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Regnum Galliae Regnum Mariae

Mercredi Saint

31 Mars 2021 , Rédigé par Ludovicus

Mercredi Saint

Collecte

Faites, nous vous en prions, Dieu tout-puissant, que sans cesse affligés par nos débordements, nous soyons libérés par la passion de votre Fils.

Lecture Is. 62. 11 ; 63, 1-7

Voici ce que le Seigneur Dieu a dit : Dites à la fille de Sion : "Voici que ton Sauveur vient ; voici que sa récompense est avec lui." Qui est celui-là qui vient d’Edom, de Bosra en habits écarlates ? Il est magnifique dans son vêtement, il se redresse dans la grandeur de sa force. C’est moi, qui parle avec justice, et qui suis puissant pour sauver. Pourquoi y a-t-il du rouge à ton vêtement, et tes habits sont-ils comme ceux du pressureur ? Au pressoir j’ai foulé seul, et, parmi les peuples, personne n’a été avec moi. Et je les ai foulés dans ma colère, piétinés dans ma fureur ; le jus en a jailli sur mes habits, et j’ai souillé tout mon vêtement. Car un jour de vengeance était dans mon cœur, et l’année de ma rédemption était venue. J’ai regardé, et personne pour m’aider ; j’étais étonné, et personne pour me soutenir. Alors mon bras m’a sauvé, et ma fureur m’a soutenu. J’ai écrasé les peuples dans ma colère, et je les ai enivrés de ma fureur, et j’ai fait couler leur sang à terre." Je célébrerai les miséricordes du Seigneur, les louanges du Seigneur, selon tout ce que le Seigneur a fait pour nous, lui notre Dieu

Lecture

En ces jours-là, Isaïe dit : Qui a cru ce que nous avons entendu, et à qui le bras du Seigneur a-t-il été révélé ? Il s’est élevé devant lui comme un frêle arbrisseau ; comme un rejeton gui sort d’une terre desséchée ; il n’avait ni forme ni beauté pour attirer nos regards, ni apparence pour exciter notre amour. Il était méprise et abandonné des hommes, homme de douleurs et familier de la souffrance, comme un objet devant lequel on se voile la face ; en butte au mépris, nous n’en faisions aucun cas. Vraiment c’était nos maladies qu’il portait, et nos douleurs dont il s’était chargé ; et nous, nous le regardions comme un puni, frappé de Dieu et humilié. Mais lui, il a été transpercé à cause de nos péchés, broyé à cause de nos iniquités ; le châtiment qui nous donne la paix a été sur lui, et c’est par ses meurtrissures que nous sommes guéris. Nous étions tous errants comme des brebis, chacun de nous suivait sa propre voie ; et le Seigneur a fait retomber sur lui l’iniquité de nous tous. On le maltraite, et lui se soumet et n’ouvre pas la bouche, semblable à l’agneau qu’on mène à la tuerie, et à la brebis muette devant ceux qui la tondent ; il n’ouvre point la bouche. Il a été enlevé par l’oppression et le jugement, et, parmi ses contemporains, qui a pensé qu’il était retranché de la terre des vivants, que la plaie le frappait à cause des péchés de mon peuple ? On lui a donné son sépulcre avec les méchants, et dans sa mort il est avec le riche, alors qu’il n’a pas commis d’injustice, et qu’il n’y a pas de fraude dans sa bouche. Il a plu au Seigneur de le briser par la souffrance ; mais quand son âme aura offert le sacrifice expiatoire, il verra une postérité, il prolongera ses jours, et le dessein du Seigneur prospérera dans ses mains. A cause des souffrances de son âme, il verra et se rassasiera. Par sa connaissance le juste, mon Serviteur, justifiera beaucoup d’hommes, et lui-même se chargera de leurs iniquités. C’est pourquoi je lui donnerai sa part parmi les grands ; il partagera le butin avec les forts. Parce qu’il a livré son âme à la mort et qu’il a été compté parmi les malfaiteurs ; et lui-même a porté la faute de beaucoup, et il intercédera pour les pécheurs.

Passion de Notre-Seigneur Jésus-Christ selon saint Luc

En ce temps-là : Étant sorti, Jésus s’en alla, comme de coutume, vers le mont des Oliviers ; les disciples aussi l’accompagnèrent. Lorsqu’il fut à l’endroit, il leur dit : "Priez afin de ne pas entrer en tentation." Et il s’éloigna d’eux environ d’un jet de pierre ; et, s’étant mis à genoux, il priait, disant : "Père, si vous voulez, détournez de moi ce calice. Cependant, que ce ne soit pas ma volonté, mais la vôtre qui soit faite." Et lui apparut, (venant) du ciel, un ange qui le réconfortait. Et, se trouvant en agonie, il priait plus instamment, et sa sueur devint comme des gouttes de sang, qui tombaient sur la terre. S’étant relevé de (sa) prière, il vint vers les disciples, qu’il trouva plongés dans le sommeil à cause de la tristesse. Et il leur dit : "Pourquoi dormez-vous ? Levez-vous et priez, afin que vous n’entriez point en tentation." Comme il parlait encore, voici (venir) une foule, et le nommé Judas, l’un des Douze, les précédait. Il s’approcha de Jésus pour lui donner un baiser. Et Jésus lui dit : "Judas, c’est par un baiser que tu livres le Fils de l’homme !" Ceux qui étaient autour de lui, voyant ce qui allait arriver, dirent : "Seigneur, si nous frappions du glaive ?" Et l’un d’eux frappa le serviteur du grand prêtre et lui emporta l’oreille droite. Jésus répondit : "Laissez (faire) jusque là !" Et touchant l’oreille, il le guérit. Et Jésus dit à ceux qui étaient venus contre lui, grands prêtres, commandants du temple et anciens : "Comme contre un brigand, vous êtes sortis avec des glaives et des bâtons ! Alors que chaque jour j’étais avec vous dans le temple, vous n’avez pas porté les mains sur moi. Mais c’est (maintenant) votre heure et la puissance des Ténèbres." S’étant saisis de lui, ils l’emmenèrent et le firent entrer dans la maison du grand prêtre. Or Pierre suivait de loin. Ayant allumé du feu au milieu de la cour, ils s’assirent autour, et Pierre s’assit parmi eux. Une servante, qui le vit assis près de la flamme, le dévisagea et dit : "Celui-là aussi était avec lui." Mais il nia, en disant : "Femme, je ne le connais point." Un peu après, un autre, l’ayant vu, dit : "Toi aussi, tu en es." Mais Pierre dit : "Homme, je n’en suis point." Et une heure environ s’étant écoulée, un autre affirma avec force : " our sûr, celui-là aussi était avec lui ; aussi bien, il est Galiléen." Pierre dit : "Homme, je ne sais ce que tu dis." Et à l’instant, comme il parlait encore, un coq chanta. Et le Seigneur, s’étant retourné, arrêta son regard sur Pierre, et Pierre se souvint de la parole du Seigneur, comme il lui avait dit : "Avant que le coq ait chanté aujourd’hui, tu me renieras trois fois." Et étant sorti, il pleura amèrement. Et ceux qui le tenaient se moquaient de lui et le frappaient. Et lui ayant voilé (le visage), ils l’interrogeaient, disant : "Prophétise ! Quel est celui qui t’a frappé ?" Et ils proféraient contre lui beaucoup d’autres injures. Quand il fit jour, se réunit le conseil des anciens du peuple, grands prêtres et scribes ; et ils l’amenèrent à leur tribunal. Ils dirent : "Si tu es le Christ, dis-le-nous." Il leur dit : "Si je vous le dis, vous ne le croirez pas ; et si je vous interroge, vous ne répondrez pas. Mais dès maintenant le Fils de l’homme sera assis à la droite de la puissance de Dieu." Ils dirent tous : "Tu es donc le Fils de Dieu ?" Il leur répondit : "Vous le dites : je le suis." Et ils dirent : "Qu’avons-nous encore besoin de témoignage ? Car nous l’avons nous-mêmes entendu de sa bouche." Alors toute l’assemblée s’étant levée, ils le menèrent à Pilate ; et ils se mirent à l’accuser, en disant : "Nous avons trouvé que cet homme détourne notre nation en l’empêchant de payer les impôts à César et en disant de lui-même qu’il est Christ-roi." Pilate l’interrogea, disant : "Es-tu le roi des Juifs ?" Jésus lui répondit : "Tu le dis." Pilate dit aux grands prêtres et aux foules : "Je ne trouve rien de coupable en cet homme." Mais eux insistaient avec force, disant : "Il soulève le peuple, enseignant par toute la Judée, depuis la Galilée, où il a commencé, jusqu’ici." A ces mots, Pilate demanda si l’homme était Galiléen ; et apprenant qu’il était de la juridiction d’Hérode, il le renvoya à Hérode, qui, lui aussi, était à Jérusalem en ces jours-là. Hérode, en voyant Jésus, se réjouit fort, car depuis longtemps il avait le désir de le voir, pour ce qu’il entendait dire de lui, et il espérait lui voir faire quelque miracle. Il lui adressa beaucoup de questions, mais lui ne répondit rien. Or les grands prêtres et les scribes se trouvaient là, l’accusant avec force. Hérode le traita avec mépris, ainsi que ses hommes d’armes, se moqua de lui et, après l’avoir revêtu d’un vêtement de couleur éclatante, il le renvoya à Pilate. En ce jour même, Hérode et Pilate devinrent amis, eux qui auparavant étaient en inimitié entre eux. Pilate, ayant convoqué les grands prêtres, les chefs et le peuple, leur dit : "Vous m’avez amené cet homme comme détournant le peuple ; or j’ai instruit l’affaire devant vous et je n’ai rien trouvé de coupable en cet homme quant aux choses dont vous l’accusez ; ni Hérode non plus, car il nous l’a renvoyé ; c’est bien qu’il n’a rien fait qui mérite la mort. Je le relâcherai donc après l’avoir fait châtier." Or il était obligé, à chaque fête, de leur relâcher quelqu’un. Mais tous ensemble ils crièrent : "Fais mourir celui-ci, et relâche-nous Barabbas !" lequel était en prison à cause d’une sédition qui avait eu lieu dans la ville et d’un meurtre. Et de nouveau Pilate, qui désirait relâcher Jésus, s’adressa à eux ; mais ils clamaient, disant : "Crucifie ! crucifie-le !" Pour la troisième fois, il leur dit : "Qu’a-t-il donc fait de mal ? Je n’ai rien trouvé en lui qui mérite la mort. Donc, après l’avoir fait châtier, je le relâcherai." Mais ils insistaient avec de grands cris, demandant qu’il fût crucifié, et leurs cris allaient grandissant. Alors Pilate décréta qu’il serait fait selon leur demande. Il relâcha celui qui avait été mis en prison pour sédition et meurtre, qu’ils demandaient, et il livra Jésus à leur volonté. Comme ils l’emmenaient, ils saisirent un certain Simon de Cyrène, qui revenait de la campagne, et ils le chargèrent de la croix, pour qu’il la portât derrière Jésus. Or, il était suivi d’une grande masse du peuple et de femmes qui se frappaient la poitrine et se lamentaient sur lui. Se tournant vers elles, Jésus dit : "Filles de Jérusalem, ne pleurez pas sur moi, mais pleurez sur vous-mêmes et sur vos enfants, car voici venir des jours où l’on dira : Heureuses les stériles, et les entrailles qui n’ont point enfanté et les mamelles qui n’ont point allaité ! Alors on se mettra à dire aux montagnes : Tombez sur nous ! et aux collines : Recouvrez-nous ! Car, si l’on traite ainsi le bois vert, qu’en sera-t-il du sec ?" On menait aussi deux autres, des malfaiteurs, pour être exécutés avec lui. Lorsqu’ils furent arrivés au lieu appelé Calvaire, ils l’y crucifièrent, ainsi que les malfaiteurs, l’un à droite, l’autre à gauche. Et Jésus disait : "Père, pardonnez-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font." Et se partageant ses vêtements, ils les tirèrent au sort. Le peuple se tenait là et regardait. Même les chefs raillaient, disant : "Il en a sauvé d’autres, qu’il se sauve lui-même, s’il est le Christ de Dieu, l’Élu !" Les soldats aussi se moquèrent de lui, s’avançant pour lui présenter du vinaigre, et disant : "Si tu es le roi des Juifs, sauve-toi toi-même !" Il y avait aussi au-dessus de lui une inscription en caractères grecs, latins et hébraïques : "Celui-ci est le roi des Juifs." Or, l’un des malfaiteurs, mis en croix l’injuriait, disant : "N’es-tu pas le Christ ? Sauve-toi toi-même et sauve-nous !" Mais l’autre le reprenait, disant : "Tu n’as pas même la crainte de Dieu, toi qui subis la même condamnation ! Pour nous, c’est justice, car nous recevons ce que méritent les choses que nous avons faites ; mais lui n’a rien fait de mal." Et il dit : "Jésus, souvenez-vous de moi, quand vous reviendrez avec votre royauté." Et il lui dit : "Je te le dis en vérité, aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis." Il était alors environ la sixième heure, et il se fit des ténèbres sur la terre entière jusqu’à la neuvième heure, le soleil s’étant éclipsé, et le voile du sanctuaire se fendit par le milieu. Et Jésus clama d’une voix forte : "Père, je remets mon esprit entre vos mains." Et, ce disant, il expira. (Ici, on fléchit le genou, et on fait une pause.)Le centurion, ayant vu ce qui s’était passé, glorifia Dieu, disant : "Réellement, cet homme était un juste." Et toutes les foules rassemblées à ce spectacle, après voir regardé ce qui s’était passé, s’en retournaient en se frappant la poitrine. Tous ceux de sa connaissance se tenaient à distance, ainsi que les femmes qui l’avaient suivi depuis la Galilée, pour voir (tout) cela.

Et alors un homme, nommé Joseph, qui était membre du conseil, homme bon et juste, il n’avait donné son assentiment à leur résolution ni à leur acte, d’Arimathie, ville juive, qui attendait le royaume de Dieu, cet (homme) alla trouver Pilate pour lui demander le corps de Jésus ; il le descendit, l’enveloppa d’un linceul, et le déposa dans un sépulcre taillé dans le roc, où personne n’avait encore été mis.

 

Postcommunion

Dieu tout-puissant, donnez-nous de croire en toute assurance que par la mort temporelle de votre Fils, dont témoignent ces augustes mystères, vous nous avez donné la vie éternelle. Par le même Jésus-Christ votre Fils, notre Seigneur

Office

1ère leçon

Seigneur, attente d’Israël : tous ceux qui vous abandonnent seront confondus ; ceux qui se retirent de vous seront écrits sur la terre, parce qu’ils ont abandonné la source des eaux vives, le Seigneur. Guérissez-moi, Seigneur, et je serai guéri ; sauvez-moi, et je serai sauvé ; parce que ma louange, c’est vous. Voilà qu’eux-mêmes me disent : Où est la parole du Seigneur ? qu’elle vienne. Et moi je n’ai pas été troublé, en vous suivant comme pasteur ; et le jour d’un homme, je ne l’ai pas désiré, vous le savez. Ce qui est sorti de mes lèvres a été juste en votre présence. Ne me soyez pas à effroi ; mon espoir, c’est vous, au jour de l’affliction. Qu’ils soient confondus, ceux qui me persécutent, et que je ne sois pas confondu moi-même ; qu’ils tremblent de peur, eux, et que je n’en tremble pas moi même ; amenez sur eux un jour d’affliction, et d’un double brisement, brisez-les.

2e leçon

Qui a jamais ouï des choses horribles, telles que celles qu’a commises à l’excès la vierge d’Israël ? Est-ce que la neige du Liban abandonnera le rocher de la campagne ? Ou peuvent-elles être détruites, des eaux jaillissantes, fraîches et coulantes ? Parce que mon peuple m’a oublié, sans en retirer aucun fruit, faisant des libations et se heurtant dans leurs voies, dans les sentiers du siècle, afin d’y marcher dans un chemin non frayé ; afin que leur terre fût livrée à la désolation et à un sifflement éternel ; quiconque passera à travers cette terre, sera dans la stupeur, et secouera sa tête. Comme un vent brûlant, je les dissiperai devant l’ennemi ; je leur tournerai le dos et non la face, au jour de leur perte. Et ils ont dit : Venez, et formons contre Jérémie des desseins ; car la loi ne manquera pas au prêtre, ni le conseil au sage, ni la parole au prophète ; venez, blessons-le de notre langue, et n’ayons égard à aucun de ses discours.

3e leçon

Seigneur, portez votre attention sur moi, et entendez la voix de mes adversaires. Est-ce que pour le bien est rendu le mal, puisqu’ils ont creusé une fosse à mon âme ? Souvenez-vous que je me suis tenu en votre présence, afin de parler en leur faveur, et afin de détourner votre indignation d’eux. A cause de cela, livrez leurs fils à la faim, et conduisez-les aux mains du glaive ; que leurs femmes deviennent sans enfants et veuves ; que leurs maris soient mis à la mort ; que les jeunes hommes soient percés par le glaive dans le combat. Qu’un cri soit entendu de leurs maisons ; car vous amènerez soudain sur eux un voleur, parce qu’ils ont creusé une fosse afin de me prendre, et qu’ils ont caché des lacs sous mes pieds. Mais vous, Seigneur, vous connaissez tout leur dessein de mort contre moi ; ne soyez pas propice à leur iniquité, et que leur péché ne s’efface pas de votre face ; qu’ils soient renversés en votre présence : au temps de votre fureur, consumez-les.

Aujourd’hui les princes des prêtres et les anciens du peuple se sont réunis dans une des salles du Temple, pour délibérer une dernière fois sur les moyens de se défaire de Jésus On a discuté divers projets. Est-il prudent de mettre la main sur lui, en ce moment où la fête de Pâques retient dans la ville tant d’étrangers qui ne connaissent le Nazaréen que par l’ovation solennelle dont il a été l’objet il y a seulement trois jours ? Parmi les habitants de Jérusalem, n’en est-il pas aussi un grand nombre qui ont applaudi à ce triomphe, et dont l’enthousiasme pour Jésus serait à redouter ? Non : il ne faut pas songer, pour le moment, aux mesures violentes : une sédition pourrait éclater au milieu même des solennités de la Pâque. Ceux qui en auraient été les moteurs seraient aisément compromis vis-à-vis de Ponce-Pilate, et ils auraient à craindre peut-être la vengeance du peuple. Il vaut donc mieux laisser passer la fête, et chercher quelque moyen de se saisir sans bruit de la personne de Jésus.

Mais ces hommes de sang se faisaient illusion en croyant retarder au gré de leur politique la mort du juste. Ils ajournaient un meurtre ; mais les décrets divins qui, de toute éternité, ont préparé un sacrifice pour le salut du genre humain, ont fixé précisément ce sacrifice à cette même fête de Pâques que la trompette sacrée doit annoncer dès demain dans la ville sainte. Assez longtemps l’agneau mystérieux a été offert en figure de l’Agneau véritable ; elle va s’ouvrir, cette Pâque qui doit voir les ombres s’évanouir devant la réalité ; et le sang rédempteur versé par la main des pontifes aveuglés va se mêler à celui de ces victimes grossières que Dieu n’agréera plus désormais. Le sacerdoce judaïque se portera tout à l’heure à lui-même le coup de la mort, en immolant celui dont le sang doit abroger l’ancienne alliance et sceller pour jamais la nouvelle.

Mais comment les ennemis du Sauveur se mettront-ils en possession de l’auguste victime que convoitent leurs désirs sanguinaires, eux qui veulent éviter l’éclat et le bruit ? Ils ont compté sans la trahison ; mais voici que la trahison vient à leur secours. Un disciple du Sauveur demande à être introduit près d’eux ; il a une proposition a leur l’aire : « Que me donnerez-vous, leur dit-il, et je vous le livrerai ? » Quelle joie pour ces misérables ! Ils sont docteurs de la loi, et ils ne se souviennent pas du Psaume CVIIIe, dans lequel David a prédit toutes les circonstances de cet infâme marché ; ni de l’oracle de Jérémie, qui va jusqu’à exprimer le prix de trente pièces d’argent comme la rançon du Juste. Cette même somme, Judas vient la leur demander ; ils la lui comptent sur l’heure. Tout est convenu. Demain Jésus sera dans Jérusalem ; il fera la Pâque. Sur le soir, il se rendra, selon son habitude, dans un jardin situé sur le penchant de la montagne des Oliviers. Mais, au milieu des ténèbres de la nuit, comment les gens chargés de l’arrêter le distingueront-ils de ses disciples ? Judas a tout prévu. Les soldats pourront en toute sûreté mettre la main sur celui auquel il aura donné un baiser.

Tel est l’horrible forfait qui s’accomplit aujourd’hui à l’ombre du Temple de Jérusalem. Pour en témoigner son exécration, et pour faire amende honorable au Fils de Dieu si indignement outragé par ce pacte monstrueux, la sainte Église, dès les premiers siècles, a consacré le jour du Mercredi à la pénitence. En nos temps encore, la sainte Quarantaine s’ouvre par un Mercredi ; et lorsque l’Église, quatre fois dans l’année, nous impose les jeûnes qui marquent chaque saison, le Mercredi est l’un des trois jours que nous devons consacrer à la mortification de notre corps.

Aujourd’hui avait lieu, dans l’Église Romaine, le sixième Scrutin pour l’admission des catéchumènes au baptême. On recevait, s’ils en étaient dignes, ceux sur lesquels on n’avait pas encore prononcé définitivement. A la Messe, il y avait deux lectures tirées des Prophètes, comme au jour du grand Scrutin, le Mercredi de la quatrième Semaine de Carême. Les catéchumènes sortaient de l’église comme à l’ordinaire, après l’Évangile ; mais lorsque le Sacrifice était terminé, ils étaient introduits de nouveau par le Portier, et l’un des Prêtres leur disait ces paroles : « Samedi prochain, veille de la Pâque, à telle heure, vous vous réunirez dans la Basilique de Latran, pour le septième Scrutin ; ensuite pour rendre le Symbole que vous devez avoir appris ; enfin pour recevoir, par le secours de Dieu, le bain sacré de la régénération. Préparez-vous-y avec zèle et humilité dans les jeûnes et les prières continuelles, afin que, ayant été ensevelis, par ce saint baptême, avec Jésus-Christ, vous ressuscitiez avec lui pour la vie éternelle. Amen. »

A Rome, la Station a lieu aujourd’hui dans la Basilique de Sainte-Marie-Majeure. Compatissons aux douleurs de notre Mère, dont le cœur éprouve de si cruelles angoisses dans l’attente du sacrifice qui se prépare.

A LA MESSE.

La sainte Église débute dans l’Introït par la glorification du saint Nom de Jésus, si outragé aujourd’hui par les hommes infâmes qui le prononcent avec tant de haine, dans l’odieux complot qu’ils ourdissent contre celui auquel il fut imposé, par ordre du ciel, pour annoncer notre salut. Ce Nom béni signifie Sauveur ; nous voici dans les jours où il doit recevoir toute sa signification.

Dans la première Collecte, l’Église confesse que ses enfants ont péché ; mais elle représente au Seigneur la Passion qu’a soufferte pour eux son Fils unique, et elle se laisse aller à l’espérance.

Lecture.

Qu’il est terrible ce libérateur qui foule ses ennemis sous ses pieds, comme les grappes du pressoir, au point que ses vêtements sont teints de leur sang ! Mais n’est-ce pas aujourd’hui qu’il importe de relever et d’exalter la vigueur de son bras, aujourd’hui qu’il est abreuvé d’humiliations, que ses ennemis, par le plus ignoble de tous les marchés, l’ont acheté d’un de ses disciples ? Il ne sera pas toujours dans l’abaissement ; il se relèvera bientôt, et la terre apprendra quelle est sa puissance, à la vue des châtiments dont il accablera ceux qui ont osé le fouler aux pieds. Jérusalem s’apprête à lapider ceux qui prêcheront en son nom ; elle sera la plus cruelle des marâtres pour ces vrais Israélites qui, dociles aux enseignements des Prophètes, ont reconnu dans Jésus tous les caractères du Messie. La Synagogue tentera d’étouffer l’Église dans son berceau ; mais à peine l’Église, secouant la poussière de ses pieds contre Jérusalem, se sera tournée vers les nations, que, semblable à une tempête, la vengeance du Christ viendra fondre sur la ville qui l’a acheté, qui l’a trahi, qui l’a crucifié. C’est alors que le sang du Juif coulera par torrents, à ce point que, dans une des rues de Jérusalem que dévorait l’incendie, il lutta avec la flamme et l’arrêta. Nous savons cet affreux détail par l’historien juif Josèphe, témoin oculaire du désastre de sa patrie. C’est ainsi que le Seigneur se vengera d’un peuple parricide, au jour où s’accompliront les menaces qu’il proférait avant-hier sur la montagne des Oliviers, en vue de la cité ingrate et perfide.

Et cependant la ruine de Jérusalem n’a été que la figure de cette autre ruine à laquelle le monde coupable est destiné, lorsque le divin vengeur que nous entendons contredire et bafouer tous les jours, reparaîtra sur les nuées du ciel pour rétablir son honneur outragé. Présentement il se laisse livrer, conspuer et méconnaître ; mais lorsque « le temps de racheter les siens sera venu, le jour de vengeance qu’appellent les désirs du juste », heureux ceux qui l’auront connu, qui auront compati à ses abaissements et à ses douleurs ! Malheur à ceux qui n’auront vu en lui qu’un homme ! Malheur à ceux qui, non contents de secouer son joug pour eux-mêmes, lui auront enlevé l’empire sur les autres ! Car il est Roi ; et il est venu en ce monde pour régner, et ceux qui auront repoussé sa clémence ne pourront fuir sa justice.

Le Graduel qui suit cette sublime lecture d’Isaïe est un cri de détresse que le Messie fait entendre par la bouche de David.

Dans la seconde Collecte, la sainte Église rappelle encore au Père céleste le supplice que son Fils a daigné endurer pour nous affranchir du joug de notre ennemi infernal, et demande que nous ayons part à la résurrection glorieuse de ce divin Médiateur.

ÉPÎTRE.

C’est encore Isaïe que nous entendons dans cette prophétie ; mais ce n’est plus le poète sublime qui chantait tout à l’heure les vengeances de l’Emmanuel. Le fils d’Amos soupire sur le ton de l’élégie les angoisses de l’Homme-Dieu, « du dernier des hommes, de l’homme de douleurs et voué à la souffrance ». C’est bien ici que le plus éloquent des Prophètes mérite d’être appelé le cinquième Évangéliste, comme parlent les Pères. Ne résume-t-il pas par avance le récit de la Passion, en nous montrant le Fils de Dieu « semblable à un lépreux, à un homme frappé de Dieu et humilié sous ses coups » ? Mais nous, à qui la sainte Église lit ces pages inspirées, et qui voyons se réunir l’Ancien et le Nouveau Testament pour nous donner tous les traits de la Victime universelle, comment reconnaîtrons-nous l’amour que Jésus nous témoigne en assumant sur lui seul toutes les vengeances que nous avions méritées ?

« Nous avons été guéris par ses meurtrissures. » O médecin céleste, qui prend sur lui les maladies de ceux qu’il veut guérir ! Mais il n’a pas seulement été « meurtri » pour nous ; il a encore été égorgé comme l’agneau à la boucherie. Mais peut-être n’a-t-il fait que se soumettre à l’inflexible justice du Père, a qui a mis sur lui l’iniquité de nous tous » ? Écoutez le Prophète : « S’il a été sacrifié, c’est parce que lui-même l’a voulu. » Son amour pour nous est égal à sa soumission envers son Père. Voyez comme il se garde de parler devant Pilate, qui pourrait d’un seul mot l’arracher à ses ennemis. « Il demeure dans le silence, sans ouvrir la bouche, semblable à l’agneau devant celui qui le tond. » Adorons ce divin silence qui nous sauve ; recueillons tous ces détails d’un dévouement que l’homme n’eut jamais pour l’homme, et qui ne pouvait se rencontrer que dans le cœur d’un Dieu. Comme il nous aime, nous « sa race », les fils de son sang, le salaire de son sacrifice ! Église sainte, postérité de Jésus mourant, tu lui es chère ; il t’a achetée d’un grand prix, et il se complaît en toi. Ames fidèles, rendez-lui amour pour amour ; âmes pécheresses, redevenez fidèles, puisez la vie dans son sang, et souvenez-vous que si « nous nous étions tous égarés comme des brebis errantes », le Seigneur « a mis sur lui l’iniquité de nous tous ». Il n’est pas de pécheur si coupable, pas de païen, pas d’infidèle, qui n’ait sa part dans ce sang précieux, dont la vertu infinie est telle qu’elle pourrait racheter des millions de mondes plus criminels encore que le nôtre.

Le Trait qui fait suite à cette Lecture est formé de quelques versets du Psaume CIe, dans lequel David exprime les souffrances de la nature humaine dans le Christ, au milieu des délaissements qu’il éprouve.

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Mardi Saint

30 Mars 2021 , Rédigé par Ludovicus

Mardi Saint

Collecte

Dieu tout-puissant et éternel, donnez-nous de célébrer les mystères de la passion du Seigneur de telle sorte que nous méritions de recevoir la rémission de nos péchés.

Lecture Jr. 11, 18-20

En ces jours-là, Jérémie dit : Seigneur, vous m’en avez informé, et je l’ai su ; Alors vous m’avez fait connaître leurs œuvres ! Moi, j’étais comme un agneau familier qu’on mène à la boucherie, et je ne savais qu’ils formaient des desseins contre moi, disant : "Détruisons l’arbre avec son fruit ! Retranchons-le de la terre des vivants, Et qu’on ne se souvienne plus de son nom !" Mais Vous, Dieu des armées, jugez avec justice ; vous sondez les reins et les cœurs ; Je verrai la vengeance que vous tirerez d’eux, Car c’est à vous que j’ai confié ma cause.

Passion de Notre-Seigneur Jésus-Christ selon saint Marc

En ce temps-là : c’était la Pâque et les Azymes deux jours après ; et les grands prêtres et les scribes cherchaient comment ils pourraient s’emparer de lui par ruse et le faire mourir. Ils disaient en effet : "Pas dans la fête, de peur qu’il n’y ait du tumulte parmi le peuple." Comme Jésus était à Béthanie, dans la maison de Simon le lépreux, pendant qu’il était à table, vint une femme avec un vase d’albâtre (plein) d’un parfum de nard vrai d’un grand prix. Ayant brisé le vase d’albâtre, elle lui répandit (le parfum) sur la tête. Or il y en avait quelques-uns qui, tout indignés, (disaient) entre eux : "A quoi bon cette perte de parfum ? On pouvait en effet vendre ce parfum plus de trois cents deniers, et en donner (le prix) aux pauvres." Et ils grondaient contre elle. Mais Jésus dit : "Laissez-la ; pourquoi lui faites-vous de la peine ? C’est une bonne action qu’elle a faite sur moi. Car toujours vous avez les pauvres avec vous, et toutes les fois que vous voulez, vous pouvez leur faire du bien ; mais moi, vous ne m’avez pas toujours. Ce qu’elle a pu, elle l’a fait : elle a par avance parfumé mon corps pour la sépulture. Je vous le dis, en vérité, partout où sera prêché cet évangile, dans le monde entier, ce qu’elle a fait sera aussi raconté, en souvenir d’elle." Et Judas Iscarioth, l’un des Douze, s’en alla vers les grands prêtres pour le leur livrer. Après l’avoir entendu, ils furent dans la joie et promirent de lui donner de l’argent. Et il cherchait une occasion favorable pour le livrer. Le premier jour des Azymes, où l’on sacrifiait la pâque, ses disciples lui dirent : "Où voulez-vous que nous allions faire les préparatifs pour que vous mangiez la pâque ?" Et il envoya deux de ses disciples et leur dit : "Allez à la ville ; vous rencontrerez un homme portant une cruche d’eau : suivez-le, et quelque part qu’il entre, dites au maître de maison : Le Maître te fait dire : Où est ma salle, où je pourrai manger la pâque avec mes disciples ? Et il vous montrera une chambre du haut, vaste, meublée et toute prête : faites-nous là les préparatifs." Les disciples partirent et allèrent à la ville ; et ils trouvèrent (les choses) comme il le leur avait dit, et ils firent les préparatifs de la pâque. Le soir venu, il vint avec les Douze. Pendant qu’ils étaient à table et mangeaient, Jésus dit : "Je vous le dis en vérité, un de vous me trahira, qui mange avec moi." Et ils se mirent à s’attrister, et un chacun de lui dire : "Serait-ce moi ?" Il leur dit : "Un des Douze, qui met avec moi la main au plat. Le Fils de l’homme s’en va, selon ce qui est écrit de lui ; mais malheur à l’homme par qui le Fils de l’homme est trahi ! Mieux vaudrait pour cet homme-là qu’il ne fût pas né." Pendant le repas, il prit du pain, et après avoir dit la bénédiction, il le rompit, et le leur donna, en disant : "Prenez, ceci est mon corps." Il prit ensuite une coupe et, après avoir rendu grâces, il la leur donna, et ils en burent tous. Et il leur dit : "Ceci est mon sang, (le sang) de l’alliance, répandu pour beaucoup. Je vous le dis, en vérité, je ne boirai plus du produit de la vigne jusqu’à ce jour où je le boirai nouveau dans le royaume de Dieu." Après le chant de l’hymne, ils s’en allèrent au mont des Oliviers. Et Jésus leur dit : "Je vous serai à tous une occasion de chute, parce qu’il est écrit : Je frapperai le pasteur, et les brebis seront dispersées. Mais, après que je serai ressuscité, je vous précéderai en Galilée." Pierre lui dit : "Quand même vous seriez pour tous une occasion de chute, vous ne le serez jamais pour moi." Jésus lui dit : "Je te le dis, en vérité, toi aujourd’hui, cette nuit-ci, avant que le coq ait chanté deux fois, trois fois tu me renieras." Mais lui n’en disait que plus : "Quand il me faudrait mourir avec vous, je ne vous renierai pas." Et tous aussi en disaient autant. Ils arrivent en un domaine appelé Gethsémani, et il dit à ses disciples : "Demeurez ici tandis que je prierai." Et il prit avec lui Pierre, Jacques et Jean, et il commença à sentir de la frayeur et de l’angoisse. Et il leur dit : "Mon âme est triste jusqu’à la mort ; restez ici et veillez." S’étant un peu avancé, il tomba sur la terre ; et il priait que cette heure, s’il était possible, s’éloignât de lui, et il disait : "Abba, Père, tout vous est possible, détournez de moi ce calice ; cependant, non ce que je veux, mais ce que vous (voulez) !" Et il vient et il les trouve endormis, et il dit à Pierre : "Simon, tu dors ! Tu n’as pas eu la force de veiller une heure ! Veillez et priez afin que vous n’entriez point en tentation. L’esprit est ardent, mais la chair est faible." Il s’en alla de nouveau et pria, disant la même parole. Puis, étant revenu, il les trouva endormis, car leurs yeux étaient appesantis, et ils ne savaient que lui répondre. Il revint une troisième fois et leur dit : "Dormez désormais et reposez-vous. C’est assez ! L’heure est venue ; voici que le Fils de l’homme est livré aux mains des pécheurs. Levez-vous, allons ! Voici que celui qui me trahit est proche." Aussitôt, comme il parlait encore, survient Judas, l’un des Douze, et avec lui une foule, armée de glaives et de bâtons, envoyée par les grands prêtres et les anciens. Celui qui le trahissait leur avait donné un signe de convention : "Celui à qui je donnerai un baiser, c’est lui : arrêtez-le et emmenez-le en prenant vos sûretés." Quand il fut arrivé, s’avançant aussitôt vers lui, il dit : "Rabbi !" et il lui donna un baiser. Eux mirent la main sur lui et l’arrêtèrent. Un de ceux qui étaient là, tirant le glaive, frappa le serviteur du grand prêtre, et lui emporta l’oreille. Jésus, prenant la parole, leur dit : "Comme contre un brigand, vous êtes sortis avec des glaives et des bâtons pour me prendre ! Chaque jour j’étais près de vous dans le temple, où j’enseignais, et vous ne m’avez pas arrêté ; mais c’est afin que les Écritures s’accomplissent." Et tous l’abandonnèrent et prirent la fuite. Or un jeune homme le suivait, enveloppé d’un drap sur (son corps) nu, et on l’arrêta ; mais il lâcha le drap et s’enfuit nu de leurs mains. Ils emmenèrent Jésus chez le grand prêtre, et tous les grands prêtres, les anciens et les scribes se réunirent. Pierre l’avait suivi de loin, jusque dans l’intérieur du palais du grand prêtre, et il était assis avec les satellites et se chauffait près du feu. Les grands prêtres et tout le Sanhédrin cherchaient un témoignage contre Jésus pour le faire mourir, et ils n’en trouvaient point. Car beaucoup portaient de faux témoignages contre lui, mais les témoignages ne s’accordaient pas. Et quelques-uns, se levant, portèrent contre lui ce faux témoignage : "Nous l’avons entendu dire : Je détruirai ce sanctuaire fait de main d’homme, et en trois jours j’en rebâtirai un autre, non fait de main d’homme." Mais même sur cela leur témoignage ne s’accordait pas. Le grand prêtre se leva, et (venant) au milieu, il interrogea Jésus, disant : "Tu ne réponds rien ? Qu’est-ce que ces hommes déposent contre toi ?" Mais il garda le silence et ne répondit rien. Le grand prêtre l’interrogea de nouveau et lui dit : "Es-tu le Christ, le Fils du Béni ?" Jésus dit : "Je le suis, et vous verrez le Fils de l’homme assis à la droite de la Puissance, et venant avec les nuées du ciel." Et le grand prêtre déchira ses vêtements et dit : "Qu’avons-nous encore besoin de témoins ? Vous venez d’entendre le blasphème : que vous paraît-il ?" Tous le condamnèrent (comme) méritant la mort. Et quelques-uns se mirent à cracher sur lui, et, lui voilant le visage, ils le frappaient du poing, en lui disant : "Prophétise !" ; et les satellites lui administraient des soufflets. Pendant que Pierre était en bas, dans la cour, vint une des servantes du grand prêtre ; et voyant Pierre qui se chauffait, elle le fixa du regard et lui dit : "Toi aussi, tu étais avec le Nazaréen Jésus !" Mais il nia, en disant : "Je ne sais, ni ne comprends ce que tu veux dire." Et il s’en alla dehors, vers le porche, et un coq chanta. La servante, l’ayant vu, se mit de nouveau à dire à ceux qui étaient présents : "Celui-là en est !" Et il nia de nouveau. Un peu après, de nouveau, ceux qui étaient présents dirent à Pierre : "pour sûr, tu en es ; aussi bien, tu es Galiléen." Alors il se mit à faire des imprécations et à jurer : "Je ne connais pas cet homme dont vous parlez." Et aussitôt, pour la seconde fois, un coq chanta. Et Pierre se souvint de la parole telle que Jésus la lui avait dite : "Avant que le coq ait chanté deux fois, trois fois tu me renieras" ; et il éclata en pleurs. Dès le matin les grands prêtres tinrent conseil avec les anciens et les scribes, tout le Sanhédrin ; après avoir lié Jésus, ils l’emmenèrent et le remirent à Pilate. Pilate l’interrogea : "Es-tu le roi des Juifs ?" Jésus lui répondit : "Tu le dis." Comme les grands prêtres portaient contre lui beaucoup d’accusations, Pilate l’interrogea de nouveau, disant : "Tu ne réponds rien ?" Vois combien d’accusations ils portent contre toi." Mais Jésus ne répondit plus rien, en sorte que Pilate était dans l’étonnement. Or, à chaque fête, il leur relâchait un prisonnier, celui qu’ils demandaient. Il y avait dans la prison le nommé Barabbas, avec les séditieux, pour un meurtre qu’ils avaient commis dans la sédition. La foule qui venait de monter se mit à réclamer ce qu’il leur accordait toujours. Pilate leur répondit : "Voulez-vous que je vous relâche le roi des Juifs ?" Il savait, en effet, que c’était par jalousie que les grands prêtres l’avaient livré. Mais les grands prêtres excitèrent la foule pour qu’il leur relâchât plutôt Barabbas. Pilate, reprenant la parole, leur dit : "Que ferai-je donc de celui que vous appelez le roi des Juifs " Eux crièrent de nouveau : "Crucifiez-le !" Pilate leur dit : "Qu’a-t-il donc fait de mal ?" Et ils crièrent encore plus fort : "Crucifiez-le !" Pilate, voulant donner satisfaction à la foule, leur relâcha Barabbas ; et après avoir fait flageller Jésus, il le remit (aux soldats) pour être crucifié. Les soldats l’emmenèrent à l’intérieur du palais, c’est-à-dire au prétoire, et ils convoquèrent toute la cohorte. Ils le revêtirent de pourpre et le ceignirent d’une couronne d’épines qu’ils avaient tressée. Et ils se mirent à le saluer : "Salut, roi des Juifs !" Et ils lui frappaient la tête avec un roseau, et ils lui crachaient dessus et, se mettant à genoux, ils se prosternaient devant lui. Après s’être moqués de lui, ils lui retirèrent la pourpre, lui remirent ses vêtements et le firent sortir pour qu’on le crucifiât. Ils réquisitionnèrent un passant, Simon le Cyrénéen, le père d’Alexandre et de Rufus, qui revenait de la campagne, pour porter sa croix, et ils le menèrent au lieu (dit) Golgotha, ce qui se traduit : lieu du Crâne. Et ils lui donnèrent du vin mêlé de myrrhe, mais il n’en prit pas ; et ils le crucifièrent et se partagèrent ses vêtements, en les tirant au sort, à qui aurait quelque chose. Il était la troisième heure lorsqu’ils le crucifièrent. L’inscription indiquant la cause (de sa condamnation) portait : "Le roi des Juifs." Ils crucifièrent avec lui deux brigands, l’un à sa droite, l’autre à sa gauche. Ainsi fut accomplie cette parole de l’Écriture : Et il a été compté parmi les malfaiteurs. Les passants l’injuriaient en hochant la tête et disant : "Hé ! Toi qui détruis le sanctuaire et le rebâtis en trois jours, sauve-toi toi-même, et descends de la croix !" De même, les grands prêtres aussi, avec les scribes, se moquaient de lui entre eux et disaient : "Il en a sauvé d’autres, il ne peut se sauver lui-même. Que le Christ, le roi d’Israël, descende maintenant de la croix, afin que nous voyions et que nous croyions !" Ceux même qui avaient été crucifiés avec lui l’insultaient. La sixième heure arrivée, il se fit des ténèbres sur la terre entière jusqu’à la neuvième heure. Et à la neuvième, heure, Jésus cria d’une voix forte : "Eloï, Eloï, lama sabacthani", ce qui se traduit : "Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’avez-vous abandonné ?" Quelques-uns de ceux qui étaient là, l’ayant entendu, disaient : "Voilà qu’il appelle Elie." Et quelqu’un courut imbiber une éponge de vinaigre, et l’ayant mise au bout d’un roseau, il lui présentait à boire, disant : "Laissez ! que nous voyions si Élie va venir le descendre." Jésus jeta un grand cri et expira. Et le voile du sanctuaire se fendit en deux, du haut en bas. Le centurion qui se tenait en face de lui, ayant vu qu’il avait expiré ainsi, dit : "Vraiment cet homme était Fils de Dieu." Il y avait aussi des femmes qui regardaient à distance, entre autres Marie la Magdaléenne, Marie mère de Jacques le Petit et de José, et Salomé, qui le suivaient et le servaient lorsqu’il était en Galilée, et beaucoup d’autres qui étaient montées à Jérusalem avec lui.

Le soir étant venu, comme c’était Préparation, c’est-à-dire veille du sabbat, vint Joseph d’Arimathie, membre honoré du grand conseil, qui attendait, lui aussi, le royaume de Dieu. Il alla hardiment auprès de Pilate pour demander le corps de Jésus. Mais Pilate s’étonna qu’il fût déjà mort, fit venir le centurion, et lui demanda s’il y avait longtemps qu’il était mort. Renseigné par le centurion, il accorda le cadavre à Joseph. Ayant acheté un linceul, il le descendit, l’enveloppa dans le linceul, le déposa dans un sépulcre qui avait été taillé dans le roc, et il roula une pierre à l’entrée du sépulcre.

Postcommunion

O Dieu tout-puissant, que par vos mystères si sanctifiants, nos vices soient guéris et que des remèdes spirituels nous soient donnés en vue de l’éternité.

Office

1ère leçon

Pourquoi est-ce que mon bien-aimé a dans ma maison commis beaucoup de crimes ? Est-ce que des chairs saintes ôteront de toi tes méchancetés dont tu t’es glorifiée ? Olivier fertile, beau, chargé de fruits, superbe, le Seigneur t’a appelée de ce nom ; à la voix de sa parole, un grand feu s’est allumé dans cet olivier, et ses rameaux ont été brûlés. Et le Seigneur des armées qui t’a plantée, a prononcé le mal sur toi, à cause des maux de la maison d’Israël et de la maison de Juda, qu’elles se sont faits à elles-mêmes pour m’irriter en faisant des libations aux Baalim. Mais vous, Seigneur, vous m’avez fait voir leurs pensées, et je les ai connues : alors vous m’avez montré leurs œuvres. Et moi, j’ai été comme un Agneau plein de douceur que l’on porte pour en faire une victime : et je n’ai pas su qu’ils formaient contre moi des projets, disant : Mettons du bois dans son pain, rayons-le de la terre des vivants, et que son nom ne soit plus rappelé dans la mémoire. Mais vous, Seigneur Sabaoth, vous qui jugez justement et qui éprouvez les reins et les cœurs, que je voie votre vengeance sur eux ; car je vous ai révélé ma cause.

2e leçon

Vous êtes certainement juste, vous, Seigneur, si je dispute avec vous ; cependant je vous dirai des choses justes : Pourquoi la voie des impies est-elle prospère, le bonheur est-il pour ceux qui prévariquent, et qui agissent iniquement ? Vous les avez plantés, et ils ont poussé des racines ; ils croissent, et font du fruit ; vous êtes près de leur bouche et loin de leurs reins. Et vous, Seigneur, vous m’avez connu, vous m’avez vu et vous avez éprouvé que mon cœur est avec vous ; assemblez-les comme un troupeau destiné au sacrifice, et consacrez-les pour le jour de la tuerie. Jusqu’à quand la terre pleurera-t-elle, et l’herbe de toute la contrée sera-t-elle desséchée, à cause de la méchanceté de ceux qui l’habitent ? Le quadrupède et le volatile ont été consumés, parce qu’ils ont dit : Dieu ne verra pas nos derniers moments.

3e leçon

J’ai laissé ma maison ; j’ai abandonné mon héritage ; j’ai livré mon âme chérie aux mains de ses ennemis. Mon héritage est devenu pour moi comme un lion dans la forêt ; il a élevé sa voix contre moi ; c’est pour cela que je l’ai haï. Est-ce que mon héritage n’est pas pour moi un oiseau de diverses couleurs ? N’est-ce pas un oiseau entièrement coloré ? Venez, assemblez-vous, vous toutes, bêtes de la terre ; hâtez-vous pour dévorer. Des pasteurs nombreux ont ravagé ma vigne, ils ont foulé aux pieds mon partage ; ils ont fait de mon partage précieux un désert solitaire. Ils l’ont livré à la dévastation, et il a pleuré sur moi ; par la désolation a été désolée toute la terre, parce qu’il n’est personne qui réfléchisse en son cœur.

 

Cette journée voit encore Jésus se diriger dès le matin vers Jérusalem. Il veut se rendre au Temple, et y confirmer ses derniers enseignements. Mais il est aisé de voir que le dénouement de sa mission est au moment d’éclater. Lui-même, aujourd’hui, a dit à ses disciples : « Vous savez que c’est dans deux jours que l’on fera la Pâque, et que le Fils de l’homme sera livré pour être crucifié. »

Sur la route de Béthanie à Jérusalem, les disciples qui marchent en la compagnie de leur maître sont frappés d’étonnement à la vue du figuier que Jésus avait maudit le jour précédent. Il était desséché, comme un bois mort, des racines au sommet. Pierre alors s’adressant à Jésus : « Maître, lui dit-il, voici le figuier que vous avez maudit ; voyez comme il s’est desséché. » Jésus, profitant de l’occasion pour nous apprendre à tous que la nature physique est subordonnée à l’élément spirituel, quand celui-ci se tient uni à Dieu par la foi, leur dit : « Ayez foi en Dieu. Je vous le dis : celui qui dira à cette montagne : Ôte-toi, et va te jeter dans la mer ; s’il n’hésite pas dans son cœur, mais s’il croit fermement à l’accomplissement de ce qu’il vient de dire, celui-là verra l’effet de sa parole. Quand vous demandez, une chose dans la prière, croyez que vous l’obtiendrez, et il en sera ainsi. »

Continuant la route, bientôt on entre dans la ville, et à peine Jésus est-il arrivé dans le Temple, que les princes des prêtres, les scribes et les anciens l’accostent et lui disent : « Par quelle autorité faites-vous ce que vous faites ? Qui vous a donné ce pouvoir ? » On peut voir dans le saint Évangile la réponse de Jésus, ainsi que les divers enseignements qu’il donna en cette rencontre. Nous ne faisons qu’indiquer d’une manière générale l’emploi des dernières heures de la vie mortelle du Rédempteur ; la méditation du livre sacré suppléera à ce que nous ne disons pas.

Comme les jours précédents, Jésus sort de la ville vers le soir, et franchissant la montagne des Oliviers, il se retire à Béthanie, auprès de sa mère et de ses amis fidèles.

L’Église lit aujourd’hui, à la Messe, le récit de la Passion selon saint Marc. Dans l’ordre des temps, l’Évangile de saint Marc fut écrit après celui de saint Matthieu : c’est la raison pour laquelle cette Passion vient au second rang. Elle est plus courte que celle de saint Matthieu, dont elle semble le plus souvent l’abrégé ; mais on y trouve certains détails qui sont propres à cet Évangéliste, et attestent les remarques d’un témoin oculaire. On sait que saint Marc était disciple de saint Pierre, et que ce fut sous les yeux du Prince des Apôtres qu’il écrivit son Évangile.

A Rome, la Station est aujourd’hui dans l’Église de Sainte-Prisque, qui fut la maison où habitèrent les deux époux Aquila et Prisca, auxquels saint Paul envoie ses salutations dans son Épître aux Romains. Plus tard, au IIIe siècle, le Pape saint Eutychien y transporta, à cause de la similitude du nom, le corps de sainte Prisque, vierge romaine et martyre.

A LA MESSE.

Dans trois jours la Croix s’élèvera sur la montagne sainte, portant sur ses bras l’auteur de notre salut. Aujourd’hui l’Église, dans l’Introït, nous avertit par avance de saluer ce trophée de notre victoire, et de nous glorifier en lui.

Dans la Collecte, l’Église demande que les saints anniversaires de la Passion du Sauveur soient pour nous une source de pardon ; et qu’ils ne se terminent pas sans que nous soyons pleinement réconciliés avec la justice divine.

C’est encore une fois Jérémie qui nous fait entendre sa voix plaintive à l’épître. Il nous donne aujourd’hui les propres paroles de ses ennemis, qui ont conspiré de le faire mourir. Tout y est mystérieux ; et l’on sent que le Prophète est ici la figure d’un plus grand que lui. « Mettons, disent-ils, du bois dans son pain », c’est-à-dire : Jetons un bois vénéneux dans sa nourriture, afin de lui causer la mort. Tel est le sens littéral, quand il ne s’agit que du Prophète ; mais combien ces paroles s’accomplissent plus pleinement dans notre Rédempteur ! Sa chair divine est, nous dit-il, un Pain véritable descendu du ciel ; ce Pain, ce corps de l’Homme-Dieu, est meurtri, déchiré, sanglant ; les Juifs le clouent sur le bois, en sorte qu’il en est tout pénétré, en même temps que ce bois est tout arrosé de son sang. C’est sur le bois de la croix que l’Agneau de Dieu est immolé ; c’est par son immolation que nous sommes mis en possession d’un Sacrifice digne de Dieu ; et c’est par ce Sacrifice que nous participons au Pain céleste, qui est en même temps la chair de l’Agneau et notre Pâque véritable.

Le Graduel, tiré du Psaume XXXIV, exprime le contraste de la vie humble du Sauveur avec les airs menaçants et superbes de ses ennemis.

La Passion selon saint Marc est chantée, après ce Graduel, avec les mêmes rites qui ont été observés pour celle de saint Matthieu, sauf l’usage des rameaux qui ne sont plus employés.

A l’Offertoire, le Messie demande le secours de son Père contre les embûches de ses ennemis qui se préparent à le faire mourir.

Dans la Secrète, la sainte Église présente à la Majesté divine le tribut de nos jeûnes avec l’hostie sainte, de laquelle ils empruntent leur mérite et leur efficacité.

Les paroles du Psalmiste que l’Église emprunte pour l’Antienne de la Communion nous représentent l’audace toujours croissante des ennemis du Sauveur, et les dispositions de son âme à la veille du sacrifice qu’il va bientôt offrir.

Dans la Postcommunion, l’Église demande pour nous, par les mérites du Sacrifice qu’elle vient de renouveler, l’entière guérison de nos maux, dont le sang de l’Agneau divin est le remède.

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Lundi Saint

29 Mars 2021 , Rédigé par Ludovicus

Lundi Saint

Collecte

Dieu tout-puissant qui voyez que notre faiblesse succombe au milieu de tant d’épreuves, accordez-nous quelque soulagement par les mérites de la passion de votre Fils unique.

Lecture Is. 50, 5-10

En ces jours-là, Isaïe dit : Le Seigneur Dieu m’a ouvert l’oreille ! et moi, je n’ai pas résisté, je ne me suis pas retiré en arrière. J’ai livré mon dos à ceux qui me frappaient, et mes joues à ceux qui m’arrachaient la barbe ; je n’ai pas dérobé mon visage aux outrages et aux crachats. Le Seigneur Dieu m’est venu en aide ; c’est pourquoi l’outrage ne m’a point abattu ; c’est pourquoi j’ai rendu ma face semblable à un caillou ; et je savais que je ne serais pas confondu. Il est proche, celui qui me justifie : qui plaidera contre moi ? Comparaissons ensemble ! Qui est mon adversaire : qu’il s’approche de moi ! Le Seigneur Dieu m’est venu en aide : qui est-ce qui me condamnerait ? Ah ! ils tomberont tous en lambeaux comme un vêtement ; la teigne les dévorera. Qui d’entre vous craint le Seigneur, et écoute la voix de son Serviteur ? Quiconque marche dans les ténèbres, privé de lumière, qu’il se confie dans le nom du Seigneur, et qu’il s’appuie sur son Dieu !

Évangile Jn. 12, 1-9

Six jours avant la Pâque, Jésus vint à Béthanie, où était Lazare, le mort qu’il avait ressuscité. Là, on lui fit un souper, et Marthe servait. Or, Lazare était de ceux qui se trouvaient à table avec lui. Marie, ayant pris une livre d’un parfum de nard très pur, très précieux, en oignit les pieds de Jésus, et les essuya avec ses cheveux. Et la maison fut remplie de l’odeur du parfum. Alors, un de ses disciples, Judas Iscariote, celui qui devait le trahir, dit : "Pourquoi n’a-t-on pas vendu ce parfum trois cents deniers, pour les donner aux pauvres ?" Il dit cela, non qu’il se souciât des pauvres, mais parce qu’il était voleur, et qu’ayant la bourse, il dérobait ce qu’on y mettait. Jésus lui dit donc : "Laisse-la ; elle a gardé ce parfum pour le jour de ma sépulture. Car vous aurez toujours des pauvres avec vous ; mais moi, vous ne m’aurez pas toujours !" Un grand nombre de Juifs surent que Jésus était à Béthanie, et ils vinrent, non seulement à cause de Jésus, mais aussi pour voir Lazare qu’il avait ressuscité des morts.

Postcommunion

Que vos saints sacrements, Seigneur, nous inspirent une ferveur divine, afin que leur réception et leurs effets fassent toutes nos délices. Par Jésus-Christ Notre Seigneur.

Office

1ère leçon

Homélie de saint Augustin, Évêque

Afin que les hommes ne s’imaginassent point que Lazare était un fantôme et n’avait pas été vraiment ressuscité, il était du nombre de ceux qui se trouvaient à table ; il était vivant, il parlait, il prenait part au festin : la vérité se manifestait ainsi au grand jour, et l’incrédulité des Juifs se trouvait confondue. Jésus était donc à table avec Lazare et les autres, et Marthe, une des sœurs de Lazare, les servait. « Or Marie », l’autre sœur de Lazare, « prit une livre d’un nard pur de grand prix, elle en oignit les pieds de Jésus, et les essuya avec ses cheveux, et la maison fut remplie de l’odeur du parfum. » Vous avez entendu le récit du fait, cherchons le mystère qu’il renferme.

2e leçon

Qui que tu sois, veux-tu être une âme fidèle, répands avec Marie sur les pieds du Seigneur un parfum précieux. Ce parfum, c’était la justice ; voilà pourquoi il pesait une livre ; c’était aussi un parfum « de nard » pur et précieux. Le nom de pisticus donné à ce parfum indique vraisemblablement la contrée d’où il venait, mais ce mot n’est pas mis sans dessein, et il est en parfait rapport avec le mystère dont il s’agit. Le mot grec pistis se rend en latin par fides, c’est-à-dire foi. Tu cherches à opérer la justice : « Le juste vit de la foi.» Oins les pieds de Jésus par une vie sainte, suis les traces du Seigneur. Essuie ses pieds avec tes cheveux ; si tu as du superflu, donne-le aux pauvres, et tu auras essuyé les pieds du Seigneur, car les cheveux semblent pour le corps quelque chose de superflu. Tu vois ce qu’il faut faire de ton superflu ; superflu pour toi, il est nécessaire aux pieds du Seigneur. Peut-être que, sur la terre, les pieds du Seigneur se trouvent dans le besoin.

3e leçon

N’est-ce pas de ses membres, en effet, que le Sauveur doit dire à la fin des temps : « Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits d’entre mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait ? » Vous avez distribué votre superflu, mais vous avez soulagé mes pieds. « La maison fut remplie de l’odeur du parfum » ; le monde s’est rempli de la bonne renommée ; car la bonne odeur, c’est la bonne renommée. Ceux qui vivent mal et qui portent le nom de chrétiens font injure à Jésus-Christ ; c’est de ceux-là qu’il est dit : « A cause de vous, le nom de Dieu est blasphémé. » Mais, si à cause d’eux le nom de Dieu est blasphémé, à cause des bons, le nom du Seigneur est comblé de louanges. Écoutez l’Apôtre : « Nous sommes, dit-il, une bonne odeur du Christ en tous lieux. »

Jésus se rend encore aujourd’hui à Jérusalem, dès le matin, avec ses disciples. Il était parti à jeun, et le récit sacré nous dit qu’il eut faim sur la route. Il s’approcha d’un figuier ; mais cet arbre n’avait encore que des feuilles. Jésus, voulant nous donner un enseignement, maudit le figuier, qui sécha tout à coup. Il exprimait par ce châtiment le sort de ceux qui n’ont que de bons désirs, et sur lesquels le fruit de la conversion ne se cueille jamais. L’allusion à Jérusalem n’était pas moins frappante. Cette ville était zélée pour l’extérieur du culte divin ; mais son cœur était aveugle et endurci ; bientôt elle allait rejeter et crucifier le Fils du Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob.

La journée se passa en grande partie dans le Temple, où Jésus eut de longs entretiens avec les princes des prêtres et les anciens du peuple. Il parla avec plus de force que jamais, et déjoua leurs questions insidieuses. On peut voir, principalement en saint Matthieu, Chapitres XXI, XXII et XXIII, le détail des discours du Sauveur, qui deviennent de plus en plus véhéments, et dénoncent aux Juifs avec une énergie toujours croissante le crime de leur infidélité et la terrible vengeance qu’elle doit amener.

Enfin Jésus sortit du Temple, et se dirigea vers Béthanie. Arrivé sur la montagne des Oliviers, d’où l’on dominait la ville, il s’assit un moment. Ses disciples profitèrent de cet instant de repos pour lui demander à quelle époque auraient lieu les châtiments qu’il venait de prédire contre le Temple. Alors Jésus, réunissant dans un même tableau prophétique le désastre de Jérusalem et la destruction violente de ce monde à la fin des temps, parce que la première de ces deux calamités est la figure de la seconde, annonça ce qui doit arriver quand la mesure du péché sera comblée. Quant à ce qui est de la ruine de Jérusalem en particulier, il en fixa la date par ces paroles : « En vérité, je vous le dis : Cette génération d’hommes ne passera pas que toutes ces choses ne soient accomplies. » En effet, quarante ans étaient à peine écoulés que l’armée romaine, accourue pour exterminer le peuple déicide, menaçait du haut de la montagne des Oliviers, de cette place même où le Sauveur est assis aujourd’hui, l’ingrate et dédaigneuse Jérusalem. Jésus, après avoir parlé longuement encore sur le jugement divin qui doit réviser un jour tous les jugements des hommes, rentre dans Béthanie, et vient rassurer par sa présence le cœur affligé de sa très sainte mère.

En ce jour, la Station, à Rome, est dans l’Église de Sainte-Praxède. Cette église dans laquelle, au IXe siècle, le pape saint Pascal I déposa deux mille trois cents corps de Martyrs qu’il avait extraits des Catacombes, possède la colonne à laquelle notre Seigneur tut attaché pendant le supplice de la flagellation.

A LA MESSE.

Les paroles de l’Introït sont extraites du Psaume XXXIV. Le Christ, par la bouche de David, implore le secours de son Père contre les ennemis qui l’environnent de toutes parts.

Dans la Collecte, l’Église nous apprend à recourir aux mérites de la Passion du Sauveur, quand nous voulons obtenir de Dieu le secours dont nous avons besoin dans nos nécessités.

ÉPITRE.

Aujourd’hui, c’est Isaïe, ce Prophète si précis et si éloquent sur les épreuves du Messie, qui vient nous révéler les souffrances de notre Rédempteur, et la patience qu’il opposera aux mauvais traitements de ses ennemis. Jésus a accepté sa mission de Victime universelle, et il ne recule devant aucune douleur, devant aucune humiliation. « Il ne détourne point son visage de ceux qui le frappent et le couvrent de crachats. » Quelles réparations ne devons-nous pas à cette souveraine majesté qui, pour nous sauver, s’est livrée à de tels outrages ? Voyez ces Juifs lâches et cruels : ils ne tremblent plus devant leur victime. Auparavant, dans le jardin des Oliviers, un seul mot de sa bouche les a jetés par terre ; mais, depuis, il s’est laissé lier et traîner chez le grand-prêtre. On l’accuse ; des clameurs s’élèvent contre lui ; il répond à peine quelques mots. Jésus de Nazareth, ce docteur, ce thaumaturge, a perdu son prestige ; on peut tout oser contre lui. C’est ainsi que le pécheur se rassure, quand il a entendu gronder la foudre et qu’elle ne l’a pas écrasé. Cependant les saints Anges s’anéantissent devant cette face auguste que ces misérables ont meurtrie et souillée ; prosternons-nous avec eux, et demandons grâce : car nos péchés aussi ont maltraité cet auguste visage.

Mais écoutons les dernières paroles de notre Sauveur, et rendons grâces. Il dit : « Celui qui marchait dans les ténèbres et qui n’avait pas la lumière, qu’il espère maintenant. » C’est le Gentil plongé dans le vice et dans l’idolâtrie. Il ignore ce qui se passe en ce moment à Jérusalem ; il ne sait pas que la terre possède un Homme-Dieu, et que cet Homme-Dieu est, à cette heure même, foulé sous les pieds d’un peuple qu’il avait choisi et comblé de faveurs ; mais bientôt la lumière de L’Évangile viendra poursuivre de ses rayons cet infidèle. Il croira, il se soumettra ; il aimera son libérateur jusqu’à lui rendre vie pour vie et sang pour sang. Alors s’accomplira l’oracle de l’indigne pontife qui, prophétisant malgré lui le salut des Gentils par la mort de Jésus, annonçait en ces derniers jours que cette mort allait réunir dans une seule famille les enfants de Dieu qui étaient dispersés sur la surface de la terre.

Dans le Graduel, David continue d’appeler contre les bourreaux du Messie les vengeances qu’ont méritées leur ingratitude et leur endurcissement.

Le Trait est celui que, depuis le Mercredi des Cendres, l’Église chante à la Messe chaque semaine, les lundi, mercredi et vendredi, pour implorer la miséricorde divine sur les œuvres de la pénitence quadragésimale.

ÉVANGILE.

Nous avons remarqué plus haut que le récit évangélique qui vient d’être lu se rapporte au Samedi, veille du Dimanche des Rameaux, et qu’il a été inséré dans la Messe d’aujourd’hui parce que, dans l’antiquité, ce Samedi n’avait pas de Station. La sainte Église a voulu porter notre attention sur cet intéressant épisode des derniers jours de notre Rédempteur, parce qu’il nous aide à saisir l’ensemble des circonstances qui se produisaient à ce moment autour de lui.

Marie-Madeleine, dont la conversion était, il y a quelques jours, l’objet de notre admiration, est appelée à figurer dans les scènes de la Passion et de la Résurrection de son maître. Type de l’âme purifiée et admise ensuite aux faveurs célestes, il nous importe de la suivre dans les diverses phases que la grâce divine lui fait parcourir. Nous l’avons montrée s’attachant aux pas de son Sauveur et subvenant à ses besoins ; ailleurs le saint Évangile nous la fait voir préférée à Marthe sa sœur, parce qu’elle a choisi la meilleure part ; dans les jours où nous sommes, elle nous intéresse surtout par son tendre attachement à Jésus. Elle sait qu’on le cherche pour le faire mourir ; et l’Esprit Saint, qui la conduit intérieurement à travers les états toujours plus parfaits qui se succèdent en elle, veut qu’aujourd’hui elle accomplisse une action prophétique à l’égard de ce qu’elle redoute le plus.

Entre les trois présents des Mages, l’un d’eux était un signe de mort pour le divin Roi que ces hommes fidèles étaient venus saluer du fond de l’Orient : c’était la myrrhe, parfum funéraire qui fut employé si abondamment dans la sépulture du Sauveur. Nous avons vu que Madeleine, au jour de sa pénitence, témoigna de son changement de vie par l’effusion du plus précieux de ses parfums sur les pieds de Jésus. Aujourd’hui, elle a recours encore à cette touchante manifestation de son amour. Son maître divin est à table chez Simon le Lépreux ; Marie, la Mère de douleurs, est avec lui, ainsi que les disciples ; Marthe veille au service ; tout est calme dans cette maison ; mais de tristes pressentiments sont au fond des cœurs. Tout à coup Madeleine paraît, portant dans ses mains un vase rempli d’une huile de nard du plus grand prix. Elle se dirige vers Jésus, et s’attachant à ses pieds, elle les inonde de ce parfum ; et cette fois encore elle les essuie avec ses cheveux.

Jésus était étendu sur un de ces lits dont les Orientaux se servaient, lorsqu’ils prenaient leur repas dans les festins ; il était donc facile à Madeleine d’arriver aux pieds de son maître, et de renouveler cette démonstration de respect et de tendresse à laquelle elle s’était livrée autrefois chez le pharisien ; mais en ce jour le récit sacré ne nous dit pas qu’elle ait mêlé ses larmes à son parfum. Deux des Évangélistes, dont saint Jean a voulu compléter la narration trop succincte, nous apprennent qu’elle répandit aussi cette huile de senteur sur la tête du Sauveur. Madeleine sentait-elle en ce moment toute la portée de l’action que l’Esprit divin lui inspirait ? L’Évangile ne le dit pas ; mais Jésus révéla le mystère à ses disciples ; et nous qui recueillons ses paroles, nous apprenons par ce fait que la Passion de notre Rédempteur est, pour ainsi dire, commencée, puisque déjà la main de Madeleine L’embaume pour le tombeau.

La suave et pénétrante odeur du parfum avait rempli toute la salle. L’un des disciples, Judas Iscariote, ose protester contre ce qu’il appelle une profusion. La bassesse de cet homme et son avarice l’ont rendu insensible et sans pudeur. La voix de plusieurs des disciples s’unit à la sienne : tant leurs pensées étaient vulgaires encore ! Jésus permit cette indigne réclamation pour plusieurs motifs. Il voulait d’abord annoncer sa mort prochaine à ceux qui l’entouraient, en leur dévoilant le secret exprime par cette effusion d’un parfum sur son corps. Son but ensuite était de glorifier Madeleine, dont l’amour était à la fois si tendre et si ardent ; et c’est alors qu’il annonça que la renommée de cette illustre pénitente s’étendrait par toute la terre, aussi loin que l’Évangile lui-même pénétrerait. Enfin il voulait par avance consoler les âmes pieuses auxquelles son amour inspirerait de faire des largesses à ses autels, et les venger des critiques mesquines dont elles devaient souvent être l’objet.

Recueillons ces enseignements divins. Aimons à honorer Jésus dans sa personne comme dans ses pauvres. Honorons Madeleine et mettons-nous à sa suite, lorsque bientôt nous la verrons si assidue au Calvaire et au sépulcre. Enfin préparons-nous à embaumer notre Sauveur, en réunissant pour sa sépulture la myrrhe des Mages, qui figure la pénitence, et le précieux nard de Madeleine, qui représente l’amour généreux et compatissant.

Dans l’Offertoire, le Psalmiste, au nom du Rédempteur, après avoir imploré le secours, demande à Dieu qu’il daigne être fidèle dans l’accomplissement de ses divins décrets pour le salut de l’homme.

La Secrète exprime toute la force divine de nos augustes Mystères. Non seulement ce Sacrifice purifie les âmes, mais il les élève jusqu’à l’union parfaite avec celui qui est leur principe et leur auteur.

Après la participation des fidèles au Mystère divin, on entend retentir, dans l’Antienne de la Communion, une malédiction contre les ennemis du Sauveur. C’est ainsi que, dans le gouvernement du monde, Dieu opère au même moment selon la miséricorde et selon la justice.

La sainte Église conclut les prières de ce Sacrifice en demandant pour ses enfants la conservation de l’esprit de ferveur qu’ils viennent de puiser à sa source.

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Dimanche des Rameaux

28 Mars 2021 , Rédigé par Ludovicus

Dimanche des Rameaux

Collecte

Dieu tout-puissant et éternel, qui avez voulu que notre Sauveur prît la chair humaine et supportât les tourments de la croix, afin de servir de modèle d’humilité au genre humain, accordez-nous, dans votre bonté, d’être, à son exemple, toujours courageux dans les épreuves et de mériter par là d’avoir part à sa résurrection.

Épitre Ph. 2, 5-11

Mes frères : Ayez en vous les mêmes sentiments dont était animé le Christ Jésus : bien qu’il fût Dieu par nature, il n’a pas retenu avidement son égalité avec Dieu, mais il s’est anéanti lui-même en prenant la condition d’esclave, en devenant semblable aux hommes, à l’extérieur absolument comme un homme. Il s’est abaissé lui-même, se faisant obéissant jusqu’à la mort de la croix. C’est pourquoi Dieu l’a souverainement élevé et lui a donné le nom qui est au-dessus de tout nom (ici on fléchit le genou), afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse, au ciel, sur la terre et dans les enfers, et que toute langue proclame, à la gloire de Dieu le Père, que Jésus-Christ est Dieu.

Évangile Mt. 27, 45-52

Après qu’on eut crucifié Jésus, depuis la sixième heure jusqu’à la neuvième, toute la terre fut couverte de ténèbres, et vers la neuvième heure, Jésus poussa un grand cri, disant : « Eli, Eli, lamma sabachthâni ? » c’est-à-dire : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’avez-vous abandonné ? » Quelques-uns de ceux qui étaient là, ayant entendu cela, disaient : « Il appelle Élie. » Et aussitôt, l’un d’eux courut prendre une éponge qu’il remplit de vinaigre, et, l’ayant mise au bout d’un roseau, il lui présenta à boire. Les autres disaient : « Attendez, voyons si Élie viendra le délivrer. » Mais Jésus, poussant encore un grand cri, rendit l’esprit. (Ici on se met à genoux, l’espace d’un Pater.) Et voilà que le voile du temple fut déchiré en deux, du haut jusqu’en bas ; la terre trembla, les pierres se fendirent, les sépulcres s’ouvrirent et plusieurs corps de Saints, qui étaient morts, ressuscitèrent.

Offertoire

Mon cœur est dans l’attente des humiliations et des souffrances. Je cherche quelqu’un qui s’attriste avec moi, mais en vain ; un consolateur, et je n’en trouve pas. Pour nourriture, ils me donnent du fiel ; et dans ma soif, ils m’abreuvent de vinaigre.

Secrète

Faites, Seigneur, nous vous en prions, que ce sacrifice que nous offrons à votre divine Majesté nous obtienne la grâce de la dévotion et nous acquière la récompense du bonheur éternel.

Office

2e Nocturne

4e leçon

Sermon de saint Léon, Pape

La solennité de la passion du Seigneur, désirée par nous, et désirable pour le monde entier, est venue : et elle ne nous permet point de garder le silence parmi les transports des joies spirituelles qu’elle répand dans nos âmes. Car bien qu’il soit difficile de parler très souvent d’une manière digne et juste sur le même sujet, un Évêque n’est cependant pas libre de refuser au peuple fidèle le discours qu’il lui doit, sur ce grand mystère de la divine miséricorde. La matière, par cela même qu’elle est ineffable, fournit abondamment de quoi parler, et les paroles ne peuvent faire défaut, puisque jamais ce qu’on dira sur ce sujet ne sera suffisant. Que la faiblesse humaine se reconnaisse vaincue par la gloire de Dieu et toujours incapable d’expliquer les œuvres de sa miséricorde, que notre intelligence fasse effort, que notre esprit reste en suspens, que l’expression nous manque ; il nous est bon de voir combien les idées les plus hautes que nous puissions avoir de la majesté du Seigneur, sont encore peu de chose auprès de la réalité.

5e leçon

Le Prophète ayant dit : « Cherchez le Seigneur et soyez fortifiés, ne cessez de chercher sa face », que personne n’ait la présomption de croire avoir trouvé tout ce qu’il cherche ; de peur que, cessant d’avancer, il ne renonce aussi à approcher. Parmi toutes les œuvres de Dieu que l’admiration humaine s’épuise à observer, en est-il une qui touche notre âme et dépasse en même temps la portée de notre intelligence comme la passion du Sauveur ? Pour délivrer le genre humain des liens formés par une prévarication mortelle, le Christ cacha la puissance de sa majesté divine au démon qui brûlait d’exercer sa rage, et ne lui montra que l’infirmité de notre bassesse humaine. Si cet ennemi cruel et orgueilleux avait pu connaître le dessein de la miséricorde de Dieu, il aurait plutôt cherché à adoucir les esprits des Juifs, qu’à les enflammer d’une haine injuste ; de crainte de perdre, en poursuivant la liberté de celui qui ne lui devait rien, ses droits sur tous ceux que le péché avait rendus ses esclaves.

6e leçon

Le diable fut donc trompé par sa propre malignité ; il fit souffrir au Fils de Dieu un supplice qui est devenu le remède de tous les enfants des hommes. Il répandit le sang innocent qui devait être le prix de la réconciliation du monde, et notre breuvage. Le Seigneur souffrit le genre de mort qu’il avait librement choisi, conformément à ses desseins. Il permit à des hommes furieux de porter sur lui leurs mains impies, et, en accomplissant un crime énorme, elles ont servi à l’exécution des desseins du Rédempteur. La tendresse de son amour était si grande, même envers ses meurtriers, que, suppliant son Père du haut de la croix, il lui demanda non pas de le venger, mais de leur pardonner.

3e Nocturne

7e leçon

Homélie de saint Ambroise, Évêque

Il est remarquable que le Seigneur, ayant laissé les Juifs, monte au temple, lui qui devait habiter dans les cœurs des Gentils. Car le vrai temple c’est celui où le Seigneur est adoré, non selon la lettre, mais en esprit. Le temple de Dieu, c’est celui qui s’établit, non sur une structure de pierres, mais sur l’enchaînement des vérités de la foi. Le Seigneur abandonne donc ceux qui le haïssent et il choisit ceux qui doivent l’aimer. Et voilà pourquoi il vient au mont des oliviers planter en sa vertu divine ces jeunes plants d’olivier qui ont pour mère la Jérusalem d’en haut. Sur cette montagne, il est lui-même le céleste jardinier, pour que tous ceux qui sont plantés dans la maison de Dieu puissent dire, chacun en particulier : « Pour moi, je suis comme un olivier qui porte du fruit dans la maison de Dieu.  »

8e leçon

Le Christ est peut-être lui-même aussi cette montagne. Quel autre que lui, produirait en effet une telle moisson d’oliviers ? non pas de ces oliviers qui ploient sous l’abondance de leurs fruits, mais de ceux qui prouvent leur fécondité en communiquant aux nations la plénitude du Saint-Esprit. Il est celui par qui nous montons et vers qui nous montons. Il est la porte et il est la voie ; il est la porte qui s’ouvre et il est celui qui l’ouvre, la porte à laquelle frappent ceux qui veulent entrer, et le Dieu qu’adorent ceux qui ont mérité d’entrer. Jésus était donc dans un bourg, et il y avait un ânon lié auprès de sa mère ; cet ânon, il ne pouvait être détaché que sur l’ordre du Seigneur. La main d’un Apôtre le délie. Telles sont les actions, telle est la vie, telle est la grâce. Soyez donc tels vous aussi, que vous puissiez délivrer ceux qui sont liés.

9e leçon

Considérons maintenant quels sont ceux qui, après avoir été convaincus de péché, furent chassés du paradis et relégués dans une demeure vulgaire que je compare à ce bourg. Et voyez de quelle manière la Vie rappelle ceux que la mort avait exilés. Nous lisons dans saint Matthieu que le Fils de Dieu envoya délier un ânon et une ânesse, afin que, comme l’un et l’autre sexe avaient été chassés du paradis en la personne de nos premiers parents, il montrât par le symbole de ces deux animaux, qu’il venait rappeler les deux sexes. Il semble que l’ânesse figurait Ève coupable, et l’ânon désignait la généralité du peuple gentil : c’est pourquoi le Sauveur s’assit sur le petit de l’ânesse. Il est dit justement que personne n’avait encore monté cet ânon, parce que personne avant le Christ n’avait appelé les peuples de la gentilité à entrer dans l’Église. On lit en effet dans saint Marc : « Vous trouverez un ânon lié, sur lequel aucun homme ne s’est encore assis.  »

 

Dès le matin de cette journée, Jésus laissant à Béthanie Marie sa mère, les deux sœurs Marthe et Marie-Madeleine avec Lazare, se dirige vers Jérusalem, dans la compagnie de ses disciples. La mère des douleurs frémit en voyant son fils se rapprocher ainsi de ses ennemis, qui ne songent qu’à répandre son sang ; cependant ce n’est pas la mort que Jésus va chercher aujourd’hui à Jérusalem : c’est le triomphe. Il faut que le Messie, avant d’être attaché à la croix, ait été proclamé Roi dans Jérusalem par le peuple ; qu’en face des aigles romaines, sous les yeux des Pontifes et des Pharisiens muets de rage et de stupeur, la voix des enfants, se mêlant aux acclamations de la cité, fasse retentir la louange au Fils de David.

Le prophète Zacharie avait prédit cette ovation préparée de toute éternité pour le Fils de l’homme, à la veille de ses humiliations : « Tressaille d’allégresse, fille de Sion, avait-il dit ; livre-toi aux transports de la joie, fille de Jérusalem : voici ton Roi qui vient vers toi ; il est le Juste et le Sauveur. Il est pauvre, et il s’avance monté sur l’ânesse et sur le petit de l’ânesse. » Jésus, voyant que l’heure de l’accomplissement de cet oracle était venue, détache deux de ses disciples, et leur ordonne de lui amener une ânesse et un ânon qu’ils trouveront à quelque distance. Le Sauveur était déjà arrivé à Bethphagé, sur le mont des Oliviers. Les deux disciples s’empressent de remplir la commission de leur maître ; et bientôt l’ânesse et l’ânon sont amenés aux pieds du Sauveur.

Les saints Pères nous ont donné la clef du mystère de ces deux animaux. L’ânesse figure le peuple juif qui, dès longtemps, avait été placé sous le joug de la Loi ; « l’ânon sur lequel, dit l’Évangile, aucun homme n’était encore monté », représente la gentilité, que nul n’avait domptée jusqu’alors. Le sort de ces deux peuples se décidera d’ici à quelques jours. Pour avoir repoussé le Messie, le peuple juif sera délaissé ; en sa place Dieu adoptera les nations qui, de sauvages qu’elles étaient, deviendront dociles et fidèles.

Les disciples étendent leurs vêtements sur l’ânon ; alors Jésus, pour accomplir la figure prophétique, monte sur cet animal, et se prépare à faire ainsi son entrée dans la ville. En même temps le bruit se répand dans Jérusalem que Jésus approche. Par un mouvement de l’Esprit divin, la multitude de Juifs qui s’était réunie de toutes parts dans la cité sainte pour y célébrer la fête de Pâques, sort à sa rencontre, portant des palmes et faisant retentir l’air d’acclamations. Le cortège qui accompagnait Jésus depuis Béthanie se confond avec cette foule que l’enthousiasme transporte ; les uns étendent leurs vêtements sur la terre qu’il doit fouler, d’autres jettent des branches de palmier sur son passage. Le cri d’Hosannah retentit ; et la grande nouvelle dans la cite, c’est que Jésus, fils de David, vient d’y faire son entrée comme Roi.

C’est ainsi que Dieu, dans sa puissance sur les cœurs, ménagea un triomphe à son Fils au sein même de cette ville qui devait, si peu de temps après, demandera grands cris le sang de ce divin Messie. Cette journée fut un moment de gloire pour Jésus, et la sainte Église, comme nous l’allons voir tout à l’heure, veut que nous renouvelions chaque année la mémoire de ce triomphe de l’Homme-Dieu. Dans les temps de la naissance de l’Emmanuel, nous vîmes les Mages arriver du fond de l’Orient, cherchant et demandant à Jérusalem le Roi des Juifs, afin de lui rendre leurs hommages et de lui offrir leurs présents ; aujourd’hui c’est Jérusalem elle-même qui se levé comme un seul homme pour aller au-devant de lui. Ces deux faits se rapportent au même but ; ils sont une reconnaissance de la royauté de Jésus-Christ : le premier de la part des Gentils, le second de la part des Juifs. Il fallait que le Fils de Dieu, avant de souffrir sa Passion, eût recueilli l’un et l’autre hommage. L’inscription que bientôt Pilate placera au-dessus de la tête du Rédempteur : Jésus de Nazareth, Roi des Juifs, exprimera l’indispensable caractère du Messie. En vain les ennemis de Jésus feront tous leurs efforts pour faire changer les termes de cet écriteau : ils n’y réussiront pas. « Ce que j’ai écrit est écrit », répondra le gouverneur romain, dont la main païenne et lâche a déclaré, sans le savoir, l’accomplissement des Prophéties. Israël aujourd’hui proclame Jésus son Roi ; Israël bientôt sera dispersé, en punition de sa révolte contre le fils de David ; mais Jésus, qu’il a proclamé, demeure Roi à jamais. Ainsi s’accomplissait à la lettre l’oracle de l’Ange parlant à Marie, et lui annonçant les grandeurs du fils qui devait naître d’elle : « Le Seigneur lui donnera le trône de David son aïeul, et il régnera sur la maison de Jacob à jamais ». Jésus commence aujourd’hui son règne sur la terre ; et si le premier Israël ne doit pas tardera se soustraire à son sceptre, un nouvel Israël, issu de la portion fidèle de l’ancien, va s’élever, formé de tous les peuples de la terre, et offrir au Christ un empire plus vaste que jamais conquérant ne l’a ambitionné.

Tel est, au milieu du deuil de la Semaine des douleurs, le glorieux mystère de ce jour. La sainte Église veut que nos cœurs se soulagent par un moment d’allégresse, et que Jésus aujourd’hui soit salué par nous comme notre Roi. Elle a donc dispose le service divin de cette journée de manière à exprimer à la fois la joie et la tristesse : la joie, en s’unissant aux acclamations dont retentit la cité de David ; la tristesse, en reprenant bientôt le cours de ses gémissements sur les douleurs de son Époux divin. Toute la fonction est partagée comme en trois actes distincts, dont nous allons successivement expliquer les mystères et les intentions.

La bénédiction des Palmes, ou des Rameaux, comme nous disons en France, est le premier rite qui s’accomplit sous nos yeux ; et l’on peut juger de son importance par la solennité que l’Église y déploie. On dirait d’abord que le Sacrifice va s’offrir, sans autre intention que de célébrer l’anniversaire de rentrée de Jésus à Jérusalem. Introït, Collecte, Épître, Graduel, Évangile, Préface même, se succèdent comme pour préparer l’immolation de l’Agneau sans tache ; mais après le Trisagion : Sanctus ! Sanctus ! Sanctus ! L’Église suspend ces solennelles formules, et son ministre procède à la sanctification de ces mystiques rameaux qui sont devant lui. Les prières employées à leur bénédiction sont éloquentes et remplies d’enseignements. Ces branches d’arbres, objet de la première partie de la fonction, reçoivent par ces oraisons, accompagnées de l’encens et de l’aspersion de l’eau sainte, une vertu qui les élève à l’ordre surnaturel, et les rend propres à aider à la sanctification de nos âmes, et à la protection de nos corps et de dos demeures. Les fidèles doivent tenir respectueusement ces rameaux dans leurs mains durant la procession, et à la Messe durant le chant de la Passion, et les placer avec honneur dans leurs maisons, comme un signe de leur foi, et une espérance dans le secours divin.

Il n’est pas besoin d’expliquer au lecteur que les palmes et les branches d’olivier, qui reçoivent en ce moment la bénédiction de l’Église, sont portées en mémoire de celles dont le peuple de Jérusalem honora la marche triomphale du Sauveur ; mais il est à propos de dire quelques mots sur l’antiquité de cette coutume. Elle commença de bonne heure en Orient, et probablement, dès la paix de l’Église, à Jérusalem. Déjà au IVe siècle, saint Cyrille, Évêque de cette ville, atteste que le palmier qui avait fourni ses branches au peuple qui vint au-devant du Christ, existait encore dans la vallée de Cédron ; rien n’était plus naturel que d’en tirer occasion pour instituer une commémoration anniversaire de ce grand événement. Au siècle suivant, on voit cette cérémonie établie, non plus seulement dans les Églises de l’Orient, mais jusque dans les monastères dont les solitudes de l’Égypte et de la Syrie étaient peuplées. A l’entrée du Carême, beaucoup de saints moines obtenaient de leur abbé la permission de s’enfoncer dans le désert, afin d’y passer ce temps dans une profonde retraite ; mais ils devaient rentrer au monastère pour le Dimanche des Palmes, comme nous l’apprenons de la Vie de saint Euthymius, écrite par son disciple Cyrille. En Occident, ce rite ne s’établit pas aussi promptement ; la première trace que l’on en trouve est dans le Sacramentaire de saint Grégoire : ce qui donne la fin du VIe siècle, ou le commencement du vue. A mesure que la foi pénétrait dans le Nord, il n’était même plus possible de solenniser cette cérémonie dans toute son intégrité, le palmier et l’olivier ne croissant pas dans nos climats. On fut obligé de les remplacer par des branches d’autres arbres ; mais l’Église ne permet pas de rien changer aux oraisons prescrites pour la bénédiction de ces humbles rameaux, parce que les mystères qui sont exposés dans ces belles prières sont fondés sur l’olivier et la palme du récit évangélique, figurés par nos branches de buis ou de laurier.

Le second rite de cette journée est la Procession célèbre qui fait suite à la bénédiction solennelle des Rameaux. Elle a pour objet de représenter la marche du Sauveur vers Jérusalem et son entrée dans cette ville ; et c’est afin que rien ne manque à l’imitation du fait raconté dans le saint Évangile., que les rameaux qui viennent d’être bénits sont portés par tous ceux qui prennent part à cette Procession. Chez les Juifs, tenir en main des branches d’arbres était un signe d’allégresse ; et la loi divine sanctionnait pour eux cet usage. Dieu avait dit au livre du Lévitique, en établissant la fête des Tabernacles : « Le premier jour de la fête, vous tiendrez dans vos mains des fruits pris sur les plus beaux arbres ; vous porterez des rameaux de palmier, des branches avec leur feuillage, vous en détacherez des saules du torrent, et vous vous livrerez à la joie, en présence du Seigneur votre Dieu. » C’est donc dans l’intention de témoigner leur enthousiasme pour l’arrivée de Jésus dans leurs murs que les habitants de Jérusalem, et jusqu’aux enfants, eurent recours à cette joyeuse démonstration. Nous aussi allons au-devant de notre Roi, et chantons Hosannah à ce vainqueur de la mort, à ce libérateur de son peuple.

Au moyen âge, en beaucoup d’églises, on portait avec pompe, à cette Procession, le livre des saints Évangiles qui représentait Jésus-Christ dont il contient les paroles. A un lieu marqué et préparé pour une station, la Procession s’arrêtait : le diacre ouvrait alors le livre sacré, et chantait le passage où l’entrée de Jésus dans Jérusalem est racontée. On découvrait ensuite la croix, qui jusqu’alors était demeurée voilée ; tout le clergé venait solennellement lui rendre ses adorations, et chacun déposait à ses pieds un fragment du rameau qu’il tenait à la main. La Procession repartait ensuite précédée de la croix, qui demeurait alors sans voile, jusqu’à ce que le cortège fût rentré à l’église.

En Angleterre et en Normandie, dès le XIe siècle, on pratiquait un rite qui représentait plus vivement encore la scène qui eut lieu, en ce jour, à Jérusalem. La sainte Eucharistie était portée en triomphe à la Procession. L’hérésie de Bérenger contre la présence réelle de Jésus-Christ dans l’Eucharistie venait d’éclater à cette époque ; et ce triomphe de l’Hostie sacrée était un prélude lointain à l’institution de la Fête et de la Procession du très saint Sacrement.

Un usage touchant avait lieu aussi à Jérusalem, dans la Procession des Palmes, toujours dans la même intention de renouveler la scène évangélique qui se rapporte à ce jour. Toute la communauté des Franciscains qui veille à la garde des saints lieux se rendait dès le matin à Bethphagé. Là, le Père Gardien de Terre Sainte, en habits pontificaux, montait sur un ânon qu’on avait couvert de vêtements ; et accompagné des religieux et des catholiques de Jérusalem, tous portant des palmes, il faisait son entrée dans la ville et descendait à la porte de l’Église du Saint-Sépulcre, où la Messe était célébrée avec la plus grande solennité. Depuis deux siècles environ, les autorités turques de Jérusalem ont interdit cette belle cérémonie, qui remontait aux temps du royaume latin de Jérusalem.

Nous avons réuni ici, selon notre usage, les différents faits qui peuvent servir à élever la pensée des fidèles aux divers mystères de la Liturgie ; ces manifestations de la foi les aideront à comprendre que, dans la Procession des Palmes, l’Église veut qu’ils honorent Jésus-Christ comme présent au triomphe qu’elle lui décerne aujourd’hui. Cherchons donc par l’amour « cet humble et doux Sauveur qui vient visiter la fille de Sion », comme parle le Prophète. Il est là au milieu de nous ; c’est à lui que s’adresse l’hommage de nos palmes ; joignons-y celui de nos cœurs. Il se présente pour être notre Roi ; accueillons-le, et disons à notre tour : Hosannah au fils de David !

La fin de la Procession est marquée par une cérémonie empreinte du plus haut et du plus profond symbolisme. Au moment de rentrer dans l’église, le pieux cortège en trouve les portes fermées. La marche triomphale est arrêtée ; mais les chants d’allégresse ne sont pas suspendus. Une hymne spéciale au Christ-Roi retentit dans les airs avec son joyeux refrain, jusqu’à ce qu’enfin le sous-diacre ayant frappé la porte avec le bâton de la croix, cette porte s’ouvre, et la foule, précédée du clergé, rentre dans l’église en célébrant celui qui seul est la Résurrection et la Vie.

Cette scène mystérieuse a pour but de retracer l’entrée du Sauveur dans une autre Jérusalem, dont celle de la terre n’était que la figure. Cette Jérusalem est la patrie céleste dont Jésus nous a procuré l’entrée. Le péché du premier homme en avait fermé les portes ; mais Jésus, le Roi de gloire, les a rouvertes par la vertu de sa Croix, a laquelle elles n’ont pu résister. Continuons donc de suivre les pas du fils de David ; car il est aussi le Fils de Dieu, et il nous convie à venir prendre part à son royaume. C’est ainsi que la sainte Église, dans la Procession des Palmes, qui n’est d’abord que la commémoration de l’événement accompli en ce jour, élève notre pensée jusqu’au glorieux mystère de l’Ascension, par lequel se termine au ciel la mission du Fils de Dieu sur la terre. Mais, hélas ! Les jours qui séparent l’un de l’autre ces deux triomphes du Rédempteur ne sont pas tous des jours d’allégresse, et la Procession ne sera pas plutôt terminée, que la sainte Église, qui a soulevé un moment le poids de ses tristesses, n’aura plus à faire entendre que des gémissements.

La troisième partie de la fonction de ce jour est l’offrande du saint Sacrifice. Tous les chants qui l’accompagnent sont empreints de désolation ; et pour mettre le comble au deuil qui signale désormais le reste de cette journée, le récit de la Passion du Rédempteur va être lu par avance dans l’assemblée des fidèles. Depuis cinq à six siècles. L’Église a adopté un récitatif particulier pour cette narration du saint Évangile, qui devient ainsi un véritable drame. On entend d’abord l’historien qui raconte les faits sur un mode grave et pathétique ; les paroles de Jésus ont un accent noble et doux, qui contraste d’une manière saisissante avec le ton élevé des autres interlocuteurs, et avec les clameurs de la populace juive. Durant le chant de la Passion, tous les assistants doivent tenir leur rameau à la main, afin de protester par cet emblème de triomphe contre les humiliations dont le Rédempteur est l’objet de la part de ses ennemis. C’est au moment où, dans son amour pour nous, il se laisse fouler sous les pieds des pécheurs, que nous devons le proclamer plus haut notre Dieu et notre souverain Roi.

Tels sont les rites généraux de cette grande journée ; nous insérerons dans le cours des prières et des lectures sacrées, selon notre coutume, les détails qui seront nécessaires pour en compléter l’intelligence.

Ce Dimanche, outre son nom liturgique et populaire de Dimanche des Rameaux, ou des Palmes, est appelé aussi Dimanche d’Hosannah, à cause du cri de triomphe dont les Juifs saluèrent l’arrivée de Jésus. Nos pères l’ont nommé longtemps Dimanche de Pâque fleurie, parce que la Pâque, qui n’est plus qu’à huit jours d’intervalle, est aujourd’hui comme en floraison, et que les fidèles peuvent remplir dès maintenant le devoir de la communion annuelle. C est en souvenir de cette appellation, que les Espagnols ayant découvert, le Dimanche des Rameaux de l’an 1513, la vaste contrée qui avoisine le Mexique, lui donnèrent le nom de Floride. On trouve ce Dimanche appelé aussi Capitilavium, c’est-à-dire lave-tête, parce que, dans les siècles de la moyenne antiquité, où l’on renvoyait au Samedi-Saint le baptême des enfants nés dans les mois précédents, et qui pouvaient attendre cette époque sans danger, les parents lavaient aujourd’hui la tête de ces enfants, afin que le samedi suivant on pût avec décence y faire l’onction du Saint-Chrême. A une époque plus reculée, ce Dimanche, dans certaines Églises, était nommé la Pâque des Compétents. On appelait Compétents les catéchumènes admis au baptême. Ils se rassemblaient en ce jour à l’église, et on leur faisait une explication particulière du Symbole qu’ils avaient reçu au scrutin précédent. Dans l’Église gothique d’Espagne, on ne le donnait mère qu’aujourd’hui. Enfin, chez les Grecs, ce Dimanche est désigné sous le nom de Baïphore, c’est-à-dire Porte-Palmes.

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Samedi de la Passion mémoire de Saint Jean Damascène confesseur et docteur

27 Mars 2021 , Rédigé par Ludovicus

Samedi de la Passion mémoire de Saint Jean Damascène confesseur et docteur

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Faites, nous vous en prions. Seigneur, que le peuple qui vous est consacré, progresse dans la ferveur d’une pieuse dévotion, en sorte que, trouvant une instruction dans les actions saintes, il soit d’autant plus enrichi de vos dons les meilleurs, qu’il se rendra plus agréable à votre majesté. Par Notre-Seigneur.

Lecture Jr. 18, 18-23

En ces jours-là, les Juifs impies se dirent entre eux : Venez, et formons des desseins contre le juste ; car la loi ne périra pas faute de prêtre, ni le conseil faute de sage, ni la parole faute de prophète ; venez, frappons-le avec la langue, et ne prenons pas garde à tous ses discours. Jetez les yeux sur moi, Seigneur, et écoutez la voix de mes adversaires. Est-ce qu’on rend le mal pour le bien, puisqu’ils creusent une fosse pour m’ôter la vie ? Souvenez-vous que je me suis tenu devant vous, pour vous parler en leur faveur, et pour détourner d’eux votre indignation. C’est pourquoi livrez leurs enfants à la famine, et faites-les passer au fil de l’épée ; que leurs femmes perdent leurs enfants et deviennent veuves, et que leurs maris soient mis à mort ; que leurs jeunes gens soient percés par le glaive dans le combat ; qu’on entende des cris sortir de leurs maisons ; car vous ferez fondre soudain sur eux le brigand, parce qu’ils ont creusé une fosse pour me prendre, et qu’ils ont caché des filets sous mes pieds. Mais vous, Seigneur, vous connaissez tous leurs desseins de mort contre moi ; ne leur pardonnez pas leur iniquité, et que leur péché ne s’efface pas de devant vous ; qu’ils tombent en votre présence ; au temps de votre fureur traitez-les sévèrement, ô Seigneur notre Dieu.

Évangile Jn. 12, 10-36

En ce temps-là, les princes des prêtres pensèrent à faire mourir aussi Lazare, parce que beaucoup d’entre les Juifs se retiraient d’eux à cause de lui, et croyaient en Jésus. Le lendemain, une foule nombreuse, qui était venue pour la fête, ayant appris que Jésus venait à Jérusalem, prit des branches de palmier, et alla au-devant de lui, en criant : Hosanna ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur, le roi d’Israël ! Jésus trouva un ânon, et s’assit dessus, ainsi qu’il est écrit : Ne crains point, fille de Sion ; voici ton roi, qui vient assis sur le petit d’une ânesse. Les disciples ne comprirent pas d’abord ces choses ; mais, après que Jésus eut été glorifié, ils se souvinrent alors qu’elles avaient été écrites à son sujet, et qu’ils les lui avaient faites. La foule qui était avec lui lorsqu’il avait appelé Lazare du tombeau, et l’avait ressuscité d’entre les morts, lui rendait témoignage. C’est pour cela aussi que la foule vint au-devant de lui, parce qu’ils avaient appris qu’il avait fait ce miracle. Les pharisiens dirent donc entre eux : Voyez-vous que nous ne gagnons rien ? voilà que tout le monde va après lui. Or il y avait là quelques Gentils, de ceux qui étaient montés pour adorer au jour de la fête. Ils s’approchèrent de Philippe, qui était de Bethsaïde en Galilée ; et ils le priaient, en disant : Seigneur, nous voulons voir Jésus. Philippe vint, et le dit à André : puis André et Philippe le dirent à Jésus. Jésus leur répondit : L’heure est venue où le Fils de l’homme doit être glorifié. En vérité, en vérité, je vous le dis, si le grain de froment qui tombe en terre ne meurt pas, il demeure seul ; mais, s’il meurt, il porte beaucoup de fruit. Celui qui aime sa vie, la perdra ; et celui qui hait sa vie dans ce monde, la conserve pour la vie éternelle. Si quelqu’un me sert, qu’il me suive ; et là où je suis, mon serviteur sera aussi. Si quelqu’un me sert, mon Père l’honorera. Maintenant, mon âme est troublée. Et que dirai-je ? Père, délivrez-moi de cette heure. Mais c’est pour cela que je suis arrivé à cette heure. Père, glorifiez votre nom. Alors vint une voix du ciel : Je l’ai glorifié, et je le glorifierai encore. La foule, qui était présente, et qui avait entendu, disait que c’était un coup de tonnerre. D’autres disaient : C’est un ange qui lui a parlé. Jésus répondit, et dit : Ce n’est pas pour moi que cette voix est venue, mais pour vous. C’est maintenant le jugement du monde ; c’est maintenant que le prince de ce monde va être jeté dehors. Et moi, quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai tout à moi. Il disait cela, pour marquer de quelle mort il devait mourir. La foule lui répondit : Nous avons appris de la loi que le Christ demeure éternellement ; comment donc dites-vous : II faut que le Fils de l’homme soit élevé ? Quel est ce Fils de l’homme ? Jésus leur dit : La lumière est encore pour un temps parmi vous. Marchez pendant que vous avez la lumière, de peur que les ténèbres ne vous surprennent. Celui qui marche dans les ténèbres ne sait où il va. Pendant que vous avez la lumière, croyez en la lumière, afin que vous soyez des enfants de lumière. Jésus dit ces choses, puis il s’en alla, et se cacha d’eux.

Office

1ère leçon

Homélie de saint Augustin, Évêque

Les Juifs virent Lazare ressuscité, et comme ce grand miracle du Seigneur avait été publié avec une telle évidence, manifesté si notoirement que ses ennemis ne pouvaient ni dissimuler le fait ni le nier, voyez l’expédient qu’ils trouvèrent. « Les princes des prêtres songèrent à faire mourir Lazare lui-même. » O projet stupide et aveugle cruauté ! Le Seigneur Jésus-Christ, qui a pu ressusciter cet homme mort par suite d’une maladie, ne pourrait-il pas lui rendre la vie s’il était tué ? En donnant la mort à Lazare, ôteriez-vous au Seigneur sa puissance ? S’il vous semble qu’autre chose est de ressusciter un homme décédé, autre chose de ressusciter un homme tué, sachez que le Seigneur a fait l’un et l’autre miracle. Il a ressuscité Lazare, victime d’une mort naturelle, et il s’est ressuscité lui-même après que vous l’avez tait mourir de mort violente.

2e leçon

« Le Lendemain, une foule nombreuse qui était venue pour la fête, ayant appris que Jésus venait à Jérusalem, prit des rameaux de palmiers, et alla au-devant de lui, criant : Hosanna, béni celui qui vient au nom du Seigneur, comme roi d’Israël. » Les rameaux de palmiers sont les louanges et l’emblème de la victoire : le Seigneur devait en effet vaincre la mort en mourant lui-même, et triompher par le trophée de la croix, du démon, prince de la mort. Selon quelques interprètes qui connaissent la langue hébraïque, Hosanna est une parole de supplication qui exprime plutôt un sentiment du cœur qu’une pensée déterminée ; tels sont les mots qu’on appelle interjections dans la langue latine ; ainsi dans la douleur nous nous écrions : hélas ! ou dans la joie : ah !

3e leçon

La foule le saluait donc par ces acclamations : « Hosanna ! béni celui qui vient au nom du Seigneur comme roi d’Israël. » Quelle torture l’esprit envieux des princes des Juifs ne devait-il pas souffrir lorsqu’une si grande multitude acclamait le Christ comme son roi ? Mais qu’était-ce pour le Seigneur que d’être roi d’Israël ? Était-ce quelque chose de grand pour le roi des siècles, de devenir roi des hommes ? Le Christ ne fut pas roi d’Israël pour exiger des tributs, armer de fer des bataillons et dompter visiblement ses ennemis, mais il est roi d’Israël parce qu’il gouverne les âmes, parce qu’il veille sur elles pour l’éternité, parce qu’il conduit au royaume des Cieux ceux qui croient en lui, qui espèrent en lui et qui l’aiment.

Aujourd’hui nous commençons, avec le saint Évangile, à compter d’une manière précise les jours qui doivent s’écouler encore avant l’immolation de notre divin Agneau. Ce Samedi est le sixième jour avant la Pâque, selon la supputation de saint Jean, au Chapitre XII.

Jésus est à Béthanie ; on donne un festin en son honneur. Lazare ressuscite assiste à ce repas qui a lieu chez Simon le Lépreux. Marthe s’occupe des soins du ménage ; sa sœur, Marie-Madeleine, à qui l’Esprit-Saint fait pressentir que la mort et la sépulture de son bien-aimé maître approchent, a préparé un parfum qu’elle vient répandre sur lui. Le saint Évangile, qui observe toujours une discrétion pleine de mystères sur la Mère de Jésus, ne nous dit point qu’elle était, en ce moment, à Béthanie ; mais il est impossible d’en douter. Les Apôtres s’y trouvaient aussi, et prirent part au repas. Pendant que les amis du Sauveur se serraient ainsi autour de lui, dans ce village de Béthanie, situé à deux mille pas de Jérusalem, le ciel devenait plus sombre au-dessus de la ville infidèle. Jésus doit cependant demain y faire une apparition ; mais ses disciples l’ignorent encore. Le cœur de Marie est en proie à toutes les tristesses ; Madeleine est absorbée dans des pensées de deuil ; tout annonce que le fatal dénouement est près d’éclater.

L’Église a cependant réservé le passage de l’Évangile de saint Jean qui raconte les faits de cette journée pour la Messe de Lundi prochain. La raison de cette particularité est que, jusqu’au XIIe siècle, il n’y avait pas aujourd’hui de Station à Rome. Le Pape préludait par une journée de vacation aux fatigues de la grande Semaine, dont les solennelles fonctions doivent commencer dès demain. Mais s’il ne présidait pas l’assemblée des fidèles, il ne laissait pas d’accomplir en ce jour deux prescriptions traditionnelles qui avaient leur importance dans les usages liturgiques de l’Église romaine.

Dans le cours de l’année, le Pape avait coutume d’envoyer, chaque dimanche, une portion de la sainte Eucharistie consacrée par lui à chacun des prêtres qui desservaient les Titres presbytéraux, ou églises paroissiales de la ville. Cet envoi, ou plutôt cette distribution, avait lieu dès aujourd’hui pour toute la Semaine sainte, peut-être parce que la fonction de demain n’aurait pas permis de l’effectuer aisément. Les anciens monuments liturgiques de Rome nous apprennent que la remise du pain sacré se faisait, en ce jour, dans le Consistoire de Latran ; le bienheureux Cardinal Tommasi et Benoît XIV inclinent à croire que les évêques des Églises suburbicaires y avaient part. On a d’autres preuves par l’antiquité que les Évêques s’envoyaient quelquefois mutuellement la sainte Eucharistie, en signe de la communion qui les unissait. Quant aux prêtres préposés aux Titres presbytéraux de la ville, auxquels était remise chaque semaine une portion de l’Eucharistie consacrée par le Pape, ils s’en servaient à l’autel, en mettant une parcelle de ce pain sacré dans le calice, avant de communier.

L’autre usage de ce jour consistait en une aumône générale à laquelle le Pape présidait, et qui sans doute était destinée par son abondance à suppléer à celle qui ne pouvait avoir lieu dans la Semaine sainte, trop remplie par les offices divins et les autres cérémonies. Les liturgistes du moyen âge montrent avec une pieuse complaisance la touchante relation qui existe entre le Pontife Romain exerçant en personne les œuvres de miséricorde envers les pauvres, et Marie-Madeleine embaumant de ses parfums, aujourd’hui même, les pieds du Sauveur.

Postérieurement au XIIe siècle, on a établi une Station en ce jour ; elle a lieu dans l’Église Saint-Jean devant la Porte Latine. Cette antique basilique s’élève près du lieu où le Disciple bien-aimé fut, par ordre de Domitien, plongé dans une chaudière d’huile bouillante.

ÉPÎTRE.

On ne lit pas sans frémir ces effrayants anathèmes que Jérémie, ligure de Jésus-Christ, adresse aux Juifs, ses persécuteurs. Cette prédiction, qui s’accomplit à la lettre lors de la première ruine de Jérusalem par les Assyriens, reçut une confirmation plus terrible encore, à la seconde visite de la colère de Dieu sur cette ville maudite. Ce n’était plus seulement Jérémie, un prophète, que les Juifs avaient poursuivi de leur haine et de leurs indignes traitements ; c’était le Fils même de Dieu qu’ils avaient rejeté et crucifié. C’est à leur Messie tant attendu qu’ils avaient « rendu le mal pour le bien ». Ce n’était pas seulement Jérémie « qui avait prié le Seigneur de leur faire grâce et de détourner de dessus eux son indignation » ; l’Homme-Dieu lui-même avait intercédé constamment en leur faveur ; et si enfin il les abandonnait à la justice divine, c’était après avoir épuisé toutes les voies de la miséricorde et du pardon. Mais tant d’amour avait été stérile ; et ce peuple ingrat, toujours plus irrité contre son bienfaiteur, s’écriait dans les transports de sa haine : « Que son sang retombe sur nous et sur nos enfants ! » Quel affreux arrêt Juda portait contre lui-même, en formant son épouvantable souhait ! Dieu l’entendit et s’en souvint. Le pécheur, hélas ! qui connaît Jésus-Christ et le prix de son sang, et qui répand de nouveau à plaisir ce sang précieux, ne s’expose-t-il pas aux rigueurs de cette même justice qui se montra si terrible envers Juda ? Tremblons et prions ; implorons la miséricorde divine en faveur de tant d’aveugles volontaires, de cœurs endurcis, qui courent à leur perte ; et par nos instances adressées au Cœur miséricordieux de notre commun Rédempteur, obtenons que l’arrêt qu’ils ont mérité soit révoqué et se change en une sentence de pardon.

ÉVANGILE.

Les ennemis du Sauveur sont arrivés à ce degré de fureur qui fait perdre le sens. Lazare ressuscité est devant leurs yeux ; et au lieu de reconnaître en lui la preuve incontestable de la mission divine de Jésus, et de se rendre enfin à l’évidence, ils songent à faire périr ce témoin irrécusable, comme si Jésus, qui l’a ressuscité une fois, ne pouvait pas de nouveau lui rendre la vie. La réception triomphale que le peuple fait au Sauveur dans Jérusalem, et dont la commémoration fera l’objet de la solennité de demain, vient encore accroître leur dépit et leur haine. « Nous n’y gagnons rien, disent-ils ; tout le monde va après lui. » Hélas ! Cette ovation d’un moment sera promptement suivie d’un de ces retours auxquels le peuple n’est que trop sujet. En attendant, voici jusqu’à des Gentils qui se présentent pour voir Jésus. C’est l’annonce du prochain accomplissement de la prophétie du Sauveur : « Le royaume des cieux vous sera enlevé, pour être donné à un peuple qui en produira les fruits». C’est alors que « le Fils de l’homme sera glorifié », que toutes les nations protesteront par leur humble hommage au Crucifié, contre l’affreux aveuglement des Juifs. Mais auparavant il faut que le divin « Froment soit jeté en terre, qu’il y meure » ; puis viendra le temps de la récolte, et l’humble grain rendra cent pour un.

Jésus cependant éprouve dans son humanité un moment de trouble à la pensée de cette mort. Ce n’est pas encore l’agonie du jardin ; mais un frisson l’a saisi. Écoutons ce cri : « Père ! sauvez-moi de cette heure. » Chrétiens, c’est notre Dieu qui s’émeut de crainte, en prévoyant ce qu’il aura bientôt à souffrir pour nous. Il demande d’échapper à cette destinée qu’il a prévue, qu’il a voulue. « Mais, ajoute-t-il, c’est pour cela que je suis venu ; ô Père, glorifiez votre nom. » Son cœur est calme maintenant ; il accepte de nouveau les dures conditions de notre salut. Entendez aussi cette parole de triomphe. Par la vertu du sacrifice qui va s’offrir, Satan sera détrôné ; « ce prince du monde va être jeté dehors. » Mais la défaite de Satan n’est pas l’unique fruit de l’immolation de notre Sauveur ; l’homme, cet être terrestre et dépravé, va quitter la terre et s’élever jusqu’au ciel. Le Fils de Dieu, comme un aimant céleste, l’attirera désormais à soi. « Quand je serai élevé de terre, dit-il, quand je serai attaché à ma croix, j’attirerai tout à moi. » Il ne pense plus à ses souffrances, à cette mort terrible qui tout à l’heure l’effrayait ; il ne voit plus que la ruine de notre implacable ennemi, que notre salut et notre glorification par sa croix. Nous avons dans ces paroles le cœur tout entier de notre Rédempteur ; si nous les méditons, elles suffisent à elles seules pour disposer nos âmes à goûter les mystères ineffables dont est remplie la grande Semaine qui s’ouvre demain.

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Notre-Dame des Sept Douleurs mémoire du Vendredi de la Passion

26 Mars 2021 , Rédigé par Ludovicus

Notre-Dame des Sept Douleurs mémoire du Vendredi de la Passion

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O Dieu, dans la passion duquel suivant la prophétie de Siméon, un glaive de douleur a percé le cœur très doux de la glorieuse Vierge Marie, votre Mère, faites, dans votre miséricorde, que célébrant avec respect le souvenir de ses douleurs, nous recueillions les heureux fruits de votre passion : Vous qui étant Dieu, vivez et régnez.

Lecture Jdt 13, 22 et 23-25.

Le Seigneur vous a bénie de sa force, et il a anéanti par vous nos ennemis. Vous êtes bénie, ma fille, par le Seigneur, le Très Haut, plus que toutes les femmes qui sont sur la terre. Béni soit le Seigneur qui a créé le ciel et la terre, car il a rendu aujourd’hui votre nom si célèbre, que les hommes, se souvenant à jamais de la puissance du Seigneur, ne cesseront jamais de vous louer, parce que vous n’avez pas épargné votre vie pour eux, en voyant les angoisses et les tribulations de votre peuple ; mais vous avez empêché sa ruine en présence de notre Dieu.

Stabat Mater dolorósa
Iuxta Crucem lacrimósa,
Dum pendébat Fílius.
Debout, la Mère des douleurs,
Près de la croix était en larmes,
Quand son Fils pendait au bois.
Cuius ánimam geméntem,
Contristátam et doléntem
Pertransívit gládius.
Alors, son âme gémissante,
Toute triste et toute dolente,
Un glaive le transperça.
O quam tristis et afflícta
Fuit illa benedícta
Mater Unigéniti !
Qu’elle était triste, anéantie,
La femme entre toutes bénie,
La Mère du Fils de Dieu !
Quæ mærébat et dolébat,
Pia Mater, dum vidébat
Nati poenas íncliti.
Dans le chagrin qui la poignait,
Cette tendre Mère pleurait
Son Fils mourant sous ses yeux.
Quis est homo, qui non fleret,
Matrem Christi si vidéret
In tanto supplício ?
Quel homme sans verser de pleurs
Verrait la Mère du Seigneur
Endurer si grand supplice ?
Quis non posset contristári,
Christi Matrem contemplári
Doléntem cum Fílio ?
Qui pourrait dans l’indifférence
Contempler en cette souffrance
La Mère auprès de son Fils ?
Pro peccátis suæ gentis
Vidit Iesum in torméntis
Et flagéllis súbditum.
Pour toutes les fautes humaines,
Elle vit Jésus dans la peine
Et sous les fouets meurtri.
Vidit suum dulcem
Natum Moriéndo desolátum,
Dum emísit spíritum.
Elle vit l’Enfant bien-aimé
Mourir tout seul, abandonné,
Et soudain rendre l’esprit.
Eia, Mater, fons amóris,
Me sentíre vim dolóris
Fac, ut tecum lúgeam.
Ô Mère, source de tendresse,
Fais-moi sentir grande tristesse
Pour que je pleure avec toi.
Fac, ut árdeat cor meum
In amándo Christum Deum,
Ut sibi compláceam.
Fais que mon âme soit de feu
Dans l’amour du Seigneur mon Dieu :
Que je lui plaise avec toi.
Sancta Mater, istud agas,
Crucifixi fige plagas
Cordi meo válida.
Mère sainte, daigne imprimer
Les plaies de Jésus crucifié
En mon cœur très fortement.
Tui Nati vulneráti,
Tam dignáti pro me pati,
Poenas mecum dívide.
Pour moi, ton Fils voulut mourir,
Aussi donne-moi de souffrir
Une part de ses tourments.
Fac me tecum pie flere,
Crucifíxo condolére,
Donec ego víxero.
Donne-moi de pleurer en toute vérité,
Comme toi près du crucifié,
Tant que je vivrai !
Iuxta Crucem tecum stare
Et me tibi sociáre
In planctu desídero.
Je désire auprès de la croix
Me tenir, debout avec toi,
Dans ta plainte et ta souffrance.
Virgo vírginum præclára.
Mihi iam non sis amára :
Fac me tecum plángere.
Vierge des vierges, toute pure,
Ne sois pas envers moi trop dure,
Fais que je pleure avec toi.
Fac, ut portem Christi mortem,
Passiónis fac consórtem
Et plagas recólere.
Du Christ fais-moi porter la mort,
Revivre le douloureux sort
Et les plaies, au fond de moi.
Fac me plagis vulnerári,
Fac me Cruce inebriári
Et cruóre Fílii.
Fais que ses propres plaies me blessent,
Que la croix me donne l’ivresse
Du sang versé par ton Fils.
Flammis ne urar succénsus,
Per te, Virgo, sim defénsus
In die iudícii.
Je crains les flammes éternelles ;
O Vierge, assure ma tutelle
A l’heure de la justice.
Christe, cum sit hinc exíre.
Da per Matrem me veníre
Ad palmam victóriæ.
Ô Christ, à l’heure de partir,
Puisse ta Mère me conduire
À la palme des vainqueurs.
Quando corpus moriétur,
Fac, ut ánimæ donétur
Paradísi glória. Amen.
À l’heure où mon corps va mourir,
À mon âme, fais obtenir
La gloire du paradis. Amen.

 

Évangile Jn. 19, 25-27

En ce temps-là, debout près de la croix de Jésus se tenaient sa mère, et la sœur de sa mère, Marie, femme de Cléophas, et Marie-Madeleine. Jésus ayant vu sa mère, et, auprès d’elle, le disciple qu’il aimait, dit à sa mère : Femme, voilà votre fils. Puis il dit au disciple : Voilà ta mère. Et, à partir de cette heure, le disciple la prit chez lui.

La piété des derniers temps a consacré d’une manière spéciale cette journée à la mémoire des incomparables douleurs que Marie a ressenties au pied de la Croix de son divin Fils. La semaine suivante est occupée tout entière par la célébration des mystères de la Passion du Sauveur ; et bien que le souvenir de Marie compatissante soit souvent présent au cœur du fidèle qui suit pieusement tous les actes de cette longue et sublime scène, les douleurs du Rédempteur, le spectacle de la justice et de la miséricorde divines s’unissant pour opérer notre salut, préoccupent trop vivement le cœur et la pensée, pour qu’il soit possible d’honorer, comme il le mérite, le profond mystère de la compassion de Marie aux souffrances de Jésus.

Il était donc à propos qu’un jour fût choisi dans l’année pour remplir ce devoir sacré ; et quel jour plus convenable que le Vendredi de la semaine où nous sommes, qui est déjà tout entière vouée au culte de la Passion du Fils de Dieu ? Dès le XVe siècle, en 1423, un pieux archevêque de Cologne, Thierry de Meurs, inaugurait cette fête dans son Église par un décret synodal. Elle s’étendit successivement, sous des noms divers. dans les provinces de la catholicité, par la tolérance du Siège Apostolique, jusqu’à ce qu’enfin, au siècle dernier, le pape Benoît XIII, par un décret du 22 août 1727, l’inscrivit solennellement sur le cycle de l’Église catholique, sous le nom de Fête des sept Douleurs de la Bienheureuse Vierge Marie. Nous expliquerons ce titre, lorsque notre Année liturgique sera arrivée au troisième Dimanche de Septembre, jour où l’Église fait une nouvelle commémoration du mystère d’aujourd’hui ; nous raconterons alors l’origine première du culte des sept Douleurs de Marie. En ce jour, c’est uniquement Marie compatissante au pied de la Croix que l’Église veut honorer. Jusqu’à l’époque où le Siège Apostolique étendit à toute la chrétienté cette Fête sous le titre que nous venons d’exprimer, on la désignait par ces différentes appellations : Notre-Dame de Pitié, la Compassion de Notre-Dame, Notre-Dame de la Pâmoison ; en un mot, cette fête était déjà pressentie par la piété populaire, avant d’avoir obtenu la consécration solennelle de l’Église.

Pour en bien comprendre l’objet, et pour rendre en ce jour à la Mère de Dieu et des hommes les devoirs qui lui sont dus, nous devons nous rappeler que Dieu a voulu, dans les desseins de sa souveraine sagesse, associer Marie, en toutes manières, à l’œuvre du salut du genre humain. Le mystère d’aujourd’hui présente une nouvelle application de cette loi merveilleuse qui nous révèle toute la grandeur du plan divin ; il nous montre une fois de plus le Seigneur brisant l’orgueil de Satan par le faible bras de la femme. Dans l’œuvre de notre salut, nous reconnaissons trois interventions de Marie, trois circonstances où elle est appelée à unir son action à celle de Dieu même. La première, dans l’Incarnation du Verbe, qui ne vient prendre chair dans son chaste sein qu’après qu’elle a donné son acquiescement par ce solennel Fiat qui sauve le monde ; la seconde, dans le sacrifice que Jésus-Christ accomplit sur le Calvaire, où elle assiste pour participer à l’offrande expiatrice ; la troisième, au jour de la Pentecôte, où elle reçoit l’Esprit-Saint, comme le reçurent les Apôtres, afin de pouvoir s’employer efficacement à l’établissement de l’Église. A la fête de l’Annonciation, nous avons exposé la part qu’a eue la Vierge de Nazareth au plus grand acte qu’il a plu à Dieu d’entreprendre pour sa gloire, et pour le rachat et la sanctification du genre humain. Ailleurs nous aurons occasion de montrer l’Église naissante s’élevant et se développant sous l’action de la Mère de Dieu ; aujourd’hui il nous faut raconter la part qui revient à Marie dans le mystère de la Passion de Jésus, exposer les douleurs qu’elle a endurées près de la Croix, les titres nouveaux qu’elle y a acquis à notre filiale reconnaissance.

Le quarantième jour qui suivit la naissance de notre Emmanuel, nous accompagnâmes au temple l’heureuse mère portant son divin fils entre ses bras. Un vieillard vénérable attendait cet enfant, et le proclama « la lumière des nations et la gloire d’Israël ». Mais bientôt, se tournant vers la mère, nous l’entendîmes lui dire ces désolantes paroles : « Cet enfant sera aussi un signe de contradiction, et un glaive transpercera votre âme. » Cette annonce de douleurs pour la mère de Jésus nous rit comprendre que les joies innocentes du Temps de Noël avaient cessé, et que la carrière des amertumes était ouverte pour le fils et pour la mère. En effet, depuis la fuite nocturne en Égypte jusqu’à ces jours où la noire malice des Juifs prépare une affreuse catastrophe, quelle a été la situation du fils, humilié, méconnu, persécuté, abreuve d’ingratitudes ? Quelle a été, par contrecoup, la continuelle inquiétude, la persévérante angoisse du cœur de la plus tendre des mères ? Mais aujourd’hui, prévenant le cours des événements, nous passons outre, et nous arrivons tout de suite au matin du fatal Vendredi.

Marie sait que, cette nuit même, son fils a été livré par un de ses disciples, par un homme que Jésus avait choisi pour confident, auquel elle-même avait donné plus d’une fois des marques de sa maternelle bonté. A la suite d’une cruelle agonie, le fils de Marie s’est vu enchaîner comme un malfaiteur, et la soldatesque l’a entraîné chez Caïphe, son principal ennemi. De là on l’a conduit chez le gouverneur romain, dont la complicité est nécessaire aux princes des prêtres et aux docteurs de la loi pour qu’ils puissent, selon leur désir, répandre le sang innocent. Marie est dans Jérusalem ; Madeleine et les autres amies de son fils l’entourent ; mais il n’est pas en leur pouvoir d’empêcher les cris tumultueux du peuple d’arriver à son oreille. Et qui d’ailleurs pourrait arrêter les pressentiments au cœur d’une telle mère ? Le bruit ne tarde pas à se répandre dans la ville que Jésus de Nazareth est demandé au gouverneur pour être crucifié. Marie se tiendra-t-elle à l’écart, en ce moment où tout un peuple est sur pied pour accompagner de ses insultes, jusqu’au Calvaire, ce Fils de Dieu qu’elle a porté dans son sein, qu’elle a nourri de son lait virginal ? Loin d’elle cette faiblesse ! Elle se lève, elle se met en marche, et se rend sur le passage de Jésus.

L’air retentissait de cris et de blasphèmes. Dans cette foule, on n’apercevait ni Joseph d’Arimathie, le noble décurion, ni le docte et grave Nicodème ; ils se tenaient cachés dans leurs demeures, déplorant le sort du Juste. Cette multitude qui précédait et suivait la victime n’était composée que de gens féroces ou insensibles ; seulement un groupe de femmes faisait entendre de douloureuses lamentations, et par cette compassion mérita d’attirer les regards de Jésus. Marie pouvait-elle se montrer moins sensible au sort de son fils que ne le parurent ces femmes qui n’avaient avec lui d’autres liens que ceux de l’admiration ou de la reconnaissance ? Nous insistons sur ce trait pour exprimer combien nous avons en horreur ce rationalisme hypocrite qui, foulant aux pieds tous les sentiments du cœur et les traditions de la piété catholique de l’Orient et de l’Occident, a tenté de mettre en doute la vérité de cette touchante Station de la Voie douloureuse qui marque le lieu de la rencontre du fils et de la mère. La secte impure n’oserait nier la présence de Marie au pied de la Croix : l’Évangile est trop formel ; mais plutôt que de rendre hommage à l’amour maternel le plus tendre et le plus dévoué qui fut jamais, elle préfère donner à entendre que lorsque les filles de Jérusalem se montraient sans crainte sur les pas du Sauveur, Marie se rendait au Calvaire par des chemins détournés.

Notre cœur filial rendra plus de justice à la femme forte par excellence. Qui pourrait dire quelle douleur et quel amour exprimèrent ses regards, lorsqu’ils rencontrèrent ceux de son fils chargé de sa Croix ? dire aussi quelle tendresse et quelle résignation répondirent de la part de Jésus à ce salut d’une mère éplorée ? avec quelle affection empressée et respectueuse Madeleine et les autres saintes femmes soutinrent dans leurs bras celle qui avait encore à monter le Calvaire, à recevoir le dernier soupir de ce fils de sa tendresse ? Le chemin est long encore de la quatrième Station de la Voie douloureuse à la dixième, et s’il fut arrosé du sang du Rédempteur, il fut baigné aussi des larmes de sa mère.

Jésus et Marie sont arrivés au sommet de cette colline qui doit servir d’autel pour le plus auguste et le plus terrible des sacrifices ; mais le décret divin ne permet pas encore à la mère d’approcher de son fils. Quand la victime sera prête, celle qui doit l’offrir s’avancera. En attendant ce moment solennel, quelles secousses au cœur de Marie, à chaque coup du marteau impitoyable qui cloue au gibet les membres délicats de son Jésus ! Et quand enfin il lui est donné de s’approcher avec Jean le bien-aimé qui a réparé sa fuite honteuse, avec l’inconsolable Madeleine et ses compagnes, quelles mortelles défaillances éprouve le cœur de cette mère qui, levant les yeux, aperçoit à travers ses pleurs le corps déchiré de son fils, étendu violemment sur le gibet, son visage couvert de sang et souillé d’infâmes crachats, sa tête couronnée d’un diadème d’épines !

Voilà donc ce Roi d’Israël dont l’Ange lui avait prophétisé les grandeurs, ce fils de sa virginité, celui qu’elle a aimé à la fois comme son Dieu et comme le fruit béni de son sein ! C’est pour les hommes, plus encore que pour elle, qu’elle l’a conçu, qu’elle l’a enfanté, qu’elle l’a nourri ; et les nommes l’ont mis dans cet état ! Encore si, par un de ces prodiges qui sont au pouvoir de son Père céleste, il pouvait être rendu à l’amour de sa mère ; si cette justice souveraine envers laquelle il a daigné acquitter toutes nos obligations voulait se contenter de ce qu’il a souffert ! Mais non, il faut qu’il meure, qu’il exhale son âme au milieu de la plus cruelle agonie.

Marie est donc au pied de la Croix, pour recevoir le dernier adieu de son fils : il va se séparer d’elle, et dans quelques instants elle n’aura plus de ce fils tant chéri qu’un corps inanimé et couvert de plaies. Mais cédons ici la parole au dévot saint Bernard, dont l’Église emprunte aujourd’hui le langage dans l’Office des Matines : « O mère, s’écrie-t-il, en considérant la violence de la douleur qui a traversé votre âme, nous vous proclamons plus que martyre ; car la compassion dont vous avez été saisie pour votre fils a surpassé toutes les souffrances que peut endurer le corps. N’a-t-elle pas été plus pénétrante qu’un glaive pour votre âme, cette parole : Femme, voilà votre fils ? Échange cruel ! en place de Jésus, vous recevez Jean ; en place du Seigneur, le serviteur ; en place du maître, le disciple ; en place du Fils de Dieu, le fils de Zébédée ; un homme enfin, en place d’un Dieu ! Comment votre âme si tendre n’en serait-elle pas traversée, quand nos cœurs à nous, nos cœurs de fer et de bronze, se sentent déchirés au seul souvenir de ce que le vôtre dut alors souffrir ? Ne soyez donc pas surpris, mes Frères, d’entendre dire que Marie a été martyre dans son âme. Il ne peut y avoir à s’en étonner que celui qui aurait oublié que saint Paul compte entre les plus grands crimes des Gentils d’avoir été sans affection. Un tel défaut est loin du cœur de Marie ; qu’il soit loin aussi du cœur de ceux qui l’honorent ! »

Au milieu des clameurs et des insultes qui montent jusqu’à son fils élevé sur la Croix dans les airs, Marie entend descendre vers elle cette parole mourante qui lui apprend qu’elle n’aura plus d’autre fils sur la terre qu’un fils d’adoption. Les joies maternelles de Bethléhem et de Nazareth, joies si pures et si souvent troublées par l’inquiétude, sont refoulées dans son cœur et s’y changent en amertumes. Elle fut la mère d’un Dieu, et son fils lui est enlevé par les hommes ! Elle élève une dernière fois ses regards vers le bien-aimé de sa tendresse ; elle le voit en proie à une soif brûlante, et elle ne peut le soulager. Elle contemple son regard qui s’éteint, sa tète qui s’affaisse sur sa poitrine : tout est consommé.

Marie ne s’éloigne pas de l’arbre de douleur, à l’ombre duquel l’amour maternel l’a retenue jusqu’ici : et cependant quelles cruelles émotions l’y attendent encore ! Un soldat vient sous ses yeux traverser d’un coup de lance la poitrine de son fils expiré. « Ah ! dit encore saint Bernard, c’est votre cœur, ô mère, qui est transpercé par le fer de cette lance, bien plus que celui de votre fils qui a déjà rendu son dernier soupir. Son âme n’est plus là ; mais c’est la vôtre qui ne s’en peut détacher. » L’invincible mère persiste à la garde des restes sacrés de son fils. Ses yeux le voient détacher de la Croix ; et lorsqu’enfin les pieux amis de Jésus, avec tout le respect qu’ils doivent au fils et à la mère, le lui rendent tel que la mort le lui a fait, elle le reçoit sur ses genoux maternels, sur ses genoux qui autrefois furent le trône où il reçut les hommages des princes de l’Orient. Qui comptera les soupirs et les sanglots de cette mère pressant sur son cœur la dépouille inanimée du plus cher des fils ? Qui comptera aussi les blessures dont le corps de la victime universelle est couvert ?

Mais l’heure avance, le soleil descend de plus en plus au couchant ; il faut se hâter de renfermer dans le sépulcre le corps de celui qui est l’auteur de la vie. La mère de Jésus rassemble toute l’énergie de son amour dans un dernier baiser, et oppressée d’une douleur immense comme la mer, elle livre ce corps adorable à ceux qui doivent, après l’avoir embaumé, l’étendre sur la pierre du tombeau. Le sépulcre se ferme ; et Marie, accompagnée de Jean, son fils adoptif, et de Madeleine, suivie des deux disciples qui ont présidé aux funérailles, et des autres saintes femmes, rentre désolée dans la cité maudite.

Ne verrons-nous dans tout ceci qu’une scène de deuil, que le spectacle lamentable des souffrances qu’a endurées la mère de Jésus, près de la Croix de son fils ? Dieu n’avait-il pas une intention en la faisant assister en personne à une si désolante scène ? Pourquoi ne l’a-t-il pas enlevée de ce monde, comme Joseph, avant le jour où la mort de Jésus devait causer à son cœur maternel une affliction qui surpasse toutes celles qu’ont ressenties toutes les mères, depuis l’origine du monde ? Dieu ne l’a pas fait, parce que la nouvelle Ève avait un rôle à remplir au pied de l’arbre de la Croix. De même que le Père céleste attendit son consentement avant d’envoyer le Verbe éternel sur cette terre, de même aussi l’obéissance et le dévouement de Marie furent requis pour l’immolation du Rédempteur. N’était-il pas le bien le plus cher de cette mère incomparable, ce fils qu’elle n’avait conçu qu’après avoir acquiescé à l’offre divine ? Le ciel ne devait pas le lui enlever, sans qu’elle le donnât elle-même.

Quelle lutte terrible eut lieu alors dans ce cœur si aimant ! L’injustice, la cruauté des hommes lui ravissent son fils ; comment elle, sa mère, peut-elle ratifier, par un consentement, la mort de celui qu’elle aime d’un double amour, comme son fils et comme son Dieu ? D’un autre côté, si Jésus n’est pas immolé, le genre humain demeure la proie de Satan, le péché n’est pas réparé, et c’est en vain qu’elle est devenue mère d’un Dieu. Ses honneurs et ses joies sont pour elle seule ; et elle nous abandonne à notre triste sort. Que fera donc la Vierge de Nazareth, celle dont le cœur est si grand, cette créature toujours pure, dont les affections ne furent jamais entachées de l’égoïsme qui se glisse si aisément dans les âmes où a régné la faute originelle ? Marie, par dévouement pour les hommes, s’unissant au désir de son fils qui ne respire que leur salut, Marie triomphe d’elle-même ; elle dit une seconde fois cette solennelle parole : Fiat, et consent à l’immolation de son fils. La justice de Dieu ne le lui ravit pas ; c’est elle qui le cède ; mais en retour elle est élevée a un degré de grandeur que son humilité n’eût jamais pu concevoir. Une ineffable union s’établit entre l’offrande du Verbe incarné et celle de Marie ; le sang divin et les larmes de la mère coulent ensemble, et se mêlent pour la rédemption du genre humain.

Comprenez maintenant la conduite de cette Mère de douleurs, et le courage qui l’anime. Bien différente de cette autre mère dont parle l’Écriture, l’infortunée Agar, qui, après avoir en vain cherché à étancher la soif d’Ismaël haletant sous le soleil du désert, s’éloigne pour ne pas voir mourir son fils ; Marie, ayant entendu que le sien est condamné à mort, se lève, court sur ses traces jusqu’à ce qu’elle l’ait rencontré, et l’accompagne au lieu où il doit expirer. Et quelle est son attitude au pied de la Croix de ce fils ? Y paraît-elle défaillante et abattue ? La douleur inouïe qui l’oppresse l’a-t-elle renversée par terre, ou entre les bras de ceux qui l’entourent ? Non ; le saint Évangile répond d’un seul mot à ces questions : « Marie était debout (stabat) près de la Croix. » Le sacrificateur se tient debout à l’autel ; pour offrir un sacrifice tel que le sien, Marie devait garder la même attitude. Saint Ambroise, dont l’âme tendre et la profonde intelligence des mystères nous ont transmis de si précieux traits sur le caractère de Marie, exprime tout dans ces quelques mots : « Elle se tenait debout en face de la Croix, contemplant de ses regards maternels les blessures de son fils, attendant, non la mort de ce cher fils, mais le salut du monde. »

Ainsi, cette Mère de douleurs, dans un pareil moment, loin de nous maudire, nous aimait, sacrifiait à notre salut jusqu’aux souvenirs de ces heures de bonheur qu’elle avait goûtées dans son fils. Maigre les cris de son cœur maternel, elle le rendait à son Père comme un dépôt confié. Le glaive pénétrait toujours plus avant dans son âme ; mais nous étions sauvés ; et bien qu’elle ne fût qu’une pure créature, elle coopérait, avec son fils, à notre salut. Devons-nous être étonnés, après cela, que Jésus choisisse ce moment même pouf l’établir la Mère des hommes, en la personne de Jean qui nous représentait tous ? Jamais encore le Cœur de Marie ne s’était autant ouvert en notre faveur. Qu’elle soit donc désormais, cette nouvelle Ève, la véritable « Mère des vivants ». Le glaive, en traversant son Cœur immaculé, nous en a frayé l’entrée. Dans le temps et dans l’éternité, Marie étendra jusqu’à nous l’amour qu’elle porte à son fils ; car elle vient de lui entendre dire que nous aussi désormais nous sommes à elle. Pour nous avoir rachetés, il est notre Seigneur ; pour avoir si généreusement coopéré à notre rachat, elle est notre Dame.

Dans cette confiance, ô Mère affligée, nous venons aujourd’hui vous rendre, avec la sainte Église, notre filial hommage. Jésus, le fruit de vos entrailles, fut enfanté par vous sans douleur ; nous, vos enfants d’adoption, nous sommes entrés dans votre cœur par le glaive. Aimez-nous cependant, ô Marie, corédemptrice des hommes ! Et comment ne compterions-nous pas sur l’amour de votre cœur si généreux, lorsque nous savons que, pour notre salut, vous vous êtes unie au sacrifice de votre Jésus ? Quelles preuves ne nous avez-nous pas constamment données de votre maternelle tendresse, ô vous quiètes la Reine de miséricorde, le refuge des pécheurs, l’avocate infatigable de toutes nos misères ? Daignez, ô Mère, veiller sur nous en ces jours. Donnez-nous de sentir et de goûter la douloureuse Passion de votre fils. C’est sous vos yeux qu’elle s’est accomplie ; vous y avez pris une part sublime. Faites-nous-en pénétrer tous les mystères, afin que nos âmes, rachetées du sang de votre fils et arrosées de vos larmes, se convertissent enfin au Seigneur, et persévèrent désormais dans son service.

 

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Annonciation de la Bienheureuse Vierge Marie

25 Mars 2021 , Rédigé par Ludovicus

Annonciation de la Bienheureuse Vierge Marie

Collecte

O Dieu, qui avez voulu que votre Verbe prît un corps humain à la parole de l’Ange dans le sein de la bienheureuse Vierge Marie ; accordez à ceux qui vous en supplient que, nous qui la croyons véritablement Mère de Dieu, nous soyons secourus auprès de vous grâce à son intercession.

Lecture Is. 7, 10-15

En ces jours-là : Le Seigneur parla à Achaz et lui dit : Demande pour toi un signe au Seigneur ton Dieu, soit au fond de la terre, soit au plus haut du ciel. Et Achaz lui répondit : Je ne demanderai rien, et je ne tenterai pas le Seigneur. Et Isaïe dit : Écoutez donc, maison de David. Ne vous suffit-il pas de lasser la patience des hommes, que vous lassiez encore celle de mon Dieu ? C’est pourquoi le Seigneur lui-même vous donnera un signe : Une vierge concevra,et elle enfantera un fils, auquel on donnera le nom d’Emmanuel. Il mangera du beurre et du miel, en sorte qu’il sache rejeter le mal et choisir le bien.

Évangile Lc. 1, 26-38

En ce temps-là, l’Ange Gabriel fut envoyé de Dieu dans une ville de Galilée, appelée Nazareth, auprès d’une vierge fiancée à un homme de la maison de David, nommé Joseph ; et le nom de la vierge était Marie. L’ange, étant entré auprès d’elle, lui dit : Je vous salue, pleine de grâce ; le Seigneur est avec vous, vous êtes bénie entre les femmes. Elle, l’ayant entendu, fut troublée de ses paroles, et elle se demandait quelle pouvait être cette salutation. Et l’ange lui dit : Ne craignez point, Marie, car vous avez trouvé grâce devant Dieu. Voici que vous concevrez dans votre sein, et vous enfanterez un fils, et vous lui donnerez le nom de Jésus. Il sera grand, et sera appelé le Fils du Très-Haut ; et le Seigneur Dieu 1ui donnera le trône de David son père, et il régnera éternellement sur la maison de Jacob ; et son règne n’aura pas de fin. Alors Marie dit à l’ange : Comment cela se fera-t-il ? Car je ne connais point d’homme. L’ange lui répondit : L’Esprit-Saint surviendra en vous, et la vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre ; c’est pourquoi le fruit saint qui naîtra de vous sera appelé le Fils de Dieu. Et voici qu’Élisabeth, votre parente, a conçu, elle aussi, un fils dans sa vieillesse, et ce mois est le sixième de celle qui est appelée stérile ; car il n’y a rien d’impossible à Dieu. Et Marie dit : Voici la servante du Seigneur ; qu’il me soit fait selon votre parole.

Office

Au deuxième nocturne.

Sermon de saint Léon, Pape.

Quatrième leçon. Dès que la méchanceté du démon nous eut empoisonnés du venin mortel de son envie, le Dieu tout-puissant et clément, dont la nature est bonté, la volonté, puissance, et l’action, miséricorde, indiqua d’avance le remède que sa pitié destinait à guérir les humains ; et cela, dans les premiers temps du monde, quand il déclara au serpent que de la femme naîtrait quelqu’un d’assez fort pour écraser sa tète pleine d’orgueil et de malice : il annonçait par laque le Christ viendrait en notre chair, à la fois Dieu et homme, et que, né d’une vierge, sa naissance condamnerait celui par qui la race humaine avait été souillée.
Cinquième leçon. Après avoir trompé l’homme par sa fourberie, le démon se réjouissait de le voir privé des dons célestes, dépouillé du privilège de l’immortalité, et soumis à un terrible arrêt de mort ; il se réjouissait d’avoir trouvé quelque consolation dans ses maux par la compagnie du prévaricateur, et d’avoir été cause que Dieu, ayant créé l’homme dans un état si honorable, avait changé ses dispositions à son égard, pour obéir aux exigences d’une juste sévérité. Il a donc fallu, bien-aimés frères, la merveilleuse économie d’un profond dessein, pour qu’un Dieu immuable et dont la volonté ne peut cesser d’être bonne, accomplît, au moyen d’un mystère plus caché, les premières vues de son amour, et pour que l’homme, entraîné au mal par l’astuce et la méchanceté du démon, rie vînt pas à périr, contrairement au but que Dieu s’était proposé.
Sixième leçon. Lors donc, bien-aimés frères, qu’arrivent les temps, marqués d’avance pour la rédemption des hommes, notre Seigneur Jésus-Christ descend du ciel et vient ici-bas, sans quitter la gloire de son Père : c’est un prodige nouveau que sa génération, un prodige nouveau que sa nativité. Prodige nouveau : lui qui est invisible de sa nature, il s’est rendu visible dans la nôtre ; lui qui est immense et insaisissable, il a voulu être saisi et limité ; lui qui subsiste ayant les siècles, il a commencé d’être au cours des siècles ; lui, souverain maître de l’univers, il a voilé l’éclat de sa majesté et revêtu la forme d’un esclave ; lui, Dieu impassible et immortel, il n’a point dédaigné de se faire homme passible, de s’assujettir aux lois de la mortalité !

Au troisième nocturne

Homélie de saint Ambroise, Évêque.

Septième leçon. A la vérité, les secrets et les mystères de Dieu sont cachés, et, selon la parole d’un Prophète, il n’est pas facile aux hommes de pénétrer ses desseins ; cependant, par les autres actions et instructions du Sauveur, nous pouvons comprendre que ce n’est pas sans un dessein particulier que celle-là a été choisie pour enfanter le Seigneur, qui était l’épouse d’un homme. Mais pourquoi n’a-t-elle pas été mère avant d’être épousée ? De crainte, peut-être, qu’on ne l’accusât d’adultère.
Huitième leçon. Or l’Ange vint vers elle. Reconnaissez la Vierge à ses actes, reconnaissez la Vierge à sa modestie ; apprenez à la connaître par l’oracle qui lui est annoncé, par le mystère qui s’opère en elle. C’est le propre des vierges de trembler, de s’effrayer à l’approche d’un homme, et de craindre tous ses discours. Que les femmes apprennent à imiter cet exemple de modestie. Marie vit seule dans sa maison, se dérobant aux regards des hommes ; un Ange seul trouve accès auprès d’elle. Elle est seule, sans compagnie ; seule, sans témoin, de crainte d’être corrompue par un entretien profane, et l’Ange la salue.
Neuvième leçon. Ce n’était pas la bouche d’un homme, mais celle d’un Ange, qui devait exposer le mystère d’un tel message. Aujourd’hui pour la première fois l’on entend : « L’Esprit Saint surviendra en vous ». On entend et on croit. « Voici, dit Marie, la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon votre parole ». Voyez son humilité, voyez son dévouement. Elle se dit la servante du Seigneur, elle qui est choisie pour sa mère ; et elle ne s’enorgueillit pas de cette promesse inattendue.

Cette journée est grande dans les annales de l’humanité ; elle est grande aux yeux même de Dieu : car elle est l’anniversaire du plus solennel événement qui se soit accompli dans le temps. Aujourd’hui, le Verbe divin, par lequel le Père a créé le monde, s’est fait chair au sein d’une Vierge, et il a habité parmi nous. Suspendons en ce jour nos saintes tristesses ; et en adorant les grandeurs du Fils de Dieu qui s’abaisse, rendons grâces au Père qui a aimé le monde jusqu’à lui donner son Fils unique, et au Saint-Esprit dont la vertu toute-puissante opère un si profond mystère Au sein même de l’austère Quarantaine, voici que nous préludons aux joies ineffables de la fête de Noël ; encore neuf mois, et notre Emmanuel conçu en ce jour naîtra dans Bethléem, et les concerts des Anges nous convieront à venir saluer sa naissance fortunée.

Dans la semaine de la Septuagésime, nous avons contemplé avec terreur la chute de nos premiers parents ; nous avons entendu la voix de Dieu dénonçant la triple sentence, contre le serpent, contre la femme, et enfin contre l’homme. Nos cœurs ont été glacés d’effroi au bruit de cette malédiction dont les effets sont arrives sur nous, et doivent se taire sentir jusqu’au dernier jour du monde. Cependant, une espérance s’est fait jour dans notre âme ; du milieu des anathèmes, une promesse divine a brillé tout à coup comme une lueur de salut. Notre oreille a entendu le Seigneur irrite dire au serpent infernal qu’un jour sa tête altière serait brisée, et que le pied d’une femme lui porterait ce coup terrible.

Le moment est venu où le Seigneur va remplir l’antique promesse. Durant quatre mille ans, le monde en attendit l’effet ; malgré ses ténèbres et ses crimes, cette espérance ne s’éteignit pas dans son sein. Dans le cours des siècles, la divine miséricorde a multiplié les miracles, les prophéties, les figures, pour rappeler l’engagement qu’elle daigna prendre avec l’homme. Le sang du Messie a passé d’Adam à Noé ; de Sem à Abraham, Isaac et Jacob ; de David et Salomon à Joachim ; il coule maintenant dans les veines de Marie, tille de Joachim. Marie est cette femme par qui doit être levée la malédiction qui pèse sur notre race. Le Seigneur, en la décrétant immaculée, a constitué une irréconciliable inimitié entre elle et le serpent ; et c’est aujourd’hui que cette tille d’Ève va réparer la chute de sa mère, relever son sexe de l’abaissement dans lequel il était plongé, et coopérer directement et efficacement à la victoire que le Fils de Dieu vient remporter en personne sur l’ennemi de sa gloire et du genre humain.

La tradition apostolique a signalé à la sainte Église le vingt-cinq mars, comme le jour qui vit s’accomplir l’auguste mystère. Ce fut à l’heure de minuit que la très pure Marie, seule, et dans le recueillement de la prière, vit apparaître devant elle le radieux Archange descendu du ciel pour venir recevoir son consentement, au nom de la glorieuse Trinité. Assistons à l’entrevue de l’Ange et de la Vierge, et reportons en même temps notre pensée aux premiers jours du monde. Un saint Évêque martyr du IIe siècle, fidèle écho de l’enseignement des Apôtres, saint Irénée, nous a appris à rapprocher cette grande scène de celle qui eut lieu sous les ombrages d’Éden.

Dans le jardin des délices, c’est une vierge qui se trouve en présence d’un ange, et un colloque s’établit entre l’ange et la vierge. A Nazareth, une vierge est aussi interpellée par un ange, et un dialogue s’établit entre eux ; mais l’ange du Paradis terrestre est un esprit de ténèbres, et celui de Nazareth est un esprit de lumière Dans les deux rencontres, c’est l’ange qui prend le premier la parole. « Pourquoi, dit l’esprit maudit à la première femme, pourquoi Dieu vous a-t-il commandé de ne pas manger du fruit de tous les arbres de ce jardin ? » On sent déjà dans cette demande impatiente la provocation au mal, le mépris, la haine envers la faible créature dans laquelle Satan poursuit l’image de Dieu.

Voyez au contraire l’ange de lumière avec quelle douceur, quelle paix, il approche de la nouvelle Ève ! Avec quel respect il s’incline devant cette fille des hommes ! « Salut, ô pleine de grâce ! Le Seigneur est avec vous ; vous êtes bénie entre les femmes » Qui ne reconnaît l’accent céleste dans ces paroles où tout respire la dignité et la paix ! Mais continuons de suivre le mystérieux parallèle.

La femme d’Éden, dans son imprudence, écoute la voix du séducteur ; elle s’empresse de répondre. Sa curiosité l’engage dans une conversation avec celui qui l’invite à scruter les décrets de Dieu. Elle n’a pas de défiance à l’égard du serpent qui lui parle, tout à l’heure, elle se défiera de Dieu même.

Marie a entendu les paroles de Gabriel ; mais cette Vierge très prudente, comme parle l’Église, demeure dans le silence. Elle se demande d’où peuvent venir ces éloges dont elle est l’objet. La plus pure, la plus humble des vierges craint la flatterie ; et l’envoyé céleste n’obtiendra pas d’elle une parole qu’il n’ait éclairci sa mission par la suite de son discours. « Ne craignez pas, ô Marie, dit-il à la nouvelle Ève : car vous avez trouvé grâce devant le Seigneur. Voici que vous concevrez et enfanterez un fils, et vous l’appellerez Jésus. Il sera grand, et il sera appelé le Fils du Très-Haut ; et le Seigneur lui donnera le trône de David son père ; il régnera sur la maison de Jacob à jamais, et son règne n’aura pas de fin. »

Quelles magnifiques promesses descendues du ciel, de la part de Dieu ! Quel objet plus digne de la noble ambition d’une fille de Juda, qui sait de quelle gloire doit être entourée l’heureuse mère du Messie ? Cependant, Marie n’est pas tentée par tant d’honneur. Elle a pour jamais consacré sa virginité au Seigneur, afin de lui être plus étroitement unie par l’amour ; la destinée la plus glorieuse qu’elle ne pourrait obtenir qu’en violant ce pacte sacré, ne saurait émouvoir son âme. « Comment cela pourrait-il se faire, répond-elle à l’Ange, puisque je ne connais pas d’homme ? »

La première Ève ne montre pas ce calme, ce désintéressement. A peine l’ange pervers lui a-t-il assuré qu’elle peut violer, sans crainte de mourir, le commandement de son divin bienfaiteur, que le prix de sa désobéissance sera d’entrer par la science en participation de la divinité même : tout aussitôt, elle est subjuguée. L’amour d’elle-même lui a fait oublier en un instant le devoir et la reconnaissance ; elle est heureuse de se voir affranchie au plus tôt de ce double lien qui lui pèse.

Telle se montre cette femme qui nous a perdus ; mais combien différente nous apparaît cette autre femme qui devait nous sauver ! La première, cruelle à sa postérité, se préoccupe uniquement d’elle-même ; la seconde s’oublie, pour ne songer qu’aux droits de Dieu sur elle. L’Ange, ravi de cette sublime fidélité, achève de lui dévoiler le plan divin « L’Esprit-Saint, lui dit-il, surviendra en vous ; la Vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre ; et c’est pour cela que ce qui naîtra de vous sera appelé le Fils de Dieu. Élisabeth votre cousine a conçu un fils, malgré sa vieillesse ; celle qui fut stérile est arrivée déjà à son sixième mois : car rien n’est impossible à Dieu. » L’Ange arrête ici son discours, et il attend dans le silence la résolution de la vierge de Nazareth.

Reportons nos regards sur la vierge d’Éden. A peine l’esprit infernal a-t-il cessé de parler, qu’elle jette un œil de convoitise sur le fruit défendu ; elle aspire à l’indépendance dont ce fruit si délectable va la mettre en possession. Sa main désobéissante s’avance pour le cueillir ; elle le saisit, elle le porte avidement à sa bouche, et au même instant la mort prend possession d’elle : mort de l’âme par le péché qui éteint la lumière de vie ; mort du corps qui séparé du principe d’immortalité, devient désormais un objet de honte et de confusion, en attendant qu’il tombe en poussière.

Mais détournons nos yeux de ce triste spectacle, et revenons a Nazareth. Marie a recueilli les dernières paroles de l’Ange ; la volonté du ciel est manifeste pour elle. Cette volonté lui est glorieuse et fortunée : elle l’assure que l’ineffable bonheur de se sentir Mère d’un Dieu lui est réservé, à elle humble fille de l’homme, et que la fleur de virginité lui sera conservée. En présence de cette volonté souveraine, Marie s’incline dans une parfaite obéissance, et dit au céleste envoyé : « Voici la servante du Seigneur ; qu’il me soit fait selon votre parole ».

Ainsi, selon la remarque de notre grand saint Irénée, répétée par toute la tradition chrétienne, l’obéissance de la seconde femme répare la désobéissance de la première ; car la Vierge de Nazareth n’a pas plus tôt dit : Qu’il me soit fait, Fiat, que le Fils éternel de Dieu qui, selon le décret divin, attendait cette parole, se rend présent, par l’opération de l’Esprit-Saint, dans le chaste sein de Marie, et vient y commencer une vie humaine. Une Vierge devient Mère, et la Mère d’un Dieu ; et c’est l’acquiescement de cette Vierge à la souveraine volonté qui la rend féconde, par l’ineffable vertu de l’Esprit-Saint. Mystère sublime qui établit des relations de fils et de mère entre le Verbe éternel et une simple femme ; qui fournit au Tout-Puissant un moyen digne de lui d’assurer son triomphe contre L’esprit infernal, dont l’audace et la perfidie semblaient avoir prévalu jusqu’alors contre le plan divin !

Jamais défaite ne fut plus humiliante et plus complète que celle de Satan, en ce jour Le pied de la femme, de cette humble créature qui lui offrit une victoire si facile, ce pied vainqueur, il le sent maintenant peser de tout son poids sur sa tête orgueilleuse qui en est brisée. Ève se relève dans son heureuse fille pour écraser le serpent. Dieu n’a pas choisi l’homme pour cette vengeance : l’humiliation de Satan n’eût pas été assez profonde. C’est la première proie de l’enfer, sa victime la plus faible, la plus désarmée, que le Seigneur dirige contre cet ennemi. Pour prix d’un si haut triomphe, une femme dominera désormais non seulement sur les anges rebelles, mais sur toute la race humaine ; bien plus, sur toutes les hiérarchies des Esprits célestes. Du haut de son trône sublime, Marie Mère de Dieu plane au-dessus de toute la création. Au fond des abîmes infernaux Satan rugira d’un désespoir éternel, en songeant au malheur qu’il eut de diriger ses premières attaques contre un être fragile et crédule que Dieu a si magnifiquement vengé ; et dans les hauteurs du ciel, les Chérubins et les Séraphins lèveront timidement leurs regards éblouis vers Marie, ambitionneront son sourire, et se feront gloire d’exécuter les moindres désirs de cette femme, la Mère du grand Dieu et la sœur des hommes.

C’est pourquoi nous, enfants de la race humaine, arrachés à la dent du serpent infernal par l’obéissance de Marie, nous saluons aujourd’hui l’aurore de notre délivrance. Empruntant les paroles du cantique de Debbora, où cette femme, type de Marie victorieuse, chante son triomphe sur les ennemis du peuple saint, nous disons : « La race des forts avait disparu d’Israël, jusqu’au jour où s’éleva Debbora, où parut celle qui est la mère dans Israël. Le Seigneur a inauguré un nouveau genre de combat ; il a forcé les portes de son ennemi » Prêtons l’oreille, et entendons encore, à travers les siècles, cette autre femme victorieuse, Judith. Elle chante à son tour : « Célébrez le Seigneur notre Dieu, qui n’abandonne pas ceux qui espèrent en lui. C’est en moi, sa servante, qu’il a accompli la miséricorde promise à la maison d’Israël ; c’est par ma main qu’il a immolé, cette nuit même, l’ennemi de son peuple. Le Seigneur tout-puissant a frappé cet ennemi ; il l’a livré aux mains d’une femme, et il l’a percé de son glaive. »

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Mercredi de la Passion

24 Mars 2021 , Rédigé par Ludovicus

Mercredi de la Passion

Collecte

Dieu de miséricorde, sanctifiez ce jeûne, éclairez les cœurs de vos fidèles, et prêtez une oreille favorable aux supplications de ceux auxquels vous inspirez le sentiment de la piété. Par Notre-Seigneur.

Lecture Lv. 19, 1-2, 11-19 et 25

En ces jours-là, le Seigneur parla à Moïse et lui dit : Parlez à toute l’assemblée des enfants d’Israël et dites-leur : Je suis le Seigneur votre Dieu. Vous ne déroberez point. Vous ne mentirez point, et nul ne trompera son prochain. Vous ne jurerez point faussement en mon nom, et vous ne profanerez pas le nom de votre Dieu. Je suis le Seigneur. Vous ne calomnierez pas votre prochain, et vous ne l’opprimerez point par violence. Le salaire du mercenaire qui vous donne son travail ne demeurera point chez vous jusqu’au matin. Vous ne maudirez point le sourd, et vous ne mettrez rien devant l’aveugle pour le faire tomber ; mais vous craindrez le Seigneur votre Dieu, parce que je suis le Seigneur. Vous ne ferez rien contre l’équité, et vous ne jugerez point injustement. N’ayez point d’égard contre la justice à la personne du pauvre, et ne respectez point contre la justice la personne de l’homme puissant. Jugez votre prochain selon la justice. Vous ne serez point parmi votre peuple ni un calomniateur public ni un médisant secret. Vous ne ferez point d’entreprise contre le sang de votre prochain. Je suis le Seigneur. Vous ne haïrez point votre frère dans votre cœur, mais vous le reprendrez publiquement, de peur que vous ne péchiez vous-même à son sujet. Ne cherchez point à vous venger, et ne conservez point le souvenir de l’injure de vos con- citoyens. Vous aimerez votre prochain comme vous-même. Je suis le Seigneur. Gardez mes lois, car je suis le Seigneur votre Dieu.

Évangile Jn. 10, 22-38

En ce temps-là, on célébrait à Jérusalem la fête de ; la Dédicace ; et c’était l’hiver. Et Jésus se promenait dans le temple, sous le portique de Salomon. Les Juifs l’entourèrent donc, et lui dirent : Jusques à quand tiendrez-vous notre esprit en suspens ? Si vous êtes le Christ, dites-le-nous clairement.

Jésus leur répondit : Je vous parle, et vous ne croyez pas. Les œuvres que je fais au nom de mon Père rendent elles-mêmes témoignage de moi. Mais vous ne croyez point, parce que vous n’êtes pas de mes brebis. Mes brebis écoutent ma voix, et je les connais, et elles me suivent. Je leur donne la vie éternelle, et elles ne périront jamais, et personne ne les ravira de ma main. Ce que mon Père m’a donné est plus grand que toutes choses, et personne ne peut le ravir de la main de mon Père. Moi et le Père, nous ne sommes qu’un.

Alors les Juifs prirent des pierres, pour le lapider.

Jésus leur dit : Je vous ai montré beaucoup de bonnes œuvres, venant de mon Père ; pour laquelle de ces œuvres me lapidez-vous ?

Les Juifs lui répondirent : Ce n’est pas pour une bonne œuvre que nous vous lapidons, mais pour un blasphème et parce qu’étant homme vous vous faites Dieu.

Jésus leur répondit : N’est-il pas écrit dans votre loi : J’ai dit : Vous êtes des dieux ? Si elle appelle dieux ceux à qui la parole de Dieu a été adressée (et l’Écriture ne peut être détruite), comment dites-vous à celui que le Père a sanctifié et envoyé dans le monde : Tu blasphèmes, parce que j’ai dit : Je suis le Fils de Dieu ? Si je ne fais pas les œuvres de mon Père, ne me croyez pas. Mais si je les fais, et si vous ne voulez pas me croire, croyez à mes œuvres, afin que vous connaissiez et que vous croyiez que le Père est en moi, et moi dans le Père.

Postcommunion

Ayant reçu les espèces bénies du don céleste, nous vous demandons instamment, ô Dieu tout-puissant, que votre bénédiction nous donne à la fois ce sacrement et le gage de notre salut. Par Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Office

1ère leçon

Homélie de saint Augustin, Évêque

La fête que les Juifs appelaient Encænia était l’anniversaire de la dédicace du temple. En effet, le mot cænon signifie nouveau. Chaque fois qu’on inaugure un nouvel objet cela s’appelle ordinairement encaenia, et même aujourd’hui l’usage a consacré cette expression. Si quelqu’un revêt une tunique neuve, on dit de lui : encaeniat. Les Juifs célébraient avec solennité l’anniversaire du jour où le temple avait été dédié et l’on était au jour même de cette fête quand le Seigneur prononça les paroles qu’on vient de lire.

2e leçon

« C’était : l’hiver, et Jésus se promenait dans le temple, sous le portique de Salomon. Les Juifs donc l’entourèrent et lui dirent : Jusqu’à quand tiendras-tu notre esprit en suspens ? Si tu es le Christ, dis-le-nous ouvertement. » Ils ne désiraient point connaître la vérité, mais ils cherchaient l’occasion de calomnier le Sauveur. « C’était l’hiver », et ils étaient froids, car ils ne faisaient aucun effort pour s’approcher de ce feu divin. Si s’en approcher, c’est croire ; qui croit, s’en approche ; qui refuse de croire, s’en éloigne. Ce n’est point par les pieds du corps, c’est par les affections que l’âme se meut.

3e leçon

Ils étaient devenus froids sous le rapport de la charité et de l’amour, mais ils brûlaient du désir de nuire. Ils étaient bien loin tout en étant présents ; ils n’approchaient pas de lui en croyant, mais le désir de le persécuter les amenait à lui. Ils désiraient entendre dire au Seigneur : Je suis le Christ, et peut-être n’avaient-ils du Christ que des idées tout humaines. Les Prophètes ont annoncé le Christ, mais les hérétiques ne reconnaissent la divinité du Christ ni dans les prophéties, ni même dans l’Évangile ; combien moins encore les Juifs le reconnaissent-ils, tant qu’ils ont un voile sur le cœur ?

A Rome, la Station est dans l’Église de Saint-Marcel, Pape et Martyr. Cette église avait été la maison de la sainte dame Lucine, qui la donna au Pontife pour la consacrer au culte de Dieu.

ÉPÎTRE.

L’Église, en nous mettant aujourd’hui sous les veux ce passage du Lévitique, dans lequel les devoirs de l’homme envers son prochain se trouvent exposés avec tant de clarté et d’abondance, veut faire comprendre au chrétien en quel détail il doit scruter et réformer sa vie, sur un point de si haute importance. C’est Dieu même qui parle ici et qui intime ses ordres ; entendez comme il répète presque à chaque phrase : « Moi, le Seigneur » ; afin de nous faire comprendre qu’il se constituera le vengeur du prochain que nous aurions lésé. Que ce langage devait être nouveau à l’oreille des catéchumènes, élevés au sein de ce monde païen, égoïste et sans entrailles, qui ne leur avait jamais dit que tous les hommes étant frères, Dieu, Père commun de l’immense famille de l’humanité, exigeait qu’ils s’aimassent tous d’un amour sincère, sans distinction de races et de condition ! Nous, chrétiens, en ces jours de réparation, songeons à remplir à la lettre les intentions du Seigneur notre Dieu. Souvenons-nous que ces préceptes furent intimés au peuple israélite, bien des siècles avant la publication de la Loi de miséricorde. Or, si le Seigneur prescrivait au Juif un si sincère amour de ses frères, lorsque la loi divine n’était encore écrite que sur des tables de pierre, que ne demandera-t-il pas du chrétien qui peut maintenant la lire dans le cœur de l’Homme-Dieu descendu du ciel et devenu notre frère, afin qu’il nous fût à la fois plus facile et plus doux de remplir le précepte de la charité ? L’humanité unie en sa personne à la divinité est désormais sacrée ; elle est devenue l’objet des complaisances du Père céleste : c’est par amour fraternel pour elle que Jésus se dévoue à la mort, nous apprenant par son exemple à aimer si sincèrement nos frères que, s’il est nécessaire, « nous allions jusqu’à donner notre vie pour eux ». C’est le disciple bien-aimé qui l’a appris de son Maître, et qui nous l’enseigne.

ÉVANGILE.

Après la fête des Tabernacles vint celle de la Dédicace, et Jésus était demeuré à Jérusalem. La haine de ses ennemis croissait toujours, et voici qu’ils s’assemblent autour de lui, afin de lui faire dire qu’il est le Christ, pour l’accuser ensuite d’usurper une mission qui n’est pas la sienne. Jésus dédaigne de leur répondre, et les renvoie aux prodiges qu’ils lui ont vu opérer, et qui rendent de lui un si éclatant témoignage. C’est par la foi, et par la foi seule, que l’homme peut arriver à Dieu en ce monde. Dieu se manifeste par des œuvres divines ; l’homme qui les connaît doit croire la vérité que de telles œuvres attestent ; en croyant ainsi, il a en même temps la certitude de ce qu’il croit et le mérite de sa croyance. Le Juif superbe se révolte ; il voudrait dicter la loi à Dieu même, et il ne comprend pas que sa prétention est aussi impie qu’elle est absurde.

Cependant il faut que la doctrine divine ait son cours, dût-elle exciter le scandale de ces esprits pervers. Jésus n’a pas à parler seulement pour eux : il faut aussi qu’il le fasse pour ceux qui croiront. Il dit donc alors cette grande parole, par laquelle il atteste, non plus seulement sa qualité de Christ, mais sa divinité : « Moi et mon Père, nous sommes une même chose ». Il savait qu’en s’exprimant ainsi il exciterait leur fureur ; mais il fallait qu’il se révélât à la terre et confondît d’avance l’hérésie. Arius se lèvera un jour contre le Fils de Dieu, et dira qu’il n’est que la plus parfaite des créatures : l’Église répondra qu’il est une même chose avec le Père, qu’il lui est consubstantiel ; et après bien des agitations et bien des crimes, la secte arienne s’éteindra et tombera dans l’oubli. Les Juifs sont ici les précurseurs d’Arius. Ils ont compris que Jésus confesse qu’il est Dieu, et ils tentent de le lapider. Par une dernière condescendance, Jésus veut les préparer à goûter cette vérité, en leur montrant par leurs Écritures que l’homme peut recevoir quelquefois, dans un sens restreint, le nom de Dieu, à raison des fonctions divines qu’il exerce ; puis il porte de nouveau leur pensée sur les prodiges qui témoignent si hautement de l’assistance que lui prête son Père, et répète avec une fermeté nouvelle que « le Père est en lui, et lui dans le Père ». Rien ne peut convaincre ces cœurs obstinés ; et la peine du péché qu’ils ont commis contre le Saint-Esprit pèse toujours sur eux davantage. Que différent est le sort des brebis du Sauveur ! « Elles écoutent sa voix, elles le suivent ; il leur donne la vie éternelle, et nul ne les ravira de ses mains. » Heureuses brebis ! Elles croient parce qu’elles aiment ; c’est par le cœur que la vérité se fait jour en elles ; de même que c’est par l’orgueil de l’esprit que les ténèbres pénètrent dans l’âme de l’incrédule, et s’y établissent pour toujours. L’incrédule aime les ténèbres ; il les appelle lumière, et il en vient à blasphémer, sans plus sentir qu’il blasphème. Le Juif en vient jusqu’à crucifier le Fils de Dieu pour rendre hommage à Dieu.

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Mardi de la Passion

23 Mars 2021 , Rédigé par Ludovicus

Mardi de la Passion

Collecte

Nous vous en supplions, Seigneur, faites que nos jeûnes vous soient agréables ; afin qu’expiant nos péchés, ils nous rendent dignes de votre grâce, et qu’ils nous servent de remèdes pour la vie éternelle. Par Notre-Seigneur.

Lecture Dn. 14, 27 et 28-42

En ces jours-là, les Babyloniens se réunirent auprès du roi et lui dirent : Livre-nous Daniel, qui a brisé Bel et tué le dragon ; autrement nous te ferons périr avec toute ta maison. Le roi vit donc qu’ils le pressaient avec violence, et, contraint par la nécessité, il leur livra Daniel. Ils le jettent dans la fosse aux lions, et il demeura six jours. Or il y avait dans la fosse sept lions et on leur donnait chaque jour deux corps et deux brebis ; mais on ne leur en donna point alors, afin qu’ils dévorassent Daniel. Cependant le prophète Habacuc était en Judée ; il avait fait cuire des aliments, et il avait broyé du pain dans un vase, et il allait aux champs les porter aux moissonneurs. Et l’ange du Seigneur dit à Habacuc : Porte à Babylone le repas que tu as, pour Daniel, qui est dans la fosse aux lions. Habacuc dit : Seigneur, je n’ai pas vu Babylone, et je ne connais pas la fosse. Alors l’ange du Seigneur le prit par le haut de la tête et le porta par les cheveux et il le déposa à Babylone, au-dessus de la fosse, avec l’impétuosité de son esprit. Et Habacuc cria en disant : Daniel, serviteur de Dieu, prends le repas que Dieu t’a envoyé. Et Daniel dit : Vous vous êtes souvenu de moi, ô Dieu, et vous n’avez pas abandonné ceux qui vous aiment. Et, se levant, Daniel mangea. Mais l’ange du Seigneur remit aussitôt Habacuc au lieu où il l’avait pris. Le roi vint, le septième jour, pour pleurer Daniel ; il s’approcha de la fosse et regarda dedans, et voici que Daniel était assis au milieu des lions. Et le roi poussa un grand cri et dit : Vous êtes grand, Seigneur, Dieu de Daniel. Et il le fit tirer de la fosse aux lions. Puis il fit jeter dans la fosse ceux qui avaient voulu perdre Daniel, et ils furent dévorés devant lui en un moment. Alors le roi dit : Que tous les habitants de toute la terre tremblent devant le Dieu de Daniel, car c’est lui qui est le Sauveur, qui fait des prodiges et des merveilles sur la terre, et qui a délivré Daniel de la fusse aux lions.

Évangile Jn. 7, 1-13

En ce temps-là, Jésus parcourait la Galilée ; car il ne voulait pas aller en Judée parce que les Juifs cherchaient à le faire mourir. Or la fête des Juifs, dite des Tabernacles, était proche. Et ses frères lui dirent : Pars d’ici, et va en Judée, afin que tes disciples voient aussi les œuvres que tu fais. Car personne n’agit en secret, lorsqu’il cherche à paraître ; si tu fais ces choses, manifeste-toi au monde. Car ses frères non plus ne croyaient pas en lui. Jésus leur dit donc : Mon temps n’est pas encore venu ; mais votre temps à vous est toujours prêt. Le monde ne peut vous haïr ; mais moi, il me hait parce que je rends de lui le témoignage que ses œuvres sont mauvaises. Vous montez à cette fête ; pour moi, je ne monte pas à cette fête, parce que mon temps n’est pas encore accompli. Après avoir dit cela, il demeura en Galilée. Mais, lorsque ses frères furent partis, il monta, lui aussi, à la fête, non pas publiquement, mais comme en secret. Les Juifs le cherchaient donc pendant la fête, et disaient : Où est-il ? Et il y avait une grande rumeur dans la foule à son sujet. Car les uns disaient : C’est un homme de bien ; les autres disaient : Non, mais il séduit les foules. Cependant, personne ne parlait de lui publiquement, par crainte des Juifs ?

Postcommunion

Accordez-nous, s’il vous plaît, Dieu tout-puissant, que recherchant constamment ce qui est divin, nous méritions de nous approcher des dons célestes. Par Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Office

1ère leçon

Homélie de saint Augustin, Évêque

Dans ce chapitre de l’Évangile, mes frères, notre Seigneur Jésus-Christ se manifeste plus particulièrement à notre foi sous le rapport de son humanité. Toutes ses paroles et toutes ses actions le révèlent à notre foi comme Dieu et comme homme : comme Dieu qui nous a faits, comme homme qui nous a recherchés ; Dieu toujours avec son Père, homme avec nous dans le temps. Il n’aurait point recherché l’homme qu’il avait fait, s’il n’était devenu lui-même cet homme qu’il avait créé. Cependant souvenez-vous-en et que cette pensée ne sorte point de votre esprit : le Christ fait homme n’a point cessé d’être Dieu, Celui qui a fait l’homme s’est fait homme lui-même en restant Dieu.

2e leçon

Lorsqu’il s’est caché comme homme il n’a point perdu sa puissance, gardons-nous de le croire ; mais il a voulu donner un exemple à notre faiblesse. On ne s’est emparé de lui que quand il l’a voulu, il a été mis à mort quand il l’a voulu. Mais comme plus tard ses membres, c’est-à-dire ses fidèles, ne devaient pas avoir la puissance qu’il possédait, lui, notre Dieu, en se cachant, en se dérobant à la fureur des hommes comme pour éviter la mort, il donnait à entendre que ses membres agiraient ainsi ; et, dans ses membres, il est lui-même.

3e leçon

Car il n’est point vrai que le Christ soit dans le chef sans être dans le corps ; il est tout entier dans le chef et dans le corps de son Église. Ce qui donc s’attribue à ses membres, il le faut attribuer à lui-même ; mais tout ce qui lui convient à lui, ne convient pas pour cela à ses membres. Si ses membres n’étaient pas lui-même, il n’aurait pas dit à Saul : « Pourquoi me persécutes-tu ? » Car ce n’était pas lui en personne que Saul persécutait sur la terre : c’étaient ses membres, c’est-à-dire ses fidèles. Il n’a point cependant voulu dire mes saints, mes serviteurs, ou ce qui est plus honorable encore, mes frères ; mais il dit : moi ; c’est-à-dire mes membres, dont je suis le chef.

Rome, la Station était autrefois à l’Église du saint martyr Cyriaque, et elle est encore marquée ainsi au Missel Romain ; mais cet antique sanctuaire ayant été ruiné, et le corps du saint diacre transféré dans l’Église de Sainte-Marie in Via lata, c’est dans cette dernière que la Station a lieu présentement.

ÉPÎTRE.

Cette lecture était destinée spécialement à l’instruction des catéchumènes. Ils se préparaient à donner leurs noms à la milice chrétienne ; il convenait donc de mettre sous leurs yeux les exemples qu’ils devaient étudier et réaliser dans leur vie. Daniel exposé aux lions, pour avoir méprisé et renversé l’idole de Bel, était le type du Martyr. Daniel avait confessé le vrai Dieu dans Babylone, exterminé un dragon monstrueux, image de Satan, auquel le peuple idolâtre, après la destruction de Bel, avait transporté ses hommages superstitieux ; la mort du Prophète pouvait seule apaiser les païens. Plein de confiance en son Dieu, Daniel s’était laissé descendre dans la fosse des lions, donnant ainsi aux âges chrétiens l’exemple de ce courageux dévouement qui devait apporter durant trois siècles la consécration du sang à l’établissement de l’Église. L’image de ce prophète entouré de lions se rencontre à chaque pas dans les Catacombes romaines ; et la plupart des peintures qui le retracent remontent au temps des persécutions. Ainsi les yeux des catéchumènes pouvaient contempler ce que leur oreille entendait lire, et tout leur parlait d’épreuves et de sacrifices. Il est vrai que l’histoire de Daniel leur montrait la puissance de Dieu intervenant pour arracher aux lions la proie innocente qu’on leur avait jetée ; mais les aspirants au baptême savaient d’avance que la délivrance sur laquelle ils devaient compter, ne leur serait accordée qu’après qu’ils auraient rendu le témoignage du sang. De temps en temps des prodiges se manifestaient jusque dans l’arène ; on voyait quelquefois les léopards lécher les pieds des Martyrs, et contenir leur voracité en présence des serviteurs de Dieu ; mais de si éclatants miracles ne faisaient que suspendre l’immolation des victimes et leur susciter des imitateurs.

C’était donc le courage de Daniel, et non sa victoire sur les lions, que l’Église proposait à l’attention des catéchumènes ; l’important pour eux était d’avoir désormais présente à la mémoire cette parole du Sauveur : « Ne craignez point ceux qui ne peuvent tuer que le corps ; mais craignez plutôt celui qui peut précipiter l’âme avec le corps dans l’enfer. » Nous sommes les descendants de ces premières générations de la sainte Église ; mais nous n’avons pas conquis au même prix l’avantage d’être chrétiens. Ce n’est plus en face des proconsuls que nous avons à confesser Jésus-Christ ; c’est en face du monde, cet autre tyran. Que l’exemple des Martyrs nous fortifie, en ces jours, pour la lutte qu’il nous faudra soutenir de nouveau contre ses maximes, ses pompes et ses œuvres. Il y a trêve entre lui et nous, dans ce temps de recueillement et de pénitence ; mais le moment viendra où nous devrons le braver et nous montrer chrétiens.

ÉVANGILE.

Les faits racontés dans ce passage du saint Évangile se rapportent à une époque un peu antérieure de la vie du Sauveur ; mais l’Église nous les propose aujourd’hui, à cause de la relation qu’ils ont avec ceux que nous avons lus dans le livre sacré depuis plusieurs jours. On voit que non seulement aux approches de cette Pâque qui devait être la dernière pour la Synagogue, mais dès le temps de la fête des Tabernacles, qui avait lieu au mois de septembre, la fureur des Juifs contre Jésus conspirait déjà sa mort. Le Fils de Dieu était réduit à voyager secrètement, et pour se rendre en sûreté à Jérusalem, il lui fallait prendre des précautions. Adorons ces humiliations de l’Homme-Dieu, qui a daigne sanctifier tous les états, même celui du juste persécuté et réduit à se dérober aux regards de ses ennemis. Il lui eût été facile d’éblouir ses adversaires par des miracles inutiles, comme ceux que désira Hérode, et de forcer ainsi leur culte et leur admiration. Dieu ne procède point ainsi ; il ne contraint pas ; il agit sous les yeux de l’homme ; mais, pour reconnaître l’action de Dieu, il faut que l’homme se recueille et s’humilie, qu’il fasse taire ses passions. Alors la lumière divine se manifeste à l’âme ; cette âme a vu suffisamment ; maintenant, elle croit et veut croire ; son bonheur, comme son mérite, est dans la foi ; elle est en mesure d’attendre la manifestation radieuse de l’éternité.

La chair et le sang ne l’entendent pas ainsi ; ils aiment l’éclat et le bruit. Le Fils de Dieu venant sur la terre ne devait pas se soumettre à un tel abaissement que de faire montre aux hommes de son pouvoir infini. Il avait à opérer des prodiges pour appuyer sa mission ; mais en lui, devenu le Fils de l’Homme, tout ne devait pas être prodige. La plus large part de sa carrière était réservée aux humbles devoirs de la créature : autrement il ne nous eût pas appris par son exemple ce que nous avions tant besoin de savoir. Ses frères (on sait que les Juifs étendaient le nom de frères à tous les parents en ligne collatérale), ses frères auraient voulu avoir leur part dans cette illustration vulgaire qu’ils désiraient pour Jésus. Ils lui fournissent l’occasion de leur dire cette forte parole que nous devons méditer en ce saint temps, pour nous en souvenir plus tard : « Le monde ne saurait vous haïr ; mais moi, il me hait ». Gardons-nous donc désormais de plaire au monde ; son amitié nous séparerait de Jésus-Christ.

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Lundi de la Passion

22 Mars 2021 , Rédigé par Ludovicus

Lundi de la Passion

Collecte

Nous vous en prions, Seigneur, sanctifiez nos jeûnes, et accordez-nous, dans votre bonté, le pardon de toutes nos fautes. Par Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Lecture Jon 3, 1-10

En ces Jours-là, la parole du Seigneur fut adressée une seconde fois à Jonas, en ces termes : Lève-toi, et va à Ninive, la grande ville, et prêches-y la prédication que je t’ordonne. Jonas se leva et alla à Ninive, selon la parole du Seigneur ; or Ninive était une grande ville, de trois jours de marche. Et Jonas commença à entrer dans la ville pendant un jour de marche ; et il cria, en disant : Encore quarante jours, et Ninive sera détruite. Les Ninivites crurent à Dieu ; ils publièrent un jeûne et se couvrirent de sacs, depuis le plus grand jusqu’au plus petit. La chose parvint au roi de Ninive ; et il se leva de son trône, ôta son vêtement, se couvrit d’un sac, et s’assit sur la cendre. Il fit crier et publier dans Ninive cet ordre, comme venant de la bouche du roi et de ses princes : Que les hommes et les bêtes, les bœufs et les brebis ne goûtent rien ; qu’ils ne paissent point, et ne boivent pas d’eau. Que les hommes et les bêtes soient couverts de sacs, et qu’ils crient au Seigneur avec force ; et que chacun revienne de sa voie mauvaise, et de l’iniquité qui est dans ses mains. Qui sait si Dieu ne se retournera pas pour pardonner, s’il n’apaisera pas la fureur de sa colère, de sorte que nous ne périssions pas ? Dieu vit leurs œuvres, II vit qu’ils étalent revenus de leur voie mauvaise ; et le Seigneur Dieu eut pitié de son peuple.

Évangile Jn. 7, 32-39

En ce temps-là les Princes et les Pharisiens envoyèrent des agents pour arrêter Jésus. Jésus leur dit donc : Je suis encore avec vous pour un peu de temps, puis je m’en vais à celui qui m’a envoyé. Vous me chercherez, et vous ne me trouverez pas ; et là où je serai, vous ne pouvez venir. Les Juifs dirent donc entre eux : Où ira-t-il, que nous ne le trouverons pas ? Ira-t-il vers ceux qui sont dispersés parmi les Gentils, et instruira-t-il les Gentils ? Que signifie cette parole qu’il a dite : Vous me chercherez, et vous ne me trouverez pas, et là où je serai, vous ne pouvez venir ? Le dernier Jour, qui est le plus grand de la fête, Jésus se tenait debout, et criait, en disant : Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et qu’il boive. Celui qui croît en moi, des fleuves d’eau vive couleront de son sein, comme dit l’Écriture. Il dit cela de l’Esprit que devaient recevoir ceux qui croyaient en lui.

Secrète

Accordez-nous, Seigneur notre Dieu, que cette hostie salutaire nous purifie de nos fautes et nous rende propice votre majesté. Par Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Office

1ère leçon

Homélie de S. Augustin, Évêque

Comment auraient-ils pu l’arrêter puisque Jésus ne voulait pas encore être pris ? Aussi comme ils ne pouvaient se saisir de lui contre son gré, leur mission n’eut d’autre effet que de les rendre témoins de ses enseignements. Or qu’enseignait-il ? « Jésus leur dit : Je suis encore pour un peu de temps avec vous. » Ce que vous voulez faire maintenant, vous le ferez, mais plus tard, car maintenant je ne le veux pas. Pourquoi est-ce que je n’y consens pas encore pour le moment ? « Parce que je suis encore avec vous pour un peu de temps, et que je vais vers Celui qui m’a envoyé. Je dois accomplir la mission qui m’est confiée, et parvenir ainsi à ma passion.

2e leçon

« Vous me chercherez, et vous ne me trouverez pas, et là où je suis vous ne pouvez venir. » Ces paroles sont déjà une prédiction de sa résurrection ; les Juifs, en effet, n’ont pas voulu le reconnaître lorsqu’il était présent au milieu d’eux,et ils le cherchèrent ensuite lorsqu’ils virent la multitude qui croyait en lui. En effet, il s’opéra de grands prodiges au temps de la résurrection et de l’ascension du Seigneur. Les disciples firent alors des miracles éclatants, mais ce fut lui qui les accomplit par eux comme il en avait opéré par lui-même, car il leur avait dit : « Vous ne pouvez rien faire sans moi. » Lorsque le boiteux qui était assis à la porte du temple se leva à la voix de Pierre, se tint sur ses pieds et marcha, tous furent dans l’admiration : alors le Prince des Apôtres leur adressa la parole, et leur déclara que s’il avait guéri cet homme ce n’était point en vertu de son propre pouvoir, mais que c’était par la puissance de celui qu’ils avaient mis à mort. Beaucoup, touchés de componction, lui dirent : « Que ferons-nous ? »

3e leçon

Ils se voyaient sous le poids d’un crime énorme d’impiété, ayant mis à mort celui qu’ils auraient dû respecter et adorer ; et il leur semblait impossible d’expier leur crime : crime énorme, en effet, dont la vue les jetait dans le désespoir ; mais ils ne devaient pas désespérer, puisque le Seigneur suspendu à la croix avait daigné prier pour eux, en disant : « Mon Père, pardonnez-leur, car ils ne savent ce qu’ils font. » Parmi un grand nombre d’hommes qui lui étaient étrangers, Jésus mourant distinguait ceux qui lui appartenaient, et il demandait le pardon de ceux qui l’insultaient encore ; car il ne considérait pas que les hommes le faisaient mourir, mais bien qu’il mourait pour eux.

La Station, à Rome, est dans l’Église de Saint-Chrysogone, l’un des plus célèbres Martyrs de l’Église Romaine, qui a inséré son nom dans le Canon de la Messe.

ÉPÎTRE.

La sainte Église nous offre aujourd’hui ce récit, afin de ranimer notre zèle dans la voie de la pénitence.

Une ville livrée à l’idolâtrie, une capitale superbe et voluptueuse, a mérité la colère du ciel. Dieu s’apprête à la renverser sous les coups de sa vengeance ; encore quarante jours, et Ninive s’écroulera sur ses habitants. Cependant qu’est-il arrivé ? La menace du Seigneur ne s’est pas accomplie, et Ninive a été épargnée. Ce peuple infidèle s’est souvenu du Dieu qu’il avait oublié ; il a crié vers le Seigneur ; il s’est humilié, il a jeûné ; et l’Église conclut le récit du Prophète par ces touchantes paroles : « Et le Seigneur notre Dieu eut pitié de son peuple. » Ce peuple gentil était devenu le peuple du Seigneur, parce qu’il avait fait pénitence à la voix du Prophète. Le Seigneur n’avait fait alliance qu’avec une seule nation ; mais il ne repoussait pas les hommages des Gentils, qui, renonçant à leurs idoles, confessaient son saint Nom et voulaient aussi le servir. Nous voyons ici l’efficacité de la pénitence du corps unie à celle du cœur pour fléchir le courroux céleste : combien devons-nous donc estimer les saintes pratiques que l’Église nous impose en ces jours, et réformer les fausses idées qu’une spiritualité rationaliste et lâche pourrait nous avoir inspirées !

Cette lecture était, en même temps, un motif d’espoir et de confiance pour les catéchumènes dont l’initiation était proche, ils y apprenaient à connaître la miséricorde du Dieu des chrétiens, dont les menaces sont si terribles, et qui cependant ne sait pas résister au repentir d’un cœur qui renonce au péché. Sortis du sein de la gentilité, de cette Ninive profane, ils apprenaient par ce récit que le Seigneur, avant même d’avoir envoyé son Fils au monde, invitait tous les hommes à devenir son peuple ; et songeant aux obstacles que leurs pères avaient eus à vaincre pour saisir la grâce qui leur était offerte et pour y persévérer, ils bénissaient le Dieu Sauveur qui, par son incarnation, son sacrifice, ses divins sacrements et son Église, a daigné mettre si près de nous ce salut dont il est la source unique pour l’ancien monde comme pour le nouveau. Les pénitents publics puisaient aussi dans cette lecture un nouvel encouragement à espérer le pardon. Dieu avait fait miséricorde à Ninive, la cité pécheresse et condamnée ; il daignerait donc agréer aussi leur pénitence, et révoquer en leur faveur l’arrêt de sa justice.

ÉVANGILE.

Les ennemis du Sauveur n’ont pas seulement songé à lancer des pierres contre lui ; aujourd’hui ils veulent lui ravir la liberté, et ils envoient des soldats pour se saisir de lui. En cette rencontre, Jésus ne juge pas à propos de fuir ; mais quelle terrible parole il leur dit ! « Je m’en vais à celui qui m’a envoyé ; vous me chercherez, et vous ne me trouverez plus. » Le pécheur qui a longtemps abusé de la grâce peut donc, en punition de son ingratitude et de ses mépris, ne plus retrouver ce Sauveur avec lequel il a voulu rompre ; ses efforts à le chercher sont donc quelquefois vains et stériles. Antiochus, humilié sous la main de Dieu, pria et n’obtint pas son pardon. Après la mort et la résurrection de Jésus, tandis que l’Église jetait ses racines dans le monde, les Juifs, qui avaient crucifié le Juste, cherchaient le Messie dans chacun des imposteurs qui s’élevèrent alors en Judée, et causèrent des soulèvements qui amenèrent la ruine de Jérusalem. Cernés de tous côtés par le glaive des Romains et par les flammes de l’incendie qui dévorait le temple et les palais, ils criaient vers le ciel, et suppliaient le Dieu de leurs pères d’envoyer, selon sa promesse, le libérateur attendu ; et il ne leur venait pas en pensée que ce libérateur s’était montré à leurs pères, même à plusieurs d’entre eux, qu’ils l’avaient mis à mort, et que les Apôtres avaient déjà porte son nom aux extrémités de la terre. Ils attendirent encore, jusqu’au moment où la cité déicide s’écroula sur ceux que n’avait pas immolés l’épée du vainqueur ; ceux qui survécurent furent traînes à Rome, pour orner le triomphe de Titus. Si on leur eût demandé ce qu’ils attendaient, ils auraient répondu qu’ils attendaient le Messie. Vaine attente : le moment était passé. Tremblons que la menace du Sauveur ne s’accomplisse en plusieurs de ceux qui laisseront encore passer cette Pâque, sans faire leur retour au Dieu de miséricorde ; prions, intercédons, afin qu’ils ne tombent pas entre les mains d’une justice que leur repentir trop tardif et trop imparfait ne fléchirait pas.

Des pensées plus consolantes nous sont suggérées par la suite du récit de notre Évangile. Âmes fidèles, âmes pénitentes, écoutez ; c’est pour vous que parle Jésus : « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et qu’il boive. » Rappelez-vous la prière de la pauvre Samaritaine : « Seigneur, donnez-moi toujours de cette eau. » Cette eau est la grâce divine ; puisez à longs traits dans ces fontaines du Sauveur qu’avait annoncées le Prophète. Cette eau donne la pureté à l’âme souillée, la force à l’âme languissante, l’amour à celle qui se sentait tiède. Bien plus, le Sauveur ajoute : « Celui qui croit en moi deviendra, lui aussi, une source vive » ; car l’Esprit-Saint viendra en lui, et alors le fidèle épanchera sur les autres cette grâce qu’il a reçue dans sa plénitude. Avec quelle sainte joie le catéchumène entendait lire ces paroles qui lui promettaient que sa soif serait enfin étanchée à la divine fontaine ! Le Sauveur a voulu être toutes choses pour l’homme régénéré : la Lumière qui éclaire ses ténèbres, le Pain qui le nourrit, la Vigne qui lui prête son cep, enfin l’Eau jaillissante qui rafraîchit ses ardeurs.

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