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Regnum Galliae Regnum Mariae

Saint André apôtre

30 Novembre 2021 , Rédigé par Ludovicus

Saint André apôtre

Collecte

Seigneur, nous demandons avec supplication à votre majesté, que, de même que votre Eglise a eu pour l’enseigner et la gouverner votre bienheureux Apôtre André, nous l’ayons comme perpétuel intercesseur auprès de vous.

Office

AU PREMIER NOCTURNE.

De l’Épître de l’Apôtre saint Paul aux Romains.
Première leçon. La fin de la loi est le Christ, pour justifier tout croyant. Aussi Moïse a écrit que l’homme qui accomplira la justice qui vient de la loi y trouvera la vie. Mais pour la justice qui vient de la foi, il en parle ainsi : Ne dis point en ton cœur : Qui montera au ciel ? C’est-à-dire pour en faire descendre le Christ : Ou qui descendra dans l’abîme ? C’est-à-dire pour rappeler le Christ d’entre les morts. Mais que dit l’Écriture ? Près de toi est la parole, dans ta bouche et dans ton cœur ; c’est la parole de la foi que nous annonçons. Parce que si tu confesses de bouche le Seigneur Jésus, et si en ton cœur tu crois que Dieu l’a ressuscité d’entre les morts, tu seras sauvé.
Deuxième leçon. Car on croit de cœur pour la justice, et on confesse de bouche pour le salut. En effet, l’Écriture dit : Quiconque croit en lui ne sera point confondu. Attendu qu’il n’y a point de distinction de Juif et de Grec, parce que c’est le même Seigneur de tous, riche pour tous ceux qui l’invoquent. Car quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé. Mais comment invoqueront-ils celui en qui ils n’ont point cru ? Ou comment croiront-ils à celui qu’ils n’ont pas entendu ? Et comment entendront-ils, si personne ne les prêche ? Et comment prêchera-t-on, si on n’est pas envoyé ? Comme il est écrit : Qu’ils sont beaux, les pieds de ceux qui annoncent la paix, qui annoncent le bonheur.
Troisième leçon. Mais tous n’obéissent pas à l’Évangile. C’est pourquoi Isaïe a dit : Seigneur, qui a cru ce qu’il a ouï de nous ? La foi donc vient par l’audition, et l’audition par la parole du Christ. Cependant, je le demande : Est-ce qu’ils n’ont pas entendu ? Certes, leur voix a retenti par toute la terre, et leurs paroles jusqu’aux extrémités de monde. Je demande encore : Est-ce qu’Israël ne l’a point connu ? Moïse, le premier, a dit : Je vous rendrai jaloux d’un peuple qui n’en est pas un ; je vous mettrai en colère contre une nation insensée. Mais Isaïe ne craint pas de dire : J’ai été trouvé par ceux qui ne me cherchaient pas, je me suis montré à ceux qui ne me demandaient pas. Et à Israël, il dit : Tous les jours j’ai tendu les mains à ce peuple incrédule et contredisant.
 

AU DEUXIÈME NOCTURNE.
Quatrième leçon. L’apôtre André naquit à Bethsaïde, qui est un bourg de Galilée ; il était frère de Pierre et disciple de Jean-Baptiste. Ayant entendu celui-ci dire du Christ : « Voici l’Agneau de Dieu », il suivit Jésus et lui amena son frère. Dans la suite, tandis qu’il péchait avec son frère dans la mer de Galilée, ils furent tous deux appelés, avant les autres Apôtres, par le Seigneur qui, passant sur le rivage, leur dit : « Suivez-moi, je vous ferai devenir pêcheurs d’hommes. » Sans aucun retard, ils laissèrent leurs filets et le suivirent. Après la passion et la résurrection de Jésus-Christ, André alla prêcher la foi chrétienne dans la Scythie d’Europe, cette province lui étant échue en partage ; il parcourut ensuite l’Épire et la Thrace, et, par ses prédications et ses miracles, il convertit à Jésus-Christ une multitude innombrable de personnes. Parvenu à Patras, ville d’Achaïe, où il fit embrasser à beaucoup de monde la vérité de l’Évangile, il s’adressa avec une courageuse liberté au proconsul Égée, qui résistait à la prédication de l’Évangile, reprochant à cet homme, qui voulait qu’on le reconnût comme juge de ses semblables, de se laisser tromper par les démons au point de méconnaître le Christ Dieu, juge de tous les hommes.
Cinquième leçon. Alors Égée, irrité, lui dit : « Cesse de vanter le Christ, que des propos analogues n’ont pu empêcher d’être crucifié par les Juifs. » Comme André continuait néanmoins à prêcher généreusement Jésus-Christ, démontrant qu’il s’était offert lui-même à la croix pour le salut du genre humain, Égée l’interrompit par un discours impie et l’engagea à conserver sa vie en sacrifiant aux dieux. André lui répondit : « Pour moi, il est un Dieu tout-puissant, seul et vrai Dieu, auquel je sacrifie tous les jours sur l’autel, non les chairs des taureaux ni le sang des boucs, mais l’Agneau sans tache. Quand tout le peuple des croyants a participé à sa chair, l’Agneau qui a été immolé, n’en demeure pas moins entier et plein de vie. » Égée, enflammé de colère, ordonna de jeter l’Apôtre en prison. Le peuple en eût facilement délivré André, si lui-même n’eût apaisé la foule, la suppliant avec instance de ne pas l’empêcher d’arriver à la couronne tant désirée du martyre.
Sixième leçon. Peu de temps après, étant amené devant le tribunal, comme il exaltait le mystère de la croix et reprochait au proconsul son impiété, celui-ci, ne pouvant le supporter plus longtemps, commanda qu’on le mit en croix et qu’on lui fît imiter ta mort du Christ. Arrivé au lieu du martyre, et apercevant de loin la croix, André s’écria : « O bonne croix, qui as tiré ta gloire des membres du Seigneur ! Croix, longtemps désirée, ardemment aimée, cherchée sans relâche, et enfin préparée à mes ardents désirs, retire-moi d’entre les hommes, et rends-moi à mon Maître, afin que par toi me reçoive celui qui par toi m’a racheté. » Il fut donc attaché à la croix, et y resta suspendu vivant pendant deux jours, sans cesser de prêcher la loi du Christ ; après quoi, il s’en alla à celui dont il avait souhaité d’imiter la mort. Les Prêtres et les Diacres d’Achaïe, qui ont écrit son supplice, attestent qu’ils ont entendu et vu toutes ces choses, ainsi qu’ils les ont racontées. Ses ossements furent transportés, sous le règne de l’empereur Constance, à Constantinople, et plus tard à Amalfi. Son chef fut apporté à Rome, sous le pontificat de Pie II, et placé dans la basilique de Saint-Pierre.
 

AU TROISIÈME NOCTURNE.

De l’Homélie de S. Grégoire, Pape.

Septième leçon. Vous avez entendu, mes très chers frères, qu’au premier appel de la voix, Pierre et André laissèrent leurs filets et suivirent le Rédempteur. Ils ne lui avaient vu faire encore aucun miracle, ils ne lui avaient rien ouï dire du bienfait d’une récompense éternelle, et cependant, au premier ordre du Seigneur, ils oublient et abandonnent ce qu’ils possèdent. Et nous, combien ne voyons-nous pas de ses miracles, par combien d’épreuves ne sommes-nous pas instruits, par combien de menaces ne sommes-nous pas détournés du péché ? Et cependant nous méprisons l’appel du Seigneur.
Huitième leçon. Celui qui nous exhorte à la conversion est déjà dans les cieux ; déjà il a courbé les Gentils sous le joug de la foi, déjà il a confondu la gloire du monde, déjà il nous annonce, par les ruines qui deviennent si fréquentes, l’approche du jour de son rigoureux jugement ; et néanmoins, notre esprit superbe ne consent pas encore à abandonner de plein gré ce qu’il perd tous les jours malgré lui. Que dirons-nous, mes très chers frères, que dirons-nous, le jour où il nous jugera, nous qui ne pouvons être détournés de l’amour du siècle présent par les préceptes du Seigneur, ni corrigés par ses châtiments ?
Neuvième leçon. Mais quelqu’un dira peut-être dans le secret de sa pensée : Qu’ont-ils quitté à la voix du Seigneur, ces deux pêcheurs qui n’avaient presque rien ? En cela, mes très chers frères, nous devons plutôt considérer l’affection de la volonté que la valeur de la chose, il quitte beaucoup, celui qui ne garde rien pour lui ; il quitte beaucoup, celui qui abandonne tout, quelque peu qu’il possède. Nous, au contraire, nous possédons avec attachement les choses que nous avons, et nous recherchons par nos désirs celles que nous n’avons pas. Pierre et André ont donc abandonné beaucoup quand l’un et l’autre ont renoncé au désir même de posséder.

Cette fête est destinée, chaque année, à clore majestueusement le Cycle catholique qui s’éteint, ou à briller en tête du nouveau qui vient de s’ouvrir. Certes, il était juste que, dans l’Année Chrétienne, tout commençât et finît par la Croix, qui nous a mérité chacune des années qu’il plaît à la miséricorde divine de nous octroyer, et qui doit paraître au dernier jour sur les nuées du ciel, comme un sceau mis sur les temps.

Nous disons ceci, parce que tout fidèle doit savoir que saint André est l’Apôtre de la Croix. A Pierre, Jésus-Christ a donné la solidité de la Foi ; à Jean, la tendresse de l’Amour ; André a reçu la mission de représenter la Croix du divin Maître. Or, c’est à l’aide de ces trois choses, Foi, Amour et Croix, que l’Église se rend digne de son Époux : tout en elle retrace ce triple caractère. C’est donc pour cela qu’après les deux Apôtres que nous venons de nommer, saint André est l’objet d’une religion toute particulière dans la Liturgie universelle.

Mais lisons les gestes de l’héroïque pêcheur du lac de Génésareth, appelé à devenir plus tard le successeur du Christ lui-même, et le compagnon de Pierre sur l’arbre de la Croix. L’Église les a puisés dans les anciens Actes du Martyre du saint Apôtre, dressés parles prêtres de l’Église de Patras, qu’il avait fondée. L’authenticité de ce monument vénérable a été contestée par les Protestants, qui y trouvent plusieurs choses qui les contrarient ; en quoi ils ont été imités par plusieurs critiques des XVIIe et XVIIIe siècles, tant en France qu’à l’étranger. Néanmoins, ces Actes ont pour eux un bien plus grand nombre d’érudits catholiques, parmi lesquels nous nous plaisons à citer, à côté du grand Baronius, Labbe, Noël Alexandre, Galland, Lumper, Morcelli, etc. Toutes les Églises de l’Orient et de l’Occident, qui ont inséré ces Actes dans leurs divers Offices de saint André, sont bien aussi de quelque poids, ainsi que saint Bernard, qui a bâti sur eux ses trois beaux Sermons sur saint André.

C’est vous, ô bienheureux André ! que nous rencontrons le premier aux abords de ce chemin mystique de l’Avent où nous marcherons bientôt, cherchant notre divin Sauveur Jésus-Christ ; et nous remercions Dieu de ce qu’il a bien voulu nous ménager une telle rencontre. Quand Jésus, notre Messie, se révéla au monde, vous aviez déjà prêté une oreille docile au saint Précurseur qui annonçait son approche, et vous fûtes des premiers parmi les mortels à confesser, dans le fils de Marie, le Messie promis dans la Loi et les Prophètes. Mais vous ne voulûtes pas rester seul confident d’un si merveilleux secret, et bientôt vous fîtes part de la Bonne Nouvelle à Pierre votre frère, et vous l’amenâtes à Jésus.

Saint Apôtre, nous aussi nous désirons le Messie, le Sauveur de nos âmes ; puisque vous l’avez trouvé, daignez donc aussi nous amener à lui. Nous mettons sous votre protection cette sainte carrière d’attente et de préparation qu’il nous reste à traverser, jusqu’au jour où ce Sauveur si attendu paraîtra dans le mystère de sa merveilleuse Naissance. Aidez-nous à nous rendre dignes de le voir au milieu de cette nuit radieuse où il apparaîtra. Le baptême de la pénitence vous prépara à recevoir la grâce insigne de connaître le Verbe de vie ; obtenez-nous d’être vraiment pénitents et de purifier nos cœurs, durant ce saint temps, afin que nous puissions contempler de nos yeux Celui qui a dit : Heureux ceux qui ont le cœur pur, parce qu’ils verront Dieu.

Vous êtes puissant pour introduire les âmes auprès du Seigneur Jésus, ô glorieux André ! Puisque celui-là même que le Seigneur devait établir Chef de tout le troupeau, fut présenté par vous à ce divin Messie. Nous ne doutons pas que le Seigneur n’ait voulu, en vous appelant à lui en ce jour, assurer votre suffrage aux chrétiens qui cherchant de nouveau, chaque année, Celui en lequel vous vivez à jamais, viennent vous demander la voie qui conduit à lui.

Cette voie, vous nous l’enseignez, est la voie de la fidélité, de la fidélité jusqu’à la Croix. Vous y avez marché avec courage ; et parce que la Croix conduit à Jésus-Christ, vous avez aimé la Croix avec passion. Priez, ô saint Apôtre ! Afin que nous comprenions cet amour de la Croix ; afin que, l’ayant compris, nous le mettions en pratique. Votre frère nous dit dans son Epître : Puisque le Christ a souffert dans la chair, armez-vous, mes frères, de cette pensée. (I Petr. 4, 1.) Vous, ô bienheureux André ! Vous nous présentez aujourd’hui le commentaire vivant de cette maxime. Parce que votre Maître a été crucifié, vous avez voulu l’être aussi. Du haut de ce trône où vous vous êtes élevé par la Croix, priez donc, afin que la Croix soit pour nous l’expiation des péchés qui nous couvrent, l’extinction des flammes mondaines qui nous brûlent, enfin, le moyen de nous unir par l’amour à Celui que son amour seul y a attaché.

Mais, quelque importantes et précieuses que soient pour nous les leçons de la Croix, souvenez-vous, ô grand Apôtre ! Que la Croix est la consommation, et non le principe. C’est le Dieu enfant, c’est le Dieu de la crèche qu’il nous faut d’abord connaître et goûter ; c’est l’Agneau de Dieu que vous désigna saint Jean, c’est cet Agneau que nous avons soif de contempler. Le temps qui va s’ouvrir est celui de l’Avent, et non celui de la dure Passion du Rédempteur. Fortifiez donc notre cœur pour le jour du combat ; mais ouvrez-le en ce moment à la componction et à la tendresse. Nous plaçons sous votre patronage le grand œuvre de notre préparation à l’Avènement du Christ en nos cœurs.

Souvenez-vous aussi, bienheureux André, de la sainte Église dont vous êtes une des colonnes, et que vous avez arrosée de votre sang ; levez vos mains puissantes pour elle, en présence de Celui pour lequel elle milite sans cesse. Demandez que la Croix qu’elle porte en traversant ce monde soit allégée, et priez aussi afin qu’elle aime cette Croix, et qu’elle y puise sa force et son véritable honneur. Souvenez-vous en particulier de la sainte Église Romaine, Mère et Maîtresse de toutes les autres, et lui obtenez la victoire et la paix par la Croix, à cause du tendre amour qu’elle vous porte. Visitez de nouveau, dans votre Apostolat, l’Église de Constantinople, qui a perdu la vraie lumière avec l’unité, parce qu’elle n’a pas voulu rendre hommage à Pierre, votre frère, que vous avez honoré comme votre Chef, pour l’amour de votre commun Maître. Enfin, priez pour le royaume d’Écosse, qui depuis trois siècles a oublié votre douce tutelle ; obtenez que les jours de l’erreur soient abrégés, et que cette moitié de l’Ile des Saints rentre bientôt, avec l’autre, sous la houlette de l’unique Pasteur.

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Neuvaine pour la préparation de la fête de l'Immaculée Conceptio

29 Novembre 2021 , Rédigé par Ludovicus

Neuvaine pour la préparation de la fête de l'Immaculée Conceptio

On récite traditionnellement cette neuvaine du 29 novembre au 7 décembre afin de se préparer à la fête de l’Immaculée Conception.

Vierge très sainte, qui avez plu au Seigneur et êtes devenue sa mère, vierge immaculée dans votre corps, dans votre âme, dans votre foi, et dans votre amour, de grâce, regardez avec bienveillance les malheureux qui implorent votre puissante protection.

Le serpent infernal, contre lequel fut jetée la première malédiction, continue, hélas  à combattre et à tenter les pauvres fils d’Ève.

Ô vous, notre Mère bénie, notre Reine et notre Avocate, vous qui avez écrasé la tête de l’ennemi dès le premier instant de votre conception, accueillez nos prières, et,nous vous en conjurons, unis à vous en un seul cœur présentez-les devant le trône de Dieu, afin que nous ne nous laissions jamais prendre aux embûches qui nous sont tendues, mais que nous arrivions tous au port du salut, et qu’au milieu de tant de périls, l’Église et la société chrétienne chantent encore une fois l’hymne de la délivrance, de la victoire et de la paix.

Ainsi soit-il.

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I er dimanche de l’Avent

28 Novembre 2021 , Rédigé par Ludovicus

I er dimanche de l’Avent

Introït

Vers vous l’élan de mon âme, ô mon Dieu ! En vous ma confiance : que je n’aie pas à en rougir et que mes ennemis ne puissent pas se moquer de moi car ceux qui comptent sur votre venue ne seront pas déçus. Montrez-moi votre chemin, Seigneur, et apprenez-moi à le suivre.

Collecte

Réveillez votre puissance, Seigneur et venez, pour que, dans le grand péril où nous sommes à cause de nos péchés, nous puissions trouver en vous le défenseur qui nous délivre et le libérateur qui nous sauve.

Épître Rm. 13, 11–14

Mes Frères : vous savez en quel temps nous sommes : c’est l’heure de nous réveiller enfin du sommeil ; car maintenant le salut est plus près de nous que lorsque nous avons embrassé la foi. La nuit est avancée, et le jour approche. Dépouillons-nous donc des œuvres des ténèbres et revêtons les armes de la lumière. Marchons honnêtement, comme en plein jour, ne nous laissant point aller aux excès de la table et du vin, à la luxure et à l’impudicité, aux querelles et aux jalousies. Mais revêtez-vous du Seigneur Jésus-Christ, et ne prenez pas soin de la chair, de manière à en exciter les convoitises.

Évangile Lc. 21, 25–33

En ce temps là, Jésus dit à ses disciples : « Il y aura des signes dans le soleil, dans la lune et dans les astres, et, sur la terre, une angoisse des nations inquiètes du fracas de la mer et de son agitation, les hommes expirant de frayeur et d’anxiété pour ce qui doit arriver à l’univers, car les puissances des cieux seront ébranlées. Alors on verra le Fils de l’homme venant dans une nuée avec grande puissance et grande gloire. Quand ces choses commenceront à arriver, redressez-vous et relevez la tête, parce que votre délivrance approche ». Et il leur dit une parabole : « Voyez le figuier et tous les arbres : quand déjà ils bourgeonnent, à cette vue vous savez de vous-mêmes que déjà l’été est proche. Ainsi, quand vous verrez ces choses arriver, sachez que le royaume de Dieu est proche. Je vous le dis, en vérité, cette génération ne passera point que toutes ces choses ne soient arrivées. Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront point. »

Offertoire

Vers vous l’élan de mon âme, ô mon Dieu ! En vous ma confiance : que je n’aie pas à en rougir et que mes ennemis ne puissent pas se moquer de moi car ceux qui comptent sur votre venue ne seront pas déçus.

Secrète

Seigneur, que ces offrandes sacrées exercent leur pouvoir pour nous purifier, et nous fassent approcher plus purs de Celui qui les a créées.

Postcommunion

Puissions-nous, Seigneur, recevoir au milieu de votre temple votre miséricorde : et préparer avec toute la solennité qui convient les fêtes prochaines de notre rédemption.

Office

Au deuxième nocturne.

Sermon de saint Léon, Pape.

Quatrième leçon. Le Sauveur, instruisant ses disciples au sujet de l’avènement du royaume de Dieu, ainsi que de la fin du monde et des temps, et, en la personne de ses Apôtres, instruisant toute son Église, leur dit : « Faites attention, de peur que vos cœurs ne s’appesantissent dans l’excès du manger et du boire et les soins de cette vie. « Nous savons, très chers, que ce précepte nous regarde tout spécialement, puisque l’on ne doute guère que ce jour annoncé, quoique encore caché, ne soit bien proche.
Cinquième leçon. Il convient que tout homme se prépare à l’avènement du Sauveur ; de crainte qu’il ne le trouve livré à la gourmandise, ou embarrassé dans les soucis du siècle. Il est prouvé, par une expérience de tous les jours, que la vivacité de l’esprit s’altère par l’excès du boire, et que l’énergie du cœur est affaiblie par une trop grande quantité d’aliments. Le plaisir de manger peut devenir nuisible, même à la santé du corps, si la raison et la tempérance ne le modèrent, ne résistent à l’attrait, et ne retranchent au plaisir ce qui serait superflu.
Sixième leçon. Car, bien que, sans l’âme, la chair ne désirerait rien, et que c’est d’elle qu’elle reçoit la sensibilité, comme elle en reçoit le mouvement, il est cependant du devoir de cette âme de refuser certaines choses à la substance matérielle qui lui est assujettie. Par un jugement intérieur, elle doit tenir ses sens extérieurs éloignés de ce qui ne lui convient pas, afin qu’étant presque constamment détachée des désirs corporels, elle puisse vaquer à l’étude de la sagesse divine dans le palais de l’intelligence, où le bruit des sollicitudes terrestres ne se faisant plus entendre, elle se réjouit dans des méditations saintes, à la pensée des délices éternelles.

Au troisième nocturne.

Homélie de saint Grégoire, Pape.

Septième leçon. Notre Seigneur et Rédempteur, désirant nous trouver prêts, nous annonce les maux qui doivent accompagner la vieillesse du monde, pour nous détourner de son amour. Il nous fait connaître les maux qui précéderont sa fin prochaine, afin que, si nous ne voulons pas craindre Dieu dans la tranquillité, nous redoutions au moins son prochain jugement et soyons comme atterrés par les coups de sa justice.
Huitième leçon. Un peu avant le’ passage du saint Évangile que votre fraternité a entendu tout à l’heure, le Seigneur a dit d’abord : « Une nation se soulèvera contre une nation, un royaume contre un royaume. Il y aura de grands tremblements de terre en divers lieux, et des pestes et des famines. » Et, un peu plus loin, il ajoute ce que vous venez également d’entendre : « II y aura des signes dans le soleil, dans la lune et dans les étoiles, et, sur la terre, la détresse des nations, à cause du bruit confus de la mer et des flots. » De toutes ces choses, les unes, nous les voyons déjà accomplies, les autres, nous craignons de les voir arriver bientôt.
Neuvième leçon. Que les nations se soulèvent les unes contre les autres, que la consternation soit parmi les peuples, nous le voyons à notre époque, plus que jamais on ne le vit autrefois. Que des tremblements de terre renversent des villes innombrables en d’autres parties du monde, vous savez combien de fois nous l’avons entendu dire. La peste ne cesse de nous affliger. Quant aux signes dans le soleil, la lune et les étoiles, jusqu’ici nous n’en voyons pas ; mais, le changement que nous remarquons dans l’atmosphère, nous permet de présumer qu’ils ne tarderont pas à se manifester.
 

Ce Dimanche, le premier de l’Année Ecclésiastique, est appelé, dans les chroniques et les chartes du moyen âge, le Dimanche Ad te levavi, à cause des premiers mots de l’Introït, ou encore le Dimanche Aspiciens a longe, à cause des premières paroles d’un des Répons à l’Office de Matines.

ÉPÎTRE.

Le Sauveur que nous attendons est donc le vêtement qui couvrira notre nudité. Admirons en cela la bonté de notre Dieu, qui, se souvenant que l’homme s’était caché après son péché, parce qu’il se sentait nu, veut bien lui servir lui-même de voile, et couvrir une si grande misère du manteau de sa divinité. Soyons donc attentifs au jour et à l’heure où il, viendra, et gardons-nous de nous laisser appesantir par le sommeil de l’habitude et de la mollesse. La lumière luira bientôt ; que ses premiers rayons éclairent notre justice, ou du moins notre repentir. Si le Sauveur vient couvrir nos péchés, afin qu’ils ne paraissent plus, nous, du moins, détruisons dans nos cœurs toute affection à ces mêmes péchés ; et qu’il ne soit pas dit que nous avons refusé le salut. Les dernières paroles de cette Épître se trouvèrent à l’ouverture du livre, quand saint Augustin, pressé depuis longtemps par la grâce divine de se donner à Dieu, voulut obéir à la voix qui lui disait : Tolle, lege ; prends, et lis. Elles décidèrent sa conversion ; il résolut tout à coup de rompre avec la vie des sens et de revêtir Jésus-Christ. Imitons son exemple en ce jour : soupirons ardemment après le cher et glorieux vêtement qui sera bientôt placé sur nos épaules par la miséricorde de notre Père céleste, et répétons avec l’Église ces touchantes paroles dont nous ne devons pas craindre de fatiguer l’oreille de notre Dieu :

ÉVANGILE.

Nous devons donc nous attendre à voir éclater tout à coup votre Avènement terrible, ô Jésus ! Bientôt vous allez venir dans votre miséricorde pour couvrir notre nudité, comme un vêtement de gloire et d’immortalité ; mais vous reviendrez un jour, et avec une si effrayante majesté que les hommes en sécheront de frayeur. O Christ ! ne me perdez pas, en ce jour de l’embrasement universel. Visitez-moi auparavant dans votre amour : je veux vous préparer mon âme. Je veux que vous preniez naissance en elle, afin qu’au jour où les convulsions de la nature annonceront votre approche, je puisse lever la tête, comme vos fidèles disciples, qui, vous portant déjà dans leurs cœurs, ne craindront rien de vos foudres.

 

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L’IMMACULÉE VIERGE MARIE DE LA MÉDAILLE MIRACULEUSE

27 Novembre 2021 , Rédigé par Ludovicus

L’IMMACULÉE VIERGE MARIE DE LA MÉDAILLE MIRACULEUSE

Collecte

Seigneur Jésus-Christ, vous avez voulu glorifier par d’innombrables miracles la très sainte Vierge Marie votre Mère, Immaculée depuis sa conception : faites qu’implorant sans cesse sa protection, nous obtenions les joies éternelles.

Office

Au premier nocturne.

De l’Apocalypse de saint Jean Apôtre. Cap. 12, 1-18.

Première leçon. Un grand signe parut dans le ciel : une femme revêtue du soleil, la lune sous ses pieds, et une couronne de douze étoiles sur sa tête. Elle était enceinte, et elle criait, dans le travail et les douleurs de l’enfantement. Un autre signe parut encore dans le ciel : tout à coup on vit un grand dragon rouge ayant sept têtes et dix cornes, et sur ses têtes, sept diadèmes ; de sa queue, il entraînait le tiers des étoiles du ciel, et il les jeta sur la terre. Puis le dragon se dressa devant la femme qui allait enfanter afin de dévorer son enfant, dès qu’elle l’aurait mis au monde. Or, elle donna le jour à un enfant mâle, qui doit gouverner toutes les nations avec un sceptre de fer ; et son enfant fût enlevé auprès de Dieu et auprès de son trône, et la femme s’enfuit au désert, où Dieu lui avait préparé une retraite, afin qu’elle y fût nourrie pendant mille deux cent soixante jours.

Deuxième leçon. Et il y eut un combat dans le ciel Michel et ses anges combattaient contre le dragon ; et le dragon et ses anges combattaient ; mais ils ne purent vaincre, et leur place même ne se trouva plus dans le ciel. Et il fut précipité, le grand dragon, le serpent ancien, celui qui est appelé le diable et Satan, le séducteur de toute la terre, il fut précipité sur la terre, et ses anges furent précipités avec lui. Et j’entendis dans le ciel une voix forte qui lui disait : « Maintenant le salut, la puissance et l’empire sont à notre Dieu, et l’autorité à son Christ ; car il a été précipité, l’accusateur de nos frères, celui qui les accuse jour et nuit devant notre Dieu. Eux aussi l’ont vaincu par le sang de l’Agneau et par la parole à laquelle ils ont rendu témoignage, et ils ont méprisé leur vie jusqu’à mourir. C’est pourquoi, réjouissez-vous, cieux, et vous qui y demeurez ! Malheur à la terre et à la mer ! car le diable est descendu vers vous, avec une grande fureur, sachant qu’il ne lui reste que peu de temps. »

Troisième leçon. Quand le dragon se vit précipité sur la terre, il poursuivit la femme qui avait mis au monde l’enfant mâle. Et les deux ailes du grand aigle furent données à la femme pour s’envoler au désert, en sa retraite, où elle est nourrie un temps, des temps et la moitié d’un temps, hors de la présence du serpent. Alors le serpent lança de sa gueule, après la femme, de l’eau comme un fleuve, afin de la faire entraîner par le fleuve. Mais la terre vint au secours de la femme ; elle ouvrit son sein et engloutit le fleuve que le dragon avait jeté de sa gueule. Et le dragon fût rempli de fureur contre la femme, et il alla faire la guerre au reste de ses enfants, à ceux qui observent les commandements de Dieu et qui gardent le commandement de Jésus. Et il s’arrêta sur le sable de la mer.

Au deuxième nocturne.

Quatrième leçon. En l’an du Christ mil huit cent trente, selon des témoignages dignes de fois, la sainte Mère de Dieu apparut à une religieuse appelée Catherine Labouré, de la Société des Filles de la Charité de saint Vincent de Paul, et lui ordonna de faire frapper une médaille en l’honneur de son Immaculée Conception. Les indications sur la médaille furent données par une vision portant, sur l’avers, l’image de la Mère de Dieu. Elle y écrase de son pied virginal la tête du serpent, et étend les mains ouvertes sur le globe terrestre placé sous ses pieds et l’éclaire de rayons ; sur le pourtour de la médaille était inscrite cette prière : O Marie conçue sans péché, priez pour nous qui avons recours à vous. Sur le revers devait figurer le saint nom de Marie, dominée par le signe de la croix, ajoutés en dessous les deux Cœurs, l’un couronné d’épines, l’autre percé d’un glaive. La jeune fille obéit aux ordres de la sainte Vierge et des événements apportèrent la preuve des faits divinement connus. A peine la nouvelle médaille fut-elle diffusée dans le peule qu’aussitôt les fidèles commencèrent à la vénérer à l’envi et à la porter, comme un acte de dévotion rendu à la sainte Mère de Dieu, en France d’abord, et bientôt, avec l’approbation des évêques, dans le monde entier. La vénération et la confiance augmentant, de nombreux miracles se produisirent sous le regard de la Vierge, comme des guérisons corporelles et l’arrachement des âmes de la boue des vices.

Cinquième leçon. Parmi ces faits dignes de mémoire, il faut rappeler d’abord ce qui advint à Alphonse Ratisbonne à Rome le treize des calendes de février (20 janvier) 1842, selon le témoignage légitime de l’autorité ecclésiastique. Né à Strasbourg dans une famille juive, Alphonse fit halte à Rome au cours d’un voyage en Orient. Là, il se lia d’amitié avec un homme de la noblesse, revenu de l’hérésie au catholicisme et qui, pris de pitié pour le jeune homme, s’efforça de toute son énergie de l’amener à la vraie religion du Christ. Il n’obtint aucun résultat par ses paroles ; il n’obtint qu’une chose : que le juif porte au cou la médaille miraculeuse. Entre temps, on adressait des prières à la Vierge Immaculée. La Vierge ainsi priée ne fit pas attendre longtemps son secours. En effet, alors qu’il était entré par hasard dans l’église S.-André delle Fratte vers midi, Alphonse trouva soudain le sanctuaire dans l’obscurité, à l’exception de la seule chapelle S.-Michel, d’où brillait une lumière très vive. Alors que, saisi par la peur, il détourna les yeux, voici que la bienheureuse Vierge Marie lui apparut avec un visage d’une grande douceur, et vêtue comme sur la Médaille miraculeuse.

Sixième leçon. Devant la céleste vision Alphonse changea subitement. Submergé alors de larmes, il se mit à haïr le manque de foi des juifs et confessa la vérité de la religion catholique, que peu de temps auparavant il détestait, et l’embrassa de tout son être, alors. Instruit sur les vérités chrétiennes, il reçut quelques jours après le saint baptême, à la joie commune de la Ville. Afin donc que soit rappelée la mémoire de la si douce puissance et générosité que la Mère de Dieu déploie par la Médaille miraculeuse, le pape Léon XIII accorda un Office et une Messe de la Manifestation de la même bienheureuse Vierge.

Au troisième nocturne.

Homélie de St Bernard, Abbé

Septième leçon. « Ils n’ont plus de vin ». Toute bonne et miséricordieuse, elle eut compassion de leur embarras. De la source de la bonté, que pouvait-il sortir d’autre que la bonté ? Oui, quoi d’étonnant à ce que des entrailles de bonté produisent de la bonté ? Qui a tenu un fruit dans sa main durant une demi-journée, n’en gardera-t-il pas le parfum le reste du jour ? Comme la Bonté doit donc avoir imprégné de sa force ces entrailles où elle a reposé durant neuf mois ! D’ailleurs elle avait aussi rempli son esprit avant de remplir ses entrailles et, en sortant de son sein, elle ne s’est pas retirée de son âme. La réponse du Seigneur pourrait peut-être paraître bien dure et bien rude. Mais il savait à qui il parlait et elle, elle n’ignorait pas qui lui parlait ainsi. Enfin, pour que tu saches comment elle accueillit cette réponse, et quelle confiance elle plaçait d’avance dans la bienveillance de son Fils, elle dit aux serviteurs : « Tout ce qu’il vous commandera, faites-le ». Huitième leçon. « Femme, qu’y a-t-il entre toi et moi ? » Ce qu’il y a entre toi et elle, Seigneur ? Mais n’est-ce pas ce qu’il y a entre un fils et sa mère ? Tu demandes ce que tu as à voir avec elle, alors que tu es « le fruit béni de son sein » immaculé ? N’est-ce pas elle qui t’a conçu sans honte, et intacte t’a enfanté ? N’est-ce pas elle dont tu as habité les entrailles pendant neuf mois, « elle dont tu as sucé les mamelles virginales » ? N’est-ce pas « avec elle que, déjà âgé de douze ans, tu es redescendu de Jérusalem, et tu lui étais soumis » ? « Pourquoi donc, Seigneur, la peiner » maintenant en lui demandant : « Qu’y a-t-il entre toi et moi ? » « Il y a beaucoup, et à tous égards ! » Mais je m’aperçois maintenant clairement que ce n’est pas par irritation, ni comme si tu voulais choquer la discrète pudeur de la Vierge, que tu lui as dit : « Qu’y a-t-il entre toi et moi ? » En effet, lorsque les serviteurs viennent te trouver sur l’ordre de ta mère, c’est sans la moindre hésitation que tu accomplis ce qu’elle avait suggéré.

Neuvième leçon. De quoi l’humaine faiblesse pourrait-elle s’alarmer en abordant Marie ? En elle, rien d’austère, rien de terrifiant ; elle est toute suavité, offrant à tous du lait et de la laine. Relis attentivement le texte complet de l’histoire évangélique et si par hasard tu devais rencontrer en Marie quelque acrimonie, quelque dureté, quelque trace enfin de la plus légère indignation, alors, oui, méfie-toi, redoute de l’approcher. Que si, comme il est certain, tu ne trouves en tout ce qui la concerne que plénitude de charme et de tendresse, que comble de mansuétude et de miséricorde, alors dis merci à Celui dont la pitié infiniment douce t’a ménagé une médiatrice telle que rien ne légitime envers elle la moindre défiance. En un mot, elle s’est faite toute à tous, et, dans sa charité débordante, elle s’est rendue l’obligée des sages comme des insensés. A tous elle ouvre des bras miséricordieux, afin que, sans exception, tous reçoivent de sa plénitude : le prisonnier le rachat, le malade la guérison, l’affligé la consolation, le coupable le pardon, le juste la grâce, l’ange la joie ; toute la Trinité enfin, la gloire, et la personne du Fils la substance d’une chair humaine ; nul ainsi « ne se dérobe à sa chaleur » 

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PREMIER DIMANCHE DE L'AVENT

27 Novembre 2021 , Rédigé par Ludovicus

 PREMIER DIMANCHE DE L'AVENT

PREMIER SERMON POUR LE PREMIER DIMANCHE DE L'AVENT

 

Hora est jam nos de somno surgere.

Il est temps désormais que nous nous réveillions de notre sommeil. Rm. XIII, 11.

 

Le croira-t-on, si je le dis, que presque toute la nature humaine est endormie et que, parmi ces empressements et dans cette activité qui paraît principalement à la Cour, la plupart languissent au dedans du cœur dans une mortelle léthargie? Nul ne veille véritablement, que celui qui est attentif à son salut. Et s'il est ainsi, chrétiens, qu'il y en a dans cet auditoire qu'un profond sommeil appesantit ! qu'il y en a qui en prêtant l'oreille n'entendent pas, et ne voient pas en ouvrant les yeux, et qui peut-être malheureusement ne se réveilleront pas encore à mon discours ! C'est l'intention de l’Église de les tirer aujourd'hui de ce pernicieux assoupissement. C'est pourquoi elle nous lit dans les saints mystères de ce jour l'histoire du jugement dernier, lorsque la sature étonnée de la majesté de Jésus-Christ rompra tout le concert de ses mouvements, et qu'on entendra un bruit tel qu'on peut se l'imaginer parmi de si effroyables ruines et dans un renversement si affreux. Quiconque ne s'éveille pas à ce bruit terrible est trop profondément assoupi, et il dort d'un sommeil de mort. Toutefois si nous y sommes sourds, l’Église pour nous exciter davantage, fait encore retentir à nos oreilles la parole de l'Apôtre. Le grand Paul mêle sa voix au bruit confus de l'univers et nous dit d'un ton éclatant : O fidèles, « l'heure est venue de nous éveiller : » Hora est jam nos de somno surgere. Ainsi je ne crois pas quitter l’Évangile, mais en prendre l'intention et l'esprit, quand j'interprète l’épître que l’Église lit en ce jour. Fasse celui pour qui je parle que j'annonce avec tant de force ses menaces et ses jugements, que ceux qui dorment dans leurs péchés se réveillent et se convertissent ! C'est la grâce que je lui demande par les prières de la sainte Vierge.

 

C'est une vérité constante que l’Écriture a établie et que l'expérience a justifiée, que la cause de tous les crimes et de tous les malheurs de la vie humaine, c'est le défaut d'attention et de vigilance. Si les justes tombent si souvent après une longue persévérance, c'est qu'ils s'endorment dans la vue de leurs bonnes œuvres. Ils pensent avoir vaincu tout à fait leurs mauvais désirs, la confiance qu'ils ont en ce calme fait qu'ils abandonnent le gouvernail, c'est-à-dire qu'ils perdent l'attention à eux-mêmes et à la prière. Ainsi ils périssent misérablement, et pour avoir cessé de veiller, ils perdent en un moment tout le fruit de tant de travaux. Mais si l'attention et la vigilance est si nécessaire aux justes pour prévenir leur chute funeste, combien en ont besoin les pécheurs pour s'en relever et pour réparer leurs ruines? C'est pourquoi de tous les préceptes que le Saint-Esprit a donnés aux hommes, celui que le Fils de Dieu a répété le plus souvent, celui que les saints et les apôtres ont inculqué avec plus de force, c'est celui de veiller sans cesse. Toutes les épîtres, tous les évangiles, toutes les pages de l’Écriture sont pleines de ces paroles : « Veillez, priez, prenez garde, soyez prêts à toutes les heures, parce que vous ne savez pas à laquelle viendra le Seigneur. » En effet, faute de veiller à notre salut et à notre conscience, notre ennemi qui n'est que trop vigilant, et nos passions qui ne sont que trop attentives à leurs objets, nous surprennent, nous emportent, nous mettent entièrement sous le joug et traînent nos âmes captives devant le redoutable tribunal de Jésus-Christ, avant que nous ayons seulement songé à en prévenir les rigueurs par la pénitence. C’est ce dangereux assoupissement que craignait le divin Psalmiste, lorsqu'il faisait cette prière : « Éclairez mes yeux, ô Seigneur, de peur que je ne m'endorme dans la mort (Ps. XII, 4). » C'est pour prévenir l'effet de celte mortelle léthargie que l'Apôtre nous dit aujourd'hui : « Mes frères, l'heure est venue de vous réveiller de votre sommeil. »

Et moi pour suivre ses intentions, je combattrai tout ensemble le sommeil et la langueur : le sommeil qui nous rend insensibles, la langueur qui nous empêchant de nous éveiller tout à fait et de nous lever promptement, nous replonge de nouveau dans le sommeil. Je vous montrerai en deux points, premièrement, chrétiens, que ceux-là sont trop nonchalamment et trop malheureusement endormis, qui ne pensent pas à Dieu ni à sa justice; secondement, que l'heure est venue de nous réveiller de ce sommeil, et que cette heure c'est l'heure même où nous sommes présentement, et celle où je vous excite et où je vous parle. Ainsi après avoir éveillé ceux qui dorment dans leurs péchés, je tacherai de vaincre les délais de ceux qui disputent trop longtemps avec leur paresse. Voilà simplement et en peu de mots le partage de mon discours. Donnez-moi du moins vos attentions dans un discours où il s'agit de l'attention elle-même.

 

PREMIER POINT.

 Afin que personne ne croie que ce soit un crime léger de ne penser pas à Dieu, ou d'y penser sans considérer combien c'est une chose terrible de tomber entre ses mains, j'entreprends de vous faire voir que ce crime est une espèce d'athéisme.

Dixit insipiens in corde suo : Non est Deus, dit le psaume LII ; « L'insensé a dit en son cœur : Il n'y a point de Dieu. » Les saints Pères nous enseignent que nous pouvons nous rendre coupables en plusieurs façons de cette erreur insensée, par erreur, par volonté, par oubli. Il y a en premier lieu les athées et les libertins, qui disent ouvertement que les choses vont au hasard et à l'aventure, sans ordre, sans gouvernement, sans conduite supérieure. Insensés, qui dans l'empire de Dieu, parmi ses ouvrages, parmi ses bienfaits, osent dire qu'il n'est pas et ravir l'être à celui par lequel subsiste foule la nature! La terre porte peu de tels monstres, les idolâtres mêmes et les infidèles les ont en horreur. Et lorsque dans la lumière du christianisme on en découvre quelqu'un, on en doit estimer la rencontre malheureuse et abominable. Mais que l'homme de plaisir, sensuel, qui laisse dominer les sens et ne songe qu'à les satisfaire, prenne garde que Dieu ne le livre tellement à leur tyrannie, qu'à la lin il vienne à croire que ce qui n'est pas sensible n'est pas réel; que ce qu'on ne voit ni ne touche n'est qu'une ombre et un fantôme; et que les idées sensibles prenant le dessus, toutes les autres ne paraissent  douteuses ou tout à fait vaines. Car c'est là que Boni conduits insensiblement ceux qui laissent dominer les sens et ne pensent qu'à les satisfaire. On en voit d'autres, dit le docte Théodoret, qui ne viennent pas jusqu'à cet excès de nier la divinité; mais qui pressés et incommodés dans leurs passions déréglées par ses lois qui les contraignent, par ses menaces qui les étonnent, par la crainte de ses jugements qui les troublent, désireraient que Dieu ne fût pas, bien plus, ils voudraient pouvoir croire que Dieu n'est qu'un nom et disent dans leur cœur, non par persuasion, mais par désir : Non est Deus : « Il n'y a point de Dieu. » Ils voudraient pouvoir réduire au néant cette source féconde de l'être, a Ingrats et insensés, dit saint Augustin, qui, parce qu'ils sont déréglés, voudraient détruire la règle et souhaitent qu'il n'y ait ni loi injustice : » Qui dùm nolunt esse justi, nolunt esse veritatem quâ damnantur înjusti (Tract. XC. in Joan., n. 3.). Je laisse encore ceux-ci, et je veux croire qu'aucuns de mes auditeurs ne sont si dépravés et si corrompus. Je viens à une troisième manière de dire que Dieu n'est pas, de laquelle nous ne pourrons pas nous excuser. 

Voici le principe que je pose. Ce à quoi nous ne daignons penser est  comme nul à notre égard. Ceux-là donc disent en leur cœur que Dieu n'est pas, qui ne le jugent pas digne qu'on pense à lui sérieusement, à peine sont-ils attentifs à sa vérité quand on prêche, à sa majesté quand on sacrifie, à sa justice quand il frappe, à sa bonté quand il donne, enfin ils le comptent tellement pour rien, qu'ils pensent en effet n'avoir rien à craindre, tant qu'ils n'ont que lui pour témoin. Qui de nous n'est pas de ce nombre? Qui n'est pas arrêté dans ses entreprises par la rencontre d'un homme qui n'est pas de son secret ni de sa cabale? Et cependant ou nous méprisons, ou nous oublions le regard de Dieu. N'apportons pas ici l'exemple de ceux qui roulent en leur esprit quelque vol ou quelque meurtre, tout ce qu'ils rencontrent les trouble, et la lumière du jour et leur ombre propre leur fait peur. Ils ont peine à porter eux-mêmes l'horreur de leur funeste secret, et ils vivent cependant dans une souveraine tranquillité des regards de Dieu. Laissons ces tragiques attentats, disons ce qui se voit tous les jours. Quand vous déchirez en secret ceux que vous caressez en public, quand vous les percez de cent plaies mortelles par les coups incessamment redoublés de votre dangereuse langue, quand vous mêlez artificieusement le vrai et le faux pour donner de la vraisemblance à vos histoires malicieuses, quand vous violez le sacre dépôt du secret qu'un ami trop simple a versé tout entier dans votre cœur, et que vous faites servir à vos intérêts sa confiance qui nous obligeait à penser aux siens, combien prenez-vous de précautions pour ne point paraître? Combien regardez-vous à droite et à gauche? Et si vous ne voyez pas de témoin qui puisse vous reprocher votre lâcheté dans le monde, si vous avez tendu vos pièges si subtilement qu'ils soient imperceptibles aux regards humains, vous dites : « Qui nous a vus?» Narraverunt ut absconderent laqueos; dixerunt : Quis videbit eos (Ps. LXIII, 5) ? comme dit le divin Psalmiste. Vous ne comptez donc pas parmi les voyants celui qui habite aux cieux? Et cependant entendez le même Psalmiste : « Quoi! celui qui a formé l'oreille n'écoute-t-il pas? et celui qui a fait les yeux est-il aveugle? » Qui plantavit aurem non audiet? aut qui finxit oculum non considerat (Ps. XCIII, 9) ? Pourquoi ne songez-vous pas qu'il est tout vue, tout ouïe, tout intelligence, que vos pensées lui parlent, que votre cœur lui découvre tout, que votre propre conscience est sa surveillante et son témoin contre vous-même? Et cependant sous ces yeux si vifs, sous ces regards si perçants, vous jouissez sans inquiétude du plaisir d'être caché, vous vous abandonnez à la joie et vous vivez en repos parmi vos délices criminelles, sans songer que celui qui vous les défend et qui vous en a laissé tant d'innocentes, viendra quelque jour inopinément troubler vos plaisirs d'une manière terrible par les rigueurs de son jugement, lorsque vous l'attendrez le moins! N'est-ce pas manifestement le compter pour rien, et « dire en son cœur insensé : Il n'y a point de Dieu? » Dixit insipiens in corde suo : Non est Deus.

Quand je recherche les causes profondes d'un  si prodigieux oubli, que je considère en moi-même d'où vient que l'homme si sensible à ses intérêts et si attentif à ses affaires, perd néanmoins de vue si facilement la chose du monde la plus nécessaire, la plus redoutable et la plus présente, c'est-à-dire Dieu et sa justice, voici ce qui me vient en la pensée. Je trouve que notre esprit, dont les bornes sont si étroites, n'a pas une assez vaste compréhension pour s'étendre hors de son enceinte, c'est pourquoi il n'imagine vivement que ce qu'il ressent en lui-même, et nous fait juger des choses qui nous environnent par notre propre disposition. Celui qui est en colère croit que tout le monde est ému de l'injure que lui seul ressent, pendant qu'il en fatigue toutes les oreilles. On voit que le paresseux qui laisse aller toutes choses avec nonchalance, ne s'imagine jamais combien vive est l'activité de ceux qui attaquent sa fortune. Pendant qu'il dort à son aise et qu'il se repose, il croit, que tout dort avec lui, et n'est réveillé que par le coup. C'est une illusion semblable, mais bien plus universelle, qui persuade à tous les pécheurs que pendant qu'ils languissent dans l'oisiveté, dans le plaisir, dans l’impénitence, la justice divine languit aussi et qu'elle est tout à fait endormie. Parce qu'ils ont oublié Dieu, ils pensent aussi que Dieu les oublie : Dixit enim in corde suo : Oblitus est Deus (Ps. X, II XI). Mais leur erreur est extrême, si Dieu se tait quelque temps, il ne se taira pas toujours : «Je veillerai, dit-il, sur les pécheurs pour leur mal et non pour leur bien» Vigilabo super eos in malum et non in bonum. « Je me suis tu, dit-il ailleurs, j'ai gardé le silence, j'ai été patient, j'éclaterai tout à coup, longtemps j'ai retenu ma colère dans mon sein, à la fin j'enfanterai, je dissiperai mes ennemis et les envelopperai tous ensemble dans une même vengeance» Tacui semper, silui, patiens fui, sicut parturiens loquar, dissipabo et absorbebo simul (3). Par conséquent, chrétiens, ne prenons pas son silence pour un aveu, ni sa patience pour un pardon, ni sa longue dissimulation pour un oubli, ni sa bonté pour une faiblesse. Il attend parce qu'il est miséricordieux, et si l'on méprise ses miséricordes, souvent il attend encore et ne presse pas sa vengeance, parce qu'il sait que ses mains sont inévitables. Comme un roi qui sent son trône affermi et sa puissance établie, apprend qu'il se machine dans son État des pratiques contre son service (car il est malaisé de tromper un roi qui a les yeux ouverts et qui veille) : il pourrait étouffer dans sa naissance cette cabale découverte, mais assuré de lui-même et de sa propre puissance, il est bien aise de voir jusqu'où iront les téméraires complots de ses sujets infidèles, et ne précipite pas sa juste vengeance jusqu'à ce qu'ils soient parvenus au terme fatal où il a résolu de les arrêter : ainsi et à plus forte raison ce Dieu tout-puissant. qui du centre de son éternité développe tout l'ordre des siècles, et qui, sage dispensateur des temps, a fait la destination de tous les moments devant l'origine des choses, n'a rien à précipiter, les pécheurs sont sous ses yeux et sous sa main. Il sait le temps qu'il leur a donné pour se repentir, et celui où il les attend pour les confondre. Cependant qu'ils mêlent le ciel et la terre pour se cacher, s'ils pouvaient, dans la confusion de toutes choses ; que ces femmes infidèles et ces hommes corrompus et corrupteurs se couvrent eux-mêmes, s'ils peuvent, de toutes les ombres de la nuit, enveloppent leurs intelligences déshonnêtes dans l'obscurité d'une intrigue impénétrable : ils seront découverts au jour arrêté, leur cause sera portée devant le tribunal de Jésus-Christ, où leur conviction ne pourra être éludée par aucune excuse, ni leur peine retardée par aucunes plaintes.

Mais j'ai à vous découvrir de plus profondes vérités. Je ne prétends pas seulement faire appréhender aux pécheurs les rigueurs du jugement dernier, ni les supplices insupportables du siècle à venir. De peur que le repos où ils sont dans la vie présente ne serve à nourrir en leur cœur aveugle et impénitent l'espérance de l'impunité, le Saint-Esprit nous enseigne que leur repos même est une peine. Pécheurs, soyez ici attentifs. Voici une nouvelle manière de se venger, qui n'appartient qu'à Dieu seul; c'est de laisser ses ennemis en repos et de les punir davantage par leur endurcissement et par leur sommeil léthargique, que s'il exerçait sur eux un châtiment exemplaire. Il est donc vrai, chrétiens, qu'il arrive souvent qu'à force d'être irrité, Dieu renferme en lui-même toute sa colère, en sorte que les pécheurs étant étonnés eux-mêmes de leurs longues prospérités et du cours fortuné de leurs affaires, s'imaginent n'avoir rien à craindre et ne sentent plus aucun trouble dans leur conscience. Voilà ce pernicieux assoupissement, voilà ce sommeil de mort dont j'ai déjà tant parlé. C'est, mes frères, le dernier fléau que Dieu envoie à ses ennemis, c'est le comble de tous les malheurs, c'est la plus prochaine disposition à l'impénitence finale et à la ruine dernière et irrémédiable. Pour l'entendre, il faut remarquer que c'est une excellente maxime de saints docteurs, « qu'autant que les pécheurs sont rigoureux censeurs de leurs vices, autant Dieu se relâche en leur faveur de la sévérité de ses jugements: » In quantùm non peperceris tibi, in tantum tibi Deus, crede, parcet (Tertull., De Poenitentiâ, n. 10). En effet comme il est écrit que Dieu aime la justice et déteste l'iniquité, tant qu'il y a quelque chose en nous qui crie contre les péchés et s'élève contre les vices, il y a aussi quelque chose qui prend le parti de Dieu, et c'est une disposition favorable pour le réconcilier avec nous. Mais dès que nous sommes si malheureux que d'être tout à fait d'accord avec nos péchés, dès que par le plus indigne des attentats nous en sommes venus à ce point que d'abolir en nous-mêmes la sainte vérité de Dieu, l'impression de son doigt et de ses lumières, la marque de sa justice souveraine, en renversant cet auguste tribunal de la conscience qui condamnait tous les crimes, c'est alors que l'empire de Dieu est détruit, que l'audace de la rébellion est consommée et que nos maux n'ont presque plus de remèdes. C'est pourquoi ce grand Dieu vivant, qui sait que le souverain bonheur est de le servir et de lui plaire, et que ce qui reste de meilleur à ceux qui se sont éloignés de lui par leurs crimes, c'est d'être troublés et inquiétés du malheur de lui avoir déplu, après qu'on a méprisé longtemps ses grâces, ses inspirations, ses miséricordieux  avertissements et les coups par lesquels il nous a frappés de temps en temps, non encore pour nous punir à toute rigueur, mais seulement pour nous réveiller, prend enfin cette dernière résolution pour se venger des hommes ingrats et trop insensibles, il retire ses saintes lumières, il les aveugle, il les endurcit, et leur laissant oublier ses divins préceptes, il fait qu'en même temps ils oublient et leur salut et eux-mêmes. Encore que cette doctrine paraisse assez établie sur l'ordre des jugements de Dieu, je penserai n'avoir rien fait si je ne la prouve clairement, il faut que je vous montre dans son Écriture le progrès d'un si grand mal. Le prophète Isaïe nous le représente tenant en sa main une coupe, qu'il appelle la coupe de sa colère : Bibisti de manu Domini calicem irœ ejus (Is. LI, 17). Elle est, dit-il, remplie d'un breuvage qu'il veut faire  boire aux pécheurs, mais d'un breuvage fumeux comme un vin nouveau, qui leur monte à la tête et qui les enivre. Ce breuvage qui enivre les pécheurs, qu'est-ce autre chose, Messieurs, que leurs péchés mêmes et leurs désirs emportés auxquels Dieu les abandonne ? Ils boivent comme un premier verre, et peu à peu la tête leur tourne, c'est-à-dire que dans l'ardeur de leurs passions la réflexion à demi éteinte n'envoie une des lumières douteuses. Ainsi l’âme n'est plus éclairée comme auparavant, on ne voit plus les vérités de la religion ni les terribles jugements de Dieu que comme à travers d'un nuage épais. C'est ce qui s'appelle dans les Écritures « l'esprit de vertige » qui rend les hommes chancelants et mal assurés. Cependant ils déplorent encore leur faiblesse, ils jettent quelque regard du côté de la vertu qu'ils ont quittée. Leur conscience se réveille de temps en temps, et dit en poussant un secret soupir dans le cœur : Ô piété ! Ô innocence ! Ô sainteté du baptême ! Ô pureté du christianisme ! Les sens l'emportent sur la conscience, ils boivent encore, et leurs forces se diminuent, et leur vue se trouble. Il leur reste néanmoins quelque connaissance et quelque souvenir de Dieu. Buvez, buvez, ô pécheurs, buvez jusqu'à la dernière goutte, et avalez tout jusqu'à la lie. Mais que trouveront-ils dans ce fond ? « Un breuvage d'assoupissement, dit le saint Prophète, qui achève de les enivrer jusqu'à les priver de tout sentiment » Usque ad fundum calicis soporis bibisti, et potasti usque ad fœces (Is. LI, 17). Et voici un effet étrange : «Je les vois, poursuit Isaïe, tombés dans les coins des rues, si profondément assoupis qu'ils semblent tout à fait morts : » Filii tui projecti sunt, dormierunt in capite omnium viarum (Ibid. 20). C'est l'image des grands pécheurs, qui s'étant enivrés longtemps du vin de leurs passions et de leurs délices criminelles, perdent enfin toute connaissance de Dieu et tout sentiment de leur mal. Ils pèchent sans scrupule; ils s'en souviennent sans douleur ; ils s'en confessent sans componction, ils y retombent sans crainte, ils y persévèrent sans inquiétude, ils y meurent enfin sans repentance.

Ouvrez donc les yeux, ô pécheurs, et connaissez l'état où vous êtes. Pendant que vous contentez vos mauvais désirs, vous buvez un long oubli de Dieu ; un sommeil mortel vous gagne, vos lumières s'éteignent, vos sens s'affaiblissent. Cependant il se fait contre vous dans le cœur de Dieu un « amas de haine et de colère » Thesaurizas tibi iram (Rm. II, 5), comme dit l'Apôtre, sa fureur longtemps retenue fera tout à coup un éclat terrible. Alors vous serez réveillés par un coup mortel. mais réveillés seulement pour sentir votre supplice intolérable. Prévenez un si grand malheur, éveillez-vous, l'heure est venue : Hora est jam nos de somno surgere. Éveillez-vous pour écouter l'avertissement, de peur qu'on ne vous éveille pour écouter votre sentence. Ne tardez pas davantage, cette heure où je vous parle doit être, si vous êtes sages, l'heure de votre réveil. C'est ma seconde partie.

 

SECOND POINT

 

Jésus-Christ commande à ses ministres de dénoncer à tous ceux qui diffèrent de jour en jour leur conversion, qu'ils seront surpris Infailliblement dans les pièges de la mort et de l'enfer, et qu'à moins de veiller à toutes les heures, il viendra une heure imprévue qui ne leur laissera aucune ressource. Écoutez, non la parole des hommes, mais la parole de Jésus-Christ même, en saint Matthieu et en saint Luc : « Veillez, parce que vous ne savez pas à quelle heure viendra votre Seigneur. Car sachez que si le père de famille était averti de l'heure à laquelle le voleur doit venir, sans doute il veillerait et ne laisserait pas percer sa maison. Vous donc aussi soyez toujours prêts, parce que le Fils de l'homme viendra à l'heure que vous ne pensez pas. Qui est le serviteur fidèle et prudent que son maître a établi sur tous ses serviteurs, afin qu'il leur distribue dans le temps leur nourriture? Heureux est ce serviteur, si son maître à son arrivée le trouve agissant de la sorte! Je vous dis en vérité qu'il l'établira sur tous ses biens. Mais si ce serviteur est méchant et qu'il dise en son cœur : Mon maître n'est pas prêt à venir; et qu'il commence à maltraiter ses compagnons, et à manger, et à boire, et à s'enivrer, et à mener une vie dissolue : le maître de ce serviteur viendra au jour auquel il ne s'attend pas et à l'heure qu'il ne sait pas, et il le séparera et lui donnera le partage des infidèles et des hypocrites. C'est là qu'il y aura des pleurs et des grincements de dents. »

Cette parabole de l’Évangile nous découvre en termes formels deux vérités importantes : la première, que Jésus-Christ a dessein de nous surprendre, la seconde, que le seul moyen qu'il nous donne pour éviter la surprise, c'est de veiller sans relâche. Tel est le conseil de Dieu et la sage économie que ce grand Père de famille a établie dans sa maison. Il a voulu avoir des serviteurs vigilants et perpétuellement attentifs. C'est pourquoi il a disposé de sorte le cours imperceptible du temps, que nous ne sentons ni sa fuite ni les larcins qu'il nous fait; en sorte que la dernière heure nous surprend toujours. Il faut ici nous représenter cette illusion trompeuse du temps, et la manière dont il se joue de notre faible imagination. Le temps, dit saint Augustin est une faible imitation de l'éternité. Celle-ci est toujours la même, ce que le temps ne peut égaler par sa consistance, il tache de l'imiter par la succession. S'il nous dérobe un jour, il en rend subtilement un autre semblable, qui nous empêche de regretter celui que nous venons de perdre. C'est ainsi que le temps nous joue et nous cache sa rapidité. C'est aussi peut-être en cela que consiste cette malice du temps dont l'Apôtre nous avertit par ces mots : « Rachetez le temps, dit-il, parce que les jours sont mauvais (Ep. V, 16)» c'est-à-dire trompeurs et malicieux. En effet le temps nous trompe toujours, parce qu'encore qu'il varie sans cesse, il montre presque toujours un même visage, et que l'année qui est écoulée semble ressusciter dans la suivante. Toutefois une longue suite nous découvre toute l'imposture. Les rides sur notre front, les cheveux gris, les infirmités ne nous font que trop remarquer quelle grande partie de notre être est déjà abîmée et engloutie. Mais dans de si grands changement le temps affecte toujours quelque imitation de l'éternité. Car comme c'est le propre de l'éternité de conserver les choses dans le même état, le temps pour en approcher ne nous dépouille que peu à peu. et nous mène aux extrémités opposées par une pente si douce et tellement insensible, que nous nous trouvons engagés au milieu des ombres de la mort avant que d'avoir songé comme il faut à notre conversion. Ézéchias ne sent point écouler son âge, et dans la quarantième de ses années, il croit qu'il ne fait que de naître : Dùm adhuc ordirer, succidit me (Is. XXXVIII, 12) : « Il a coupé la traîne de mes jours, que je ne faisais que commencer. » Ainsi la malignité trompeuse du temps fait que nous tombons tout à coup et sans y penser, entre les mains de la mort. Pour nous garantir de cette surprise, Jésus-Christ ne nous a laissé qu'un seul moyen dans la parabole de l’Évangile; c'est celui d'être toujours attentifs et vigilants : « Veillez, dit-il. sans cesse, parce que vous ne savez à quelle heure viendra le Seigneur. »

Ici l'on ne peut s’étonner assez de l'aveuglement des hommes, qui ne sont pas moins audacieux que le fut autrefois l'apôtre saint Pierre, lorsqu'il démentit la vérité même. On ne lit point sans étonnement la témérité de ce disciple qui, lorsque Jésus-Christ lui dit nettement qu'il le reniera trois fois, ose lui répondre en face : « Non, je ne vous renierai pas (Mt. XXVI, 33-35). » Mais cessons de nous étonner de son audace, qu'il a expiée par tant de larmes, étonnons-nous de nous-mêmes et de notre témérité insensée. Jésus-Christ nous a dit à tous en paroles claires : Si vous ne veillez sans cesse, je vous surprendrai. Et nous osons lui répondre : Non, Seigneur, nous dormirons à notre aise, cependant nous vous préviendrons de quelques moments, et une prompte confession nous sauvera de votre colère. Quoi ! le Fils de Dieu aura dit que la science des temps est l'un des secrets que son Père a réservés en sa puissance (Ad. I, 7), et nous voudrons percer  ce secret impénétrable, et fonder nos espérances sur un mystère si caché et qui passe de si loin notre connaissance! Quand Jésus-Christ viendra en sa majesté pour juger le monde, mille événements terribles précéderont, toute la nature se remuera devant sa face, et cependant l'univers menacé de sa ruine totale par un si grand ébranlement, ne laissera pas d'être surpris. Il est écrit que ce dernier jour viendra comme un voleur, et qu'il arrivera sur tous les hommes comme un lacet où ils seront pris inopinément, tant la sagesse de Dieu est profonde à nous cacher ses conseils. Et nous croirons pouvoir sentir et apercevoir la dissolution de ce corps fragile qui porte sa corruption en son propre sein ! Nous nous trompons, nous nous abusons, nous nous flattons nous-mêmes trop grossièrement. La mort ne viendra pas de loin avec grand bruit pour nous assaillir. Elle s'insinue avec la nourriture que nous prenons, avec l'air que nous respirons, avec les remèdes mêmes par lesquels nous tâchons de nous en défendre. Elle est dans notre sang et dans nos veines; c'est là qu'elle a mis ses secrètes et inévitables embûches, dans la source même de la vie. C'est de là qu'elle sortira, tantôt soudaine, tantôt à la suite d'une maladie déclarée, mais toujours surprenante et trop peu prévue. L'expérience le fait assez voir, et Jésus-Christ nous a dit dans son Évangile que Dieu l'a voulu de la sorte. C'est par un dessein prémédité qu'il nous a caché notre dernier jour, « afin, dit saint Augustin, que nous prenions garde à tous les jours : » Latet ultimus dies, ut observentur omnes dies. Puisqu'il a entrepris de nous surprendre si nous ne veillons, serons-nous plus industrieux à prévenir la main de Dieu qu'il ne sera prompt à frapper son coup? Ou croyons-nous avoir contre lui d'autres précautions et d'autres moyens que celui qu'il nous a donné, de veiller toujours? Quelle folie! quel aveuglement! quel étourdissement d'esprit! et quel nom donnerons-nous à une si haute extravagance?

Permettons néanmoins aux hommes, si vous le voulez, de goûter paisiblement le plaisir de vivre, accordons que la jeunesse puisse se promettre de longs jours, et ne lui envions pas la triste espérance de vieillir. Pensez-vous qu'on doive fonder sa future conversion sur cette attente? Détrompez-vous, chrétiens, et apprenez à vous mieux connaître. Telle est la nature de votre aine et de votre volonté, qu'elle ne peut, étant libre, être forcée par ses objets, mais elle s'engage elle-même. Elle se fait comme des liens de fer et une espèce de nécessité par ses actes : c'est ce qui s'appelle l'habitude, dont je ne m'étendrai pas à vous décrire la violence trop connue et trop expérimentée. Je veux donc bien vous confesser qu'il y a une certaine ardeur des passions et une force trop violente de la nature, que l'âge peut tempérer. Mais cette seconde nature qui se forme par l'habitude, mais cette nouvelle ardeur encore plus tyrannique qui naît de l'accoutumance, le temps ne fait que l'accroître et l'affermir davantage. Ainsi nous nous trompons déplorai dénient lorsque nous attendons du temps le remède à nos passions, que la raison nous présente en vain. Si nous n'acquérons par vertu et par un effort généreux la facilité de les vaincre, c'est une folie manifeste de croire que l'âge nous la donne. Et comme dit sagement l’Ecclésiastique, « la vieillesse ne trouvera pas ce que la jeunesse n'a pas amassé » Quœ in juventute tuà non congregasti, quomodo in senectute tuà invenies (1) ? Et il n'est pas nécessaire de rappeler ici de bien loin, ni les deux vieillards de Babylone impudents calomniateurs de la pudique Susanne, ni la déplorable vieillesse de Salomon autrefois sage. L'expérience du présent nous sauve la peine de rechercher avec soin les exemples des siècles passés. Jetez vous-mêmes les yeux sur vos proches, sur vos amis, sur tous ceux qui vous environnent; vous ne verrez que trop tous les jours que les vices ne s'affaiblissent pas avec la nature, et que les inclinations ne se changent pas avec la couleur des cheveux. Au contraire, si nous laissons dominer la colère, la vieillesse, bien loin de la modérer, la tournera en aigreur par son chagrin. Et quand on donne tout au plaisir, on ne voit, dit saint Basile, dans l'âge plus avancé, que des idées trop présentes, des désirs trop jeunes, et pour ne rien dire de plus, des regrets qui renouvellent tous les crimes. Par conséquent ne différez pas et éveillez-vous tout à l'heure, vous qui refusant à présent de vous convertir, dites que vous vous convertirez quelque jour, désabusez-vous : Hora est jam. Car quelle autre heure voulez-vous prendre? En découvrez-vous quelqu'une qui soit plus commode ou plus favorable? Connaissez le secret de votre cœur, et entendez le ressort qui fait mouvoir une machine si délicate.

Je sais que vous êtes libre; mais toutefois pour vous exciter, il faut quelque raison qui vous persuade, et quelle plus pressante raison aurez-vous alors que celle que je vous propose? Y aura-t-il un autre Jésus-Christ, un antre Évangile, une autre foi, une autre espérance, un autre paradis, un autre enfer? Que verrez-vous de nouveau qui soit capable de vous ébranler? Pourquoi donc résistez-vous maintenant? Pourquoi donc voulez-vous vous imaginer que vous céderez plus facilement en un autre temps? D'où viendra cette nouvelle force à la vérité, ou cette nouvelle docilité à votre esprit? Quand cette passion qui vous domine à présent, quand ce secret tyran de votre cœur aura quitté l'empire qu'il a usurpé, vous n'en serez pour cela ni plus dégagé, ni plus maître de vous-même. Si vous ne veillez sur vos actions, il ne fera que céder la place à un autre vice, au lieu de la remettre au légitime Seigneur, qui est la Raison Dieu. Il y laissera pour ainsi dire un successeur de sa race, enfant comme lui de la même convoitise. Je veux dire, les péchés se succéderont les uns aux autres; et si vous ne faites quelque grand effort pour interrompre la suite de cette succession malheureuse, qui ne voit que d'erreur en erreur et de délai en délai, elle vous mènera jusqu'au tombeau? Connaissez donc que tous ces délais ne sont qu'un amusement manifeste, et qu'il n'y a rien de plus insensé que d'attendre la victoire de nos passions du temps qui les fortifie.

Mais je n'ai pas dit encore ce que les pécheurs endormis ont le plus à craindre. Pour eux ils n'appréhendent que la mort subite, et comme ils veulent se persuader, malgré l'expérience et tous les exemples, que leur vigueur présente les en garantit, ils découvrent toujours du temps devant eux. Mortels téméraires et peu prévoyants, qui croyons que la justice divine n'a qu'un moyen de nous perdre ! Non, mes frères, ne le croyez pas. Nous sommes souvent condamnés et souvent punis terriblement, avant que la vengeance se déclare, avant même que nous la sentions. Et certes nous pourrions entendre cette vérité par l'exemple des choses humaines. On ne dit pas toujours aux criminels la misère de leur triste état, souvent on les voit pleins  de confiance, pendant que leur mort est résolue. Leur sentence n'est pas prononcée, mais elle est déjà écrite dans l'esprit des juges. Tel s'est trouvé perdu à la Cour et entièrement exclu des grâces, dont le crédit subsistait apparemment. Si la justice des hommes a ses secrets et ses mystères, la justice divine n'aura-t-elle pas aussi les siens? Oui, sans doute, et bien plus terribles. Mais il faut l'établir par les Écritures. Écoutez donc ce qui est écrit au Deutéronome : « Sachez que le Seigneur votre Dieu punit incontinent ceux qui le haïssent et ne diffère pas à les perdre, leur rendant dans le moment même ce qu'ils méritent » Reddens odientibus se statim ut disperdat eos, et ultra non différat, protinùs eîs restituons quod merentur (1). Pesez ces mots : incontinent, sans différer, dans le moment même. Est-il vrai que Dieu punisse toujours de la sorte? Il n'est pas vrai si nous regardons la vengeance qui éclate, il est vrai si nous regardons les peines cachées que Dieu envoie à ses ennemis, peines si grandes et si terribles, que je vous ai démontrées dans ma première partie. Celui qui pèche est puni sans retardement, parce que la grâce se retire dans le moment même, parce que sa foi diminue, qu'un péché en attire un autre, et qu'on tombe toujours plus facilement après qu'on est affaibli par une première chute. Telles sont les peines affreuses qui suivent le crime dans l'instant qu'il est commis. C'est que ces hommes corrompus perdent toute crainte de Dieu, c'est-à-dire tout le frein de leur licence, ces femmes achèvent de perdre tout ce qu'il leur reste de modestie, c'est-à-dire tout l'ornement de leur sexe. Enfin le crime n'a plus pour nous une face étrange qui nous épouvante, mais il est devenu malheureusement familier et n'étonne plus notre âme endurcie. N'appelez-vous pas cela un grand supplice? Quoi ! dit le grand saint Augustin, si, lorsque nous péchons, nous étions frappés à l'instant d'une soudaine maladie, si nous perdions la vue, si nos forces nous abandonnaient, nous croirions que Dieu nous punit, et nous aurions un saint empressement d'apaiser sa juste fureur par une prompte pénitence. Ce n'est pas la vue corporelle, mais la lumière de l’âme qui s’éteint en nous; ce n'est pas cette santé fragile que nous perdons, mais Dieu nous livre à nos passions, qui sont nos maladies les plus dangereuses. Nous ne voyons plus, nous ne goûtons plus les vérités de la foi. Aveugles et endurcis, nous tombons dans un assoupissement et dans une insensibilité mortelle; et pendant que Dieu nous y abandonne par une juste punition, nous ne sentons pas sa main vengeresse, et nous croyons qu'il nous pardonne et qu'il nous épargne. Que nous sert de vivre et de subsister aux yeux des hommes, si cependant nous sommes morts, perdus devant Dieu et devant ses anges ?  Pour faire mourir un arbre, il n'est pas toujours nécessaire qu'on le déracine. Voyez ce grand chêne desséché qui ne pousse plus, qui ne fleurit plus, qui n'a plus de glands ni de feuilles, il a la mort dans le sein et dans la racine, il n'en est pas moins ferme sur son tronc, il n'en étend pas moins ses vastes rameaux. Chrétien dont le cœur est endurci, voilà ton image. Bois aride, Dieu n'a pas encore frappé ta racine et ne t'a pas précipité de ton haut pour te jeter dans le feu, mais il a retiré l'esprit de vie.

Craignez donc, pécheur endormi, craignez le dernier endurcissement. Éveillons-nous, il est temps. Pourquoi endurcissez-vous vos cœurs comme Pharaon ? Éveillez-vous sans délai, puisque chaque délai aggrave vos peines. Car attendez-vous à vous éveiller que vous soyez retourné parmi vos plaisirs ? Et quand faut-il que le chrétien veille, sinon quand Jésus-Christ parle? Faites réflexion sur vous-même ; pensez-vous être bien loin de cette mortelle léthargie, de cet endurcissement funeste dont vous êtes menacé si terriblement par tant d'oracles de l’Écriture? Songez à vos premières chutes; votre cœur vous frappait alors : Percussit eum cor David (II R. XXIV, 10). Vos remords étaient plus vifs et vos retours à Dieu plus fréquents. Vous périssiez, mais souvent vous versiez des larmes sur votre perte, et vos tristes funérailles étaient du moins honorées de quelque demi, Maintenant vous paraissez, confirmé dans votre crime, les saints avertissements ne vous touchent plus, les sacrements vous sont inutiles. Craignez enfin, chrétiens, que Dieu ne vous livre au sens réprouvé, et que votre âme ne devienne un vaisseau cassé et rompu qui ne puisse plus contenir la grâce. C'est de quoi sont menacés parle Saint-Esprit ceux qui profanent tes sacrements par leurs rechutes et qui entretiennent leurs mauvais désirs par leur complaisance. « Je les briserai, dit le Seigneur, comme un pot de terre, et les réduirai tellement en poudre qu'il ne restera pas le moindre fragment sur lequel on puisse porter une étincelle de feu ou puiser une goutte d'eau. » Étrange état de cette âme cassée et rompue! Elle s'approche du sacrement de pénitence et de ce fleuve de grâce qui en découle, il ne lui en demeure pas une goutte d'eau. Elle écoute de saints discours qui seraient capables d'embraser les cœurs; elle n'en rapporte pas la moindre étincelle. C'est un vaisseau tout à fait brisé et rompu; et si elle ne fait un dernier effort pour rappeler l'esprit de la grâce et pour exciter la foi endormie, elle périra sans ressource.

Ah! mes frères, j'espère de vous de meilleures choses, encore que je parle ainsi. Quoi! ma parole est-elle inutile? L'esprit de mon Dieu n'agit-il pas? Ne se remue-t-il pas quelque chose au fond de vos cœurs? Ah ! s'il est ainsi, vous vivez, et votre santé n'est pas déplorée. Ne perdons pas ce moment de force, donnez des regrets, donnez des soupirs, ce sont les signes de vie que le céleste médecin vous demande. Après laissez agir sa main charitable. « Car pourquoi voulez-vous périr? Je ne veux point la mort de celui qui meurt; convertissez-vous et vivez, dit le Seigneur tout-puissant » Et quare moriemini, domus Israël? quia nolo mortem morientis, revertimini et vivite (Ez. XVIII, 31, 32).

Mais je n'ai rien fait, chrétiens, d'avoir peut-être un peu excité votre attention au soin de votre salut par la parole de Jésus-Christ et de l’Évangile, si je ne vous persuade de vous occuper souvent de cette pensée. Toutefois ce n'est pas l'ouvrage d'un homme mortel, de mettre dans l'esprit des autres ces vérités importantes, c'est à Dieu de les y graver. Et comme je n'ai rien fait aujourd'hui que vous réciter ses saintes paroles, je produirai encore en finissant ce qu'il a prononcé de sa propre bouche dans le Deutéronome. « Écoutez, Israël; le Seigneur votre Dieu est le seul Seigneur. Vous l'aimerez de tout votre cœur, de toute votre âme et de toute votre force. Mettez dans votre cœur mes paroles et les lois que je vous donne aujourd'hui, racontez-les à vos enfants et les méditez en vous-même, soit que vous soyez assis dans votre maison, soit que vous marchiez dans le chemin, en vous couchant et en vous levant, qu'elles vous soient toujours présentes, que mes préceptes roulent sans cesse devant vos yeux, en sorte que vous ne les perdiez jamais de vue.» Telle est la loi inviolable des anciens que Dieu avait donnée à nos pères. Pesez-en toutes les paroles. Elle leur commande d'avoir Dieu et ses saints commandements dans le cœur, d'en parler souvent, afin d'en rafraîchir la mémoire, d'y avoir toujours un secret retour, de ne s'en éloigner point parmi les affaires, et néanmoins de prendre un temps pour y penser en repos et dans son cabinet avec une application particulière, de s'éveiller et de s'endormir dans cette pensée, afin que notre ennemi étant toujours attentif à nous surprendre, nous soyons toujours en garde contre ses embûches. Ne me dites pas que cette attention n'est d'usage que pour les cloîtres et pour la vie retirée. Ce précepte formel a été écrit pour tout le peuple de Dieu. Les juifs, tout charnels et grossiers qu'ils sont, reconnaissent encore aujourd'hui que cette obligation indispensable leur est imposée. Si nous prétendons. chrétiens, que ce précepte ait moins de force dans la loi de grâce et que les chrétiens soient moins obligés à cette attention que les juifs, nous déshonorons le christianisme et faisons honte à Jésus-Christ et à l’Évangile. Le faux prophète des Arabes, dont le paradis est tout sensuel et dont toute la religion n'est que politique, n'a pas laissé de prescrire à ses malheureux sectateurs d'adorer cinq fois le jour, et vous voyez combien ils sont ponctuels à cette observance. Les chrétiens se croiraient-ils dispensés de penser à Dieu, parce qu'on ne leur a point marqué d'heures précises? C'est qu'ils doivent veiller et prier toujours. Ne pensez pas que cette pratique vous soit impossible, le passage que j'ai récité vous en donne un infaillible moyen. Si Dieu ordonne aux Israélites de s'occuper perpétuellement de ses saints préceptes, il leur ordonne auparavant de l'aimer et de prendre à cœur son service. Aimez, dit-il, le Seigneur, et mettez en votre cœur ses saintes paroles. Tout ce que nous avons à cœur nous revient assez de soi-même, sans forcer notre attention, sans tourmenter notre esprit et notre mémoire. Demandez à une mère s'il faut la faire souvenir de son fils unique. Faut-il vous avertir de songer à votre fortune et à vos affaires? Lorsqu'il semble que votre esprit soit ailleurs, n'êtes-vous pas toujours vigilants et toujours trop vifs et secrètement attentifs sur cette matière, sur laquelle le moindre mot vous éveille? Si vous pouviez prendre à cœur votre salut éternel et vous faire une fois une grande affaire de celle qui devrait être la seule, nos salutaires avertissements ne vous seraient pas un supplice, et vous penseriez de vous-même mille fois le jour à un intérêt de cette importance. Mais certes ni nous n'aimons Dieu, ni nous ne songeons à nous-mêmes, et ne sommes chrétiens que de nom. Excitons-nous enfin, et prenons à cœur notre éternité.

Grand Roi, qui surpassez de si loin tant d'augustes prédécesseurs, que nous voyons infatigablement occupé aux grandes affaires de votre État qui embrassent les affaires de toute l'Europe, je propose à ce grand génie un ouvrage plus important et un objet bien plus digne de son attention, c'est le service de Dieu et votre salut. Car, Sire, que vous servira d'avoir porté à un si haut point la gloire de votre France, de l'avoir rendue si puissante par mer et par terre, et d'avoir fait par vos armes et par vos conseils, que le plus célèbre, le plus ancien, le plus noble royaume de l'univers soit aussi en toute manière le plus redoutable, si après avoir rempli tout le monde de votre nom et toutes les histoires de vos faits, vous ne travaillez encore à des œuvres qui soient comptées devant Dieu et qui méritent d'être écrites au livre de vie? Votre Majesté n'a-t-elle pas vu dans l'Évangile de ce jour l'étonnement du monde alarmé, dans l'attente du jour effroyable où Jésus-Christ paraîtra en sa majesté? Si les astres, si les éléments, si les grands ouvrages que Dieu semble avoir voulu bâtir si solidement pour les faire durer toujours sont menacés de leur ruine, que deviendront les ouvrages qu'auront élevés des mains mortelles? Ne voyez-vous pas ce feu dévorant qui précède la face du juge terrible, qui abolira en un même jour et les villes, et les forteresses, et les citadelles, et les palais, et les maisons de plaisance, et les arsenaux, et les marbres, et les inscriptions, et les titres, et les histoires, et ne fera qu'un grand feu et peu après qu'un amas de cendre de tous les monuments des rois! Peut-on s'imaginer de la grandeur en ce qui ne sera un jour que de la poussière? Il faut remplir d'autres fastes et d'autres annales.

Dieu, Messieurs, fait un journal de notre vie, une main divine écrit notre histoire, qui nous sera un jour représentée et sera représentée à tout l'univers. Songeons donc à la faire belle. Effaçons par la pénitence ce qui nous y couvrirait de confusion et de honte. Éveillons-nous, l'heure est venue. Les raisons de nous presser deviennent tous les jours plus fortes. La mort avance, le péché gagne, l'endurcissement s'accroît; tous les moments fortifient le discours que je vous ai fait, et il sera plus pressant encore demain qu'aujourd'hui. L'Apôtre le dit à la suite de mon texte : Propior est nostra salus (Rm., XIII, 11) : « Notre salut est tous les jours plus proche. » Si notre salut s'approche, notre damnation s'approche aussi; l'un et l'autre marche d'un pas égal. « Car comment échapperons-nous, dit le même Apôtre, si nous négligeons un tel salut? » Quomodo nos effugiemus, si tantam neglexerimus salutem (He. II, 3)? Faisons donc notre salut, puisque Dieu nous envoie un tel Sauveur : Jésus-Christ va venir au monde « plein de grâce et de vérité (Jn. I, 14) » soyons fidèles à sa grâce et attentifs à sa vérité, afin que nous participions à sa gloire. Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit.

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Saint Silvestre abbé mémoire de Saint Pierre d’Alexandrie Évêque et Martyr

26 Novembre 2021 , Rédigé par Ludovicus

Saint Silvestre abbé mémoire de Saint Pierre d’Alexandrie Évêque et Martyr

Collecte

O Dieu très clément, qui avez appelé à la solitude le bienheureux Abbé Sylvestre, tandis qu’il méditait devant un tombeau ouvert la vanité de ce monde, et qui avez daigné l’orner des mérites d’une vie très sainte ; nous vous supplions de faire que, méprisant à son exemple les biens de la terre, nous jouissions du bonheur de votre éternelle compagnie.

Office

Quatrième leçon. Sylvestre naquit de parents nobles, à Osimo dans la Marche d’Ancône. Dès son enfance, il se fit remarquer par ses succès dans les lettres et par la pureté de ses mœurs. Quand il fut arrivé à l’adolescence, ses parents l’envoyèrent à Bologne pour s’instruire du droit ; mais, ayant étudié les saintes lettres, pour obéir à un avertissement de Dieu, Sylvestre encourut la colère de son père, et la supporta avec résignation pendant dix années entières. Son rare mérite engagea les chanoines de la cathédrale d’Osimo à l’associer à leur dignité, et dans cette fonction, il se rendit utile au peuple par ses prières, ses exemples et ses prédications.

Cinquième leçon. Assisté tant un jour aux funérailles d’un homme illustre, son parent, et considérant dans le cercueil découvert, le cadavre de cet homme, autrefois remarquable par sa beauté, mais alors défiguré, il se dit : « Je suis ce qu’a été celui-ci ; ce qu’il est maintenant, je le serai. » Puis, à l’issue de la cérémonie funèbre, se rappelant cette parole du Seigneur : « Que celui qui veut venir auprès moi se renonce, prenne sa croix et me suive », il se retira dans un lieu désert, pour s’y appliquer à la pratique d’une vie plus parfaite. Dans sa solitude, il se livra aux veilles, aux jeûnes et à la prière, ne prenant souvent pour toute nourriture que des herbes crues. Pour mieux se dérober aux hommes, il changea plusieurs fois de retraite, et s’arrêta enfin à Monte-Fano, lieu alors désert, quoique voisin de Fabriano. Il y éleva une église en l’honneur du très saint père Benoît, et jeta les fondements de la congrégation des religieux Sylvestriens, sous la règle et l’habit que le même Saint lui avait montrés dans une vision.

Sixième leçon. Satan, voyant avec jalousie tant d’œuvres de piété, s’efforça à plusieurs reprises de jeter le trouble et la frayeur parmi les moines, en secouant violemment pendant la nuit les portes du monastère. Mais l’homme de Dieu repoussa si bien les attaques de l’ennemi, que ses disciples n’en devinrent que plus fermes dans leur sainte vocation et connurent davantage la sainteté de leur père. On voyait briller en lui l’esprit de prophétie, ainsi que d’autres dons surnaturels. En les conservant par une humilité profonde, il excita contre lui la rage du démon, qui le précipita du haut de l’escalier de l’oratoire : sa mort était presque certaine, mais la puissante intervention de la sainte Vierge le fit sortir sain et sauf de ce danger. En reconnaissance de ce bienfait, il ne cessa, jusqu’à son dernier soupir, de l’honorer d’un culte tout spécial. Illustre par sa sainteté et ses miracles, il rendit son âme à Dieu, âgé de près de quatre-vingt-dix ans, l’an du salut mil deux cent soixante-sept, le sixième jour des calendes de décembre. Le souverain Pontife Léon XIII étendit à l’Église universelle l’Office et la Messe de saint Sylvestre.

Dieu, souvent, amène le monde à ceux qui le fuient ; Silvestre Gozzolini, après bien d’autres, en fait aujourd’hui l’expérience. C’est l’heure où la terre, émerveillée par la sainteté, l’éloquence des Ordres nouveaux, semble, au XIIIe siècle , oublier les moines et le chemin du désert ; Dieu, qui n’oublie pas, conduit silencieusement son élu dans la solitude, et derechef la solitude tressaille et fleurit comme le lis. Mains languissantes, genoux débiles des fils du cloître, la force vous est rendue. L’austérité des vieux âges, la ferveur des oraisons prolongées revivent à Monte-Fano, et se propagent en soixante autres monastères ; une nouvelle famille religieuse, celle des Silvestrins, reconnaissable au vêtement bleu qui la distingue de ses aînées, acclame après sept siècles écoulés Benoît, le patriarche du Cassin, comme législateur et comme père.

Combien sont vaines noblesse et beauté, la mort, en vous le révélant, ouvrit devant vous les sentiers de la vie. La futilité d’un monde qu’abuse le mirage de plaisirs trompeurs, ne saurait comprendre l’Évangile qui remet au delà du temps la béatitude, et fait du renoncement, de l’abaissement, de la croix, le chemin pour y parvenir. Avec l’Église nous demandons au Dieu très clément qu’il veuille, en considération de vos mérites, nous donner de mépriser comme vous les félicités sitôt dissipées de la terre, pour jouir un jour en votre compagnie de l’éternel et vrai bonheur. Daignez appuyer nos supplications de votre prière.

Nous attendons de Celui qui vous a glorifié qu’il bénisse et multiplie vos fils, qu’il soutienne avec eux tout l’Ordre monastique, toute famille religieuse, dans les angoisses du temps présent. Saint Abbé, reconnaissez par des bienfaits nouveaux la confiance du Pontife suprême étendant votre culte à l’Église entière en ces tristes jours.

 

 

 

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Sainte Catherine vierge et martyre

25 Novembre 2021 , Rédigé par Ludovicus

Sainte Catherine vierge et martyre

Collecte

O Dieu, qui avez donné la loi à Moïse sur le sommet du mont Sinaï, et qui avez fait miraculeusement transporter en ce même lieu, par vos saints Anges, le corps de votre bienheureuse Vierge et Martyre Catherine ; faites, nous vous en supplions, que par ses mérites et son intercession, nous puissions parvenir à la montagne qui est le Christ.

Office

Quatrième leçon. L’illustre vierge Catherine naquit à Alexandrie. Ayant joint, dès sa jeunesse, l’étude des arts libéraux à l’ardeur de la foi, elle s’éleva en peu de temps à une haute perfection de doctrine et de sainteté, si bien qu’à l’âge de dix-huit ans, elle surpassait les plus érudits. Ayant vu traîner au supplice, par ordre de Maximin, beaucoup de Chrétiens qu’on avait déjà tourmentés diversement à cause de leur religion, Catherine ne craignit pas d’aller trouver ce tyran, et, lui reprochant son impie cruauté, elle lui prouva, par des raisons pleines de sagesse, que la foi en Jésus-Christ est nécessaire pour le salut.
Cinquième leçon. Maximin, rempli d’admiration pour la science de Catherine, la fit garder ; et rassemblant de toutes parts les hommes les plus savants, il leur promit de magnifiques récompenses, s’ils pouvaient la faire passer avec conviction de la foi du Christ au culte des idoles. Le contraire arriva : car plusieurs de ces philosophes réunis pour la convaincre, furent, par la force et la précision de ses raisonnements, embrasés d’un si grand amour envers Jésus-Christ, qu’ils n’auraient point hésité à mourir pour lui. Maximin entreprend donc, par les flatteries et les promesses, d’amener Catherine à d’autres sentiments ; mais comprenant qu’on l’essaierait en vain, il la fait battre de verges, meurtrir à coups de fouets garnis de plomb, puis la retient onze jours en prison, sans nourriture ni boisson.
Sixième leçon. C’est alors que l’épouse de Maximin, et Porphyre, général de ses armées, entrèrent dans la prison pour voir la jeune vierge. Persuadés par ses discours, ils crurent en Jésus-Christ, et reçurent dans la suite la couronne du martyre. Cependant Catherine fut tirée du cachot ; on avait préparé une roue, où se trouvaient fixés de proche en proche des glaives aigus pour déchirer cruellement le corps de la vierge. Mais cet instrument de supplice fut bientôt mis en pièces à la prière de Catherine, et plusieurs, à la vue de ce miracle, embrassèrent la foi de Jésus-Christ. Maximin n’en étant que plus obstiné dans son impiété et sa cruauté, ordonna de décapiter Catherine. Elle présenta courageusement sa tête à la hache du bourreau, et s’envola au ciel, pour recevoir la double récompense de la virginité et du martyre. C’était le septième jour des calendes de décembre. Son corps fut miraculeusement transporté par les Anges sur le mont Sinaï, en Arabie.

Gertrude la Grande avait eu dès l’enfance un attrait spécial pour la glorieuse vierge Catherine ; un jour qu’elle désirait connaître ses mérites, le Seigneur la lui montra sur un trône si haut et si magnifique, que, n’y eût-il pas eu de plus grande reine dans le ciel, la gloire de celle-ci aurait semblé suffire à le remplir ; de sa couronne rejaillissait sur ceux qui l’honoraient une merveilleuse splendeur. On sait comment la Pucelle d’Orléans, placée par Michel Archange sous la conduite des saintes Catherine et Marguerite, reçut d’elles conseil et assistance durant sept années ; comment Sainte-Catherine-de-Fierbois fournit l’épée de la libératrice de la France

Les croisés d’Occident avaient, dans les XII° et XIII° siècles, éprouvé l’aide puissante de la Martyre d’Alexandrie ; ils rapportèrent d’Orient son culte en nos contrées, où lui fut vite acquise une popularité sans pareille. Un Ordre de chevalerie était fondé pour protéger les pèlerins qui allaient vénérer son saint corps au Mont Sinaï. Sa fête, élevée à la dignité de la première classe, comportait l’abstention des œuvres serviles en beaucoup d’églises. Les philosophes chrétiens, les écoliers, les orateurs et procureurs l’honoraient comme patronne ; le doyen des avocats fut appelé bâtonnier en raison du privilège qui lui appartenait de porter sa bannière ; tandis que les jeunes filles, organisées en confréries de Sainte-Catherine, estimaient à grand honneur le soin d’orner l’image de leur Sainte vénérée. Comptée parmi les Saints auxiliateurs à titre de sage conseillère, elle voyait beaucoup d’autres corporations se réclamer d’elle, sans autre motif plausible que l’expérience faite par tous de son crédit universel auprès du Seigneur. Ses fiançailles avec le divin Enfant, d’autres traits de sa Légende, fournirent à l’art chrétien d’admirables inspirations.

Cependant le sage et pieux Baronius regrettait déjà de son temps que, sur quelques points, les Actes de la grande Martyre d’Orient donnassent prise aux doutes dont devait s’emparer la critique outrée des siècles suivants pour amoindrir la con fiance des peuples. Au grand honneur de la virginité chrétienne, il n’en reste pas moins qu’acclamée par élèves et maîtres en la personne de Catherine, elle présida dans la vénération et l’amour au développement de l’esprit humain et de la pensée, durant ces siècles où resplendirent comme des soleils les Albert le Grand, les Thomas d’Aquin, les Bonaventure. Heureux les purs de cœur ! Car ils verront Dieu. « Il faut, disait Méthodius, l’évêque martyr du IIIe siècle, en son Banquet des vierges, il faut que la vierge aime d’amour les saines doctrines, et qu’elle tienne une place honorable parmi ceux que distingue leur sagesse. » Nombreuses furent les compositions liturgiques inspirées à l’Occident par la fête de ce jour. Nous nous bornons à emprunter celle-ci au Graduel de Saint-Victor, en la faisant suivre d’un beau et touchant Répons conservé par les Frères Prêcheurs.

Séquence.
Que notre chœur harmonieusement chante le Créateur, par qui toutes choses sont disposées : par lui combat celui qui ignorait la guerre, par lui sur l’homme à des jeunes filles la victoire est donnée.
Par lui les habitants d’Alexandrie sont stupéfaits de voir en une femme des qualités qui semblaient n’être pas de la femme, lorsque Catherine la bienheureuse triomphe des docteurs par sa science, du fer par son courage à souffrir.
A la gloire de sa race sa vertu sans pareille ajoute un éclat nouveau ; illustre par ceux qui la mirent au monde, illustre elle est plus encore par les mœurs saintes dont fa grâce l’a favorisée.
Tendre est la fleur de sa beauté ; point cependant elle ne lui épargne étude et labeur : de toutes sciences, qu’elles aient le monde ou Dieu pour objet, sa jeunesse s’est rendue maîtresse.
Vase de choix, vase des vertus, les biens qui passent ne sont pour elle que de la boue ; elle méprise la fortune de son père et les grands patrimoines que lui vaut sa naissance.
Vierge prudente et sage, elle se fait sa réserve d’huile pour aller au-devant de l’Epoux : elle veut, toute prête à l’heure qu’il arrivera, entrer sans retard au festin.
Pour le Christ elle désire mourir ; devant l’empereur à qui elle est présentée, l’éloquence de la vierge réduit cinquante philosophes au silence.
L’horreur de la prison où on l’enferme, et l’épreuve des roues menaçantes, la faim, les privations, tout ce qu’elle doit subir, elle le supporte pour l’amour de Dieu, toujours la même en toute rencontre.
Torturée, elle triomphe du bourreau ; la constance d’une femme a triomphé d’un empereur : c’est lui qui est dans les tourments, parce que le bourreau s’avoue vaincu avec ses supplices impuissants.
Elle est enfin décapitée ; la mort pour elle au trépas a pris fin ; elle fait joyeuse son entrée dans la vie : ce pendant que les Anges prennent soin d’ensevelir son corps en une terre lointaine.
Une huile en découle qui, par une grâce évidente, guérit beaucoup de malades ; bonne pour nous sera l’essence, si son intervention guérit nos vices.
Présente à nous, qu’elle se réjouisse en voyant les joies qu’elle nous cause ; que nous donnant les présentes joies, elle nous procure aussi les futures ; qu’elle se réjouisse avec nous ici-bas, et nous avec elle dans la gloire. Amen.
RÉPONS.
R/. La vierge est flagellée , chargée de liens elle est soumise au tourment de la faim, elle demeure emprisonnée, une lumière céleste emplit la prison de splendeur : * Un doux parfum se fait sentir, on entend les cantiques des phalanges des cieux. V/. L’Époux aime l’Épouse, elle reçoit la visite du Sauveur. * Un doux parfum. Gloire au Père. * Un doux parfum.

Bienheureuse Catherine, recevez-nous à votre école. Par vous la philosophie, justifiant son beau nom, conduit à la Sagesse éternelle, le vrai au bien, toute science au Christ, qui est la voie, la vérité, la vie « Curieux qui vous repaissez d’une spéculation stérile et oisive, s’écrie le plus éloquent de vos panégyristes, sachez que cette vive lumière qui vous charme dans la science, ne lui est pas donnée seulement pour réjouir votre vue, mais pour conduire vos pas et régler vos volontés. Esprits vains, qui faites trophée de votre doctrine avec tant de pompe, pour attirer des louanges, sachez que ce talent glorieux ne vous a pas été confié pour vous faire valoir vous-mêmes, mais pour faire triompher la vérité. Âmes lâches et intéressées, qui n’employez la science que pour gagner les biens de la terre, méditez sérieusement qu’un trésor si divin n’est pas fait pour cet indigne trafic ; et que s’il entre dans le commerce, c’est d’une manière plus haute, et pour une fin plus sublime, c’est-à-dire, pour négocier le salut des âmes. »

Ainsi, ô Catherine, n’employez-vous votre science que pour la vérité. Vous faites « paraître Jésus-Christ avec tant d’éclat que les erreurs que soutenait la philosophie sont dissipées par sa présence ; et les vérités qu’elle avait enlevées viennent se rendre à lui comme à leur maître, ou plutôt se réunir en lui comme en leur centre. Apprenons d’un si saint exemple à rendre témoignage à la vérité, à la faire triompher du monde, à faire servir toutes nos lumières à un si juste devoir, qu’elle nous impose. O sainte vérité ! je vous dois le témoignage de ma parole ; je vous dois le témoignage de ma vie ; je vous dois le témoignage de mon sang : car la vérité, c’est Dieu même. » L’Église, ô vierge magnanime, n’a pas d’autre pensée quand aujourd’hui elle formule ainsi pour nous sa prière : « O Dieu qui donnâtes la loi à Moïse sur le sommet du Mont Sinaï, et au même lieu par les saints Anges avez miraculeusement placé le corps de votre bienheureuse Vierge et Martyre Catherine ; exaucez nos supplications : faites que par ses mérites et son intercession nous parvenions à la montagne qui est le Christ, vivant et régnant avec vous dans les siècles des siècles. »

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Saint Jean de la Croix confesseur et docteur mémoire de Saint Chrysogone Martyr

24 Novembre 2021 , Rédigé par Ludovicus

Saint Jean de la Croix confesseur et docteur mémoire de Saint Chrysogone Martyr

Collecte

Dieu, vous avez inspiré à saint Jean, votre Confesseur et Docteur, un amour sublime de la parfaite abnégation de soi et de la Croix : faites que, nous attachant toujours à l’imiter, nous obtenions la gloire éternelle.

Quatrième leçon. Jean de la Croix, né de parents pieux, à Fontibéra en Espagne, fit voir clairement dès ses premières années, combien il devait plus tard être cher à la Vierge Mère de Dieu ; car, à l’âge de cinq ans, étant tombé dans un puits, il fut soutenu sur l’eau par la main de Marie, et il en sortit sain et sauf. Un tel désir de souffrir l’enflamma, que, dès sa neuvième année, il laissait un lit moelleux pour s’étendre d’ordinaire sur une couche de sarments. Parvenu à l’adolescence il se consacra au service des pauvres malades, à l’hospice de Médina del Campo : la grande ardeur de sa charité le tenait toujours prêt à leur rendre les plus bas offices. Aussi les autres infirmiers, excités par son exemple, accomplissaient-ils avec un nouveau zèle les mêmes actes charitables. Mais appelé à une vocation plus sublime, Jean embrassa l’Ordre de la Bienheureuse Vierge Marie du Mont-Carmel, où il reçut la prêtrise par obéissance et désireux d’une discipline très sévère, d’un genre de vie plus austère, obtint de ses supérieurs la permission de suivre la règle primitive de l’Ordre. Dès lors, à cause de son continuel souvenir de la passion du Seigneur, il se déclara la guerre à lui-même, comme à son ennemi le plus redoutable, et il eut bientôt, par les veilles, les jeûnes, les disciplines de fer et toutes sortes de macérations « crucifié sa chair avec ses vices et ses convoitises » ; aussi mérita-t-il pleinement que sainte Thérèse le comptât parmi les plus pures et les plus saintes âmes illustrant alors l’Église de Dieu.

Cinquième leçon. Muni (d’armes spirituelles) par la singulière austérité de sa vie et l’exercice de toutes les vertus, livré à la contemplation assidue des choses divines, Jean de la Croix éprouva souvent de merveilleuses extases ; il brûlait d’un tel amour envers Dieu, que parfois ce feu divin, ne pouvant être contenu plus longtemps en lui-même et semblant rompre ses digues, on le voyait irradier le visage du saint. D’une extrême sollicitude pour le salut du prochain, Jean s’adonnait sans relâche à la prédication de la parole divine et à l’administration des sacrements. Orné de tant de mérites et embrasé du désir véhément de promouvoir une plus stricte discipline, il fut donné par Dieu comme aide à sainte Thérèse pour ramener parmi les Frères la primitive observance du Carmel, qu’elle avait établie chez les Sœurs de cet Ordre. Pour promouvoir cette œuvre divine, il supporta, ainsi que la servante de Dieu, des fatigues innombrables, visitant chacun des monastères élevés par les soins de cette même sainte vierge par toute l’Espagne, et cela sans se laisser effrayer par aucune privation, par aucun danger ; faisant fleurir en ces maisons et en celles qu’il fonda lui-même, la nouvelle observance, et affermissant cette observance par ses paroles et son exemple. Aussi est-il considéré à juste titre, comme ayant, après sainte Thérèse, le plus contribué à la réforme des Carmes déchaussés, qui a reçu ses enseignements et le nomme son père.

Sixième leçon. Jean garda toute sa vie la virginité, et des femmes impudentes s’efforçant de tendre des pièges à sa vertu, il ne se borna pas à les repousser, mais les gagna à Jésus-Christ. Pour l’explication des opérations mystérieuses de la grâce divine, il fut, au jugement du Saint-Siège, l’égal de sainte Thérèse, et c’est éclairé par les lumières d’en haut qu’il écrivit, sur la théologie mystique, des livres tout pleins d’une sagesse céleste. Le Christ lui ayant un jour demandé quelle récompense il souhaitait pour tant de travaux, il répondit : « Seigneur, souffrir et être méprisé pour vous ». Bien que son pouvoir sur les démons, qu’il chassait souvent du corps des possédés, le discernement des esprits, le don de prophétie, l’éclat des miracles l’eussent rendu très célèbre, son humilité demeura constamment telle, que souvent il demandait au Seigneur de mourir en un Heu où il serait ignoré de tous. Son vœu fut exaucé : une cruelle maladie le saisit à Ubède, et, pour combler son désir des souffrances, il lui survint à une jambe cinq plaies purulentes : toutes choses qu’il endura avec une constance admirable. Ayant reçu pieusement et saintement les sacrements de l’Église, dans l’embrassement de Jésus-Christ crucifié, qu’il avait toujours eu dans le cœur et sur les lèvres, et après avoir prononcé ces paroles : « Je remets mon âme entre vos mains », il s’endormit dans le Seigneur, au jour et à l’heure qu’il avait prédits, l’an du salut mil cinq cent quatre-vingt-onze, à l’âge de quarante-neuf ans. On vit un globe de feu tout éblouissant venir en quelque sorte au devant de son âme pour la recevoir ; son -corps exhala un très suave parfum et, aujourd’hui encore exempt de corruption, il est vénéré avec honneur à Ségovie. Des miracles éclatants ayant précédé et suivi la mort de Jean de la Croix, le Souverain Pontife Benoît XIII l’a inscrit au nombre des saints et Pie XI, sur l’avis de la Sacrée Congrégation des Rites, l’a déclaré Docteur de l’Église universelle.

Suivons l’Église se dirigeant vers le Carmel, pour y porter l’hommage reconnaissant du monde. Sur les pas de Thérèse de Jésus, Jean de la Croix s’est levé, frayant aux âmes en quête de Dieu un chemin sûr.

L’évolution qui inclinait les peuples au délaissement de la prière sociale, menaçait de compromettre irréparablement la piété, quand, au XVIe siècle, la divine bonté suscita des Saints dont la parole comme la sainteté répondissent aux besoins de ces temps nouveaux. La doctrine ne change pas ; l’ascétique, la mystique de ce siècle transmirent aux siècles suivants les échos de ceux qui avaient précédé. Leur exposé se fit toutefois plus didactique, leur analyse plus serrée ; leurs procédés se prêtèrent à la nécessité de secourir les âmes que l’isolement livrait au risque de toutes les illusions. C’est justice de reconnaître que, sous l’action toujours féconde de l’Esprit-Saint, la psychologie des états surnaturels en devint plus étendue et plus précise.

Les chrétiens d’autrefois, priant avec l’Église, vivant chaque jour, à toute heure, de sa vie liturgique, gardaient son empreinte en toutes circonstances dans leurs relations personnelles avec Dieu. Et de la sorte il arrivait que, sous l’influence persévérante et transformante de l’Église, participant aux grâces de lumière et d’union, à toutes les bénédictions de cette unique bien-aimée, de cette unique agréée de l’Époux, c’était sa propre sainteté qu’ils s’assimilaient sans labeur autre que de suivre docilement leur Mère, ou de se laisser porter dans ses bras très sûrs. Ainsi s’appliquaient-ils la parole du Seigneur : Si vous ne devenez comme de petits enfants, vous n’entrerez point dans le royaume des cieux.

Qu’on ne s’étonne pas de ne point remarquer près d’eux, aussi fréquente et assidue que de nos jours, l’assistance de directeurs spéciaux attachés à leurs propres personnes. Les guides particuliers sont moins nécessaires aux membres d’une caravane ou d’une armée : ce sont les voyageurs isolés qui ne peuvent s’en passer ; et même avec ces guides particuliers, la sécurité, pour eux, ne sera jamais comparable à celle de quiconque suit la caravane ou l’armée.

C’est ce que comprirent au cours des derniers siècles les hommes de Dieu qui, s’inspirant des aptitudes multiples des âmes, donnèrent leurs noms à des écoles, unes quant au but, diverses quant aux moyens proposés par elles à l’encontre des dangers de l’individualisme. Dans cette campagne de redressement et de salut, où l’ennemie redoutable entre toutes était l’illusion aux mille formes, aux subtiles racines, aux détours infinis, Jean de la Croix fut la vivante image du Verbe de Dieu, pénétrant mieux qu’un glaive acéré jusqu’à la division de l’esprit et de l’âme, des moelles et des jointures, scrutant, révélateur inexorable, intentions et pensées des cœurs. Écoutons-le, bien que moderne, on reconnaît en lui le fils des anciens. « L’âme, écrit-il, est faite pour parvenir à une connaissance fort étendue, et pleine de saveur, des choses divines et humaines, qui s’élève bien au-dessus de sa science naturelle. Autant le divin est éloigné de l’humain, autant la lumière et la grâce de l’Esprit-Saint diffèrent de la lumière des sens. Aussi avant d’arriver à la divine lumière de la parfaite union d’amour, dans la mesure où cela est possible en ce monde, l’âme doit traverser la nuit obscure, affronter ordinairement des ténèbres si profondes que l’intelligence humaine est impuissante à les comprendre et la parole à les exprimer.

« La purification qui conduit l’âme à l’union divine peut recevoir la dénomination de nuit pour trois raisons. La première se rapporte au point de départ ; car, en renonçant à toutes les choses créées, l’âme a dû tout d’abord priver ses appétits du goût qu’ils y trouvaient. Or ceci est indubitablement une nuit pour tous les sens et tous les instincts de l’homme.

« La seconde raison est la voie même qu’il faut prendre pour atteindre l’état bienheureux de l’union. Cette voie n’est autre que la foi, nuit vraiment obscure pour l’entendement.

« Enfin la troisième raison est le terme où l’âme tend. Terme qui est Dieu, être incompréhensible et infiniment au-dessus de nos facultés, et qu’on peut appeler par là même une nuit obscure pour l’âme durant son pèlerinage ici-bas.

« Ces trois nuits à traverser par l’âme sont figurées au Livre de Tobie par les trois nuits que, sur l’ordre de l’Ange, le jeune Tobie laissa écouler avant de s’unir à son épouse. L’Ange Raphaël lui commanda de brûler pendant la première nuit le foie du poisson, symbole d’un cœur affectionné et attaché aux choses créées. Quiconque désire s’élever à Dieu doit, dès le début, purifier son cœur dans le feu de l’amour divin et y consumer tout ce qui appartient au créé. Cette purification met en fuite le démon, qui auparavant avait puissance sur l’âme pour la faire adhérer aux plaisirs temporels et sensibles.

« L’Ange dit à Tobie que dans la seconde nuit il serait admis en la compagnie des saints Patriarches, qui sont les pères de la foi. De même l’âme, après avoir traversé la première nuit, figurée par la privation de tout ce qui flatte les sens, pénètre sans obstacle dans la seconde. Là, étrangère à tous les objets sensibles, elle demeure dans la solitude et la nudité de la foi, l’ayant choisie pour son unique guide.

« Enfin, pendant la troisième nuit il fut promis à Tobie une abondante bénédiction. Dans le sens qui nous occupe, cette bénédiction est Dieu lui-même qui, à la faveur de la seconde nuit, c’est-à-dire de la foi, se communique à l’âme d’une manière si secrète et si intime, que c’est un autre genre de nuit plus profonde que les précédentes. L’union avec l’Épouse, c’est-à-dire avec la Sagesse de Dieu, se consomme quand la troisième nuit est écoulée, nous voulons dire, lorsque cette communication de Dieu à l’esprit est achevée.

« O âmes spirituelles ! ne vous plaignez pas de sentir vos puissances livrées à l’angoisse des ténèbres, vos affections stériles et paralysées, vos facultés impuissantes à tout exercice de la vie intérieure. En vous enlevant votre manière imparfaite d’agir, le Seigneur vous délivre ainsi de vous-même. Malgré le bon emploi que vous eussiez fait d’ailleurs de vos facultés, leur impureté et leur ignorance ne vous eussent jamais permis d’obtenir un résultat aussi parfait et une sécurité aussi entière. Dieu vous prend parla main, et se fait lui-même votre conducteur au milieu des ténèbres. Il vous guide comme un aveugle par un chemin inconnu, vers le terme où ni vos lumières ni vos efforts n’eussent jamais pu vous conduire. »

Nous aimons à laisser les Saints décrire eux-mêmes les voies qu’ils parcoururent, et dont ils demeurent, en récompense de leur fidélité, les guides reconnus dans l’Église. Ajouterons-nous qu’ « il faut prendre garde, dans les peines de ce genre, à ne pas exciter la commisération du Seigneur avant que son œuvre soit achevée ? On ne peut s’y méprendre : telles grâces que Dieu fait à l’âme ne sont pas nécessaires au salut, mais elles doivent être payées d’un certain prix. Si nous nous montrions par trop difficiles, il se pourrait que, pour ménager notre faiblesse, le Seigneur nous laissât retomber dans une voie inférieure, ce qui, au regard de la foi, serait un irréparable malheur. Mais dira-t-on, qu’importe, puisque cette âme se sauvera ? Il est vrai, mais notre intelligence ne saurait apprécier la supériorité d’une âme qui pourrait devenir l’émule des chérubins ou des séraphins, sur celle qui ne saurait être assimilée qu’aux hiérarchies inférieures. Une fausse modestie ou l’amour du médiocre ne saurait avoir légitimement cours en ces matières. Il importe plus qu’on ne saurait le dire aux intérêts de la sainte Église et à la gloire de Dieu que les âmes vraiment contemplatives se multiplient sur la terre. Elles sont le ressort caché et le moteur qui donne l’impulsion sur terre à tout ce qui est la gloire de Dieu, le règne de son Fils, et l’accomplissement parfait de la divine volonté. En vain multipliera-t-on les œuvres, les industries, et même les dévouements : tout sera stérile, si l’Église militante n’a pas ses saints qui la soutiennent dans l’état de voie, celui que le Maître a choisi pour racheter le monde. Certaines puissances et certaines fécondités sont inhérentes à la vie présente ; elle a, de soi, si peu de charmes, qu’il n’était pas inutile d’en relever ainsi le mérite ».

Puissent au Carmel et sur les monts, comme dans la plaine et les vallées, se multiplier les âmes qui concilient le ciel à la terre, attirent les bénédictions, écartent la foudre ! Saints que nous sommes par vocation, puissions-nous à votre exemple et par votre prière, ô Jean de la Croix, laisser la divine grâce agir en nous selon toute la mesure de sa vertu purifiante et déifiante ; car alors aussi nous pourrons dire un jour avec vous :

« O vie divine qui ne donnez la mort que pour rendre la vie, vous m’avez blessée pour me guérir, vous avez détruit en moi ce qui me retenait dans la mort. Sagesse divine, ô touche délicate, Verbe qui pénétrez si subtilement la substance de mon âme, et la plongez en des douceurs qu’on ne connaît pas dans la terre de Chanaan ni dans celle de Théman : vous renversez les montagnes, vous brisez les rochers d’Horeb par la seule ombre de votre puissance, et au prophète vous vous révélez par le murmure d’une brise légère. O souffle divin, si terrible et si doux, le monde ne connaît pas votre suavité.

« Ceux-là seuls vous sentent, ô mon Dieu et ma vie ! ceux-là seuls vous reconnaissent à votre délicatesse infinie, qui, s’éloignant du monde, se sont spiritualisés tout entiers. Vous qui n’avez en vous rien de matériel, vous touchez l’âme d’une manière d’autant plus intime et profonde, que votre être divin, affranchi de tout mode, figure ou forme, l’a rendue elle-même plus simple et pure. Vous cachant en elle, désormais séparée de tout souvenir de créatures, vous la cachez à votre tour dans le secret de votre face divine, l’y mettant à couvert de tous les troubles de ce monde. Vous l’étant réservée, tout autre objet, qu’il soit d’en haut ou d’en bas, la fatigue ; et c’est pour elle une peine et un tourment que d’avoir à s’en occuper ».

 

QUATRIÈMES MAXIMES
DE LA CONTEMPLATION  ET  DE  L'UNION AVEC DIEU.

Dieu ne se communique jamais pleinement ni suavement qu'à un cœur dénué de tout. Liv. III de la Montée du Mont-Carmel, chap. 19.

Pour aller à Dieu, il faut se vider de tout ce qui n'est pas Dieu. Ibid., chap. 6.

Une imperfection d'habitude empêche plus l'union avec Dieu que plusieurs autres plus grièves, qui ne se font pas par coutume, quoiqu'elles se fassent avec quelque advertance. Ibid., chap. 11.

Pour jouir de l'union divine, tout ce qui est dans l'âme, grand ou petit, peu ou beaucoup, doit mourir. Ibid.

Qu'importe à un oiseau qu'il soit arrêté par un fil ou par une corde, puisque l'un et l'autre l'empêche de voler? Il est aussi indifférent que votre âme ait une grande ou petite attache à quelque chose de créé, puisque l'un et l'autre empêchera l'union divine. Liv. II de la Montée du Mont-Carmel, chap. 11.

Il est déplorable de voir des âmes chargées, comme de gros navires, de richesses immenses de vertu, n'arriver jamais au port de l'union avec Dieu, pour n'avoir pas le courage de vaincre une petite imperfection, comme serait de trop parler, etc. Ibid.

Quelque oubli qu'on doive avoir de toutes les choses visibles et corporelles pour s'unir à Dieu, on n'y doit pas comprendre l'humanité de Jésus-Christ, parce qu'elle est la porte, le chemin et le guide assuré à toutes sortes de biens. Liv. IIIde la Montée du Mont-Carmel, chap. 1.

Pourquoi différez-vous de quitter la créature, qui n'est rien, pour vous unir par amour à votre Dieu, qui est tout? Dans ses Avis, 21.

Quelque communication ou sentiment qu'une âme ait de Dieu, elle ne doit pas se persuader que ce soit être plus ou moins en Dieu ; comme aussi, si le goût lui manque, que ce soit y être moins, parce qu'elle ne peut savoir par l'un si elle est en grâce, ni par l'autre si elle est dehors. Dans le Cantique de l'amour de Dieu.

L'union divine consiste à tenir l'âme dans une totale transformation de sa volonté en celle de Dieu. Liv. II de la Montée du Mont-Carmel, chap. 11.

Lorsqu'il parait à l'âme qu'elle fait moins dans l'oraison, c'est pour lors qu'elle est plus occupée en Dieu. Liv. II de la Montée du Mont-Carmel, chap. 14.

Plus le rayon de la contemplation est pur, et simple, et parfait, plus l'entendement le trouve obscur et le ressent moins. Ibid. et liv. II de la Nuit obscure, chap. 8.

Plus l'âme s'avance en esprit, moins sa vue se borne aux objet? particuliers, ayant pour lors un regard plus pur et plus vaste. Ibid., chap. 12.

Jusques à ce que les choses sensibles nous renvoient d'abord à Dieu, on ne doit pas se servir de l'opération des sens pour aller à Dieu. Liv. III de la Montée du Mont-Carmel, chap. 25.

La marque certaine qu'on est beaucoup élevé dans la contemplation, c'est quand l'âme prend plaisir d'être seule avec Dieu dans un simple regard, sans employer les opérations de ses trois puissances. Liv. II de la Montée du Mont-Carmel, chap. 13.

Il y a la même différence entre la méditation et la contemplation, qu'entre agir et jouir de ce qu'on a déjà fait, entre recevoir et profiter de ce qu'on a reçu, entre apprêter la viande et la manger après l'avoir apprêtée. Ibid. chap. 14.

Il y a trois caractères du recueillement intérieur : le premier, si les choses de ce monde ne vous plaisent plus; le second, si vous avez soin du plus parfait; et le troisième, si le silence et la solitude vous donnent du contentement. Dans ses Sent., 50.

Il est plus expédient de représenter simplement à Dieu ses nécessités, que de lui demander du remède, soit parce qu'il sait mieux que nous ce qui nous est nécessaire, soit parce que l'ami a plus de compassion de son ami, quand il le voit ainsi résigné, soit parce que de cette manière l'âme a moins à craindre qu'il n'y ait de l'amour-propre dans sa demande. Dans son Cant. d'amour.

Le grand secret de surmonter le monde sans peine et de rompre peu à peu les obstacles qui empochent l'union divine, est d'être assidu à l'oraison. Dans ses Sentences, 23.

Le moindre attouchement ou communication qu'on ait eue avec Dieu satisfait au-delà de ce qu'on pourrait attendre pour toutes les peines qu'on aurait souffertes à son service. Liv. II de la Montée du Mont-Carmel, chap. 26.

Le souverain moyen d'obtenir de Dieu ce que nous voudrons, est de mettre toute la force de notre oraison à ne pas demander ce que nous voudrons, mais ce que Dieu voudra de nous. Liv. III de la Monté du Mont-Carmel, chap. 43.

L'âme qui se porte à parler et à converser beaucoup avec les hommes ne converse guère avec Dieu; car la conversation avec Dieu attire l'âme à l'intérieur, au silence et à la fuite des créatures. Lettr., 2.

Bien que quelqu'un soit parfait, s'il converse avec les hommes plus que la nécessité et la raison ne le demandent, il en recevra de grands dommages. Lettr. 7.

Saint Jean de la Croix confesseur et docteur mémoire de Saint Chrysogone Martyr
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Saint Clément Ier pape et martyr mémoire de Sainte Félicité Martyre

23 Novembre 2021 , Rédigé par Ludovicus

Saint Clément Ier pape et martyr mémoire de Sainte Félicité Martyre

Collecte

O Dieu, qui nous donnez un sujet de joie dans la solennité annuelle de votre Martyr et Pontife saint Clément, faites par votre bonté que, célébrant sa naissance au ciel, nous imitions en même temps son courage dans les souffrances.

Office

AU DEUXIÈME NOCTURNE.

Quatrième leçon. Clément, fils de Faustinien, naquit à Rome dans le quartier du mont Cœlius et fut disciple du bienheureux Pierre. Saint Paul fait mention de lui dans son Épître aux Philippiens : « Je te prie aussi, dit-il, toi, mon fidèle compagnon, aide celles qui ont travaillé avec moi pour l’Évangile, avec Clément et mes autres coopérateurs, dont les noms sont écrits dans le livre de vie. » II partagea la ville de Rome en sept parties, qu’il attribua à sept notaires, assignant à chacun l’une de ces sept régions, avec la charge de recueillir soigneusement tout ce que l’on savait sur les souffrances et les actes des Martyrs, et de consigner toutes ces choses par écrit. Il composa lui-même avec soin plusieurs ouvrages utiles, qui ont répandu de l’éclat sur la religion chrétienne.
Cinquième leçon. Comme il convertissait beaucoup de monde à la foi du Christ par ses enseignements et par la sainteté de sa vie, l’empereur Trajan l’envoya en exil, au delà du Pont-Euxin, dans les déserts qui s’étendent autour de la ville de Cher-son ; il y trouva deux mille Chrétiens, condamnés par ce même Trajan à extraire et à tailler le marbre. Un jour qu’ils souffraient du manque d’eau, Clément, après avoir prié, monta sur une colline voisine, au sommet de laquelle il vit un Agneau, touchant du pied droit une source d’eau douce qu’il faisait jaillir ; tous y étanchèrent leur soif. Beaucoup d’infidèles furent amenés à la foi de Jésus-Christ par ce miracle, et commencèrent aussi à concevoir de la vénération pour la sainteté de Clément.
Sixième leçon. Trajan, irrité de ces conversions, fit partir des émissaires avec ordre d’attacher une ancre au cou de Clément et de le précipiter dans la mer. L’ordre fut exécuté ; mais les Chrétiens s’étant mis en prières sur le rivage, la mer se retira de trois milles. S’y étant avancés, ils trouvèrent un petit édifice de marbre en forme de temple. A l’intérieur se trouvait une arche de pierre, où était déposé le corps du Martyr, et à côté, l’ancre avec laquelle il avait été jeté dans les flots. Les habitants de la région, frappés de ce prodige, embrassèrent la foi de Jésus-Christ Dans la suite, sous le pontificat de Nicolas 1er, le corps de saint Clément fut transporté à Rome et enseveli dans l’église qui porte son nom. Une église fut aussi dédiée sous son vocable au lieu même de l’île où la fontaine avait miraculeusement jailli. Ce Pontife occupa le Saint-Siège neuf ans, six mois et six jours. Il fit, au mois de décembre, deux ordinations dans lesquelles il ordonna dix Prêtres, deux Diacres, et sacra quinze Évêques pour divers lieux.

ÉPÎTRE AUX CORINTHIENS.

L’Église de Dieu qui est à Rome, à l’Église de Dieu qui est à Corinthe, aux élus sanctifiés, selon sa volonté, par Jésus-Christ, notre Seigneur : que la grâce, que la paix se multiplient sur vous, par le Dieu tout-puissant, en vertu des mérites de Jésus-Christ.

C’est à cause des maux et des afflictions qui nous sont survenus tout à coup, et qui se sont succédé sans relâche, que nous avons si longtemps tardé à répondre aux diverses questions que vous nous avez proposées, et à nous occuper de cette division odieuse, impie, en horreur aux élus de Dieu, voyageurs ici-bas : division que des hommes irréfléchis et téméraires ont allumée parmi vous et poussée si loin, que votre nom vénérable, célèbre par toute la terre, digne de l’amour de tous les hommes, est indignement blasphémé.

[....]

2/ Nécessité de la pénitence et de l’humilité, pour revenir à la pureté des mœurs primitives.

Ce n’est pas seulement pour votre instruction, mais encore pour la nôtre, que nous vous rappelons ces faits. Nous courons la même carrière, les mêmes combats nous sont imposés.

Ainsi donc, loin de nous les vaines et misérables rivalités ! Revenons à l’esprit de notre vocation si sublime, si digne de respect.

Ne voyons que ce qui est juste, ce qui plaît, ce qui est agréable à celui qui nous a donné la vie ; ne détournons jamais nos regards du sang de Jésus-Christ.

Voyons de quel prix il est devant Dieu, ce sang qui fut versé pour notre salut et qui offrit au monde entier sa réconciliation par la pénitence.

Si nous remontons la suite de toutes les générations, nous verrons que Dieu, dans tous les âges, a ménagé ce moyen de salut à tous les hommes.

Noé prêche la pénitence, et les hommes dociles à sa voix sont sauvés.

Jonas vient annoncer aux Ninivites une ruine entière ; mais ceux-ci font pénitence, apaisent Dieu par leurs prières, et trouvent grâce devant lui, bien qu’ils ne fussent pas de son peuple.

Les ministres des grâces divines ont parlé de la pénitence d’après l’Esprit saint, et c’est ainsi que le souverain maître en parle lui-même avec serment :

« Je possède la vie, dit le Seigneur ; je ne veux pas la mort de l’homme pécheur, mais son repentir. »

Il ajoute ensuite ces touchantes paroles : « Repentez-vous de votre iniquité, maison d’Israël. Dites aux enfants de mon peuple : Vos péchés, formeraient-ils une chaîne non interrompue de la terre au ciel, seraient-ils plus rouges que l’écarlate, plus noirs que les vêtements de deuil, tournez-vous vers moi de tout votre cœur, écriez-vous : Mon père ! et je vous écouterai comme si vous étiez un peuple saint.

« Ô Sion ! si tu veux écouter ma voix, tu jouiras des fruits de la terre ; mais si tu refuses de m’entendre, le glaive te dévorera, car c’est le Seigneur qui a parlé. »

Comme il voulait que tous eussent part au salut attaché à la pénitence, il les a affermis par sa volonté toute-puissante.

Obéissons à cette volonté sainte qui nous comble de biens et d’honneurs ; implorons humblement la clémence de notre Dieu ; renonçons aux œuvres vaines, à l’esprit de contention et de jalousie qui mène à la mort, pour recourir désormais à la miséricorde divine.

Que nos regards se reportent toujours sur ces hommes qui n’ont jamais cessé de travailler à la gloire du Très-Haut et de publier sa grandeur.

Voyez Énoch, que son obéissance a fait trouver juste devant le Seigneur, et qui fut transporté dans le ciel sans laisser sur la terre aucune trace de sa mort.

Noé, reconnu fidèle, fut chargé d’annoncer au monde une génération nouvelle. Par lui, Dieu conserva et maintint en paix les animaux introduits dans l’arche.

Abraham, appelé l’ami de Dieu, prouva sa fidélité par sa soumission à ses ordres. L’obéissance lui fit quitter pays, parents, maison paternelle ; et, en échange de cette petite contrée, de cette famille peu nombreuse, de cette maison sans éclat qu’il abandonnait, il obtint l’héritage des promesses divines.

Car c’est ainsi que Dieu lui parle : « Sors de ta terre et de ta parenté, et de la maison de ton père, et viens en la terre que je te montrerai ; et je t’établirai sur une grande nation. »

Et lorsque Abraham se fut séparé de Loth, Dieu lui dit de nouveau :

« Lève les yeux, et regarde du lieu où tu es maintenant vers l’Aquilon et le Midi, vers l’Orient et l’Occident. Toute la terre que tu vois, je te la donnerai et à ta postérité pour toujours ; et je multiplierai ta race comme la poussière de la terre. Si quelqu’un d’entre les hommes peut compter les grains de sable, il pourra compter aussi la suite de tes descendants. »

Abraham crut à Dieu, et sa foi lui fut imputée à justice.

En récompense de cette foi et de l’hospitalité qu’il aimait à exercer, un fils lui fut donné dans sa vieillesse, et il porta l’obéissance jusqu’à l’offrir à Dieu sur une des montagnes que le Seigneur lui avait indiquées.

La piété de Loth et son zèle hospitalier le sauvèrent de Sodome, lorsque tout le pays d’alentour fut condamné à périr par le souffre et par le feu.

Dieu montrait qu’il n’abandonne jamais ceux qui placent en lui leur confiance ; tandis que ceux qui s’égarent dans une voie contraire éprouvent sa justice par des châtiments et des supplices.

La femme de Loth, sortie de Sodome avec lui, dans des sentiments si différents et si éloignés des siens, devint un exemple de cette justice, puisqu’elle fut changée en une statue de sel, qui subsiste encore aujourd’hui.

Et par là Dieu voulait nous apprendre que ceux qui manquent de foi et doutent de sa puissance restent, pour les âges à venir, comme une preuve sensible de la sévérité de ses jugements.

La courtisane Rahab fut aussi sauvée, grâce à sa foi et à l’hospitalité qu’elle exerça.

Josué, fils de Nun, avait envoyé des espions à Jéricho ; le roi de cette contrée sut qu’ils étaient venus pour reconnaître le pays, et aussitôt il fit partir des hommes chargés de les arrêter et de les mettre à mort.

Rahab, qui était hospitalière, les reçut chez elle et les cacha sur sa terrasse, sous le lin qui s’y trouvait. Les envoyés du roi se présentèrent et lui dirent : « Chez toi sont entrés des hommes qui viennent reconnaître le pays. Montre-les ; le roi l’ordonne.

« Les deux hommes que vous cherchez, répondit-elle, sont entrés chez moi, il est vrai, mais ils sont sortis tout aussitôt et continuent leur route. » Elle ne leur découvrit point les espions, et elle dit à ceux-ci : « Je sais que le Seigneur vous a livré cette ville ; l’effroi, l’épouvante se sont répandus sur tous les habitants : quand vous en serez les maîtres, sauvez-moi, ainsi que la maison de mon père. »

Ils lui répondirent : « Tout doit arriver ainsi que vous l’avez dit.

« Quand on viendra vous annoncer notre approche, vous rassemblerez tous les vôtres dans cette maison, et ils seront sauvés ; mais tous ceux qu’on trouvera dehors périront. »

Ils lui recommandèrent encore, pour qu’il leur fût facile de reconnaître la maison, de laisser pendre du toit un ruban d’écarlate : montrant par là que le sang de Jésus-Christ serait un gage de rédemption pour tous ceux qui croient et qui espèrent en Dieu.

Vous voyez, mes frères, que cette femme n’avait pas seulement la foi, mais encore le don de prophétie.

Soyons humbles, mes frères, renonçons à tout ce qui est orgueil, faste, déraison, colère. Observons ce qui est écrit. Que nous dit l’Esprit saint ? Que le sage ne se glorifie pas dans sa sagesse, ni le fort dans sa force, ni le riche dans son opulence ; que celui qui se glorifie le fasse dans le Seigneur : qu’il ne recherche que lui ; qu’il pratique la justice et l’équité.

Rappelons-nous surtout les paroles par lesquelles le Seigneur Jésus nous recommande la douceur et la patience : « Soyez, dit-il, miséricordieux, si vous voulez obtenir miséricorde ; remettez, et on vous remettra ; ainsi que vous agirez, on agira envers vous ; on vous donnera comme vous donnerez ; vous serez jugés ainsi que vous aurez jugé ; on aura pour vous l’indulgence que vous aurez pour les autres, la mesure dont vous aurez usé à leur égard servira envers vous. »

Affermissons-nous de plus en plus dans la pratique de ces préceptes. Soyons fidèles observateurs des divins oracles, et n’ayons jamais que d’humbles sentiments de nous-mêmes.

Car Dieu dit encore dans les saintes Écritures : « Sur qui arrêterai-je mes regards, sinon sur l’homme doux, paisible, tremblant à ma voix ? »

La justice, la piété, nous font un devoir d’obéir à ce Dieu plutôt que de suivre, dans les voies de l’orgueil et de la rébellion, ceux qui ont donné l’exemple d’une détestable jalousie.

C’est s’exposer non à une perte légère, mais au plus grand péril, que de céder aveuglément à l’impulsion de ces hommes qui poussent aux querelles et aux discordes pour nous écarter du droit chemin.

Usons de bienveillance les uns à l’égard des autres, prenant pour modèle la douceur et la bonté de celui dont nous tenons la vie. Car il est écrit : « Les bons habiteront la terre ; les justes s’y affermiront, mais les méchants en seront retranchés à jamais. »

Il est dit ailleurs : « J’ai vu l’impie au plus haut degré d’élévation ; il égalait en hauteur les cèdres du Liban. J’ai passé, et déjà il n’était plus. J’ai cherché sa place, je ne l’ai pas trouvée. Gardez l’innocence, aimez la justice. De grands biens sont tenus en réserve pour l’homme pacifique. »

Attachons-nous étroitement à ceux qui fondent la paix sur la piété, et non à ces hommes qui veulent une paix fausse et mensongère.

C’est d’eux qu’il est dit : « Ce peuple m’honore des lèvres, mais son cœur est loin de moi. »

Et ailleurs : « Ils me flattaient des lèvres, ils me maudissaient dans le cœur. »

Et dans un autre endroit : « Ils l’aimaient seulement de bouche, leur langue mentait au Seigneur ; mais leur cœur n’était pas droit devant lui. Ils n’ont point été fidèles à son alliance. Que les lèvres trompeuses deviennent muettes ! Dieu confondra la bouche qui trompe et la langue qui se glorifie. Ils ont dit : Nous glorifierons notre parole ; nos lèvres sont à nous, et quel est donc notre maître ? À cause de la désolation des opprimés et du gémissement des pauvres, je me lèverai, dit le Seigneur ; je les placerai en lieu sûr, et je serai fidèle à ma parole. »

Jésus-Christ est avec l’homme qui pense humblement de lui-même, et non avec ceux qui élèvent au-dessus de son troupeau une tête orgueilleuse.

Jésus-Christ, notre Seigneur, le sceptre de la majesté divine, malgré sa puissance, est-il venu au monde en étalant le faste et l’orgueil ? N’est-il pas venu, au contraire, dans l’humilité, ainsi que l’Esprit saint l’avait annoncé ? « Seigneur, s’écrie-t-il, qui croira à votre parole ? Pour qui le bras du Seigneur a-t-il été révélé ? Il s’élèvera en la présence de Dieu comme un arbrisseau, comme un rejeton qui sort d’une terre aride. Il n’a ni éclat, ni beauté ; nous l’avons vu, il était méconnaissable ; méprisé, le dernier des hommes, homme de douleurs, il est familiarisé avec la misère ; son visage était obscurci par les opprobres et par l’ignominie, et nous l’avons compté pour rien. Il a vraiment porté lui-même nos infirmités ; il s’est chargé de nos douleurs. Oui, nous l’avons vu comme un lépreux, frappé de Dieu et humilié. Il a été blessé lui-même à cause de nos iniquités ; il a été brisé pour nos crimes ; le châtiment qui doit nous procurer la paix s’est appesanti sur lui ; nous avons été guéris par ses meurtrissures. Nous nous sommes tous égarés comme des brebis ; chacun de nous suivait sa voie, et le Seigneur a fait tomber sur lui l’iniquité de tous. Au milieu des douleurs, il n’a point ouvert la bouche ; il a été à la mort comme un agneau ; il est demeuré comme une brebis devant celui qui la tond ; il est mort au milieu des humiliations après un jugement. Qui racontera sa génération ? Il a été retranché de la terre des vivants. Je l’ai frappé pour les crimes de mon peuple. »

Et dans un autre endroit, Jésus-Christ parle ainsi lui-même : « Pour moi, je suis un ver de terre et non un homme. Je suis l’opprobre des hommes et le rebut du peuple. Tous ceux qui me voient m’insultent ; le mépris sur les lèvres, ils ont secoué la tête en disant : Il a mis son espoir en Dieu ; que Dieu le délivre ; que Dieu le sauve, puisqu’il se plaît en lui. »

Vous voyez, mes chers frères, le modèle qui nous a été donné. Si le souverain maître s’est abaissé à ce degré d’humilité, que ferons-nous donc, nous qui devons tout à sa grâce, nous qui sommes placés sous le joug de sa miséricorde ?

Retraçons en nous l’humilité de ces hommes qu’on voyait couverts de peaux de chèvres et de brebis, allant partout prêcher l’avènement de Jésus-Christ. Nous voulons parler ici des prophètes Élie, Élisée, d’Ézéchiel, et de tant d’autres qui ont mérité d’être loués par l’Esprit saint dans les divines Écritures.

C’est là qu’Abraham est honoré du plus glorieux témoignage : il est appelé l’ami de Dieu. Mais lui, uniquement occupé de la gloire du Seigneur, s’humilie en s’écriant : « Je ne suis que cendre et poussière ! »

Il est ainsi parlé de Job : « Simple et droit, il craignait le Seigneur et fuyait le mal. » Pour lui, s’accusant lui-même, il dit : « Personne n’est sans souillure, sa vie ne fût-elle que d’un jour. »

Et Moïse, trouvé fidèle dans tout ce qui regardait le service du Seigneur, Moïse, dont Dieu employa le ministère pour dérober Israël aux coups et aux outrages qui l’accablaient, est loin de parler magnifiquement de lui-même au milieu des honneurs qui l’entourent. Lorsque, du sein d’un buisson, la voix de Dieu lui parle, il s’écrie : « Qui suis-je, pour que vous m’interrogiez ? Ma voix est faible, ma langue est embarrassée. » Et ailleurs : « Je ne suis qu’une légère vapeur qui s’élève d’un vase. »

Mais que dirons-nous de David, honoré du plus glorieux suffrage, celui de Dieu même, qui lui parle en ces termes : Enfin, j’ai trouvé un homme selon mon cœur ; c’est David, fils de Jessé. Je l’ai sacré avec l’huile sainte. » Et David, parlant au Seigneur, lui dit : « Ô mon Dieu ayez pitié de moi, selon la grandeur de vos miséricordes ; lavez-moi de plus en plus de mes souillures ; effacez mon iniquité ! J’ai péché contre vous, contre vous seul, et j’ai fait le mal en votre présence ; j’ai été conçu dans l’iniquité ; ma mère m’a conçu dans le péché. ».........

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Sainte Cécile vierge et martyre

22 Novembre 2021 , Rédigé par Ludovicus

Sainte Cécile vierge et martyre

Collecte

O Dieu, qui nous réjouissez par la solennité annuelle de la bienheureuse Cécile, votre Vierge et Martyre, daignez nous faire la grâce d’imiter par une vie sainte, les exemples de celle à qui nous rendons aujourd’hui nos hommages.

Office

Au deuxième nocturne.

Quatrième leçon. La vierge Cécile, née à Rome de parents illustres, et élevée dès son enfance dans les principes de la foi chrétienne, consacra à Dieu sa virginité. Mais dans la suite, ayant été contrainte d’épouser Valérien, elle lui tint ce discours, le soir de ses noces : « Valérien, je suis placée sous la garde d’un Ange qui protège ma virginité : c’est pourquoi ne teniez rien à mon égard, de peur d’attirer sur vous la colère de Dieu. » Vivement ému de ces paroles, Valérien n’osa point s’approcher d’elle, il ajouta même qu’il croirait en Jésus-Christ, s’il voyait cet Ange. Cécile lui ayant répondu que cela n’était pas possible à moins qu’il n’eût reçu le baptême, il déclara, dans son ardent désir de voir l’Ange, qu’il voulait être baptisé. C’est pourquoi, d’après le conseil de la jeune vierge, il se rendit auprès du Pape Urbain qui, à cause de la persécution, se tenait caché parmi les tombeaux des Martyrs, sur la voie Appia, et il reçut le baptême de ses mains.
Cinquième leçon. De retour auprès de Cécile, Valérien la trouva en prière, ayant à ses côtés un Ange resplendissant d’une clarté toute divine. Cette vue le frappa d’étonnement ; mais dès qu’il fut revenu de sa frayeur, il manda auprès de lui son frère Tiburce qui, ayant été instruit par Cécile dans la foi de Jésus-Christ et baptisé par le même Pape Urbain, mérita aussi de voir cet Ange que son frère avait vu. Peu de temps après, tous les deux souffrirent courageusement le martyre, sous le préfet Almachius. Celui-ci n’ayant pas tardé à donner l’ordre de s’emparer de Cécile, lui demanda tout d’abord où se trouvaient les richesses de Tiburce et de Valérien.
Sixième leçon. La vierge lui ayant répondu que toutes ses richesses avaient été distribuées aux pauvres, le préfet entra dans une si grande fureur, qu’il ordonna de la ramener chez elle, pour être brûlée dans la salle des bains. Elle y passa un jour et une nuit, sans ressentir aucunement les atteintes de la flamme. On envoya donc le bourreau qui, l’ayant frappée de trois coups de hache, et n’ayant pu lui trancher la tête, la laissa à moitié morte. Trois jours après, le dixième jour des calendes de décembre, sous l’empire d’Alexandre, son âme s’envola dans le ciel, parée de la double couronne du martyre et de la virginité. Le Pape Urbain inhuma lui-même son corps dans le cimetière de Calixte. On a fait de sa demeure une église consacrée sous son vocable. Son corps et ceux des Papes Urbain et Lucius, de Tiburce, de Valérien et de Maxime ont été transférés dans la Ville, par le souverain Pontife Pascal Ier, et déposés dans cette même église de sainte Cécile.
 

Au troisième nocturne.

Homélie de saint Jean Chrysostome.

Septième leçon. Pourquoi, dans cette parabole, le Sauveur met-il en scène des vierges, et non pas indifféremment des personnes quelconques ? Il avait développé de grandes vérités au sujet de la virginité, en disant qu’il en est qui se rendent chastes à cause du royaume des cieux, et avait ajouté : « Que celui qui peut comprendre, comprenne. » II n’ignorait pas que la virginité obtient partout une grande estime ; cette vertu est en effet sublime de sa nature : ce qui le prouve, c’est que, dans l’Ancien Testament, elle n’était pas observée, même par les plus saints personnages, et qu’il ne nous en est pas fait une loi dans le Nouveau ; car Jésus-Christ ne l’a point prescrite, il a laissé les fidèles entièrement libres à cet égard. Aussi saint Paul disait-il : « Quant aux vierges, je n’ai pas reçu de commandement du Seigneur. » Il est vrai, je loue celui qui embrasse cet état ; mais je ne force en rien celui qui n’en veut pas, et je n’en fais pas une chose de précepte.
Huitième leçon. La virginité étant donc, et une grande chose et une chose généralement fort estimée, on aurait pu penser que cette seule vertu remplaçait toutes les autres, et, dès lors, négliger celles-ci ; c’est afin de prévenir une telle illusion que le Sauveur propose cette parabole, bien propre à nous persuader que la virginité, quand même elle serait accompagnée des autres vertus, est rejetée comme l’impureté, si les œuvres de miséricorde lui font défaut. Le Christ met sur le même rang que l’impudique, l’homme inhumain et dénué de miséricorde. L’un et l’autre sont subjugués par la passion ; mais celle qui entraine le premier est plus impérieuse que celle qui domine le second. Aussi, plus l’ennemi qui attaque ces vierges est faible, plus elles sont coupables de se laisser vaincre. C’est précisément pour cela que l’Évangile les appelle folles ; car, étant sorties victorieuses du plus rude combat, elles ont tout perdu quand le triomphe leur était plus facile.
Neuvième leçon. Les lampes désignent ici le don même de la virginité, la pureté de la vie ; et l’huile symbolise la bienfaisance, l’aumône, le secours prodigué aux indigents. « Or, l’époux tardant à venir, elles s’assoupirent toutes, et s’endormirent. » Le Sauveur fait entendre qu’il dut s’écouler un temps considérable, pour ôter à ses disciples l’idée que son règne arriverait bientôt. Ils en nourrissaient l’espoir, aussi Jésus en revient-il souvent à leur enlever cette illusion. En outre, il présente la mort comme un sommeil : « Elles s’endormirent, » dit-il. « Mais au milieu de la nuit, un cri s’éleva. » Ou bien ceci est ajouté à la parabole, ou bien il veut montrer que la résurrection générale aura lieu pendant la nuit. Le cri, saint Paul en fait aussi mention quand il dit : « Sur l’ordre donné, à la voix de l’Archange et au son de la trompette, il descendra du ciel »

Cécile unit dans ses veines au sang des rois celui des héros qui firent la Ville éternelle. Au moment où retentit dans le monde la trompette évangélique, plus d’une famille de l’ancien patriciat ne se survivait plus dans une descendance directe. Mais les adoptions et les alliances qui, sous la République, avaient serré les liens des grandes familles en les rattachant toutes aux plus illustres d’entre elles, formaient de la gloire de chacune un fonds commun qui, jusque dans les siècles de la décadence républicaine, se transmettait intact et constituait l’apanage des survivants de l’aristocratie.

Or il est aujourd’hui démontré, par l’irréfragable témoignage des monuments, que le christianisme dès l’abord s’assimila cette gloire, en faisant siens ses héritiers ; que les premières assises de la Rome des Pontifes, merveilleux dessein de la Providence ! furent ces derniers représentants de la République, conservés tout exprès pour donner aux deux phases de l’histoire romaine l’unité puissante qui est le cachet des œuvres divines. Rapprochés autrefois par un même patriotisme, les Cornelii, les Aemilii, comme eux héritiers des Fabii, les Cœcilii, les Valerii,les Sergii, les Furii, les Claudii, Pomponii, Plautii, Acilii, premiers-nés de l’Église des gentils, virent se resserrer encore au sein du christianisme les liens formés sous la République, et constituèrent, dès le premier et le second siècle de la prédication évangélique, l’indissoluble et noble réseau de la nouvelle société romaine. Puis sur ce tronc vigoureux toujours de la vieille aristocratie vinrent se greffer dans les mêmes siècles, et sous l’influence de la religion que Pierre et Paul avaient prêchée, les membres les plus méritants des nouvelles familles impériales ou consulaires, dignes par leurs vertus vraiment romaines au sein de la dépravation générale, d’être appelés à renforcer les rangs trop éclaircis des fondateurs 4e Rome, et à combler sans brusque transition les vides faits par le temps dans les familles du vrai patriciat. Ainsi Rome poursuivait elle ses destinées ; ainsi l’édification de la Ville éternelle allait s’achevant par ces mêmes hommes qui l’avaient autrefois, dans leur sang et leur génie, constituée forte et puissante sur les sept collines.

Représentante légitime de cette aristocratie sans pareille au monde, Cécile, la plus belle des fleurs de la vieille tige, en fut aussi comme la dernière. Le deuxième siècle de l’ère chrétienne était sur son déclin ; le troisième qui, des mains de l’africain Septime Sévère, allait voir l’empire passer successivement aux Orientaux et aux barbares des rives du Danube, devait être, on le conçoit, peu favorable à la conservation des vieux restes de la noblesse d’antan ; et l’on peut dire que c’en est fait alors de la vraie société romaine, parce qu’alors, sauf de rares et individuelles exceptions, il ne reste plus de romain que le nom, vaine parure d’affranchis et d’hommes nouveaux qui, sous des princes dignes d’eux, exploitent le monde au gré de leurs vices.

Cécile est donc bien apparue à son heure, personnifiant avec une incomparable dignité la société qui va disparaître, son œuvre accomplie. Dans sa force et dans sa beauté, royalement ornée de la pourpre du martyre, c’est l’antique Rome s’élevant aux cieux glorieuse et fière, en face des césars parvenus dont la médiocrité jalouse achève par son immolation, sans en avoir conscience, l’exécution du plan divin. Ce sang des rois et des héros qui s’épanche à flots de sa triple blessure, est la libation du vieux patriciat au Christ vainqueur, à la Trinité dominatrice des nations ; c’est la consécration suprême qui nous révèle dans son étendue la vocation sublime des fortes races appelées à fonder Rome éternelle.

Mais qu’on ne croie pas que la fête de ce jour limite son objet à exciter en nous une admiration théorique et stérile. L’Église reconnaît et honore dans sainte Cécile trois caractères dont la réunion la distingue souverainement au sein de cette admirable famille des Bienheureux qui resplendit au ciel, et en fait descendre les grâces et les exemples. Ces trois caractères sont : la virginité, le zèle apostolique, le courage surhumain qui lui a fait braver la mort et les supplices ; triple enseignement que nous apporte cette seule histoire chrétienne.

Dans ce siècle aveuglément asservi au culte du sensualisme, n’est-il pas temps de protester par les fortes leçons de notre foi contre un entraînement auquel échappent à peine les enfants de la promesse ? Depuis la chute de l’empire romain, vit-on jamais les mœurs, et avec elles la famille et la société, aussi gravement menacées ? La littérature, les arts, le luxe n’ont d’autre but, depuis longues années, que de proposer la jouissance physique comme l’unique terme de la destinée de l’homme ; et la société compte déjà un nombre immense de ses membres qui ne vivent plus que par les sens. Mais aussi malheur au jour où, pour être sauvée, elle croirait pouvoir compter sur leur énergie ! L’empire romain essaya aussi, et à plusieurs reprises, de soulever le fardeau de l’invasion ; il retomba sur lui-même et ne se releva plus.

Oui ; la famille elle-même, la famille surtout est menacée. Contre la reconnaissance légale, disons mieux, l’encouragement du divorce, il est temps qu’elle songe à sa défense. Elle n’y arrivera que par un seul moyen : en se réformant elle-même, en se régénérant d’après la loi de Dieu, en redevenant sérieuse et chrétienne. Que le mariage soit en honneur, avec toutes les chastes conséquences qu’il entraîne ; qu’il cesse d’être un jeu, ou une spéculation ; que la paternité et la maternité ne soient plus un calcul, mais un devoir sévère ; bientôt, par la famille, la cité et la nation auront repris leur dignité et leur vigueur.

Mais le mariage ne remontera à cette élévation qu’autant que les hommes apprécieront l’élément supérieur sans lequel la nature humaine n’est tout entière qu’une ignoble ruine ; cet élément céleste est la continence. Sans doute, tous ne sont pas appelés à l’embrasser dans sa notion absolue ; mais tous lui doivent hommage, sous peine d’être livrés au sens réprouvé, comme parle l’Apôtre.

C’est la continence qui révèle à l’homme le secret de sa dignité, qui trempe son âme pour tous les genres de dévouement, qui assainit son cœur, et relève son être tout entier. Elle est le point culminant delà beauté morale dans l’individu, et en même temps le grand ressort de la société humaine. Pour en avoir éteint le sentiment, l’ancien monde s’en allait en dissolution ; lorsque le fils de la Vierge parut sur la terre, il renouvela et sanctionna ce principe sauveur, et les destinées de la race humaine prirent un nouvel essor.

Les enfants de l’Église, s’ils méritent ce nom, goûtent cette doctrine, et elle n’a rien qui les étonne. Les oracles du Sauveur et de ses Apôtres leur ont tout révélé, et les annales de la foi qu’ils professent leur montrent en action, à chaque page, cette vertu féconde à laquelle tous les degrés de la vie chrétienne doivent participer, chacun dans sa mesure. Sainte Cécile n’offre à leur admiration qu’un exemple de plus. Mais la leçon est éclatante, et tous les siècles chrétiens l’ont célébrée. Que de vertus Cécile a inspirées, que de courages elle a soutenus, que de faiblesses son souvenir a prévenues ou réparées ! Car telle est la puissance de moralisation que le Seigneur a placée dans ses saints, qu’ils n’influent pas seulement par l’imitation directe de leurs héroïques vertus, mais aussi par les inductions que chaque fidèle est à même d’en tirer pour sa situation particulière.

Le second caractère que présente à étudier la vie de sainte Cécile est cette ardeur de zèle dont elle est demeurée l’un des plus admirables modèles, et nous ne doutons pas que sous ce rapport encore la leçon ne soit de nature à produire d’utiles impressions. L’insensibilité au mal dont nous n’avons pas à répondre personnellement, dont les résultats ne sont pas en voie de nous atteindre, est un des traits de l’époque ; on convient que tout s’en va, on assiste à la décomposition universelle, et l’on ne songe pas à tendre la main à son voisin pour l’arracher au naufrage. Où en serions-nous aujourd’hui, si le cœur des premiers chrétiens eût été aussi glacé que le nôtre ; s’il n’eût été pris de cette immense pitié, de cet inépuisable amour qui leur défendit de désespérer du monde, au sein duquel Dieu les avait déposés pour être le sel de la terre ? Chacun alors se sentait comptable sans mesure du don qu’il avait reçu. Fût-il libre ou esclave, connu ou inconnu, tout homme était l’objet d’un dévouement sans bornes pour ces cœurs que la charité du Christ remplissait. Qu’on lise les Actes des Apôtres et leurs Épîtres, on apprendra sur quelle immense échelle fonctionnait l’apostolat dans ces premiers jours ; et l’ardeur de ce zèle fut longtemps sans se refroidir. Aussi les païens disaient : « Voyez comme ils s’aiment ! » Et comment ne se fussent-ils pas aimés ? Dans l’ordre de la foi, ils étaient fils les uns des autres.

Quelle tendresse maternelle Cécile ressentait pour les âmes de ses frères, par cela seul qu’elle était chrétienne ! A la suite de son nom, nous pourrions en enregistrer mille autres qui attestent que la conquête du monde par le christianisme et sa délivrance du joug des dépravations païennes, ne sont dues qu’à ces actes de dévouement opérés sur mille points à la fois, et produisant enfin le renouvellement universel. Imitons du moins en quelque chose ces exemples auxquels nous devons tout. Perdons moins de temps et d’éloquence à gémir sur des maux trop réels. Que chacun se mette à l’œuvre, et qu’il gagne un de ses frères-bientôt le nombre des fidèles aura dépassé celui des incroyants. Sans doute, ce zèle n’est pas éteint, il opère dans plusieurs, et ses fruits réjouissent et consolent l’Église ; mais pourquoi faut-il qu’il sommeille si profondément dans un si grand nombre de cœurs que Dieu lui avait préparés !

La cause en est, hélas ! à la froideur générale, produit de la mollesse des mœurs, et qui donnerait à elle seule le type de l’époque, s’il ne fallait encore y joindre un autre sentiment qui procède de la même source, et suffirait, s’il était de longue durée, à rendre incurable l’abaissement d’une nation. Ce sentiment est la peur, et l’on peut dire qu’il s’étend aujourd’hui aussi loin qu’il est possible. Peur de perdre ses biens ou ses places ; peur de perdre son luxe ou ses aises ; peur enfin de perdre la vie. Il n’est pas besoin de dire que rien n’est plus énervant, et partant plus dangereux pour ce monde, que cette humiliante préoccupation ; mais avant tout, il faut convenir qu’elle n’a rien de chrétien. Aurions-nous oublié que nous ne sommes que voyageurs sur cette terre, et l’espérance des biens futurs serait-elle donc éteinte dans nos cœurs ? Cécile nous apprendra comment on se défait du sentiment de la peur. Au temps où elle vécut, la vie était moins sûre qu’aujourd’hui. Alors on pouvait bien avoir quelque raison de craindre ; cependant on était ferme, et les puissants tremblèrent souvent à la voix de leur victime.

Dieu sait ce qu’il nous réserve ; mais si bientôt la peur ne faisait place à un sentiment plus digne de l’homme et du chrétien, la crise politique ne tarderait pas à dévorer toutes les existences particulières. Quoi qu’il arrive, l’heure est venue de rapprendre notre histoire. La leçon ne sera pas perdue, si nous arrivons à comprendre ceci : avec la peur, les premiers chrétiens nous eussent trahis, car la Parole de vie ne fût pas arrivée jusqu’à nous ; avec la peur, nous trahirions les générations à venir qui attendent de nous la transmission du dépôt que nous avons reçu de nos pères (1).

La Passio sanctœ Cœciliæ est indiquée par les plus anciens textes au 16 septembre, et elle eut lieu sous Marc-Aurèle et Commode empereurs. La grande fête du 22 novembre, précédée de sa Vigile, était l’une des plus solennelles du Cycle romain ; elle rappelait aux habitants des sept collines la dédicace de l’église élevée sur l’emplacement du palais consacré par le sang de la descendante des Metelli, et légué par Cécile mourante à l’évêque Urbain, représentant du Souverain Pontife Éleuthère. Urbain, confondu plus tard avec le Pape du même nom qui gouverna l’Église de Dieu au temps d’Alexandre Sévère, amena les légendaires à retarder d’un demi-siècle le martyre de la Sainte, comme on le voit encore aujourd’hui dans les leçons historiques du jour.

Selon toute vraisemblance, ce fut en l’année 178 que Cécile rejoignit Valérien au ciel d’où l’Ange du Seigneur était descendu peu de mois auparavant, dans la nuit des noces, apportant aux deux époux les couronnes où s’entrelaçaient les lis et les roses. Ensevelie par Urbain telle que l’avait laissée la mort, elle vit au commencement du siècle suivant la crypte de famille qui l’abritait donnée par les siens à l’Église romaine, et disposée pour la sépulture des Pontifes de cette Église maîtresse et mère. Pascal Ier la retrouvait près de ces tombes augustes au IX° siècle, et la ramenait triomphalement, le VIII mai 822, à sa maison du Transtévère qu’elle ne devait plus quitter désormais.

Le 20 octobre 1599, des travaux nécessités par la restauration de la basilique faisaient de nouveau reparaître Cécile aux yeux émerveillés de la Ville et du monde. Elle était revêtue de sa robe brochée d’or, sur laquelle on distinguait encore les traces glorieuses de son sang virginal ; à ses pieds reposaient les linges teints de la pourpre de son martyre. Étendue sur le côté droit, les bras affaissés en avant du corps, elle semblait dormir profondément. Le cou portait encore les cicatrices des plaies dont le glaive du licteur l’avait sillonné ; la tête, par une inflexion mystérieuse et touchante, était retournée vers le fond du cercueil. Le corps se trouvait dans une complète intégrité, et la pose générale, conservée par un prodige unique, après tant de siècles, dans toute sa grâce et sa modestie, retraçait avec la plus saisissante vérité Cécile rendant le dernier soupir, étendue sur le pavé de la salle du bain. On se croyait reporté au jour où le saint évêque Urbain avait renfermé dans l’arche de cyprès le corps de Cécile, sans altérer en rien l’attitude que l’épouse du Christ avait choisie pour exhaler son âme dans le sein de son Époux. On admirait aussi la discrétion de Pascal qui n’avait point troublé le repos de la vierge, et avait su conserver à la postérité un si grand spectacle.

Sfondrate, l’heureux cardinal-titulaire de Sainte-Cécile qui dirigeait les travaux, retrouva en outre dans la chapelle dite du Bain l’hypocauste et les soupiraux du sudatorium où la Sainte passa un jour et une nuit au milieu des vapeurs embrasées. De nouvelles fouilles entreprises récemment, et qui se poursuivent au moment où nous écrivons ces lignes, ont mis à jour d’autres restes de la patricienne demeure, que leur style doit faire reporter aux temps reculés de la République.

Tout l’ensemble des Antiennes et des Répons du 22 novembre (Voir les Matines) est emprunté aux Actes de la Sainte, et il reste le même après treize siècles qu’au temps de saint Grégoire. Nous en détachons quelques parties de nature à compléter le récit qui précède. La vierge nous y est tout d’abord montrée chantant à Dieu dans son cœur, au milieu des profanes accords du festin nuptial : silencieuse mélodie, supérieure à tous les concerts de la terre, qui inspira l’heureuse idée de représenter Cécile avec les attributs de la Reine de l’harmonie, et de l’acclamer comme la patronne du plus séduisant des arts.

Sainte Cécile vierge et martyre
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