des avis comme à un enfant; il est comme une racine dans une terre desséchée. (Ib. LIII, 2) Et encore : Seigneur, qui a cru à ce que nous rapportions, et à qui le bras du Seigneur a-t-il été révélé? (Ibid. 1.) Il ne dit pas : A notre enseignement, pour montrer que les apôtres ne parlaient pas d'eux-mêmes, mais qu'ils rapportaient ce que Dieu leur avait appris.

Moïse proclame la prééminence de notre religion, et l'obligation de la préférer au judaïsme : Je les piquerai de jalousie, dit-il, en aimant ce qui n'était pas un peuple, et je les irriterai en leur préférant une nation insensée. (Dt. XXXII, 21) Par ces expressions : ce qui n'était pas un peuple, il montre quelle était autrefois toute la bassesse de la gentilité, il ne la regarde pas même comme un peuple, tant elle était vile, extravagante, insensée. Mais tel est le changement opéré par la foi, ceux qui ne formaient pas même un peuple sont aujourd'hui bien plus honorés que ceux qui étaient comblés d'honneur. Voilà ce qui devait piquer les Juifs et les rendre meilleurs, comme le montre ce qui précède. Moïse dit bien : Je donnerai la préférence à ceux-ci, mais il ne s'en tient pas là et il nous fait voir aussi dans les autres une correction quelconque, fruit de la jalousie. Je vous piquerai de jalousie, dit-il, en aimant ce qui n'était pas un peuple. C'est comme s'il disait : Je les comblerai de tant de biens que vous en deviendrez jaloux et en serez piqués. Les Juifs sont donc ainsi devenus meilleurs. Ils avaient vu la mer partagée, les rochers fendus, des changements dans l'air et tant d'autres merveilles, et ils n'en immolaient pas moins leurs enfants, ils se consacraient au culte de Béelphégor et s'adonnaient à la magie; mais nous nous sommes approchés et notre religion a paru bien plus vénérable que la leur, dès lors ils ont été piqués de jalousie, ils se sont améliorés et ont mis des bornes à leurs crimes. Ainsi, le changement que la parole des prophètes, que la vue des prodiges n'avaient pu opérer, leur jalousie excitée contre nous l'a accompli. Il n'est plus personne aujourd'hui parmi eux qui immole ses enfants, personne qui coure aux idoles ou adore un veau.— Le nom de la sainte virginité n'est pas même prononcé dans l'Ancien Testament, mais elle devait briller dans le Nouveau, et voici David qui le prédit : Des vierges seront amenées au roi après elle, on les conduira dans le temple du roi. (Ps. XLIV, 16) Il n'est pas jusqu'au nom des prêtres, des évêques, que le Prophète ne connaisse. J'établirai vos princes dans la paix, dit-il, et vos évêques dans la justice. (Is. LX, 17)

8. Jésus-Christ doit venir demander au genre humain, et surtout aux Juifs, un compte rigoureux. Prêtez l'oreille, et vous entendrez comment ce fait est prédit par David et Malachie. Ce dernier s'exprime de la sorte : Il est entré comme un creuset, comme l'herbe des foulons, et il purifiera l'argent et l'or. (Ml. III, 3) La pensée de Paul est la même, il écrit : Ce jour le montrera, parce qu'il se découvre par le feu. (I Cor. III, 13) Et David : Dieu viendra manifestement. (Ps. XLIX, 3) C'est le second avènement que proclame le Psalmiste, le premier s'est accompli avec de grands abaissements, il n'en sera pas ainsi de l'autre. Prompt comme l'éclair, cet avènement sera plein d'épouvante et d'horreur, les anges voleront partout annoncer l'arrivée du Juge, à qui rien n'échappera. Comme un éclair part de l'orient et apparaît jusqu'à l'occident, ainsi sera l'avènement du Fils de l'homme. (Mt. XXIV, 27) Lui-même, sans avoir besoin de héraut, déclare ainsi de quelle splendeur il sera environné. Tel est le sens de cette parole de David : Dieu viendra manifestement. (Ps. XLIX, 3) Décrivant ensuite le jugement à venir, le Prophète ajoute : Un feu brûlera devant sa face, et une violente tempête l'environnera. (Ibid.) Voilà pour les supplices que ce dernier jour réserve aux pécheurs; la magnificence du spectacle attire maintenant l'attention du Prophète: Il appellera le ciel d'en haut, dit-il, et la terre pour faire le discernement de son peuple. (Ibid. 4) Par la terre il entend le genre humain tout entier, et dans le genre humain, sa pensée comprend la race juive, puis il ajoute : Assemblez devant lui tous ses saints qui ont fait alliance avec lui pour lui offrir des sacrifices, et les cieux annonceront sa justice, car Dieu lui-même est juge. (Ibid. 5)

 

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A son premier avènement, le Christ devait exclure de son culte et rejeter les anciens sacrifices en faveur du nôtre. Ce changement encore a été prédit, écoutez en quels termes. Je n'ai plus voulu ni sacrifice ni oblation, mais vous m'avez approprié un corps. (Ps. XXXIX, 7) Le Psalmiste le dit aussi ailleurs : J'ai été servi par un peuple que je ne connaissais pas; il a obéi à la parole qu'il entendait (Ps. XVII, 45), c'est-à-dire, à la parole des apôtres; et non à la vue de la mer partagée et des rochers fendus. David continue : Vous m'avez approprié un corps; puis il ajoute : Alors j'ai dit : Voici que je viens. En tête du livre il est écrit de moi. (Ps. XXXIX,10) Il y a ici une double prophétie d'abord le Christ viendra, et il viendra quand les sacrifices seront rejetés, ce qui a été accompli lorsque l'autorité a passé des Juifs aux Romains. Nous trouvons encore dans Baruch une autre prophétie relative à l'avènement du Messie : Il a été vu sur la terre, dit ce prophète, et il a conversé avec les hommes. (Ba. III, 38.) Moïse dit aussi : Le Seigneur Dieu vous suscitera du milieu de vos frères un prophète semblable à moi: vous l'écouterez en tout ce qu'il vous dira. Quiconque n'aura pas écouté ce prophète, la mort le retranchera du peuple. (Dt. XVIII, 18) Vous le voyez, cette prédiction n'a eu son accomplissement qu'en Jésus-Christ. Beaucoup de prophètes ont paru avant Jésus-Christ, les Juifs n'en ont écouté aucun, et cependant ils n'ont rien eu à souffrir de cette désobéissance. Mais parce qu'ils n'ont pas écouté le Christ, on les rencontre aujourd'hui partout, vagabonds, errants, fugitifs, exilés. Regardez-les chassés honteusement, ignominieusement de leur pays, ayant perdu avec leur ville principale les coutumes et les lois de leurs ancêtres, et portant en tout lieu leur châtiment et leur supplice. En vain essayerait-on de dire tout ce qu'ils ont eu à souffrir sous Vespasien et sous Tite, les plus tragiques événements n'égalent pas leurs malheurs. Ainsi s'est accompli cet oracle : Quiconque n'écoutera pas ce prophète, la mort le retranchera du peuple. Ils ne l'ont pas écouté , et tout chez eux a été dévasté.

Jésus-Christ ressuscitera tous les hommes, Isaïe le déclare : Les morts ressusciteront, dit-il, et ceux qui sont dans le sépulcre sortiront de leur sommeil. Car votre rosée leur apportera la guérison (Is. XXVl, 19) Le Prophète va plus loin. C'est après le supplice de la croix, après l'immolation de Jésus-Christ que son oeuvre resplendira dans tout son éclat, c'est après sa résurrection que l'Evangile fera ses plus grands progrès. Il a été lié, trahi par un disciple, conspué, outragé, flagellé, suspendu à un gibet, autant qu'il était en eux, ses bourreaux lui ont refusé l'honneur de la sépulture; ses vêtements ont été partagés par les soldats; soupçonné de tyrannie, il a perdu la vie comme blasphémateur, comme tyran. Car, quiconque se fait roi, se déclare contre César. (Jn, XIX, 12) Et encore : Eh bien! vous avez entendu son blasphème. (Mt. XXVl, 65) Tout cela devant arriver, le Prophète encourage son auditeur et le prépare à la confiance : Ne crains rien, lui dit-il, le Christ sera crucifié, flagellé, injurié par des larrons, mis à mort sur le soupçon de blasphème, mais après sa mort et sa résurrection son œuvre apparaîtra si grande qu'il sera comblé d'honneur, de l'aveu de tous. Ainsi s'est accompli ce qu'Isaïe  avait prédit depuis bien longtemps : De Jessé sortira un rejeton, et celui qui s'élèvera pour commander aux peuples, en lui les nations mettront leur espoir, et son sépulcre sera glorieux. (Is. XI, 10.) C'est comme s'il disait : Le diadème est moins honorable que ce genre de mort. Et en effet, les rois après avoir ceint le diadème, prennent la croix, symbole de ce supplice. La croix est sur la pourpre, la croix est sur le diadème, elle est partout. La croix dans les prières, la croix sur les armes, la croix à la table sainte; d'un bout du monde à l'autre la croix resplendit avec plus d'éclat que le soleil. Et son sépulcre sera glorieux.

9. Un tel résultat n'a rien d'humain. Tant que vivent les grands hommes, leurs affaires prospèrent, viennent-ils à mourir, tout s'évanouit avec eux. Ce spectacle, le riche, le prince, l'empereur même, nous le donnent à leur mort. Alors, leurs lois sont abrogées, leurs images voilées, leur mémoire éteinte, leur nom livré à l'oubli, leurs clients méprisés. Tout à l'heure ils étaient à la tête des armées; peuples, villes, institutions, ils pouvaient tout changer d'un signe, ils étaient maîtres d'ôter la vie, libres de la rendre au condamné marchant déjà au supplice. Et de toute cette grandeur, il ne reste plus rien. Pour Jésus-Christ, cet ordre est renversé. Avant le supplice de la croix il ne lui arrive rien que de triste. Judas le trahit, Pierre le renie et les autres prennent la fuite. Resté seul, ses ennemis le lient, et un grand nombre de ceux qui avaient cru en lui se retirent. Mais la victime a été immolée, alors, pour qu'il soit bien évident que ce crucifié n'était pas un pur homme, son œuvre prend une face infiniment meilleure, elle fleurit et grandit de la manière la plus étonnante et la plus glorieuse. Avant le supplice de la croix, le chef du chœur apostolique succombe à la menace d'une portière, et après une si longue initiation, déclare qu'il ne connaît pas son Maître; après le supplice de la croix, il parcourt le monde entier; et dès lors, des foules innombrables de martyrs se laissent égorger, aimant mieux mourir que de répéter la parole arrachée par la peur au prince des apôtres, et par la menace d'une portière. Dès lors, dans toutes les contrées, dans toutes les villes, dans la solitude, dans les lieux habités et déserts, nous proclamons le Crucifié. Sur toute cette vaste étendue de terre visitée par le soleil, rois, généraux, princes, consuls, hommes libres et esclaves, ignorants et sages, insensés, barbares, tous invoquent son nom et l'adorent. L'oracle s'explique : Et son tombeau sera glorieux. Le lieu qui reçut son corps privé de vie, est devenu, tout chétif, tout pauvre qu'il est, plus vénérable et plus précieux que les palais des rois, que les rois eux-mêmes : Et son tombeau sera glorieux.

Chose incroyable ! ce qui était arrivé au Maître, s'est reproduit pour les disciples vivants, ils ont été emmenés de force, donnés en spectacle, méprisés, enchaînés, assujettis à mille maux, morts, ils ont été comblés de plus d'honneur que les empereurs mêmes. Comment cela? Le voici. Dans la ville impériale, à Rome, les tombeaux du pêcheur et du fabricant de tentes attirent plus que tout autre monument et les empereurs et les consuls et les généraux, à Constantinople, ceux qui portent la couronne s'estiment heureux d'avoir leur sépulture non auprès des apôtres, mais au dehors et sur le seuil de la basilique ; ainsi les empereurs sont désormais les portiers des pêcheurs, et à leurs yeux, aux yeux même de leurs descendants, ce n'est pas une honte mais un honneur pour leurs cendres. Et son tombeau sera glorieux. Cet honneur dont Jésus-Christ jouit dans son repos vous apparaîtra plus grand, quand vous connaîtrez le symbole de sa mort, de cette mort maudite et la plus ignominieuse de toutes, puisque de tous les genres de mort celui-là seul était frappé de malédiction. Autrefois, en effet, parmi les coupables, les uns étaient livrés aux flammes, d'autres lapidés, d'autres perdaient la vie dans différents supplices, mais celui qui était attaché au gibet, qui était pendu au bois, non seulement subissait le châtiment si douloureux auquel il était condamné, il était encore maudit: Maudit, est-il dit, celui qui est pendu au bois. (Dt. XXI, 23.) Et cependant ce signe du dernier supplice, ce signe maudit, abominable, on l'aime aujourd'hui avec ardeur.

La croix est un plus bel ornement que la couronne sur la tête des empereurs. Elle était autrefois en horreur à tout le monde, tout le monde aujourd'hui la recherche à l'envi. Aussi la trouve-t-on partout, chez les princes et leurs sujets, chez les femmes et les hommes, chez les vierges et les épouses, chez les esclaves et les hommes libres. Ce signe, nous l'imprimons tous continuellement sur les membres les plus nobles de notre corps, nous l'exposons chaque jour à tous les regards, tracé sur notre front comme sur une colonne. Il brille à la table sainte, dans les ordinations des prêtres, et avec le corps de Jésus-Christ, dans la cène mystique. Partout on peut le voir représenté avec un admirable concert, dans les maisons, sur les places publiques, dans les déserts, sur les chemins, sur les montagnes, dans les bois et sur les collines, sur la mer et sur les fleuves, dans les îles, à table, sur les vêtements et sur les armes, sur nos lits, dans les festins, sur les vases d'argent et d'or, sur les ornements de perles, sur les peintures murales, sur les corps des animaux atteints de graves maladies et sur les corps des possédés, dans la guerre et dans la paix, le jour et la nuit, dans les chœurs joyeux et dans les familles d'ascètes : tant on se dispute partout à l'envi cet admirable don, cette grâce ineffable ! Et il n'est personne qui rougisse, personne qui se couvre le visage en pensant qu'elle est le signe d'une mort maudite; mais elle est pour nous tous un ornement plus précieux que les couronnes, les diadèmes et tous les colliers de perles. Elle n'est donc plus un objet d'horreur, tous l'aiment et la désirent, tous la recherchent avec empressement, partout elle brille et resplendit, sur les murailles des maisons, sur les livres, dans les villes et les hameaux, dans les pays déserts et habités. Comment donc, demanderais-je volontiers aux Gentils, comment le signe d'un tel châtiment; de cette mort maudite, est-il aimé, recherché de tous avec ardeur, si ce n'est par la divine puissance du Crucifié ?

10. Toutefois, si cette démonstration est pour vous sans valeur; si, toujours aussi impudent, vous essayez d'affronter la vérité et de fixer sur elle des regards trop faibles pour en soutenir l'éclat, nous vous prouverons autrement toute l'importance de ce fait. Mais comment? Les juges ont différents instruments de torture pour déchirer le corps, suspendre et arracher les membres: le chevalet, les roues, les ongles de fer, les fouets plombés. Qui voudrait les emporter à sa maison ? Quel homme consentirait seulement à toucher la main du bourreau qui les emploie ou à s'avancer pour les voir de plus près ? Ne les déteste-t-on pas généralement? Les voir, les toucher, n'est-ce pas d'un mauvais augure pour quelques-uns ? Ne s'en éloigne-t-on pas ? N'en détourne-t-on pas la vue ? Telle et bien plus détestable encore était autrefois la croix; car, ainsi que je l'ai dit, elle était plus qu'un signe de mort, elle était le signe d'une mort maudite. D'où vient qu'aujourd'hui tout le monde l'honore comme l'objet le plus vénérable et le plus précieux?

Comment tout le monde se dispute-t-il ce bois sur lequel a été étendu et attaché le corps sacré de Jésus-Christ? Comment hommes et femmes, tous ceux qui ont pu se procurer une parcelle de la croix l'enferment-ils dans l'or et portent-ils comme un ornement suspendu à leur cou ce bois, emblème de la condamnation, signe du dernier supplice? L'auteur de tous les êtres et de leurs variations, qui a changé le monde, en le délivrant de sa perversité, qui de la terre a fait un ciel, a aussi élevé au-dessus des cieux ce signe d'ignominie, cet instrument de la plus déshonorante des morts. Voilà les merveilles que le Prophète avait prévues quand il disait : Et son tombeau sera glorieux. Ce signe de mort, car je ne tarirais pas sur un tel sujet, est devenu la source de bénédictions nombreuses, un mur inexpugnable, la plaie mortelle du diable, le frein des démons, une muselière qui rend impuissante la rage de nos ennemis. Par ce signe Jésus-Christ a détruit la mort, brisé les portes d'airain, rompu les verrous de fer et renversé la citadelle de l'enfer; il a énervé le péché, arraché le monde entier à la condamnation qui pesait sur lui et guéri la plaie que Dieu avait infligée à notre nature. Que dis-je ?Ce que n'avaient pu obtenir la mer divisée, les rochers fendus, les changements opérés dans l'air, la manne distribuée pendant quarante ans à tant de milliers d'hommes, la Loi, tous les autres prodiges accomplis dans le désert ou dans la Palestine, la croix a pu le faire non seulement dans un peuple, mais sur toute la terre, elle a pu le faire sans peine après la mort du Crucifié, cette croix jusque-là signe maudit, abominable, déshonorant, objet de l'horreur universelle.

Jésus-Christ a prouvé sa puissance par ces faits, il l'a prouvée encore par ceux qui ont suivi. Toute la terre était stérile en vertus, aride comme un désert, son sein était impuissant à produire un bon fruit, en un instant Jésus-Christ en a fait un paradis, une mère très féconde. Longtemps auparavant le Prophète l'avait annoncé en ces termes : Réjouissez-vous, stérile, qui n'enfantiez pas, élevez la voix et poussez des cris, vous qui n'étiez pas mère, car celle qui était abandonnée a plus d'enfants que celle qui avait un époux. (Is. LIV, 1.) Après lui avoir ainsi rendu la fécondité, il lui a donné une loi bien préférable à la première. Les prophètes ne l'ont pas laissé ignorer, et voici ce qu'ils ont dit: Je ferai avec eux une alliance nouvelle, différente de l'alliance que j'ai faite avec leurs pères au jour où je les ai pris par la main pour les retirer de la terre d’Égypte; parce qu'ils n'ont pas persévéré dans mon alliance, je les ai négligés, moi aussi, dit le Seigneur. Voici donc l'alliance que je ferai avec eux : je graverai mes lois dans leur esprit, et je les écrirai dans leur coeur. (Jr. XXXI, 32.) Le changement sera subit et l'enseignement facile, le Prophète le déclare ensuite : Et ils n'enseigneront plus, chacun son prochain, et chacun son frère, en disant : Connais le Seigneur; car tous me connaîtront parmi eux depuis le plus petit jusqu'au plus grand. A son avènement, il fera grâce à tous les pécheurs; Jérémie le prédit encore : Ils jouiront de cette alliance quand j'effacerai leurs iniquités et que je ne me souviendrai plus de leurs péchés. (Jr. XXXI, 34) Peut-on parler plus clairement? La vocation des Gentils, la prééminence de la loi nouvelle sur l'ancienne, la facilité de son introduction, la grâce accordée aux croyants et ce don fait par le baptême : voilà donc ce qu'annoncent ces prophéties.

11. L'auteur de ces bienfaits viendra un jour comme juge. Considérez encore la manière dont cet événement est prédit, car les prophètes ne l'ont pas négligé. Les uns ont vu et ont dépeint Jésus-Christ tel qu'il doit venir, les autres ont annoncé ce grand événement en propres termes : Daniel, même à Babylone au milieu des Barbares, le voit venir sur les nuées. Telles sont ses expressions : Je considérais attentivement, et je vis comme le Fils de l'homme venir sur les nuées; il s'avança jusqu'à l'Ancien des jours, et on le présenta devant lui. La principauté et le royaume lui furent donnés, et tous les peuples, toutes les tribus et toutes les langues le serviront. (Dn. VII, 13.) D'un trait le Prophète esquisse le jugement. Je considérais attentivement, dit-il encore, jusqu'à ce que les trônes furent posés et les livres ouverts. Et un fleuve de feu jaillissait en sa présence. Il était servi par un million d'anges, et mille millions l'assistaient. Tout n'est pas dit, Daniel continue, et nous montre l'honneur auquel seront élevés les justes. Il donna aux saints du Très-Haut la puissance de juger, et les saints entrèrent en possession du royaume. Malachie nous apprend que ce dernier jugement se fera par le feu. Le voici qui vient comme le feu de la fournaise et comme l'herbe des foulons. (Ml. III, 2.)

Voyez avec quelle exactitude les prophètes ont annoncé tout ce qui devait arriver : Comment donc restez-vous encore incrédule, quand vous avez reçu tant de preuves de la puissance de Jésus-Christ, quand vous voyez les événements confirmer des prédictions si anciennes, sans en démentir une seule? Ce ne sont pas là des oracles supposés, nous en avons pour témoins ceux qui les premiers ont reçu les livres prophétiques et les possèdent. Les possesseurs, les gardiens de ces livres sont nos ennemis, les enfants de ceux qui ont crucifié Jésus-Christ. Mais comment dira-t-on, ne croient-ils pas en lui, puisqu'ils ont ces livres? Par la même raison qui les empêchait de croire lorsqu'ils le voyaient faire des miracles. Ce n'est pas sa faute s'ils ne croient pas en lui, mais c'est la faute de ces aveugles qui trébuchent en plein jour. Il a exposé à tous les regards le monde, instrument harmonieux dont toutes les parties sont comme des voix qui publient leur Créateur, néanmoins, à en croire certains hommes, tout ce monde visible se meut de lui-même, il ne tient pas de Dieu son existence, la création, la providence sont l’œuvre des démons, du hasard, de la fatalité, de mystérieuses relations entre la génération et le mouvement des astres. Le Créateur n'est pas responsable de toutes ces folies; les seuls coupables sont ceux qui restent malades à l'extrémité parmi tant de remèdes.

Un esprit juste voit, sans tant de secours, ce qui est vrai, mais un esprit étroit et faux, eût-il un millier de guides, reste dans l'aveuglement où le retiennent ses préjugés. C'est là une observation qui s'applique non seulement au cas présent, mais toujours et partout. Combien d'hommes à qui les lois sont inconnues, et qui passent leur vie dans la plus exacte observation des lois ! Combien d'autres, au contraire, nourris dans la connaissance des lois depuis l'enfance jusqu'à l'extrême vieillesse, ne cessent de les enfreindre ! L'antiquité même nous en fournit des exemples. Des miracles et des prodiges sans nombre n'ont pas rendu les Juifs meilleurs, il a suffi d'un seul mot pour convertir les Ninivites et les faire sortir du péché. Les choses ne se passent pas autrement dans le vulgaire que dans les premiers rangs. De quels enseignements Judas n'a-t-il pas joui ? Il fut cependant un traître. Quel avertissement a reçu le larron? Pourtant il a confessé Jésus-Christ sur la croix et a proclamé sa royauté. Ne jugez donc pas de la vérité d'un fait par la manière de penser des hommes corrompus, mais au contraire, que la vérité du fait vous serve de règle pour décider qui sont ceux qui ont pris le bon parti. Les Juifs sont restés incrédules, les Gentils ont cru. Ce résultat était annoncé. David s'écrie dans un esprit prophétique : Mes fils devenus étrangers m'ont menti, mes fils devenus étrangers ont vieilli, et ils ont chancelé dans leurs voies (Ps. XVII, 46) Isaïe dit à son tour : Seigneur, qui a cru aux paroles que nous avons rapportées, et à qui le bras du Seigneur s'est-il révélé (Is. LVI, 1) Et encore : Ceux qui ne me cherchaient pas m'ont trouvé, et je me suis rendu visible à ceux qui ne m'interrogeaient pas (Is. LXV, 1.) La Chananéenne et la Samaritaine ont cru en Jésus-Christ; les prêtres et les princes l'ont combattu, lui ont tendu des pièges, ont écarté ceux qui croyaient en lui, et les ont chassés de la synagogue. N'en soyez point surpris, de semblables exemples abondent dans l'histoire de l'homme tant de nos jours que dans le temps passé. D'ailleurs, les Juifs n'ont pas tous été rebelles, un grand nombre ont alors embrassé la foi, et l'embrassent encore aujourd'hui. S'ils n'ont pas tous cru, il n'y a rien là d'étonnant dans leur incrédulité, reconnaissez l'ingratitude humaine, reconnaissez la déraison, reconnaissez l'âme dominée par les passions.

Jusqu'à présent nous avons rapporté ce que les prophètes ont dit de Jésus-Christ, les prédictions qu'ils ont faites si longtemps par avance, exposons maintenant celles qu'il a faites lui-même sur les événements futurs, tandis qu'il parcourait la terre et conversait avec les hommes, vous y apprendrez encore à connaître sa puissance. Étant venu pour s'occuper du salut des hommes, de ceux qui existaient de son temps et de ceux qui vivraient après lui, il a travaillé à cette grande affaire par différents moyens. Voyez-le à l’œuvre. Il fait des miracles et il prédit des événements qui doivent se réaliser longtemps après. D'un côté, les miracles, pour ceux qui en sont témoins, sont la garantie de la vérité des événements éloignés, de l'autre, la postérité qui constate la réalisation de ces événements, y voit la preuve que les miracles accomplis alors sont dignes de foi ; et la conclusion de cette double preuve, c'est qu'il faut reconnaître sa royauté.

12. Ces prédictions étaient aussi de deux sortes : les unes devaient avoir leur réalisation dans la vie présente, les autres, après la consommation des siècles, et la vérité de celles-ci était clairement démontrée par la vérité de celles-là. Citons un exemple pour rendre évidente cette assertion trop obscure. Jésus-Christ était suivi de douze disciples, mais l'Église, personne n'en avait l'idée, ce nom même était inconnu, car la synagogue florissait encore. Que dit-il donc, que prédit-il au monde retenu presque tout entier dans les liens de l'impiété? Sur cette pierre j'édifierai mon Église, et les portes de l'enfer ne prévaudront point contre elle (Mt. XVI, 18) Examinez à votre gré ces paroles : vous les verrez resplendissantes de vérité. Le prodige ne consiste pas seulement à avoir édifié l'Église dans le monde entier, mais à l'avoir rendue invincible, à l'avoir fait sortir victorieuse de tant de combats qu'on lui a livrés. Car ces paroles: Les portes de l'enfer ne prévaudront point contre elle, signifient les périls qui conduisent à la ruine et dans l'enfer. Voyez la vérité de la prophétie ? Voyez la puissance qui se révèle dans son accomplissement? Voyez la clarté que les paroles empruntent aux événements, et l'impossibilité de résister à une puissance qui opère tout sans efforts

Cette parole est courte : J'édifierai mon Église, mais ce n'est pas une raison pour la laisser passer inaperçue. Arrêtez-y, au contraire, votre esprit par la réflexion, considérez la grandeur de l’œuvre : tout ce qu'éclaire le soleil rempli d'Églises en si peu de temps, des nations converties en si grand nombre, amenées à rejeter les coutumes de leurs ancêtres, à déraciner des usages invétérés, le joug des plaisirs secoué, la tyrannie de l'iniquité repoussée et méprisée comme une vile poussière, les autels, les temples, les idoles, les mystères, les solennités profanes, les sacrifices impurs dissipés comme la fumée : les autels du vrai Dieu partout érigés, chez les Romains, les Perses, les Scythes, les Maures, les Indiens, que dis-je ? en dehors même de notre monde, car, jusque dans les îles Britanniques, situées au delà de notre mer et au sein de l'océan, on a ressenti la puissance de la divine parole, on a élevé des églises et des autels. La parole évangélique, sortie pour la première fois de la bouche de Jésus-Christ, a été semée dans toutes les âmes, se trouve aujourd'hui sur toutes les lèvres. Couverte autrefois de ronces et d'épines, pour ainsi dire, la terre entière est maintenant nettoyée comme un champ où a passé la charrue, elle a reçu la semence de la piété. C'eût été une œuvre déjà très-grande, que dis-je? C'eût été une œuvre déjà marquée au coin de la puissance souveraine et divine, que de pouvoir, même sans être traversé par personne, même au sein de la paix la plus profonde, même avec une armée nombreuse d'auxiliaires et sans un seul adversaire, que de pouvoir, dis-je, arracher l'univers à des superstitions si invétérées et si commodes pour lui faire embrasser une religion encore plus difficile que nouvelle; que sera-ce donc si l'on considère toutes les difficultés qu'a rencontrées l’œuvre du Christ?

La coutume n'est pas le seul obstacle que Jésus-Christ ait renversé, un autre tyran, la volupté, a aussi été vaincu. L'héritage de tant de siècles transmis aux hommes par leurs pères, et tous leurs ancêtres, par les philosophes et les rhéteurs, il leur a persuadé d'en faire le sacrifice si difficile, et, ce qui était plus difficile encore, d'accepter, avec ce qu'elle avait de dur et de pénible, une manière de penser et de vivre toute nouvelle. Il a fait quitter la mollesse pour le jeûne, l'avarice pour la pauvreté, la luxure pour la continence, la colère pour la douceur, l'envie pour la bienveillance, la voie large et spacieuse pour la voie étroite, resserrée, ardue, et c'est à des hommes accoutumés à la voie large qu'il a inspiré une telle résolution. Car ceux qu'il a appelés à la voie étroite et resserrée, à qui il a persuadé d'entrer dans cette voie rude et pénible, n'étaient pas étrangers au monde, à ses coutumes : ils s'y étaient corrompus, leurs cœurs s'y étaient amollis comme la boue.

Et combien d'hommes Jésus-Christ a-t-il persuadés? Ce n'est pas seulement un ou deux, dix ou vingt, ou cent, mais presque tous ceux qui ont leur demeure sous le soleil. Quels ont été ses instruments? Onze hommes illettrés, ignorants, sans éloquence et sans naissance, pauvres, sans patrie, sans fortune, n'ayant ni la force corporelle, ni la supériorité que donnent l'éclat de la gloire, l'illustration des ancêtres, la puissance de la parole, le talent de discourir avec art, l'autorité de la science, de simples, pêcheurs, des fabricants de tentes, parlant une  langue inconnue à leurs auditeurs, une langue différente de toutes les autres, la langue hébraïque, la seule qu'ils eussent apprise. Voilà les instruments dont il s'est servi pour édifier son Église, qui s'étend d'une extrémité du monde à l'autre.

13. Il y a quelque chose de plus étonnant encore. Ce n'est pas dans la paix, c'est au milieu de guerres allumées de toutes parts, que ces hommes ignorants, pauvres, en petit nombre, sans naissance, sans lettres, de basse condition, parlant une langue étrangère, sans considération, ont reçu la mission de corriger le monde entier, et l'ordre de l'amener à un genre de vie plus pénible. Chez tous les peuples et dans toutes les villes , que dis-je? Dans toutes les maisons on leur faisait la guerre. A peine l'Evangile avait-il pénétré quelque part, qu'il séparait le fils d'avec le père, la bru d’avec sa belle-mère, le frère d'avec son frère, le serviteur d'avec son maître, le sujet d'avec son souverain, le mari d'avec sa femme, la femme d'avec son mari, le père d'avec ses enfants, parce que la foi embrassée par les uns était repoussée par les autres. De là, les apôtres étaient en butte à des inimitiés journalières, à des guerres fréquentes, à mille morts, on les fuyait comme des ennemis publics. Ils étaient repoussés de tout le monde, des rois, des princes, des ignorants, des hommes libres, des esclaves, des peuples, des cités; et non-seulement eux, mais ce qui est plus cruel, les néophytes qu'ils catéchisaient.

On poursuivait de la même haine les maîtres et les disciples, parce que la doctrine chrétienne paraissait contraire aux édits impériaux, aux coutumes et aux mœurs des ancêtres. Elle enseignait à se détourner des idoles, et à mépriser des autels vénérés de toute antiquité, à abandonner des croyances immorales, à se rire des solennités païennes, à rejeter les initiations à des mystères regardés jusque-là comme terribles et redoutables, pour la défense desquels leurs adorateurs eussent donné leur vie, tant ils étaient loin d'admettre la doctrine qui les condamnait ! Voilà ce que le monde devait répudier, voici ce qu'il devait embrasser. Il fallait croire en Celui qui, né de Marie, conduit au tribunal d'un président et conspué, avait souffert d'innombrables tortures , une mort maudite, et après avoir été enseveli, était ressuscité. Chose digne d'admiration ! La passion du Christ, tous la connaissaient. On savait généralement que Jésus avait enduré les fouets, les soufflets, l'ignominie des crachats lancés au visage, les coups, la croix, les risées, les plaisanteries dignes des tréteaux, et la sépulture accordée comme par faveur; mais la résurrection, les apôtres seuls la connaissaient; Jésus-Christ ressuscité ne s'était montré qu'à eux seuls. Et cependant, sur leur témoignage, on croyait, et l'Eglise s'édifiait par leur parole. Comment, et de quelle manière? Par la seule vertu de Celui qui leur en avait fait le commandement. C'est lui, en effet, qui préparait la voie, lui qui rendait tout facile, même ce qui était le plus difficile.

Si une puissance divine n'eût assuré le succès de cette entreprise, elle n'aurait pas même eu un commencement d'exécution. J'en appelle à la bonne foi. Mais Celui qui a dit : Que le ciel soit, et le ciel fut, que la terre s'assoie sur ses fondements, et elle fut créée; que le soleil luise, et le soleil a lui; Celui dont la parole a fait toutes choses : c'est Lui qui a fondé toutes ces Eglises. Ce mot : J'édifierai mon Eglise, ce mot a suffi pour tout accomplir. Telles sont, en effet, les paroles de Dieu : elles produisent des oeuvres, et des oeuvres admirables et prodigieuses. Lorsqu'il eut dit : Que la terre produise de l'herbe (Gn. I, 11), aussitôt toute la terre devint un vaste jardin, une immense prairie, et, docile au commandement divin, la terre se para d'une infinité de plantes. De même maintenant à peine a-t-il dit : J'édifierai mon Eglise, qu'elle existe sans difficulté. En vain les tyrans lui déclarent la guerre; en vain les soldats prennent les armes, et les peuples en délire se livrent à une fureur plus violente que la flamme, malgré la coutume, les rhéteurs, les sophistes, les riches, les ignorants, les princes, la parole, plus ardente que le feu, dévore les buissons, nettoie les champs et sème le bon grain de la prédication. La prison, l'exil, l'amende, la mort : voilà quelques-unes des peines réservées aux croyants. On les coupe en morceaux, on les livre aux flammes, on les noie, on leur fait endurer tous les genres de supplices. Ils sont couverts d'ignominie, chassés, repoussés de toutes parts comme des ennemis publics. Cependant de nouveaux fidèles viennent se joindre à eux. La vue des tourments ne les a pas rendus plus lents à embrasser la foi; ils n'en sont que plus remplis d'ardeur; ils s'élancent pour la saisir comme ils feraient un riche trésor qui leur serait offert.

Ainsi, sans contrainte, sans violence, ils accouraient se prendre dans les filets des pêcheurs, ils leur savaient gré de les y avoir amenés, et à la vue du sang des fidèles répandu par torrents, ils devenaient plus fervents et plus fermes dans la foi. Et quand les disciples, les maîtres même étaient enchaînés, expulsés, flagellés, et enduraient d'innombrables tourments, le nombre des prosélytes s'accroissait avec leur zèle. Paul l'atteste quand il s'écrie : Un plus grand nombre de frères dans le Seigneur, ayant confiance en mes chaînes, ont montré une hardiesse nouvelle pour annoncer la parole sans aucune crainte (Ph. I, 14) ; et encore ailleurs : Vous êtes devenus les imitateurs des Eglises de Dieu qui sont en Judée; car vous aussi, vous avez souffert de la part de vos concitoyens les mêmes persécutions qu'elles ont eu à souffrir de la part des Juifs, qui ont tué même le Seigneur, et nous empêchent de parler aux Gentils pour leur salut. (I Th. II, 14, 15.) Il dit aussi dans une autre épître: Rappelez-vous les anciens jours, où, après avoir été illuminés, vous avez enduré la souffrance comme des athlètes dans de nombreux combats, sachant que dans les cieux vous attendent des biens meilleurs et permanents. (Hé. X, 32-34.)

Comprenez-vous la puissance souveraine de Celui qui opère de telles merveilles ? Au milieu de tant d'épreuves les chrétiens ne perdaient pas courage, ils ne faiblissaient pas, mais ils se réjouissaient, ils tressaillaient, ils bondissaient de joie. L'Apôtre vient de nous apprendre que les disciples s'étaient vu avec plaisir dépouiller de leurs biens, et saint Luc nous dit, aux Actes des apôtres, que les maîtres revenaient tout joyeux du conseil, parce qu'ils y avaient été jugés dignes de souffrir l'injure pour le nom de Jésus-Christ. (Ac. V, 41.) Paul nous dit de lui-même : Je me réjouis dans mes souffrances, et j'accomplis dans ma chair ce qui manque à la passion de Jésus-Christ. (Col. I, 24.) Et qu'y a-t-il d'étonnant à ce qu'il se réjouisse de ses souffrances, lui qui sur le point de mourir, non-seulement s'en réjouissait, mais, ce qui est l'indice d'une âme que rien ne saurait abattre, invitait ses disciples à partager sa joie. Je me réjouis, s'écrie-t-il, et je vous rends tous participants de ma joie, et vous aussi réjouissez-vous, et faites-moi participer à votre allégresse. (Ph. II, 17-18.) Qu'était-il donc arrivé pour que sa joie fût si complète? Il nous le dit : Pour moi, je suis comme une victime qui a déjà reçu, l'aspersion pour être sacrifiée, et le temps de ma mort est proche. (II Tm. IV, 6.)

14. C'est ainsi qu'ils édifiaient partout l'Eglise. Nul homme, même avec des pierres et de la chaux, ne peut élever une muraille, si on l'en empêche et si on le chasse, et sur toute la terre d'innombrables Eglises ont été édifiées par ces hommes battus, enchaînés, chassés, mis en fuite, privés de leurs biens, flagellés, égorgés, brûlés, noyés avec leurs disciples. Et ce n'était pas avec des pierres , mais avec des matériaux bien plus rebelles, avec des âmes et des institutions qu'ils construisaient leur édifice. La construction d'un mur n'est rien en comparaison de la conversion d'une âme depuis longtemps au pouvoir du démon, à qui il faut persuader de renoncer à sa folie pour se renfermer dans les bornes étroites de la vertu. Voilà pourtant ce qu'ont obtenu des hommes nus et sans chaussure, parcourant le monde entier avec une seule tunique pour tout vêtement. Mais ils avaient pour auxiliaire et alliée la force invincible de Celui qui a dit : Sur cette Pierre je bâtirai mon Eglise , et les portes de l'enfer ne prévaudront point contre elle. (Mt. XVI, 18) Comptez tous les tyrans qui depuis lors ont livré bataille à l'Église, toutes les persécutions atroces qu'ils lui ont fait essuyer. Le combat, telle a été, depuis les premiers temps jusqu'à nos jours, la condition de la foi, de cette foi jeune encore et nouvellement plantée dans des intelligences sans consistance.

15. L'idolâtrie était la religion de tous les empereurs: d'Auguste, de Tibère, de Caligula, de Néron, de Vespasien, de Titus et de tous ceux qui lui out succédé jusqu'au règne du bienheureux Constantin. Tous ont attaqué l'Église, les uns y ont mis plus de violence, les autres moins, tous cependant l'ont attaquée. Que si quelques-uns ont paru s'apaiser, l'idolâtrie dont tous les empereurs faisaient publiquement profession était encore une occasion de guerre,  car les courtisans, dans l'espoir de leur être agréables, combattaient l'Église sans relâche. Mais à quoi ont abouti toutes ces embûches et toutes ces attaques? Moins facilement se rompt la toile d'araignée, moins promptement s'évanouit la fumée, moins rapidement passe la poussière emportée par le vent. Par leurs embûches ils n'ont fait qu'augmenter la foule des martyrs, ils n'ont pas touché aux immortels trésors de l'Église, à ses colonnes, à ses tours, et par leur mort non moins que par leur vie, ils servent très utilement d'exemple à la postérité. Remarquez la vérité de la prédiction : Et les portes de l'enfer ne prévaudront point contre elle ?

Le passé répond de l'avenir : personne n'y mettra obstacle. Si tant de guerres allumées, tant de combats livrés de toutes parts à l'Église, ont été sans effet et n'ont pas prévalu contre elle quand ses membres étaient encore peu nombreux, quand l'Évangile paraissait une nouveauté et n'avait pas jeté de profondes racines, comment la vaincre aujourd'hui que les mers et toutes les nations qui existent sous le soleil lui sont soumises, qu'elle a conquis l'univers, les montagnes, les vallées, les collines, tous les lieux, que les esclaves de l'impiété sont en petit nombre, que les autels, les temples, les idoles et tout le reste a disparu, qu'il n'y a plus ni fêtes, ni initiations aux mystères, ni odeur des victimes, ni fumée des sacrifices, ni assemblées profanes? Mais une telle oeuvre, une entreprise si grande aurait-elle pu, avec tant d'obstacles, avoir un succès si magnifique et une issue qui rend témoignage à la vérité, si celui qui a fait la prédiction et qui l'a réalisée n'avait pas une puissance divine et invincible? Pour dire le contraire, il faut avoir tout à fait perdu l'esprit et l'usage du bon sens.

D'autres prophéties proclament non moins clairement que celle-ci l'invincible puissance de l'Église. Car tout ce que le Christ a prédit était entièrement conforme à la vérité; il l'a, réalisé et aucune de ses paroles ne peut être vaine. Le ciel et la terre disparaîtront avant qu'on puisse démontrer la fausseté d'une seule de ses paroles ou de ses prédictions. Lui-même, avant que les événements lui eussent donné raison, l'a déclaré en termes formels: Le ciel et la terre passeront, a-t-il dit, mais mes paroles ne passeront point. (Mt. XXIV, 35) Rien de plus juste. Ses paroles ne sont pas simplement des paroles, mais les paroles créatrices de Dieu. C'est par elles qu'il a fait et le ciel et la terre, et la mer et le soleil, et les choeurs des anges, et les autres puissances invisibles. Le Prophète lève toute obscurité à cet égard: Il a dit et tout a été fait, il a ordonné et tout a été créé. (Ps. CXLVIII, 5) Tout, les créatures supérieures et inférieures, les créatures sensibles et intelligentes, les créatures corporelles et incorporelles. La prophétie relative à l'Église montre donc, comme je l'ai dit, la grandeur, l'immensité et l'excellence de la véracité du Christ, de sa providence, de sa bonté et de sa vigilance.

16. Occupons-nous maintenant d'une autre prophétie plus claire que le soleil, plus éblouissante que ses rayons, exposée aux regards de tous, et s'étendant comme la première à toutes les générations. Telles sont du reste la plupart des prédictions de Jésus-Christ, elles ne sont pas limitées à quelques années, et la génération qui les a entendues n'en voit pas l'accomplissement, mais tous les hommes, la postérité même la plus reculée aussi bien que les contemporains peuvent, d'âge en âge et jusqu'à la consommation des siècles, en connaître l'irrésistible vérité. L'oracle précédent nous en a déjà fourni la preuve. Depuis le jour où il a été prononcé jusqu'à la fin des temps, rien n'a pu, rien ne pourra en ébranler ou en altérer la vérité. Elle fleurit, cette vérité, elle resplendit, elle croît, prenant chaque jour de nouvelles forces, toujours présente à tous, et à ceux qui vivent aujourd'hui et à ceux qui assisteront à l'avènement du Seigneur, afin que tous en retirent des fruits abondants et un profit considérable. Ceux qui étaient avant nous, ceux qui les ont précédés et ceux qui vivaient dans des temps bien plus reculés, en ont connu la puissance. Ils ont été témoins des guerres qu'on suscitait à l'Église, des périls auxquels elle était exposée, du tumulte, des clameurs, des flots, des tempêtes. Et ils ont vu qu'elle ne pouvait être ni submergée, ni vaincue, ni asservie, ni éteinte, mais qu'elle florissait, qu'elle croissait, qu'elle s'élevait tous les jours à une plus grande hauteur. La prédiction de Jésus-Christ, que je vais rapporter, sera une preuve nouvelle de la force et de la vérité de ses paroles. Quelle est donc cette prophétie ?

Un jour, il entra dans le temple des Juifs. A la vue de ce temple, alors dans toute sa splendeur, et tout éblouissant d'or, magnifique par la beauté et la grandeur des édifices, par les merveilles réunies de l'art et de la nature, ses disciples étaient dans la stupeur. Que leur dit-il? Voyez-vous tout cela? Je vous dis en vérité qu'il n'en restera pas pierre sur pierre. (Mt. XXIV, 2) Il en annonçait ainsi la destruction future, le renversement de fond en comble, la dévastation, prédiction dont on voit aujourd'hui l'accomplissement à Jérusalem. Tous ces nobles et superbes, édifices ont, en effet, été détruits.

Reconnaissez, dans ces deux prophéties, la grande, l'ineffable puissance du Christ qui en est l'auteur. Ceux qui l'honorent, il les élève, il accroît leur nombre; mais il humilie ses ennemis, il les détruit, il les extermine entièrement. Ce temple plus célèbre, plus grand qu'aucun autre par la sainteté du culte, n'avait son semblable nulle part. En quelque lieu du monde que fussent autrefois les Juifs, ils se mettaient en chemin pour apporter dans ce temple des dons, des victimes, des offrandes, des prémices et une infinité d'autres présents, les richesses de l'univers entier servaient à son ornement, et les Juifs prosélytes y affluaient de toutes parts. Grande était la renommée de ce lieu connu jusqu'aux extrémités de l'univers. Une seule parole de Jésus-Christ a suffi pour effacer, pour détruire, pour dissiper tout ce superbe monument comme de la poussière. Tous les Juifs, tous les prêtres même n'avaient pas la permission d'entrer dans la partie la plus sainte, le grand prêtre seul le pouvait, et encore, n'était-ce qu'une fois l'an, et avec la robe traînante, des couronnes, la tiare et les autres vêtements sacerdotaux. Aujourd'hui, des prostituées, des efféminés, des infâmes, des adultères y ont accès sans que personne s'y oppose. La parole à peine prononcée a tout détruit, tout anéanti, et il ne reste plus du temple que ce qui est nécessaire pour montrer où fut autrefois le temple.

Voyez quelle puissance se révèle encore ici. Depuis ce temps jusqu'à nos jours, ils n'ont pu construire un temple, ces Juifs si puissants autrefois, qui l'emportaient sur les nations et les rois, à qui presque jamais la victoire ne coûtait de sang, qui érigeaient une infinité de trophées extraordinaires, prodigieux. Et cependant rien ne leur manquait : ni l'appui des rois, ni le concours d'une multitude innombrable répandue sur toute la terre, ni des richesses immenses. Comprenez par là qu'on ne peut détruire ce que Jésus-Christ a édifié, ni édifier ce qu'il a détruit. Il a édifié l'Église et personne ne pourra la détruire, il a détruit le temple, et personne, depuis bien longtemps, ne peut le relever. On a bien essayé de détruire l'Église, mais en vain ; on a tenté de relever le temple, mais inutilement.

Dieu a permis ces tentatives, afin que personne ne puisse dire : Si l'on avait essayé, on aurait réussi. L'essai a été fait, on n'a pu réussir. Un empereur de notre temps, plus impie que tous ses prédécesseurs, permit aux Juifs de mettre la main à l'oeuvre et voulut même y concourir. Ils commencèrent, mais le travail fut arrêté dès le principe par un feu qui jaillit des fondements et mit tout le monde en fuite. Ces fondements, à nu aujourd'hui, attestent la tentative, et montrent qu'on a bien pu achever de démolir en creusant, mais qu'on n'a pu enfreindre le décret de Jésus-Christ qui défendait de bâtir. Le temple avait déjà été détruit, mais de retour après soixante-dix ans de captivité, les Juifs l'avaient relevé aussitôt, et le second était plus splendide que le premier. Les prophètes l'avaient dit et annoncé avant l'événement. Mais voilà quatre cents ans qu'il a été renversé de nouveau, et l'on ne peut avoir ni la pensée, ni l'attente, ni l'espoir qu'il sera relevé. Qui pourrait l'empêcher cependant, si une puissance divine ne s'y opposait? Les Juifs n'ont-ils pas d'immenses richesses? Leur patriarche à qui tous paient le tribut, ne possède-t-il pas de grands trésors? Cette nation n'est-elle pas audacieuse? N'est-elle pas impudente, querelleuse, téméraire, séditieuse? Ne sont-ils pas nombreux en Palestine ? Nombreux en Phénicie ? Nombreux partout? Comment donc n'ont-ils pu relever un temple, eux surtout qui savaient que partout ailleurs leur culte est illégal, leurs rites interdits par l'ordre formel de Dieu; que partout ailleurs les sacrifices, les offrandes et les autres observances légales doivent cesser et disparaître ? En effet, hors du vestibule sacré il ne leur était pas permis d'élever un autel, d'offrir un sacrifice ou des libations, de présenter une brebis ou de l'encens, de lire la Loi, de célébrer une fête ou d'accomplir aucune des autres prescriptions ?

17. Tandis qu'ils étaient à Babylone et que leurs ennemis voulaient les contraindre à chanter, captifs, esclaves, assujettis à des maîtres cruels, ils n'obéirent pas, ils ne cédèrent pas. Privés de la patrie et de la liberté, en danger de perdre la vie, retenus sous la main de leurs ravisseurs comme dans un filet, quand on leur ordonnait de chanter un cantique au son de leurs instruments, ils répondaient: Nous sommes assis aux bords des fleuves de Babylone, et nous avons pleuré, parce que ceux qui nous avaient emmenés captifs, nous demandaient de chanter des cantiques. Comment chanterons-nous un cantique du Seigneur sur la terre étrangère ? (Ps. CXXXVI, 1, 4) On peut dire qu'ils manquaient d'instruments eux-mêmes nous ont appris pourquoi ils chantaient pas : Comment chanterons-nous cantique du Seigneur sur la terre étrangère ? Leurs instruments étaient là. Nous avons, disent-ils, suspendu nos instruments aux saules qui sont au milieu de cette contrée. Le jeûne leur était aussi interdit, comme un prophète le leur déclare : Avez-vous jeûné en mon honneur pendant soixante-dix ans ? dit le Seigneur. (Za. VII, 5) Il ne leur était pas permis non plus d'offrir des sacrifices et des libations: Ecoutez les trois enfants qui le disent: Il n’y a ni prince, ni prophète, ni chef, ni lieu pour sacrifier en votre présence et trouver miséricorde. (Dn. III, 38) Ils ne disent pas que les prêtres manquent, car les prêtres étaient avec eux, mais pour montrer que tout dépend du lieu, et que l'observation de la Loi est attachée à ce seul point, ils disent : Il n'y a point de lieu. Mais que parlé-je de sacrifices et de libations ? Il ne leur était pas même permis de lire la Loi, et un autre prophète leur fait un reproche de cette infraction : Ils ont lu la Loi dehors, et ils ont donné à cet acte le nom d'actions de grâces. (Am. IV, 5) Ils ne pouvaient Célébrer ni la pâque ni la pentecôte ni la fête des tabernacles, ni aucune autre solennité.

Ils savaient que la destruction du temple les mettait dans la nécessité de s'abstenir de toutes ces pratiques, que toute tentative pour les observer était une prévarication dont ils seraient punis, et cependant ils n'ont pu rebâtir le seul temple où la loi leur permît de célébrer leur culte. C'est que Celui qui a édifié l'Église avait aussi détruit le temple. Un prophète qui a prédit l'avènement de Jésus-Christ a aussi annoncé cette double manifestation de sa puissance. Ecoutez ce que dit ce prophète, bien qu'il fût postérieur à la captivité: Les portes seront fermées sur vous, et on n'allumera plus gratuitement le feu sur mon autel. Ma volonté n'est plus avec vous, car depuis le lever du soleil jusqu'au couchant, mon nom a été glorifié parmi les nations, et l'on m'offre en tout lieu de l'encens et une victime pure. (Ma. I, 10-11) Vous l'entendez, le judaïsme est rejeté, tandis que le christianisme resplendit et se répand par toute la terre. Un autre prophète indique aussi quelle sera la forme du culte: Et ils l'adoreront chacun dans le lieu où il sera, et ils le serviront sous un même joug. (So. III, 10) C'est encore un autre qui dit : La vierge d'Israël est tombée, elle ne se relèvera plus. (Am. V, 2) Daniel raconte avec clarté ces événements, il nous apprend que tout sera détruit : les sacrifices, les libations, l'onction, le jugement. Mais nous expliquerons plus clairement et plus longuement cette prophétie dans nos discours contre les Juifs.

En attendant, marchons au but, et réduisons à néant toutes les vaines objections des Gentils. Je ne vous ai pas dit que Jésus-Christ avait ressuscité les morts et guéri les lépreux, dans la crainte que vous ne vinssiez à me faire cette réponse : Ce ne sont là que des contes et des fables ! Qui a vu? Qui a entendu? Cependant nous apprenons ses miracles de la bouche même de ceux qui nous disent qu'il a été crucifié et qu'il a reçu des soufflets. Si vous les jugez dignes de foi sur un point, pourquoi les accuser de mensonge sur les autres? S'ils avaient rapporté ces miracles pour flatter, leur Maître, et s'étaient laissé aller à une vaine et ridicule jactance, ils n'auraient rien dit de ses tristesses et de ce qui pouvait le déshonorer aux yeux d'un grand nombre. Mais ils ont dit la vérité à cet égard, ils ont insisté, ils ont tout raconté avec beaucoup de soin et de détail, ils n'ont omis aucun fait ni grand ni petit. Tandis qu'ils laissaient ignorer bien des particularités de ses miracles et de ses prodiges, ils se sont tous appesantis sur ses souffrances et sur tout ce qui pouvait paraître ignominieux, et ils l'ont scrupuleusement rapporté. Je n'ai fait mention, moi non plus, ni de ses miracles ni de ses prodiges. Voulant enchaîner toutes les langues impudentes, je n'ai rapporté que des faits visibles, exposés aux regards de tous, plus clairs que le soleil, accomplis sur tous les points du monde , dominant l'univers, surpassant toutes les forces de la nature humaine, des faits, en un mot, qui sont l'oeuvre de Dieu seul.

A quoi bon dire : Il n'a pas ressuscité les morts? Direz-vous aussi qu'il n'y a pas d'Eglises dans le monde? Direz-vous qu'on ne leur a pas tendu des embûches? qu'elles ne les ont pas déjouées ? qu'elles n'ont pas remporté la victoire? Autant vaudrait dire qu'il n'y a point de soleil. Quoi donc? ne voyez-vous pas les ruines du temple juif exposées aux regards de tout l'univers? Pourquoi ne faites-vous pas ce raisonnement: Si Jésus-Christ n'était pas Dieu, et le Dieu fort, comment ses adorateurs persécutés se seraient-ils accrus de la sorte, tandis que ceux qui l'ont crucifié et maltraité sont abaissés au point d'avoir perdu toutes leurs institutions, et parcourent le monde, vagabonds, errants, fugitifs, sans que, depuis si longtemps, la condition des uns ou des autres ait changé? Les Juifs n'ont pas craint de faire la guerre à l'empire romain, ils ont pris les armes, combattu longtemps, remporté même quelques victoires; ils ont inquiété les Augustes de ce temps-là : tant ils avaient de puissance. Et ces hommes qui ont fait la guerre et livré tant de combats aux empereurs, qui étaient forts de leurs richesses, de leurs armes et de leurs soldats, qui ont repoussé un nombre infini de généraux, ces hommes n'ont pu élever un temple ! Ils ont construit des synagogues en beaucoup de villes, mais le temple d'où leur gouvernement tire toute son autorité, le temple où ils avaient coutume de pratiquer toutes leurs observances, qui est le lien de leur constitution, ce temple seul, ils n'ont pu le rétablir !

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Saint Pierre Nolasque confesseur mémoire de Sainte Agnès pour la 2nde fois

28 Janvier 2020 , Rédigé par Ludovicus

Saint Pierre Nolasque confesseur mémoire de Sainte Agnès pour la 2nde fois

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O Dieu, qui, pour donner un exemple de votre charité, avez divinement inspiré à saint Pierre de rendre votre Église mère d’une nouvelle famille pour la rédemption des fidèles captifs, accordez-nous, par son intercession, d’être délivrés de la servitude du péché, et de jouir de la liberté sans fin dans la céleste patrie.

Office

AU DEUXIÈME NOCTURNE.

Quatrième leçon. Pierre Nolasque, né d’une famille noble à Recaud, près de Carcassonne, en France, se distingua par une charité singulière envers le prochain. Un présage de cette vertu se produisit un jour que Pierre, étant encore enfant, pleurait dans son berceau : un essaim d’abeilles vola vers lui, et construisit un rayon de miel dans sa main droite. Privé de ses parents dans son adolescence, et détestant l’hérésie des Albigeois qui exerçait alors ses ravages en France, il vendit son patrimoine, se retira en Espagne, et accomplit à Notre-Dame de Mont-Serrat un vœu par lequel il s’était lié. Il se dirigea ensuite vers Barcelone, et après y avoir employé tout l’argent qu’il possédait à racheter les fidèles du Christ, de la servitude des ennemis, il disait souvent qu’il désirait se vendre lui-même pour les délivrer, ou être chargé de leurs chaînes.

Cinquième leçon. L’événement suivant montra combien le désir du Saint plaisait à Dieu. Une nuit qu’il priait et roulait dans son esprit beaucoup de projets pour venir en aide aux Chrétiens vivant dans la captivité, la bienheureuse Vierge, lui apparaissant, lui fit entendre qu’il serait très agréable à son Fils et à elle qu’il instituât en son honneur un Ordre religieux, dont le soin principal serait de délivrer les captifs de la tyrannie des infidèles. Obéissant aussitôt à cet avertissement céleste, il institua l’Ordre de Notre-Dame de la Merci pour la rédemption des captifs, de concert avec saint Raymond de Pegnafort et Jacques 1er, roi d’Aragon, qui avaient reçu de la Mère de Dieu, en la même nuit, une révélation semblable. Les confrères de cet Ordre s’engagent, par un quatrième vœu, à demeurer en otage au pouvoir des païens, si cela est nécessaire pour la délivrance des Chrétiens.

Sixième leçon. Ayant fait vœu de virginité, il conserva toujours une chasteté sans tache. Il brilla d’une manière admirable par sa patience, son humilité, son abstinence et par toutes les autres vertus. Illustre par le don de prophétie, il annonça plusieurs événements futurs, parmi lesquels le plus célèbre est que le roi Jacques reprit Valence, occupée par les Maures, après avoir reçu du Saint l’assurance d’obtenir cette victoire. Il était consolé par de fréquentes apparitions de son Ange gardien et de ta Vierge Mère de Dieu. Enfin, accablé de vieillesse, instruit de l’imminence de sa mort, il tomba malade ; et, après avoir été fortifié par les sacrements, il exhorta ses frères à la charité envers les captifs. Puis, récitant avec grande dévotion le Psaume : « Je vous louerai, Seigneur, de tout mon cœur », étant arrivé à ces paroles :» Le Seigneur a envoyé la rédemption à son peuple », il rendit son esprit à Dieu, au milieu de la nuit de la Vigile de la Nativité du Seigneur, l’an mil deux cent cinquante-six. Alexandre VII a ordonné de célébrer sa fête le trente et unième jour de janvier.

Le Rédempteur des captifs, Pierre Nolasque, vient s’associer aujourd’hui sur le Cycle à son maître Raymond de Pegnafort ; et tous deux présentent pour hommage au Rédempteur universel les milliers de chrétiens qu’ils ont rachetés de l’esclavage, par la vertu de cette charité, qui, partie de Bethléem, a trouvé asile en leurs cœurs.

Né en France, dans notre Languedoc, Pierre a choisi pour seconde patrie l’Espagne, parce qu’elle offrait à son zèle une terre de dévouement et de sacrifices. Comme le Médiateur descendu du ciel, il s’est voué au rachat de ses frères ; il a renoncé à sa liberté pour procurer la leur ; et afin de leur rendre une patrie, il est resté en otage sous les liens de la servitude. Son dévouement a été fécond ; par ses efforts, un nouvel Ordre religieux s’est élevé dans l’Église, composé tout entier d’hommes généreux, qui, durant six siècles, n’ont prié, travaillé, vécu, que pour procurer le bienfait de la liberté à d’innombrables captifs, qui, sans eux, languissaient dans les fers, au péril de leurs âmes.

Gloire à Marie, qui a suscité ces Rédempteurs mortels ! Gloire l’Église catholique, qui les a produits de son sein toujours fécond ! Mais par-dessus tout, gloire à l’Emmanuel, qui dit, en entrant dans ce monde : « O Père ! les holocaustes pour le péché de l’homme ne vous ont point apaisé ; suspendez vos coups ; me voici. Vous m’avez donné un corps ; je viens, je m’immole ! ». Le dévouement du divin Enfant ne pouvait demeurer stérile. Il a daigné nous appeler ses frères, et s’offrir en notre place ; quel cœur d’homme pourrait désormais être insensible aux maux et aux dangers de ses frères ?

L’Emmanuel a récompensé Pierre Nolasque, en l’appelant à lui à l’heure même où, douze siècles plus tôt, il naissait à Bethléhem. C’est du milieu des joies de la nuit de Noël que le Rédempteur mortel est parti pour aller rejoindre l’immortel Rédempteur. Au dernier moment, les lèvres défaillantes de Pierre murmuraient leur dernier cantique de la terre ; et quand il fut arrivé à ces paroles : Le Seigneur a envoyé la Rédemption à son peuple ; il a scellé avec lui son alliance pour jamais, son âme bienheureuse s’envola libre au ciel.

La sainte Église a dû assigner à la mémoire de Pierre un autre anniversaire que celui de son heureux trépas, puisque ce jour appartient tout entier à l’Emmanuel ; mais il était juste que l’élu marqué par une si haute faveur que de naître au ciel à l’heure où Jésus naît à la terre, reçût une place sur le Cycle avant la fin des quarante jours consacrés à la Naissance du divin libérateur.

Vous êtes venu apporter du ciel un feu sur la terre, ô Emmanuel, et vous nous dites que votre plus ardent désir est de le voir s’enflammer. Votre désir a été comblé dans le cœur de Pierre Nolasque, et dans celui de ses enfants. C’est ainsi que vous daignez associer des hommes à vos desseins d’amour et de miséricorde, et qu’en rétablissant l’harmonie entre Dieu et nous, vous resserrez l’union primitive entre nous et nos frères. Nous ne pouvons vous aimer, ô céleste Enfant, sans aimer tous les hommes ; et si vous venez à nous comme notre rançon et notre victime, vous voulez que nous soyons prêts aussi à nous sacrifier les uns aux autres.

O Pierre ! Vous avez été l’apôtre et le modèle de cette charité ; c’est pour cela que le Seigneur a voulu vous glorifier en vous appelant à la cour de son Fils, au jour anniversaire de la Naissance de ce Sauveur. Ce doux mystère qui, tant de fois, soutint votre courage, ranima vos dévouements, vous est apparu dans toute sa grandeur ; mais vos yeux ne voient plus seulement, comme nous, le tendre Enfant qui sourit dans son berceau ; c’est le Roi vainqueur, le Fils de Jéhovah dans sa splendeur divine, qui éblouit vos regards. Marie ne vous apparaît plus, comme à nous, pauvre et humblement penchée sur la crèche qui contient tout son amour ; à vos yeux, elle brille éclatante sur son trône de Reine, et resplendit d’un éclat qui ne le cède qu’à celui de la majesté divine. Et votre cœur n’est point troublé de cette gloire ; car, au ciel, vous êtes dans votre patrie. Le ciel est le temple et le palais de la charité ; et la charité, dès ici-bas, remplissait votre cœur ; elle était le principe de tous ses mouvements.

Priez, afin que nous connaissions davantage ce véritable amour de Dieu et des hommes qui nous rend semblables à Dieu. Il est écrit que celui qui demeure dans la charité, demeure en Dieu et Dieu en lui  ; faites donc que le mystère de charité que nous célébrons nous transforme en Celui qui fait l’objet de tous nos sentiments, dans ce temps de grâces et de merveilles. Donnez-nous d’aimer nos frères comme nous-mêmes, de les supporter, de les excuser, de nous oublier pour leur être utiles. Que nos exemples les soutiennent, que nos paroles les édifient ; que leurs âmes soient gagnées et consolées par notre affection ; que leurs corps soient soulagés par nos largesses.

Priez pour la France, votre patrie, ô Pierre ! Secourez l’Espagne, au sein de laquelle vous avez fondé votre sublime Institut. Protégez les restes précieux de cet Ordre par lequel vous avez opéré tant de miracles de charité. Consolez et délivrez les captifs que la main des hommes retient dans les prisons ou dans l’esclavage. Obtenez pour nous tous cette sainte liberté des enfants de Dieu dont parle l’Apôtre, et qui consiste dans l’obéissance à la loi de Dieu. Quand cette liberté régnera dans les cœurs, elle affranchira les corps. En vain l’homme extérieur cherche à être libre, si l’homme intérieur est asservi. Faites, ô Rédempteur de vos frères, que les liens de l’erreur et du péché cessent d’enchaîner nos sociétés ; c’est alors que vous les aurez rendues à la vraie liberté, qui produit et règle toutes les autres.

 

Saint Pierre Nolasque confesseur mémoire de Sainte Agnès pour la 2nde fois
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Saint Jean Chrysostome évêque confesseur et docteur

27 Janvier 2020 , Rédigé par Ludovicus

Saint Jean Chrysostome évêque confesseur et docteur

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Que la grâce céleste fasse croître, nous vous en prions Seigneur, votre Église que vous avez voulu illuminer par les glorieux mérites et les enseignement du bienheureux Jean Chrysostome, votre Confesseur et Docteur.

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AU DEUXIÈME NOCTURNE.

Quatrième leçon. Jean, né à Antioche, fut surnommé Chrysostome, à cause du fleuve d’or de son éloquence. Il quitta le barreau et les affaires du siècle pour s’adonner entièrement à l’étude des saintes lettres, dans laquelle il s’attira beaucoup de louanges par son génie et par sa science. Aussi ayant été initié aux mystères sacrés, puis fait Prêtre de l’Église d’Antioche, il fut préposé, malgré lui, à l’Église de Constantinople, après la mort de Nectaire, par les soins de l’empereur Arcadius. Dès qu’il eut reçu la charge pastorale, il commença à s’élever avec force contre la corruption des mœurs et la vie licencieuse des grands. Cette liberté le rendit l’objet d’une haine profonde de la part d’un grand nombre. Il blessa même vivement l’impératrice Eudoxie, en lui reprochant de s’être emparée de l’argent de la Veuve Callitrope, et du champ d’une autre veuve.

Cinquième leçon. C’est pourquoi les ennemis du Saint réunirent à Chalcédoine une assemblée de quelques Évêques ; Jean ayant été cité, ne voulut pas s’y rendre, disant que ce concile n’était ni public ni légitime. Il fut donc envoyé en exil, principalement par les efforts d’Eudoxie ; mais peu après, le regret de son absence excita une sédition parmi le peuple, et on le rappela aux grands applaudissements de la cité. Comme il ne laissait pas de tonner contre les vices, et qu’il défendait de célébrer des jeux devant la statue d’argent d’Eudoxie, sur la place de Sainte-Sophie, une conspiration des Évêques s.es ennemis le contraignit de nouveau à s’exiler, tandis que les veuves et les indigents pleuraient le bannissement de leur père commun. On ne saurait croire combien de maux Chrysostome souffrit en exil, ni combien d’âmes il convertit à la foi de Jésus-Christ.

Sixième leçon. Tandis que le souverain Pontife Innocent Ier, par un décret porté dans un concile tenu à Rome, le rétablissait sur son siège, il était accablé durant le voyage, de souffrances et de privations inouïes par les soldats qui le gardaient. Comme on le conduisait par l’Arménie, le Martyr saint Basilisque, dans l’église duquel il avait auparavant prié, lui parla ainsi durant la nuit : « Jean, mon frère, le jour de demain nous réunira dans un même lieu. » Il prit donc le lendemain le sacrement de l’Eucharistie, et, s’étant muni du signe de la croix, il rendit son âme à Dieu, le dix-huit des calendes d’octobre. Après sa mort, une effroyable grêle tomba sur Constantinople, et quatre jours plus tard, l’impératrice quitta cette vie. Théodose, fils d’Arcadius, fit apporter le corps du Saint à Constantinople avec une pompe insigne et au milieu d’une grande affluence de peuple : il le fit ensevelir honorablement le six des calendes de février, et lui-même, vénérant ses reliques, implora le pardon de ses parents. Depuis, le corps du Saint, ayant été transporté à Rome, fut enseveli dans la basilique Vaticane. Tous admirent le nombre, la piété, la beauté de ses sermons et de ses autres écrits, sa manière d’interpréter les livres sacrés et de les expliquer en s’attachant au sens littéral des paroles. Il semble que saint Paul lui ait dicté beaucoup des choses qu’il a écrites ou prêchées, et tout le monde l’estime digne d’une telle faveur. Pie X a déclaré et constitué cet illustre saint, Docteur de l’Église universelle et céleste patron de tous les orateurs sacrés.

Avant l’arrivée de notre Emmanuel, les hommes étaient comme des brebis sans pasteur ; le troupeau était dispersé, et le genre humain courait à sa ruine. Jésus ne s’est donc pas contenté d’être l’Agneau destiné à l’immolation pour nos péchés ; il a voulu revêtir le caractère de Pasteur, pour nous rallier tous dans le divin bercail. Mais, comme il devait remonter aux cieux, il a pourvu aux besoins de ses brebis en établissant une suite de pasteurs qui paissent, en son nom, le troupeau, jusqu’à la consommation des siècles. Or, les brebis du Seigneur ont principalement besoin de la doctrine, qui est la lumière de vie ; c’est pourquoi l’Emmanuel a voulu que les Pasteurs fussent aussi docteurs. La Parole divine et les Sacrements, telle est la dette des pasteurs envers leurs troupeaux. Ils doivent dispenser par eux-mêmes, et sans cesse, cette double nourriture à leurs brebis, et donner leur vie, s’il le faut, pour l’accomplissement d’un devoir sur lequel repose l’œuvre tout entière du salut du monde.

Mais, comme le disciple n’est point au-dessus du Maître, les Pasteurs et Docteurs du peuple chrétien, s’ils sont fidèles, sont en butte à la haine des ennemis de Dieu ; car ils ne peuvent étendre le royaume de Jésus-Christ qu’au détriment de la domination de Satan. Aussi l’histoire de l’Église n’est-elle, à chaque page, que le récit des persécutions qu’ont endurées les Pasteurs et Docteurs qui ont voulu continuer le ministère de zèle et de charité que le Christ a ouvert sur la terre. Trois sortes de combats leur ont été livrés dans la suite des siècles, et ont donné occasion à trois admirables victoires. Les Pasteurs et Docteurs des Églises ont eu à lutter contre l’erreur païenne, qui s’opposait par le carnage à la prédication de la loi sublime du Christ ; c’est cette persécution qui a couronné et réuni autour du berceau de l’Emmanuel, dans les quarante jours consacrés à sa Naissance, les Polycarpe, les Ignace, les Fabien, les Marcel, les Hygin, les Télesphore.

Après l’âge des persécutions, une nouvelle arène, non moins glorieuse, s’est ouverte pour les Pasteurs et Docteurs du peuple chrétien. Les princes, devenus d’abord enfants de l’Église, ont voulu bientôt l’enchaîner. Ils ont cru dans l’intérêt de leur politique d’asservir cette parole qui doit librement parcourir le monde en tous sens, comme la lumière visible qui est son image. Ils ont voulu être prêtres et pontifes, comme aux jours du paganisme, et mettre arrêt sur ces sources de vie qui se tarissent dès qu’une main profane les a touchées. Une lutte incessante s’est établie entre les deux pouvoirs, spirituel et temporel ; cette longue période a produit aussi ses athlètes et ses martyrs. En chaque siècle, Dieu a glorifié son Église par les combats et les triomphes de plus d’un vaillant champion de la parole et du ministère. Thomas de Cantorbéry, Hilaire de Poitiers, représentent dignement ces chevaliers à la Cour du Roi nouveau-né.

Mais il est une autre série de combats pour les Pasteurs et Docteurs du peuple fidèle : c’est la lutte contre le monde et ses vices. Elle dure depuis le commencement du Christianisme, elle occupera les forces de l’Église jusqu’au dernier jour ; et c’est parce qu’ils l’ont soutenue avec courage, que tant de saints prélats ont été odieux pour le nom de Jésus-Christ. Ni la charité, ni les services de tout genre, ni l’humilité, ni la mansuétude, ne les ont garantis de l’ingratitude, de la haine, de la calomnie, des persécutions ; parce qu’ils étaient fidèles à proclamer la doctrine de leur Maître, à venger la vertu, à s’opposer aux pécheurs. François de Sales n’a pas été plus exempt des effets de la malice des hommes que Jean Chrysostome lui-même, dont le triomphe réjouit aujourd’hui l’Église, et qui se présente au berceau de l’Emmanuel comme le plus illustre des martyrs du devoir pastoral.

Disciple du Sauveur des hommes jusque dans la pratique de ses conseils par la profession monastique, ce prédicateur à la bouche d’or n’a employé le don de son éloquence sublime qu’à recommander les vertus apportées par le Christ sur la terre, qu’à reprendre toute sorte de pécheurs. Une impératrice, dont il avait dénoncé les vanités païennes ; des hommes puissants, dont il avait signalé les œuvres mauvaises ; des femmes influentes, aux oreilles desquelles sa voix importune tonnait trop souvent ; un évêque d’Alexandrie, des prélats de cour, plus jaloux encore de sa réputation que de sa vertu : telles sont les forces que l’enfer réunit contre Jean. L’amour de son peuple ne le garantira pas plus que la sainteté de sa vie ; et l’on verra cet illustre pontife qui avait ravi par le charme de sa parole les habitants d’Antioche, et autour duquel Constantinople tout entière se réunissait dans un enthousiasme qui ne se ralentit pas un seul jour, après s’être vu déposé dans un indigne conciliabule, après avoir vu son nom effacé des diptyques de l’autel, malgré la protestation énergique du Pontife romain, s’en aller mourir de fatigue, entre les mains des soldats, sur la route de l’exil.

Mais ce Pasteur, ce Docteur n’était pas vaincu. Il répétait, avec le grand Paul : « Malheur à moi, si je ne prêche pas l’Évangile ! ». Et encore : « La parole de Dieu ne s’enchaîne pas. ». L’Église triomphait en lui, plus glorifiée et plus consolidée par la constance de Chrysostome mené en captivité pour avoir prêché la doctrine de Jésus-Christ, que par les succès de cette éloquence que Libanius avait enviée pour le paganisme. Écoutons les fortes paroles de Chrysostome, à la veille de partir pour son dernier exil. Déjà il a été enlevé une fois ; mais un affreux tremblement de terre, présage de la colère du ciel, a contraint Eudoxie elle-même à demander avec larmes son rappel à l’Empereur. De nouveaux orages se forment contre Jean ; mais il sent que toute la force de l’Église est en lui, et il défie la tempête. Apprenons ce que c’est qu’un Évêque formé à l’école de Jésus-Christ, le Pasteur et l’Évêque de nos âmes, comme parle saint Pierre :

« Les flots et la tourmente s’avancent contre nous ; cependant nous ne craignons pas d’en être submergés ; car nous sommes assis sur la pierre. Que la mer s’élance dans tout son courroux, elle ne dissoudra pas la pierre ; que les flots montent, ils ne submergeront pas le vaisseau de Jésus. Je vous le demande, que craindrions-nous ? La mort ? Mais le Christ est ma vie, et mourir m’est un gain. L’exil, me direz-vous ? Mais la terre est au Seigneur, avec tout ce qu’elle renferme. La confiscation des biens ? Mais nous n’avons rien apporté en venant en ce monde, et nous rien pouvons rien emporter. Les terreurs de ce monde me sont à mépris, et ses biens n’excitent que ma risée. Je ne crains pas la pauvreté, je ne convoite pas les richesses, je ne redoute pas la mort ; et si je désire vivre, c’est uniquement pour votre avantage. Votre intérêt est même le seul motif qui me porte à faire allusion à la circonstance présente.
« Voici la prière que je fais à votre charité : « Ayez confiance. Nul ne pourra nous séparer ; ce que Dieu a joint, ce n’est pas à l’homme de le désunir. Dieu l’a dit à propos de l’union de l’homme et de la femme. Tu ne peux, ô homme ! briser le lien d’un seul mariage ; comment pourrais-tu diviser l’Église de Dieu ? C’est donc elle que tu attaques, parce que tu ne peux atteindre celui que tu poursuis. Le moyen de rendre ma gloire plus éclatante, d’épuiser plus sûrement encore tes forces, c’est de me combattre ; car il te sera dur de regimber contre l’aiguillon. Tu n’en émousseras pas la pointe, et tes pieds en seront ensanglantés. Les flots n’entament pas le rocher ; ils retombent sur eux-mêmes, écume impuissante.
« O homme ! Rien n’est comparable à la force de l’Église. Cesse la guerre, si tu ne veux pas sentir épuiser tes forces ; ne fais pas la guerre au ciel. Si tu déclares la guerre à l’homme, tu peux vaincre, ou succomber ; mais quand tu attaques l’Église, l’espoir de vaincre t’est interdit ; car Dieu est plus fort que tout. Serions-nous donc jaloux du Seigneur ? Serions-nous plus puissants que lui ? Dieu a fondé, il a affermi ; qui essaiera d’ébranler ? Tu ne connais donc pas sa force ? Il regarde la terre, et il la fait trembler ; il commande, et ce qui était ébranlé devient solide. Si naguère il a raffermi votre ville agitée par un tremblement de terre, combien plus pourra-t-il rasseoir l’Église ! Mais elle est plus solide que le ciel même. Le ciel et la terre passeront, dit le Seigneur ; mais mes paroles ne passeront point. Et quelles paroles ? Tu es Pierre, et sur cette pierre qui est à moi, je bâtirai mon Église, et les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle.
« Si tu ne crois pas à cette parole, crois aux faits. Combien de tyrans ont essayé d’écraser l’Église ? Que de bûchers, que de bêtes féroces, que de glaives ! Et tout cela pour ne rien produire. Où sont maintenant ces redoutables ennemis ? Le silence et l’oubli en ont fait justice. Et l’Église, où est-elle ? Sous nos yeux, plus resplendissante que le soleil. Mais si, lorsque les chrétiens étaient en petit nombre, ils n’ont pas été vaincus ; aujourd’hui que l’univers entier est plein de cette religion sainte, comment les pourrais-tu vaincre ? Le ciel et la terre passeront, dit le Christ, mais mes paroles ne passeront, pas. Et il en doit être ainsi ; car l’Église est plus aimée de Dieu que le ciel même. Ce n’est pas du ciel qu’il a pris un corps ; la chair qu’il a prise appartient à l’Église. Le ciel est pour l’Église, et non pas l’Église pour le ciel.
« Ne vous troublez pas de ce qui est arrivé. Faites-moi cette grâce, d’être immobiles dans la foi. N’avez-vous pas vu Pierre, lorsqu’il marchait sur les eaux, pour avoir douté un instant, courir le risque d’être submergé, non par l’impétuosité des flots, mais à cause de la faiblesse de sa foi ? Sommes-nous donc montés sur ce siège par les calculs humains ? L’homme nous a-t-il élevé, pour que l’homme nous puisse renverser ? Je ne le dis pas par arrogance, ni par une vaine jactance : à Dieu ne plaise ! je veux seulement affermir ce qui en vous serait flottant.
« La ville était rassise sur ses bases ; le diable a voulu ébranler l’Église. O esprit de scélératesse et d’infamie ! tu n’as pas su renverser des murailles, et tu espères ébranler l’Église ! Consiste-t-elle donc dans des murailles, l’Église ? Non ; l’Église, c’est la multitude des fidèles ; ils sont ses fermes colonnes, non liées avec le fer, mais serrées par la foi. Je ne dis pas seulement qu’une telle multitude a plus de force que le feu ; ta rage ne saurait triompher même d’un seul chrétien. Rappelle-toi quelles blessures t’ont infligées les martyrs. N’a-t-on pas vu souvent comparaître une jeune fille délicate, amenée devant le juge, avant l’âge nubile ? Elle était plus tendre que la cire, et cependant plus ferme que la pierre. Tu déchirais ses flancs ; tu ne lui enlevais pas la foi. La chair cédait sous l’instrument de torture, la constance dans la foi ne cédait pas. Tu n’as pu vaincre même une femme, et tu espères surmonter tout un peuple ? Tu n’as donc pas entendu le Seigneur qui disait : Là où deux ou trois sont rassemblés en mon Nom, j’y suis au milieu d’eux ? Et il ne serait pas présent au milieu d’un peuple nombreux, enchaîné par les liens de la charité !
« J’ai en mes mains le gage, je possède sa promesse écrite ; c’est là le bâton sur lequel je m’appuie, c’est là ma sécurité, c’est là mon port tranquille. Que l’univers entier s’agite ; je me contente de relire ces caractères sacrés ; c’est là mon mur, c’est là ma forteresse. Mais quels caractères ? Ceux-ci : Je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la consommation des siècles. Le Christ est avec moi ! qu’ai-je à craindre ? Quand les flots s’élèveraient contre moi, quand les mers, quand la fureur des princes ; pour moi, tout cela est moins qu’une toile d’araignée. Si votre charité ne m’eût retenu, j’étais prêt à partir pour l’exil, dès aujourd’hui même. Voici ma prière : « Seigneur, que votre volonté se fasse ; non telle ou telle volonté, mais la vôtre. Qu’il arrive ce que Dieu voudra ; s’il veut que je reste ici, je l’en remercie ; en quelque lieu qu’il veuille que je sois transporté, je lui rends grâces. »

Tel est le cœur du ministre de Jésus-Christ, humble et invincible. Et Dieu donne de ces hommes dans tous les siècles ; et quand ils deviennent rares, tout languit et s’éteint. Quatre Docteurs de ce caractère ont été donnés à l’Église Orientale : Athanase, Grégoire de Nazianze, Basile et Chrysostome ; et le siècle qui les a produits conserva la foi, malgré les plus redoutables périls. Les deux premiers brillent au Cycle, à l’époque où l’Église est toute radieuse de l’éclat de son Époux ressuscité ; le troisième signale le temps où les dons de l’Esprit d’amour ont fécondé l’Église ; Chrysostome nous réjouit par sa présence, en ce jour où le Verbe de Dieu nous apparaît sous les livrées de l’infirmité et de l’enfance. Nous, heureux fils de l’Église latine qui seule a eu le bonheur de conserver la foi primitive, parce que Pierre est avec elle, honorons ces quatre fortes colonnes de l’édifice de la tradition ; mais rendons aujourd’hui nos hommages à Chrysostome, le Docteur de toutes les Églises, le vainqueur du monde, le Pasteur inébranlable, le successeur des Martyrs, le prédicateur par excellence, l’admirateur de Paul, l’imitateur du Christ.

 

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IIIème dimanche après l’Epiphanie

26 Janvier 2020 , Rédigé par Ludovicus

IIIème dimanche après l’Epiphanie

Introït

Adorez Dieu, vous tous ses Anges, Sion a entendu et s’est réjouie, et les filles de Juda ont tressailli de joie. Le Seigneur est roi ; que la terre tressaille de joie, que toutes les îles se réjouissent.

Collecte

Dieu tout-puissant et éternel, jetez un regard favorable sur notre faiblesse et étendez la droite de votre majesté pour nous protéger

Épitre Rm. 12, 16-21

Mes Frères : Ne soyez point sages à vos propres yeux ; ne rendez à personne le mal pour le mal ; veillez à faire ce qui est bien devant tous les hommes. S’il est possible, autant qu’il dépend de vous, soyez en paix avec tous. Ne vous vengez point vous-mêmes, bien-aimés ; mais laissez agir la colère de Dieu ; car il est écrit : "A moi la vengeance ; c’est moi qui rétribuerai, dit le Seigneur." Si ton ennemi a faim, donne-lui à manger ; s’il a soif, donne-lui à boire ; car en agissant ainsi, tu amasseras des charbons de feu sur sa tête. Ne te laisse pas vaincre par le mal, mais triomphe du mal par le bien.

Évangile Mt. 8, 1-13

En ce temps là : Comme Jésus descendait de la montagne, des foules nombreuses le suivirent. Et voici qu’un lépreux s’approcha, se prosterna devant lui et dit : "Seigneur, si vous voulez, vous pouvez me guérir." Il étendit la main, le toucha et dit : "Je le veux, sois guéri." Et à l’instant sa lèpre fut guérie. Alors Jésus lui dit : "Garde-toi d’en parler à personne ; mais va te montrer au prêtre, et offre le don prescrit par Moïse, en attestation pour eux." Comme Jésus était entré à Capharnaüm, un centurion l’aborda et lui fit cette prière : "Seigneur, mon serviteur est couché dans ma maison, paralysé, et il souffre cruellement." Il lui dit : "Je vais aller le guérir." Le centurion reprit : "Seigneur, je ne suis pas digne que vous entriez sous mon toit ; mais dites seulement un mot, et mon serviteur sera guéri. Car moi qui suis sous des chefs, j’ai des soldats sous mes ordres, et je dis à l’un : "Va," et il va ; et à un autre : "Viens," et il vient ; et à mon serviteur : "Fais ceci," et il le fait." Ce qu’entendant, Jésus fut dans l’admiration, et il dit à ceux qui le suivaient : "Je vous le dis en vérité : dans Israël, chez personne je n’ai trouvé une si grande foi. Or je vous le dis : beaucoup viendront de l’Orient et de l’Occident, et prendront place au festin avec Abraham, Isaac et Jacob, dans le royaume des cieux, tandis que les fils du royaume seront jetés dans les ténèbres extérieures : là seront les pleurs et le grincement de dents." Et Jésus dit au centurion : "Va, et qu’il te soit fait selon ta foi !" Et à l’heure même le serviteur se trouva guéri.

Secrète

Nous vous en supplions, Seigneur, que cette hostie nous purifie de nos fautes, et qu’elle sanctifie les corps et les âmes de vos serviteurs pour célébrer le sacrifice

Postcommunion

Nous vous en supplions, Seigneur, vous qui nous accordez la grâce de participer à de si grands mystères, rendez-nous dignes d’en recevoir véritablement les effets.

Office

Au deuxième nocturne.

Exposé de saint Augustin, évêque, sur l’Épître aux Galates.

Quatrième leçon. Le motif pour lequel l’Apôtre écrit aux Galates est de leur faire comprendre que la grâce de Dieu est à l’œuvre en eux pour les libérer désormais de la loi. Lorsque la grâce de l’Évangile leur fut prêchée, il n’en manqua point qui, venus de la circoncision, ne tenaient pas encore, bien que chrétiens de nom, le bénéfice propre de la grâce. Ils voulaient demeurer sous les fardeaux de la loi imposée par le Seigneur Dieu à ceux qui servaient non la justice, mais le péché. Cette loi juste, Dieu la donnait à des hommes injustes, pour leur révéler leurs péchés et non pour les leur enlever. Seule enlève les péchés la grâce de la foi qui opère par l’amour.

Cinquième leçon. Les judaïsants voulaient donc replacer sous les fardeaux de la loi les Galates déjà placés sous la grâce. Ils assuraient que l’Évangile ne leur servirait de rien s’ils ne se faisaient circoncire et ne se soumettaient aux autres observances charnelles des rites judaïques. Aussi les Galates commencèrent-ils à tenir en suspicion l’apôtre Paul qui leur avait prêché l’Évangile. Selon eux, il était coupable de ne pas tenir la même règle de conduite que les autres Apôtres qui contraignaient les nations à judaïser.

Sixième leçon. Une question semblable est traitée aussi dans l’Épître aux Romains mais avec cette différence, semble-t-il, que l’Apôtre y tranche un débat et met un terme au litige qui s’était élevé entre les croyants issus, les uns, du judaïsme, les autres, du paganisme. Les premiers prétendaient que le salaire de l’Évangile leur avait été octroyé en raison du mérite des œuvres de la loi et ce salaire, ils se refusaient à le voir accordé, faute de mérite, pensaient-ils, aux incirconcis. Quant à ces derniers, ils cherchaient à s’élever au-dessus des Juifs en qui ils prétendaient voir les meurtriers du Seigneur. Mais, dans cette Épître-ci, l’Apôtre écrit à des gens déjà ébranlés par l’autorité des judaïsants qui les contraignaient à la pratique des observances de la loi.

Au troisième nocturne. 

Homélie de saint Jérôme, prêtre.

Septième leçon. Tandis qu’il descend de la montagne, les foules vont au devant du Seigneur ; car elles n’ont pu gravir les sommets. Et le premier qui vient à sa rencontre est un lépreux : à cause de sa lèpre il ne pouvait entendre le si long discours prononcé par le Sauveur sur la montagne. Il faut noter qu’il est le premier cas spécial de guérison : le second rang revient au serviteur du centurion, le troisième à la belle-mère de Pierre accablée par la fièvre à Capharnaüm, le quatrième aux possédés du démon qui sont présentés au Seigneur et dont les esprits sont chassés par sa parole lorsqu’il guérit aussi tous les malheureux.

Huitième leçon. « Et voici qu’un lépreux vint se prosterner devant lui en disant... » Après la prédication et l’enseignement, voici, fort à propos, l’occasion d’un signe afin que la puissance du miracle confirme chez les auditeurs la parole qu’ils viennent d’entendre. « Seigneur, si tu veux, tu peux me purifier. » Celui qui fait appel à la volonté ne doute pas de la puissance. « Alors il étendit la main et il le toucha en disant : Je le veux, sois purifié. » Le Seigneur étend la main, la lèpre fuit aussitôt. Observe également combien la réponse est humble et sans jactance. Le lépreux dit : « Si tu veux. » Le Seigneur répond : « Je le veux. » Il avait dit aussi : « Tu peux me purifier » Le Seigneur ajoute ces mots : « Sois purifié. » Il ne faut donc pas, comme le pensent la plupart des Latins, joindre les deux expressions et lire : « Je veux purifier », mais les séparer. Ainsi Jésus dit d’abord : « Je le veux », ensuite il ordonne : « Sois purifié. »

Neuvième leçon. « Et Jésus lui dit : Garde-toi d’en parler à personne. » Et vraiment, était-il nécessaire d’annoncer en paroles ce que son corps proclamait ? « Mais va, montre-toi au prêtre. » Il le renvoie au prêtre pour différentes raisons. D’abord par motif d’humilité : il veut montrer qu’il témoigne de la déférence aux prêtres. Car la loi prescrivait à ceux qui avaient été guéris de la lèpre d’offrir des présents aux prêtres. Ensuite, à la vue du lépreux purifié ou bien ils croiront au Sauveur, ou bien ils ne croiront pas. S’ils croient, ils sont sauvés ; s’ils ne croient pas, ils seront sans excuse. Et en même temps, Jésus se dégage du reproche qu’on lui inflige très souvent, celui de violer la loi.

ÉPÎTRE.

Cette charité envers le prochain, que nous recommande l’Apôtre, prend sa source dans la fraternité universelle que le Sauveur est venu nous apporter du ciel par sa naissance. Il est venu faire la paix entre le ciel et la terre : les hommes doivent donc aussi avoir la paix entre eux. Si le Seigneur nous recommande de ne pas nous laisser vaincre par le mal, mais de surmonter le mal par le bien, ne l’a-t-il pas fait lui-même lorsqu’il est venu au milieu des enfants de colère pour en faire des enfants d’adoption, au moyen de ses abaissements et de ses souffrances ?

Dans le Graduel, la sainte Église continue de célébrer la venue de l’Emmanuel, et convoque toutes les nations et tous les rois de la terre à venir confesser son Nom.

ÉVANGILE.

Le genre humain était malade de la lèpre du péché : le Fils de Dieu daigne le toucher dans le mystère de l’Incarnation, et il lui rend la santé ; mais il exige que le malade ainsi guéri aille se montrer au prêtre, et qu’il accomplisse les cérémonies prescrites dans la loi, pour montrer qu’il associe un sacerdoce humain à l’œuvre de notre salut. La vocation des Gentils, dont les Mages ont été les prémices, parait aussi dans la foi du Centurion. Un soldat romain et des millions d’autres qui lui sont semblables, seront réputés de vrais enfants d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, tandis que des fils directs de ces Patriarches seront jetés hors de la salle du festin, dans les ténèbres de l’aveuglement ; et leur châtiment sera donné en spectacle à tous les peuples. Dans l’Offertoire, l’homme, sauvé par la venue de l’Emmanuel, chante la puissance du Dieu qui a déployé pour notre salut la force de son bras. L’homme était condamné à la mort éternelle ; mais, ayant pour frère un Dieu, il ne mourra pas : il vivra pour raconter les merveilles de ce Dieu qui l’a sauvé.

Pendant la distribution du Pain de vie, la sainte Église nous rappelle l’admiration qu’éprouvaient les peuples aux paroles de Jésus. Les enfants de l’Église, initiés à tous les mystères, goûtent en ce moment l’effet de cette ineffable Parole au moyen de laquelle le Rédempteur a changé le pain en son corps et le vin en son sang.

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Conversion de Saint Paul apôtre

25 Janvier 2020 , Rédigé par Ludovicus

Conversion de Saint Paul apôtre

Collecte

O Dieu, qui avez instruit le monde entier par la prédication du bienheureux Apôtre Paul, accordez-nous, nous vous en supplions, que célébrant aujourd’hui sa conversion, nous avancions vers vous en imitant ses exemples.

On fait mémoire de S. Pierre Apôtre sous la même conclusion.

O Dieu,qui, en confiant au Bienheureux Pierre, votre Apôtre, les clefs du royaume céleste, lui avez donné l’autorité pontificale de lier et de délier ; faites que nous soyons délivrés des liens de nos péchés, par le secours de son intercession

Office

Au premier nocturne.

Des Actes des Apôtres.
Première leçon. Saul, respirant encore menaces et meurtre contre les disciples du Seigneur, vint auprès du prince des prêtres, et lui demanda des lettres pour les synagogues de Damas, afin que, s’il y trouvait des hommes et des femmes de cette voie, il les conduisît enchaînés à Jérusalem. Comme il était en chemin, et qu’il approchait de Damas, tout à coup une lumière du ciel brilla autour de lui. Et, tombant à terre, il entendit une voix qui lui disait : Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ? Il dit : Qui êtes-vous, Seigneur ? Et le Seigneur : Je suis Jésus que tu persécutes ; il t’est dur de regimber contre l’aiguillon.
Deuxième leçon. Alors, tremblant et frappé de stupeur, il dit : Seigneur, que voulez-vous que je fasse ? Et le Seigneur lui répondit Lève-toi, entre dans la ville ; car c’est là que te sera dit ce qu’il faut que tu fasses. Or les hommes qui l’accompagnaient demeuraient tout étonnés, entendant bien la voix, mais ne voyant personne. Saul se leva donc de terre, et, les yeux ouverts, il ne voyait rien. Ainsi, le conduisant par la main, ils le firent entrer dans Damas. Et il y fut trois jours ne voyant point ; et il ne but ni ne mangea.
Troisième leçon. Or il y avait un certain disciple à Damas, du nom d’Ananie ; et le Seigneur lui dit en vision : Ananie. Et il dit : Me voici, Seigneur. Et le Seigneur lui dit : Lève-toi, et va dans la rue qu’on appelle Droite, et cherche dans la maison de Judas un nommé Saul de Tarse ; car il est en prières. (Saul vit aussi un homme du nom d’Ananie, entrant et lui imposant les mains, pour qu’il recouvrât la vue). Ananie répondit : Seigneur, j’ai appris d’un grand nombre de personnes combien cet homme a fait de maux à vos saints dans Jérusalem ; ici même, il a le pouvoir des princes des prêtres, pour charger de liens ceux qui invoquent votre nom. Mais le Seigneur lui repartit : Va, car cet homme m’est un vase d’élection, pour porter mon nom devant les Gentils, les rois et les enfants d’Israël. Aussi je lui montrerai combien il faut qu’il souffre pour mon nom.

Au deuxième nocturne.

Sermon de saint Augustin, évêque.

Quatrième leçon. On nous a lu aujourd’hui le passage des Actes des Apôtres ou l’on rapporte que l’Apôtre Paul devint, de persécuteur des Chrétiens, prédicateur du Christ. Le Christ, en effet, a renversé un persécuteur pour en faire un docteur de l’Église ; le frappant et le guérissant, lui donnant à la fois la mort et la vie. Agneau immolé par des loups, il change les loups en agneaux. Dans la célèbre prophétie où nous voyons le patriarche Jacob bénir ses enfants (la main étendue sur ceux qui étaient présents et les yeux fixés sur l’avenir), se trouve prédit ce qui s’est accompli dans Paul. Paul était, comme il l’atteste lui-même, de la tribu de Benjamin. Or, lorsqu’en bénissant ses fils, Jacob fut arrivé à bénir Benjamin, il dit de lui : « Benjamin, loup ravissant. »
Cinquième leçon. Quoi ? Sera-t-il toujours loup ravisseur ? Nullement ; mais « celui qui, le matin, ravit la proie, partage le soir les aliments. » Voilà ce .qui s’est accompli dans l’Apôtre saint Paul, que cette prédiction concernait. Considérons-le maintenant, si vous le voulez bien, ravissant le matin, et partageant le soir les dépouilles. Matin et soir sont mis ici pour d’abord et ensuite. Nous entendrons donc ainsi cette proposition : il ravira d’abord, et ensuite il partagera les aliments. Voyez le ravisseur : Saul, disent les Actes, ayant reçu les lettres des princes des prêtres, allait (à Damas) afin que partout où il trouverait des Chrétiens, il les entraînât et les amenât aux prêtres pour être châtiés.
Sixième leçon. Il allait, respirant et exhalant le meurtre ; c’est-à-dire, ravissant le matin. Aussi quand Etienne, le premier Martyr, fut lapidé pour le nom du Christ, Paul était-il très manifestement présent, et il assistait même au supplice d’Etienne avec des sentiments si hostiles que, pour lui, ce n’était pas assez de le lapider de ses propres mains : afin de se trouver en quelque sorte dans toutes les mains qui lançaient des pierres, il gardait les vêtements de tous les bourreaux, exerçant mieux sa fureur en les secondant tous, que s’il l’eût lapidé de ses propres mains. Nous comprenons la première partie de la prophétie : « Il ravira le matin. » Voyons de quelle manière il partage les aliments le soir. Du ciel la voix du Christ le terrasse, il reçoit d’en haut l’ordre de ne plus sévir, et il tombe la face contre terre : il devait être abattu d’abord, puis relevé ; d’abord frappé, puis guéri.
 

Au troisième nocturne.

Homélie de saint Béde le Vénérable, Prêtre. 

Septième leçon. Celui-là est parfait, qui vend tout ce qu’il possède, en donne le prix aux pauvres, et vient se mettre à la suite de Jésus-Christ : aussi aura-t-il dans les cieux un trésor inépuisable. C’est pourquoi, lorsque Pierre l’interrogea, Jésus répondit (en s’adressant à tous ceux qui agissent ainsi) : « En vérité, je vous dis que vous qui m’avez suivi, lorsqu’à la régénération, le Fils de l’homme sera assis sur le trône de sa gloire, vous aussi, vous serez assis sur douze trônes, jugeant les douze tribus d’Israël ». Par ces paroles, il apprit à ceux qui travaillent et souffrent en cette vie pour son nom, à espérer une récompense en l’autre, c’est-à-dire en la régénération, lorsqu’on ressuscitant nous aurons obtenu de renaître pour une vis immortelle, nous qui avions été engendrés dans la condition mortelle pour une vie fragile.
Huitième leçon. Et c’est une récompense bien juste, que ceux qui auront ici-bas méprisé la gloire de toute élévation humaine soient là-haut particulièrement glorifiés par le Christ, et assis auprès de lui à titre de juges, ces hommes qu’aucune considération n’a pu empêcher de suivre les traces de notre Seigneur. Mais que personne ne s’imagine que les Apôtres qui sont au nombre de douze, parce que Mathias fut élu à la place de Judas le prévaricateur, doivent être seuls à juger le monde ; les douze tribus d’Israël ne seront pas non plus seules à subir le jugement, autrement la tribu de Lévi qui est la treizième resterait non jugée.
Neuvième leçon. Et Paul, qui est le treizième Apôtre, se verra-t-il privé du privilège de juger, alors qu’il dit lui-même : « Ne savez-vous pas que nous jugerons les anges ? Combien plus les choses du siècle ? » Or il faut savoir que tous ceux qui, à l’exemple des Apôtres, ont laissé tout ce qu’ils possédaient et suivi le Christ, doivent venir avec lui comme juges, de même que tout le genre humain sera jugé. Dans l’Écriture le nombre douze indique souvent l’universalité, et c’est pourquoi les douze trônes des Apôtres désignent tous ceux qui jugeront, et les douze tribus d’Israël, l’universalité de ceux qui doivent être jugés.

Nous avons vu la Gentilité, représentée aux pieds de l’Emmanuel par les Rois Mages, offrir ses mystiques présents, et recevoir en retour les dons précieux de la foi, de l’espérance et de la charité. La moisson des peuples est mûre ; il est temps que le moissonneur y mette la faucille. Mais quel sera-t-il, cet ouvrier de Dieu ? Les Apôtres du Christ vivent encore à l’ombre de la montagne de Sion. Tous ont reçu la mission d’annoncer le salut jusqu’aux extrémités du monde ; mais nul d’entre eux n’a reçu encore le caractère spécial d’Apôtre des Gentils. Pierre, l’Apôtre de la Circoncision, est destiné particulièrement, comme le Christ, aux brebis perdues de la maison d’Israël. Toutefois, comme il est le Chef et le fondement, c’est à lui d’ouvrir la porte de l’Église aux Gentils. Il le fait avec solennité, en conférant le Baptême au centurion romain Cornélius.

Cependant, l’Église est en travail ; le sang du Martyr Étienne, sa dernière prière, vont enfanter un nouvel Apôtre, l’Apôtre des nations. Saul, citoyen de Tarse, n’a pas vu le Christ dans sa vie mortelle ; et le Christ seul peut faire un Apôtre. Du haut des cieux où il règne impassible et glorifié, Jésus appellera Saul à son école, comme il appelait, durant les années de sa prédication, à suivre ses pas et à écouter sa doctrine, les pêcheurs du lac de Génésareth. Le Fils de Dieu enlèvera Saul jusqu’au troisième ciel, il lui révélera tous ses mystères ; et quand Saul, revenu sur la terre, aura été, comme il le raconte, voir Pierre et comparer son Évangile avec le sien, il pourra dire : « Je ne suis pas moins Apôtre que les autres Apôtres. »

C’est dans ce glorieux jour de la Conversion de Saul, qui bientôt s’appellera Paul, que ce grand œuvre commence. C’est aujourd’hui que retentit cette voix qui brise les cèdres du Liban, et dont la force souveraine fait d’abord un chrétien du Juif persécuteur, qui bientôt sera un Apôtre. Cette admirable transformation avait été prophétisée par Jacob, lorsque, sur sa couche funèbre, il dévoilait l’avenir de chacun de ses enfants, dans la tribu qui devait sortir d’eux. Juda eut les premiers honneurs : de sa race royale, le Rédempteur, l’attente des nations, devait naître. Benjamin fut annoncé, à son tour, sous des traits plus humbles, mais néanmoins glorieux : il sera l’aïeul de Paul, et Paul, l’Apôtre des nations.

Le vieillard avait dit : « Benjamin est un loup ravisseur : le matin, il enlève la proie ; mais le soir, il distribue la nourriture. ». Celui qui, dans la matinée fougueuse de son adolescence, se lance comme un loup respirant la menace et le carnage, à la poursuite des brebis du Christ, n’est-ce pas, comme le dit un antique Docteur, Saul sur la route de Damas, porteur et exécuteur des ordres des pontifes du temple maudit, et tout couvert du sang d’Étienne qu’il a lapidé par les mains de tous ceux dont il gardait les vêtements ? Celui qui, sur le soir, ne ravit plus la dépouille du juste, mais, d’une main charitable et pacifique, distribue à ceux qui ont faim la nourriture qui leur donne la vie, n’est-ce pas Paul, Apôtre de Jésus-Christ, embrasé de l’amour de ses frères, et se faisant tout à tous, jusqu’à désirer d’être anathème pour eux ?

Telle est la force victorieuse de notre Emmanuel, toujours croissante et à laquelle rien ne résiste. S’il veut pour premier hommage la visite des bergers, il les fait convier par ses Anges, dont les doux accords ont suffi pour amener ces cœurs simples à la crèche où repose sous de pauvres langes l’espoir d’Israël. S’il désire l’hommage des princes de la Gentilité, il fait lever au ciel une étoile symbolique, dont l’apparition, aidée du mouvement intérieur de l’Esprit-Saint, détermine ces hommes de désirs à venir, du fond de l’Orient, déposer aux pieds d’un humble enfant leurs dons et leurs cœurs. Quand le moment est venu de former le Collège Apostolique, il s’avance sur les bords de la mer de Tibériade, et cette seule parole : Suivez-moi, a suffi pour attacher à ses pas les hommes qu’il a choisis. Au milieu des humiliations de sa Passion, un regard de sa part change le cœur du Disciple infidèle. Aujourd’hui, du haut du Ciel, tous les mystères accomplis, voulant montrer que lui seul est maître de l’Apostolat, et que son alliance avec les Gentils est consommée, il tonne sur la tête de ce Pharisien fougueux qui croit courir à la ruine de l’Église ; il brise ce cœur de Juif, et il crée par sa grâce ce nouveau cœur d’Apôtre, ce vase d’élection, ce Paul qui dira désormais : « Je vis, mais ce n’est pas moi, c’est le Christ qui vit en moi. ».

Mais il était juste que la commémoration de ce grand événement vînt se placer non loin du jour où l’Église célèbre le triomphe du premier des Martyrs. Paul est la conquête d’Étienne. Si l’anniversaire de son martyre se rencontre sous les feux du solstice d’été, il ne pouvait manquer d’apparaître auprès du berceau de l’Emmanuel, comme le plus brillant trophée du Proto-martyr ; les Mages le réclamaient aussi comme le conquérant de cette Gentilité dont ils ont été les prémices.

Enfin, pour compléter la cour de notre grand Roi, il convenait que les deux puissantes colonnes de l’Église, l’Apôtre des Juifs et l’Apôtre des Gentils, s’élevassent aux côtés de la crèche mystique : Pierre, avec ses clefs ; Paul, avec son glaive. C’est alors que Bethléhem nous semble, de plus en plus, la figure de l’Église, et les richesses du Cycle en cette saison plus éblouissantes que jamais.

Nous vous rendons grâces, ô Jésus, qui avez aujourd’hui terrassé votre ennemi par votre puissance, et l’avez relevé par votre miséricorde. Vous êtes véritablement le Dieu fort ; et vous méritez que toute créature célèbre vos victoires. Qu’ils sont merveilleux, vos plans pour le salut du monde ! Vous associez des hommes à l’œuvre de la prédication de votre parole, à la dispensation de vos Mystères ; et, pour rendre Paul digne d’un tel honneur, vous employez toutes les ressources de votre grâce vous vous plaisez à faire du meurtrier d’Étienne un Apôtre, afin que votre puissance souveraine éclate à tous les yeux, afin que votre amour pour les âmes apparaisse dans sa plus gratuite générosité, afin que la grâce surabonde où le péché avait abondé. Visitez-nous souvent, ô Emmanuel, par cette grâce qui change les cœurs ; car nous désirons une vie abondante, et nous sentons que son principe est souvent près de nous échapper. Convertissez-nous, comme vous avez converti l’Apôtre ; après nous avoir convertis, assistez-nous ; car sans vous nous ne pouvons rien faire. Prévenez-nous, suivez-nous, accompagnez-nous, ne nous quittez jamais, et de même que vous nous avez donné le commencement, assurez-nous la persévérance jusqu’à la fin. Donnez-nous de reconnaître, avec crainte et avec amour, ce don mystérieux de la grâce que nulle créature ne saurait mériter, et auquel cependant une volonté créée peut mettre obstacle. Nous sommes des captifs : vous seul possédez l’instrument à l’aide duquel nous pouvons briser nos chaînes ; vous le placez dans nos mains, en nous engageant à en user : de sorte que notre délivrance est votre ouvrage et non le nôtre ; et que notre captivité, si elle persévère, ne peut être attribuée qu’à notre négligence et à notre lâcheté. Donnez-nous, Seigneur, cette grâce ; et daignez recevoir la promesse que nous vous faisons d’y joindre humblement notre coopération.

Aidez-nous, ô grand Paul, à répondre aux desseins de la miséricorde de Dieu sur nous ; obtenez que nous soyons subjugués par la douceur du Dieu enfant. Sa voix ne retentit pas ; il n’éblouit pas nos yeux par sa lumière ; mais il se plaint que trop souvent nous le persécutons. Inspirez à nos cœurs de lui dire comme vous : « Seigneur, que voulez-vous que je fasse ? » Il nous répondra d’être simples et enfants comme lui, de reconnaître enfin son amour qui apparaît dans ce mystère, de rompre avec le péché, de combattre les mauvaises inclinations, d’avancer dans la sainteté en suivant ses exemples. Vous avez dit, ô Apôtre : « Que celui qui n’aime pas notre Seigneur Jésus-Christ soit anathème ! » Faites-le-nous connaître de plus en plus, afin que nous l’aimions, et que de si doux mystères ne deviennent pas, par notre ingratitude, la cause de notre réprobation.

Vase d’élection, convertissez les pécheurs qui ne pensent point à Dieu. Sur la terre, vous vous êtes dépensé tout entier pour le salut des âmes ; au ciel où vous régnez, continuez votre ministère, et demandez au Seigneur, pour ceux qui persécutent Jésus, ces grâces qui triomphent des plus rebelles. Apôtre des Gentils, jetez les yeux sur tant de peuples assis encore dans l’ombre de la mort. Autrefois vous étiez partagé entre deux ardents désirs : celui d’être avec Jésus-Christ, et celui de rester sur la terre pour travailler au salut des peuples. Maintenant, vous êtes pour jamais avec ce Sauveur que vous avez prêché ; n’oubliez pas ceux qui ne le connaissent point encore. Suscitez des hommes apostoliques pour continuer vos travaux. Rendez féconds leurs sueurs et leur sang. Veillez sur le Siège de Pierre, votre frère et votre chef ; soutenez l’autorité de cette Église Romaine qui a hérité de vos pouvoirs, et qui vous regarde comme son second appui. Vengez-la partout où elle est méconnue ; détruisez les schismes et les hérésies ; remplissez tous les pasteurs de votre esprit, afin que, comme vous, ils ne se cherchent point eux-mêmes, mais uniquement et toujours les intérêts de Jésus-Christ.

 

 

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Saint Timothée évêque et martyr

24 Janvier 2020 , Rédigé par Ludovicus

Saint Timothée évêque et martyr

Collecte

Dieu tout-puissant, regardez notre faiblesse ; et parce que le poids de nos péchés nous accable, fortifiez-nous par la glorieuse intercession du bienheureux Timothée, votre Martyr et Pontife.

Office

Quatrième leçon. Timothée, né à Lystres en Lycaonie, d’un père Gentil et d’une mère Juive, pratiquait déjà la religion chrétienne lorsque l’Apôtre Paul vint en ce pays. Celui-ci, frappé de la grande réputation de sainteté de Timothée, le prit pour compagnon de ses voyages ; mais il le circoncit, à cause des Juifs convertis au Christ, qui savaient que le père de Timothée était Gentil. Étant arrivés tous deux à Éphèse, l’Apôtre l’ordonna Évêque, afin qu’il gouvernât cette Église.

Cinquième leçon. L’Apôtre lui écrivit deux Épîtres, l’une de Laodicée, l’autre de Rome ; dans ces lettres, il le confirme dans l’exercice de sa charge pastorale. Comme Timothée ne pouvait supporter qu’on offrît aux simulacres des démons le sacrifice qui n’est dû qu’au Dieu unique, un jour que le peuple d’Éphèse immolait des victimes à Diane, dont on célébrait la fête, il s’efforça de le détourner de cet acte impie, mais le saint Évêque fut lapidé ; les Chrétiens l’enlevèrent à demi mort et le portèrent sur une montagne proche de la ville, où il s’endormit dans le Seigneur, le neuf des calendes de février.

La veille du jour où nous allons rendre grâces à Dieu pour la miraculeuse Conversion de l’Apôtre des Gentils, la marche du Cycle nous ramène la fête du plus cher disciple de cet homme sublime. Timothée, l’infatigable compagnon de Paul, cet ami à qui le grand Apôtre écrivit sa dernière lettre, peu de jours avant de verser son sang pour Jésus-Christ, vient attendre son maître au berceau de l’Emmanuel. Il y trouve déjà Jean le Bien-Aimé, avec lequel il a porté les sollicitudes de l’Église d’Éphèse ; il y salue Etienne et les autres Martyrs qui l’y ont devancé, et leur présente la palme qu’il a lui-même conquise. Enfin, il vient apporter à l’auguste Marie les hommages de la chrétienté d’Éphèse, chrétienté qu’elle a sanctifiée de sa présence, et qui partage, avec celle de Jérusalem, la gloire d’avoir possédé dans son sein celle qui n’était pas seulement, comme les Apôtres, le témoin, mais, en sa qualité de Mère de Dieu, l’ineffable instrument du salut des hommes.

Nous honorons en vous, saint Pontife, un disciple des Apôtres, un des premiers anneaux qui nous rattachent au Christ ; vous nous apparaissez tout illuminé des entretiens du grand Paul. Son disciple, le divin Aréopagite, vous choisit pour le confident de ses sublimes contemplations sur les Noms Divins ; mais maintenant, inondé de la lumière éternelle, vous contemplez sans nuage le Soleil de justice. Soyez-nous propice, à nous qui ne pouvons que l’entrevoir à travers les voiles de son humilité ; obtenez-nous du moins de l’aimer, afin que nous puissions mériter de le voir un jour dans sa gloire. Pour alléger le poids de votre corps, vous soumettiez vos sens à une pénitence rigoureuse que Paul vous exhortait d’adoucir : aidez-nous à soumettre la chair à l’esprit. L’Église relit sans cesse les conseils que l’Apôtre vous donna, et en vous à tous les pasteurs, pour le choix et la conduite des membres du clergé ; donnez-nous des Évêques, des Prêtres et des Diacres ornés de toutes les qualités qu’il exige dans ces dispensateurs des Mystères de Dieu. Enfin, vous qui êtes monté au ciel avec l’auréole du martyre, tendez-nous votre palme, afin que, tout obscurs combattants que nous sommes, nous puissions nous élever jusqu’au séjour où l’Emmanuel reçoit et couronne ses élus pour l’éternité.

 

 

Mais l'Esprit dit formellement que dans les derniers temps certains abandonneront la foi, s'attachant à des esprits séducteurs et à des doctrines inspirées par des démons,  enseignées par des menteurs hypocrites marqués au fer rouge dans leur propre conscience,  qui proscrivent le mariage et prescrivent l'abstinence d'aliments créés par Dieu pour que les croyants, ceux qui ont reconnu la vérité, en usent avec actions de grâces. Tout ce que Dieu a créé, en effet, est bon, et il n'est rien qui soit à rejeter de ce qui se prend avec action de grâces, car c'est sanctifié par la parole de Dieu et la prière.

  En exposant cela aux frères, tu seras un bon ministre du Christ Jésus, nourri des paroles de la foi et de la bonne doctrine à la quelle tu t'es attaché.  Quant aux fables profanes, contes de vieille femme, rejette-les. Mais entraîne-toi à la piété;  car l'entraînement du corps est profitable pour un peu, la piété est profitable pour tout: elle a la promesse de la vie, de la vie présente et de la vie à venir.  C'est là parole sûre et digne d'un entier assentiment, car si nous peinons et si nous luttons, c'est parce que nous avons mis notre espoir dans le Dieu vivant, qui est le Sauveur de tous les hommes, principalement des croyants. Voilà ce que tu dois prescrire et enseigner. (1Tm 4, 1-11)

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Saiint Raymond de Pegnafort confesseur mémoire de Sainte Emérentienne Vierge et Martyre

23 Janvier 2020 , Rédigé par Ludovicus

Saiint Raymond de Pegnafort confesseur mémoire de Sainte Emérentienne Vierge et Martyre

Collecte

O Dieu, qui avez choisi le bienheureux Raymond pour en faire un ministre admirable du sacrement de la pénitence, et qui lui avez fait traverser les eaux de la mer de façon merveilleuse, accordez-nous cette grâce, que, par son intercession, nous puissions porter de dignes fruits de pénitence et parvenir au port du salut éternel.

Office

AU DEUXIÈME NOCTURNE.

Quatrième leçon. Le bienheureux Raymond, né à Barcelone, de la noble maison de Pegnafort, fut, encore enfant, instruit des éléments de la religion chrétienne, et dès lors il faisait présager quelque chose de grand par ses rares qualités d’esprit et de corps. Fort jeune il professa les humanités dans sa patrie, puis se rendit à Bologne, où il s’appliqua avec zèle aux devoirs de la piété et à l’étude du droit canonique et civil ; il y reçut le bonnet de Docteur, et y expliqua les saints Canons à l’admiration de tous. La réputation de ses vertus se répandant au loin, Bérenger, Évêque de Barcelone, qui retournait de Rome à son Église, passa par Bologne pour le voir, et obtint enfin à force de prières qu’il revînt avec lui dans sa patrie. Bientôt Raymond fut honoré de la dignité de chanoine et de prévôt de la même Église, où il surpassa le peuple et tout le clergé par l’éclat de son intégrité, de sa modestie, de sa doctrine, et par la douceur de ses mœurs. Il accrut toujours de toutes ses forces l’honneur et le culte de la Vierge Mère de Dieu, qu’il vénérait avec une piété et une affection singulières.

Cinquième leçon. A l’âge d’environ quarante-cinq ans, il fit profession solennelle dans l’Ordre des Frères Prêcheurs ; alors, comme un nouveau soldat, il s’exerça dans tous les genres de vertus, mais surtout dans la charité pour les indigents, principalement envers ceux que les infidèles retenaient captifs. Ce fut sur son conseil que saint Pierre Nolasque, dont il était le confesseur, consacra ses biens à cette œuvre de pitié ; la bienheureuse Vierge, apparaissant à Pierre ainsi qu’au bienheureux Raymond et à Jacques Ier, roi d’Aragon leur dit qu’il serait très agréable à elle et à son Fils unique, qu’on instituât en son honneur un Ordre de religieux à qui incomberait le soin de délivrer les captifs de la tyrannie des infidèles. C’est pourquoi, après en avoir conféré entre eux, ils fondèrent l’Ordre de Notre-Dame de la Merci de la Rédemption des captifs, pour lequel Raymond statua certaines règles de vie, très bien appropriées au but de cet institut. Quelques années après, il obtint de Grégoire IX l’approbation de ces lois, et il créa premier Général de l’Ordre, saint Pierre Nolasque, auquel il avait donné l’habit de ses propres mains.

Sixième leçon. Le même Grégoire IX l’appela à Rome, et ce Pontife le choisit pour son chapelain, son pénitencier et son confesseur ; ce fut par son ordre que Raymond rassembla en un volume appelé Décrétales, les décrets des Pontifes romains disséminés dans les Actes de divers conciles et dans différentes épîtres. Il refusa constamment avec fermeté l’archevêché de Tarragone qui lui était offert par le Pontife lui-même, et se démit spontanément du généralat de l’Ordre des Frères Prêcheurs, qu’il avait gouverné très saintement pendant deux années. Il détermina Jacques, roi d’Aragon, à établir dans ses états le saint office de l’Inquisition. Il fit beaucoup de miracles, parmi lesquels le plus éclatant fut que, voulant revenir de l’île Majorque à Barcelone, il étendit son manteau sur les eaux, fit cent soixante milles de chemin en six heures, et entra dans son monastère, bien que les portes en fussent closes Enfin presque centenaire, plein de vertus et de mérites, il s’endormit dans le Seigneur, l’an du salut mil deux cent soixante-quinze. Clément VIII l’a mis au nombre des Saints.

De nombreux essaim de Martyrs qui fait la garde autour de l’Emmanuel, jusqu’au jour de sa Présentation au Temple, entr’ouvre de temps en temps ses rangs glorieux pour donner place aux Confesseurs que la divine Sagesse a fait briller sur le Cycle dans cette saison. Les Martyrs y sont les plus nombreux ; mais la gloire des Confesseurs y est noblement représentée. Après Hilaire, Paul, Maur et Antoine, resplendit aujourd’hui Raymond de Pegnafort, l’une des gloires de l’Ordre de saint Dominique et de l’Église, au XIIIe siècle.

Selon la parole des Prophètes, le Messie est venu pour être notre Législateur ; il est lui-même la Loi. Sa parole sera la règle des hommes, et il laissera à son Église le pouvoir de la législation, afin qu’elle puisse conduire les peuples dans la sainteté et dans la justice, jusqu’à l’éternité. La sagesse de l’Emmanuel préside à la discipline canonique, comme sa vérité à l’enseignement de la foi. Mais l’Église, dans la compilation et la disposition de ses lois, emprunte le secours des hommes qui lui semblent joindre à un plus haut degré la science du Droit et l’intégrité de la morale.

Saint Raymond de Pegnafort a l’honneur d’avoir tenu la plume pour la rédaction du code canonique qui régit aujourd’hui l’Église. Ce fut lui qui, en 1234, compila, par ordre de Grégoire IX, les cinq livres des Décrétales ; et son nom est associé, pour jamais, à la gloire de cette œuvre qui forme encore la base de la discipline actuelle.

Disciple de Celui qui est descendu du ciel dans le sein d’une Vierge pour sauver les pécheurs, en les appelant au pardon, Raymond a mérité d’être appelé par l’Église l’insigne Ministre du Sacrement de Pénitence. Il est le premier qui ait recueilli, en corps de doctrine, les maximes de la morale chrétienne, qui servent à déterminer les devoirs du confesseur à l’égard des pécheurs qui viennent lui déposer leurs péchés. La Somme des Cas Pénitentiaux a ouvert la série de ces importants travaux, dans lesquels d’habiles et vertueux docteurs se sont appliqués à peser les droits de la loi et les obligations de l’homme, afin d’instruire le prêtre dans l’art de discerner , comme parle l’Écriture, la lèpre d’avec la lèpre.

Enfin, lorsque la glorieuse Mère de Dieu, qui est aussi la Mère des hommes, suscita pour opérer la Rédemption des captifs le généreux Pierre Nolasque, que nous verrons arriver, sous quelques jours, au berceau du Rédempteur, Raymond fut l’instrument puissant de ce grand œuvre de miséricorde ; et ce n’est pas en vain que l’Ordre de la Merci le considère comme l’un de ses fondateurs, et que tant de milliers de captifs, délivrés de la servitude musulmane, l’ont honoré comme l’un des principaux auteurs de leur liberté.

Nous empruntons l’Hymne suivante au Bréviaire des Frères Prêcheurs.

HYMNE.
Prélats, Princes, peuples de la terre, célébrez le nom illustre de Raymond, de cet homme qui eut à cœur le salut éternel de tous.
Ce qu’offre de plus admirable une piété profonde apparaît dans la pureté sans tache de ses mœurs ; la lumière de toutes les vertus éclate en sa personne.
D’une main habile et studieuse, il recueille les Décrets épars des Souverains Pontifes, et les sentences du Droit antique dignes d’être conservées.
Sous ses pas, les flots inconstants deviennent solides ; il parcourt, sans navire, un espace immense : son manteau et son bâton sont la barque sur laquelle il traverse la mer.
Donnez-nous, ô Dieu, la pureté des mœurs ; donnez-nous de passer, sans désastre, le cours de notre vie ; donnez-nous de toucher le port de la vie éternelle.
Amen.

Dispensateur fidèle du Mystère de la réconciliation, vous avez puisé, au sein du Dieu incarné, cette charité qui a fait de votre cœur l’asile des pécheurs. Vous avez aimé les hommes ; et les besoins de leurs corps, aussi bien que ceux de leurs âmes, ont été l’objet de votre sollicitude. Éclairé des rayons du Soleil de justice, vous nous avez aidés à discerner le bien du mal, en nous donnant des règles pour apprécier les plaies de nos âmes. Rome a admiré votre science des lois ; elle se fait gloire d’avoir reçu de vos mains le Code sacré qui régit les Églises.

Réveillez dans nos cœurs, ô Raymond, cette componction sincère qui est la condition du pardon dans le Sacrement de Pénitence. Faites-nous comprendre la gravité du péché mortel qui sépare de Dieu pour l’éternité, et les dangers du péché véniel qui dispose l’âme tiède au péché mortel. Obtenez-nous des hommes pleins de charité et de science pour exercer ce sublime ministère qui guérit les âmes. Défendez-les du double écueil d’un rigorisme désespérant et d’une mollesse perfide. Ranimez chez nous la vraie science du Droit ecclésiastique, sans laquelle la maison du Seigneur deviendrait bientôt le séjour du désordre et de l’anarchie. Vous dont le cœur fut si tendre envers les captifs, consolez tous ceux qui languissent dans les chaînes ou dans l’exil ; préparez leur délivrance ; mais affranchissez-nous tous des liens du péché, qui retiennent trop souvent les âmes de ceux-là mêmes dont le corps est libre.

Vous avez été, ô Raymond, le confident du cœur de notre miséricordieuse Reine Marie ; elle vous a associé à son œuvre du rachat des captifs. Vous êtes puissant sur ce Cœur, qui est notre espérance après celui de Jésus. Présentez-lui nos hommages. Demandez pour nous à cette incomparable Mère de Dieu la grâce d’aimer toujours le céleste Enfant qu’elle tient dans ses bras. Qu’elle daigne aussi, par vos prières, être notre étoile sur cette mer du monde, plus orageuse que celle dont vous avez bravé les flots sur votre manteau miraculeux.

Souvenez-vous aussi de l’Espagne, votre patrie, au sein de laquelle vous avez opéré tant d’œuvres saintes. Longtemps son illustre Église fut dans le deuil d’avoir perdu les Ordres religieux qui faisaient sa force et sa splendeur ; une hospitalité généreuse a commencé de réparer ces maux : que toute entrave disparaisse enfin. Protégez l’Ordre des Frères Prêcheurs, dont vous avez honoré l’habit et la règle. Vous l’avez gouverné avec sagesse sur la terre ; aimez-le toujours paternellement dans le ciel. Qu’il répare ses pertes ; qu’il refleurisse dans toute l’Église, et qu’il produise, comme aux jours anciens, ces fruits de sainteté et de science qui en ont fait une des principales gloires de l’Église de Jésus-Christ.

 

Saiint Raymond de Pegnafort confesseur mémoire de Sainte Emérentienne Vierge et Martyre
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