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Regnum Galliae Regnum Mariae

Saint Raymond Nonnat confesseur

31 Août 2023 , Rédigé par Ludovicus

Saint Raymond Nonnat confesseur

Collecte

Dieu, vous avez rendu le bienheureux Raymond, votre Confesseur, admirable par son dévouement pour délivrer vos fidèles de la captivité des impies : accordez-nous, par son intercession, d’être délivrés des liens du péché, et d’accomplir d’une âme libre ce qui vous est agréable.

Office

Au deuxième nocturne.

Quatrième leçon. Raymond a été surnommé Nonnat, en raison d’un fait contraire aux lois ordinaires de la nature : sa mère étant morte avant de le mettre au monde, il fallut lui ouvrir le sein pour amener l’enfant à la lumière. Issu d’une pieuse et illustre famille, il vit le jour à Portel en Catalogne. Dès son enfance, il donna des marques de sa future sainteté. Étranger aux divertissements de son âge, insensible aux attraits du monde, il se donnait tellement à la piété, que tous admiraient dans cet enfant une vertu déjà mûre. En avançant en âge, il s’appliqua à l’étude des lettres ; mais bientôt, sur l’ordre de son père, il se retira à la campagne, où il visitait souvent une petite chapelle dédiée à saint Nicolas, aux environs de Portel, pour y vénérer une image de la sainte Vierge ; image que les fidèles continuent d’entourer encore aujourd’hui d’une très grande vénération. Là, se répandant en prières, il suppliait constamment la Mère de Dieu de l’adopter pour sou fils, de daigner lui enseigner la voie du salut et la science des Saints.

Cinquième leçon. La Vierge très clémente ne repoussa point sa demande ; car elle fit comprendre à Raymond, qu’il lui serait très agréable de le voir entrer dans l’ordre de la Merci ou du rachat des captifs, récemment fondé d’après son inspiration. Aussitôt cet avertissement reçu, il se rendit à Barcelone et embrassa cet institut, voué à une œuvre si excellente de charité envers le prochain. Enrôlé dans cette sainte milice, il garda toujours la virginité, qu’il avait déjà consacrée à Marie. Il se signala également par la pratique des autres vertus et surtout par sa charité envers les Chrétiens qui, tombés au pouvoir des païens, traînaient une vie misérable dans la captivité. Envoyé en Afrique pour racheter ces malheureux, il en délivra un grand nombre, et se constitua comme otage pour ne pas voir ceux qui restaient, faute de rançon, courir le risque d’apostasier. Mais comme, enflammé du zèle le plus ardent pour le salut des âmes, il réussit, par ses prédications à convertir à Jésus Christ un certain nombre de Musulmans, les barbares le jetèrent dans un étroit cachot, et le soumirent à différents supplices : il endura notamment le cruel martyre d’avoir les lèvres percées et tenues fermées par un cadenas de fer.

Sixième leçon. Ces choses, et d’autres actions pleines de courage, lui firent de tous côtés la réputation d’un saint et portèrent Grégoire IX à lui donner une place dans le sacré Collège des Cardinaux de la sainte Église romaine ; mais l’homme de Dieu, conservant dans cette dignité l’horreur qu’il avait de la pompe et du luxe, ne cessa de pratiquer strictement l’humilité religieuse. Il se mit en route pour aller à Rome, mais à peine arrivé à Cordoue il tomba dangereusement malade, et demanda instamment à être muni des sacrements de l’Église. La maladie s’aggravant et le Prêtre tardant à venir, Raymond reçut le saint viatique par le ministère des Anges, qui lui apparurent sous l’aspect de religieux de son Ordre. L’ayant reçu, il rendit grâces à Dieu, et s’en alla au Seigneur le dernier dimanche d’août, l’an douze cent quarante. Une discussion s’étant élevée au sujet du lieu de sa sépulture, son corps, enfermé dans un cercueil, fut placé sur une mule aveugle, qui le transporta, non sans une permission de Dieu à la chapelle de saint Nicolas, pour qu’il fût enseveli au lieu même où Raymond avait jeté les premiers fondements de sa très sainte vie. Un couvent de son Ordre, fut bâti en cet endroit et les fidèles y affluent de toutes les parties de la Catalogne, pour s’acquitter de leurs vœux en venant honorer le Saint, dont la gloire y est manifestée par différentes sortes de miracles et de choses merveilleuses.

Au troisième nocturne. Du Commun.

Homélie de saint Grégoire, Pape. Homilia 13 in Evang.

Septième leçon. Mes très chers frères, le sens de la lecture du saint Évangile que vous venez d’entendre est très clair. Mais de crainte qu’elle ne paraisse, à cause de sa simplicité même, trop élevée à quelques-uns, nous la parcourrons brièvement, afin d’en exposer la signification à ceux qui l’ignorent, sans cependant être à charge à ceux qui la connaissent. Le Seigneur dit : « Que vos reins soient ceints ». Nous ceignons nos reins lorsque nous réprimons les penchants de la chair par la continence. Mais parce que c’est peu de chose de s’abstenir du mal, si l’on ne s’applique également, et par des efforts assidus, à faire du bien, notre Seigneur ajoute aussitôt : « Ayez en vos mains des lampes allumées ». Nous tenons en nos mains des lampes allumées, lorsque nous donnons à notre prochain, par nos bonnes œuvres, des exemples qui l’éclairent. Le Maître désigne assurément ces œuvres-là, quand il dit : « Que votre lumière luise devant les hommes, afin qu’ils voient vos bonnes œuvres, et qu’ils glorifient votre Père qui est dans les cieux ».

Huitième leçon. Voilà donc les deux choses commandées : ceindre ses reins, et tenir des lampes ; ce qui signifie que la chasteté doit parer notre corps, et la lumière de la vérité briller dans nos œuvres. L’une de ces vertus n’est nullement capable de plaire à notre Rédempteur si l’autre ne l’accompagne. Celui qui fait des bonnes actions ne peut lui être agréable s’il n’a renoncé à se souiller par la luxure, ni celui qui garde une chasteté parfaite, s’il ne s’exerce à la pratique des bonnes œuvres. La chasteté n’est donc point une grande vertu sans les bonnes œuvres, et les bonnes œuvres ne sont rien sans la chasteté. Mais si quelqu’un observe les deux préceptes, il lui reste le devoir de tendre par l’espérance à la patrie céleste, et de prendre garde qu’en s’éloignant des vices, il ne le fasse pour l’honneur de ce monde.

Neuvième leçon. « Et vous, soyez semblables à des hommes qui attendent que leur maître revienne des noces, afin que lorsqu’il viendra et frappera à la porte, ils lui ouvrent aussitôt ». Le Seigneur vient en effet quand il se prépare à nous juger ; et il frappe à la porte, lorsque, par les peines de la maladie, il nous annonce une mort prochaine. Nous lui ouvrons aussitôt, si nous l’accueillons avec amour. Il ne veut pas ouvrir à son juge lorsqu’il frappe, celui qui tremble de quitter son corps, et redoute de voir ce juge qu’il se souvient avoir méprisé ; mais celui qui se sent rassuré, et par son espérance et par ses œuvres, ouvre aussitôt au Seigneur lorsqu’il frappe à la porte, car il reçoit son Juge avec joie. Et quand le moment de la mort arrive, sa joie redouble à la pensée d’une glorieuse récompense.

Août finit comme il a commencé, par une fête de délivrance : sceau divin de l’éternelle Sagesse sur ce mois qui lui est consacré. Depuis qu’au sortir d’Éden, elle fit son but de la rédemption du genre humain que poursuivait son amour, tous ses privilégiés ont eu leur part en ce grand œuvre : part de labeur, de prières, de souffrances, comme fut la sienne en la chair ; part féconde en la mesure même de l’association qu’elle daigne leur octroyer à ses renoncements miséricordieux. Pierre dans ses liens avança plus l’émancipation du monde que les conspirateurs soulevés contre la tyrannie des Césars ; Raymond Nonnat et ses frères, prenant sur eux les chaînes des captifs, firent plus que tous les philosophes égalitaires ou les déclamateurs de liberté pour l’abolition de l’esclavage et l’extinction de la barbarie.

Déjà les fêtes des saints Raymond de Pegnafort et Pierre Nolasque nous ont donné d’assister aux origines de l’Ordre illustre où Raymond Nonnat brille d’un éclat si grand. Bientôt sa fondatrice auguste elle-même, Notre-Dame de la Merci, daignera se prêter à l’expression de la reconnaissance du monde pour tant de bienfaits.

Jusqu’où, illustre Saint, n’avez-vous pas suivi le conseil du Sage! Les liens de la Sagesse sont des liens de salut, disait-il. Et, non content de livrer vos pieds à ses fers et votre cou à ses entraves, vos lèvres sont allées, dans l’allégresse de l’amour, au-devant du cadenas redoutable dont ne parlait pas le fils de Sirach. Mais quelle récompense n’est pas la vôtre, aujourd’hui que cette Sagesse du Père, si totalement embrassée par vous dans la plénitude de la divine charité en son double précepte, vous abreuve au torrent des éternelles délices, ornant votre front de cette gloire, de ces grâces qui sont le rayonnement de sa propre beauté ! Afin que nous puissions vous rejoindre un jour près de son trône de lumière, montrez-nous à marcher en ce monde par ses voies toujours belles, par ses sentiers où la paix n’est jamais troublée, fût-ce au fond des cachots. Délivrez nos âmes, si le péché les captive encore ; rompez leurs attaches égoïstes, et remplacez-les par ces liens heureux de la Sagesse qui sont l’humilité, le renoncement, l’oubli de soi, l’amour de nos frères pour Dieu, de Dieu pour lui-même.

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Sainte Rose de Lima vierge mémoire des Saints Félix et Adauctus Martyrs

30 Août 2023 , Rédigé par Ludovicus

Sainte Rose de Lima vierge mémoire des Saints Félix et Adauctus Martyrs

Collecte

Dieu tout-puissant, dispensateur de tous les biens, vous avez prévenu de la rosée céleste de votre grâce la bienheureuse Rose, et vous l’avez fait briller dans les Indes de tout l’éclat de la pureté et de la patience : accordez à vos serviteurs de courir à l’odeur de ses parfums, afin qu’ils méritent de devenir eux-mêmes la bonne odeur de Jésus-Christ, qui, étant Dieu, vit et règne.

Office

Au deuxième nocturne.

Quatrième leçon. La première fleur de sainteté de l’Amérique méridionale fut la vierge Rose, née à Lima, de parents chrétiens. Dès son berceau, on vit en elle des marques éclatantes de sa sainteté future, car son visage d’enfant parut un jour transfiguré et comme ayant l’aspect d’une rose, ce qui fut l’occasion de lui imposer ce nom. Dans la suite, la Vierge, Mère de Dieu, y ajouta un surnom, ordonnant de l’appeler Rose de sainte Marie. A l’âge de cinq ans, elle émit le vœu de virginité perpétuelle. Dans son adolescence, craignant que ses parents ne la contraignissent à se marier, elle coupa secrètement sa superbe chevelure. Adonnée à des jeûnes qui semblent au-dessus des forces de la nature humaine, elle passait des carêmes entiers sans manger de pain, n’ayant chaque jour pour nourriture que cinq pépins de citron.

Cinquième leçon. Quand elle eut pris l’habit du tiers ordre de saint Dominique, elle redoubla ses austérités, fixa dans un long et très dur cilice de petites aiguilles, et se mit à porter jour et nuit, sous son voile une couronne armée de pointes aiguës. A l’exemple de sainte Catherine de Sienne elle ceignit ses reins d’une chaîne de fer, qui l’entourait d’un triple nœud. Son lit se composait de troncs noueux dont les interstices étaient remplis de têts de pots cassés. Elle se fit construire une étroite cellule dans un coin retiré du jardin ; et là, livrée à la contemplation des choses du ciel, elle exténuait son faible corps par de fréquentes disciplines, des privations de nourriture et des veilles ; mais soutenue par l’esprit, elle sortit victorieusement de nombreuses luttes avec les démons qu’elle méprisait sans crainte et dominait.

Sixième leçon. Cruellement éprouvée par les souffrances de diverses maladies, les insultes de personnes de sa maison, et la calomnie, elle s’affligeait de ne pas souffrir autant qu’elle le méritait. En proie presque continuellement durant quinze années aux peines consumantes de la désolation et de l’aridité spirituelle, elle supporta avec force d’âme ces combats plus remplis d’amertume que toute mort. Après quoi elle commença à connaître l’abondance des joies célestes, à être éclairée par des visions, et à sentir son cœur se fondre sous l’action de séraphiques ardeurs. Favorisée de fréquentes apparitions de son Ange gardien, de sainte Catherine de Sienne et de la Mère de Dieu, elle usait avec eux d’une admirable simplicité, et mérita d’entendre de la bouche du Christ ces paroles : « Rose de mon cœur, sois une épouse pour moi. » Introduite heureusement enfin dans le paradis de cet Époux divin, Rose devint illustre après sa mort comme auparavant par de nombreux miracles, et le souverain Pontife Clément X l’inscrivit solennellement au catalogue des saintes Vierges.

Au troisième nocturne. Du Commun.

Homélie de saint Grégoire, Pape. Homilia 12 in Evang.

Septième leçon. Je vous recommande souvent, mes très chers frères, de fuir le mal et de vous préserver de la corruption du monde ; mais aujourd’hui la lecture du saint Évangile m’oblige à vous dire de veiller avec beaucoup de soin à ne pas perdre le mérite de vos bonnes actions. Prenez garde que vous ne recherchiez dans le bien que vous faites, la faveur ou l’estime des hommes, qu’il ne s’y glisse un désir d’être loué, et que ce qui paraît au dehors ne recouvre un fond vide de mérite et peu digne de récompense. Voici que notre Rédempteur nous parle de dix vierges, il les nomme toutes vierges et cependant toutes ne méritèrent pas d’être admises au séjour de la béatitude, car tandis qu’elles espéraient recueillir de leur virginité une gloire extérieure, elles négligèrent de mettre de l’huile dans leurs vases.

Huitième leçon. Il nous faut d’abord examiner ce qu’est le royaume des cieux, ou pourquoi il est comparé à dix vierges, et encore quelles sont les vierges prudentes et les vierges folles. Puisqu’il est certain qu’aucun réprouvé n’entrera dans le royaume des cieux, pourquoi nous dit-on qu’il est semblable à des vierges parmi lesquelles il y en a de folles ? Mais nous devons savoir que l’Église du temps présent est souvent désignée dans le langage sacré sous le nom de royaume des cieux ; d’où vient que le Seigneur dit en un autre endroit : « Le Fils de l’homme enverra ses anges, et ils enlèveront de son royaume tous les scandales »]. Certes, ils ne pourraient trouver aucun scandale à enlever, dans ce royaume de la béatitude, où se trouve la plénitude de la paix.

Neuvième leçon. L’âme humaine subsiste dans un corps doué de cinq sens. Le nombre cinq, multiplié par deux, donne celui de dix. Et parce que la multitude des fidèles comprend l’un et l’autre sexe, la sainte Église est comparée à dix vierges. Comme, dans cette Église, les méchants se trouvent mêlés avec les bons et ceux qui seront réprouvés avec les élus, ce n’est pas sans raison qu’on la dit semblable à des vierges, dont les unes sont sages et les autres insensées. Il y a en effet, beaucoup de personnes chastes qui veillent sur leurs passions quant aux choses extérieures et sont portées par l’espérance vers les biens intérieurs ; elles mortifient leur chair et aspirent de toute l’ardeur de leur désir vers la patrie d’en haut ; elles recherchent les récompenses éternelles, et ne veulent pas recevoir pour leurs travaux de louanges humaines : celles-ci ne mettent assurément pas leur gloire dans les paroles des hommes, mais la cachent au fond de leur conscience. Et il en est aussi plusieurs qui affligent leur corps par l’abstinence, mais attendent de cette abstinence même des applaudissements humains.

Quel parfum d’au delà de l’Océan nous apporte aujourd’hui la brise ! L’ancien monde renouvelle sa jeunesse à ces senteurs du ciel ; le nouveau se concilie par elles la terre et les cieux.

Cent ans ont passé depuis les jours où l’Europe étonnée apprit qu’un continent nouveau se révélait par delà les flots de la mer Ténébreuse, effroi des navigateurs. L’Espagne venait d’expulser le Croissant de ses propres terres ; comme récompense, elle reçut la mission de planter la Croix sur ces plages immenses. Ni héros, ni apôtres, ne firent défaut dans cette œuvre au royaume Catholique ; ni non plus, pour son malheur, les aventuriers dont la soif de l’or fit le fléau des Indiens qu’il s’agissait d’amener au vrai Dieu. La décadence si prompte de l’illustre nation qui avait triomphé du Maure, montrera bientôt jusqu’à quel point les peuples prévenus des plus hautes bénédictions restent pourtant solidaires des crimes commis, sous le couvert de leur nom, par quiconque porte le drapeau du pays. On sait comment finit au Pérou l’empire des Incas : malgré les protestations indignées des missionnaires, malgré les ordres venus de la mère patrie, quelques années suffirent aux compagnons de Pizarre pour exterminer le tiers des habitants de ces florissantes contrées ; un autre tiers achevait de périr dans la misère d’une servitude pire que la mort immédiate ; le reste fuyait vers les montagnes, emportant au fond des forêts la haine de l’envahisseur, et trop souvent, hélas ! de l’Évangile, responsable à ses yeux des atrocités accomplies par les baptisés. La cupidité des vainqueurs donnait entrée à tous les vices dans ces âmes en lesquelles cependant la foi restait vive : Lima, fondée au pied des Cordillères comme métropole des provinces conquises, semblait bâtie sur la triple concupiscence ; avant la fin du siècle, Jonas nouveau d’une nouvelle Ninive, saint François Solano la menaçait du courroux de Dieu.

Mais déjà la miséricorde avait pris les devants ; la justice et la paix s’étaient rencontrées dans l’âme d’une enfant prête à toutes les expiations, insatiable d’amour. Combien nous voudrions nous arrêter à contempler la vierge péruvienne dans son héroïsme qui s’ignora toujours, dans sa grâce si candide et si pure ! Rose qui n’eut pour ceux qui l’approchaient que des suavités embaumées, et garda pour elle le secret des épines sans lesquelles ne vont point les roses ici-bas ! Éclose du sourire de Marie, elle ravit l’Enfant-Dieu qui la veut sur son cœur. Les fleurs la reconnaissent pour reine, et toute saison les voit répondre à son désir ; à son invitation, les plantes s’agitent joyeuses, les arbres inclinent leurs rameaux, toute la nature tressaille, eux-mêmes les insectes organisent des chœurs, les oiseaux rivalisent avec elle d’harmonies pour célébrer leur auteur commun. Et elle chante, au souvenir des noms de son père et de sa mère, Gaspard des Fleurs et Marie d’Olive : « O mon Jésus, que vous êtes beau entre les olives et les fleurs ; et vous ne dédaignez pas votre Rose ! »

Cependant l’éternelle Sagesse se révélait dans les jeux de l’Enfant divin et de sa bien-aimée. C’est Clément X qui, dans la bulle de canonisation, nous rappelle qu’un jour où elle était plus souffrante, le tout aimable fils de la Vierge bénie l’invita pour une partie mystérieuse où l’enjeu serait laissé au libre choix du vainqueur. Rose gagne, et réclame sa guérison, aussitôt accordée. Mais Jésus demande la revanche, et l’emportant au second tour, il rend son mal, accompagné du don de patience, à la perdante toute joyeuse ; car elle avait compris qu’elle gagnait plus à la seconde partie qu’à la première.

Réservons à l’Église de raconter, en la Légende, jusqu’où notre Sainte fut amenée par l’efficacité de ces divines leçons touchant la souffrance. Dans les tortures surhumaines de sa dernière maladie, elle répondait à qui l’exhortait au courage : « Ce que je demande à mon Époux, c’est qu’il ne cesse point de me brûler des ardeurs les plus cuisantes, jusqu’à ce que je sois pour lui le fruit mûr qu’il daigne recevoir de cette terre à sa table des deux ». Et comme on s’étonnait alors de sa sécurité, de sa certitude d’aller directement au paradis, elle dit avec feu cette autre parole qui montre aussi tout un aspect de son âme : « Moi, j’ai un Époux qui peut ce qu’il y a de plus grand, qui possède ce qu’il y a de plus rare ; et je ne me vois pas n’espérant de lui que de petites choses ».

Confiance bien justifiée par l’infinie bonté, les assurances et les prévenances du Seigneur à l’égard de Rose. Elle n’avait que trente et un ans, lorsque, au milieu de la nuit qui ouvrait la fête de saint Barthélémy de l’année 1617, elle entendit le cri : Voici l’Époux! Dans Lima, dans tout le Pérou, dans l’Amérique entière, des prodiges de conversion et de grâce signalèrent le trépas de l’humble vierge, inconnue jusque-là du grand nombre. « Il fut attesté juridiquement, dit le Pontife suprême que, depuis la découverte du Pérou, aucun missionnaire ne s’était rencontré qui eût produit pareil ébranlement d’universelle pénitence ». Cinq ans plus tard, était dédié ce monastère de Sainte-Catherine-de-Sienne qui devait continuer au milieu de Lima l’œuvre de sanctification, d’assainissement, de défense sociale, et qu’on appelait le monastère de Rose, parce qu’elle en était en effet devant Dieu la fondatrice et la mère. Ses prières en avaient obtenu l’érection qu’elle avait prédite pour après sa mort, désignant d’avance le plan, les religieuses futures, la première supérieure, qu’elle investit un jour prophétiquement de son esprit dans un embrassement plein de mystère.

Patronne de votre patrie de ce monde, veillez sur elle toujours. Justifiez sa confiance, dans l’ordre même de la vie présente, en la défendant des tremblements de terre dont les secousses promènent l’effroi sur ses rivages, des commotions politiques dont sa récente indépendance s’est vue si cruellement éprouvée. Étendez votre action tutélaire aux jeunes républiques qui l’avoisinent, et qui elles aussi vous honorent ; ainsi que votre terre natale, protégez-les contre le mirage des utopies venues de notre vieux monde, contre les entraînements, les illusions de leur propre jeunesse, contre les sectes condamnées qui finiraient par ébranler jusqu’à leur foi toujours vive. Enfin, Rose aimée du Seigneur, souriez à l’Église entière que ravissent aujourd’hui vos charmes célestes. Comme elle, nous voulons tous courir à l’odeur de vos parfums.

Apprenez-nous à nous laisser prévenir comme vous par la céleste rosée. Montrez-nous à répondre aux avances du sculpteur divin qui vous apparut un jour, remettant aux soins de ceux qu’il aime les marbres de choix des vertus, pour les polir et les tailler en s’aidant de leurs larmes et du ciseau de la pénitence. Plus que tout le reste, enseignez-nous la confiance et l’amour. Tout ce qu’opère, disiez-vous, le soleil dans l’immensité de l’univers, faisant éclore les fleurs et mûrissant les fruits, créant les perles au sein des océans, les pierres précieuses dans les plis des montagnes : l’Époux l’accomplissait dans les espaces sans fin de votre âme, y produisant toute richesse, toute beauté, toute joie, toute chaleur et toute vie. Puissions-nous, ainsi que vous-même, profiter de la descente du Soleil de justice eh nos poitrines au Sacrement d’union, ne vivre plus que de sa lumière bénie, porter la bonne odeur du Christ en tous lieux

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Super II Tm

30 Août 2023 , Rédigé par Ludovicus

Super II Tm

Prooemium

Super II Tm., pr. Nocte et die aestu urebar et gelu, et cetera. Gn. XXXI, 40. Verba sunt Iacob ostendentis et commendantis curam pastoralem, ac pastorale officium, in quibus, circa hoc officium, tria ponuntur, scilicet assiduitas, patientia, sollicitudo. Primum est, quia sine intermissione debet curam gregis gerere. Unde dicit nocte et die. Nocte orando, die erudiendo. Is. XXI, 8: super speculam Domini ego sum stans iugiter per diem, et super custodiam ego sum stans totis noctibus. Vel per diem, id est, tempore prosperitatis; et per noctem, id est, tempore adversitatis, in quibus praelatus debet respicere curam gregis. II Cor. VI, 7: per arma iustitiae a dextris et a sinistris. Pr. XVII, 17: omni tempore diligit, qui amicus est. Secundum est, quia maxime praelato patientia necessaria est. Debet enim praelatus propter gregis salutem, omnia sustinere. Jn. X, 11: bonus pastor animam suam dat pro ovibus suis. Pr. XIX, 11: doctrina viri per patientiam noscitur. Unde dicit aestu, id est fervore instantis persecutionis. Jc. I, 11: exortus est sol cum ardore, et arefecit foenum. Gelu, id est, timore futurorum. II Cor. VII, 5: foris pugnae, intus timores. Tertium est, quia praeest in sollicitudine, ut dicitur Rm. XII, 8. Et hoc expellit somnum negligentiae. Unde subditur Gn. XXXI, 41: fugiebatque somnus ab oculis meis. Pr. VI, 3: discurre, festina, suscita amicum tuum, ne des oculis tuis somnum. Recte ergo haec verba materiae huius epistolae conveniunt. In prima enim instruit eum de ordinatione ecclesiastica. In hac autem secunda agit de sollicitudine tanta pastorali, ut etiam martyrium sustineat pro cura gregis, ut patet in prologo.

Lectio 3

Super II Tim., cap. 1 l. 3 Supra commendavit eum de bonis gratuitis, hic hortatur ad usum gratuitorum sibi datorum, praecipue in praedicatione Evangelii. Et primo monet generaliter ad usum datae sibi gratiae; secundo specificat qualis sit usus gratiae, ibi noli itaque erubescere. Item primo, ponit monitionem; secundo eius rationem, ibi non enim dedit nobis. Dicit ergo: fides non ficta, in matre et avia et in te est, propter quam causam admoneo te. Gratia Dei est sicut ignis qui quando obtegitur cinere, non lucet: sic gratia obtegitur in homine per torporem, vel humanum timorem. Unde et Timotheus effectus pusillanimis, torpuerat circa praedicationem. Et ideo dicit ut resuscites gratiam sopitam. I Th. V, 19: Spiritum nolite extinguere. Et addit quae est in te per impositionem manuum mearum, a quo scilicet ordinatus erat episcopus. In qua manus impositione data est ei gratia Spiritus Sancti. Deinde cum dicit non enim, ponitur ratio monitionis, et sumitur ex conditione divinorum munerum. Qui enim accipit munus, debet operari secundum congruentiam muneris; ergo secundum conditionem divinorum munerum debemus Deo servire. Est autem duplex Spiritus, huius mundi, et Dei. Et horum distinctio est: spiritus enim significat amorem, quia nomen spiritus impulsionem importat, et amor impellit. Duplex autem est amor, scilicet Dei, et hic est per Spiritum Dei, et amor mundi, et hic est per spiritum mundi. I Cor. II, 12: non enim accepimus Spiritum huius mundi, et cetera. Spiritus autem mundi facit amare bona mundi, et timere mala temporalia; et ideo dicit non enim dedit nobis Deus Spiritum timoris, scilicet mundani, quia hunc Deus aufert a nobis. Mt. X, 28: nolite timere eos, qui occidunt corpus, et cetera. Est alius Spiritus timoris Domini et sanctus, et iste facit, ut timeatur Deus; hic autem est sine poena et sine offensa, et hic est a Deo. Mt. X, 28: timete eum, qui potest et animam et corpus perdere in Gehennam. Et addit sed virtutis, quia per Spiritum Sanctum dirigimur in malis, et hoc per virtutem, scilicet fortitudinis contra adversa mundi. Lc. ult.: sedete in civitate donec induamini virtute ex alto. Item dirigimur in bonis, quia quantum ad affectionem ordinamur per dilectionem charitatis, dum quis omnia quae diligit, refert in Deum. Unde dicit et dilectionis. I Jn. III, 14: qui non diligit, manet in morte. Item quantum ad bona exteriora; et ideo dicit et sobrietatis, id est, omnis temperantiae, servando debitum modum et mensuram ut scilicet temperate utamur bonis mundi. Tt. II, 12: sobrie et iuste et pie vivamus in hoc saeculo. I Tm. III, 2: oportet episcopum esse irreprehensibilem, unius uxoris virum, sobrium. Deinde cum dicit noli, specificat usum gratiae; et primo excludit contraria huic usui; secundo hortatur ad usum gratiae, ibi sed collabora. A solita autem praedicatione poterat impediri propter duo. Primo per erubescentiam, secundo ex poena apostoli, quam patiebatur propter Evangelium. Et ideo, quantum ad primum, dicit noli itaque, scilicet ex quo habes spiritum fortitudinis, erubescere, et cetera. Praedicatio enim Christi, si referatur ad sapientiam mundi, videbatur stulta, unde erubescentiam habere videbatur. I Cor. I, 23: nos praedicamus Christum crucifixum, Iudaeis quidem scandalum, gentibus autem stultitiam. Rm. I, 16: non enim erubesco Evangelium. Lc. IX, 26: qui me erubuerit et meos sermones, hunc filius hominis erubescet. Quantum ad secundum sciendum est, quod si latro videt aliquem suspensum, erubescit se confiteri socium eius. Sic quia apostolus erat vinctus, poterat eum Timotheus erubescere; et ideo dicit neque me vinctum eius. Ep. VI, 20: pro quo legatione fungor in catena. Eccli. IV, 27: ne reverearis proximum tuum in casu suo. Deinde cum dicit sed collabora, hortatur ad usum gratiae; et primo in generali; secundo ostendit ex qua fiducia hunc usum aggrediatur, ibi secundum virtutem. Hic manifestat quod dicit sed collabora, ibi non secundum, et cetera. Dicit ergo: ne erubescas, sed collabora, id est, simul mecum labora. I Cor. III, 8: unusquisque propriam mercedem accipiet. Et dicit Evangelio, quod potest esse ablativi casus, et sic in Evangelio praedicando; dativi casus, et sic ad laudem Evangelii, ut scilicet crescat. Sg. III, 15: bonorum laborum gloriosus est fructus, et cetera. Et hoc cum fiducia, non propria, quia non sufficientes sumus cogitare aliquid a nobis quasi ex nobis, etc.; sed secundum Dei virtutem, id est, habendo fiduciam de virtute Dei. Is. XL, 29: qui dat lasso virtutem, et his qui non sunt, fortitudinem et robur multiplicat. Haec virtus manifestatur per duo, scilicet quantum ad affectum, quia liberamur a malis; et ideo dicit qui nos liberavit. I Esd. VIII, 31: liberavit nos de manu inimici et insidiatoris in via. Jn. VIII, 36: si filius vos liberavit. Et quantum ad hoc quod vocat nos ad bona. Unde sequitur et vocat vocatione sua sancta, quia vocavit ad sanctificandum. Rm. VIII, 30: quos praedestinavit, hos et vocavit. I P. II, 9: qui de tenebris nos vocavit in admirabile lumen suum. Et manifestat quaedam quae dicit, dicens non secundum opera nostra; ubi ostendit, quod per virtutem Dei liberati et vocati sumus, non per humanam. Et primo ostendit causam vocationis nostrae et liberationis esse a Deo; secundo processum causae, ibi quae data est etiam; tertio commendat datorem causae, scilicet gratiae, et eius conservatorem, ibi qui destruxit. Dicit ergo: vocavit non per nostram virtutem, quia scilicet non per opera nostra, quae sunt effectus virtutis. Tt. III, 5: non ex operibus iustitiae quae fecimus nos, sed secundum suam misericordiam salvos nos fecit. Est autem duplex causa humanae salutis, quae est a Deo. Una est aeterna, scilicet eius praedestinatio; alia est temporalis, scilicet gratia iustificans. Quantum ad primum dicit secundum propositum, id est, praedestinationem, quae est propositum miserendi. Ep. I, 11: operatur omnia secundum propositum voluntatis suae. Rm. VIII, 28: his qui secundum propositum vocati sunt sancti. Quantum ad secundum dicit et gratiam. Rm. III, 24: iustificati gratis per gratiam ipsius. Circa processum gratiae primo ostendit quomodo est praeparata gratia; secundo quomodo collata; tertio per quem. Primum ostendit, cum dicit quae data est nobis in Christo Iesu, id est, praevisa est nobis dari ante tempora saecularia. Sicut dicit philosophus, saeculum nihil aliud est quam mensura durationis aliquarum rerum; unde diversa saecula, diversae sunt aetates hominum. Unde unum saeculum durat mille annis, quia homo dicitur vivere quamdiu est in memoria hominum, quae non excedit mille annos. Tempora ergo saecularia sunt quae mensurant res mutabiles, et haec incoeperunt cum mundo sed praedestinatio est ante mundum. Ep. I, 4: elegit nos in Ipso ante constitutionem mundi. Et dicit in Christo Iesu, quia non sumus electi sic, ut salvemur propriis meritis, sed per gratiam Christi; quia sicut praedestinavit salutem nostram, ita modum salutis nostrae. Jn. I, 17: gratia et veritas per Iesum Christum facta est. Sed haec praedestinatio prius erat occulta, sed nunc est manifesta. Et quomodo? Sicut conceptus cordis per opera; unde nunc in effectu operis, suis electis manifestavit per illuminationem. Proprie loquitur; manifestare enim est in lucem ducere. Jb XXVIII, 11: abscondita produxit in lucem. Sic ergo manifestata est nunc, etc., per hoc quod misit Christum nos illuminantem. Is. LX, 1: surge, illuminare, Ierusalem, quia venit lumen tuum. Lc. I, 79: illuminare his, qui in tenebris et in umbra mortis sedent. Deinde cum dicit qui destruxit, commendat Christum illuminatorem; et primo eius virtutem quantum ad mala quae abstulit; secundo quantum ad bona quae contulit. Dicit ergo Christus, propter hoc, quod pro nobis passus est, destruxit mortem, id est, satisfecit Deo pro peccatis nostris. I P. III, 18: Christus semel pro peccatis nostris mortuus est, et cetera. Et peccatum erat causa nostrae mortis corporalis. Rm. VI, 23: stipendia enim peccati mors; et ideo destruendo peccatum, destruxit mortem. Os. XIII, 14: ero mors tua, o mors, et cetera. Contulit etiam perfecta bona, primo animae in praesenti, per gratiam fidei. Ha. II, 4: iustus meus ex fide vivit. Et est imperfecta in hac vita, sed perficietur in gloria. Jn. XVII, 3: haec est vita aeterna, ut cognoscant te. Secundo immortalitatem carnis resultantem ex gloria animae. I Cor. XV, 53: oportet corruptibile hoc induere incorruptionem, et cetera. Jn. X, 10: ego veni ut vitam habeant, scilicet iam per gratiam, et abundantius habeant, scilicet per gloriam in futuro; item ibidem XI, 26: omnis qui vivit et credit in me, non morietur in aeternum.

 

Lectio 4

Super II Tim., cap. 1 l. 4 Supra monuit ad sollicitam Christi praedicationem, hic inducit ad hoc per exemplum, et primo ponit hoc; secundo inducit ad sui sequelam, ibi formam habens; tertio ostendit sequendi necessitatem, ibi scis hoc. Item, primo ponit suum officium; secundo ostendit quae patitur pro sui officii executione, ibi ob quam causam; tertio spei certitudinem, ibi scio enim. Describit autem officium suum tripliciter; quia dicit se praedicatorem, ad excitandum ad bonos mores. Infra IV, 2: praedica verbum, insta opportune. Mc. ult.: praedicate Evangelium omni creaturae. Apostolum, ad regendum Ecclesiam, quia apostoli sunt praelati Ecclesiae. Ga. II, 8: qui operatus est Petro in apostolatum circumcisionis, operatus est et mihi inter gentes. Et magistrum, institutum ad docendum fidei sanctitatem, et cognitionem Dei. I Tm. II, 7: doctor gentium in fide et veritate. Jo. II, 23: filii Sion, exultate et laetamini in Domino Deo nostro, qui dedit vobis doctorem iustitiae. Sed dicit in quo positus sum ego. Ubi nota tria. Primo quod ipse non assumpsit sibi, sed ab illo positus est. He. V, 4: nemo assumit sibi honorem, sed qui vocatur a Deo tamquam Aaron. Secundo in positione designatur ordo. Tertio firmitas, quia secundum ordinem rationis institutus, firmiter mansit. Jn. XV, 16: posui vos ut eatis et fructum afferatis, et fructus vester maneat. Iudicum V, 20: stellae manentes in ordine et cursu suo. Deinde cum dicit ob quam causam, ostendit quae patitur pro sui officii executione, dicens haec, adversa, patior, scilicet vincula et taedia, et hoc pro fide Christi. Infra II, 9: laboro usque ad vincula. Et dicit, ob hanc causam, quia pati simpliciter non est laudabile, sed propter iustam causam. Mt. V, 10: beati qui persecutionem patiuntur propter iustitiam. Et ideo sed non confundor, quia non est ad confusionem ei qui patitur propter iustitiam. I P. IV, 15: nemo vestrum patiatur quasi homicida, aut fur, aut maledicus, aut alienorum appetitor; si autem ut Christianus, non erubescat, et cetera. Ac. V, 41: ibant apostoli gaudentes, et cetera. Deinde cum dicit scio, ponitur certitudo spei, quae facit eum non confundi, etiam hoc provenit ex magnitudine Dei promittentis. Et ideo dicit cui credidi. Et nota quod uno modo credere est actus fidei; et est sensus scio, etc., id est, scio quod ille qui promisit, est verax, et potens ad reddendam vitam aeternam, quam repromisit homini fideli existenti. Sed contra ex hoc sequitur, quod eadem est scientia et fides, et idem est scitum et creditum, quod est impossibile, quia de ratione sciti est quod videatur, de ratione crediti quod non. Respondeo. In fide duo sunt, scilicet id quod creditur, et ille cui creditur. De eo quod creditur, non potest esse scientia, quia sic perderet crediti rationem; sed de eo cui creditur, est scientia, quia per evidentissimam rationem est scitum, quod Deus est verax. Et sic dicit: cui credidi. I Jn. IV, 1: nolite omni spiritui credere, sed probate spiritus si ex Deo sunt. Pr. XIV, 15: innocens credit omni verbo, et cetera. Alio modo dicitur credere fidei eius, cui committit rem suam, et hic sensus est verior; quasi dicat: quia meipsum, labores et passiones credidi, id est, commisi, Deo, scio quod potens est depositum meum servare, et cetera. Et nota, quod depositum dicitur dupliciter. Uno modo, quod ego deposui. Et sic homo deponit apud Deum salutem suam, quando se Deo totum committit. I P. V, 7: omnem sollicitudinem vestram in eum proiicientes, quoniam ipsi cura est de vobis. Ps. LIV, 23: iacta super Dominum curam tuam, et ipse te enutriet. Item deponit opera sua, quando scilicet non statim recipit remunerationem suam, sed in posterum. Et sic, qui benefacit, deponit illud apud Deum. Et hoc usque in illum diem, quando iudicabit occulta hominum, quibus tunc reddet Deus mercedem laborum suorum. Sg. X, 17 et Is. III,10: dicite iusto, quoniam bene, quoniam fructum adinventionum suarum comedet. Vel depositum, id est, quod penes me positum est officium, scilicet officium Evangelii. Ac. IX, 15: vas electionis est mihi iste, ut portet nomen meum, et cetera. Etiam Deus est potens conservare suum apostolum usque ad mortem suam. Deinde cum dicit formam habens, inducit ad sequelam sui, et est duplex littera. Una dicit habe, altera habens. Si dicit habens, sic primo ponit idoneitatem, quam proponit Timotheo ad imitandum exemplum apostoli; secundo hortatur ad imitandum, ibi bonum depositum. Apostolus autem bonam idoneitatem habuit secundum duo, scilicet secundum eruditionem quantum ad cognitionem; et ideo dicit sanorum verborum. Item secundum virtutem; unde dicit in fide et dilectione. Dicit ergo: non potes te excusare, si patienter te non habeas usque ad vincula sicut ego, quia tu es habens formam sanorum verborum, scilicet quae non continent falsitatis corruptionem. Tt. II, 1: loquere quae decent sanam doctrinam. Et dicitur doctrina sana, non corrupta effective, quia nos sanos facit. Et addit quae a me audisti, quasi dicat: non es deceptus, quia hoc tibi tradidi quod a Christo audivi. I Cor. XI, 23: ego enim accepi a Domino, quod et tradidi vobis. Lc. X, 16: qui vos audit, me audit. Et hoc in fide et dilectione, quia si aliquis omnia verba sana sciret et non crederet, non esset idoneus, nec etiam diligeret, quia de facili recederet a doctrina, vel per adversa, vel per prospera. He. XI, 6: sine fide impossibile est placere Deo. I Jn. III, 14: qui non diligit, manet in morte. Et hoc in Christo Iesu, quia vera fides est eorum, quae Christus docuit, et vera dilectio est in Christo, quia dedit Spiritum Sanctum, per quem Deum diligimus. Haec igitur habens, custodi bonum depositum, quod scilicet dedi tibi, id est, officium praedicationis, ut numquam a veritate recedas, nec propter timorem officium praedicationis ullo tempore dimittas. Pr. IV, 23: omni custodia serva cor tuum, et cetera. I Tm. VI, 20: o Timothee, depositum custodi. Et hoc custodi bono adiutorio, scilicet per Spiritum Sanctum, qui habitat in nobis. I Cor. III, 16: nescitis quia templum Dei estis, et Spiritus Dei habitat in vobis? Secundum aliam litteram monet ad duo. Primo ad sanam doctrinam; secundo ad perseverantiam in ea. Deinde cum dicit scis hoc, ostendit necessitatem monitionis ex defectu et profectu aliorum. Quando enim aliquis videt aliquos sociorum suorum proficere et aliquos deficere, nititur sequi bonos. Et ideo primo commemorat deficientes; secundo proficientes, ibi det misericordiam. Ostendit ergo quid caveat, alias est periculum. I Cor. X, 12: qui se existimat stare, videat ne cadat. Et ideo dicit: aversi, et cetera. Glossa: isti fallacia erant pleni, simulate enim fuerant cum apostolo, ut scilicet addiscerent, unde facerent calumniam apostolo. Isti ergo, qui sunt aversi a me, sunt modo in Asia, inter quos praecipue sunt isti duo, qui conversi sunt per Iacobum. Deinde cum dicit det misericordiam, ostendit aliorum profectum, et praecipue cuiusdam Onesiphori, commemorans primo bona, quae sibi contulit Romae, secundo quae in Asia. Item primo optat ei Dei misericordiam; secundo ostendit meritum misericordiae; tertio tempus misericordiae. Primum cum dicit det misericordiam. Recte optat ei misericordiam, quia praesens vita miseria est. Jb XIV, 1: homo natus de muliere, brevi vivens tempore, repletur multis miseriis. Dicit det Onesiphori domui, non solum personae, sed familiae, quia propter bonitatem unius derivatur gratia ad totam familiam. Mt. X, 13: siquidem fuerit domus illa digna, veniet pax vestra super eam. Meritum autem misericordiae est misericordia, quam habebant in apostolum. Unde dicit quia saepe me refrigeravit, scilicet quietem praestando. Mt. V, 7: beati misericordes, quoniam ipsi misericordiam consequentur. Eccli. XVIII, 16: nonne ardorem refrigerabit ros? Phl. 7: viscera sanctorum requieverunt per te, frater. Et catenam meam. Infra II, 9: laboro usque ad vincula quasi male operans. Non erubuit, sed cum Romam venisset sollicite ut amicus quaesivit. Eccli. VI, 7: si possides amicum, in tentatione posside illum. Pr. XVII, 17: omni tempore diligit, qui amicus est. Optat autem misericordiam futuri saeculi, cum dicit in illa die, in qua scilicet Dominus iudicabit omnes, quando misericordia est necessaria, non solum autem Romae, sed et Ephesi. Et ideo dignus est divina misericordia.


 

 



 

 

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Décollation de St Jean-Baptiste mémoire de Sainte Sabine Martyre

29 Août 2023 , Rédigé par Ludovicus

Décollation de St Jean-Baptiste mémoire de Sainte Sabine Martyre

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Nous vous en prions, Seigneur, faites que la fête solennelle de votre saint Précurseur et Martyr Jean-Baptiste, nous procure des grâces efficaces de salut.

ÉvangileMc. 6, 17-29

En ce temps-là : Hérode avait envoyé prendre Jean, et l’avait enchaîné en prison, à cause d’Hérodiade, femme de son frère Philippe, qu’il avait épousée. Car Jean disait à Hérode : Il ne t’est pas permis d’avoir la femme de ton frère. Or Hérodiade tendait des pièges à Jean, et voulait le faire mourir ; mais elle ne le pouvait pas, Car Hérode craignait Jean, sachant qu’il était un homme juste et saint, et il le gardait, faisait beaucoup de choses selon ses avis, et l’écoutait volontiers. Mais il arriva un jour opportun : à l’anniversaire de sa naissance, Hérode donna un grand festin aux grands, aux officiers et aux principaux de la Galilée. La fille d’Hérodiade étant entrée, et ayant dansé, et ayant plu à Hérode et à ceux qui étaient à table avec lui, le roi dit à la jeune fille : Demande-moi ce que tu voudras, et je te le donnerai. Et il fit ce serment : Tout ce que tu me demanderas, je te le donnerai, quand ce serait la moitié de mon royaume. Elle, étant sortie, dit à sa mère : Que demanderai-je ? Sa mère lui dit : La tête de Jean-Baptiste. Et étant rentrée aussitôt en hâte auprès du roi, elle fit sa demande, en disant : Je veux que tu me donnes à l’instant sur un plat la tête de Jean-Baptiste. Le roi fut attristé ; mais, à cause de son serment et de ceux qui étaient à table avec lui, il ne voulut pas l’affliger par un refus. Il envoya donc un de ses gardes, et lui ordonna d’apporter la tête de Jean sur un plat. Le garde le décapita dans la prison, et il apporta sa tête sur un plat, et la donna à la jeune fille, et la jeune fille la donna à sa mère. L’ayant appris, les disciples de Jean vinrent, et prirent son corps, et le mirent dans un sépulcre.

Office

Au premier nocturne.

Commencement du Prophète Jérémie. Cap. 1, 1-10 ; 17-19.

Première leçon. Paroles de Jérémie, fils d’Helcias, des prêtres qui demeuraient à Anatoth, dans la terre de Benjamin. Parole du Seigneur qui lui fut adressée dans les jours de Josias, fils d’Amon, roi de Juda, en la treizième année de son règne. Elle (lui) fut aussi adressée dans les jours de Joakim, fils de Josias, roi de Juda, jusqu’à la fin de la onzième année de Sédécias, fils de Josias, roi de Juda, jusqu’à la transmigration de Jérusalem, au cinquième mois. Elle me fut donc adressée la parole du Seigneur, disant : Avant que je t’eusse formé dans le sein (de ta mère) je t’ai connu, et avant que tu fusses sorti de ses entrailles, je t’ai sanctifié, et je t’ai établi Prophète parmi les Nations.

Deuxième leçon. Et je dis : A, a, a, Seigneur Dieu ; voyez, je ne sais point parler, parce que moi, je suis un enfant. Et le Seigneur me dit : Ne dis pas : Je suis un enfant, puisque partout où je t’enverrai, tu iras ; et que tout ce que je te commanderai, tu le diras. Ne crains pas à cause d’eux, parce que moi, je suis avec toi, afin que je te délivre, dit le Seigneur. Et le Seigneur étendit sa main et toucha ma bouche ; et le Seigneur me dit : Voilà que j’ai mis ma parole en ta bouche. Voilà qu’aujourd’hui je t’ai établi sur les nations et les royaumes, afin que tu arraches et que tu détruises, et que tu perdes et que tu dissipes, et que tu édifies et que tu plantes.

Troisième leçon. Toi donc, ceins tes reins, et lève-toi, et dis-leur tout ce que moi, je te commande. Ne crains pas devant leur face ; car je ferai que tu ne craignes pas leur visage. Car c’est moi qui t’ai établi aujourd’hui comme une ville fortifiée, et une colonne de fer, et un mur d’airain, sur toute la terre, contre les rois de Juda, ses princes, et ses prêtres, et son peuple. Et ils combattront contre toi, et ne prévaudront point, parce que moi je suis avec toi, dit le Seigneur, afin que je te délivre.

Au deuxième nocturne.

Du livre de saint Ambroise, Évêque : Des Vierges. Liber 3 post initium

Quatrième leçon. Il ne faut pas effleurer légèrement un sujet tel que la mémoire du bienheureux Jean-Baptiste ; aussi devons-nous considérer ce qu’il était, quels furent ses bourreaux, pourquoi, quand et comment il a été martyrisé. C’est un juste qui est mis à mort, par des adultères ; et la peine capitale qu’ils méritent, ils la font subir à celui qui devrait être leur juge. Et puis la mort d’un Prophète devient la récompense et le salaire d’une danseuse. Enfin, ce que tous les barbares eux-mêmes ont communément en horreur, c’est à table, au milieu d’un banquet, qu’on prononce l’arrêt cruel qui devra s’exécuter. Et on apporte de la prison à la salle du festin l’objet de l’exécution impie qui a suivi ce fatal commandement. Que de crimes dans une seule action !

Cinquième leçon. A voir ainsi un émissaire se lever de table et courir à la prison, qui n’aurait pas cru à l’élargissement du Prophète ? Qui, en apprenant que c’est le jour de la naissance d’Hérode, qu’il y a grand festin, et qu’on a donné à une fille la liberté de demander tout ce qu’elle voudra, qui donc, dis-je, ne s’imaginerait qu’on n’enverra délivrer Jean de ses fers ? Quel rapport y a-t-il entre la cruauté et les délices ? entre le meurtre et la volupté ? Le Prophète subira sa peine pendant un festin, et en vertu d’une sentence portée au milieu du festin, sentence qu’il eût repoussée, même pour être mis en liberté. On lui tranche la tête, et on l’apporte dans un plat. Un tel mets convenait à la cruauté, et pouvait satisfaire une férocité difficile à assouvir.

Sixième leçon. O le plus odieux des rois, considère ce spectacle digne de ton banquet, et afin que rien ne manque à ta satisfaction inhumaine, étends la main pour que ce sang sacré ruisselle entre tes doigts. Et puisque ta faim n’a pu être rassasiée par les viandes, puisque les coupes n’ont pu éteindre la soif de cruauté qui te dévore, vois ce sang qui, bouillonnant encore, s’échappe des veines de cette tête que tu as fait tomber. Vois ces yeux qui, jusque dans le trépas, sont les témoins de ton crime, et qui se refusent à contempler tes plaisirs. Ce n’est pas tant la mort qui ferme ces yeux, que l’horreur de tes débauches. Cette bouche éloquente dont tu redoutais la censure, toute pâle et muette qu’elle est, te fait encore trembler.

Au troisième nocturne.

Homélie de saint Augustin, Évêque. Sermon 10 in novis Sermonibus

Septième leçon. La lecture du saint Évangile nous a mis sous les yeux un spectacle sanglant : la tête de saint Jean-Baptiste dans un plat, envoi lugubre fait par la cruauté, en haine de la vérité. Une jeune fille danse, sa mère assouvit sa fureur, et, au milieu des joies dissolues et des délices d’un banquet, un roi fait un serment téméraire et exécute ce serment impie. Ainsi s’accomplit en la personne de Jean ce que lui-même avait prédit. Il avait dit, en parlant de notre Seigneur Jésus-Christ : « II faut qu’il croisse et que je diminue. » Jean a été diminué parce qu’on lui trancha la tête, et le Sauveur a grandi parce qu’il a été élevé en la croix. La vérité a fait naître la haine. Les avertissements du saint homme de Dieu n’ont pu être supportés sans irritation par ceux dont il cherchait le salut. Ils lui ont rendu le mal pour le bien.

Huitième leçon. Que dirait-il, en effet, sinon ce dont il a l’âme remplie ? Et que répondraient-ils, sinon ce dont leur cœur est plein ? Lui, il a semé le bon grain, mais il n’a trouvé que des épines. Il disait au roi : « Il ne vous est pas permis d’avoir la femme de votre frère. »

Neuvième leçon. Car ce prince, esclave de sa passion, gardait chez lui, illégitimement, la femme de son frère ; toutefois son estime pour Jean l’empêchait de sévir contre lui. Il honorait celui qui lui faisait entendre la vérité. Mais une abominable créature avait -conçu une haine secrète, qu’elle devait mettre au jour le moment venu ; ce qu’elle fit au moyen de sa fille, une fille danseuse.

« En ce temps-là, Hérode envoya prendre Jean et il le mit en prison chargé de liens, à cause d’Hérodiade, femme de son frère Philippe, qu’il avait épousée. Car Jean disait à Hérode : Il ne vous est pas permis d’avoir la femme de votre frère. Or Hérodiade lui dressait des embûches et voulait le faire mourir, mais ne le pouvait pas. Hérode, en effet, craignait Jean qu’il tenait pour un homme juste et saint, et il le gardait, faisant beaucoup de choses d’après ses avis et l’écoutant volontiers. Un jour favorable s’étant donc présenté, à savoir celui de la naissance d’Hérode où il avait offert un banquet à ses grands, aux chefs militaires et aux principaux de la Galilée, la fille d’Hérodiade entra et dansa, et elle plut à Hérode et à ses convives, et le roi lui dit : Demande-moi ce que tu voudras, et je te le donnerai. Et il en fit le serment : Quoi que ce soit que tu demandes, je te le donnerai, fût-ce la moitié de mon royaume. Or elle, étant sortie, dit à sa mère : Qu’est-ce que je demanderai ? Sa mère lui dit : La tête de Jean-Baptiste. Rentrant donc aussitôt en grande hâte, elle fit au roi sa demande, disant : Je veux que sur-le-champ vous me donniez dans un plat la tête de Jean-Baptiste. Et le roi en fut peiné ; mais à cause de son serment et de ceux qui étaient avec lui à table, il ne voulut pas la contrister, et envoyant un de ses gardes, il lui donna l’ordre d’apporter la tête dans un plat. Et le garde coupa la tête de Jean dans la prison, et l’apportant dans un plat, il la remit à la fille qui la donna à sa mère. Ce qu’ayant appris, ses disciples vinrent et enlevèrent son corps, et ils l’ensevelirent dans un tombeau ».

Ainsi donc finit le plus grand des enfants nés d’une femme, sans témoins, dans la prison d’un tyran de second ordre, victime de la plus vile des passions, prix d’une danseuse. Au silence devant le crime, fût-ce sans espoir d’amender le coupable, au renoncement à sa liberté, même dans les fers, la Voix du Verbe a préféré la mort. Belle liberté de la parole, selon l’expression de saint Jean Chrysostome, quand elle est véritablement la liberté même du Verbe de Dieu, quand par elle ne cessent point de vibrer ici-bas les échos des collines éternelles ! Elle est bien alors l’écueil de la tyrannie, la sauvegarde du monde, des droits de Dieu et de l’honneur des peuples, des intérêts du temps comme de ceux de l’éternité. La mort ne prévaut pas contre elle ; à l’impuissant meurtrier de Jean-Baptiste, à tous ceux qui voudraient l’imiter, mille bouches pour une, jusqu’à la fin des temps, redisent en toute langue, en tous lieux : Il ne t’est pas permis d’avoir la femme de ton frère.

« Grand et admirable mystère ! s’écrie par ailleurs saint Augustin. Il faut qu’il croisse, et que je diminue, disait Jean, disait la Voix en laquelle se personnifient les voix qui le précédèrent, annonçant comme lui la Parole du Père incarnée dans son Christ. Toute parole, en tant que signifiant quelque chose, en tant qu’idée, verbe intérieur, est indépendante du nombre des syllabes, de la variété des lettres ou des sons ; elle reste immuable et une au cœur qui la conçoit, bien que multiples puissent être les mots qui lui donnent corps extérieurement, les voix qui la propagent, les langues, grecque, latine ou autres, où elle se traduit. A qui sait la parole, inutiles deviennent les formules et la voix. Voix furent les Prophètes, voix les Apôtres ; voix dans les Psaumes, voix dans l’Évangile. Mais vienne la Parole, le Verbe qui était au commencement, le Verbe qui était avec Dieu, le Verbe qui était Dieu : quand nous le verrons comme il est, entendra-t-on encore réciter l’Évangile ? écouterons-nous les Prophètes ? lirons-nous les Épîtres des Apôtres ? La voix défaille où grandit le Verbe... Non qu’en lui-même le Verbe décroisse ou grandisse. Mais il est dit croître en nous, quand c’est nous qui croissons en lui. A qui donc se rapproche du Christ, à qui progresse dans la contemplation de la Sagesse, les mots sont moins utiles ; il est nécessaire qu’ils tendent à faire tous défaut. Ainsi s’amoindrit le ministère de la voix en la mesure du progrès de l’âme vers le Verbe ; ainsi que le Christ grandisse et que Jean diminue. C’est ce qu’indiquent la Décollation de Jean et l’Exaltation du Christ en croix, comme l’avaient déjà fait leurs dates de naissance ; car à partir de la naissance de Jean décroissent les jours, qui grandissent à dater de celle du Seigneur ».

Utile leçon donnée aux guides des âmes dans les sentiers de la vie parfaite. Si, dès l’abord, ils doivent respectueusement observer la direction de la grâce en chacune d’elles, pour seconder l’Esprit-Saint et non s’imposer à lui ; ainsi faut-il qu’à mesure qu’elles avancent, ils évitent d’obstruer le Verbe sous l’abondance de leur propre parole ; comme aussi leur discrétion devra respecter l’impuissance où ces âmes en arrivent progressivement d’exprimer ce qu’opère en elles le Seigneur. Heureux alors d’avoir conduit l’Épouse à l’Époux, qu’ils apprennent à dire avec Jean : Il faut qu’il croisse, et que je diminue.

Et n’est-ce pas une leçon pareille que nous insinue à nous-mêmes le Cycle sacré, lorsque nous le verrons, dans les jours qui vont suivre, comme tempérer ses propres enseignements par la diminution du nombre des fêtes et l’absence prolongée des grandes solennités qui ne reparaîtront qu’en novembre ? L’école de la sainte Liturgie n’a point d’autre but que d’adapter l’âme, plus sûrement, plus pleinement qu’aucune autre école, au magistère intérieur de l’Époux. Comme Jean, l’Église voudrait, s’il était possible ici-bas toujours, laisser Dieu parler seul ; du moins aime-t-elle, sur la fin de la route, à modérer sa voix, à quelquefois s’imposer silence, désirant donner à ses fils l’occasion de montrer qu’ils savent écouter au dedans d’eux-mêmes Celui qui pour elle et pour eux est l’unique amour. Aux interprètes de sa pensée de bien la comprendre. L’ami de l’Époux, qui jusqu’au jour des noces marchait devant lui, se tient maintenant debout et lui-même il l’écoute ; et cette voix de l’Époux, qui fait rentrer la sienne dans le silence, le remplit d’immense joie. Cette joie donc qui est la mienne est complète, disait le Précurseur.

La fête de la Décollation de saint Jean-Baptiste peut être considérée comme un des jalons de l’Année liturgique en la manière que nous venons d’exposer. Elle est rangée par les Grecs au nombre des solennités chômées. La mention qui en est faite au Martyrologe dit de saint Jérôme, la place qu’elle occupe dans les Sacramentaires gélasien et grégorien, démontrent sa haute antiquité dans l’Église latine. C’était aux environs de la fête de Pâques qu’avait eu lieu la bienheureuse mort du Précurseur ; pour l’honorer plus librement, on choisit ce jour qui rappelle aussi la découverte à Émèse de son glorieux chef.

La vengeance de Dieu s’était appesantie sur Hérode Antipas. Josèphe rapporte que les Juifs attribuaient à la mort de Jean sa défaite par Arétas d’Arabie, dont il avait répudié la fille pour suivre ses instincts adultères. Déposé par Rome de son tétrarchat de Galilée, il fut relégué à Lyon, dans les Gaules, où l’ambitieuse Hérodiade partagea sa disgrâce. Quant à Salomé la danseuse, nos pères racontaient, d’après d’anciens auteurs, qu’ayant un jour d’hiver voulu danser sur une rivière gelée, la glace se rompit l’engloutissant jusqu’au cou, tandis que sa tête, tranchée par les glaçons rejoints soudainement, continua quelque temps par ses bonds cette danse de la mort.

De Machéronte au delà du Jourdain, où leur maître consomma son martyre, les disciples de Jean avaient porté son corps jusqu’à Sébaste, l’ancienne Samarie, en dehors des frontières d’Antipas ; car il était urgent de le soustraire aux profanations qu’Hérodiade n’avait point épargnées à son chef auguste. La vengeance de la malheureuse ne se crut point satisfaite, en effet, qu’elle n’eût percé d’une de ses épingles à cheveux la langue qui n’avait pas craint de flétrir sa honte ; et la face du Précurseur, que l’église d’Amiens présente depuis sept siècles à la vénération du monde, garde encore trace des violences auxquelles se porta sa furie dans la joie du triomphe. Au temps de Julien l’Apostat, les païens voulurent compléter l’œuvre de cette indigne descendante des Machabées, en envahissant le tombeau de Sébaste pour brûler et disperser les restes du Saint. Mais ce sépulcre vide n’en faisait pas moins toujours la terreur des démons, comme sainte Paule le constatait avec une religieuse émotion quelques années plus tard. Sauvées d’ailleurs en grande partie, les précieuses reliques s’étaient répandues par l’Orient, d’où elles devaient, à l’époque surtout des Croisades, émigrer dans nos contrées où leur présence fait la gloire de nombreuses églises.

 

Décollation de St Jean-Baptiste mémoire de Sainte Sabine Martyre
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Saint Augustin évêque confesseur et docteur de l’Eglise mémoire de Saint Hermès Martyr

28 Août 2023 , Rédigé par Ludovicus

Saint Augustin évêque confesseur et docteur de l’Eglise mémoire de Saint Hermès Martyr

Collecte

Recevez favorablement nos supplications, Dieu tout-puissant : et puisque vous voulez bien nous permettre d’espérer en votre bonté, daignez, grâce à l’intercession du bienheureux Augustin, votre Confesseur et Pontife, nous accorder les effets de votre miséricorde habituelle.

Lecture 2. Tm. 4, 1-8.

Mon bien-aimé : je t’adjure, devant Dieu et Jésus-Christ, qui doit juger les vivants et les morts, par son avènement et par son règne, prêche la parole, insiste à temps et à contretemps, reprends, supplie, menace, en toute patience et toujours en instruisant. Car il viendra un temps où les hommes ne supporteront plus la saine doctrine ; mais ils amasseront autour d’eux des docteurs selon leurs désirs ; et éprouvant aux oreilles une vive démangeaison, ils détourneront l’ouïe de la vérité, et ils la tourneront vers des fables. Mais toi, sois vigilant, travaille constamment, fais l’œuvre d’un évangéliste, acquitte-toi pleinement de ton ministère ; sois sobre. Car pour moi, je vais être immolé, et le temps de ma dissolution approche, j’ai combattu le bon combat, j’ai achève ma course, j’ai gardé la foi. Reste la couronne de justice qui m’est réservée, que le Seigneur, le juste juge, me rendra en ce jour-là ; et non seulement à moi, mais aussi à ceux qui aiment son avènement.

Office

Au deuxième nocturne.

Quatrième leçon. Augustin, né à Tagaste en Afrique, d’une famille recommandable, surpassa de beaucoup les autres enfants par ses aptitudes et les dépassa bientôt par son savoir. Jeune homme, il tomba, pendant son séjour à Carthage, dans l’hérésie manichéenne. Il partit ensuite pour Rome, d’où on l’envoya enseigner la rhétorique à Milan et devint, dans cette ville, un des auditeurs les plus assidus de saint Ambroise. Poussé par le saint Évêque à étudier les dogmes catholiques, il reçut de lui le baptême, étant âgé de trente-trois ans. Retourné en Afrique, il joignit aux pratiques religieuses une grande pureté de vie, et fut ordonné Prêtre par l’Évêque d’Hippone, Valère, homme d’une sainteté éminente. C’est alors qu’Augustin établit une famille de religieux, dont il partagea la vie commune et les occupations, et qu’il instruisait avec un très grand soin dans la doctrine et dans le genre de vie apostolique. Mais comme l’hérésie manichéenne devenait puissante, il se mit à l’attaquer énergiquement et confondit l’hérésiarque Fortunat.

Cinquième leçon. Cette piété d’Augustin porta Valère à le prendre pour coadjuteur dans sa charge épiscopale. Personne ne fut plus humble ni plus réglé que lui. Son lit était simple, simple aussi son vêtement, sa table n’avait rien que de très commun, et ses repas étaient toujours assaisonnés d’une lecture sainte ou d’un pieux entretien. Telle était sa libéralité envers les pauvres, qu’un jour n’ayant plus rien à sa disposition, il fit briser les vases sacrés pour secourir leur détresse. Il évita d’être en rapport et en familiarité avec les femmes, sans excepter sa sœur et la fille de son frère, et il avait coutume de dire que, si ses parentes ne donnaient lieu à aucun soupçon, il pourrait n’en être pas de même de celles qu’on trouverait en visite chez elles. Jamais il ne cessa de prêcher la parole de Dieu, à moins d’en être empêché par une grave maladie. Il combattit sans relâche les hérétiques, soit par ses discours, soit par ses écrits, et ne les laissa s’implanter nulle part. Poursuivant aussi les erreurs des Manichéens, des Donatistes, des Pélagiens et autres sectes, il en délivra presque toute l’Afrique.

Sixième leçon. Il écrivit tant de livres remplis de piété, de goût et d’éloquence, qu’il a fait resplendir les dogmes chrétiens ; et c’est lui qu’ont principalement suivi ceux qui plus tard appliquèrent à l’enseignement théologique la méthode et le raisonnement. Tandis que les Vandales dévastaient l’Afrique et assiégeaient Hippone depuis trois mois, Augustin tomba malade de la fièvre. Comprenant alors qu’il était près de quitter cette vie, il fit placer devant lui les Psaumes de David qui se rapportent à la pénitence, et il les lisait avec abondance de larmes. « Personne, disait-il souvent, n’aurait-il conscience d’aucune faute, ne doit risquer de quitter la vie sans avoir fait pénitence. » Étant donc en pleine connaissance, tout entier à la prière, entouré de ses frères qu’il exhortait à la charité, à la piété et à toutes les vertus, il s’en alla au ciel, ayant vécu soixante-seize ans, dont trente-six dans l’épiscopat. Son corps apporté d’abord en Sardaigne, fut ensuite racheté ,à grand prix par Luitprand, roi des Lombards, et transféré à Pavie, où on l’ensevelit avec honneur.

Au troisième nocturne. Du Commun.

Homélie de saint Jean Chrysostome. Homil. 15 in Matth., sub med.

Septième leçon. Remarquez ce que dit Jésus-Christ : « Vous êtes le sel de la terre ». Il montre par là combien il est nécessaire qu’il donne ces préceptes à ses Apôtres. Car, ce n’est pas seulement, leur dit-il, de votre propre vie, mais de l’univers entier que vous aurez à rendre compte. Je ne vous envoie pas comme j’envoyais les Prophètes, à deux, à dix, ou à vingt villes ni à une seule nation, mais à toute la terre, à la mer, et au monde entier, à ce monde accablé sous le poids de crimes divers.

Huitième leçon. En disant : « Vous êtes le sel de la terre », il montre que l’universalité des hommes était comme affadie et corrompue par une masse de péchés ; et c’est pourquoi il demande d’eux les vertus qui sont surtout nécessaires et utiles pour procurer le salut d’un grand nombre. Celui qui est doux, modeste, miséricordieux et juste, ne peut justement se borner à renfermer ces vertus en son âme, mais il doit avoir soin que ces sources excellentes coulent aussi pour l’avantage des autres. Ainsi celui qui a le cœur pur, qui est pacifique et qui souffre persécution pour la vérité, dirige-sa vie d’une manière utile à tous.

Neuvième leçon. Ne croyez donc point, dit-il, que ce soit à de légers combats que vous serez conduits, et que ce soient des choses de peu d’importance dont il vous faudra prendre soin et rendre compte, « vous êtes le sel de la terre ». Quoi donc ? Est-ce que les Apôtres ont guéri ce qui était déjà entièrement gâté ? Non certes ; car il ne se peut faire que ce qui tombe déjà en putréfaction soit rétabli dans son premier état par l’application du sel. Ce n’est donc pas cela qu’ils ont fait, mais ce qui était auparavant renouvelé et à eux confié, ce qui était délivré déjà de cette pourriture, ils y répandaient le sel et le conservaient dans cet état de rénovation qui est une grâce reçue du Seigneur. Délivrer de la corruption du péché, c’est l’effet de la puissance du Christ ; empêcher que les hommes ne retournent au péché, voilà ce qui réclame les soins et les labeurs des Apôtres.

Le plus grand des Docteurs et le plus humble, Augustin se lève, acclamé par les cieux dont nulle conversion de pécheur n’excita comme la sienne l’ineffable joie, célébré par l’Église où ses travaux laissent pour les siècles en pleine lumière la puissance, le prix, la gratuité de la divine grâce.

Depuis l’entretien extatique qui fit d’Ostie un jour le vestibule du ciel, Dieu a complété ses triomphes dans le fils des larmes de Monique et de la sainteté d’Ambroise. Loin des villes fameuses où l’abusèrent tant de séductions, le rhéteur d’autrefois n’aspire qu’à nourrir son âme de la simplicité des Écritures sacrées dans le silence de la solitude. Mais la grâce, qui a brisé la double chaîne enserrant son esprit et son cœur, garde sur lui des droits souverains ; c’est dans la consécration des pontifes vouant Augustin à l’oubli de soi-même, que la Sagesse consomme avec lui son alliance : la Sagesse qu’il déclare « aimer seule pour elle seule, n’aimant qu’à cause d’elle le repos et la vie ». A ce sommet où l’a porté la miséricorde divine, entendons-le épancher son cœur :

« Je vous ai aimée tard, beauté si ancienne et si nouvelle ! je vous ai aimée tard ! Et vous étiez en moi ; et moi, hors de moi-même, vous cherchais en tous lieux... J’interrogeais la terre, et elle me disait : « Je ne suis pas ce que tu cherches » ; et tous les êtres que porte la terre me faisaient même aveu. J’interrogeais la mer et ses abîmes, et ce qui a vie dans leurs profondeurs ; et la réponse était : « Nous ne sommes pas ton Dieu, cherche au-dessus de nous ». J’interrogeais les vents et la brise ; et l’air disait avec ses habitants : « Anaximènes se trompe ; je ne suis pas Dieu ». J’interrogeais le ciel, le soleil, la lune, les étoiles : « Nous non plus, nous ne sommes pas le Dieu que tu cherches ». O vous tous qui vous pressez aux portes de mes sens, objets qui m’avez dit n’être pas mon Dieu, dites-moi de lui quelque chose ; et dans leur beauté qui avait attiré mes recherches avec mon désir, ils ont crié d’une seule voix : « C’est lui qui nous a faits ». — Silence à l’air, aux eaux, à la terre ! Silence aux cieux ! Silence en l’homme à l’âme elle-même ! Qu’elle passe au delà de sa propre pensée : par delà tout langage, qu’il soit de la chair ou de l’ange, s’entend lui-même Celui dont parlent les créatures ; là où cessent le signe et l’image, et toute vision figurée, se révèle la Sagesse éternelle]... Mes oreilles sourdes ont entendu votre voix puissante ; votre lumière éblouissante a forcé l’entrée de mes yeux aveugles ; votre parfum a éveillé mon souffle, et c’est à vous que j’aspire, j’ai faim et soif, car je vous ai goûté ; j’ai tressailli à votre contact, je brûle d’entrer dans votre repos : quand je vous serai uni de tout moi-même, la douleur et le travail auront pris fin pour moi »

Un autre travail que le labeur de la correspondance intime aux prévenances de son Dieu ne devait finir pour Augustin qu’avec la vie : celui de ses luttes pour la vérité qui avait délivré son âme, sur tous les champs de bataille choisis dans ces temps par le père du mensonge. Combats terminés par autant de victoires, où l’on ne sait qu’admirer le plus, comme d’autres l’ont dit : la science des Livres saints, la puissance de la dialectique ou l’art de bien dire ; mais dans lesquels l’emporte sur tout la plénitude de la charité. Nulle part ailleurs n’apparaît mieux l’unité de cette divine charité communiquée par l’Esprit à l’Église, et qui, du même cœur où elle puise son inflexibilité à maintenir jusqu’au moindre iota les droits du Seigneur Dieu, déborde d’ineffable mansuétude pour tant de malheureux qui les méconnaissent encore :

« Qu’ils vous soient durs, ceux qui ne savent pas quel labeur c’est d’arriver au vrai, d’éviter l’erreur. Qu’ils vous soient durs, ceux qui ne savent pas combien il est rare, combien il en coûte, de parvenir à surmonter dans la sérénité d’une âme pieuse les fantômes des sens. Qu’ils vous soient durs, ceux qui ne savent pas avec quelle peine se guérit l’œil de l’homme intérieur, pour fixer son soleil, le soleil de justice ; ceux qui ne savent pas par quels soupirs, quels gémissements, on arrive, en quelque chose, à comprendre Dieu. Qu’ils vous soient durs enfin, ceux qui n’ont jamais connu séduction pareille à celle qui vous trompe... Pour moi qui, ballotté par les vaines imaginations dont mon esprit était en quête, ai partagé votre misère et si longtemps pleuré, je ne saurais aucunement être dur avec vous ».

C’est aux disciples de Manès, traqués partout en vertu des lois mêmes des empereurs païens, qu’Augustin adressait ces paroles émues : nouveau Paul, se souvenant du passé ! Combien effrayante n’est donc pas la misère de notre race déchue, que les nuages s’élevant des bas fonds y prévalent à ce point sur les plus hautes intelligences ! avant d’être le plus redoutable adversaire de l’hérésie, Augustin, neuf années durant, s’était montré le sectateur convaincu, l’apôtre ardent du manichéisme : variante incohérente de ce roman dualiste et gnostique dans lequel, pour expliquer l’existence du mal, on n’imaginait rien de mieux que de faire un dieu du mal même, et qui trouva dans la complaisance qu’y prenait l’orgueil du prince des ténèbres le secret de son influence étrange à travers les siècles.

Plus locale, mais autrement prolongée, devait être la lutte d’Augustin contre la secte Donatiste, appuyée d’un principe aussi faux que le fait dont elle se disait née. Le fait, démontré juridiquement inexact à la suite des requêtes présentées par Douai et ses partisans, était que Cécilien, primat d’Afrique en 311, aurait reçu la consécration épiscopale d’un évêque traditeur des Livres saints pendant la persécution. Comme principe et conséquence tirée par eux dudit principe, les Donatistes affirmaient que nul ne pouvait communiquer avec un pécheur sans cesser de faire partie du troupeau du Christ ; que dès lors, les évêques du reste du monde n’en ayant pas moins continué de communiquer avec Cécilien et ses successeurs, eux seuls Donatistes étaient maintenant l’Église. Schisme sans fondement, s’il en fut, mais qui s’était imposé pourtant au plus grand nombre des habitants de l’Afrique romaine, avec ses quatre cent dix évêques et ses troupes de Circoncellions, fanatiques toujours prêts aux violences et aux meurtres contre les catholiques surpris sur les routes ou dans les maisons isolées. Le rappel de ces brebis égarées prit à notre Saint le meilleur de son temps.

Qu’on ne se le représente pas méditant à loisir, écrivant dans la paix d’une humble ville épiscopale, choisie comme à dessein par la Providence, ces ouvrages précieux dont le monde devait jusqu’à nous recueillir les fruits. Il n’est point sur la terre de fécondité sans souffrance, souffrances publiques, angoisses privées, épreuves connues des hommes ou de Dieu ; lorsque, à la lecture des écrits des Saints, germent en nous les pieuses pensées, les résolutions généreuses, nous ne devons pas nous borner, comme pour les livres profanes, à solder un tribut quelconque d’admiration au génie de leurs auteurs, mais plus encore songer au prix dont sans nul doute ils ont payé le bien surnaturel produit par eux dans chacune de nos âmes. Avant l’arrivée d’Augustin dans Hippone, les Donatistes s’y trouvaient en telle majorité, rappelle-t-il lui-même, qu’ils en abusaient jusqu’à interdire de cuire le pain pour les catholiques. Quand le Saint mourut, l’état des choses était bien changé ; mais il avait fallu que le pasteur, faisant passer avant tous autres devoirs celui de sauver, fût-ce malgré elles, les âmes qui lui étaient confiées, donnât ses jours et ses nuits à cette œuvre première, et courût plus d’une fois le risque heureux du martyre. Les chefs des schismatiques, redoutant la force de ses raisons plus encore que son éloquence, se refusaient à toute rencontre avec lui ; mais ils avaient déclaré que mettre à mort Augustin serait œuvre louable, méritant la rémission de tout péché à qui aurait pu l’accomplir.

« Priez pour nous, disait-il en ces débuts de son ministère, priez pour nous qui vivons d’une façon si précaire entre les dents de loups furieux : brebis égarées, brebis obstinées qui s’offensent de ce que nous courons après elles, comme si leur égarement faisait qu’elles ne soient pas nôtres. — Pourquoi nous appeler ? disent-elles ; pourquoi nous poursuivre ? — Mais la cause de nos cris, de nos angoisses, c’est justement qu’elles vont à leur perte. — Si je suis perdue, si je n’ai plus la vie, qu’avez-vous affaire de moi ? que me voulez-vous ? — Ce que je veux, c’est te rappeler de ton égarement ; ce que je veux, c’est t’arracher à la mort. — Et si je veux m’égarer ? si je veux me perdre ? —Tu veux t’égarer ? tu veux te perdre ? Combien mieux, moi, je ne le veux pas ! Oui ; j’ose le dire : je suis importun ; car j’entends l’Apôtre : Prêche la parole, presse à temps, à contretemps. A temps, sans doute, ceux qui le veulent bien ; à contretemps, ceux qui ne le veulent pas. Oui, donc ; je suis importun : tu veux périr ; je ne le veux pas. Il ne le veut pas, lui non plus, Celui qui dit, plein de menaces, aux pasteurs : Vous n’avez pas rappelé ce qui s’égarait, vous n’avez pas cherché ce qui était perdu. Dois-je plus te redouter que lui-même ? Je ne te crains pas : ce tribunal du Christ, devant lequel nous devons tous paraître, tu ne le remplaceras pas par celui de Donat. Que tu le veuilles ou non, je rappellerai la brebis qui s’égare, je chercherai la brebis perdue. Que les ronces me déchirent : il n’y aura pas de brèche assez étroite pour arrêter ma poursuite ; il n’y aura pas de haie que je ne secoue, tant que le Seigneur me donnera des forces, pour pénétrer où que ce soit que tu prétendes périr ».

Forcés dans leurs derniers retranchements par l’intransigeance d’une telle charité, les Donatistes répondaient-ils en massacrant, à défaut d’Augustin, fidèles et clercs ; l’évêque suppliait les juges impériaux qu’on épargnât aux coupables la mutilation et la mort, de crainte que le triomphe des martyrs ne fût comme souillé par ces représailles sanglantes. Mansuétude bien digne, à coup sûr, de l’Église dont il était Pontife, mais que tenteraient vainement de retourner contre cette même Église, en l’opposant à certains faits de son histoire, les tenants d’un libéralisme qui reconnaît tout droit à l’erreur et lui réserve toute prévenance. L’évêque d’Hippone l’avoue : sa pensée fut d’abord qu’il ne fallait point user de contrainte pour amener personne à l’unité du Christ ; il crut que la parole, la libre discussion, devait être dans la conversion des hérétiques le seul élément de victoire ; mais, à la lumière de ce qui se passait sous ses yeux, la logique même de cette charité qui dominait son âme l’amenait bientôt à se ranger au sentiment tout autre de ses collègues plus anciens dans l’épiscopat.

« Qui peut, remarque-t-il, nous aimer plus que ne fait Dieu ? Dieu néanmoins emploie la crainte pour nous sauver, tout en nous instruisant avec douceur. Et le Père de famille, voulant des convives à son festin, n’envoie-t-il pas par les chemins, le long des haies, ses serviteurs, avec ordre de forcer à venir tous ceux qu’ils rencontreront ? Ce festin, c’est l’unité du corps du Christ. Si donc la divine munificence a fait qu’au temps voulu la foi des rois devenus chrétiens reconnût ce pouvoir à l’Église, c’est aux hérétiques. ramenés de tous les carrefours, aux schismatiques forcés dans leurs buissons, de considérer, non la contrainte qu’ils subissent, mais le banquet du Seigneur où sans elle ils n’arriveraient pas. Le berger n’use-t-il pas de la menace, de la verge au besoin, pour faire rentrer au bercail du maître les brebis que la séduction en avait fait sortir ? La sévérité provenant de l’amour est préférable à la douceur qui trompe. Celui qui lie l’homme en délire et réveille le dormeur de sa léthargie, les moleste tous deux, mais pour leur bien. Si dans une maison menaçant ruine se trouvaient des gens que nos cris ne persuaderaient pas d’en sortir, est-ce que ne point user de violence à leur endroit pour les sauver malgré eux ne serait pas cruauté ? et cela, lors même que nous ne pourrions en arracher qu’un seul à la mort, et que l’obstination de plusieurs en prendrait occasion de précipiter leur perte : comme font ceux du parti de Donat qui, dans leur furie, demandent au suicide la couronne du martyre. Nul ne saurait devenir bon malgré lui ; mais ce sont des villes entières, non quelques hommes seulement, que la rigueur des lois dont ils se plaignent amène chaque jour à délivrance, en les dégageant des liens du mensonge, en leur faisant voir la vérité que la violence ou les tromperies schismatiques dérobaient à leurs yeux. Loin qu’elles se plaignent, leur reconnaissance aujourd’hui est sans bornes, leur joie entière ; leurs fêtes et leurs chants ne cessent plus ».

Cependant, par delà les flots séparant Hippone des rivages d’Italie, la justice du ciel passait sur la reine des nations. Rome, qui depuis le triomphe de la Croix n’avait point su répondre au délai que lui laissait la miséricorde, expiait sous les coups d’Alaric le sang des Saints versé jadis pour ses faux dieux. Sortez d’elle, mon peuple. A ce signal que le prophète de Pathmos avait entendu d’avance, la ville aux sept collines s’était dépeuplée. Loin des routes remplies de Barbares, heureux le fugitif pouvant confier à la haute mer, au plus fragile esquif, l’honneur des siens, les débris de sa fortune ! Comme un phare puissant dont les feux dominent l’orage, Augustin, par sa seule renommée, attirait vers la côte d’Afrique les meilleurs de ces naufragés de la vie. Sa correspondance si variée nous fait connaître les liens nouveaux créés par Dieu alors entre l’évêque d’Hippone et tant de nobles exilés. Naguère, c’était jusqu’à Nole, en l’heureuse Campanie, que des messages pleins de charmes, où se mêlaient les doctes questions, les réponses lumineuses, allaient saluer « ses très chers seigneurs et vénérables frères, Paulin et Thérasia, condisciples d’Augustin en l’école du Seigneur Jésus ». Maintenant c’est à Carthage, ou plus près encore, que les lettres du Saint vont consoler, instruire, fortifier Albina, Mélanie, Pinianus, Proba surtout et Juliana, aïeule et mère illustres d’une plus illustre fille, la vierge Démétriade, première du monde romain par la noblesse et l’opulence, conquête très chère d’Augustin pour l’Époux.

« Oh ! qui donc, s’écrie-t-il à la nouvelle de la consécration de cette fiancée du Seigneur, qui expliquera dignement combien glorieuse se révèle aujourd’hui la fécondité des Anicii, donnant des vierges au Christ après avoir pour le siècle ennobli tant d’années du nom des consuls leurs fils ! Que Démétriade soit imitée : quiconque ambitionne la gloire de l’illustre famille, prenne pour soi sa sainteté ! » Vœu du cœur d’Augustin, qui devait se réaliser magnifiquement, lorsque la gens Anicia, moins d’un siècle plus tard, donna au monde Scholastique et Benoît pour conduire tant d’âmes avides de la vraie noblesse dans le secret de la face de Dieu.

La chute de Rome eut dans les provinces et par delà un retentissement immense. L’évêque d’Hippone nous dit ses propres gémissements quand il l’eut apprise, ses larmes à lui, descendant des anciens Numides, sa douleur presque inconsolable : tant, même en sa décadence, par l’action secrète de Celui qui lui réservait de nouvelles, de plus hautes destinées, la cité reine avait gardé de place en la pensée universelle et d’empire sur les âmes. En attendant, la terrible crise devenait pour Augustin l’occasion de ses œuvres les plus importantes. Sur les ruines du monde qui semblait s’écrouler pour toujours, il édifiait son grand ouvrage de la Cité de Dieu : réponse aux partisans de l’idolâtrie, nombreux encore, qui attribuaient à la suppression du culte des dieux les malheurs de l’empire. Il y oppose à la théologie et, en même temps, à la philosophie du paganisme romain et grec la réfutation la plus magistrale, la plus complète qu’on en ait jamais vue ; pour de là établir l’origine, l’histoire, la fin des deux cités, l’une de la terre, l’autre du ciel, qui se divisent le monde, et que « firent deux amours divers : l’amour de soi jusqu’au mépris de Dieu, l’amour de Dieu jusqu’au mépris de soi-même ».

Mais le principal triomphe d’Augustin fut celui qui joignit à son nom le titre de Docteur de la grâce. La prière aimée de l’évêque d’Hippone : Da quod jubes, et jube quod vis, froissait l’orgueil d’un moine breton que les événements de l’année 410 avaient amené lui aussi sur la terre africaine : d’après Pelage, la nature, toute-puissante pour le bien, se suffisait pleinement dans l’ordre du salut, n’ayant été lésée d’aucune sorte d’ailleurs par le péché d’Adam qui n’avait affecté que lui-même. On comprend la répulsion toute spéciale d’Augustin, si redevable à la miséricorde céleste, pour un système dont les auteurs « semblaient dire à Dieu : Tu nous as faits hommes, mais c’est nous qui nous faisons justes ».

Dans cette campagne nouvelle, les injures ne furent pas épargnées au converti de jadis ; mais elles étaient la joie et l’espérance de celui qui, rencontrant ce même genre d’arguments dans la bouche d’autres adversaires, avait dit déjà : « Catholiques, mes frères très aimés, unique troupeau de l’unique Pasteur, je n’ai cure des insultes de l’ennemi au chien de garde du bercail ; ce n’est pas pour ma défense, c’est pour la vôtre que je dois aboyer. Faut-il lui dire pourtant, à cet ennemi, qu’en ce qui touche mes égarements, mes erreurs d’autrefois, je les condamne avec tout le monde, et n’y vois que la gloire de Celui qui par sa grâce m’a délivré de moi-même. Lorsque j’entends rappeler cette vie qui fut la mienne, à quelque intention qu’on le fasse, je ne suis pas si ingrat que de m’en affliger ; car autant l’on fait ressortir ma misère, autant moi je loue mon médecin ».

La renommée de celui qui faisait si bon marché de lui-même remplissait néanmoins la terre, en compagnie de la grâce par lui victorieuse. « Honneur à vous, écrit de Bethléem Jérôme chargé d’années ; honneur à l’homme que n’ont point abattu les vents déchaînés !... Ayez bon courage toujours. L’univers entier célèbre vos louanges ; les catholiques vous vénèrent et vous admirent comme le restaurateur de l’ancienne foi. Signe d’une gloire encore plus grande : tous les hérétiques vous détestent. Moi aussi, ils m’honorent de leur haine ; ne pouvant nous frapper du glaive, ils nous tuent en désir ».

On reconnaît dans ces lignes l’intrépide lutteur que nous retrouverons en septembre, et qui laissait bientôt après sa dépouille mortelle à la grotte sacrée près de laquelle il avait abrité sa vie. Augustin devait poursuivre le bon combat quelques années, compléter l’exposé de la doctrine catholique à l’encontre même de saints personnages, auxquels il eût semblé que du moins le commencement du salut, le désir de la foi, ne requérait pas un secours spécial du Dieu rédempteur et sauveur. C’était le semi-pélagianisme. Cent ans plus tard, le second concile d’Orange, approuvé par Rome, acclamé par l’Église, terminait la lutte en s’inspirant dans ses définitions des écrits de l’évêque d’Hippone. Lui cependant concluait ainsi le dernier ouvrage achevé par ses mains : « Que ceux qui lisent ces choses rendent grâces à Dieu, s’ils les comprennent ; sinon, qu’ils s’adressent dans la prière au docteur de nos âmes, à Celui dont le rayonnement produit la science et l’intelligence. Me croient-ils dans l’erreur ? qu’ils y réfléchissent encore et encore, de peur que peut-être ce ne soient eux qui se trompent. Pour moi, quand il advient que les lecteurs de mes travaux m’instruisent et me corrigent, j’y vois la honte de Dieu ; et c’est ce que je demande comme faveur, aux doctes surtout qui sont dans l’Église, s’il arrive que ce livre parvienne en leurs mains et qu’ils daignent prendre connaissance de ce que j’écris ».

Revenons au milieu de ce peuple d’Hippone, si privilégié, conquis par le dévouement d’Augustin plus encore que par ses admirables discours. Sa porte, ouverte à tout venant, accueillait toute demande, toute douleur, tout litige de ses fils. Parfois, devant l’insistance des autres églises, des conciles même, réclamant d’Augustin la poursuite plus active de travaux d’intérêt général, un accord intervenait entre le troupeau et le pasteur, et l’on déterminait que, tels et tels jours de la semaine, le repos laborieux de celui-ci serait respecté par tous ; mais la convention durait peu ; quiconque le voulait triomphait de cet homme si aimant et si humble, près de qui, mieux que tous, les petits savaient bien qu’ils ne seraient jamais éconduits : témoin l’heureuse enfant qui, désireuse d’entrer en relation épistolaire avec l’évêque, mais craignant de prendre l’initiative, reçut de lui la missive touchante qu’on peut lire en ses Œuvres. Resterait à montrer dans notre Saint l’initiateur de la vie monastique en Afrique romaine, par les monastères qu’il fonda et habita lui-même avant d’être évêque ; le législateur dont une simple lettre aux vierges d’Hippone devenait la Règle où tant de serviteurs et de servantes de Dieu puiseraient jusqu’aux derniers temps la forme de leur vie religieuse ; enfin, avec les clercs de son église vivant ainsi que lui de la vie commune dans la désappropriation absolue, l’exemplaire et la souche de la grande famille des Chanoines réguliers. Mais il nous faut abréger ces pages déjà longues, que complétera le récit de la sainte Liturgie.

Indépendamment de la fête présente, l’Église fait au cinq mai mémoire spéciale de la Conversion d’Augustin dans son Martyrologe.

Quelle mort fut la vôtre, Augustin, sur l’humble couche où n’arrivaient à vous que nouvelles de désastres et de ruines ! Livrée aux Barbares en punition de ces crimes innommés du vieux monde dont la nourricière de Rome avait eu sa si large part, l’Afrique, votre patrie, ne devait pas vous survivre. Avec Genséric, Arius triomphait sur cette terre qui pourtant, grâce à vous, parla vigueur de foi qu’elle avait retrouvée, allait encore, un siècle durant, donner d’admirables martyrs au Verbe consubstantiel. Rendue au monde romain par Bélisaire, Dieu sembla vouloir à cause d’eux lui ménager l’occasion de retrouver ses beaux jours ; mais l’impéritie byzantine, absorbée dans ses querelles théologiques et ses intrigues de palais, ne sut ni la relever, ni la garder contre une invasion plus funeste que n’avait été la première. Les flots débordants de l’infidélité musulmane eurent bientôt fait de tout stériliser, dessécher et flétrir.

Enfin, après douze siècles, la Croix reparaît dans ces lieux où de tant d’Églises florissantes le nom même a péri. Puisse la liberté qui lui est rendue devenir bientôt le triomphe ! Puisse la nation dont relève aujourd’hui votre sol natal se montrer fière de cet honneur nouveau, comprendre les obligations qui en résultent pour elle en face d’elle-même et du monde !

Durant cette longue nuit pesant sur la terre d’où vous étiez monté aux cieux, votre action cependant ne s’était pas ralentie. Par l’univers entier, vos ouvrages immortels éclairaient les intelligences, excitaient l’amour. Dans les basiliques desservies par vos imitateurs et fils, la splendeur du culte divin, la pompe des cérémonies, la perfection des mélodies saintes, maintenaient au cœur des peuples l’enthousiasme surnaturel qui s’était emparé du vôtre à l’instant heureux où, pour la première fois dans notre Occident, résonna sous la direction d’Ambroise le chant alternatif des Psaumes et des Hymnes sacrées. Dans tous les âges, aux eaux, sorties de vos fontaines, la vie parfaite se complut à renouveler sa jeunesse sous les mille formes que le double aspect delà charité, qui regarde Dieu et le prochain, lui demande de revêtir.

Illuminez toujours l’Église de vos incomparables rayons. Bénissez les multiples familles religieuses qui se réclament de votre illustre patronage. Aidez-nous tous, en obtenant pour nous l’esprit d’amour et de pénitence, de confiance et d’humilité qui sied si bien à l’âme rachetée ; enseignez-nous l’infirmité de la nature et son indignité depuis la chute, mais aussi la bonté sans limites de notre Dieu, la surabondance de sa rédemption, la toute-puissance de sa grâce. Que tous avec vous nous sachions non seulement reconnaître la vérité, mais loyalement et pratiquement dire à Dieu : « Vous nous avez faits pour vous, et notre cœur est inquiet jusqu’à ce qu’il se repose en vous ».

 

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XIIIème Dimanche après la Pentecôte

27 Août 2023 , Rédigé par Ludovicus

XIIIème Dimanche après la Pentecôte

Introït

Ayez égard à votre alliance, Seigneur, n’abandonnez pas à la fin les âmes de vos pauvres. Levez- vous, Seigneur et jugez votre cause, et n’oubliez pas les appels de ceux qui vous cherchent. Pourquoi, ô Dieu, nous avez-vous rejetés finalement ? Pourquoi votre colère s’est-elle allumée contre les brebis de vos pâturages ?

Collecte

Dieu tout-puissant et éternel, augmentez en nous la foi, l’espérance et la charité ; et pour que nous méritions d’obtenir ce que vous promettez, faites-nous aimer ce que vous commandez.

Épitre Ga. 3, 16-22

Mes frères, les promesses ont été faites à Abraham, et à sa postérité. Il ne dit pas : Et à ses postérités, comme s’il s’agissait de plusieurs ; mais il dit : comme parlant d’un seul : Et à ta postérité, qui est le Christ. Voici ce que je veux dire : Dieu ayant conclu une alliance en bonne forme, la loi, qui a été donnée quatre cent trente ans après, n’a pu la rendre nulle, ni abroger la promesse. Car si c’est par la loi qu’est donné l’héritage, ce n’est donc plus par la promesse. Or, Dieu l’a donné à Abraham par une promesse. Pourquoi donc la loi ? Elle a été établie à cause des transgressions, jusqu’à ce que vînt la postérité à qui la promesse avait été faite ; cette loi a été promulguée par les anges et par l’entremise d’un médiateur. Or un médiateur n’est pas le médiateur d’un seul ; et Dieu est un seul. La loi est-elle donc opposée aux promesses de Dieu ? Loin de là ! Car s’il avait été donné une loi qui pût produire la vie, la justice viendrait véritablement de la loi. Mais l’Écriture a tout renfermé sous le péché, afin que la promesse fût réalisée, pour les croyants par la foi en Jésus-Christ.

Évangile Lc. 17, 11-19

En ce temps-là, en se rendant à Jérusalem, Jésus côtoyait la frontière de la Samarie et de la Galilée. Et comme il entrait dans un village, dix lépreux vinrent au-devant de lui ; et, se tenant éloignés, ils élevèrent la voix, en disant : Jésus, maître, ayez pitié de nous. Lorsqu’il les eut vus, il dit : Allez, montrez-vous aux prêtres. Et comme ils y allaient, ils furent guéris. Or l’un d’eux, voyant qu’il était guéri revint, glorifiant Dieu à haute voix. Et il se jeta le visage contre terre aux pieds de Jésus, lui rendant grâces ; et celui-là était Samaritain. Alors Jésus, prenant la parole, dit : Est-ce que les dix n’ont pas été guéris ? Où sont donc les neuf autres ? Il ne s’en est pas trouvé qui soit revenu, et qui ait rendu gloire à Dieu, sinon cet étranger. Et il lui dit : Lève-toi, va ; ta foi t’a sauvé.

Secrète

Seigneur, soyez propice à votre peuple et regardez favorablement les dons qu’il vous offre, de sorte qu’apaisé par cette oblation, vous nous accordiez le pardon et nous concédiez ce que nous demandons.

Postcommunion

Ayant reçu ces célestes sacrements, nous vous supplions, Seigneur, de nous faire progresser pour que le fruit de l’éternelle rédemption augmente en nous.

Office

Au troisième nocturne.

Homélie de saint Augustin, évêque.

Septième leçon. Le Seigneur a purifié dix lépreux et leur a dit : "Allez vous montrer aux prêtres." A ce sujet, on peut se demander pourquoi il les envoya aux prêtres, de telle sorte qu’en cours de route, ils soient purifiés. Hormis les lépreux, nul de ceux qu’il a gratifiés de bienfaits corporels ne se trouve jamais envoyé aux prêtres. C’était aussi de la lèpre qu’il avait purifié celui auquel il a dit : "Va, montre-toi aux prêtres et offre pour toi le sacrifice prescrit par Moïse pour leur servir d’attestation." Il faut donc rechercher la signification de cette lèpre. Ceux qui en sont délivrés ne sont pas dits guéris mais purifiés. La lèpre est à proprement parler une corruption de la couleur plutôt que de la santé ou de l’intégrité des sens et des membres.

Huitième leçon. On peut donc, sans absurdité, penser que les lépreux représentent ceux qui, sans avoir la science de la vraie foi, professent en conséquence les doctrines variées de l’erreur. Loin de cacher leur ignorance, ils la produisent au grand jour comme la science suprême et dans des discours pleins de jactance, ils en font étalage. Or, il n’est si fausse doctrine qui ne soit mêlée de quelque vérité. Dans une seule et même discussion ou récit d’un homme, les vérités s’entremêlent sans ordre aux erreurs comme si elles apparaissaient dans la coloration d’un seul corps. Ainsi en va-t-il de la lèpre, elle altère et flétrit les corps humains, mêlant aux teintes vraies des fausses couleurs.

Neuvième leçon. Que l’Église se garde donc de tels hommes ! Ainsi, s’il se peut, se voyant maintenus à distance ils interpelleront le Christ en une grande clameur, comme ces dix qui s’arrêtèrent à distance puis, élevant la voix, dirent : " Jésus, maître, aie pitié de nous. " Ils l’appellent : " Maître. " Et de ce nom, personne, que je sache, n’a jamais interpellé le Seigneur pour lui demander un remède corporel. C’est assez montrer, je crois, que la fausse doctrine est signifiée par la lèpre dont le bon maître lave la souillure.

 

A LA MESSE.

L’Église, en possession des promesses si longtemps attendues par le monde, aime à revenir sur l’expression des sentiments qui remplissaient l’âme des justes durant ces siècles désolés où le genre humain végétait sous les ombres de la mort. Elle redoute le danger où se trouvent ses trop heureux fils d’oublier, dans leur abondance, les conditions désastreuses que l’éternelle Sagesse leur a épargnées, en les appelants à vivre dans les temps qui ont suivi l’accomplissement des mystères du salut. D’un tel oubli naîtrait sans peine l’ingratitude, condamnée à bon droit par l’Évangile du jour. C’est pourquoi l’Épître, et, avant elle, l’Introït, nous reportent au temps où l’homme vivait de la seule espérance, ayant bien la promesse d’une alliance sublime qui devait se consommer dans les siècles futurs, mais, cependant, dénué de tout, en butte aux perfidies de Satan, abandonné aux représailles de la justice divine en attendant de retrouver l’amour.

Nous avons vu, il y a huit jours, le rôle de la foi et l’importance de la charité dans le chrétien vivant sous la loi de grâce. L’espérance aussi lui est nécessaire ; car bien que déjà en possession substantielle des trésors qui feront à jamais son bonheur, l’obscurité de cette terre d’exil les dérobe à sa vue, et, la vie présente restant toujours le temps d’épreuve où chacun doit mériter sa couronne, la lutte fait peser jusqu’au bout sur les meilleurs son incertitude et ses amertumes. Implorons donc avec l’Église, dans la Collecte, l’accroissement en nous des trois vertus fondamentales de foi, d’espérance et de charité ; pour mériter d’arriver à la consommation de tout bien qui nous est promise au ciel, obtenons la grâce de nous attacher de cœur à ces commandements de Dieu qui nous y conduisent, et que l’Évangile de Dimanche dernier résumait dans l’amour.

ÉPÎTRE.

« Regarde le ciel et comptes-en, si tu peux, les étoiles : aussi nombreuse sera ta descendance. » Abraham avait près de cent ans, et la stérilité de Sara lui enlevait tout espoir naturel de postérité, quand le Seigneur lui parla de la sorte. Abraham cependant crut à Dieu, nous dit l’Écriture, et sa foi lui fut imputée à justice. Et quand, plus tard, la même foi lui eut fait offrir sur la montagne le fils de la promesse, son unique espérance, Dieu renouvela sa prophétie, et il ajouta : En ton germe seront bénies toutes les nations de la terre.

Or voici qu’à cette heure la promesse s’accomplit ; l’événement donne raison à la foi d’Abraham. Il crut contre toute espérance, se confiant au Dieu qui donne la vie aux morts et appelle ce qui est comme ce qui n’est pas; et voici que, selon la parole de Jean-Baptiste, des pierres mêmes de la gentilité surgissent en tous lieux des fils d’Abraham.

Sa foi, en même temps si ferme et si simple, rendit à Dieu la gloire qu’il attend de la créature. L’homme ne peut rien ajouter aux perfections divines ; mais, sur la parole du Seigneur lui-même, quoique ne les voyant point directement ici-bas, il reconnaît ces perfections dans l’adoration et l’amour, il inspire de la foi sa vie entière ; et cet usage qu’il fait librement de ses facultés, cette adhésion spontanée d’un être intelligent, magnifie Dieu par l’extension de sa gloire extérieure.

Sur les traces d’Abraham sont donc venues des multitudes nées pour le ciel de la foi dont il donna le spectacle au monde, vivant d’elle seule, rendant au Seigneur, dans tous leurs actes, l’hommage de la confession et de la louange par Jésus-Christ son Fils, et comme Abraham, recevant en retour la bénédiction d’une justice toujours croissante. Le splendide épanouissement de la sainte Église, qui suscite au père des croyants cette nouvelle descendance, s’est encore accentué depuis la chute d’Israël. Dans les contrées les plus reculées, au sein des villes jadis païennes, voyons ces foules nombreuses d’hommes, de femmes et d’enfants quittant comme AbrahamGn. XII, 1.[]], à la voix du ciel, sinon leur pays, du moins tout ce qui les rattachait à la terre ; confiants comme lui dans la fidélité de Dieu et sa puissance, ils se sont faits étrangers au milieu de leurs proches et dans leurs maisons mêmes, usant de ce monde comme n’en usant pas. Dans le tumulte des cités comme au désert, au milieu des vains plaisirs de ce monde dont la figure passe, ils n’ont d’autre pensée que celle des réalités invisibles, d’autre souci que de plaire au Seigneur. Ils prennent pour eux la parole qui fut dite à leur père : Marche en ma présence, et sois parfait. C’était bien, en effet, à eux tous qu’elle s’adressait dès lors ; c’était la clause de l’alliance conclue par Dieu pour la suite des âges avec ces hommes fidèles, dans la personne du patriarche leur modèle et leur souche ; et Dieu répond de même à leur foi en d’intimes manifestations, ou par la voix plus sûre encore des Écritures, disant : Ne crains pas, je suis moi-même ta récompense immense !

Véritablement donc la bénédiction d’Abraham s’est répandue sur les nations. Jésus-Christ, vrai fils de la promesse, germe unique du salut, a par la foi dans sa résurrection rassemblé de toute race les hommes de bonne volonté, les faisant un en lui, les rendant comme lui fils d’Abraham et, qui mieux est, fils de Dieu. Car la bénédiction promise au début de l’alliance, c’était l’Esprit-Saint lui-même, l’Esprit d’adoption des enfants descendu dans nos cœurs pour faire de tous les héritiers de Dieu et les cohéritiers du Christ. Puissance merveilleuse de la foi qui brise les anciennes barrières de séparation, unit les peuples, et substitue l’amour et la liberté sainte des fils du Très-Haut à la loi d’esclavage et de défiance !

Pourtant ce spectacle grandiose des nations incorporées à la race élue, et devenant participantes en Jésus-Christ des promesses sacrées, n’agrée pas à tous. Le Juif charnel qui se vante d’avoir Abraham pour père sans se soucier d’imiter ses œuvres le circoncis qui se glorifie de porter en sa chair les marques d’une foi qui n’est pas dans son cœur, ces hommes qui ont renié le Christ renient maintenant ses membres et voudraient repousser ou tronquer son Église. C’est avec rage qu’ils voient de tous les points de l’horizon ce concours immense que leur jalousie mesquine n’a pu arrêter. Tandis que leur orgueil froissé se tenait à l’écart, les peuples s’asseyaient en foule avec Abraham, Isaac, Jacob et tous les prophètes, au banquet du royaume de Dieu ; les derniers devenaient les premiers. Jusqu’à la fin des temps, Israël, déchu par son obstination de son antique gloire, restera l’ennemi de cette postérité spirituelle d’Abraham qui l’a supplanté ; mais ses persécutions contre les fils de la promesse et l’Épouse légitime n’aboutiront qu’à faire voir en lui, comme dit saint Paul, le fils d’Agar, le fils de l’esclave exclue avec son fruit de l’héritage et du royaume.

Libre à lui de repousser l’affranchissement que lui offrait le Seigneur, plutôt que de reconnaître l’abrogation définitive de sa loi périmée. Sa haine n’amènera point les fils de l’Église, figurée par Sara la femme libre, à rejeter la grâce de leur Dieu pour lui complaire, à délaisser la justice de la foi, les richesses de l’Esprit, la vie dans le Christ, pour retourner au joug de servitude brisé à jamais, quoi qu’en ait le Juif, par la croix qu’il dressa au Calvaire. Jusqu’à la fin la vraie Jérusalem, la cité libre notre mère, l’Épouse jadis stérile, maintenant si féconde, opposera aux prétentions surannées et cependant toujours vivaces de la synagogue, la lecture publique de l’Épître qu’on vient d’entendre. Jusqu’à la fin, Paul, en son nom, traitant de la loi du Sinaï signifiée aux hommes qu’elle concernait par l’intermédiaire de Moïse et des anges, fera ressortir son infériorité relativement à l’alliance conclue par Abraham directement avec Dieu ; chaque année, aussi fortement qu’au premier jour, il redira le caractère transitoire de cette législation venue quatre cent trente ans après une promesse qui ne pouvait changer, pour durer seulement jusqu’au jour où paraîtrait ce fils d’Abraham de qui le monde attendait la bénédiction promise.

Mais que dire de l’impuissance du ministère mosaïque à fortifier l’homme, à le relever de sa chute ? L’Évangile que nous méditions il y a huit jours donnait de l’inutilité de l’ancienne loi sous ce rapport un symbolique et frappant commentaire, en même temps qu’il affirmait la puissance de guérison résidant dans le Christ et transmise par lui aux ministres de la loi nouvelle. Or, n’oublions pas que cet Évangile était autrefois l’Évangile du jour même où nous sommes. « Tout dans l’Office du treizième Dimanche, dit justement l’Abbé Rupert, se rapporte à l’histoire de ce Samaritain dont le nom signifie le gardien divin, notre Seigneur Jésus-Christ, venant par son incarnation au secours de l’homme que l’ancienne loi n’a pu sauver, et le remettant, quand il quitte la terre, aux soins des Apôtres et des hommes apostoliques dans l’hôtellerie de l’Église. La proximité voulue de cet Évangile jette une grande lumière sur notre Épître, ainsi que sur toute la Lettre aux Galates d’où elle est tirée. Le prêtre et le lévite de la parabole, en effet, c’est toute la loi représentée ; et leur passage auprès de l’homme à demi-mort qu’ils voient, sans chercher à le guérir, marque ce qu’a fait la loi. Elle n’allait point à l’encontre des promesses de Dieu, mais par elle-même ne pouvait justifier personne. Quelquefois le médecin qui ne doit pas venir encore envoie au malade un serviteur expert dans la connaissance des causes de maladie, mais inhabile à composer le remède contraire, et pouvant seulement indiquer à l’infirme les aliments, les breuvages dont il doit s’abstenir de crainte que son mal, en s’aggravant, n’amène la mort. Telle fut la loi, établie, nous dit l’Épître, à cause des transgressions, comme simple surveillante, jusqu’à l’arrivée du bon Samaritain, du médecin céleste. L’homme, en effet, tombé dès son entrée dans la vie entre les mains des voleurs, naît dépouillé de ses biens surnaturels et couvert des plaies que lui a faites le péché d’origine ; s’il ne s’abstient des péchés actuels, de ces transgressions pour l’indication desquelles la loi a été établie, il court risque de mourir tout à fait sans retour. »

 

ÉVANGILE.

Le lépreux Samaritain, guéri de sa hideuse maladie, figure du péché, en compagnie de neuf lépreux de nationalité juive, représente la race décriée des gentils admise d’abord comme à la dérobée, et par surcroît, en communication des grâces destinées aux brebis perdues de la maison d’Israël La conduite différente que tiennent ces dix hommes, à l’occasion du miracle qui les concerne, répond elle-même à l’attitude des deux peuples dont ils sont l’image, en présence du salut apporté au monde par le Fils de Dieu. Elle démontre une fois de plus le principe posé par l’Apôtre : « Tous ceux-là ne sont pas Israélites qui sont nés d’Israël, tous ceux-là ne sont pas fils d’Abraham qui sont sortis de lui ; mais en Isaac, dit l’Écriture, est établie la race qui portera son nom : c’est-à-dire, ce ne sont pas les enfants nés de la chair qui sont les fils de Dieu, mais bien les fils de la promesse, nés de la foi d’Abraham et formant sa vraie race devant le Seigneur. »

La sainte Église ne se lasse point de revenir sur cette comparaison des deux Testaments et le contraste offert par les deux peuples. C’est pourquoi, avant d’aller plus loin, nous sentons la nécessité de répondre à l’étonnement qu’une telle insistance ne peut manquer d’exciter en certaines âmes déshabituées de la sainte Liturgie. Le genre de spiritualité qui remplace aujourd’hui chez plusieurs l’ancienne vie liturgique de nos pères, ne les dispose en effet que médiocrement à entrer dans cet ordre d’idées. Accoutumés à ne vivre qu’en face d’eux-mêmes et de la vérité telle qu’ils la conçoivent, mettant la perfection dans l’oubli de tout le reste, il n’est pas surprenant que ces chrétiens ne comprennent aucunement ce retour continuel vers un passé fini, croient-ils, depuis des siècles. Mais la vie intérieure, vraiment digne de ce nom, n’est point ce que ces chrétiens s’imaginent ; aucune école de spiritualité, ni maintenant, ni jamais, ne plaça l’idéal de la vertu dans l’oubli des grands faits de l’histoire qui intéressent à ce point l’Église et Dieu même. Aussi qu’advient-il, trop souvent, de ce délaissement de la Mère commune par ses fils ? C’est que, dans l’isolement voulu de leurs prières privées, ils perdent de vue, par une juste punition, le but suprême de l’oraison qui est l’union et l’amour. La méditation dépouille en eux ce caractère de conversation intime avec Dieu, que lui assignent tous les maîtres de la vie spirituelle ; elle n’est bientôt plus qu’un exercice stérile d’analyse et de raisonnement, où l’abstraction domine en souveraine.

Quand Dieu, cependant, voulut manifester son Verbe, en appelant l’homme aux noces divines, il ne recourut point à l’abstraction pour traduire à la terre ce fils de sa substance éternelle que l’homme ne pouvait voir encore directement dans sa divinité. Pareille traduction de l’éternelle Sagesse, où résident dans l’amour toute beauté, toute chaleur et toute vie, eût été plus qu’imparfaite et que froide. Aussi Dieu, selon l’expression de saint Paul, jeta dans la chair ce grand mystère de la piété; le Verbe fut fait âme vivante ; l’éternelle Vérité prit un corps pour converser avec les hommes et grandit comme l’un d’eux. Et quand ce corps que la Vérité doit garder à jamais fut enlevé dans la gloire, l’Église, Épouse de l’Homme-Dieu, os de ses os, chair de sa chair, continua dans le monde cette manifestation de Dieu par les membres du Christ, ce développement historique du Verbe, qui ne s’arrêtera qu’au dernier jour, qui surpasse tout raisonnement, et révèle aux anges mêmes sous des aspects nouveaux la Sagesse de Dieu. Assurément un respect profond est dû aux axiomes où l’homme renferme dans un ordre logique, indépendant de l’histoire et des faits, les principes de la science ; mais pas plus en Dieu qu’en l’homme même, la vie ne répond à cette immobilité de raison qui ne ressemble en rien, qu’on se garde de le croire, à l’immutabilité toujours féconde, essentiellement active, de la Vérité substantielle. Or donc, dans l’Église comme en Dieu, la vérité est vie et lumière. S’il ne fallait y voir qu’une suite de formules, les accents de son Credo n’éclateraient pas aussi triomphants sous les voûtes de ses temples. S’il force victorieusement les portes du ciel, c’est que tous ses articles ont jusqu’à nous leur sublime histoire : c’est que chaque mot qui le compose se présente au Dieu très haut ruisselant du sang des martyrs ; que de siècle en siècle il rayonne toujours plus de l’éclat des travaux et des luttes glorieuses de tant de saints confesseurs, qui sont l’élite de l’humanité baptisée chargée de compléter le Christ ici-bas.

Il nous faut abréger ces considérations. Disons donc de suite qu’après ce grand fait de l’incarnation du Verbe venu en terre pour manifester Dieu dans la suite des âges par le Christ et ses membres, il n’en est point de plus important, il n’en est point qui ait tenu, qui tienne encore davantage au cœur de Dieu, que l’élection des deux peuples appelés par lui successivement au bénéfice de son alliance. Les dons et la vocation de Dieu sont sans repentir, nous dit l’Apôtre ; ces Juifs, ennemis aujourd’hui parce qu’ils repoussent l’Évangile, n’en sont pas moins toujours aimés et très aimés, carissimi, à cause de leurs pères. C’est pourquoi aussi un temps viendra, attendu par le monde, où le reniement de Juda étant rétracté, ses iniquités effacées, les promesses reçues par Abraham, Isaac et Jacob auront leur accomplissement littéral. Alors apparaîtra la divine unité des deux Testaments ; les deux peuples eux-mêmes n’en feront plus qu’un sous le Christ leur chef. L’alliance de Dieu avec l’homme étant dès lors pleinement consommée telle qu’il l’avait voulue dans ses desseins éternels, la terre ayant donné son fruit, le monde ayant atteint son but, les tombes rendront leurs morts et l’histoire cessera ici-bas, pour laisser l’humanité glorifiée s’épanouir dans la plénitude de la vie sous le regard éternel.

Rien donc n’est moins suranné que l’ordre d’idées auquel nous ramène de nouveau l’Évangile du jour ; rien n’est plus grand ; et ajoutons, quoi qu’il en puisse sembler à première vue : rien n’est plus pratique, dans cette partie de l’année consacrée aux mystères de la Vie unitive. Qu’est-ce, en effet, que l’union entre Dieu et l’homme, sinon tout d’abord la communauté des sentiments et des vues ? Or, nous venons de le montrer, les vues divines se trouvent résumées tout entières dans l’histoire comparée des deux Testaments et des deux peuples ; le résultat final qui clora l’histoire de ces rapports est l’unique but que poursuivait et que poursuive l’amour infini, au commencement, maintenant et toujours. L’Église donc, loin de se montrer d’un autre âge en revenant continuellement à ces pensées, ne fait que manifester ainsi l’éternelle jeunesse de son cœur d’Épouse à l’unisson toujours de celui de l’Époux.

Reprenons brièvement l’explication littérale de notre Évangile, interrompue par cette longue digression. Ici encore donc le Seigneur veut plutôt nous instruire symboliquement, que montrer sa puissance. C’est pourquoi il ne rend pas d’un mot la santé aux malheureux qui l’invoquent, comme il le fit dans une autre circonstance pour un cas semblable »Je le veux, sois guéri, » dit-il un jour à un de ces infortunés qui implorait son secours dans les débuts de sa vie publique, et la lèpre avait disparu aussitôt. Les lépreux de notre Évangile, qui se rapporte aux derniers temps du Sauveur, sont délivrés seulement en allant se montrer aux prêtres ; Jésus les y renvoie, comme il l’avait fait pour le premier, donnant à tous, depuis le commencement jusqu’au dernier jour de sa vie mortelle, l’exemple du respect dû jusqu’au bout à l’ancienne loi non encore abrogée. Cette loi en effet donnait au fils d’Aaron le pouvoir, non de guérir, mais de discerner la lèpre et de prononcer sur sa guérison.

Le temps est venu cependant d’une loi plus auguste que celle du Sinaï, d’un sacerdoce dont les jugements n’auront plus pour objet de constater l’état des corps, mais d’enlever effectivement, par le prononcé même de leur sentence d’absolution, la lèpre des âmes. La guérison rencontrée par les dix lépreux avant d’être arrivés aux prêtres qu’ils cherchent, devrait suffire à leur montrer dans l’Homme-Dieu la puissance du sacerdoce nouveau qu’annonçaient les prophètes ; le pouvoir qui surpasse pour eux, en la prévenant ainsi, l’autorité du ministère antique, révèle de soi dans celui qui l’exerce une dignité plus grande. Si, du moins, ils apportaient les dispositions convenables aux rites sacrés qui vont s’accomplir dans la cérémonie de leur purification, l’Esprit-Saint, qui régla autrefois, en vue du moment où ils sont, les prophétiques détails de cette fonction mystérieuse, les aiderait à comprendre la signification du passereau expiatoire dont le sang, versé sur les eaux vives, délivre par le bois l’autre passereau son semblable. Le premier, en effet, c’est le Christ, qui se compare dans le psaume au passereau solitaire ; son immolation sur la croix, qui donne à l’eau la vertu de laver les âmes, communique aux autres passereaux ses frères la pureté du sang divin.

Mais le Juif est loin d’être préparé à l’intelligence de ces grands mystères. La loi pourtant lui fut donnée pour le conduire au Christ comme par la main et sans crainte d’erreur : faveur précieuse qu’il ne méritait point, qu’il devait à ses pères, et d’autant plus inestimable qu’au moment où elle lui fut accordée, la notion du sauveur à venir allait se corrompant toujours plus dans l’esprit des peuples. La reconnaissance eût dû s’imposer à Juda ; l’orgueil prit sa place. L’attache au privilège surmonte en lui le désir du Messie. Il refuse de se faire à la pensée qu’un temps viendra où, le Soleil de justice s’étant levé pour la terre entière, l’avantage fait à quelques-uns durant les heures de nuit s’effacera dans les flots surabondants d’une lumière égale pour tous. Il proclame donc sa loi définitive en dépit d’elle-même, affirmant ainsi l’éternité du règne des figures et des ombres. Il pose en dogme qu’aucune intervention divine n’égalera celle du Sinaï dans l’avenir, que tout prophète futur, tout envoyé de Dieu, ne pourra qu’être inférieur à Moïse, que tout salut possible est dans sa loi et que d’elle seule découle toute grâce.

C’est la raison pour laquelle de ces dix hommes guéris par Jésus de la lèpre, il s’en trouve neuf qui ne songent même pas à venir remercier leur libérateur : ceux-là sont juifs, et Jésus n’est pour eux qu’un disciple de Moïse, un instrument des grâces provenant du Sinaï ; la formalité légale de leur purification accomplie, ils se croient quittes envers le ciel. Seul le Samaritain abandonné, le gentil, disposé par sa longue misère à l’humilité qui rend au pécheur la simplicité du regard de l’âme, reconnaît Dieu à ses œuvres et lui rend grâces pour ses bienfaits. Que de siècles d’abandon apparent, d’humiliation et de souffrance, devront passer sur Juda à son tour, pour qu’enfin, reconnaissant lui-même son Dieu et son Roi dans l’adoration, le repentir et l’amour, il entende comme cet étranger tomber de la bouche du Christ les paroles de pardon : Lève-toi et va, ta foi t’a sauvé !

 

 

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Saint Louis roi confesseur

25 Août 2023 , Rédigé par Ludovicus

Saint Louis roi confesseur

Collecte

Dieu, d’une royauté terrestre, vous avez élevé saint Louis, votre Confesseur, à la gloire du céleste royaume : daignez, nous vous en prions, nous accorder, en considération de ses mérites et de son intercession, la grâce d’être associés à la gloire du Roi des rois, Jésus-Christ votre Fils, qui, étant Dieu, vit et règne

Office

Au deuxième nocturne.

Quatrième leçon. Louis IX, devenu roi de France à l’âge de douze ans, par la mort de son père, fut très pieusement élevé par la reine Blanche, sa mère. Il régnait depuis vingt ans déjà, lorsque, tombé malade, la pensée lui vint de reconquérir Jérusalem. Aussitôt revenu à la santé, il reçut l’étendard des mains de l’Évêque de Paris. Puis, ayant traversé la mer avec une armée nombreuse, il mit en déroute les Sarrasins dans un premier combat. Mais beaucoup de ses soldats moururent de la peste, et lui-même fut vaincu et fait prisonnier.

Cinquième leçon. Après un traité avec les Sarrasins, le roi et son armée furent laissés libres. Il demeura pendant cinq ans en Orient, racheta de l’esclavage un grand nombre de Chrétiens, convertit beaucoup d’infidèles à la foi du Christ, et rebâtit à ses frais plusieurs villes appartenant aux Chrétiens. Sa mère étant morte sur ces entrefaites, il dut revenir en France où il s’adonna tout entier aux œuvres de piété.

Sixième leçon. Le saint roi construisit nombre de monastères et d’hospices pour les pauvres ; il secourait de ses largesses les indigents, visitait fréquemment les malades et, non content de les faire soigner à ses frais, leur donnait de ses propres mains ce dont ils avaient besoin. Simple dans ses habits, il n’épargnait pas à son corps les mortifications du cilice et du jeûne. Louis IX traversa de nouveau la mer pour combattre les Sarrasins, mais au moment où il venait d’établir son camp en face de l’ennemi, il mourut de la peste en prononçant ces paroles : « J’entrerai dans votre maison, Seigneur, je vous adorerai dans votre saint temple et je glorifierai votre nom. » Son corps fut transporté à Paris ; il est conservé dans la célèbre église de Saint-Denis, où on le vénère. Quant à son chef, on le porta à la sainte Chapelle. Glorifié par d’éclatants miracles, il a été mis au nombre des Saints par le Pape Boniface VIII.

Au troisième nocturne.

Homélie de saint Ambroise, Évêque. Liber 8 in Lucam.

Septième leçon. Il était bon et dans l’ordre que, devant appeler les Gentils et décréter la perte des Juifs qui n’avaient point voulu que le Christ régnât sur eux, le Sauveur employât d’abord cette comparaison pour éviter que l’on ne vînt à dire : Il n’avait rien donné au peuple des Juifs qui pût le rendre meilleur : comment exiger quelque chose de qui n’a rien reçu ? Ce n’est vraiment pas d’une monnaie de médiocre valeur qu’il s’agit car cette femme dont l’Évangile parle plus haut, ne trouvant pas une drachme, allume sa lampe, la cherche en promenant sa lumière, et est félicitée quand elle est retrouvée.

Huitième leçon. D’une mine unique, l’un des serviteurs a gagné dix mines et l’autre cinq. Peut-être ce dernier observe-t-il les préceptes de la morale, puisque les sens corporels sont au nombre de cinq ; l’autre a le double, c’est-à-dire qu’il approfondit les mystères de la loi et pratique la justice en ses mœurs. Aussi saint Matthieu a-t-il parlé de cinq talents et de deux talents : en sorte que l’accomplissement des préceptes moraux soit indiqué par les cinq talents et qu’en les deux autres talents nous voyions figurées, la connaissance des mystères de la foi et l’observation de la morale ; ce qui est moindre en nombre, se trouvant donc plus abondant en réalité.

Neuvième leçon. Et ici, nous pouvons entendre, par les dix mines, les dix préceptes, c’est-à-dire la doctrine de la loi ; et par les cinq autres, les leçons de la morale dues au magistère. Mais je veux que celui qui enseigne, soit accompli en toutes choses : « car le royaume de Dieu ne consiste pas dans les paroles, mais dans la vertu. » Comme il parle de Juifs, c’est bien à propos qu’il dit que deux seulement ont apporté à leur maître de l’argent multiplié, non certes par l’usure, mais par les profits d’une bonne administration. Autre, en effet, est le produit usuraire de l’argent, autre le fruit retiré de la céleste doctrine.

C’est la foi du chrétien qui fit en Louis, neuvième du nom, la grandeur du prince. Ayez du Seigneur des sentiments dignes de lui, vous qui gouvernez la terre, et cherchez-le dans la simplicité de votre cœur. Lorsqu’elle donnait ce précepte aux rois, l’éternelle Sagesse se complaisait dans sa prescience infinie parmi les lis de France, où notre Saint devait briller d’un éclat si pur.

Une commune loi rattache à Dieu le sujet et le prince, parce que semblable est leur naissance, et une aussi leur destinée Celui qui crée les petits et les grands n’exempte point ces derniers des droits du domaine suprême ; leur puissance, qui les fait ses ministres, loin de modifier pour eux la notion du devoir de tous, ne fait qu’accroître du poids de la responsabilité de chacun Celui de leur responsabilité privée. Or, le devoir universel où toute obligation morale puise son principe, la loi première du monde, sa raison d’être, est de glorifier Dieu par le retour des créatures à leur auteur, en la manière, en la mesure qu’il a voulues. Dieu donc ayant voulu élever jusqu’à sa propre vie divine l’homme pour qui la terre n’est plus qu’un séjour de passage, la justice naturelle, Tordre du temps présent, ne suffisent pas au monde ; les rois doivent savoir que l’objet de leur civile souveraineté, n’étant pas la fin dernière de toutes choses, reste rangé comme eux-mêmes sous la direction et l’empire absolu de cette fin supérieure en face de laquelle ils ne sont que sujets. Chefs des nations, prêtez l’oreille ; comprenez quel jugement vous est réservé. Ainsi, sous l’ancienne alliance, la divine pitié remplissait de ses avertissements miséricordieux la nuit des siècles d’attente.

Mais, non contente de multiplier ses oracles aux rois, la Sagesse, exauçant la prière du plus sage des princes de ces temps, est un jour descendue de son trône du ciel. Racheté par elle, le monde, à dater de ce jour, lui appartint à double titre. Au titre de sa divine filiation, dès avant la naissance de l’aurore, elle exerçait la principauté dans les splendeurs des Saints; elle règne maintenant par droit de conquête sur la terre délivrée. Avant sa venue dans la chair, c’était d’elle déjà que les princes recevaient, avec leur puissance, l’équité qui devait en régler l’usage ; par le contrat des noces sacrées qui l’unirent à notre nature, Jésus, le fils de l’homme dont le sang paya la rançon du monde, est aujourd’hui l’unique source du pouvoir comme de toute vraie justice élevant les nation. Et maintenant derechef, comprenez, o rois, dit le Psalmiste ; ayez l’intelligence, vous qui jugez la terre.

« C’est le Christ qui parle, explique saint Augustin : maintenant que je suis roi de par Dieu mon Père, ne vous attristez pas, comme si vous étiez dépouillés en. cela d’un bien qui fût vôtre ; mais plutôt, reconnaissant qu’il vous est bon d’être soumis à celui qui vous donne sécurité dans la lumière, servez ce Seigneur de tous avec crainte, et tressaillez en lui ».

La sécurité provenant de la lumière, c’est l’Église qui continue de la donner aux rois, pour l’Homme-Dieu remonté dans les cieux : l’Église qui, sans empiéter sur le domaine des princes, leur demeure pourtant supérieure, comme mère des peuples et comme juge des consciences, comme guide unique de l’humanité voyageuse à sa destinée suprême. Écoutons, dans la précision et la plénitude qui caractérisent son infaillible enseignement, le Souverain Pontife Léon XIII :

« Comme il y a sur la terre deux grandes sociétés : l’une civile, dont la fin prochaine est de procurer au genre humain le bien temporel et terrestre ; l’autre religieuse, qui a pour objet de conduire les hommes à la félicité céleste pour laquelle ils sont faits : ainsi il y a deux puissances, entre lesquelles Dieu a divisé le gouvernement de ce monde. Chacune d’elles en son genre est souveraine ; chacune est renfermée dans des limites déterminées et tracées en conformité de sa nature et de son but spécial. Le fondateur de l’Église, Jésus-Christ, a voulu qu’elles fussent distinctes l’une de l’autre, et que toutes deux fussent libres d’entraves dans l’accomplissement de leur mission propre ; avec cette clause toutefois que dans les choses qui ressortissent simultanément à la juridiction et au jugement de l’une et de l’autre, bien qu’à un titre différent, la puissance chargée des intérêts du temps dépendrait, comme il convient, de celle qui doit veiller à ceux du ciel. Soumises au reste toutes deux à la loi éternelle et naturelle, elles doivent s’accorder réciproquement dans les choses qui tiennent à l’ordre et au gouvernement de chacune d’elles, réalisant un ensemble de rapports que l’on peut justement comparer à celui qui dans l’homme constitue l’union de l’âme et du corps ».

Dans la sphère des intérêts éternels, dont nul ne peut légitimement se désintéresser ici-bas, c’est donc leurs peuples, et non seulement leurs propres personnes individuellement prises, que les princes doivent maintenir en la dépendance de l’Église comme en celle de Dieu. Car « les hommes unis par les liens d’une société commune ne relevant pas moins de Dieu que pris isolément, les sociétés politiques aussi bien que les particuliers ne peuvent sans crime se conduire comme si Dieu n’existait pas, ou se passer de la religion comme étrangère, ou se dispenser de suivre en cette religion les règles suivant lesquelles Dieu lui-même a déclaré vouloir être honoré. En conséquence, les chefs d’État doivent comme tels tenir pour saint le Nom de Dieu, mettre au nombre de leurs principaux devoirs celui de couvrir la religion de l’autorité des lois, ne rien statuer ou ordonner qui soit contraire à son intégrité ».

Nous pouvons maintenant reprendre avec saint Augustin l’explication du texte du psaume, et dire avec lui : « Comment les rois servent-ils le Seigneur dans la crainte, si ce n’est en prohibant et punissant avec une religieuse sévérité les actes contraires aux commandements du Seigneur ? Au double titre, en effet, d’homme et de prince, le roi sert Dieu en une double manière : homme, il le sert par la fidélité de sa vie ; roi, par la confection ou le maintien des lois qui ordonnent le bien et proscrivent le mal. Comme fit Ézéchias, et aussi Josias, en détruisant les temples des fausses divinités et ces hauts lieux que l’on avait construits contre l’ordre divin ; comme fit le roi de Ninive, en contraignant sa ville d’apaiser le Seigneur ; comme fit Darius, livrant l’idole à Daniel pour être brisée, et jetant les ennemis de celui-ci aux lions ; comme fit Nabuchodonosor, interdisant le blasphème dans tout son royaume par une loi terrible. C’est en cela donc que les rois servent le Seigneur en tant qu’ils sont rois, à savoir quand ils font pour le servir ce que peuvent seuls faire les rois ».

Qu’on ne pense pas qu’en ces développements nous ayons perdu de vue la fête de ce jour. De Louis IX aussi l’on doit dire, résumant sa vie : Il fit alliance avec le Seigneur, gardant ses commandements, les faisant observer par tous. Dieu comme but, la foi pour guide : c’est tout le secret de sa politique comme de sa sainteté. Comme chrétien, serviteur du Christ ; comme prince, son lieutenant : entre les aspirations du chrétien et celles du prince, son âme ne fut pas divisée ; cette unité fut sa force, comme elle est aujourd’hui sa gloire. Le Christ, qui régna seul en lui et par lui ici-bas, le fait régner avec lui-même aux deux. Si vous vous complaisez dans les sceptres et les trônes, rois de la terre, aimez la Sagesse pour régner à jamais.

Sacré à Reims le premier dimanche de l’Avent 1226, Louis fit siennes pour la vie les paroles de l’Antienne d’Introït en ce jour : J’ai élevé mon âme vers vous, je me confie en vous, mon Dieu ! Il n’avait que douze ans ; mais le Seigneur avait muni son enfance du plus sûr rempart, en lui donnant pour mère la noble fille des Espagnes dont la venue dans notre France, dit Guillaume de Nangis, y amena tous les biens. La mort prématurée de Louis VIII, son époux, laissait Blanche de Castille aux prises avec la plus redoutable des conspirations. Amoindris sous les règnes précédents, les grands vassaux s’étaient promis de mettre à profit la minorité du nouveau prince, et de ressaisir les droits que la féodalité ancienne leur reconnaissait au détriment de l’unité du pouvoir. Pour écarter cette mère qui se dressait seule entre la faiblesse de l’héritier du trône et leurs ambitions, les barons, partout révoltés, donnèrent la main à l’hérésie albigeoise renaissant au midi ; ils ne rougirent point de faire alliance avec le fils de Jean Sans-Terre, Henri III, épiant d’au delà de la Manche l’occasion de réparer les pertes territoriales dont Philippe-Air liste avait châtié sur le continent la perfidie du meurtrier d’Arthur de Bretagne. Forte du droit de son fils et de la protection du Pontife romain, Grégoire IX, Blanche ne s’abandonna pas ; on vit cette femme que, pour justifier leur crime de lèse-patrie, tous ces amis de l’Anglais nommaient l’étrangère, sauver par sa prudence, sa vaillante fermeté, la terre française. Après neuf ans de régence, elle remettait la nation à son roi, plus unie, plus puissante que jamais depuis Charlemagne.

Nous ne pouvons songer à faire ici l’histoire du règne qui acheva de replacer la France à la tête des peuples ; mais il convenait de rendre à qui de droit aujourd’hui cet hommage : d’autant que pour devenir l’honneur du ciel comme de la terre en cette fête, Louis eut seulement à continuer Blanche, le fils à ne point oublier les préceptes de sa mère.

De là, sur toute sa vie, le reflet de simplicité gracieuse qui en relève d’une façon si spéciale l’héroïsme et la grandeur. On dirait que Louis ne connut jamais le labeur nécessaire à tant d’autres, élevés loin du trône, pour adapter leurs âmes à la divine parole : Si vous ne devenez comme de petits enfants, vous n’entrerez pas dans le royaume des deux. Mais aussi, selon la même parole du Seigneur, qui fut plus grand que cet humble s’honorant plus du baptême de Poissy que du sacre de Reims, disant ses Heures, jeûnant, se flagellant comme ses amis les Frères Prêcheurs et Mineurs, toujours prêt à s’abaisser devant ceux en qui le sacerdoce, l’état religieux, la souffrance ou la pauvreté lui manifestaient Les privilégiés du ciel ? Libre aux grands hommes que nous avons connus dans nos temps de sourire en présence du vaincu de Mansourah, s’affligeant plus de la perte de son bréviaire que de la captivité qui le livre aux Sarrasins. On les a trop vus ces hommes en de semblables extrémités ! Si pareille faiblesse d’esprit, comme ils pensent, n’a point chez eux déshonoré la défaite, on n’a point non plus entendu l’ennemi s’écrier d’aucun d’eux : « Vous êtes notre captif, et l’on dirait que c’est nous qui sommes vos prisonniers ». On ne les a pas vus en imposer à la cupidité féroce, à l’ivresse de sang des geôliers, dicter la paix aussi fièrement que s’ils eussent été les vainqueurs ; le pays, jeté par eux dans les aventures, n’est point, hélas ! sorti plus glorieux de l’épreuve. C’est le propre de cet admirable règne de saint Louis, que les désastres y ajoutent à sa taille de héros la hauteur qui sépare la terre du ciel même, que la France y conquiert pour des siècles, en cet Orient où son roi fut chargé de chaînes, une renommée dont nulle victoire n’aurait pu égaler le prestige.

L’humilité des saints rois n’est point l’oubli de la grandeur du rôle qu’ils remplissent pour Dieu ; leur abnégation ne saurait consister dans l’abandon de droits qui sont aussi des devoirs ; pas plus que la charité ne supprime en eux la justice, l’amour de la paix n’y fait tort aux vertus guerrières. Saint Louis sans armée ne laissait pas de traiter de toute la hauteur de son baptême avec l’infidèle victorieux ; par ailleurs en notre Occident, on le sut de bonne heure, on le sut toujours mieux à mesure qu’avec les années croissait en lui la sainteté : ce roi dont les nuits se passaient à prier Dieu, les journées à servir les pauvres, n’entendait céder à quiconque les prérogatives de la couronne qu’il tenait de ses pères. Il n’y a qu’un roi en France, dit un jour le justicier du bois de Vincennes cassant une sentence de son frère, Charles d’Anjou ; et les barons au château de Bellême, les Anglais à Taillebourg, n’avaient pas attendu jusque-là pour l’apprendre ; non plus que ce Frédéric II, qui menaçait d’écraser l’Église, cherchant chez nous des complices, et dont les hypocrites explications valurent à l’Allemand la réponse : Le royaume de France n’est mie encore si affaibli qu’il se laisse mener à vos éperons.

La mort de Louis fut simple et grande comme sa vie. Dieu l’appela vers lui dans des circonstances douloureuses et critiques, loin de la patrie, sur ce sol africain où il avait une première fois déjà tant souffert : épines sanctifiantes, qui devaient rappeler au prince croisé son joyau de prédilection, la couronne sacrée acquise par lui au trésor de France. Mû par l’espoir de convertir au christianisme le roi de Tunis, c’était plus en apôtre qu’en soldat qu’il avait abordé le rivage où l’attendait le combat suprême. Je vous dis le ban de notre Seigneur Jésus-Christ et de son sergent Louis, roi de France : sublime provocation jetée à la ville infidèle, bien digne de clore une telle vie. Après six siècles écoulés, Tunis verra les fils des Francs qui l’entourèrent alors donner suite sans le vouloir au défi du plus saint de leurs rois, appelés qu’ils seront, sans le savoir, par tous les bienheureux dont cette terre de l’antique Carthage devenue chrétienne garde la mémoire pour l’éternité.

Cependant l’armée de la Croix, victorieuse en tous les combats, était décimée par un mal terrible. Entouré de morts et de mourants, atteint lui-même parla contagion, Louis manda près de lui son fils aîné et prochain successeur, Philippe, troisième du nom, pour lui donner ses instructions dernières :

« Cher fils, la première chose que je t’enseigne, c’est que tu mettes ton cœur à aimer Dieu ; car sans ce, ne peut nul valoir nulle chose. Garde-toi défaire chose qui à Dieu déplaise, c’est à savoir mortel péché ; ains plutôt devrais souffrir toutes manières de tourments. Si Dieu t’envoie adversité, reçois-le en patience et en rends grâces à notre Seigneur, et pense que tu l’as desservi. S’il te donne prospérité, l’en remercie humblement, et ne sois pas pire ou par orgueil ou par autre manière de ce dont tu dois mieux valoir ; car l’on ne doit pas Dieu de ses dons guerroyer. Le cœur aie doux et piteux aux pauvres et aux mésaisiés, et les conforte et aide selon ce que tu pourras. Maintiens les bonnes coutumes de ton royaume, et les mauvaises abaisse. Aime tout bien, et hais tout mal en quoique ce soit. Nulle vilenie de Dieu ou de Notre-Dame ou des Saints ne souffre que l’on die devant toi, que tu n’en fasses tantôt vengeance. A justice tenir sois loyal envers tes sujets, sans tourner à dextre ni à senestre ; mais aide au droit, et soutiens la querelle du pauvre jusques à tant que la vérité soit éclaircie. Honore et aime toutes les personnes de la sainte Église, et garde qu’on ne leur soustraie leurs dons et leurs aumônes que tes devanciers leur auront donnés. Cher fils, je t’enseigne que tu sois toujours dévot à l’Église de Rome et au souverain évêque notre père, c’est le Pape, et lui portes révérence et honneur comme tu dois faire à ton père spirituel. Travaille-toi que tout vilain péché soit ôté de ta terre ; spécialement vilains serments et hérésie fais abattre à ton pouvoir... Biau cher fils, je te donne toutes les bénédictions que bon père peut donner à fils ; et la benoîte Trinité et tous les Saints te gardent et défendent de tous maux ; et Dieu te donne grâce de faire sa volonté toujours, et qu’il soit honoré par toi, et que toi et moi puissions après cette mortelle vie être ensemble avec lui et le louer sans fin ».

« Quand le bon roi, poursuit Joinville, eut enseigné son fils monseigneur Philippe, la maladie que il avait commença à croître fortement ; et demanda les sacrements de sainte Église, et les reçut en saine pensée et en droit entendement, ainsi comme il apparut ; car quand on l’enhuilait et on disait les sept psaumes, il disait les versets d’une part. J’ai ouï conter monseigneur le comte d’Alençon son fils, que quand il approchait de la mort, il appela les Saints pour l’aider et secourir, et mêmement monseigneur saint Jacques, en disant son oraison, qui commence : Esto Domine ; c’est à dire : « Dieu, soyez sainte fieur et garde de votre peuple ». Monseigneur saint Denis de France appela lors en s’aide, en disant son oraison qui vaut autant à dire : « Sire Dieu, donne-nous que nous puissions despire la prospérité de ce monde, si que nous ne doutions nulle adversité ». Et ouï dire lors à monseigneur d’Alençon (que Dieu absolve !) que son père réclamait lors madame sainte Geneviève. Après se fit le saint roi coucher en un lit couvert de cendre, et mit ses mains sur sa poitrine, et en regardant vers le ciel rendit à notre Créateur son esprit, en celle heure même que le Fils de Dieu mourut pour le salut du monde en la croix ».

Jérusalem, la vraie Sion, vous ouvre enfin ses portes, à vous, ô Louis, qui pour elle avez donné vos trésors et vous-même. Du trône éternel où le Fils de Dieu vous associe à ses honneurs et à sa puissance, soyez toujours le promoteur du règne de Dieu sur terre, le zélateur de la foi, le bras de notre Mère l’Église. Sans adorer le Christ, l’Orient infidèle, grâce à vous, respecte ses adorateurs, confondant sous une même signification le nom de chrétien et de Franc. A cause de cela, nos gouvernants du jour prétendent rester dans ces contrées les protecteurs du christianisme qu’ils poursuivent sur le sol gaulois ! Contradiction non moins fatale au pays, qu’opposée à ses traditions de franchise, à sa renommée d’honneur et de loyauté. Comment connaîtraient-ils nos traditions et notre histoire, comment comprendraient-ils l’intérêt national, ceux qui méconnaissent le Dieu de Clovis, de Charlemagne et de saint Louis ? Déjà, qu’est devenu, dans cette Égypte qui eut vos plus durs labeurs, le patrimoine d’influence glorieuse que les siècles avaient maintenu à la nation ?

Vos descendants ne sont plus là pour nous garder de l’invasion de ces hommes qui exploitent la patrie et n’ont que l’exil pour ceux qui l’ont faite. Ici pourtant, combien redoutables ne se révèlent pas les justices du Seigneur ! Vous-même l’aviez dit : Plutôt un étranger que mon fils pour gouverner le peuple du royaume, si mon fils le doit mal gouverner ! Trente années après la croisade de Tunis, un prince indigne, votre deuxième successeur, outrageait le Vicaire de l’Homme-Dieu. Rejeté d’en haut, Philippe IV, le Bel, voyait aussitôt s’arrêter dans sa race stérilisée la sève partie de votre racine. Flétri et brisé, le rameau sacrilège faisait place sur la tige auguste à une autre branche issue de vous toujours. Mais la nation, solidaire de ses rois, allait expier elle-même le forfait d’Anagni dans une guerre terrible, dont l’imprévoyance politique du même Philippe le Bel avait, par le jugement de Dieu, posé la cause ; prince aussi funeste à l’État qu’à l’Église et à sa propre famille. Ce fut alors que, cent années durant, le pays parut à la veille de sa perte ; jusqu’à ce que, protection merveilleuse du ciel sur notre patrie ! la pucelle d’Orléans, Jeanne la Vénérable, arrachât des griffes du léopard anglais le lis de France qu’il prétendait s’unir.

D’autres fautes devaient, hélas ! compromettre encore, puis par deux fois à nouveau dessécher ou rompre les branches de l’arbre royal. Longtemps vos mérites personnels firent contre-poids devant Dieu au scandale des mœurs dont nos princes s’étaient fait comme une note de race, un privilège odieux : honte que transmirent aux Bourbons les Valois mourants, que dut expier sans parvenir à l’effacer le sang du juste Louis XVI, qu’expient toujours tant d’illustres proscrits promenant sur la terre étrangère leur déchéance et leurs souvenirs. Puissiez-vous du moins reconnaître, en ces fils qui vous restent, les imitateurs de vos vertus ! c’est en revendiquant d’abord ce premier héritage, qu’un jour peut-être ils amèneront Dieu à leur rendre l’autre. Car Dieu qui commande d’obéir au pouvoir établi dans les divers temps, reste le maître des peuples, l’arbitre immuable de leurs variables destinées. Mais c’est alors qu’instruit par l’épreuve, nul de vos descendants ne devra plus oublier, ô Louis, votre recommandation suprême : Travaille-toi que tout vilain péché soit ôté de ta terre ; spécialement vilains serments et hérésie fais abattre à ton pouvoir.

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Saint Barthélemy apôtre

24 Août 2023 , Rédigé par Ludovicus

Saint Barthélemy apôtre

Collecte

Dieu tout-puissant et éternel, de qui nous vient la religieuse et sainte joie que nous éprouvons à célébrer aujourd’hui la fête de votre bienheureux Apôtre Barthélémy, accordez à votre Église, nous vous en prions, la grâce d’aimer ce qu’il a cru et de prêcher ce qu’il a enseigné.

Office

4e leçon

L’Apôtre Barthélémy était Galiléen. Il parcourut la partie des Indes située en deçà du Gange, contrée que le sort lui avait assignée, quand les Apôtres s’étaient partagé le monde pour y prêcher l’Évangile de Jésus-Christ. Il annonça à ces peuples l’avènement du Seigneur Jésus, en suivant l’Évangile de saint Matthieu. Après avoir obtenu de nombreuses conversions à la foi chrétienne dans ces contrées, et supporté beaucoup de travaux et d’épreuves, il se dirigea vers la grande Arménie.

5e leçon

Là, il convertit à la foi chrétienne le roi Polymius, la reine son épouse, et douze villes entières. Ce succès suscita contre lui une grande jalousie de la part des prêtres de cette nation. Ils allèrent jusqu’à exciter la haine d’Astyage, frère du roi Polymius, au point que le prince ordonna d’écorcher vif Barthélémy et, après cette cruauté, de lui trancher la tête. Ce fut dans ce supplice que l’Apôtre rendit son âme à Dieu.

6e leçon

Son corps, enseveli à Albanopoli, ville de la grande Arménie et lieu de son martyre, fut, dans la suite, transporté d’abord à Lipari, puis à Bénévent, et enfin à Rome, par, l’Empereur Othon III. On le plaça dans une église consacrée sous son patronage, dans l’île du Tibre. Sa Fête se fait à Rome le huitième jour des calendes de septembre, et elle est célébrée pendant huit jours consécutifs dans cette basilique, par un grand concours de peuple.

7e leçon

Homélie de saint Ambroise, Évêque.

Ce sont les grandes âmes, les âmes sublimes qui gravissent la montagne. Car le Prophète ne dit pas au premier venu : « Monte sur une haute montagne, toi qui évangélises Sion ; élève ta voix avec force, toi qui évangélises Jérusalem. » Efforcez-vous, non de vos pieds corporels, mais par de grandes actions, de gravir cette montagne et de suivre Jésus-Christ, afin de pouvoir être aussi vous-même une montagne. Car, parcourez l’Évangile, et vous trouverez que les disciples furent les seuls à monter avec lui sur la montagne. Le Seigneur prie donc, non pour lui, mais pour moi. Car bien que le Père ait tout remis en la puissance du Fils, néanmoins le Fils, pour remplir son rôle d’homme, juge qu’il doit prier pour nous son Père, parce qu’il est notre avocat.

8e leçon

« Et il passa, dit le texte, toute la nuit à prier Dieu. » C’est un exemple qui vous est donné, ô Chrétien, c’est un modèle qu’on vous prescrit d’imiter. Car, que ne devez-vous pas faire pour votre salut, quand le Christ passa toute la nuit à prier pour vous ? Qu’est-il convenable que vous fassiez, ayant quelque œuvre de piété à entreprendre, puisque le Christ, avant que d’envoyer en mission ses Apôtres, se mit en prière, et pria seul ? Et on ne voit pas ailleurs, ce me semble, qu’il ait prié avec ses Apôtres. Partout il est seul à prier. C’est que les désirs des hommes ne comprennent pas les desseins de Dieu, et personne ne peut pénétrer dans l’intérieur de Jésus-Christ.

9e leçon

« Il appe1la ses disciples, dit le texte, et il choisit douze d’entre eux, » qu’il destinait à procurer aux hommes le secours du salut dans tout l’univers, en y répandant la semence de la foi. Remarquez en même temps l’économie du plan céleste. Ce ne sont ni des savants, ni des riches, ni des nobles, mais des pêcheurs et des publicains qu’il a choisis pour cette mission : de peur qu’il ne semblât avoir usé auprès de quelques âmes, soit des artifices de la prudence pour les séduire, soit des richesses pour les acheter, soit de l’autorité du pouvoir et du prestige de la noblesse pour les amener à sa grâce : le Sauveur voulait que ce soit l’empire de la vérité, et non la force de l’éloquence, qui triomphât des esprits.

Un témoin du Fils de Dieu, un des princes qui annoncèrent sa gloire aux nations, illumine ce jour des incomparables feux de la lumière apostolique. Tandis que ses frères du collège sacré suivaient la race humaine sur toutes les routes où la migration des peuples l’avait portée, c’est au point de départ, sur les monts d’Arménie d’où les fils de Noé remplirent la terre, que Barthélémy parut comme l’envoyé des collines éternelles et le héraut de l’Époux. Là, s’était arrêtée l’arche figurative ; l’humanité, partout ailleurs voyageuse, y restait assise, se souvenant de la colombe au rameau d’olivier, attendant la consommation de l’alliance dont l’arc-en-ciel, brillant sur la nue, avait dans ces lieux pour la première fois signifié les splendeurs. Or, voici qu’une nouvelle bienheureuse a réveillé dans ces hautes vallées les échos des antiques traditions : nouvelle de paix, fin du péché dont l’universel déluge recule devant le bois du salut. Combien la sérénité qu’apportait la colombe de jadis est dépassée ! Au châtiment va succéder l’amour. L’ambassadeur du ciel a montré Dieu aux fils d’Adam dans le plus beau de leurs frères. Les nobles sommets d’où coulent les fleuves qui arrosèrent autrefois le jardin de délices, voient renouveler le contrat déchiré en Éden, et célébrer dans l’allégresse de la terre et des cieux les noces divines, attente des siècles, union du Verbe et de l’humanité régénérée.

Personnellement, que fut l’Apôtre dont le ministère emprunte une telle solennité du lieu où il s’accomplit ? Sous le nom ou le surnom de Barthélémy, qui est le seul trait que nous aient conservé de lui les trois premiers Évangiles, devons-nous voir, comme plusieurs l’ont pensé, ce Nathanaël dont la présentation par Philippe à Jésus est l’objet en saint Jean d’une scène si suave ? Personnage tout de droiture, d’innocence, de simplicité, bien digne d’avoir eu la colombe pour précurseur, et pour lequel on sent que l’Homme-Dieu dès l’abord réservait des tendresses et des grâces de choix.

Quoi qu’il en puisse être, la part échue entre les douze à l’élu de ce jour dit assez la spéciale confiance du Cœur divin ; l’héroïsme du redoutable martyre où il scelle son apostolat, nous révèle sa fidélité ; la dignité qu’a su garder sous toutes les latitudes où elle vit transplantée la nation qu’il greffa sur le Christ, témoigne de l’excellence de la sève infusée originairement dans ses rameaux. Lorsque, deux siècles et demi plus tard, Grégoire l’illuminateur fit germer par toute l’Arménie l’abondance des fleurs et des fruits qui la manifestèrent si belle, il n’eut qu’à réveiller la semence divine déposée par l’Apôtre, et dont les épreuves, qui ne devaient jamais manquer à la généreuse contrée, avaient un temps comprimé l’essor, sans pouvoir l’étouffer.

Pourquoi faut-il que de déplorables malentendus, nourris dans le trouble d’invasions sans fin, aient maintenu trop longtemps en défiance contre Rome une race que les guerres d’extermination, les supplices, la dispersion, n’ont pu détacher de l’amour du Christ Sauveur ! Grâce à Dieu pourtant, le mouvement de retour, plus d’une fois commencé pour ensuite se ralentir, semble aujourd’hui s’accentuer davantage ; l’illustre nation voit l’élite de ses fils travailler avec persévérance au rapprochement si souhaitable, en dissipant les préjugés de leur peuple, en révélant à nos régions les trésors de sa littérature si chrétienne, les magnificences de sa liturgie, en priant surtout et en se dévouant sous l’étendard du père des moines de l’Occident. Avec ces tenants de la vraie tradition nationale, prions Barthélémy leur Apôtre, et le disciple Thaddée qui eut aussi part à l’évangélisation primitive, et Ripsima, l’héroïque vierge amenant des terres romaines ses trente-cinq compagnes à la conquête d’une nouvelle patrie, et tous les martyrs dont le sang cimenta l’édifice sur le seul fondement posé par le Seigneur. Puisse, comme ces grands prédécesseurs, le chef du second apostolat, Grégoire l’Illuminateur, qui voulut voir Pierre en la personne de Silvestre et reçut la bénédiction du Pontife romain ; puissent les saints rois, les patriarches et les docteurs de l’Arménie, redevenir pour elle les guides écoutés des beaux temps de son histoire, et ramener tout entière, sans retour enfin, à l’unique bercail, une Église faite pour marcher d’un même pas avec l’Église maîtresse et mère !

Nous apprenons d’Eusèbe et de saint Jérôme, qu’avant de se rendre dans l’Arménie, but suprême de son apostolat, saint Barthélémy évangélisa les Indes, où Pantène, au siècle suivant, trouva un exemplaire de l’Évangile de saint Matthieu en lettres hébraïques qu’il y avait laissé. Saint Denys rapporte aussi du glorieux Apôtre une parole profonde, qu’il cite et commente en ces termes : « Le divin Barthélémy dit de la théologie qu’elle est à la fois abondante et succincte, de l’Évangile qu’il est de vaste étendue et en même temps concis ; donnant ainsi excellemment à entendre que la bienfaisante cause de tous les êtres s’exprime et en beaucoup et en peu de paroles, ou même sans discours, n’y ayant parole ou pensée qui la puisse rendre. Car elle est au-dessus de tout par son essence supérieure ; et ceux-là seuls l’atteignent dans sa vérité, non dans les voiles dont elle s’entoure, qui dépassant la matière et l’esprit, s’élevant par delà le faite des plus saints sommets, laissent tous les rayonnements divins, tous les échos de Dieu, tous les discours des cieux, pour entrer dans l’obscurité où habite, comme dit l’Écriture, celui qui est au delà de toutes choses ».

C’est demain seulement que la ville de Rome célèbre la fête de saint Barthélémy ; elle est en cela d’accord avec les Grecs, qui rattachent au 25 août le souvenir d’une translation des reliques de l’Apôtre. Les translations diverses en effet du saint corps, jointes à la difficulté de préciser la date du martyre de Barthélémy, expliquent la variété des jours adoptés pour cette fête par les Églises de l’Orient comme de l’Occident. La détermination du 24 de ce mois, consacrée par l’usage de la plupart des Églises latines, remonte aux plus anciens martyrologes, y compris le hiéronymien. Au XIIIe siècle, Innocent III, consulté sur la divergence, répondit qu’il fallait maintenir en ce point les coutumes locales.

En cette fête qui vous est consacrée, ô Apôtre, l’Église implore la grâce d’aimer ce qui fut l’objet de votre foi, de prêcher ce que vous avez enseigné. Non que l’Épouse du Fils de Dieu puisse défaillir jamais dans la croyance ou dans l’amour ; mais elle sait trop que si sa tête sera toujours dans la lumière et son cœur toujours à l’Époux dans l’Esprit qui la sanctifie, ses membres isolés, les Églises particulières qui la composent, peuvent se détacher de leur centre vital et s’égarer dans la nuit. O vous qui choisîtes notre Occident pour le lieu de votre repos, vous dont Rome se glorifie de garder les restes précieux, ramenez à Pierre les nations que vous avez évangélisées ; justifiez les espérances d’universelle union qui se ravivent en nos jours ; aidez les efforts que tente le Vicaire de l’Homme-Dieu pour rassembler sous la houlette du pasteur les troupeaux dissidents dont le schisme a desséché les pâturages. Puisse votre Arménie achever la première un retour commencé par elle dès longtemps : qu’elle croie à l’Église Mère, et ne se livre plus aux semeurs d’embûches. Tous réunis, puissions-nous jouir en commun des trésors de nos traditions concordantes, aller à Dieu, au prix de tous les dépouillements, par le procédé à la fois si vaste et si simple que nous enseignent votre sublime théologie et vos exemples.

 

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Saint Philippe Béniti confesseur

23 Août 2023 , Rédigé par Ludovicus

Saint Philippe Béniti confesseur

Collecte

Dieu, vous nous avez donné un excellent modèle d’humilité en la personne de votre Confesseur, le bienheureux Philippe : accordez à vos serviteurs de mépriser, à son exemple, les biens de ce monde et de chercher toujours les biens du ciel.

Office

Au deuxième nocturne.

Quatrième leçon. Philippe, né à Florence de l’illustre famille des Beniti, donna dès son berceau des marques de sa future sainteté. A peine était-il âgé de cinq mois, que sa langue se délia miraculeusement pour engager sa mère à faire l’aumône aux Frères Servites. Encore adolescent, étant à Paris pour étudier les belles lettres, il joignit à cette étude une ardente piété et alluma le désir du ciel en plusieurs de ses compagnons. Rentré dans sa patrie, une vision de la sainte Vierge lui fit connaître sa vocation pour l’Ordre des Servites, récemment fondé. Retiré avec eux dans une grotte, du mont Senario, il y passa des jours pleins de douceur, soumettant son corps à de rudes austérités et méditant les souffrances du Seigneur crucifié. Puis il se mit à parcourir l’Europe et une grande partie de l’Asie pour y prêcher l’Évangile ; il établit des couvents des Sept-Douleurs de la Sainte Vierge et propagea son Ordre par le rare exemple de ses vertus.

Cinquième leçon. Le feu de la divine charité dont il brûlait et son zèle ardent pour l’extension de la foi catholique l’ayant fait élire, malgré ses résistances, général de son Ordre, il envoya un grand nombre de ses frères prêcher l’Évangile en Russie ; lui-même parcourut les principales villes de l’Italie, apaisant les discordes qui s’élevaient de plus en plus parmi les citoyens, et en ramenant aussi plusieurs sous l’obéissance du Pontife romain. Il ne négligea rien de ce qui pouvait contribuer au salut du prochain, et fit passer des hommes très pervers, de la fange des vices à la pénitence et à l’amour de Jésus-Christ. Extrêmement assidu à l’oraison, il parut souvent ravi en extase. La virginité lui était si chère, qu’il s’infligea volontairement les plus rigoureuses mortifications pour la garder intacte jusqu’au dernier soupir.

Sixième leçon. On vit constamment briller en lui une tendre compassion envers les pauvres ; elle parut surtout avec éclat lorsque, dans un faubourg de Sienne, il donna son propre vêtement à un pauvre lépreux à peu près nu ; aussitôt que ce malheureux en fut couvert, il se trouva guéri de sa lèpre. Le bruit de ce miracle s’étant répandu de tous côtés, quelques-uns des Cardinaux réunis à Viterbe pour l’élection du successeur de Clément IV, jetèrent les yeux sur Philippe, dont ils connaissaient du reste la prudence toute céleste. A cette nouvelle, l’homme de Dieu craignant de se voir imposer la charge de pasteur suprême, s’enfuit sur le mont Tuniato, et y demeura caché jusqu’au moment où Grégoire fut proclamé souverain Pontife. En cet endroit se trouve une source d’eau qu’on appelle encore aujourd’hui Fontaine de Saint-Philippe, eau qui doit à ses prières la vertu de guérir les malades. Enfin il quitta très saintement cette vie, à Todi, l’an douze cent quatre-vingt-cinq, en embrassant le crucifix, qu’il appelait son livre. A son tombeau, des aveugles recouvrèrent la vue, des boiteux furent guéris et des morts ressuscitèrent. Devant l’éclat de ces prodiges et de beaucoup d’autres encore, le souverain Pontife Clément X l’inscrivit au nombre des Saints.

Au troisième nocturne. Du Commun.

Homélie de saint Bède le Vénérable, Prêtre. Lib. 4, cap. 54 in Luc. 12

Septième leçon. Notre Seigneur appelle petit le troupeau des élus, soit à cause du très grand nombre des réprouvés, soit plutôt par affection pour l’humilité ; car il veut que son Église, quelque développement qu’elle prenne par le nombre de ses membres, croisse néanmoins en humilité jusqu’à la fin du monde, et parvienne dans l’humilité au royaume promis. C’est pourquoi, encourageant et consolant les labeurs de cette Église à laquelle il commande de chercher uniquement le royaume de Dieu, il promet à cette même Église le royaume que lui donnera le Père dans son infinie bonté.

Huitième leçon. « Vendez ce que vous avez, et donnez l’aumône ». Ne craignez point, dit notre Seigneur, qu’en combattant pour le royaume de Dieu vous veniez à manquer des choses nécessaires à la vie ; vendez même, pour le donner en aumône, ce que vous possédez. On accomplit dignement ce conseil quand, après avoir méprisé une fois pour toutes, ses biens pour le Seigneur, on s’adonne ensuite au travail des mains afin de pouvoir se nourrir soi-même et faire l’aumône. C’est de quoi l’Apôtre se glorifie, en disant : « Je n’ai convoité ni l’or, ni l’argent, ni le vêtement de personne, comme vous le savez vous-mêmes ; parce que, à l’égard des choses dont moi et ceux qui sont avec moi avions besoin, ces mains y ont pourvu. Je vous ai montré en tout, que c’est en travaillant ainsi qu’il faut soutenir les faibles ».

Neuvième leçon. « Faites-vous des bourses que le temps n’use point », c’est-à-dire en répandant des aumônes, car leur récompense demeurera éternellement. Il ne faut pas interpréter ce précepte en ce sens qu’il soit défendu aux saints de conserver quelque argent pour subvenir à leurs propres besoins ou à ceux des pauvres, puisque l’Évangile nous apprend que notre Seigneur lui-même, bien qu’ayant les Anges à son service, n’a pas dédaigné, pour instruire son Église naissante, d’avoir une bourse ; qu’il conservait les offrandes des fidèles, et qu’il en usait pour subvenir aux nécessités des siens ou d’autres indigents ; mais ce n’est pas à cause de ces biens qu’il faut s’attacher au service de Dieu ; ce n’est pas la crainte de la pauvreté qui doit faire jamais abandonner la justice.

Notre-Dame règne maintenant dans les cieux. Son triomphe sur la mort a été sans labeur ; comme Jésus pourtant, c’est par la souffrance qu’elle a mérité d’entrer dans sa gloire. Nous n’arriverons pas autrement que le Fils et la Mère au bonheur sans fin. Ayons souvenir des joies si douces goûtées durant ces huit jours ; mais n’oublions pas que le chemin n’est point achevé pour nous encore. Que restez-vous à regarder le ciel ? disaient aux disciples les Anges de l’Ascension, de la part du Seigneur monté dans la nue ; car les disciples, devant qui s’étaient révélés un instant les horizons de la patrie, ne se résignaient pas à reporter leurs yeux vers la vallée des larmes. Comme le Seigneur, Marie, aujourd’hui, nous envoie son message des hauteurs radieuses où nous la suivrons, mais plus tard, où nous l’entourerons, mais après avoir dans les peines de l’exil mérité de former sa cour ; sans distraire d’elle notre âme, l’apôtre de ses douleurs, Philippe Benizi, nous rappelle au vrai sentiment de notre situation d’étrangers et de pèlerins sur la terre.

Luttes au dehors, au dedans craintes] : pour une large part, ce fut la vie de Philippe, comme l’histoire de sa patrie, Florence, l’histoire de l’Italie et du monde au XIIIe siècle. Né à l’heure où une admirable efflorescence de sainteté conspirait à faire de la cité des fleurs un paradis nouveau, il trouvait au même temps sa ville natale en butte aux factions sanglantes, aux assauts de l’hérésie, à tout l’excès des misères qui montrent que Jérusalem et Babylone se pénètrent partout ici-bas. Nulle part l’enfer n’est si près, que là où le ciel se manifeste avec une intensité plus grande ; par l’assistance de Marie, on le vit bien dans ce siècle où se rencontrèrent en voisinage plus immédiat que jamais la tête du serpent et le talon de la femme. L’ancien ennemi, multipliant les sectes, avait ébranlé la foi au centre même des provinces enserrant la Ville éternelle. Tandis qu’en Orient l’Islam refoulait les derniers croisés, en Occident la papauté se débattait contre l’empire, devenu comme un fief de Satan aux mains de Frédéric II. Partout, dans la chrétienté dont l’unité sociale apparaissait dissoute, se révélait, à l’affaiblissement des croyances, au refroidissement de l’amour, le progrès du poison dont l’humanité doit mourir.

Mais le prince du mal allait connaître la vertu des réactifs que le ciel tenait en réserve pour soutenir la sénilité du monde. C’est alors que Notre-Dame présente à son Fils irrité Dominique et François, pour réduire, par l’accord de la science et de tous les renoncements, les ignorances et les cupidités de la terre : alors aussi que Philippe Benizi, le Servite de la Mère de Dieu, reçoit d’elle la mission de prêcher par l’Italie, la France et la Germanie, les indicibles souffrances qui firent d’elle la corédemptrice du genre humain.

Déjà les fêtes des Sept saints fondateurs et de Julienne Falconiéri nous ont dit les origines, le but du pieux Ordre des Servites, la part prépondérante qu’eurent dans sa propagation les travaux, les épreuves, la foi du Saint de ce jour.

Approche, Philippe, et monte sur ce char. Vous l’entendîtes, cette parole, dans les jours où le monde souriait à votre jeunesse et vous offrait sa renommée ou ses plaisirs ; c’était l’invitation que vous faisait Marie, alors qu’assise sur le char d’or figurant la vie religieuse à laquelle vous étiez convié, elle était vers vous descendue : un manteau de deuil enveloppait de ses plis la souveraine des cieux ; une colombe voltigeait autour de sa tête ; un lion et une brebis traînaient son char, entre des précipices d’où montaient les sifflements de l’abîme. C’était l’avenir qui se dévoilait : vous deviez parcourir la terre en la compagnie de la Mère des douleurs, et ce monde que déjà l’enfer avait miné de toutes parts n’aurait pour vous nul péril ; car la douceur et la force y seraient vos guides, la simplicité votre inspiratrice. Heureux les doux, car ils posséderont la terre !

Mais c’est contre le ciel surtout que devait vous servir l’aimable vertu qui a cette promesse d’empire ; contre le ciel qui lutte lui-même avec les forts, et vous réservait l’épreuve du suprême abandon devant lequel avait tremblé l’Homme-Dieu : après des années de prières, de travaux, d’héroïque dévouement, pour récompense vous connûtes le rejet apparent du Seigneur, le désaveu de son Église, l’imminence d’une ruine menaçant par delà votre tête tous ceux que Marie vous avait confiés. Contre l’existence de vos fils les Servîtes, nonobstant les paroles de la Mère de Dieu, ne se dressait rien moins que l’autorité de deux conciles généraux, dont le Vicaire du Christ avait arrêté de laisser les résolutions suivre leur cours. Notre-Dame vous donnait de puiser au calice de ses souffrances. Vous ne vîtes point le triomphe d’une cause qui était la sienne autant que la vôtre ; mais comme les patriarches saluant de loin l’accomplissement des promesses, la mort ne put ébranler votre confiance sereine et soumise : vous laissiez à votre fille Julienne Falconieri le soin d’obtenir, par ses prières devant la face du Seigneur, ce que n’avaient pu gagner vos démarches auprès des puissants.

La puissance suprême ici-bas, un jour l’Esprit-Saint parut la mettre à vos pieds : comme le demande l’Église au souvenir de l’humilité qui vous fit redouter la tiare, obtenez-nous de mépriser les faveurs du temps pour ne rechercher que le ciel. Les fidèles cependant n’ont point oublié que vous fûtes le médecin des corps, avant d’être celui des âmes ; leur confiance est grande dans l’eau et les pains que vos fils bénissent en cette fête, et qui rappellent les faveurs miraculeuses dont fut illustrée la vie de leur père : ayez égard toujours à la foi des peuples ; répondez au culte spécial dont les médecins chrétiens vous honorent. Aujourd’hui enfin que le char mystérieux de la première heure est devenu le char de triomphe où Notre-Dame vous associe à la félicité de son entrée dans les cieux, apprenez-nous à compatir comme vous de telle sorte à ses douleurs, que nous méritions d’être avec vous dans l’éternité participants de sa gloire.

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Attendite a falsis prophetis

23 Août 2023 , Rédigé par Ludovicus

Attendite a falsis prophetis

Pars 1

Attendite a falsis, pars 1 Attendite a falsis prophetis, qui veniunt ad vos in vestimentis ovium: intrinsecus autem sunt lupi rapaces. A fructibus eorum cognoscetis eos. Mt. 7, 15 - 16. Duo esse in verbis istis sibi invicem contrariantia apostolus testatur. Spiritus, inquit, concupiscit adversus carnem, et caro adversus spiritum: Ga. 5, 17: et cum in utroque, vel ex utroque contingit esse peccatum; ex infirmitate carnis est alium peccatum, et alium per ignorantiam spiritus. Unde apostolus 2 ad Corinth. 7, 1: emundemus nos ab omni inquinamento carnis et spiritus. Et sicut peccatum ex carne provenit ex carnis infirmitate; unde in Mt. 26, 41: spiritus quidem promptus est, caro autem infirma; sic peccatum spiritus provenit ex ignorantia spiritus, scilicet quando spiritus decipitur. Et ideo in ista dominica munimur contra utrumque peccatum. Contra peccatum ex infirmitate carnis munimur per apostolum in epistola qui dicit: debitores sumus carni, non ut secundum carnem vivamus, Rm. 8, 12. Contra peccatum ex deceptione spiritus munimur in Evangelio, ubi dicitur: attendite a falsis prophetis et cetera. Rogemus salvatorem qui nos cautos voluit esse contra utrumque peccatum, quod ipse det aliquid dare quod sit ad laudem ejus et cetera.

 

Pars 2

Attendite a falsis, pars 2 Attendite et cetera. Ad officium boni ducis pertinet quod militares suos contra insidias reddat cautos. Verum est quod insidiosum et dolosum habemus hostem. Unde in Eccl. 11, 31: multae insidiae dolosi. Sedet in insidiis cum divitibus. Ps. 10, 8, idest cum superbis. Istas insidias explicat apostolus 2 Cor. 11, 14, dicens quod Satanas transfigurat se in Angelum lucis, et ministros ejus in ministros injustitiae. Contra ministros ejus reddit nos Dominus cautos in verbis propositis. In quibus quatuor docet. Primo enim docet genus hostium. Ibi: attendite a falsis prophetis. Secundo docet modum insidiandi. Ibi: qui veniunt ad vos in vestimentis ovium. Tertium est nocumentum imminens. Ibi: intrinsecus autem sunt lupi rapaces. Quarto docet modum comprehendendi eos. Ibi: a fructibus eorum cognoscetis eos. Hostes isti, scilicet falsi prophetae, etiam sunt valde periculosi, et ideo cavendi, quia ipsi nobis sunt periculosi sicut Angeli boni sunt nobis necessarii et utiles. Unde in Pr. 26, 18: cum deficit prophetia dissipabitur populus. De falsis prophetis dicitur Jr. 23, 15: a prophetis Jerusalem egressa est pollutio super terram. Nunc videamus qui sunt falsi prophetae. Primo videamus quae est ratio prophetiae, et quia contingit esse falsam prophetiam. Dico quod quatuor sunt de ratione prophetiae. Primum est revelatio divina: unde in Am 3, 7: non facit Dominus Deus verbum, nisi revelaverit secretum suum ad suos prophetas. Aliquando revelantur alicui aliqua divinitus, sed non intelligit, sicut Nabuchodonosor vidit statuam, Dn. 2, 31, et Pharaoni aliquid est revelatum, scilicet quod vidit spicas et boves, sed non intellexit, Gn. 41, 5. Propter quod requiritur secundo intellectus. Unde in Dn. 10, 1: verbum revelatum est Danieli et intellexit sermonem. Unde intelligentia opus est inter visiones. Si homo haberet revelationem a Deo et cum hoc intelligeret, sed sibi retineret, nulla esset ibi utilitas: propter hoc tertio requiritur ut ea quae hujusmodi sunt revelata et ipse intelligit, ut alteri annuntiet. Is. 21, 10: quae audivi a Domino exercituum Deo Israel, annuntiavi vobis. Quaedam sunt super sensum humanum divinitus revelata et annuntiata, sed non credent homines nisi probarentur; et hujusmodi probatio est miraculorum operatio. Quod significatur 4 regum 5, 8, ubi dicitur quod cum Naaman Sirus venisset ad regem Israel ut curaret eum, dixit Elisaeus: mitte eum ad me, ut sciat prophetam esse in Israel. Sed juxta praedicta dico quod nomen prophetae quatuor modis accipitur. Quandoque dicitur propheta cui fit revelatio divina. Unde in numeris 12, 6: si quis fuerit inter vos propheta Domini, per somnium in visione loquar ad ipsum. Quandoque autem dicitur propheta non cui fit revelatio divina ut intelligat revelata. Unde in 1 Cor. 14, 29: prophetae duo vel tres dicant, et ceteri djiudicent. Vocat ibi doctores et praedicatores per prophetas juxta illud: adhuc doctrinam quasi prophetiam effundam, Eccl. 24, 46. Alii dicuntur prophetae qui recitant revelata, unde nuper aliquid filii Asaph editum prophetabant. Alii dicuntur prophetae qui miracula faciunt. Unde dicitur quod corpus Elisaei mortuum prophetavit, Eccli. 48, 14, idest miraculum propheticum fecit. In libro 4 R. 13, 21, dicitur quod quidam latrones territi corpus cujusdam interfecti mortuum projecerunt in sepulchrum Elisaei mortui, revixit ille. Et sicut dicitur in Evangelio, cum Christus miracula faceret dixerunt Judaei: propheta magnus surrexit in nobis, Lc. 7, 16. Dicit igitur: attendite et cetera. Sed quomodo accipitur hic propheta? Dicit Chrysostomus quod prophetae dicuntur hic non qui prophetant de Christo, sed qui interpretantur prophetiam de Christo, quia nemo potest sensus propheticos interpretari nisi per Spiritum Sanctum. Videamus qui dicuntur falsi prophetae. Quatuor modis contingit esse falsam prophetiam. Primo ex falsitate doctrinae. Secundo ex falsitate inspirationis. Tertio ex falsitate intentionis. Et quarto ex falsitate vitae. Primo dicuntur aliqui falsi prophetae ex falsitate doctrinae, ut quando falsa annunciant et docent. Ad officium prophetae pertinet vera nunciare et dicere. Unde in Dn. 10, 1, verbum revelatum est Danieli, et est verbum verum; et Dominus dicit: si quis annunciat sermones meos loquatur vere. Sed multi annunciant false: unde in canonica 1 Jn. 4: fiunt in populo pseudoprophetae sicut et in vobis; erunt magistri mendaces qui non metuunt sectas inducere praedicationis nomine. Mendax fuit Arius et consimiles sibi, qui voluerunt corrigere doctrinam Christi. Unde in threnis 2, 14: prophetae tui ludunt falsa et stulta. Sed quae stulta? Qui falsa loquitur libenter dicet ea quae placent. Is. 30, 10: loquimini nobis placentia, videte nobis errores. Interrogatus quae falsa prophetae viderunt, dicit: non aperiebant iniquitatem tuam, ut te ad poenitentiam provocarent. Si aliqui dicunt bonum malum et malum bonum, sunt falsi prophetae. Jr.: viderunt falsas assumptiones, et ejectiones, Thren. 2, 14. Illud quod assumitur elevatur et quod ejicitur damnatur. Quando igitur extollenda deprimuntur, et deprimenda extolluntur, tunc vides falsas assumptiones. Per doctrinam Domini apparet quid extollendum est, et quid deprimendum. Conversatio saeculi et vita mundialis deprimenda est. Si quis dicat quod melius est jejunare sine voto quam cum voto, et alios retrahit a religione, ubi jejunatur cum voto, et suadet jejunare in saeculo sine voto, habet falsam doctrinam. Propheta dicit: vovete et reddite, Ps. 75, 2. Hoc dicit quia melius est jejunare cum voto quam sine voto; aliter solum diceret, facite. Exemplum ponit Anselmus libro de similitudinibus, dicens quod qui dat arborem cum pomis plus dat quam qui dat poma; cum sic qui votum facit, et ipsum reddit, melius facit quam qui bonum sine voto facit: melius tamen est non vovere quam promissa non reddere, Eccl. 5, 4. Item dicuntur falsi prophetae ex falsitate inspirationis. Veri prophetae unde inspirantur? Certe a Deo et Spiritu Ssancto. Unde in canonica 2 P 1, 21 prophetia; sed Spiritu Sancto inspirati, locuti sunt sancti Dei homines, prout etiam respectu suo utrumque invenimus in sacra Scriptura. Primo dico potest quis inspirari falso a Diabolo. Unde Jr. 2, 8: prophetae ejus in Baal prophetaverunt. In Baal, idest in Diabolo prophetare est occulta dicere. Negromantici qui exquirunt veritatem de futuris inspiratione Diaboli prophetant in Baal: et hoc est gravissimum inter peccata, et species idolatriae. Nec excusantur ex hoc quod dicunt quod pro bono faciunt; quia malum non debet fieri pro bono. Unde apostolus Rm. 3, 8: faciamus mala ut eveniant bona? Quorum damnatio justa est. Alii inspirantur falso a spiritu suo. Unde in Ez. 13, 3: haec dicit Dominus; vae prophetis insipientibus, qui sequuntur spiritum suum, et nihil vident. Jr. 23, 16: visionem cordis sui loquuntur. Non ex ore Domini illi qui sequuntur rationem humanam: loquuntur ex spiritu suo. Tales sunt illi qui loquuntur secundum rationes Platonicas, quae non possunt attingere virtutem: puta, sicut illi qui dicunt quod mundus est aeternus. Inveniuntur aliqui qui student in philosophia, et dicunt aliqua quae non sunt vera secundum fidem; et cum dicitur eis quod hoc repugnat fidei, dicunt quod philosophus dicit hoc, sed ipsi non asserunt: imo solum recitant verba philosophi. Talis est falsus propheta, sive falsus doctor, quia idem est dubitationem movere et eam non solvere quod eam concedere; quod signatur in Ex 21, 33, 34, ubi dicitur quod si aliquis foderit puteum, et aperuerit cisternam, et non cooperuerit eam, veniat bos vicini sui, et cadat in cisternam, ille qui aperuerit cisternam teneatur ad ejus restitutionem. Ille cisternam aperuit, qui dubitationem movet de his quae faciunt ad fidem. Cisternam non cooperit, qui dubitationem non solvit, etsi habeat intellectum sanum et limpidum, et non decipiatur. Alter tamen qui intellectum non habet ita limpidum bene decipitur, et ille qui dubitationem movit tenetur ad restitutionem, quia per eum ille cecidit in foveam. Videte tam multi fuerunt philosophi et multa dixerunt de his quae pertinent ad fidem, et vix invenietis duos concordare in unam sententiam; et quicumque aliquid veritatis dixit, non dixit eam sine admixtione falsitatis. Plus scit modo una vetula de his quae ad fidem pertinent, quam quondam omnes philosophi. Legitur quod Pythagoras primo fuit pugil; audivit magistrum disputantem de immortalitate animae, et disserentem quod anima esset immortalis; et in tantum allectus est quod dimissis omnibus dedit se studio philosophiae. Sed quae vetula est hodie quae non sciat quod anima est immortalis? Multo plus potest fides quam philosophia: unde si philosophia contrariatur fidei, non est accipienda. Unde apostolus ad Col. 2, 8 et 19: videte ne quis vos decipiat per philosophiam falsam, aut inanem gloriam vos seducat volens quae non vidit, ambulans frustra inflato spiritu carnis suae, non tenens caput, idest Christum. Alii sunt falsi prophetae ex falsa intentione. Sed quae est vera intentio prophetae? Certe utilitas populi. Unde apostolus 1 Cor. 14, 13: qui prophetat, hominibus loquitur ad aedificationem, exortationem et consolationem. Ad aedificationem ut homines reddat devotos; ad exortationem ut eos in bonis operibus reddat promptos; ad consolationem ut eos reddat in illis patientes. Si alius doctrina sua quaerat aliud quam utilitatem populi, falsus propheta est. Qui est episcopus suscipit officium regiminis et praedicationis, et debet quaerere utilitatem populi; si vero aliud quaerat quam lucrum episcopale aut inanem gloriam, falsus propheta est, quia non servat intentionem rectam. Unde dicit Chrysostomus quod multi sacerdotes non curant quomodo populus vivat, sed quomodo offerat. Unde conqueritur dominus in Ez 13, 19: violant me propter pusillum hordei et fragmen panis. Contra quos dicit apostolus 2 Cor. 2, 17: non enim sumus sicut plurimi serentes verbum Dei. Et dicit Gregorius quod adulterinae cogitationis reus est, si placere oculis sponsae quaerit per quem sponsus sponsae dona transmittit. Adulter in muliere non quaerit generare prolem, sed quaerit tantum corporalem delectationem. Similiter ille adulterat verbum Domini qui non quaerit generare prolem spiritualem, sed solum quaerit lucrum temporale aut inanem gloriam. Item sunt aliqui falsi prophetae per malam vitam, sicut quando quis aliter docet, et aliter vivit: tunc doctrina ejus non est accepta. Et propter hoc Christus coepit facere et docere. Et in Luca dicitur 1, 10: sicut locutus est per os sanctorum, qui a saeculo sunt prophetae ejus: quasi dicat: prophetae per quos Dominus loquitur debent esse sancti, sed (sunt) de quibus conqueritur dominus per Jr 23, 11: sacerdotes, inquit, et prophetae polluti sunt, in domo mea vidi malum eorum. Rogemus Dominum et cetera.

 

Pars 3

Attendite a falsis, pars 3 Attendite a falsis prophetis et cetera. Dictum est hodie de hostibus populi Christiani, scilicet de falsis prophetis; nunc videndum est quomodo insidiantur nobis. Apostolus autem ad Corinth. aperit eorum insidias. Et similiter Dominus in Evangelio cum dicit: attendite a falsis prophetis qui veniunt ad vos in vestimentis ovium et cetera. In quo hypocrisis intelligitur, quia latibulum falsorum prophetarum latibulum est hypocrisis. Unde apostolus ad Tm. 4, 1: spiritus manifeste dicit: in novissimis diebus venient illusores discedentes a fide attendentes spiritibus erroris, et doctrinis Daemoniorum loquentium in hypocrisi mendacium. Si quis consideret vitam et mores, videbuntur sibi boni, qui austeram vitam ducunt a conjugiis et cibis delicatis abstinent, sed attendunt spiritibus erroris et doctrinis Daemoniorum. Attendatis quid est quod dicit: qui veniunt ad vos in vestimentis ovium, Mt. 7, 15; oves sunt Christi fideles qui Christo obediunt. Unde in Jn. 10, 27: oves meae vocem meam audiunt. Nostra caula ovium sunt imitatores Christi. Apostolus ita dicit Ep. 4, 23: renovamini in spiritu mentis vestrae, et induite novum hominem, qui secundum Deum creatus est, in justitia et sanctitate veritatis. Duo tangit hic: quia justitia videtur pertinere ad proximos exterius, et sanctitas veritatis ad interiorem animae dispositionem. Unde impletur illud Pr. 31, 21: omnes domestici ejus vestiti sunt duplicibus. Scilicet virtutibus animae internis et bonis operibus externis. Verum est quod si falsi prophetae utramque vestem haberent, oves Christi essent. Per vestes exteriores homo accedit ad homines: et per hoc quod dicit, veniunt ad vos in vestimentis ovium, intelligitur quod assumunt opera exteriora per quae veniunt ad vos, quia per interiora opera accedunt ad Dominum. Et notandum quod quadruplex est vestis ovium Christi; scilicet latriae, justitiae, poenitentiae et innocentiae. In nomine vestis latriae est vestis divini cultus, quam oves Christi habent in hoc quod intendunt cultui divino. Istam vestem recipiunt oves Christi in Baptismo. Unde apostolus ad Ga 3, 17: omnes qui in Christo baptizati estis, Christum induistis. Istam vestem induunt oves Christi quando intendunt orationi. Unde in Ecclesiastico 50, 12: in ascensu altaris incensi gloriam dedit Deo. Istam vestem assumunt hypocritae propter duo; scilicet propter inanem gloriam, et propter lucrum. Propter inanem gloriam assumunt eam publice et manifeste orando. Unde in Evangelio Mt. 6, 4: qui amant in synagogis et angulis platearum orare, ut videantur ab hominibus, et in synagogis, idest publice: sed numquid est id malum cum scribatur: benedicite Domino omnes Angeli ejus? Dicit Chrysostomus quod non tantum tangit locum quam animum. In occulto orat qui animum non ad homines sed ad Deum habet. Si solus oraret quis in camera et vellet videri ab hominibus, publice oraret. Quid igitur prohibetur? Scilicet ne homines animum habeant ad hoc quod videantur ab hominibus orare: ab hoc vitandum est Christianis. Unde Chrysostomus: orans nihil novum faciat ut ab hominibus videri possit in clamando, neque pectus percutiendo, neque manus elevando: sed si oras in societate sicut alii, in secreto oras: novos autem gestus et modos quaerere pertinet ad hoc quod dicit in synagogis orare. Debet homo in orando conformis esse aliis, non novos modos quaerere, sicut hypocritae qui publice orant propter inanem gloriam, et item orant publice propter lucrum. Unde in Evangelio Mt. 23, 14: vae vobis, Scribae et Pharisaei, qui devoratis domum viduarum, orantes longas orationes, scilicet qui orant propter hoc ut lucrum acquirant. Aliqui turpissimo quaestu lucrum quaerunt a mulierculis, orant longas orationes, ut eas reddant devotas, et ab eis dona recipiant. Sed numquid malum est prolixe orare? Respondit Augustinus et dicit: absit ab oratione multa loquutio; sed non desit multa precatio, si fervens perseveret intensio; nam hoc negotium plerumque plus gemitibus quam sermonibus agitur, plus fletu, quam affatu. Alia est vestis ovium Christi, quae est justitia et misericordia; de qua Jb 29, 14 - 16: indutus justitia sicut vestimento. Oculus fui caeco, et pes claudo, pater fui pauperum. Istam vestem assumunt hypocritae semper. Unde in Evangelio Mt. 6, 1 - 2: attendite ne justitiam faciatis coram hominibus, ut videamini ab eis: et cum facis eleemosynam noli tuba canere sicut hypocritae faciunt. Chrysostomus dicit quod tuba est omnis actus vel sermo per quem jactantia demonstratur: verbi gratia, das eleemosynam sed non dares eam nisi honestiori personae quae tibi retribuere potest, tuba est. Item vis occulte dare eleemosynam ut laudabiliter videatur, tuba est. Tertia vestis ovium Christi est poenitentia. Ps. 68, 12: posui vestimentum meum Cilicium. Ista veste, scilicet simulatae poenitentiae et austerae vitae, utuntur hypocritae. Unde in Evangelio Mt. 6, 16: cum jejunatis nolite fieri sicut hypocritae tristes. Exterminant faciem suam ut videantur hominibus jejunare. Hoc quaerunt et hoc appetunt ut videantur hominibus jejunare. Augustinus in hoc capitulo: nam interdum non in solo corporearum rerum nitore, sed etiam in sordibus luti posse esse pompam, et eo perniciosiorem, quod sub nomine servitutis domini decipit. Philosophus dicit quod homo (si) utetur habitu viliori quam exigat ejus status, potest pertinere ad jactantiam. Ista exteriora sunt insignia quaedam. In exercitu quolibet accedens portans signum suum non est praesumptuosus. In quolibet statu debet homo mediocribus esse contentus, nec nimis abjecta quaerere. Unde Augustinus: nec nimis pretiosis, nec nimis vilibus uti debemus. Et quare? Quia in his duobus gloriam quaerere possumus. De ista veste vili dicitur in Za. 13, 14: non operientur ultra pallio saccino, scilicet ut simulentur. Quarta vestis ovium Christi est innocentia, quae est vestis limpida et pulchra, ut in Pr. 31, 25: fortitudo et decor indumentum ejus. Istam vestem, scilicet simulatae pietatis et munditiae assumunt hypocritae. Unde in Evangelio Mt. 23, 27: vae vobis hypocritae qui similes estis sepulchris dealbatis, scilicet quae apparent hominibus dealbata, intrinsecus autem sunt plena ossibus mortuorum et omni spurcitia, idest rapina et immunditia. Et dicit Chrysostomus: quod turpe est apparere, turpius est esse: quod formosum est apparere, formosius est esse. Isti sunt qui veniunt in vestimentis ovium qui non sunt oves, ut illi qui quaerunt lucrum temporale et honores proprios. Unde Augustinus distinguit, et dicit quod alia est persona furis, alia lupi, alia pastoris, et alia mercenarii: quia pastor utilitatem ovium intendit, lupus et fur oves destruit, mercenarius ex ovibus proprium lucrum quaerit. Augustinus: mercenarius est tolerandus, pastor amandus et lupus fugiendus. Pastor amandus et lupus fugiendus: et hoc est quod dicit Evangelium Mt. 7, 15: veniunt ad vos in vestimentis ovium, intrinsecus autem sunt lupi rapaces. Et notandum quod hypocritae comparantur lupis propter tria: quia lupi oves rapiunt, eis non parcunt et eas dispergunt, et in sua malitia perseverant. Primo dico, hypocritae comparantur lupis, quia lupi oves rapiunt, et hypocritae rapiunt bona animae et corporis, ponunt homines in errorem, et persequuntur eos corporaliter, et spoliant rebus. Unde in Ez 22, 27: principes ejus in medio ejus, quasi lupi accipientes praedam ad effundendum sanguinem, ad perdendas animas, et ad avare lucrum sectandum. Secundo hypocritae comparantur lupis, qui nullo modo parcunt. Unde in Ac. 20, 29, dicit apostolus: scio, quod post discessionem meam intrabunt in vos lupi rapaces, non parcentes gregi. Qui hominem interficeret et non parceret ei, dummodo posset lucrari unum denarium, diceretur multum crudelis. Sic faciunt hypocritae. Melior est vita animae quam corporis; et hypocritae ut habeant honores et sequaces, seducunt animas. Tertio hypocritae comparantur lupis, quia tamquam lupi in malitia sua perseverant. Unde in So. 3, 3: judices ejus lupi usque ad vesperam, idest usque in finem. Propter quatuor igitur posita falsi prophetae tamquam lupi sunt cansandi. Sed quo modo deprehenduntur lupi? Ostensum est cum dicitur: ex fructibus eorum cognoscetis eos. Augustinus dicit, quod multi decepti sunt in hoc quod vestimenta ovis computant pro fructibus. Vident aliqui simplices aliquos facere bona opera exteriora et jejunare, orare, et hujusmodi quae sunt vestes ovium, et non sunt vestes eorum propriae: oves autem Christi non debent vestes suas habere odio si lupi eis se tegant. Sed qui sunt fructus ovium? Proprie possumus dicere quod sunt quatuor fructus ovium, ex quibus deprehenduntur lupi, seu hypocritae. Primus consistit in affectione, secundus in intentione, tertius in operatione, et quartus in tribulatione. Primus est cordis, secundus oris, et tertius operis, et quartus patientiae et fortitudinis. Primo dico, oves Christi, sive sancti, habent proprium fructum cordis, qui est amor Dei et proximi. Unde apostolus Ga. 5, 22: fructus autem Spiritus, gaudium, caritas et pax. Sed hypocritae alium fructum habent, scilicet ambitionis, quia honores amant. Unde Is. 10, 22: visitabo super fructum magnifici cordis regis Assur. Hypocritae amant primos recumbitos in coenis, et primas cathedras in synagogis. Si aliquis vult praefigi honori ostendat exterius humilitatem, tunc vestis non respondet fructui. Alius fructus ovium Christi (est) in locutione, quia boni loquuntur bonum, et de bono. Unde apostolus ad He.: per ipsum offeramus hostiam, fructum labiorum confitentium nomini ejus. Si aliquis dicat aliquid quod dissonat ejus operibus, non habet vestes similes fructui. Unde in Pr. 18, 20: de fructu oris viri replebitur venter ejus. Difficile est quod cor plenum invidia non eructet quandoque aliquid ex illo, quia ex abundantia cordis os loquitur. Unde Gregorius: pravi dum recta praedicant, valde difficile est ut quandoque et ea quae tacite ambiunt non eructent. Tertius fructus ovium Christi ex quo deprehenduntur hypocritae, est bonae operationis, quia in bonis est fructus bonus. Apostolus Rm. 1, 13: habetis fructum in sanctificatione. In malis autem fructus est malus. Unde in Pr. 10, 16: fructus impii ad peccatum, idest ad operationem peccati. Augustinus in quodam sermone dicit: qui sub perfectione Christianitatis insolito squallore aut sordibus in se oculos hominum convertit, cum id voluntate faciat, non necessitate patiatur, ex ceteris ejus operibus cognosci potest utrum id ad contemptum ornatioris habitus aut ambitione faciat. Quandoque potest contingere ex humilitate quod homo splendidum habitum accipiat, quandoque autem ex ambitione. Considera in aliis ejus operibus, si in illis contemptus ambitionis, tunc ex humilitate facit. Dicit, ex operibus ejus cognosci potest; quia qui vile habitum portant ex una parte, et alia parte proferunt signa poenitentiae et mansuetudinis, oves Christi sunt. Si non; simulatores sunt. Unde facile, inquit, hypocritae deprehendi possunt. Viam per quam jussi sumus ambulare laboriosa est. Hypocritae laborare non eligunt. Item hypocritae ostendunt se mites, sed cum occasionem habent persequendi, tunc maxime persequuntur. Unde Gregorius: si qua vero fidei tentatio erumpat, statim lupi mens rabida habitu se ovinae pellis expoliat; quantumque contra bonos saeviat persequens demonstrat. Quartum signum quo deprehenduntur hypocritae est tempore tribulationis. Unde in Pr. 15, 6: pro fructibus impii conturbatio; doctrina viri per prudentiam noscitur. Augustinus in sermone Domini de monte dicit de hypocritis: cum coeperint, inquit, aliquibus tentationibus subtrahi vel negari quae isto velamine consequuti sunt, vel consequi cupiunt, necesse est appareat utrum lupus in pelle ovina sit, aut ovis in sua. Propter hoc dicit apostolus 2 Tm. 2, 21: si quis se emendaverit ab istis, scilicet peccatis, erit vas ad honorem paratum omnino: quod nobis praestare dignetur qui cum patre et cetera.

 



 

 

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