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Regnum Galliae Regnum Mariae

Dimanche de la Quinquagésime

27 Février 2022 , Rédigé par Ludovicus

Dimanche de la Quinquagésime

Introït

Soyez-moi un Dieu protecteur et une maison de refuge, afin que vous me sauviez. Car vous êtes ma force et mon refuge, et à cause de votre nom, vous serez mon guide et vous me nourrirez. J’ai espéré en vous, Seigneur : que je ne sois jamais confondu, dans votre justice, délivrez-moi et sauvez-moi.

Collecte

Nous vous supplions, Seigneur, d’exaucer nos prières avec clémence, et après nous avoir dégagés des liens de nos péchés, gardez-nous de toute adversité.

Lecture 1 Cor. 13, 1-13

Mes Frères : Quand je parlerais les langues des hommes et des anges, si je n’ai pas la charité, je suis un airain qui résonne ou une cymbale qui retentit. Quand j’aurais le don de prophétie, que je connaîtrais tous les mystères, et que je posséderais toute science ; quand j’aurais même toute la foi, jusqu’à transporter des montagnes, si je n’ai pas la charité, je ne suis rien. Quand je distribuerais tous mes biens pour la nourriture des pauvres, quand je livrerais mon corps aux flammes, si je n’ai pas la charité, tout cela ne me sert de rien La charité est patiente, elle est bonne ; la charité n’est pas envieuse, la charité n’est point inconsidérée, elle ne s’enfle point d’orgueil ; elle ne fait rien d’inconvenant, elle ne cherche point son intérêt, elle ne s’irrite point, elle ne tient pas compte du mal ; elle ne prend pas plaisir à l’injustice, mais elle se réjouit de la vérité ; elle excuse tout, elle croit tout, elle espère tout, elle supporte tout. La charité ne passera jamais. S’agit-il des prophéties, elles prendront fin ; des langues, elles cesseront ; de la science, elle aura son terme. Car nous ne connaissons qu’en partie, et nous ne prophétisons qu’en partie ; or, quand sera venu ce qui est parfait, ce qui est partiel prendra fin. Lorsque j’étais enfant, je parlais comme un enfant, je pensais comme un enfant, je raisonnais comme un enfant ; lorsque je suis devenu homme, j’ai laissé là ce qui était de l’enfant. Maintenant nous voyons dans un miroir, d’une manière obscure, mais alors nous verrons face à face ; aujourd’hui je connais en partie, mais alors je connaîtrai comme je suis connu. Maintenant ces trois choses demeurent : la foi, l’espérance, la charité ; mais la plus grande des trois c’est la charité.

Évangile Lc. 18, 31-43

En ce temps là : Prenant auprès de lui les Douze, il leur dit : "Voici que nous montons à Jérusalem et que va s’accomplir pour le Fils de l’homme tout ce qui a été écrit par les prophètes. En effet, il sera livré aux Gentils, sera bafoué, sera outragé, et sera couvert de crachats ; et, après l’avoir flagellé, on le fera mourir, et il ressuscitera le troisième jour." Et eux ne comprirent rien à cela ; c’était pour eux un langage caché et ils ne savaient pas ce qui (leur) était dit. Comme il approchait de Jéricho, il se trouva qu’un aveugle était assis sur le bord du chemin, qui mendiait. Entendant passer la foule, il demanda ce que c’était. On l’informa que c’était Jésus de Nazareth qui passait. Et il s’écria : "Jésus, fils de David, ayez pitié de moi !" Ceux qui marchaient devant lui commandèrent avec force de faire silence ; mais il criait beaucoup plus fort : "Fils de David, ayez pitié de moi !" Jésus, s’étant arrêté, ordonna qu’on le lui amenât ; et quand il se fut approché, il lui demanda : "Que veux-tu que je te fasse ?" Il dit : "Seigneur, que je voie !" Et Jésus lui dit : "Vois ! Ta foi t’a sauvé." Et à l’instant il vit, et il le suivait en glorifiant Dieu. Et tout le peuple, à cette vue donna louange à Dieu.

Secrète

Nous vous en supplions, Seigneur, faites que cette hostie nous purifie de nos fautes et qu’elle sanctifie les âmes et les corps de vos serviteurs pour célébrer ce sacrifice.

Communion

Ils mangèrent et furent rassasiés à l’excès, et le Seigneur leur accorda ce qu’ils désiraient : ils ne furent point frustrés de leur désir.

Office

4e leçon

Du livre de saint Ambroise, évêque, sur le Patriarche Abraham

Abraham est un grand homme, en vérité, et décoré des marques insignes de nombreuses vertus. La philosophie a beau élever ses aspirations, elle ne peut égaler sa grandeur. En somme, tout ce qu’elle a jamais pu imaginer est bien inférieur à ce que lui, il a fait et la foi toute simple en la vérité vaut bien mieux que l’enflure mensongère du beau parler. Voyons donc de quelle qualité fut en cet homme la soumission à Dieu. Cette vertu vient la première en ordre d’importance, car elle est le fondement de toutes les autres et c’est à bon droit que Dieu l’a exigée tout d’abord en disant : « Quitte ton pays, ta parenté et la maison de ton père. » Il suffisait de dire « pays », car cela implique le fait de quitter la parenté et la maison paternelle.

5e leçon

Toutefois, le Seigneur détaille son ordre pour éprouver le cœur d’Abraham ; ainsi, ce dernier ne paraîtra pas s’être engagé à la légère, ou avoir médité quelque fraude dans l’exécution des ordres célestes. Comme il convenait d’accumuler les préceptes pour que rien n’en échappe, ainsi fallait-il présenter les récompenses pour prévenir le désespoir. La tentation d’Abraham est mesurée à sa vaillance, l’ordre à sa foi, l’appel à sa justice. Et il a raison de partir comme le Seigneur le lui a enjoint. « Et Lot partit avec lui. » Voilà donc, ce précepte qu’on tient en honneur parmi les sentences des sept Sages : « suivre Dieu. » Abraham l’a observé et, par son acte, il a devancé la parole des Sages : il a suivi Dieu, il a quitté sa terre.

6e leçon

Mais auparavant, Abraham avait vécu dans un autre pays, la terre des Chaldéens, d’où était parti Térah, son père, pour s’établir à Haran, et lui-même, qui avait reçu cet ordre : « Quitte ta parenté », avait emmené avec lui son neveu. Voyons donc si « quitter son pays » ne signifie pas, en quelque sorte, quitter la demeure de cette terre, c’est-à-dire, de notre corps, comme l’a fait Paul qui a dit : « Mais nous, nous sommes citoyens des cieux. »

7e leçon

Homélie de saint Grégoire, pape

Notre Rédempteur, prévoyant que sa Passion jetterait le trouble dans l’âme de ses apôtres, leur prédit bien à l’avance, et les souffrances de cette Passion, et la gloire de sa Résurrection. Ainsi, en le voyant mourir comme il le leur avait annoncé, ils ne douteraient pas qu’il dût également ressusciter. Mais parce que ses disciples encore charnels ne pouvaient rien comprendre au mystère dont il leur parlait, il eut recours à un miracle. Sous leurs yeux, un aveugle s’ouvre à la lumière, en sorte qu’une action céleste affermisse dans la foi ceux qui ne comprenaient pas les paroles du mystère céleste.

8e leçon

Or il faut, frères très chers, reconnaître dans les miracles du Seigneur, notre Sauveur, des faits dont on doit croire qu’ils se sont véritablement accomplis, mais qui cependant, en tant que signes, nous instruisent de quelque chose. Car tout en témoignant par leur puissance de certaines vérités, les œuvres du Seigneur nous en affirment d’autres par leur mystère. Remarquez-le en effet, à nous en tenir au sens littéral, nous ignorons qui fut l’aveugle dont parle notre évangile, mais nous savons pourtant qui il symbolise dans l’ordre du mystère. L’aveugle, c’est le genre humain : exclu des joies du paradis en la personne de son premier père, privé des clartés de la lumière d’en haut, il subit les ténèbres de sa condamnation ; mais retrouvant la lumière grâce à la présence de son Rédempteur, il en vient à apercevoir, en les désirant, les joies de la lumière intérieure, et il pose le pas de ses bonnes œuvres sur le chemin de la vie.

9e leçon

Il faut remarquer que c’est au moment où, selon le récit, Jésus approche de Jéricho que l’aveugle retrouve la lumière. Jéricho signifie « lune », et la lune, dans l’Écriture Sainte, marque la faiblesse de la chair, car elle connaît en chacun de ses cycles mensuels un déclin, qui symbolise notre faiblesse de mortels. Ainsi, c’est lorsque notre Créateur approche de Jéricho que l’aveugle revient à la lumière, puisque c’est quand Dieu a assumé la faiblesse de notre chair que le genre humain a recouvré la lumière qu’il avait perdue. C’est parce que Dieu subit la condition humaine que l’homme est élevé à la condition divine. C’est avec raison que cet aveugle nous est représenté à la fois assis au bord du chemin et en train de mendier, car la Vérité en personne a dit : « Je suis le Chemin. »

 

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La voie de la félicité

26 Février 2022 , Rédigé par Ludovicus

La voie de la félicité

PREMIÈRE JOURNÉE.

Abrégé du sermon. La félicité éternelle proposée sous divers noms dans les huit béatitudes. Mt. V, 1-12.

Tout le but de l'homme est d'être heureux. Jésus-Christ n'est venu que pour nous en donner le moyen. Mettre le bonheur où il faut, c'est la source de tout le bien; et la source de tout mal, est de le mettre où il ne faut pas. Disons donc : Je veux être heureux. Voyons comment : voyons la fin où consiste le bonheur : voyons les moyens pour y parvenir.

La fin est à chacune des huit béatitudes ; car c'est partout la félicité éternelle sous divers noms. A la première béatitude, comme royaume. A la seconde, comme la terre promise. A la troisième, comme la véritable et parfaite consolation. A la quatrième, comme le rassasiement de tous nos désirs. A la cinquième, comme la dernière miséricorde qui ôtera tous les maux, et donnera tous les biens. A la sixième, sous son propre nom, qui est la vue de Dieu. A la septième, comme la perfection de notre adoption. A la huitième, encore une fois, comme le royaume des cieux. Voilà donc la fin partout ; mais comme il y a plusieurs moyens, chaque béatitude en propose un; et tous ensemble rendent l'homme heureux.

Si le sermon sur la montagne est l'abrégé de toute la doctrine chrétienne, les huit béatitudes sont l'abrégé de tout le sermon sur la montagne.

Si Jésus-Christ nous apprend que notre justice doit surpasser celle des scribes et des pharisiens, cela est compris dans cette parole : Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice. Car s'ils la désirent comme leur véritable nourriture, s'ils en sont véritablement affamés, avec quelle abondance la recevront-ils, puisqu'elle se présente de tous côtés pour nous remplir ? Alors aussi nous garderons jusqu'aux moindres des préceptes, comme des hommes affamés qui ne laissent rien et pas même, pour ainsi parler, une miette de leur pain.

Si l'on vous recommande de ne pas maltraiter votre prochain de parole, c'est un effet de la douceur et de cet esprit pacifique à qui est promis le royaume et la qualité d'enfant de Dieu.

Vous ne regarderez pas une femme avec un mauvais désir : Bienheureux ceux qui ont le cœur pur : et vous l'aurez parfaitement pur, lorsque vous l'aurez purifié de tous les désirs sensuels.

Ceux-là sont heureux, qui passent leur vie plutôt dans le deuil et dans une tristesse salutaire, que dans les plaisirs qui les enivrent.

« Ne jurez point; dites : Cela est, cela n'est pas. » C'est encore un effet de la douceur : qui est doux est humble : il n'est point trop attaché à son sens, ce qui rend l'homme trop affirmatif : il dit simplement ce qu'il pense, en esprit de sincérité et de douceur.

On pardonne aisément toutes les injures, si l'on est rempli de cet esprit de miséricorde, qui nous attire une miséricorde bien plus abondante.

On ne résiste pas à la violence, on se laisse même engager à plus qu'on n'a promis, parce qu'on est doux et pacifique.

On aime ses amis et ses ennemis, non seulement à cause qu'on est doux, miséricordieux, pacifique ; mais encore parce qu'on est affamé de la justice, et qu'on la veut faire abonder en soi-même, plus qu'elle n'est dans les pharisiens et dans les gentils.

 Cette faim qu'on a pour la justice, fait aussi qu'on la veut avoir pour le besoin, et non pour l'ostentation.

On aime le jeûne, quand on trouve sa principale nourriture dans la vérité et dans la justice.

Par le jeûne, on a le cœur pur et on se purifie des désirs des sens.

On a le cœur pur, quand on réserve aux yeux de Dieu ce qu'on fait de bien : qu'on se contente d'être vu de lui ; et qu'on ne fait-pas servir la vertu comme d'un fard pour tromper le monde, et s'attirer les regards et l'amour de la créature.

Quand on a le cœur pur, on a l'œil lumineux et l'intention droite.

On évite l'avarice et la recherche des biens, quand on est vraiment pauvre d'esprit.

On ne juge pas, quand on est doux et pacifique, parce que cette douceur bannit l'orgueil.

La pureté de cœur fait qu'on se rend digne de l'Eucharistie, et qu'on ne prend pas comme un chien ce pain céleste.

On prie, on demande, on frappe, quand on a faim et soif de la justice : on demande à Dieu les vrais biens et on les attend de lui, quand on n'aspire qu'à son royaume et à la terre des vivants.

On entre volontiers par la porte étroite, quand on s'estime heureux dans la pauvreté, dans les pleurs, dans les afflictions qu'on souffre pour la justice.

Quand on a faim de la justice, on ne se contente pas de dire de bouche : « Seigneur, Seigneur, » et on se nourrit au dedans de sa vérité.

Alors on bâtit sur le roc, et on trouve le solide pour affermir dessus tout son édifice.

Les béatitudes sont donc l'abrégé de tout le sermon : mais un abrégé agréable, parce que la récompense est jointe au précepte ; le royaume des cieux, sous plusieurs noms admirables, à la justice ; la félicité, à la pratique. 

IIe JOURNÉE.

Première béatitude : être pauvres d'esprit. Mt. V, 3.

Pour venir au détail, Jésus-Christ commence en cette sorte : « Bienheureux sont les pauvres d'esprit : » c'est-à-dire non-seulement ces pauvres volontaires, qui ont tout quitté pour le suivre, et à qui il a promis le centuple dans cette vie et dans la vie future la vie éternelle ; mais encore tous ceux qui ont l'esprit détaché des biens de la terre ; ceux qui sont effectivement dans la pauvreté sans murmure et sans impatience; qui n'ont pas l'esprit des richesses, le faste, l'orgueil, l'injustice, l'avidité insatiable de tout tirer à soi. La félicité éternelle leur appartient sous le titre majestueux de royaume. Parce que le mal de la pauvreté sur la terre, c'est de rendre méprisable, faible, impuissant, la félicité leur est donnée comme un remède à cette bassesse, sous le titre le plus auguste, qui est celui de royaume.

A ce mot : Bienheureux, le cœur se dilate et se remplit de joie. Il se resserre à celui de la pauvreté ; mais il se dilate de nouveau à celui de royaume, et de royaume des cieux. Car que ne voudrait-on pas souffrir pour un royaume, et encore pour un royaume dans le ciel : un royaume avec Dieu, et inséparable du sien, éternel, spirituel, abondant en tout, d'où tout malheur est banni ?

O Seigneur, je vous donne tout : j'abandonne tout pour avoir part à ce royaume ! Puis-je être assez dépouillé de tout pour une telle espérance ! Je me dépouille de cœur et en esprit : et quand il vous plaira de me dépouiller en effet, je m'y soumets.

C'est à quoi sont obligés tous les chrétiens. Mais l'humble religieuse se réjouit d'être actuellement dessaisie, dépouillée, morte aux biens du monde, incapable de les posséder. Heureux dépouillement, qui donne Dieu !

IIIe JOURNÉE.

Seconde béatitude : être doux. Mt. V, 4.

« Bienheureux ceux qui sont doux. Apprenez de moi que je suis doux (Mt. XI, 29) : » sans aigreur, sans enflure, sans dédain, sans prendre avantage sur personne, sans insulter au malheureux, sans même choquer le superbe; mais tâchant de le gagner par douceur : doux même à ceux qui sont aigres : n'opposant point l'humeur à l'humeur, la violence à la violence : mais corrigeant les excès d'autrui par des paroles vraiment douces.

Il y a de feintes douceurs, des douceurs dédaigneuses, pleines d'une fierté cachée : ostentation et affectation de douceur, plus désobligeante, plus insultante que l'aigreur déclarée.

Mais considérons la douceur de Jésus-Christ, dont le Saint-Esprit parle ainsi dans Isaïe : Mon fils, « mon serviteur que j'ai élu, mon bien-aimé où j'ai mis ma complaisance : je mettrai en lui mon esprit, et il annoncera la justice aux nations. Il ne sera point contentieux : il ne criera point : et on n'entendra point sa voix dans les places publiques : il ne brisera pas le roseau cassé, et n'éteindra pas la mèche qui fume encore (Is. XLII, 1-3). » C'est ce qu'Isaïe en a vu en esprit ; c'est ce que saint Matthieu a trouvé si beau, si remarquable, si digne de Jésus-Christ, qu'il prend soin de le relever (Mt. XII, 18-20).

Il est doux envers les plus faibles : quoiqu'un roseau déjà faible soit rendu encore plus faible en le brisant, loin de prendre aucun avantage sur cette faiblesse, il se détournera pour ne pas appuyer le pied dessus. Faites-en autant à votre prochain infirme. Loin de chercher l'occasion de lui nuire, prenez garde que par mégarde, et comme en passant, vous ne marchiez sur lui et n'acheviez de le rompre. Mais quel est ce prochain infirme, si ce n'est le prochain en colère et le prochain qui s'emporte ? Il est brisé par sa propre colère, et ce faible roseau s'est cassé en frappant ; n'achevez pas de le rompre en le foulant encore aux pieds. C'est encore ce que veut dire « la mèche fumante. » Elle brûle ; c'est la colère dans le cœur : elle fume; c'est quelque injure, que le prochain irrité profère contre vous. Gardez-vous bien de l'éteindre avec violence. Ecoutez ce que dit saint Paul : « Ne vous vengez point, ne vous défendez point, mes bien-aimés; mais donnez lieu à la colère. (Rm. XII, 19) » Laissez-la fumer un peu, et s'éteindre comme toute seule. Si elle fume, c'est qu'elle s'éteint: ne l'éteignez pas avec force : mais laissez cette fumée s'exhaler et se perdre inutilement au milieu de l'air, sans vous blesser ni vous atteindre.

C'est ce que fait le Sauveur, lorsqu'il souffre tant d'injures sans s'aigrir. « Vous êtes possédé du malin esprit, » lui dit-on. « Qui est-ce qui songe à vous faire mourir (Jn. VII, 20) ? » Et il répond sans s'émouvoir : « Je ne suis point possédé du malin esprit; mais je rends honneur à mon Père, et vous, vous me déshonorez (Ibid., VIII, 49). » Et encore en un autre endroit, lorsqu'on lui fait le même reproche : « Vous vous fâchez contre moi, parce que j'ai fait un miracle le jour du sabbat, pour guérir un homme (Ibid., VII, 23). » Vous le voyez; il n'éteint pas la mèche fumante, mais il la laisse s'évaporer, pour voir si ces malheureux lassés d'accabler d'injures un homme si humble et si doux, ne reviendront point en leur bon sens.

Telle a été en général la conduite du Fils de Dieu ; en particulier dans sa passion. « Quand on le maudit, il ne maudit pas : quand on le frappe, il ne se plaint pas (I P. II, 23). »

« Si j'ai mal parlé, » dit-il à celui qui lui donnait un soufflet, « faites-le-moi connaître : si j'ai bien dit, pourquoi me frappez-vous (Jn. XVIII, 23)? » Il lui appartient de dire : « Apprenez de moi que je suis doux (Mt. XI, 29). » Il est comparé à un agneau, le plus doux des animaux, qui se laisse non-seulement « tondre, » mais encore « mener à la boucherie sans se plaindre (Is. LIII, 7). »

On est bienheureux dans sa douceur, et on possède la terre. «La terre sainte promise à Abraham est appelée « une terre coulante de lait et de miel (Ex. III, 8 et alibi) » Toute douceur y abonde : c'est la figure du ciel et de l’Église. Ce qui rend l'esprit aigre, c'est qu'on répand sur les autres le venin et l'amertume qu'on a en soi-même. Lorsqu'on a l'esprit tranquille par la jouissance du vrai bien et par la joie d'une bonne conscience, comme on n'a rien d'amer en soi, on n'a que douceur pour les autres : la vraie marque de l'innocence, ou conservée, ou recouvrée, c'est la douceur.

L'homme est si porté à l'aigreur, qu'il s'aigrit très souvent contre ceux qui lui font du bien. Un malade, combien s'aigrit-il contre ceux qui le soulagent ? Presque tout le monde est malade de cette maladie-là : c'est pourquoi on s'aigrit contre ceux qui nous conseillent pour notre bien, et encore plus contre ceux qui le font avec autorité que contre les autres. Ce fond d'orgueil qu'on porte en soi en est la cause. « Bienheureux donc ceux qui sont doux, ils posséderont la terre, » où abonde toute douceur, parce que la joie y est parfaite.

IVe JOURNÉE.

Troisième béatitude : être dans les pleurs. Mt. V, 5.

« Bienheureux ceux qui pleurent (Mt. V, 5) » soit qu'ils pleurent leurs misères, soit qu'ils pleurent leurs péchés : ils sont heureux, et ils recevront la consolation véritable, qui est celle de l'autre vie, « où toute affliction cesse, où toutes les larmes sont essuyées (Ap. XXI, 4). »

Abraham disait au mauvais riche : « Tu as reçu tes biens en ce monde ; et Lazare a reçu ses maux : c'est pourquoi il est consolé, et tu es dans les tourments (Lc, XVI, 25). » Il est heureux, car il a souffert avec patience : son état pénible le forçait souvent à pleurer des maux extrêmes, et il n'avait point de consolation du côté des hommes. Le riche impitoyable ne daignait pas le regarder; mais parce qu'il a souffert avec patience, il est consolé : Dieu l'a reçu dans le lieu où il n'y a point de douleur et de peine.

« Le monde se réjouira, et vous serez affligés : mais votre tristesse sera changée en joie (Jn. XVI, 20). » C'est la promesse du Sauveur à ses disciples. La tristesse et la joie viennent tour à tour : qui s'est réjoui sera affligé : qui s'est affligé sera réjoui : « Bienheureux donc ceux qui pleurent, car ils seront consolés. »

Mais parmi tous ceux qui pleurent, il n'y en a point qui soient plus tôt consolés que ceux qui pleurent leurs péchés. Partout ailleurs la douleur, loin d'être un remède au mal, est un autre mal qui l'augmente : le péché est le seul mal qu'on guérit en le pleurant. Pleurons sans fin, pécheurs, tous tant que nous sommes: que nos yeux soient changés en sources intarissables, dont le cours perpétuel creuse nos joues, comme parle le Psalmiste. La rémission des péchés est le fruit de ces pieuses larmes. Ah ! mille et mille fois heureux ceux qui pleurent leurs péchés : car ils seront consolés.

Mais ceux qui pleurent d'amour et de tendresse, qu'en dirons-nous? Heureux, mille fois heureux! Leur cœur se fond en eux-mêmes , comme parle l’Écriture, et semble vouloir s'écouler par leurs yeux. Qui me dira la cause de ces larmes ? qui me la dira? Ceux qui les ont expérimentées, souvent ne la peuvent dire, ni expliquer ce qui les touche. C'est tantôt la bonté d'un père : c'est tantôt la condescendance d'un roi : c'est tantôt l'absence d'un époux : tantôt l'obscurité qu'il laisse dans l’âme lorsqu'il s'éloigne : et tantôt sa tendre voix, lorsqu'il se rapproche et qu'il appelle sa fidèle épouse : mais le plus souvent, c'est je ne sais quoi qu'on ne peut dire.

Ve JOURNÉE.

Quatrième béatitude : avoir faim et soif de la justice. Mt. V, 6.

« Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés. » Faim et soif, c'est une ardeur vive, un désir avide et pressant, qui vient d'un besoin extrême.

« Cherchez le royaume de Dieu et sa justice (Mt. VI, 33). » La justice règne dans les cieux : elle doit aussi régner dans l'Eglise, qui est souvent appelée le royaume des cieux. Elle règne lorsqu'on rend à Dieu ce qu'on lui doit : car alors on rend aussi pour l'amour de Dieu tout ce qu'on doit à la créature qu'on regarde en lui. On se rend ce qu'on se doit à soi-même : car on s'est donné tout le bien dont on est capable, quand on s'est rempli de Dieu. Alors on a accompli toute justice, comme Jésus-Christ disait à saint Jean. L'âme alors n'a plus de faim, n'a plus de soif : elle a sa véritable nourriture: « Ma nourriture est de faire la volonté de mon Père, » disait le Sauveur, « et d'accomplir son œuvre (Jn. IV, 34). » C'est aussi là ce que le Sauveur appelle toute justice, d'accomplir en tout la volonté toute juste du Père céleste, et d'en faire la règle de la nôtre. Mais quand nous faisons la volonté de Dieu, il fait la nôtre. Le Psalmiste a chanté : « Il fera la volonté de ceux qui le craignent (Ps. CXLIV, 19), » et ainsi il rassasiera tous leurs désirs. Bienheureux ceux qui désirent la justice avec le même empressement qu'on désire manger et boire, lorsqu'on est travaillé de la faim et de la soif; car alors on sera rassasié. De quoi sera-t-on rassasié, si ce n'est de la justice ? On le sera dès cette vie : car le juste se rendra plus juste, et le saint se rendra plus saint pour contenter son avidité. Mais le parfait rassasiement sera dans le ciel, où la justice éternelle nous sera donnée avec la plénitude de l'amour de Dieu. « Je serai rassasié, » disait le Psalmiste, « lorsque votre gloire m'apparaîtra (Ps. XXI, 15). »

Doit-on toujours avoir soif de la justice? Puisque le Sauveur a dit à la Samaritaine : « Celui qui boit de cette eau, » c'est-à-dire des plaisirs du monde, « a encore soif; mais celui qui boira de l'eau dont je lui donnerai, n'aura jamais soif; mais l'eau que je lui donnerai deviendra en lui une fontaine jaillissante pour la vie éternelle (Jn. IV, 13-14) » Il n'aura donc point de soif ! Il n'en aura point en effet, parce qu'il ne désirera plus d'autre plaisir, d'autre joie, d'autre bien, que celui qu'il goûte en Jésus-Christ. Il aura pourtant toujours soif : car il ne cessera point de désirer ce bien suprême, et voudra le posséder de plus en plus. Le voilà donc qui a toujours soif : mais toujours aussi il se désaltère, parce qu'il a en lui la fontaine éternellement jaillissante. Il n'aura point cette soif fatigante et insatiable de ceux qui cherchent les plaisirs des sens. Il aura toujours soif de la justice; mais la bouche toujours attachée à la source qu'il a en lui-même, sa soif ne le fatiguera, ni ne l'affaiblira jamais: « Celui qui croit en moi, » dit le Fils de Dieu, « des fleuves d'eau vive couleront éternellement de ses entrailles : qu'il vienne donc, et qu'il boive (Jn. VII, 37-38). » Venez, âmes saintes, venez à Jésus : désirez, buvez, engloutissez : ne craignez point que cette eau céleste vous manque : la fontaine est au-dessus de votre soif : son abondance est plus grande que votre besoin : Fons vincit sitientem, disait saint Augustin.

VIe JOURNÉE.

Cinquième béatitude : être miséricordieux. Mt. V, 7.

« Bienheureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde (Mt. V, 7). » Le plus bel effet de la charité, c'est d'être touché des maux d'autrui. « Il est plus heureux de donner que de recevoir (Ac. XX, 35), » disait Jésus-Christ. Cette parole n'avait pas été rapportée par les évangélistes : mais Dieu a voulu donner à saint Paul la gloire de la recueillir : « Souvenez-vous, » dit cet apôtre, « de cette parole du Seigneur Jésus : Il est plus heureux de donner que de recevoir (Ibid.). » Bienheureux donc ceux qui donnent, et qui aiment mieux donner que de recevoir. Bienheureux, encore un coup, celui qui appelle à son festin, non point les riches qui peuvent lui rendre le festin qu'il leur aura fait ; mais les pauvres, les estropiés, les boiteux et les aveugles. « Alors, » dit le Sauveur, « vous serez heureux, car ils n'ont rien à vous rendre : et il vous sera rendu à la résurrection des justes (Lc, XIV, 12-14). » Bienheureux donc les miséricordieux qui donnent sans espérance de rien recevoir de ceux sur qui ils exercent la miséricorde : car ils obtiendront de Dieu une miséricorde infinie.

Ainsi ceux qui sont inflexibles, insensibles, sans tendresse, sans pitié, sont dignes de trouver sur eux un ciel d'airain, qui n'ait ni pluie ni rosée. Au contraire, ceux qui sont tendres à là misère d'autrui auront part aux grâces de Dieu et à sa miséricorde : il leur « sera pardonné comme ils auront pardonné aux autres » il leur « sera donné comme ils auront donné aux autres » ils « recevront selon la mesure dont ils se seront servis envers leurs frères (Lc. VI, 37-38)» c'est Jésus-Christ qui le dit; et autant qu'ils auront eu de compassion, autant Dieu en aura-t-il pour eux.

Il faut exercer la miséricorde envers tous ceux qu'on voit souffrir : envers les malades, envers les affligés ; adoucir leurs maux par des paroles de consolation et par de sages conseils, si on ne peut autrement : leur aider à les porter, les partager avec eux autant qu'on peut. C'est le plus beau de tous les sacrifices : « J'aime mieux la miséricorde que le sacrifice (Mt. IX, 13), » comme il l'a dit lui-même.

VIIe JOURNÉE.

Sixième béatitude : avoir le cœur pur. Mt. V, 8.

« Bienheureux ceux qui ont le cœur pur. » Qui pourrait dire la beauté d'un cœur pur? Une glace parfaitement nette, un or parfaitement affiné, un diamant sans aucune tache, une fontaine parfaitement claire, n'égalent pas la beauté et la netteté d'un cœur pur. Il faut en ôter toute ordure, et celles principalement qui viennent des plaisirs des sens : car une goutte de ces plaisirs trouble cette belle fontaine. Qu'elle est belle, qu'elle est ravissante cette fontaine incorruptible d'un cœur pur ! Dieu se plaît à s'y voir lui-même comme dans un beau miroir : il s'y imprime lui-même dans toute sa beauté. Ce beau miroir devient un soleil par les rayons qui le pénètrent : il est tout resplendissant. La pureté de Dieu se joint à la nôtre, qu'il a lui-même opérée en nous; et nos regards épurés le verront briller en nous-mêmes et y luire d'une éternelle lumière. « Bienheureux » donc « ceux qui ont le cœur pur; car ils verront Dieu (Mt. V, 8). »

Aimons la chasteté plus que toutes les autres vertus : c'est elle qui rend le cœur pur.

A chaque objet qui nous touche, craignons toujours en l'aimant de ternir la pureté de notre cœur ; ou de l'enfoncer davantage dans l'ordure, d'où il fallait le retirer.

« Bienheureux le cœur pur, il verra Dieu : » il ne faut que ces deux mots pour nourrir l’âme tout un jour. Il verra Dieu : il verra toute beauté, toute bonté, toute perfection, le bien, la source de tout bien, tout le bien uni, comme il disait à Moïse : « Je te montrerai tout le bien (Ex. XXXIII, 19) » lorsqu'il se montra lui-même. Voir un objet si parfait et l'aimer, c'est la même chose. Il verra donc et il aimera : mais s'il aime, il sera aimé : il chantera les louanges de Dieu, qu'il verra et qu'il aimera sans fin. Il sera rassasié de l'abondance de sa maison, et enivré du torrent de ses délices. Heureuse créature ! mais pour cela il faut avoir le cœur pur. Bienheureux donc celui qui a le cœur pur ! Que celui qui est pur ne cesse de se purifier davantage. Que celui qui n'est pas pur, se tire de l'ordure où il croupit : qu'il lave la saleté qui le déshonore et le défigure.

VIIIe JOURNÉE.

Septième béatitude : être pacifiques. Mt. V, 9.

« Bienheureux les pacifiques; car ils seront appelés enfants de Dieu (Mt. V, 9). » Dieu est appelé « le Dieu de paix : Il fait habiter dans sa maison ceux qui sont de même esprit et de même cœur » lnhabitare facit unius moris (unanimes) in domo (Ps. LXVII, 7.) dit le Psalmiste. Sa bonté concilie tout. Il a composé cet univers des natures et des qualités les plus discordantes : il fait concourir ensemble la nuit et le jour, l'hiver et l'été, le froid et le chaud, et ainsi du reste, pour la bonne constitution de l'univers et pour la conservation du genre humain. Il reçoit ses ennemis en sa paix ; et « il faut, » dit Jésus-Christ, qu'à son exemple, « vous aimiez vos ennemis, et que vous fassiez du bien à ceux qui vous haïssent (Mt. V, 44). » Il faut « que vous le priiez pour ceux qui vous persécutent, afin que vous soyez les enfants de votre Père céleste, qui fait lever son soleil sur les bons et sur les mauvais, et qui pleut sur les justes et sur les injustes (Ibid. 45), » comme nous verrons dans la suite. « Bienheureux » donc « les pacifiques » ceux qui aiment la paix et qui la procurent : « Ils seront appelés enfants de Dieu, » parce qu'ils porteront le caractère d'un si bon Père.

Le soleil n'en est pas plus nébuleux dans les pays où Dieu n'est pas connu : la pluie n'en arrose pas moins abondamment les champs et les pâturages, et n'y est pas moins rafraîchissante, ni moins féconde. Ainsi, comme disait saint Paul, « Dieu ne se laisse point sans témoignage (Ac. XIV, 16). » Le soleil, quand il se lève nous avertit de son immense bonté, puisqu'il ne se lève pas plus tard ni avec des couleurs moins vives pour les ennemis de Dieu que pour ses amis. Adorez donc, quand il se lève, la bonté de Dieu qui pardonne, et ne témoignez pas à votre frère un visage chagrin; pendant que le ciel et Dieu même, si l'on peut parler de la sorte, lui en montre un si serein et si doux.

Jésus-Christ, le Fils unique du Père céleste est le grand pacificateur : « Qui a annoncé la paix à ceux qui étaient de loin, et à ceux qui étaient de près, faisant mourir en lui-même toutes les inimitiés (Ep. II, 14-17), » et « pacifiant par le sang qu'il a répandu sur la croix, tout ce qui est dans le ciel et dans la terre (Col. I, 20), » comme dit saint Paul.

A l'exemple du Fils unique, les enfants d'adoption doivent prendre le caractère de leur père, et se montrer vrais enfants de Dieu par l'amour de la paix.

 Cette grâce d'être enfants de Dieu se consomme dans la vie future, selon ce que dit le Sauveur : « Ils seront vrais enfants de Dieu, parce qu'ils seront des enfants » nouvellement engendrés « par la résurrection (Lc. XX, 36). »

Soyons donc vraiment pacifiques, ayant toujours des paroles de réconciliation et de paix, pour adoucir l'amertume que nos frères témoigneront contre nous ou contre les autres : cherchant toujours à adoucir les mauvais rapports; à prévenir les inimitiés, les froideurs, les indifférences; enfin à réconcilier ceux qui seront divisés. C'est faire l'œuvre de Dieu et se montrer ses enfants, en imitant sa bonté.

Combien sont éloignés de cet esprit ceux qui se plaisent à brouiller les autres qui, par de mauvais rapports souvent faux dans le tout, souvent augmentés dans leurs circonstances, en disant ce qu'il fallait taire, en réveillant le souvenir de ce qu'il fallait laisser oublier, ou par des paroles piquantes et dédaigneuses , aigrissent leurs frères et leurs sœurs déjà émus et infirmes par leur colère !

 

IXe JOURNÉE.

Huitième et dernière béatitude : souffrir pour la justice. Mt. V, 10.

« Bienheureux ceux qui souffrent persécution pour la justice, parce que le royaume des cieux leur appartient (Mt. V, 10). » Tous ceux qui souffrent pour avoir bien fait, pour avoir donné bon exemple, pour avoir obéi simplement, et avoir confondu par leur exemple ceux qui ne vivent pas assez régulièrement; en sorte qu'on se prend à eux des reproches qu'on fait aux autres, souffrent persécution pour la justice. Ceux qui portent leur croix tous les jours, et persécutent persévéramment en eux-mêmes leurs mauvais désirs, souffrent persécution pour la justice.

C'est ici la dernière et la plus parfaite de toutes les béatitudes, parce que c'est elle qui porte le plus vivement en elle-même l'empreinte et le caractère du Fils de Dieu.

C'est pourquoi il s'arrête sur celle-ci : non content d'en avoir parlé comme des autres, il reprend encore le discours, en disant : « Vous serez heureux, quand vous serez maudits et persécutés, et qu'on dira de vous pour l'amour de moi toute sorte de mal : réjouissez-vous, et soyez remplis de joie, » ravis, transportés, « parce qu'ils ont persécuté de la même sorte les prophètes qui ont été avant vous (1): » et non seulement les prophètes, mais encore le Messie lui-même.

On revient donc ici au commencement, et au royaume des cieux, qui avait paru dès la première béatitude. La pauvreté et la persécution pour la justice attirent également le royaume des cieux.

 

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Saint Mathias apôtre

24 Février 2022 , Rédigé par Ludovicus

Saint Mathias apôtre

Collecte

Ô Dieu, qui avez associé le bienheureux Mathias au collège de vos Apôtres, accordez-nous, s’il vous plaît, que, par son intercession, nous ressentions toujours les effets : de vôtre miséricorde à notre égard.

Office

Au premier nocturne.

Des Actes des Apôtres. Cap. 1, 15-26.

Première leçon. En ces jours-là, Pierre se levant au milieu des frères (or le nombre des hommes réunis était d’environ cent vingt), dit : Mes frères, il faut que s’accomplisse ce qu’a écrit et prédit l’Esprit-Saint par la bouche de David, touchant Judas, qui a été le guide de ceux qui ont pris Jésus : qui était compté parmi nous, et avait reçu sa part au même ministère. Et il a acquis un champ du salaire de l’iniquité, et s’étant pendu, il a crevé par le milieu, et toutes ses entrailles se sont répandues.

Deuxième leçon. Et cela a été connu de tous les habitants de Jérusalem, en sorte que ce champ a été appelé en leur langue, Haceldama, c’est-à-dire champ du sang. Car il est écrit au livre 1 des Psaumes : « Que leur demeure devienne déserte, et qu’il n’y ait personne qui l’habite, et que son épiscopat, un autre le reçoive. » Il faut donc que de ceux qui se sont unis à nous pendant tout le temps où le Seigneur Jésus a vécu parmi nous, à commencer du baptême de Jean, jusqu’au jour où il a été enlevé d’au milieu de nous, il y en ait un qui devienne témoin avec nous de sa résurrection.

Troisième leçon. Et ils en présentèrent deux, Joseph, qui s’appelait Barsabas, et qui a été surnommé le Juste, et Mathias. Et, priant, ils dirent : Vous, Seigneur, qui connaissez les cœurs de tous, montrez lequel vous avez choisi, de ces deux, afin de prendre place dans ce ministère et cet apostolat, dans lequel Judas a prévariqué pour s’en aller en son lieu. Et ils leur distribuèrent les sorts, elle sort tomba sur Mathias, et il fut associé aux onze Apôtres. 

Un apôtre de Jésus-Christ, Saint Matthias, vient compléter par sa présence le chœur des Bienheureux que l’Église nous invite à honorer en cette saison liturgique. Mathias s’attacha de bonne heure à la suite du Sauveur, et fut témoin de toutes ses œuvres jusqu’à l’Ascension. Il était du nombre des Disciples ; mais le Christ ne l’avait point établi au rang de ses Apôtres. Cependant il était appelé à cette gloire ; car c’était lui que David avait en vue, lorsqu’il prophétisa qu’un autre recevrait l’Épiscopat laissé vacant par la prévarication du traître Judas. Dans l’intervalle qui s’écoula entre l’Ascension de Jésus et la descente de l’Esprit-Saint, le Collège Apostolique dut songer à se compléter, afin que le nombre duodénaire fixé par le Christ se trouvât rempli, au jour où l’Église enivrée de l’Esprit-Saint se déclarerait en face de la Synagogue. Le nouvel Apôtre eut part à toutes les tribulations de ses frères dans Jérusalem ; et, quand le moment de la dispersion des envoyés du Christ fut arrivé, il se dirigea vers les provinces qui lui avaient été données à évangéliser. D’anciennes traditions portent que la Cappadoce et les côtes de la mer Caspienne lui échurent en partage.

Les actions de saint Mathias, ses travaux et ses épreuves sont demeurés inconnus : et c’est pour cette raison que la Liturgie ne donne point, comme pour les autres Apôtres, l’abrégé historique de sa vie dans les Offices divins. Quelques traits de la doctrine du saint Apôtre ont été conservés dans les écrits de Clément d’Alexandrie ; on y trouve une sentence que nous nous ferons un devoir de citer ici, parce qu’elle est en rapport avec les sentiments que l’Église veut nous inspirer en ce saint temps. « Il faut, disait saint Mathias, combattre la chair et se servir d’elle sans la flatter par de coupables satisfactions ; quant à l’âme, nous devons la développer par la foi et par l’intelligence. » En effet, l’équilibre ayant été rompu dans l’homme par le péché, et l’homme extérieur ayant toutes ses tendances en bas, nous ne pouvons rétablir en nous l’image de Dieu qu’en contraignant le corps à subir violemment le joug de l’esprit. Blessé à sa manière par la faute originelle, l’esprit lui-même est entraîné par une pente malheureuse vers les ténèbres. La foi seule l’en fait sortir en l’humiliant, et l’intelligence est la récompense de la foi. C’est en résumé toute la doctrine que l’Église s’attache à nous faire comprendre et pratiquer dans ces jours. Glorifions le saint Apôtre qui vient nous éclairer et nous fortifier. Les mêmes traditions qui nous fournissent quelque lumière sur la carrière apostolique de saint Mathias, nous apprennent que ses travaux furent couronnés de la palme du martyre. Célébrons aujourd’hui son triomphe en empruntant quelques-unes des strophes par lesquelles l’Église grecque, dans les Menées, célèbre son Apostolat.

Bienheureux Mathias, Éden spirituel, tu as coulé de la fontaine divine, comme un fleuve inondant ; tu as arrosé la terre de tes mystiques ruisseaux, et tu l’as rendue féconde : prie donc le Seigneur d’accorder la paix à nos âmes et sa grande miséricorde.
 
Apôtre Mathias, tu as complété le divin collège après la chute de Judas ; la splendeur céleste de tes sages discours a dissipé les ténèbres de l’idolâtrie, par la vertu de l’Esprit-Saint ; prie maintenant le Seigneur d’accorder la paix à nos âmes et sa grande miséricorde.
 
Celui qui est la vraie Vigne t’a soigné comme une branche féconde destinée à porter la grappe qui verse le vin du salut. Ceux que retenaient les liens de l’ignorance ont bu de ce vin, et ont rejeté l’ivresse de l’erreur.
 
Devenu le char du Verbe de Dieu, ô glorieux Mathias, tu as brisé à jamais les roues de l’erreur, les chars de l’iniquité ; par une vertu divine, tu as détruit de fond en comble les idolâtres, les colonnes et les temples ; mais tu as élevé à la Trinité des temples qui font entendre ce cri : Peuples, célébrez le Christ à jamais !
 
Vénérable Mathias ! Tu as paru comme un ciel spirituel qui raconte la gloire ineffable du Fils de Dieu. Célébrons avec joie d’une voix unanime cet Apôtre, éclair de l’Esprit-Saint, pêcheur des âmes égarées, reflet de la divine clarté, docteur des mystères.
 
Bienheureux Apôtre, le Sauveur t’a appelé son ami, parce que tu as obéi à ses préceptes ; tu es l’héritier de son royaume ; tu seras assis avec lui sur un trône au jour terrible du jugement futur, ô très sage Mathias, toi qui complètes le collège duodénaire des Apôtres.
 
Muni de la Croix comme d’une voile, ô bienheureux, tu as traversé la mer agitée de la vie, et tu es arrivé au port tranquille ; maintenant, joyeux et mêlé au chœur des Apôtres, daigne te présenter au Juge sublime, et implorer pour nous du Seigneur la miséricorde.
 
Ta langue a paru comme une lampe éclatante de reflets d’or, où brûle la flamme du Saint-Esprit ; elle a consumé les dogmes étrangers, et elle a éteint le feu profane, ô sage Mathias, toi qui as lancé ta lumière sur ceux qui étaient assis dans les ténèbres de l’ignorance.
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Saint Pierre Damien évêque confesseur et docteur

23 Février 2022 , Rédigé par Ludovicus

Saint Pierre Damien évêque confesseur et docteur

Collecte

Nous vous en prions, Dieu tout-puissant, accordez-nous de suivre les enseignements et les exemples du bienheureux Pierre, votre Confesseur et Pontife, afin qu’au moyen du mépris des choses terrestres, nous arrivions aux joies éternelles.

Office

Quatrième leçon. Pierre, né à Ravenne, de parents considérés, était encore à la mamelle quand il fut rejeté par sa mère, mécontente d’avoir un grand nombre d’enfants. Mais une .domestique le recueillit demi-mort et le sauva par ses soins, puis le rendit à sa mère, après l’avoir rappelée à des sentiments plus humains. Privé des auteurs de ses jours, il fut réduit à une dure servitude sous la tutelle d’un de ses frères qui le traita comme un vil esclave. Il donna alors un exemple remarquable de religion envers Dieu et de piété filiale. Ayant trouvé par hasard une pièce de monnaie, il ne l’employa point à soulager sa propre indigence, mais la donna à un Prêtre, afin qu’il offrît le divin Sacrifice pour le repos de l’âme de son père. Un autre de ses frères, nommé Damien, l’accueillit avec bienveillance, et prit soin de le faire instruire. On rapporte que c’est à cause de ce frère que Pierre prit le surnom de Damien. Il fit de si rapides progrès dans les lettres qu’il devint un objet d’admiration pour ses maîtres. Il s’acquit une grande réputation par son talent et ses brillants succès dans les sciences libérales, et il les enseigna lui-même avec honneur. Pendant ce temps, afin de soumettre les sens à la raison, il portait un cilice sous des habits recherchés, persévérant avec soin dans le jeûne, les veilles et l’oraison. Comme dans l’ardeur de la jeunesse, il se sentait vivement pressé des aiguillons de la chair, il éteignait la nuit ces flammes rebelles dans les eaux glacées d’un fleuve. De plus, il avait coutume de visiter les sanctuaires en vénération et de réciter tout le Psautier. Il secourait assidûment les pauvres, les conviait souvent à sa table et les servait de ses propres mains.

Cinquième leçon. Désireux de mener une vie plus parfaite, il entra dans le monastère d’Alvellane, au diocèse de Gubbio, de l’Ordre des moines de Sainte-Croix Font-Avellane, fondé par le bienheureux Ludolphe, disciple de saint Romuald. L’Abbé l’envoya peu après au monastère de Pomposia, puis à celui de Saint-Vincent de Petra-Pertusa. H édifia ces deux abbayes par ses saintes prédications, ses enseignements remarquables et sa manière de vivre Étant revenu dans son monastère, il fut, après la mort de l’Abbé, mis à la tête dé la communauté d’Avellane, et la rendit si prospère par les saintes institutions qu’il lui donna, par les nouvelles maisons qu’il fonda en divers lieux, qu’on le regarde avec raison comme le second père de son Ordre et son principal ornement. D’autres monastères dé différents instituts, des chapitres de chanoines et des peuples mêmes, éprouvèrent les salutaires effets de la sollicitude du Saint, il fut, sous plus d’un rapport, utile au diocèse d’Urbin ; il secourut l’Évêque Theuzon dans une circonstance très grave, et l’aida par ses conseils et ses travaux, dans la bonne administration de son évêché. Il excella dans la contemplation des choses divines, pratiqua de grandes macérations corporelles et se fit remarquer par d’autres exemples d’une sainteté éprouvée. Le souverain Pontife Etienne IX, appréciant son mérite, le créa contre son gré et malgré sa résistance, Cardinal de la sainte Église romaine et Évêque d’Ostie. Il s’illustra dans ces dignités par les plus éclatantes vertus, et par des œuvres dignes du ministère épiscopal.

Sixième leçon. Dans des temps très difficiles, Pierre fut d’un grand secours à l’Église romaine et aux souverains Pontifes par sa science, ses légations, et les autres travaux qu’il entreprit. Il combattit vaillamment jusqu’à la mort l’hérésie simoniaque et celle des Nicolaïtes ; et après avoir remédiera ces maux, il réconcilia l’Église de Milan avec celle de Rome. Il s’opposa avec courage aux antipapes Benoît et Cadaloüs ; il détourna Henri IV, roi de Germanie, de son injuste projet de divorce ; il ramena les habitants de Ravenne à l’obéissance qu’ils devaient au Pontife romain, et donna aux chanoines de Velletri des lois qui les amenèrent à une vie plus sainte. A peine y avait-il dans la province d’Urbin une Église qui n’eût reçu de lui quelque service ; celle de Gubbio, qu’il administra pendant quelque temps, fut par lui soulagée d’un grand nombre de maux ; et on le vit ailleurs, quand cela était opportun, pourvoir au bien d’autres Églises, avec autant de soin que si elles eussent été confiées à sa garde. Ayant déposé les charges du cardinalat et de la dignité épiscopale, il ne relâcha rien de son assiduité à secourir le prochain. Il propagea le jeûne du vendredi en l’honneur de la sainte croix de Jésus-Christ, ainsi que le petit Office de la bienheureuse Mère de Dieu et le culte qu’on lui rend le samedi. 11 étendit l’usage de se donner la discipline pour l’expiation des péchés commis. Enfin, illustre par sa sainteté, sa doctrine, ses miracles et ses grandes actions, son âme s’envola vers le Christ, à Faënza. le huit des calendes de mars, tandis qu’il revenait d’une ambassade à Ravenne. Son corps, gardé en la même ville, chez les Cisterciens, devint célèbre par beaucoup de miracles, et il y est honoré par le concours et la vénération continuelle des peuples. Les habitants de Faënza ayant éprouvé plus d’une fois les effets de la protection de saint Pierre Damien dans des circonstances critiques, le choisirent pour leur patron auprès de Dieu. Le Pape Léon XIII a étendu à l’Église universelle, de l’avis de la Congrégation des Rites sacrés, l’Office et la Messe qui se célébraient déjà en son honneur dans quelques diocèses et dans l’Ordre des Camaldules, et au titre de Confesseur Pontife, il a ajouté la qualité de Docteur.

 L’austère réformateur des mœurs chrétiennes au XIe siècle, le précurseur du saint pontife Grégoire VII, Pierre Damien en un mot, paraît aujourd’hui sur le Cycle. A lui revient une partie de la gloire de cette magnifique régénération qui s’accomplit en ces jours où le jugement dut commencer par la maison de Dieu. Dressé à la lutte contre les vices sous une sévère institution monastique, Pierre s’opposa comme une digue au torrent des désordres de son temps, et contribua puissamment à préparer, par l’extirpation des abus, deux siècles de foi ardente qui rachetèrent les hontes du Xe siècle. L’Église a reconnu tant de science, de zèle et de noblesse, dans les écrits du saint Cardinal, que, par un jugement solennel, elle l’a placé au rang de ses Docteurs. Apôtre de la pénitence, Pierre Damien nous appelle à la conversion, dans les jours où nous sommes ; écoutons-le et montrons-nous dociles à sa voix.

Le zèle de la maison du Seigneur consumait votre âme, ô Pierre ! C’est pourquoi vous fûtes donné à l’Église dans un temps où la malice des hommes lui avait fait perdre une partie de sa beauté. Rempli de l’esprit d’Élie, vous osâtes entreprendre de réveiller les serviteurs du Père de famille qui, durant leur fatal sommeil, avaient laissé l’ivraie prévaloir dans le champ. Des jours meilleurs se levèrent pour l’Épouse du Christ ; la vertu des promesses divines qui sont en elle se manifesta ; mais vous, ami de l’Époux, vous avez la gloire d’avoir puissamment contribué à rendre à la maison de Dieu son antique éclat. Des influences séculières avaient asservi le Sanctuaire ; les princes de la terre s’étaient dit : Possédons-le comme notre héritage ; et l’Église, qui surtout doit être libre, n’était plus qu’une vile servante aux ordres des maîtres du monde. Dans cette crise lamentable, les vices auxquels la faiblesse humaine est si facilement entraînée avaient souillé le temple : mais le Seigneur se souvint de celle à laquelle il s’est donné. Pour relever tant de ruines, il daigna employer des bras mortels ; et vous fûtes choisi des premiers, ô Pierre, pour aider le Christ dans l’extirpation de tant de maux. En attendant le jour où le sublime Grégoire devait prendre les Clefs dans ses mains fortes et fidèles, vos exemples et vos fatigues lui préparaient la voie. Maintenant que vous êtes arrivé au terme de vos travaux, veillez sur l’Église de Dieu avec ce zèle que le Seigneur a couronné en vous. Du haut du ciel, communiquez aux pasteurs cette vigueur apostolique sans laquelle le mal ne cède pas. Maintenez pures les mœurs sacerdotales qui sont le sel de la terre. Fortifiez dans les brebis le respect, la fidélité et l’obéissance envers ceux qui les conduisent dans les pâturages du salut. Vous qui fûtes non seulement l’apôtre, mais l’exemple de la pénitence chrétienne, au milieu d’un siècle corrompu, obtenez que nous soyons empressés à racheter, par les œuvres satisfactoires, nos péchés et les peines qu’ils ont méritées. Ranimez dans nos âmes le souvenir des souffrances de notre Rédempteur, afin que nous trouvions dans sa douloureuse Passion une source continuelle de repentir et d’espérance. Accroissez encore notre confiance en Marie, refuge des pécheurs, et donnez-nous part à la tendresse filiale dont vous vous montrâtes animé pour elle, au zèle avec lequel vous avez publié ses grandeurs.

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Chaire de Saint Pierre apôtre à Antioche

22 Février 2022 , Rédigé par Ludovicus

Chaire de Saint Pierre apôtre à Antioche
Chaire de Saint Pierre apôtre à Antioche

Collecte

O Dieu, qui, en confiant au Bienheureux Pierre, votre Apôtre, les clefs du royaume céleste, lui avez donné l’autorité pontificale de lier et de délier ; faites que nous soyons délivrés des liens de nos péchés, par le secours de son intercession.

Lecture 1. P 1, 1-7

Pierre, Apôtre de Jésus-Christ, aux élus étrangers et dispersés dans le Pont, la Galatie, la Cappadoce, l’Asie et la Bithynie, élus selon la prescience de Dieu le Père pour la sanctification de l’Esprit, pour obéir à la foi et avoir part à l’aspersion du sang de Jésus-Christ, que la grâce et la paix vous soient multipliées ! Béni soit le Dieu et le Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui, selon sa grande miséricorde, nous a régénérés pour une espérance vivante par la résurrection de Jésus-Christ d’entre les morts, pour un héritage qui ne peut ni se corrompre, ni se souiller, ni se flétrir, qui est réservé dans les cieux pour vous, qui êtes gardés par la puissance de Dieu, par la foi, pour le salut qui est prêt à être manifesté dans le dernier temps. Vous devez en être transportés de joie, supposé même qu’il faille que, pour un peu de temps, vous soyez attristés par diverses épreuves, afin que votre foi ainsi éprouvée, plus précieuse que l’or (qu’on éprouve par le feu) tourne à votre louange, votre gloire et votre honneur, lorsque paraîtra Jésus-Christ Notre-Seigneur.

Office

AU DEUXIÈME NOCTURNE.

Sermon de saint Augustin, Évêque.

Quatrième leçon. L’institution de la solennité de ce jour a reçu de nos ancêtres le nom de Chaire, parce qu’il est de tradition que Pierre, prince des Apôtres, fut mis à pareil jour, en possession de son siège épiscopal. Les fidèles célèbrent donc à juste titre l’origine de ce siège, dont l’Apôtre fut investi pour leur salut par ces paroles du Seigneur : « Tu es Pierre, et sur cette Pierre je bâtirai mon Église. »
Cinquième leçon. Le Seigneur a donc appelé Pierre le fondement de l’Église, et celle-ci vénère justement ce fondement sur lequel repose tout l’édifice. C’est bien à Pierre que s’appliquent ces paroles du Psaume qui vous a été lu : « Qu’on l’exalte dans l’assemblée du peuple, et qu’on le loue dans la chaire des anciens ». Béni soit Dieu qui prescrit d’exalter le bienheureux Apôtre Pierre dans l’assemblée des fidèles ; il est juste en effet que l’Église vénère le fondement qui lui permet de s’élever jusqu’au ciel.
Sixième leçon. En fêtant aujourd’hui l’origine de la Chaire de saint Pierre, nous rendons honneur au ministère du sacerdoce. Les Églises se rendent ces mutuels égards, comprenant qu’elles croissent d’autant plus en dignité, que les fonctions sacerdotales reçoivent plus d’honneur. C’est à bon droit qu’un religieux usage a introduit cette solennité dans les Églises. Je m’étonne donc des proportions croissantes qu’a prises de nos jours une pernicieuse erreur toute païenne, qui consiste à porter des mets et des vins sur les tombeaux des morts ; comme si les âmes qui ont quitté leurs corps réclamaient ces aliments propres à la chair.
 

AU TROISIÈME NOCTURNE.

Homélie de S. Léon, Pape.

Septième leçon. Le Seigneur demande aux Apôtres ce que les hommes pensent de lui, et leur réponse est commune tant qu’ils expriment l’incertitude de l’esprit des hommes. Mais dès qu’il interroge ses disciples sur leur propre sentiment, le premier en dignité parmi les Apôtres est le premier aussi à confesser le Seigneur. Quand il eut dit : « Vous êtes le Christ le Fils du Dieu vivant », Jésus lui répondit : « Tu es heureux, Simon, fils de Jean, car ni la chair ni le sang ne t’ont révélé ceci ». C’est-à-dire : Tu es heureux, parce que mon Père t’a instruit ; tu n’as pas été trompé par les opinions terrestres, mais l’inspiration céleste t’a éclairé : et ce n’est ni la chair ni le sang qui m’ont fait connaître à toi ; c’est celui dont je suis le Fils unique.
Huitième leçon. « Aussi moi je te dis » ; ce qui signifie : de même que mon Père t’a manifesté ma divinité, ainsi moi je veux te faire connaître ta propre excellence car « tu es Pierre » ; moi je suis la pierre inébranlable, la pierre de l’angle qui des deux peuples n’en fait qu’un, le fondement (et personne n’en peut poser d’autre) ; mais toi aussi tu es une pierre, car tu es affermi par ma vertu, afin que ce qui m’appartient en propre de par ma puissance, te soit donné en participation avec moi. « Et sur cette pierre je bâtirai mon Église, et les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle ». Sur cette force, je bâtirai un temple éternel, et la sublimité de mon Église, qui doit pénétrer le ciel, s’élèvera sur la fermeté de cette foi.
Neuvième leçon. Les portes de l’enfer n’empêcheront pas cette confession de Pierre ; les chaînes de la mort ne la lieront pas, car cette parole est une parole de vie. Elle élève au ciel ceux qui font cette profession ce foi, et plonge dans l’enfer ceux qui refusent de la faire ou de l’admettre. C’est pourquoi le Seigneur dit au bienheureux Pierre : « Je te donnerai les clefs du royaume des cieux ; et tout ce que tu lieras sur la terre sera lié aussi dans les cieux ; et tout ce que tu délieras sur la terre, sera aussi délié dans les cieux. » Il est vrai que ce pouvoir a été communiqué aussi aux autres Apôtres, et que ce décret constitutif concerne également tous les princes de l’Église ; mais en confiant une telle prérogative, ce n’est pas sans raison que notre Seigneur s’adresse à un seul, bien qu’il parle pour tous. C’est à Pierre en particulier que cette autorité est confiée, parce que Pierre est établi chef de tous les pasteurs de l’Église. Le privilège de Pierre subsiste en tout jugement porté en vertu de sa légitime autorité,-et il n’y a excès, ni de sévérité ni d’indulgence où l’on ne lie ni ne délie que ce que le bienheureux Pierre a lié ou délié.

Pour la seconde fois (Voir la fête de la Chaire de Sainte Pierre à Rome, le 18 janvier), Pierre reparaît avec sa Chaire sur le Cycle de la sainte Église ; mais aujourd’hui ce n’est plus son Pontificat dans Rome, c’est son épiscopat à Antioche que nous sommes appelés à vénérer. Le séjour que le Prince des Apôtres fit dans cette dernière ville fut pour elle la plus grande gloire qu’elle eût connue depuis sa fondation ; et cette période occupe une place assez notable dans la vie de saint Pierre pour mériter d’être célébrée par les chrétiens, Cornélius avait reçu le baptême à Césarée des mains de Pierre, et l’entrée de ce Romain dans l’Église annonçait que le moment était venu où le Christianisme allait s’étendre en dehors de la race juive. Quelques disciples dont saint Luc n’a pas conservé les noms, tentèrent un essai de prédication à Antioche, et le succès qu’ils obtinrent porta les Apôtres à diriger Barnabé de Jérusalem vers cette ville. Celui-ci étant arrivé ne tarda pas à s’adjoindre un autre juif converti depuis peu d’années, et connu encore sous le nom de Saul, qu’il devait plus tard échanger en celui de Paul, et rendre si glorieux dans toute l’Église. La parole de ces deux hommes apostoliques dans Antioche suscita au sein de la gentilité de nouvelles recrues, et il fut aisé de prévoir que bientôt le centre de la religion du Christ ne serait plus Jérusalem, mais Antioche ; l’Évangile passant ainsi aux gentils, et délaissant la ville ingrate qui n’avait pas connu le temps de sa visite.

La voix de la tradition tout entière nous apprend que Pierre transporta sa résidence dans cette troisième ville de l’Empire romain, lorsque la foi du Christ y eut pris le sérieux accroissement dont nous venons de raconter le principe. Ce changement de lieu, le déplacement de la Chaire de primauté montraient l’Église avançant dans ses destinées, et quittant l’étroite enceinte de Sion, pour se diriger vers l’humanité tout entière.

Nous apprenons du pape saint Innocent Ier qu’une réunion des Apôtres eut lieu à Antioche. C’était désormais vers la Gentilité que le vent de l’Esprit-Saint poussait ces nuées rapides et fécondes, sous l’emblème desquelles Isaïe nous montre les saints Apôtres. Saint Innocent, au témoignage duquel se joint celui de Vigile, évêque de Thapsus, enseigne que l’on doit rapporter au temps de la réunion de saint Pierre et des Apôtres à Antioche ce que dit saint Luc dans les Actes, qu’à la suite de ces nombreuses conversions de gentils, les disciples du Christ furent désormais appelés Chrétiens.

Antioche est donc devenue le siège de Pierre. C’est là qu’il réside désormais ; c’est de là qu’il part pour évangéliser diverses provinces de l’Asie ; c’est là qu’il revient pour achever la fondation de cette noble Église. Alexandrie, la seconde ville de L’empire, semblerait à son tour réclamer l’honneur de posséder le siège de primauté, lorsqu’elle aura abaissé sa tête sous le joug du Christ ; mais Rome, préparée de longue main parla divine Providence à l’empire du monde, a plus de droits encore. Pierre se mettra en marche, portant avec lui les destinées de l’Église ; là où il s’arrêtera, là où il mourra, il laissera sa succession. Au moment marqué, il se séparera d’Antioche, où il établira pour évêque Évodius son disciple. Évodius sera le successeur de Pierre en tant qu’Évêque d’Antioche ; mais son Église n’héritera pas de la principauté que Pierre emporte avec lui. Ce prince des Apôtres envoie Marc son disciple prendre possession d’Alexandrie en son nom ; et cette Église sera la seconde de l’univers, élevée d’un degré au-dessus d’Antioche, par la volonté de Pierre, qui cependant n’y aura pas siégé en personne. C’est à Rome qu’il se rendra, et qu’il fixera enfin cette Chaire sur laquelle il vivra, il enseignera, il régira, dans ses successeurs.

Telle est l’origine des trois grands Sièges Patriarcaux si vénérés dans l’antiquité : le premier, Rome, investi de la plénitude des droits du prince des Apôtres, qui les lui a transmis en mourant ; le deuxième, Alexandrie, qui doit sa prééminence à la distinction que Pierre en a daigné faire en l’adoptant pour le second ; le troisième, Antioche, sur lequel il s’est assis en personne, lorsque, renonçant à Jérusalem, il apportait à la Gentilité les grâces de l’adoption. Si donc Antioche le cède pour le rang à Alexandrie, cette dernière lui est inférieure, quant à l’honneur d’avoir possédé la personne de celui que le Christ avait investi de la charge de Pasteur suprême. Il était donc juste que l’Église honorât Antioche pour la gloire qu’elle a eue d’être momentanément le centre de la chrétienté : et telle est l’intention de la fête que nous célébrons aujourd’hui.

Les solennités qui se rapportent à saint Pierre ont droit d’intéresser particulièrement les enfants de l’Église. La fête du père est toujours celle de la famille tout entière ; car c’est de lui qu’elle emprunte et sa vie et son être. S’il n’y a qu’un seul troupeau, c’est parce qu’il n’y a qu’un seul Pasteur ; honorons donc la divine prérogative de Pierre, à laquelle le Christianisme doit sa conservation, et aimons à reconnaître les obligations que nous avons au Siège Apostolique. Au jour où nous célébrions la Chaire Romaine, nous avons reconnu comment la Foi s’enseigne, se conserve, se propage par l’Église-Mère, en laquelle résident les promesses faites à Pierre. Honorons aujourd’hui le Siège Apostolique, comme source unique du pouvoir légitime par lequel les peuples sont régis et gouvernés dans l’ordre du salut éternel.

Le Sauveur a dit à Pierre : « Je te donnerai les Clefs du Royaume des cieux », c’est-à-dire de l’Église ; il lui a dit encore : « Pais mes agneaux, pais mes brebis ». Pierre est donc prince : car les Clefs, dans l’Écriture, signifient la principauté ; il est donc Pasteur, et Pasteur universel : car, dans le troupeau, il n’y a rien en dehors des brebis et des agneaux. Mais voici que, par la bonté divine, nous rencontrons de toutes parts d’autres Pasteurs : les Évêques, « que l’Esprit-Saint a posés pour régir l’Église de Dieu », gouvernent en son nom les chrétientés, et sont aussi Pasteurs. Comment ces Clefs, qui sont le partage de Pierre, se trouvent-elles en d’autres mains que dans les siennes ? L’Église catholique nous explique ce mystère dans les monuments de sa Tradition.  Elle nous dit par Tertullien que le Seigneur a « donné les Clefs à Pierre, et par lui à l’Église » ; par saint Optât de Milève, que, pour le bien de » l’unité, Pierre a été préféré aux autres Apôtres, et a reçu seul les Clefs du Royaume des cieux, pour les communiquer aux autres » ; par saint Grégoire de Nysse, que le Christ a donné par Pierre aux Évêques les Clefs de leur céleste « prérogative » ; par saint Léon le Grand, que le Sauveur a donné par Pierre aux autres prince ces des Églises tout ce qu’il n’a pas jugé à propos de leur refuser».

L’Épiscopat est donc à jamais sacré ; car il se rattache à Jésus-Christ par Pierre et ses successeurs ; et c’est ce que la Tradition catholique nous atteste de la manière la plus imposante, applaudissant au langage des Pontifes Romains qui n’ont cessé de déclarer, depuis les premiers siècles, que la dignité des Évêques était d’être appelés à partager leur propre sollicitude, in partem sollicitudinis vocatos. C’est pourquoi saint Cyprien ne fait pas difficulté de dire que le Seigneur, voulant établir la dignité épiscopale et constituer son Église, dit à Pierre : Je te donnerai les Clefs du Royaume des cieux ; et c’est de là que découle l’institution des Évêques et la disposition de l’Église ». C’est ce que répète, après le saint Évêque de Carthage, saint Césaire d’Arles, dans les Gaules, au V° siècle, quand il écrit au saint pape Symmaque : « Attendu que l’Épiscopat prend sa source dans la personne du bienheureux Apôtre Pierre, il suit de là, par une conséquence nécessaire, que c’est à Votre Sainteté de prescrire aux diverses Églises les règles auxquelles elles doivent se conformer ». Cette doctrine fondamentale, que saint Léon le Grand a formulée avec tant d’autorité et d’éloquence, et qui est en d’autres termes la même que nous venons de montrer tout à l’heure par la Tradition, se trouve intimée aux Églises, avant saint Léon, dans les magnifiques Épîtres de saint Innocent Ier qui sont venues jusqu’à nous. C’est ainsi qu’il écrit au concile de Carthage que l’Épiscopat et toute son autorité émanent du Siège Apostolique » ; au concile de Milève, que « les Évêques doivent considérer Pierre comme la source de leur nom et de leur dignité » ; à saint Victrice, Évêque de Rouen, que "l’Apostolat et l’Épiscopat prennent en Pierre leur origine ».

Nous n’avons point ici à composer un traité polémique ; notre but, en alléguant ces titres magnifiques de la Chaire de Pierre, n’est autre que de réchauffer dans le cœur des fidèles la vénération et le dévouement dont ils doivent être animés envers elle. Mais il est nécessaire qu’ils connaissent la source de l’autorité spirituelle qui, dans ses divers degrés, les régit et les sanctifie. Tout découle de Pierre, tout émane du Pontife Romain dans lequel Pierre se continuera jusqu’à la consommation des siècles. Jésus-Christ est le principe de l’Épiscopat, l’Esprit-Saint établit les Évêques ; mais la mission, l’institution, qui assigne au Pasteur son troupeau et au troupeau son Pasteur, Jésus-Christ et l’Esprit-Saint les donnent par le ministère de Pierre et de ses successeurs.

Qu’elle est divine et sacrée, cette autorité des Clefs, qui, descendant du ciel dans le Pontife Romain, dérive de lui par les Prélats des Églises sur toute la société chrétienne qu’elle doit régir et sanctifier ! Le mode de sa transmission par le Siège Apostolique a pu varier selon les siècles ; mais tout pouvoir n’en émanait pas moins de la Chaire de Pierre. Au commencement, il y eut trois Chaires : Rome, Alexandrie et Antioche ; toutes trois, sources de l’institution canonique pour les Évêques de leur ressort ; mais toutes trois regardées comme autant de Chaires de Pierre, fondées par lui pour présider, comme l’enseignent saint Léon, saint Gélase et saint Grégoire le Grand. Mais, entre ces trois Chaires, le Pontife qui siégeait sur la première ne recevait que du Ciel son institution, tandis que les deux autres Patriarches n’exerçaient leurs droits qu’après avoir été reconnus et confirmés par celui qui occupait à Rome la place de Pierre. Plus tard, on voulut adjoindre deux nouveaux Sièges aux trois premiers ; mais Constantinople et Jérusalem n’arrivèrent à un tel honneur qu’avec l’agrément du Pontife Romain. Puis, afin que les hommes ne fussent pas tentés de confondre les distinctions accidentelles dont avaient été décorées ces diverses Églises, avec la divine prérogative de l’Église de Rome, Dieu permit que les Sièges d’Alexandrie, d’Antioche, de Constantinople et de Jérusalem fussent souillés par l’hérésie ; et que, devenues autant de Chaires d’erreur, elles cessassent de transmettre la mission légitime, à partir du moment où elles avaient altéré la foi que Rome leur avait transmise avec la vie. Nos pères les ont vues tomber successivement, ces colonnes antiques que la main paternelle de Pierre avait élevées ; mais leur ruine lamentable n’atteste que plus haut combien est solide l’édifice que la main du Christ a bâti sur Pierre. Le mystère de l’unité s’est alors révélé avec plus d’éclat ; et Rome, retirant à elle les faveurs qu’elle avait versées sur des Églises qui ont trahi cette Mère commune, n’en a paru qu’avec plus d’évidence le principe unique du pouvoir pastoral.  C’est donc à nous, prêtres et fidèles, à nous enquérir de la source où nos pasteurs ont puisé leur pouvoir, de la main qui leur a transmis les Clefs. Leur mission émane-t-elle du Siège Apostolique ? S’il en est ainsi, ils viennent de la part de Jésus-Christ qui leur a confié, par Pierre, son autorité ; honorons-les, soyons-leur soumis. S’ils se présentent sans être envoyés par le Pontife Romain, ne nous joignons point à eux ; car le Christ ne les connaît pas. Fussent-ils revêtus du caractère sacré que confère l’onction épiscopale, ils ne sont rien dans l’Ordre Pastoral ; les brebis fidèles doivent s’éloigner d’eux.

C’est ainsi que le divin Fondateur de l’Église ne s’est pas contenté de lui assigner la visibilité comme caractère essentiel, afin qu’elle fût cette Cité bâtie sur la montagne), et qui frappe tous les regards ; il a voulu encore que le pouvoir céleste qu’exercent les Pasteurs dérivât d’une source visible, afin que chaque fidèle fût à même de vérifier les titres de ceux qui se présentent à lui pour réclamer son âme au nom du Christ. Le Seigneur ne devait pas moins faire pour nous, puisque d’autre part il exigera au dernier jour que nous ayons été membres de son Église, et que nous ayons vécu en rapport avec lui par le ministère des pasteurs légitimes. Honneur donc et soumission au Christ en son Vicaire ; honneur et soumission au Vicaire du Christ dans les pasteurs qu’il envoie !

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Dimanche de la Sexagésime

20 Février 2022 , Rédigé par Ludovicus

Dimanche de la Sexagésime

Introït

Levez-vous ; pourquoi dormez-vous, Seigneur ? Levez-vous, et ne nous repoussez pas à jamais. Pourquoi détournez-vous votre visage et oubliez-vous notre tribulation ? Notre corps est attaché à la terre. Levez-vous, Seigneur, secourez-nous et délivrez-nous. O Dieu, nous avons entendu de nos oreilles ; nos pères nous ont annoncé votre œuvre.

Collecte

O Dieu, qui voyez que nous ne nous confions en aucune de nos œuvres, accordez-nous, dans votre bonté, d’être fortifiés contre tous les maux, grâce à la protection du Docteur des Gentils.

Épitre 2 Cor. 11, 19-33 ; 12, 1-9

Mes Frères : vous qui êtes sensés, vous supportez volontiers les insensés. Vous supportez bien qu’on vous asservisse, qu’on vous dévore, qu’on vous pille, qu’on vous traite avec arrogance, qu’on vous frappe au visage. Je le dis à ma honte, nous avons été bien faibles ! Cependant, de quoi que ce soit qu’on ose se vanter, — je parle en insensé, moi aussi je l’ose. Sont-ils Hébreux ? Moi aussi, je le suis. Sont-ils Israélites ? Moi aussi. Sont-ils de la postérité d’Abraham ? Moi aussi. Sont-ils ministres du Christ ? — Ah ! je vais parler en homme hors de sens : — je le suis plus qu’eux : bien plus qu’eux par les travaux, biens plus par les coups, infiniment plus par les emprisonnements ; souvent j’ai vu de près la mort ; cinq fois j’ai reçu des Juifs quarante coups de fouet moins un ; trois fois, j’ai été battu de verges ; une fois j’ai été lapidé ; trois fois j’ai fait naufrage ; j’ai passé un jour et une nuit dans l’abîme. Et mes voyages sans nombre, les périls sur les fleuves, les périls de la part des brigands, les périls de la part de ceux de ma nation, les périls de la part des Gentils, les périls dans les villes, les périls dans les déserts, les périls sur la mer, les périls de la part des faux frères, les labeurs et les peines, les nombreuses veilles, la faim, la soif, les jeûnes multipliés, le froid, la nudité ! Et sans parler de tant d’autres choses, rappellerai-je mes soucis de chaque jour, la sollicitude de toutes les Églises ? Qui est faible que je ne sois faible aussi ? Qui vient à tomber sans qu’un feu me dévore ? S’il faut se glorifier, c’est de ma faiblesse que je me glorifierai. Dieu, qui est le Père de notre Seigneur Jésus-Christ, et qui est béni éternellement, sait que je ne mens point. A Damas, l’ethnarque du roi Arétas faisait garder la ville pour se saisir de moi ; mais on me descendit par une fenêtre, dans une corbeille, le long de la muraille, et j’échappai ainsi de ses mains. Faut-il se glorifier ? Cela n’est pas utile ; j’en viendrai néanmoins à des visions et à des révélations du Seigneur. Je connais un homme dans le Christ qui, il y a quatorze ans, fut ravi jusqu’au troisième ciel (si ce fut dans son corps, je ne sais ; si ce fut hors de son corps, je ne sais : Dieu le sait). 3 Et je sais que cet homme (si ce fut dans son corps ou sans son corps, je ne sais, Dieu le sait) fut enlevé dans le paradis, et qu’il a entendu des paroles ineffables qu’il n’est pas permis à un homme de révéler. C’est pour cet homme-là que je me glorifierai ; mais pour ce qui est de ma personne, je ne me ferai gloire que de mes faiblesses. Certes, si je voulais me glorifier, je ne serais pas un insensé, car je dirais la vérité ; mais je m’en abstiens afin que personne ne se fasse de moi une idée supérieure à ce qu’il voit en moi ou à ce qu’il entend de moi. Et de crainte que l’excellence de ces révélations ne vînt à m’enfler d’orgueil, il m’a été mis une écharde dans ma chair, un ange de Satan pour me souffleter. A son sujet, trois fois j’ai prié le Seigneur de l’écarter de moi, et il m’a dit : "Ma grâce te suffit, car c’est dans la faiblesse que ma puissance se montre tout entière." Je préfère donc bien volontiers me glorifier de mes faiblesses, afin que la puissance du Christ habite en moi.

Évangile Lc. 8, 4-15

En ce temps là : Comme une foule nombreuse s’amassait et que de toutes les villes on venait vers lui, il dit par parabole : "Le semeur sortit pour semer sa semence ; et, pendant qu’il semait, du (grain) tomba le long du chemin ; il fut foulé aux pieds, et les oiseaux du ciel le mangèrent. D’autre tomba sur de la pierre, et, après avoir poussé, se dessécha, parce qu’il n’avait pas d’humidité. D’autre tomba dans les épines, et les épines poussant avec, l’étouffèrent. D’autre tomba dans la bonne terre, et, après avoir poussé, donna du fruit au centuple." Parlant ainsi, il clamait : "Qui a des oreilles pour entendre, entende !" Ses disciples lui demandèrent ce que signifiait cette parabole : "A vous, leur dit-il, il a été donné de connaître les mystères du royaume de Dieu ; mais pour les autres, (c’est) en paraboles, pour que regardant ils ne voient point, et qu’écoutant ils ne comprennent point. Voici ce que signifie la parabole : La semence, c’est la parole de Dieu. Ceux qui sont le long du chemin sont creux qui ont entendu ; ensuite le diable vient, et il enlève la parole de leur cœur, de peur qu’ils ne croient et ne se sauvent. Ceux qui sont sur de la pierre sont ceux qui, en entendant la parole, l’accueillent avec joie ; mais ils n’ont point de racine : ils croient pour un temps, et ils se retirent à l’heure de l’épreuve. Ce qui est tombé dans les épines, ce sont ceux qui ont entendu, mais vont et se laissent étouffer par les sollicitudes, les richesses et les plaisirs de la vie, et ils n’arrivent point à maturité. Ce qui est tombé dans la bonne terre, ce sont ceux qui, après avoir entendu la parole avec un cœur noble et bon, la gardent et portent du fruit grâce à la constance.

Secrète

Que le sacrifice qui vous est offert, Seigneur, augmente en nous la vie surnaturelle et nous fortifie.

Postcommunion

Nous vous adressons nos supplications, ô Dieu tout puissant, afin qu'à ceux que nous nourrissez de votre sacrement, vous accordiez aussi la grâce de vous servir dignement par une conduite qui vous soit agréable.

Office

2e Nocturne

4e leçon

Du livre de saint Ambroise, Évêque, de Noé et de l’Arche.

Tu lis que le Seigneur s’est irrité. Sans doute pensait-il, c’est-à-dire, savait-il que l’homme placé en ce monde, chargé du poids de la chair, ne peut être sans péché. En effet, la terre est comme un lieu de tentation et la chair, comme un appât de péché. Toutefois, les hommes ont un esprit doué de raison, une force spirituelle anime leur corps, ils devaient donc avoir perdu tout leur sens pour se précipiter dans une déchéance d’où ils ne voulaient pas se relever. Dieu ne pense pas à la manière des hommes, chez qui sans cesse une opinion fait place à une autre. Il ne s’irrite pas comme le ferait un être sujet au changement. Ces expressions sont employées pour souligner la malice de nos péchés, qui mérite la disgrâce divine, comme si la faute avait atteint un degré tel que Dieu, incapable de par sa nature d’éprouver l’emportement, la haine ou toute autre passion, soit pour ainsi dire provoqué à la colère.

5e leçon

De plus, Dieu menace d’exterminer l’homme. « Je vais effacer de la surface du sol, dit-il, depuis les hommes jusqu’au bétail et depuis les reptiles jusqu’aux oiseaux du ciel. » En quoi les créatures dépourvues de raison avaient-elles donc offensé Dieu ? C’est qu’elles ont été faites pour l’homme et, une fois anéanti l’homme pour qui elles ont été faites, il était logique qu’elles aussi soient détruites, puisqu’il n’existait plus d’être qui pût s’en servir. Mais on peut donner aussi une explication plus profonde : l’homme est esprit, capable de raison. L’homme, en effet, se définit comme un animal vivant, mortel, raisonnable. Si donc on supprime le principal de ces éléments, tout sens disparaît du même coup, car alors il ne reste plus rien à sauver puisque la vertu, qui est le fondement du salut, fait défaut.

6e leçon

Pour condamner tous les autres et pour exprimer la miséricorde divine, il est dit que Noé trouva grâce auprès du Seigneur. L’on voit en même temps que l’homme juste n’est pas souillé par les crimes d’autrui puisque Noé garde la vie sauve pour devenir la souche de tout le genre humain. Il est loué, non pour la noblesse de sa naissance, mais pour le mérite de sa justice et de sa dignité morale. Car la noblesse de l’homme de bien, c’est son passé de vertu. Comme les hommes font la noblesse humaine, les vertus font la noblesse des âmes. Les familles humaines, en effet, se distinguent par l’éclat de la race, mais la beauté des âmes tire sa gloire de l’éclat de la vertu.

7e leçon

Homélie de saint Grégoire, Pape.

La lecture du saint Évangile que vous venez d’entendre, très, chers frères, n’appelle pas une explication, mais une exhortation. Ce que la Vérité elle-même a expliqué, que la fragilité humaine n’ait pas l’audace de le mettre en question. Mais il y a dans cette explication du Seigneur une chose à laquelle nous devons attentivement réfléchir. Si nous vous avions dit que la semence signifie la parole, le champ le monde, les oiseaux le démon, les épines les richesses, peut-être votre esprit aurait-il hésité à nous croire. C’est pourquoi le Seigneur a bien voulu expliquer lui-même ce qu’il disait afin que vous puissiez rechercher aussi la signification de ce qu’il ne lui a pas plu d’exposer lui-même.

8e leçon

En donnant la clé de ce qu’il dit, il souligne qu’il parle en figure de sorte qu’il rassure notre fragilité quand elle vous découvre la signification de ses paroles. Qui, en effet, me croirait jamais si j’avais voulu interpréter les épines par les richesses ? D’autant que les unes piquent, les autres charment. Et pourtant ce sont des épines, car l’âme se déchire aux piqûres de leurs tracas : et quand elles entraînent jusqu’au péché elles font saigner comme si elles infligeaient une blessure. Avec raison, à cet endroit, un autre évangéliste en témoigne, le Seigneur ne parle aucunement de richesses, mais des illusions de la richesse.

9e leçon

Oui ! Elles sont illusions, ces richesses qui ne peuvent demeurer longtemps avec nous : elles sont illusions, celles qui ne bannissent point l’indigence de notre âme. Seules sont véritables, celles qui nous enrichissent de vertus. Si donc, frères très chers, vous désirez être riches, aimez les véritables richesses. Si vous cherchez le sommet de l’honneur véritable, tendez au Royaume des Cieux. Si vous aimez la gloire des dignités, hâtez-vous de vous faire inscrire à cette cour céleste des Anges. Les paroles du Seigneur perçues par l’oreille, gardez-les dans l’âme. Car la parole de Dieu est la nourriture de l’âme ; et quand la parole entendue n’est pas retenue au creux de la mémoire, elle est comme la nourriture prise que refuse un estomac malade : or, si quelqu’un ne garde pas les aliments, on désespère, bien sûr, de sa vie.

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Omnia in gloriam Dei facite

18 Février 2022 , Rédigé par Ludovicus

Omnia in gloriam Dei facite

Caput 15

Lectio 1

Super Io., cap. 15 l. 1 Dominus in hoc sermone specialiter intendebat animos discipulorum confortare contra duo: scilicet contra unum quod imminebat in praesenti, quod erat passio eius; et aliud quod timebatur futurum, scilicet tribulatio eis superventura. Unde contra ista duo dixerat eis non turbetur cor vestrum, quantum ad primum, neque formidet, quantum ad secundum. Postquam ergo confortavit eos de recessu suo, hic confortat eos contra tribulationes eis superventuras, et primo proponit eis quamdam similitudinem; secundo ex illa procedit ad propositum, ibi iam vos mundi estis. Similitudo autem est de vite et agricola. Unde primo proponit vitem; secundo introducit agricolam; tertio studium agricolae circa palmites commendat. Sed vitis est ipse; unde dicit per quamdam similitudinem, ego sum vitis, quia sicut vitis, licet despecta videatur, omnia tamen ligna excedit in dulcedine fructus, ita Christus etsi mundo despectus videretur, quia pauper erat et ignobilis videbatur et ignominiam sustinens, tamen dulcissimos fructus protulit; secundum illud Ct. II, 3: fructus eius dulcis gutturi meo. Et ideo Christus est vitis afferens vinum interius inebrians, quod est vinum compunctionis; Ps. LIX, 5: potasti nos vino compunctionis. Iterum vinum confortans, scilicet nostrae refectionis; supra VI, 56: sanguis meus vere est potus. Sic enim supra comparavit se grano frumenti, quia caro eius vere est cibus. Haec est vitis illa de qua dicitur Gn. XL, 9: videbam coram me vitem habentem propagines tres, idest Christum, in quo sunt tres substantiae, scilicet corpus et anima et divinitas. Haec est etiam vitis de qua Iacob dicit Gn. penult., 11: ligabis ad vitem, fili mi, asinam tuam, idest Ecclesiam. Sed haec vitis est vera. Ubi sciendum, quod verum aliquando dividitur contra similitudinarium, sicut homo verus ab homine picto; aliquando a corrupto, sicut acetum a vino, quia est vinum corruptum. Hoc ergo quod dicitur ego sum vitis vera, accipitur secundo modo, ut discernat se a vite corrupta, scilicet a populo Iudaeorum, de quo dicitur Jr. II, 21: quomodo conversa es in amaritudinem vitis aliena? Et hoc ideo, quia non faciebat uvas sed labruscas; Is. V, 4: expectavi ut faceret uvas, et fecit labruscas. Sed notandum, quod in Christo est duplex natura, divina scilicet et humana: et secundum humanam convenit nobiscum, et minor est patre; secundum divinam convenit cum Deo, et est supra nos. Est ergo vitis vera secundum hoc quod est caput Ecclesiae, homo Christus Iesus. Et hoc insinuat introducens agricolam, qui est pater, unde dicit et Pater meus agricola est. Si enim est vitis secundum divinam naturam, Pater vitis esset sicut et Filius: quia ergo secundum humanam naturam vitis est, ideo Pater se habet ad ipsum sicut agricola ad vitem. Ipse etiam secundum quod Deus agricola est. Dicitur autem agricola a cultura: unde et vinitor inquantum colit agricola est. Sed cum colere sit studium impendere, dupliciter aliquid colimus. Vel ut id quod colimus melioretur: et hoc modo colimus agrum, vel aliquid tale. Alio modo ut nos melioremur per ipsum; et hoc modo homo colit sapientiam. Deus ergo colit nos, ut nos ex eius opere melioremur, inquantum extirpat mala semina de cordibus nostris. Aperit cor nostrum aratro sermonis; plantat semina praeceptorum; colligit fructum pietatis, ut dicit Augustinus. Nos autem colimus eum ut nos per ipsum melioremur, sed hoc adorando, non arando; supra IX, 31: si quis Dei cultor est (...) hunc exaudit. Est ergo pater agricola huius vitis ad bonum alterius. Ipse enim plantat; Jr. II, 21: ego te plantavi vineam electam, omne semen verum. Ipse augmentat; I Cor. III, 6: ego plantavi, Apollo rigavit, Deus autem incrementum dedit, quia solus Deus interius augmentat et fructificare facit: quantumcumque homo cooperetur exterius, ipse custodit et conservat; Mt. XXI, 33 et Is. V, 2 dicitur, quod aedificavit in vinea turrim et sepem circumdedit. Studium autem agricolae est circa duo: circa vitem et circa palmites. Sed vitis de qua hic agitur, perfecta erat, non indigens agricolae studio; unde totum studium agricolae erat circa palmites impendendum, et ideo dicit omnem palmitem in me non ferentem fructum, tollet eum. Palmites autem sunt de natura vitis: unde adhaerentes Christo sunt palmites huius vitis; Ez. XVII, 6: facta est vitis in palmites. Circa hoc ergo duo facit. Primo ponit studium huius agricolae circa palmites malos; secundo circa palmites bonos. Studium autem eius circa malos est ut scindantur a vite; unde dicit omnem palmitem, idest omnem fidelem, non ferentem fructum, scilicet in vite, in me, sine quo nihil fructificare potest, tollet eum, scilicet a vite. Ex quo apparet quod non solum a Christo rescinduntur aliqui quia mala faciunt, sed etiam quia bona facere negligunt; II Cor. VI, 1: hortamur vos ne in vacuum gratiam Dei recipiatis. Unde de se dicebat apostolus, I Cor. XV, 10: gratia Dei sum id quod sum, et gratia eius in me vacua non fuit. Et Mt. XXV, 28 dicitur, quod ablatum est talentum ei qui ex eo non fructificavit, sed abscondit illud; Lc. XIII, 7, Dominus ficum sterilem praecepit abscindi. Studium autem eius circa bonos palmites est ut foveantur ad magis fructificandum; unde dicit et omnem qui fert fructum, purgabit eum, ut fructum plus afferat. Ad litteram enim in vite naturali contingit quod palmes multos surculos habens, minus fructificat propter humoris diffusionem ad omnes, et ideo cultores, ut magis fructificet, purgant eum a superfluis surculis. Ita est in homine. Nam homo bene dispositus et Deo coniunctus, si suum affectum ad diversa inclinet, virtus eius minoratur, et magis inefficax fit ad bene operandum. Et inde est quod Deus, ut bene fructificet, frequenter praescindit huiusmodi impedimenta et purgat, immittens tribulationes et tentationes, quibus fortior fiat ad operandum. Et ideo dicit purgabit eum, etiamsi purus existat: quia nullus est adeo purus in hac vita ut non sit magis magisque purgandus; I Jn. I, 8: si dixerimus quia peccatum non habemus, ipsi nos seducimus et veritas in nobis non est. Et hoc ut plus fructum afferat, idest crescat in virtute, ut tanto sint fructuosiores quanto sunt mundiores; Ap. ult., 11: qui iustus est, iustificetur adhuc, et sanctus sanctificetur adhuc; Col. I, 6: verbum Evangelii fructificat et crescit; Ps. LXXXIII, 8: ibunt de virtute in virtutem. Hic ex similitudine prosequitur intentum. Duo autem in praedicta similitudine tangebantur in comparatione palmitum ad vitem. Unum est palmitum ad vitem inhaesio; secundum est palmitum purgatio. Primo ergo agit de inhaesione; secundo de purgatione, ibi si mundus vos odit, scitote quia me priorem vobis odio habuit. Circa primum primo monet discipulos ut viti inhaereant; secundo rationes inhaesionis adducit, ibi sicut palmes non potest ferre fructum a semetipso etc.; tertio modum inhaesionis assignat, ibi sicut dilexit me Pater, et ego dilexi vos. Circa primum duo facit. Primo commemorat eis susceptum beneficium; secundo monet ut in eo permaneant, ibi manete in me, et ego in vobis. Beneficia susceperunt mundationis, unde dicit iam vos mundi estis; quasi dicat: talia dixi de palmitibus; sed vos estis palmites praeparati purgari ad fructum ferendum, et hoc propter sermonem quem locutus sum vobis. Verbum enim Christi mundat primo quidem ab erroribus, instruendo; ad Tt. I, 9: amplectentem eum, qui secundum doctrinam est, fidelem sermonem, ut potens sit exhortari in doctrina sana, et eos qui contradicunt arguere. Et hoc ideo quia in verbis Dei nulla falsitas invenitur; Pr. VIII, 9: recti sunt sermones mei. Dicit ergo mundi estis, ab erroribus Iudaicis. Secundo mundat corda a terrenis affectibus, ad caelestia inflammando. Verbum enim Dei cor hominis ad terrena depressum concutit sua virtute, ex quo inflammatur; Jr. XXIII, 29: numquid non verba mea sunt quasi ignis? Tertio mundat sermo Dei a peccatis, invocatus in Baptismo. Nam homines in Baptismo purgantur, quia in aqua verbum mundat; quia, ut dicit Augustinus: detrahe verbum, quid est aqua, nisi aqua? Accedit verbum ad elementum, et fit sacramentum. Verbum ergo facit ut aqua corpus tangat, et cor abluat. Verbum, inquam, non quia dicitur, sed quia creditur. Hoc enim verbum fidei tantum valet in Ecclesia ut etiam ipsos parvos infantes mundet, quamvis credere non valentes ex fide credentium, offerentium, benedicentium, et tangentium prolatum; Mt. ultimo, 19: baptizantes eos in nomine patris, et filii, et spiritus sancti. Quarto mundat per virtutem fidei; Ac. XV, 9: fide purificans corda eorum. Dicit ergo eis vos, iam instructi, iam commoti, iam baptizati, iam in fide firmati, mundi estis propter sermonem quem locutus sum vobis. Supra eodem: vos mundi estis, sed non omnes. Sed cum supra dixerit officium agricolae esse purgare, manifeste ostendit se esse agricolam, dicens sermonem suum purgativum. Et vere ipse, inquantum Deus, mundator est palmitum, et agricola. Hic inducit eos ad perseverantiam; quasi diceret: quia mundi estis, et tantum beneficium recepistis, debetis in eo perseverare. Unde dicit manete in me, per caritatem, I Jn. IV, 16: qui manet in caritate, in Deo manet, et per sacramentorum participationem, supra VI, 57: qui manducat carnem meam, et bibit sanguinem meum, in me manet. Dicit ergo manete in me, gratiam suscipiendo, et ego in vobis, vos adiuvando. Consequenter cum dicit sicut palmes non potest ferre fructum a semetipso nisi manserit in vite, sic nec vos nisi in me manseritis, inducit rationes inhaesionis, quae sunt quatuor. Prima sumitur ex haerentium sanctificatione; secunda ex non haerentium punitione, ibi si quis in me non manserit mittetur foras; tertia ex voluntatis inhaerentium assecutione, ibi si manseritis in me (...) quodcumque volueritis petetis, et fiet vobis; quarta ex Dei glorificatione, ibi in hoc clarificatus est Pater et cetera. Circa primum duo facit. Primo ostendit quod inhaesio ad Christum est necessaria ad fructificandum; secundo quod est efficax, ibi qui manet in me et ego in eo, hic fert fructum multum. Circa primum duo facit. Primo proponit similitudinem; secundo ostendit eam esse convenientem. Dicit ergo quantum ad primum: dico, quod debetis in me manere ad hoc quod fructificetis, quia sicut palmes, ad litteram, palmes materialis, non potest ferre fructum a semetipso, nisi manserit in vite, ex cuius radice humor ad vegetationem palmitum ascendit, ita et vos, supple: non potestis ferre fructum, nisi in me manseritis. Mansio ergo in Christo est ratio fructificationis. Unde de his qui in Christo non manent, dicitur Rm. VI, 21: quem ergo fructum habuistis in his in quibus nunc erubescitis? Jb XV, 34: congregatio hypocritarum sterilis. Haec autem similitudo conveniens est: quia ego sum vitis, et vos palmites, quasi diceret: talis est comparatio vestrum ad me, qualis palmitum ad vitem. De istis palmitibus dicitur in Ps. LXXIX, 12: extendit palmites suos usque ad mare. Hic ostendit quod mansio in Christo sit efficax, et primo ostendit eius efficaciam; secundo subdit efficaciae causam. Dicit ergo primo: dico, quod non solum necessaria est hominis mansio in me ut fructificet, sed etiam est efficax; quia qui manet in me, credendo, obediendo, perseverando, et ego in eo, illuminando, subveniendo, perseverantiam dando, hic, et non alius, fert fructum multum. Fert, inquam, triplicem fructum in vita ista. Primus est abstinere a peccatis; Is. XXVII, 4: hic est omnis fructus, ut tollatur peccatum. Secundus est vacare operibus sanctitatis; Rm. VI, 22: habetis fructum vestrum in sanctificatione et cetera. Tertius fructus est vacare aedificationi aliorum; Ps. CIII, 13: de fructu operum tuorum satiabitur terra. Fert etiam quartum fructum in vita aeterna; supra IV, 36: fructum congregat in vitam aeternam. Hic est ultimus et perfectus fructus laborum nostrorum; Sg. III, 15: bonorum laborum gloriosus est fructus. Ratio autem huius efficaciae est, quia sine me nihil potestis facere. In quo et corda instruit humilium, et ora obstruit superborum, et praecipue Pelagianorum, qui dicunt bona opera virtutum et legis sine Dei adiutorio ex seipsis facere posse: in quo dum liberum arbitrium asserere volunt, eum magis praecipitant. Ecce enim Dominus hic dicit, quod sine ipso non solum magna, sed nec minima, immo nihil facere possumus. Nec mirum quia nec Deus sine ipso aliquid facit; supra, I, 3: sine ipso factum est nihil. Opera enim nostra aut sunt virtute naturae, aut ex gratia divina. Si virtute naturae, cum omnes motus naturae sint ab ipso verbo Dei, nulla natura ad aliquid faciendum moveri potest sine ipso. Si vero virtute gratiae: cum ipse sit auctor gratiae, quia gratia et veritas per Iesum Christum facta est, ut dicitur supra I, 17: manifestum est quod nullum opus meritorium sine ipso fieri potest; II Cor. III, 5: non quod sufficientes simus aliquid cogitare ex nobis quasi ex nobis; sed sufficientia nostra ex Deo est. Si ergo nec etiam cogitare possumus nisi ex Deo, multo minus nec alia. Hic ponitur secunda ratio inhaesionis, quae sumitur ex comminatione poenae; quia nisi manserimus in ipso, non evademus poenam. Et ponit quinque quae poenam illam exaggerant: quorum quaedam pertinet ad poenam damni, scilicet expulsio a gloria; unde dicit mittetur foras. Sed aliquando videmus, quod in vite materiali aliquis palmes manet per exteriorem coniunctionem, non autem per humoris participationem: sic et aliqui manent in Christo solum per fidem, non tamen participant humorem vitis, quia non sunt in caritate. Unde tales mittentur foras, idest, separabuntur a societate bonorum; Ez. XXXIV: stabo, et separabo et cetera. Secunda poena damni est arefactio; unde dicit et arescet. Unde si quid habebat a radice, amittet denudatus eius auxilio et vita. Nam mali Christiani viriditatem aliquam habere videntur; sed quando a sanctis et a Christo separabuntur, eorum ariditas apparebit; Ps. XXI, 16: aruit tamquam testa virtus mea. Tertia poena est eorum cum malis associatio; unde dicit et colligent eum, scilicet Angeli messores, ad malos; quae quidem poena maxima est. Si enim ad horam esse cum malis, magna poena est, quanto magis esse perpetuo cum pessimis hominibus et Daemonibus? Is. XXIV, 22: congregabuntur congregatione unius fascis in lacum; Mt. XIII, 30: colligite primum zizania, et alligate ea in fasciculos ad comburendum. Quarta poena est sensus: unde dicit et in ignem mittent, scilicet aeternum; Ez. XV, 2: quid fiet de ligno vitis? (...). Ecce igni datum est in escam. Ligna enim si in vite non permaneant, contemptibiliora sunt ceteris lignis; si vero maneant in vite, gloriosiora sunt. Unde dicit Augustinus: unum ex duobus palmiti congruit, aut vitis aut ignis: si in vite non est, erit in igne. Mt. XXV, 41: ite, maledicti, in ignem aeternum. Quinta poena est perpetuum ignis experimentum; unde subdit et ardet, in perpetuum; Mt. XXV, 46: ibunt hi in supplicium aeternum. Hic ponitur tertia inhaesionis causa, quae sumitur ex efficacia impetrationis, quasi diceret si manseritis in me, hunc fructum consequemini, scilicet quodcumque volueritis, petetis, et fiet vobis. Sed notandum, quod supra in admonitione inhaesionis duo posuit, quae hic resumit. Primum, scilicet in me manete, quod hic resumit dicens si manseritis in me. Secundum, et ego in vobis; et loco huius dicit et verba mea in vobis manserint. Quia Christus est verbum patris, omnia verba sapientiae sunt ab ipso; Eccli. I, 5: fons sapientiae verbum Dei in excelsis. Manifestum est ergo quod Christus est in nobis, quando verba sapientiae eius sunt in nobis; supra V, 38: verbum Dei non habetis in vobis manens. Ideo dicit et verba mea in vobis manserint, scilicet quadrupliciter, amando, credendo, meditando et implendo; Pr. IV, 20: fili, ausculta sermones meos, scilicet credendo, et ad eloquia mea inclina aurem tuam, scilicet obediendo, seu implendo, ne recedant ab oculis tuis, meditando, et custodi ea in medio cordis tui, amando; Jr. XV, 16: inventi sunt sermones tui, et comedi eos. Tunc ergo in nobis sunt verba Christi quando facimus quae praecepit, et diligimus quod promisit. Et ex hoc sequitur quod informamur quid petere debeamus; Rm. VIII, 26: quid oremus sicut oportet, nescimus, sed ipse spiritus postulat pro nobis gemitibus inenarrabilibus. Unde et verbis suis nos orare docuit, Mt. VI, 9 et Lc. XI, 2. Sic ergo verba Dei credita et meditata informant nos ad petendum quae sunt nobis necessaria ad salutem. Sed verba Dei amata et impleta iuvant nos ad merendum; et ideo subdit quodcumque volueritis, petetis, discrete, perseveranter, et fiet vobis; infra XVI, 23: si quid petieritis patrem in nomine meo, dabit vobis. Hic ponitur quarta ratio inhaesionis, quae sumitur ex gloria patris. Omnia opera nostra ad Dei gloriam referre debemus; Ps. CXIII, 1: non nobis, Domine, non nobis, sed nomini tuo da gloriam; I Cor. X, 31: si manducatis aut bibitis, sive aliquid facitis; omnia in gloriam Dei facite. Ostendit ergo Dominus quod sumus in Christo, quia ex hoc fructificamus, et ex fructificatione nostra Pater glorificatur; unde dicit in hoc glorificatus est Pater meus, idest ad gloriam Patris redundat, ut plurimum fructum afferatis. Ponit hic tria, ordine praepostero, quae se invicem consequuntur. Unum pertinet ad inhaesionem, scilicet efficiamini mei discipuli, quod idem est quod manete in me. Et ex hoc sequitur secundum, scilicet ut fructum plurimum afferatis. Et ex hoc glorificatur Pater meus: quasi diceret: ad gloriam Patris est quod fructum plurimum afferatis, et fructum plurimum affertis ex hoc quod estis mei discipuli. Primo quidem bene vivendo; Mt. V, 16: videant opera vestra bona, et glorificent patrem vestrum; et bene docendo, ex quo similiter Deus glorificatur, Is. XXIV, 15: in doctrinis glorificate Deum, et XLIII, 7: omnem qui invocat nomen meum, in laudem et gloriam meam, creavi eum. Ergo apostoli sunt terra illa quae fructum multum attulit, ut dicitur infra, 8: et efficiamini mei discipuli, per inhaesionem et caritatis fervorem. Haec enim sunt signa discipulatus Christi, scilicet inhaesio ad Christum; supra VIII, 31: si manseritis in sermone meo, vere discipuli mei eritis. Et ex hoc efficiuntur idonei ut ferant fructum doctrinae. Secundo caritatis observatio; supra XIII, 35: in hoc cognoscent omnes quia mei discipuli estis, si dilectionem habueritis ad invicem et cetera. Et ex hoc efficiuntur idonei ut afferant fructum bonorum operum; I Cor. XIII, 2: si habuero prophetiam, et noverim mysteria omnia, et omnem scientiam etc. quia ibi ponuntur sine caritate nihil valere.

 

Lectio 2

Super Io., cap. 15 l. 2 Supra monuit Dominus discipulos suos ut in eo manerent, hic ostendit quid sit in eo manere; et hoc tripliciter. Primo quidem quod manere in eo est manere in eius dilectione; secundo ostendit quod praecepta eius servare, est manere in eius dilectione, ibi si praecepta mea servaveritis, manebitis in dilectione mea; tertio ostendit quod observatio caritatis sit eius praeceptum, ibi hoc est praeceptum meum et cetera. Circa primum duo facit. Primo commemorat collatum discipulis beneficium; secundo hortatur eos ad perseverandum, ibi manete in dilectione mea. Dicit ergo primo, quod hoc quod in Christo manemus, est ex eius gratia; quae quidem gratia est effectus dilectionis ipsius, Jr. XXXI, 3: in caritate perpetua dilexi te. Ex quo patet quod omnia opera nostra bona sunt nobis ex beneficio divinae dilectionis. Non enim essent nobis, nisi quia fides per dilectionem operatur; nec diligeremus, nisi prius diligeremur. Et ideo hoc beneficium commemorans dixit sicut dilexit me Pater, et ego dilexi vos. Sed notandum, quod ly sicut quandoque denotat aequalitatem naturae, quandoque autem similitudinem actionis. Ariani autem errantes volebant, quod ly sicut importaret aequalitatem, et per hoc, quod superius saepius expressum est, concludebant, quod esset minor Patre. Sed hoc est falsum; et ideo, secundum Augustinum, dicendum, quod ly sicut dicit similitudinem gratiae et dilectionis: nam dilectio qua Filius diligit discipulos, est quaedam similitudo eius dilectionis qua Pater diligit Filium. Cum enim diligere aliquem sit velle ei bonum, Pater diligit Filium secundum divinam naturam, inquantum vult illi infinitum suum bonum, quod ipse habet, communicando ei eamdem naturam numero quam ipse habet; supra V, 20: Pater diligit filium, et omnia demonstrat ei quae ipse facit. Diligit etiam eum secundum humanam naturam; Os XI, 1: puer Israel, et dilexi eum, et ex Aegypto vocavi filium meum. Et ad hoc scilicet ut simul esset Deus et homo. Et ad nihil horum filius dilexit discipulos, nam neque ad hoc dilexit eos ut essent Deus per naturam, neque essent uniti Deo in persona; sed ad quamdam horum similitudinem eos dilexit, ut scilicet essent dii per participationem gratiae; Ps. LXXXI, 6: ego dixi: dii estis; II P. I, 4: per quem magna nobis et pretiosa promissa donavit, ut divinae per hoc efficiamur consortes naturae. Item ut assumerentur in unitatem affectus: quia qui adhaeret Deo, unus spiritus est; I Cor. VI, 17. Rm. VIII, 29: quos praescivit, conformes fieri imaginis filii sui, ut sit ipse primogenitus in multis fratribus. Sic ergo maius bonum Deus Pater posuit Filio secundum utramque naturam, quam Filius discipulis, sed tamen simile, ut dictum est. Manete in dilectione mea, quasi diceret: ex quo tantum beneficium recepistis ex dilectione mea, manete in ea, ut scilicet me diligatis: vel manete in dilectione mea, quia ego diligo vos, scilicet in gratia mea, ut non excidatis a bonis quae praeparavi vobis. Et haec expositio magis congruit, ut sit sensus: perseveretis in hoc statu, ut scilicet diligamini a me per effectum gratiae; I Cor. VII, 20: unusquisque in ea vocatione qua vocatus est, in illa permaneat; I Jn. IV, 16: qui manet in caritate, in Deo manet, et Deus in eo. Hic ostendit quid sit manere in eius dilectione, et primo ostendit quod hoc est servare eius mandatum; secundo manifestat per exemplum, ibi sicut et ego Patris mei praecepta servavi; tertio excludit dubium, ibi haec locutus sum vobis ut gaudium meum in vobis sit. Dicit ergo manete in dilectione mea, et hoc facietis, si praecepta mea servaveritis: sic enim manebitis in dilectione mea. Observatio enim mandatorum est effectus divinae dilectionis, non solum eius qua nos diligimus, sed eius qua ipse diligit nos. Ex hoc enim quod ipse diligit nos, movet nos et adiuvat ad implendum mandata eius, quae impleri non possunt nisi per gratiam, I Jn. IV, 10: in hoc est caritas, non quasi nos dilexerimus Deum, sed quoniam ipse prior dilexit nos. Exemplum autem ad hoc subdit, dicens sicut et ego Patris mei praecepta servavi. Sicut enim dilectio, qua Pater diligit eum, est exemplum dilectionis qua ipse diligit nos; ita voluit quod obedientia sua sit exemplum obedientiae nostrae. Christus enim per hoc ostendit quod mansit in dilectione Patris, quia, per omnia, mandata eius servavit. Nam et mortem sustinuit, Ph. II, 8: factus est obediens Patri usque ad mortem, mortem autem crucis. Ab omni peccato abstinuit; I P. II, 22: qui peccatum non fecit, nec dolus inventus est in ore eius. Quae intelligenda sunt de Christo secundum quod homo; supra VIII, 29: non reliquit me solum, quia quae placita sunt ei, facio semper. Et ideo dicit: maneo in eius dilectione quia nihil in me, secundum quod homo, est dilectioni eius contrarium. Ne credant quod moneat eos ad mandata eius servanda propter utilitatem propriam, et non discipulorum, dicit haec locutus sum vobis, scilicet ut mandata mea servetis propter bonum vestrum, scilicet ut gaudium meum in vobis sit. Amor enim est causa gaudii: unusquisque enim gaudet de re amata. Deus autem se amat et creaturam, praecipue rationalem, cui infinitum bonum communicat. Christus ergo de duobus ab aeterno gaudet: scilicet de bono suo et Patris; Pr. VIII, 30: delectabar coram eo ludens in orbe terrarum. Item de bono creaturae rationalis; ibid. VIII, 31: deliciae meae sunt esse cum filiis hominum, idest, in hoc quod communicor filiis hominum: et de his gaudet ab aeterno; Is. LXII, 5: gaudebit super te Deus tuus. Vult ergo Dominus ut per observantiam mandatorum suorum efficiamur participes gaudii sui; unde dicit ut gaudium meum, quo scilicet ego gaudeo de divinitate mea et Patris, sit in vobis: quod nihil est aliud quam vita aeterna, quae est gaudium de veritate, ut Augustinus dicit; quasi diceret: ut habeatis vitam aeternam; Jb XXII, 26: tunc super omnipotente deliciis afflues. Et gaudium vestrum, quo ego gaudeo de humanitate mea, repleatur. Nam bona de quibus nos gaudemus, aut sunt imperfecta, aut imperfecte habentur; et ideo gaudium in hac vita plenum esse non potest. Tunc autem plenum erit quando perfecta bona perfecte consequemur; Mt. XXV, 21: intra in gaudium Domini tui. Hic ostendit Dominus quae sint praecepta eius, et primo proponit quid sit praeceptum suum; secundo inducit exemplum, ibi sicut dilexi vos; tertio commemorat beneficium, ibi vos amici mei estis. Praeceptum autem quod ponit, est praeceptum caritatis, quod servari vult. Hoc est, inquit, praeceptum meum ut diligatis invicem. Sed cum multa sint alia praecepta Domini in sacro eloquio, quaeritur quare solum observationem caritatis dicit esse praeceptum suum. Ad quod, secundum Gregorium, dicendum est, quod caritas est radix et finis omnium virtutum. Radix quidem, quia ex caritate confirmata in corde hominis movetur homo ad implenda omnia alia praecepta; Rm. XIII, 8: qui diligit proximum, legem implevit. Ergo omnia praecepta quasi ad hoc ordinantur ut homo benefaciat proximo, et non molestet eum; quod quidem potissime ex caritate fit. Finis autem est, quia omnia praecepta ad ipsam ordinantur, et in sola caritate solidantur; I Tm. I, 5: finis praecepti est caritas. Dicit ergo hoc est praeceptum meum, ut diligatis invicem, quasi scilicet, a caritate omnia procedunt sicut a principio, et in caritate omnia ordinantur sicut in finem. Nam, sicut dicit Gregorius, ut multi arboris rami ex una radice prodeunt, sic multae virtutes ex una radice generantur: nec habet aliquid viriditatis ramus boni operis, si non manet in radice caritatis. Sed cum Mt. XXII, 40, dicatur, quod non solum in dilectione Dei, sed etiam proximi pendeat lex et prophetae, quare solum hic de dilectione proximi mentionem facit? Sed dicendum, quod unum includitur in alio: qui enim diligit Deum, necesse est ut proximum et ea quae sunt Dei diligat; et qui diligit proximum propter Deum, necesse est ut diligat Deum: licet enim obiecta sint diversa, tamen ipsi actus secundum consequentiam sunt unum. Est autem duplex ratio quare magis de dilectione proximi quam Dei mentionem facit. Una scilicet, quia in hoc intendit eos instruere, et inducere quomodo proximos aedificent, et quomodo fortes fierent ad tribulationes persecutorum perferendas; et ad utrumque caritas proximi necessaria est. Hic manifestat per exemplum quomodo proximum debeamus diligere, ita scilicet, quomodo Christus dilexit nos. Christus autem dilexit nos ordinate et efficaciter. Ordinate quidem, quia nil in nobis dilexit nisi Deum, et in ordine ad ipsum; Ec. XXIV, 24: ego mater pulchrae dilectionis et cetera. Efficaciter autem, quia intantum dilexit ut semetipsum pro nobis traderet; Ep. V, 2: dilexit nos, et tradidit semetipsum pro nobis oblationem et hostiam Deo in odorem suavitatis. Nos ergo debemus proximos diligere, scilicet sancte ad bonum, et efficaciter scilicet ut dilectionem opere ostendamus; I Jn. III, 18: non diligamus verbo neque lingua, sed opere et veritate. Maiorem hac dilectionem nemo habet quam ut animam suam ponat quis pro amicis suis. Hic ostendit efficaciam dilectionis, quae est ut quis mortem sustineat pro amicis, quod est signum maximae dilectionis. Sed contra hoc obiicitur, quod maioris dilectionis signum dicitur quando aliquis animam suam ponit pro inimicis suis, ut Christus fecit; Rm. V, 8: commendat Deus caritatem suam in nobis: quoniam cum adhuc peccatores essemus, secundum tempus Christus pro nobis, mortuus est. Ad quod dicendum, quod Christus non posuit animam suam pro nobis inimicis, ut scilicet inimici remaneremus, sed ut amicos efficeret: vel licet non essent amici quasi amantes, erant tamen amici ut amati. Est autem manifestum quod maximae dilectionis est signum, propter amicos animam ponere, quia, in ordine diligibilium quatuor ordinata sunt, scilicet Deus, anima nostra, proximus, et corpus nostrum. Et Deum debemus diligere super nos ipsos et supra proximos, ita ut pro Deo nos ipsos, scilicet animam et corpus et proximum dare debeamus. Pro anima autem nostra corpus est ponere, non tamen eam dare. Pro proximo autem vitam corporalem et corpus debemus exponere pro salute proximi: et ideo, cum vita corporalis sit potissimum quod nos post animam habeamus, ideo potissimum est ipsam exponere propter proximum, et maioris dilectionis signum; I Jn. IV, 9: in hoc apparuit caritas Dei in nobis, quoniam filium suum unigenitum misit Deus in mundum, ut vivamus per eum.

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De la tête des méchants

16 Février 2022 , Rédigé par Ludovicus

De la tête des méchants

Antichristus

IIIª q. 8 a. 8 arg. 1 Ad octavum sic proceditur. Videtur quod Antichristus non sit caput malorum. Unius enim corporis non sunt diversa capita. Sed Diabolus est caput multitudinis malorum. Non ergo Antichristus est eorum caput.

IIIª q. 8 a. 8 arg. 2 Praeterea, Antichristus est membrum Diaboli. Sed caput distinguitur a membris. Ergo Antichristus non est caput malorum.

IIIª q. 8 a. 8 arg. 3 Praeterea, caput habet influentiam in membra. Sed Antichristus nullam habet influentiam in malos homines qui eum praecesserunt. Ergo Antichristus non est caput malorum.

IIIª q. 8 a. 8 s. c. Sed contra est quod Jb XXI, super illud, interrogate quemlibet de viatoribus, dicit Glossa, dum de omnium malorum corpore loqueretur, subito ad omnium iniquorum caput, Antichristum, verba convertit.

IIIª q. 8 a. 8 co. Respondeo dicendum quod, sicut supra dictum est, in capite naturali tria inveniuntur, scilicet ordo, perfectio et virtus influendi. Quantum ergo ad ordinem temporis, non dicitur esse Antichristus caput malorum, quasi eius peccatum praecesserit, sicut praecessit peccatum Diaboli. Similiter etiam non dicitur esse malorum caput propter virtutem influendi. Si enim aliquos sui temporis ad malum sit conversurus, exterius inducendo; non tamen illi qui ante eum fuerunt, ab ipso sunt in malitiam inducti, nec eius malitiam sunt imitati. Unde secundum hoc non posset dici caput omnium malorum, sed aliquorum. Relinquitur igitur quod dicatur caput omnium malorum propter malitiae perfectionem. Unde super illud II Th. II, ostendens se tanquam sit Deus, dicit Glossa, sicut in Christo omnis plenitudo divinitatis inhabitavit, ita in Antichristo plenitudo omnis malitiae, non quidem ita quod humanitas eius sit assumpta a Diabolo in unitate personae, sicut humanitas Christi a filio Dei; sed quia Diabolus malitiam suam eminentius ei influit suggerendo quam omnibus aliis. Et secundum hoc, omnes alii mali qui praecesserunt sunt quasi quaedam figura Antichristi, secundum illud II Th. II, mysterium iam operatur iniquitatis.

IIIª q. 8 a. 8 ad 1 Ad primum ergo dicendum quod Diabolus et Antichristus non sunt duo capita, sed unum, quia Antichristus dicitur esse caput inquantum plenissime invenitur in eo impressa malitia Diaboli. Unde super illud II Th. II, ostendens se tanquam sit Deus, dicit Glossa, in ipso erit caput omnium malorum, scilicet Diabolus, qui est rex super omnes filios superbiae. Non autem dicitur in eo esse per unionem personalem; nec per intrinsecam habitationem, quia sola Trinitas menti illabitur, ut dicitur in libro de ecclesiasticis dogmatibus, sed per malitiae effectum.

IIIª q. 8 a. 8 ad 2 Ad secundum dicendum quod, sicut caput Christi est Deus, et tamen ipse est caput Ecclesiae, ut supra dictum est; ita Antichristus est membrum Diaboli, et tamen ipse est caput malorum.

IIIª q. 8 a. 8 ad 3 Ad tertium dicendum quod Antichristus non dicitur caput omnium malorum propter similitudinem influentiae, sed propter similitudinem perfectionis. In eo enim Diabolus quasi malitiam suam ducet ad caput, per modum quo dicitur aliquis ad caput propositum suum ducere, cum illud perfecerit.

 

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Saint Claude la Colombière

15 Février 2022 , Rédigé par Ludovicus

Saint Claude la Colombière

Prêtre et Confesseur (de Sainte Marguerite-Marie Alacoque)

Claude naquit près de Lyon dans une famille bourgeoise. Il entra à 17 ans chez les Jésuites. Dès sa profession solennelle en 1674, il fut affecté au collège de Paray-le-Monial où il devint confesseur du couvent de la Visitation.

La supérieure des Visitandines lui confia une timide religieuse, Marguerite-Marie qui disait avoir reçu les confidences du Coeur de Jésus.

Le prêtre et la moniale se comprirent tout de suite :" Je t'enverrai mon fidèle serviteur et parfait ami." avait dit Jésus à Marguerite-Marie.

Le jeune jésuite deviendra l'instrument par lequel le Christ diffusera dans l'Eglise le culte de son Sacré Coeur révélé à sainte Marguerite-Marie Alacoque. En 1675, le Père Claude fut envoyé comme prédicateur de la duchesse d'York il passa deux ans en Angleterre d'où il fut banni à cause de calomnies.

Malade de la tuberculose, il retourna à Paray-le-Monial. Marguerite-Marie l'avait prévenu :" Notre-Seigneur m'a dit qu'il voulait le sacrifice de votre vie en ce pays." C'est là qu'il mourut à 41 ans en 1682.

La vie de Saint Claude la Colombière

« Mettez une garde à mes lèvres, Seigneur, veillez au seuil de ma bouche. » (Ps 140 (141), 3)

« Mettez, ô mon Dieu, mettez sur mes lèvres comme un corps de garde pour arrêter tout ce que vous m'ordonnez de retenir dans le cœur.

Que la prudence et la circonspection servent de porte à ma bouche pour la fermer à tous les propos où la médisance aurait quelque part. Vous ne m'avez donné une langue que pour vous louer et pour porter les autres à vous bénir avec moi ; faites, s'il est possible, qu'elle ne se délie jamais que pour un si saint usage.

Quoi ! cette langue que vous consacrez si souvent par les attouchements mystérieux de votre corps adorable, par le Sacrement de votre amour, serait-t-elle encore profanée par des discours contraires à la charité ?

Non, Seigneur, vous ne le permettrez pas, et de mon côté, je n'oublierai rien pour me garantir de ce désordre. Je ne vous offense que trop par mes pensées, dont je ne suis pas toujours le maître ; mais, puisque je puis prendre sur ma langue un pouvoir entier et absolu, ou elle gardera un perpétuel silence, ou je veillerai sur tous ses mouvements avec tant de soin, que jamais elle ne profèrera de paroles qui ne tendent à votre gloire.

Soit qu'il faille compatir aux peines des affligés, réunir les esprits où règne la division, instruire ceux qui ne vous connaissent pas assez, ô mon Dieu, entretenir tout le monde de votre puissance infinie et de votre Miséricorde sans bornes, soit qu'il faille enfin allumer votre amour dans tous les cœurs, vous louer, vous bénir, vous glorifier ; voilà désormais à quoi je consacre ma langue et toutes mes paroles.

Oui, ou je parlerai à vous, ô mon Dieu, ou je parlerai de vous, ou je me tairai par amour pour vous, afin que je puisse un jour mêler aux louanges que vous donnent vos élus, les louanges que je vous donnerai à mon tour dans la gloire, où nous conduisent le Père, le Fils et le Saint-Esprit ! Ainsi soit-il. »

St Claude la Colombière, extraits du Sermon sur la médisance, in "Pensées et sentiments du Serviteur de Dieu le R. Père Claude de La Colombière de la Compagnie de Jésus" par le P. Pierre-Xavier Pouplard, Paris, Haton, 1877.


La Prière « Seigneur de Miséricorde » de Saint Claude la Colombière :

« Seigneur, me voici pour exercer votre admirable Miséricorde et pour la faire éclater en présence du ciel et de la terre.

Les autres vous glorifient en faisant voir quelle est la force de votre grâce par leur fidélité et leur constance : combien vous êtes doux et libéral envers Ceux qui vous sont fidèles.

Pour moi je vous glorifierai en faisant connaître combien vous êtes bon envers les pêcheurs et que votre Miséricorde est au-dessus de toute malice, que rien n’est capable de l’épuiser, que nulle chute, quelque honteuse et criminelle qu’elle soit, ne doit porter un pêcheur au désespoir du pardon.

Je vous ai grièvement offensé, ô mon aimable Rédempteur ; mais ce serait bien encore pis, si je vous faisais cet horrible outrage de penser que vous n’êtes pas assez bon pour me pardonner.

C’est en vain que votre ennemi et le mien me tend tous les jours de nouveaux pièges.

Il me fera tout perdre plutôt que l’espérance que j’ai en votre Miséricorde.

Quand je serais retombé cent fois et que mes crimes seraient cent fois plus horribles qu’ils ne sont, j’espérerais encore en vous. Ainsi soit-il. »

Source : site-catholique.fr

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VIA VERITAS ET VITA

14 Février 2022 , Rédigé par Ludovicus

VIA VERITAS ET VITA

Lectio 2

Super Jn. cap. 14 l. 2 Supra Dominus confortavit discipulos de suo recessu, promittens eis quod accessum haberent ad patrem, hic consequenter agit de via per quam ad patrem accedunt. Via autem non cognoscitur sine termino; et ideo etiam agit de termino, et primo proponit viam et terminum, ut eis nota; secundo quae proposuit manifestat, ibi dicit ei Thomas domine, nescimus quo vadis. Circa primum sciendum, quod Dominus dixerat: si abiero et praeparavero vobis locum, iterum veniam ad vos. Quia forte discipuli quaererent ab eo quo iret, sicut supra XIII, 36, quaesivit Petrus: Domine, quo vadis? Ideo Dominus haec sciens, dixit eis et quo ego vado scitis, et viam scitis. Vado enim ad Patrem, quem scitis per me vobis manifestum; infra XVII, 6: manifestavi nomen tuum hominibus quos dedisti mihi. Via autem per quam vado, sum ego, quem scitis; supra I, 14: vidimus gloriam eius. Recte ergo dixit quo ego vado scitis, et viam scitis: quia Patrem sciebant per Christum, et Christum per suam conversationem et praesentiam noverant. Consequenter cum dicit dicit ei Thomas etc., manifestat Dominus quae proposuit, et primo praemittitur manifestationis occasio; secundo subditur propositorum manifestatio, ibi dicit eis Iesus: ego sum via, veritas et vita. Occasio autem manifestationis fuit dubitatio Thomae interrogantis. Unde dicit ei Thomas: Domine, nescimus quo vadis, et cetera. Ubi attende, quod Thomas utrumque negat, quod Dominus affirmavit: nam Dominus dixit, eos et viam et terminum viae scire; Thomas autem negat se scire viam et terminum: tamen utrumque verum est. Verum est enim quod sciebant, tamen nesciebant se scire. Multa enim sciebant de Patre et Filio, quae a Christo didicerant; sed ignorabant Patrem esse ad quem Christus iret, et Filium esse viam qua iret. Difficile enim est quod eatur ad Patrem. Nec mirum, si ignorabant: quia licet Christum perfecte secundum hominem scirent, eius tamen divinitatem imperfecte cognoscebant; Jb XXVIII, 7: semitam eius ignoravit avis. Et subdit quomodo possumus viam scire? Cognitio enim viae dependet ex cognitione termini: quia ergo terminus ignotus est nobis, I Tm. VI, 16: lucem habitat inaccessibilem, quem nullus hominum vidit, sed nec videre potest, ideo via eius est nobis investigabilis, secundum illud Rm. XI, 33: investigabiles viae eius. Consequenter cum dicit dicit eis Iesus: ego sum via, veritas et vita, ponitur quaesitorum manifestatio. Duo autem Dominus manifestanda proposuerat eis. Primo quidem viam et terminum eius; secundo quod utrumque scirent. Primo ergo manifestat primum; secundo secundum, ibi si cognovissetis me, et Patrem meum utique cognovissetis. Circa primum duo facit. Primo manifestat quid sit via; secundo quid sit terminus, ibi nemo venit ad Patrem nisi per me. Via autem, ut dictum est, est ipse Christus: et ideo dicit ego sum via et cetera. Quod quidem satis habet rationem: nam per ipsum accessum habemus ad Patrem, ut dicitur Rm. V, 2. Competit etiam proposito quo intendit declarare dubitationem discipuli dubitantis. Sed quia ista via non est distans a termino, sed coniuncta, addit veritas et vita; et sic ipse simul est via, et terminus. Via quidem secundum humanitatem, terminus secundum divinitatem. Sic ergo secundum quod homo, dicit ego sum via; secundum quod Deus, addit veritas et vita. Per quae duo terminus huius viae convenienter designatur. Nam terminus huius viae finis est desiderii humani, homo autem duo praecipue desiderat: primo quidem veritatis cognitionem, quae est sibi propria; secundo sui esse continuationem, quod est commune omnibus rebus. Christus autem est via perveniendi ad veritatis cognitionem, cum tamen ipse sit veritas; Ps. LXXXV, 11: deduc me, Domine, in veritate, et ingrediar in via tua. Christus etiam est via perveniendi ad vitam cum tamen ipse sit vita; Ps. XV, 11: notas fecisti vias vitae. Et ideo huius viae terminum per veritatem et vitam designavit: quae duo supra I de Christo dicta sunt. Primo quidem quod ipse sit vita: unde in ipso vita erat, deinde quod sit veritas, quia erat lux hominum; lux autem veritas est. Sed notandum, quod haec duo proprie et per se Christo conveniunt. Veritas enim convenit ei per se quia ipse est verbum. Nihil enim aliud est veritas quam adaequatio rei ad intellectum, quod fit quando intellectus concipit rem prout est. Veritas ergo intellectus nostri pertinet ad verbum nostrum, quod est conceptio eius. Sed tamen licet verbum nostrum sit verum, non tamen est ipsa veritas, cum non sit a seipso, sed ex hoc quod rei conceptae adaequatur. Veritas ergo intellectus divini pertinet ad verbum Dei. Sed quia verbum Dei est verum a seipso, cum non mensuretur a rebus, sed res intantum sint verae inquantum ad similitudinem eius accedunt: inde est quod verbum Dei est ipsa veritas. Et quia nullus potest veritatem cognoscere nisi adhaereat veritati, oportet omnem qui veritatem cognoscere desiderat, huic verbo adhaerere. Vita autem proprie convenit sibi: quia omne quod aliquam operationem ex se habet, dicitur vivens; non viventia autem dicuntur quae ex seipsis motum non habent. Inter operationes vitae praecipuae sunt operationes intellectuales: unde et ipse intellectus dicitur vivens, et actio eius est vita quaedam. In Deo autem idem est intelligere et intellectus: unde manifestum est quod Filius, qui est verbum intellectus Patris, est vita sua. Sic ergo Christus seipsum designavit viam, et coniunctam termino: quia ipse est terminus habens in se quidquid desiderari potest, scilicet existens veritas et vita. Si ergo quaeras, qua transeas, accipe Christum, quia ipse est via; Is. XXX, 21: haec est via, ambulate in ea. Et Augustinus dicit: ambula per hominem, et pervenies ad Deum. Melius est enim in via claudicare, quam praeter viam fortiter ambulare. Nam qui in via claudicat, etiam si parum proficiscatur, appropinquat ad terminum; qui vero extra viam ambulat, quanto fortius currit, tanto magis a termino elongatur. Si vero quaeras quo vadis, adhaere Christo, quia ipse est veritas, ad quam desideramus pervenire; Pr. VIII, 7: veritatem meditabitur guttur meum et cetera. Si quaeris quo permaneas, adhaere Christo, quia ipse est vita. Pr. VIII, 35: qui me inveniet, inveniet vitam, et hauriet salutem a Domino. Adhaere ergo Christo, si vis esse securus: non enim poteris deviare, quia ipse est via. Unde qui ei adhaerent, non ambulant in invio, sed per viam rectam; Pr. IV, 11: viam sapientiae monstrabo tibi. E contra dicitur de quibusdam: viam veritatis habitaculi non invenerunt. Item non potest decipi, quia ipse est veritas, et docet omnem veritatem; infra XVIII, 37: in hoc natus sum, et ad hoc veni, ut testimonium perhibeam veritati. Item non potest perturbari, quia ipse est vita et vitam dans; supra X, 10: ego veni ut vitam habeant, et abundantius habeant. Nam, ut Augustinus dicit, dominus dicit ego sum via, veritas et vita, tamquam diceret qua vis ire? Ego sum via. Quo vis ire? Ego sum veritas. Ubi vis permanere? Ego sum vita. Non enim, ut Hilarius dicit, in erratica ducit ille qui est via, nec illudit per falsa qui veritas est, neque in mortis relinquit errore qui vita est. Vel aliter. Tria sunt in homine quae ad sanctitatem pertinent, scilicet actio et contemplatio et intentio: et ista perficiuntur a Christo. Nam activam exercentibus Christus est via; in contemplativa vero perseverantibus Christus est veritas: sed activorum et contemplantium intentionem dirigit ad vitam, scilicet aeternam. Docet enim ire, et praedicare pro futuro saeculo. Sic ergo Dominus est nobis via qua imus ad ipsum, et per ipsum ad Patrem. Sed cum ipsemet qui via est, vadit ad Patrem, numquid ipse est sibi via? Sed, ut Augustinus dicit, ipse est via, et qui vadit per viam, et quo vadit: unde ipse per seipsum ad seipsum vadit. Nam ipse inquantum est homo, via est: unde per carnem venit, manens ubi erat; et per carnem vadit, non relinquens quo venerat; per carnem etiam ad se redit veritatem et vitam: nam Deus venerat per carnem ad homines, veritas ad mendaces, vita ad mortales. Est enim Deus verax, omnis autem homo mendax: Rm. III, 4. Cum autem se ab hominibus abstulit, atque illuc ubi nemo mentitur, carnem suam levavit, idem ipse qui verbum caro factum est, per carnem suam ad veritatem, quae est ipse, remeavit. Et simile est si dicerem: et mens mea, dum loquor aliquibus, ad eos exit, nec tamen me relinquit: cum autem tacuero, quodammodo ad me redeo, et cum illis quibus loquor, maneo. Sic ergo Christus, qui nobis est via, etiam sibi ipsi, idest carni, factus est via, ut ad veritatem et vitam iret. Consequenter cum dicit nemo venit ad Patrem nisi per me, manifestat quod quaesitum fuerat quantum ad terminum viae. Via autem, quae est Christus, ut dictum est, ducit ad Patrem. Sed quia Pater et Filius sunt unum, ideo haec via ducit etiam ad seipsum. Et ideo dicit Christus se esse terminum viae. Nemo, inquit, venit ad Patrem nisi per me. Sed sciendum quod, sicut apostolus dicit, nemo novit quae sunt hominis, nisi spiritus eius qui in ipso est, quod intelligendum est nisi inquantum homo vult se manifestare. Secretum autem suum manifestat quis per verbum suum: et ideo nullus potest venire ad secretum hominis nisi per verbum hominis. Quia ergo et quae Dei sunt nemo novit nisi spiritus Dei, nullus potest venire ad notitiam Patris nisi per verbum suum, quod est Filius eius; Mt. XI, 27: neque Patrem quis novit nisi Filius. Et sicut homo volens revelare se verbo cordis, quod profert ore, induit quodammodo ipsum verbum litteris vel voce, ita Deus, volens se manifestare hominibus, verbum suum conceptum ab aeterno, carne induit in tempore. Et sic nullus ad notitiam Patris pervenire potest nisi per Filium. Unde supra X, 9, dicit: ego sum ostium. Per me si quis introierit salvabitur. Sed notandum, secundum Chrysostomum, quod supra VI, 44, Dominus dicit: nemo potest venire ad me, nisi Pater meus traxerit eum, hic autem dicit nemo venit ad Patrem nisi per me. In quo ostenditur aequalitas Filii ad Patrem. Patet ergo quae sit via, quia Christus; quis terminus, quia Pater. Consequenter cum dicit si cognovissetis me, et Patrem meum utique cognovissetis, ostendit quod discipuli utrumque cognoscunt, scilicet quo vadit, et viam, et primo proponit manifestationem; secundo excludit emergentem dubitationem, ibi dicit ei Philippus: Domine, ostende nobis Patrem. Circa primum duo facit. Primo ostendit concomitantiam notitiae habitae de Filio ad notitiam habitam de Patre; secundo manifestat quomodo discipuli se habeant ad notitiam Patris, ibi et amodo cognoscetis eum. Dicit ergo primo: dixi quod sum via, et quod scitis viam, scilicet me: ergo et quo vado scitis, quia notitia de me non potest haberi sine notitia Patris. Et hoc est quod dicit si cognovissetis me, et Patrem meum utique cognovissetis. Supra VIII, 19, Iudaeis dicit: si me sciretis, et Patrem meum forsitan sciretis. Quid est ergo quod dicit si cognovissetis me, et Patrem meum utique cognovissetis: ibi autem dicit forsitan? Videtur quod ibi dubitaverit de eo quod hic asserit. Sed dicendum, quod ibi loquebatur Iudaeis quos increpabat; et ideo addit forsitan, non dubitans, sed increpans eos. Hic autem loquitur discipulis quos instruit; et ideo veritatem eis cum assertione proponit, dicens si cognovissetis me, et patrem meum utique cognovissetis; quasi dicat: si sciretis meam gratiam et dignitatem, et eam utique quae Patris est sciretis. Per nihil enim aliud res melius scitur quam per verbum et imaginem suam; filius autem est verbum Patris; supra I, 1: in principio erat verbum, et verbum erat apud Deum; ibid. 14: verbum caro factum est, et habitavit in nobis; et vidimus gloriam eius, gloriam quasi unigeniti a patre. Filius etiam est imago Patris; Col. I, 15: qui est imago invisibilis Dei; He. I, 3: qui cum sit splendor gloriae et figura substantiae eius. In Filio ergo cognoscitur Pater, ut in verbo et imagine propria. Sed notandum, quod inquantum aliquid accedit ad similitudinem paterni verbi, intantum in ipso cognoscitur Pater, et similiter inquantum habet de imagine Patris. Cum autem omne verbum creatum sit aliqua similitudo illius verbi, et in qualibet re inveniatur similitudo divinitatis, vel imaginis vel vestigii, sed imperfecta: inde est quod per nullam creaturam et a nulla intelligentia et conceptione intellectus creati potest cognosci perfecte idipsum quod Deus est; sed solum verbum unigenitum quod est perfectum et perfecta imago Patris, ipsum quod quid est Patris cognoscit et comprehendit. Unde, secundum Hilarium, possunt haec verba aliter continuari. Nam cum Dominus dicit nemo venit ad Patrem nisi per me, interrogatus Arius, quomodo itur ad Patrem per Filium, respondet, quod per doctrinae admonitionem, inquantum scilicet Filius sua doctrina instruit homines de Patre, secundum illud infra XVII, 6: Pater, manifestavi nomen tuum hominibus. Sed Dominus hoc excludens dicit si cognovissetis me, et Patrem meum utique cognovissetis; quasi dicat: Arius vel alius quicumque homo annuntiare quidem potest de Patre, sed nullus est tantus quod eo cognito, cognoscatur Pater, nisi solus Filius, qui est eiusdem naturae cum ipso. Consequenter cum dicit et amodo cognoscetis eum, ostendit quomodo discipuli se habeant ad cognitionem patris. Dixerat autem Dominus supra discipulis, quod Patrem cognoscunt, quo, inquiens, vado scitis. Et hoc Thomas negavit, dicens: Domine, nescimus quo vadis. Et ideo hic Dominus ostendit quod aliquo modo cognoscunt Patrem, ut ostendat verbum suum verum esse, et aliquo modo non cognoscunt, ut verbum Thomae sit verum. Et ponit ad hoc duplicem Patris cognitionem: unam quae erit in futuro; aliam quae fuit in praeterito. Dicit ergo, quod amodo cognoscetis eum. Dicit autem amodo, quia duplex cognitio habetur de patre. Una perfecta, quae est per immediatam eius visionem, quae erit in patria; I Jn. III, 2: cum apparuerit, similes ei erimus; alia est imperfecta, quae est per speculum et in aenigmate, quam habemus per fidem; I Cor. XIII, 12: videmus nunc per speculum et in aenigmate. Potest ergo hic intelligi de utraque; ut sit sensus: amodo cognoscetis eum, cognitione perfecta in patria, infra XVI, 25: palam de Patre meo annuntiabo vobis, quasi dicat: verum est, quod non cognoscitis eum perfecta cognitione, sed amodo cognoscetis eum, peracto mysterio passionis meae. Vel amodo, idest post resurrectionem meam et ascensionem et missionem spiritus sancti, cognoscetis eum, cognitione fidei perfecta, quia, cum venerit spiritus Paraclitus, ille vos docebit omnia, et suggeret vobis omnia quaecumque dixero vobis: infra XIV, 26. Sic ergo verum dicis, quod nescis eum cognitione perfecta; sed ego verum dico, quia vidistis eum; Ba III, 38: post haec in terris visus est, et cum hominibus conversatus est. Viderunt enim Christum, secundum carnem assumptam, in qua erat verbum, et in verbo Pater: unde in ipso viderunt patrem; supra VIII, 29: qui me misit, mecum est. Sed attende, quod Pater non erat in carne per unitatem personae, sed erat in verbo incarnato per unitatem naturae, et in Christo incarnato videbatur pater; supra I, 14: vidimus gloriam eius, gloriam quasi unigeniti a Patre.

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