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Regnum Galliae Regnum Mariae

Saint Raymond Nonnat confesseur

31 Août 2019 , Rédigé par Ludovicus

Saint Raymond Nonnat confesseur

Collecte

Dieu, vous avez rendu le bienheureux Raymond, votre Confesseur, admirable par son dévouement pour délivrer vos fidèles de la captivité des impies : accordez-nous, par son intercession, d’être délivrés des liens du péché, et d’accomplir d’une âme libre ce qui vous est agréable.

Office

Au deuxième nocturne.

Quatrième leçon. Raymond a été surnommé Nonnat, en raison d’un fait contraire aux lois ordinaires de la nature : sa mère étant morte avant de le mettre au monde, il fallut lui ouvrir le sein pour amener l’enfant à la lumière. Issu d’une pieuse et illustre famille, il vit le jour à Portel en Catalogne. Dès son enfance, il donna des marques de sa future sainteté. Étranger aux divertissements de son âge, insensible aux attraits du monde, il se donnait tellement à la piété, que tous admiraient dans cet enfant une vertu déjà mûre. En avançant en âge, il s’appliqua à l’étude des lettres ; mais bientôt, sur l’ordre de son père, il se retira à la campagne, où il visitait souvent une petite chapelle dédiée à saint Nicolas, aux environs de Portel, pour y vénérer une image de la sainte Vierge ; image que les fidèles continuent d’entourer encore aujourd’hui d’une très grande vénération. Là, se répandant en prières, il suppliait constamment la Mère de Dieu de l’adopter pour sou fils, de daigner lui enseigner la voie du salut et la science des Saints.

Cinquième leçon. La Vierge très clémente ne repoussa point sa demande ; car elle fit comprendre à Raymond, qu’il lui serait très agréable de le voir entrer dans l’ordre de la Merci ou du rachat des captifs, récemment fondé d’après son inspiration. Aussitôt cet avertissement reçu, il se rendit à Barcelone et embrassa cet institut, voué à une œuvre si excellente de charité envers le prochain. Enrôlé dans cette sainte milice, il garda toujours la virginité, qu’il avait déjà consacrée à Marie. Il se signala également par la pratique des autres vertus et surtout par sa charité envers les Chrétiens qui, tombés au pouvoir des païens, traînaient une vie misérable dans la captivité. Envoyé en Afrique pour racheter ces malheureux, il en délivra un grand nombre, et se constitua comme otage pour ne pas voir ceux qui restaient, faute de rançon, courir le risque d’apostasier. Mais comme, enflammé du zèle le plus ardent pour le salut des âmes, il réussit, par ses prédications à convertir à Jésus Christ un certain nombre de Musulmans, les barbares le jetèrent dans un étroit cachot, et le soumirent à différents supplices : il endura notamment le cruel martyre d’avoir les lèvres percées et tenues fermées par un cadenas de fer.

Sixième leçon. Ces choses, et d’autres actions pleines de courage, lui firent de tous côtés la réputation d’un saint et portèrent Grégoire IX à lui donner une place dans le sacré Collège des Cardinaux de la sainte Église romaine ; mais l’homme de Dieu, conservant dans cette dignité l’horreur qu’il avait de la pompe et du luxe, ne cessa de pratiquer strictement l’humilité religieuse. Il se mit en route pour aller à Rome, mais à peine arrivé à Cordoue il tomba dangereusement malade, et demanda instamment à être muni des sacrements de l’Église. La maladie s’aggravant et le Prêtre tardant à venir, Raymond reçut le saint viatique par le ministère des Anges, qui lui apparurent sous l’aspect de religieux de son Ordre. L’ayant reçu, il rendit grâces à Dieu, et s’en alla au Seigneur le dernier dimanche d’août, l’an douze cent quarante. Une discussion s’étant élevée au sujet du lieu de sa sépulture, son corps, enfermé dans un cercueil, fut placé sur une mule aveugle, qui le transporta, non sans une permission de Dieu à la chapelle de saint Nicolas, pour qu’il fût enseveli au lieu même où Raymond avait jeté les premiers fondements de sa très sainte vie. Un couvent de son Ordre, fut bâti en cet endroit et les fidèles y affluent de toutes les parties de la Catalogne, pour s’acquitter de leurs vœux en venant honorer le Saint, dont la gloire y est manifestée par différentes sortes de miracles et de choses merveilleuses.

Au troisième nocturne. Du Commun.

Homélie de saint Grégoire, Pape. Homilia 13 in Evang.

Septième leçon. Mes très chers frères, le sens de la lecture du saint Évangile que vous venez d’entendre est très clair. Mais de crainte qu’elle ne paraisse, à cause de sa simplicité même, trop élevée à quelques-uns, nous la parcourrons brièvement, afin d’en exposer la signification à ceux qui l’ignorent, sans cependant être à charge à ceux qui la connaissent. Le Seigneur dit : « Que vos reins soient ceints ». Nous ceignons nos reins lorsque nous réprimons les penchants de la chair par la continence. Mais parce que c’est peu de chose de s’abstenir du mal, si l’on ne s’applique également, et par des efforts assidus, à faire du bien, notre Seigneur ajoute aussitôt : « Ayez en vos mains des lampes allumées ». Nous tenons en nos mains des lampes allumées, lorsque nous donnons à notre prochain, par nos bonnes œuvres, des exemples qui l’éclairent. Le Maître désigne assurément ces œuvres-là, quand il dit : « Que votre lumière luise devant les hommes, afin qu’ils voient vos bonnes œuvres, et qu’ils glorifient votre Père qui est dans les cieux ».

Huitième leçon. Voilà donc les deux choses commandées : ceindre ses reins, et tenir des lampes ; ce qui signifie que la chasteté doit parer notre corps, et la lumière de la vérité briller dans nos œuvres. L’une de ces vertus n’est nullement capable de plaire à notre Rédempteur si l’autre ne l’accompagne. Celui qui fait des bonnes actions ne peut lui être agréable s’il n’a renoncé à se souiller par la luxure, ni celui qui garde une chasteté parfaite, s’il ne s’exerce à la pratique des bonnes œuvres. La chasteté n’est donc point une grande vertu sans les bonnes œuvres, et les bonnes œuvres ne sont rien sans la chasteté. Mais si quelqu’un observe les deux préceptes, il lui reste le devoir de tendre par l’espérance à la patrie céleste, et de prendre garde qu’en s’éloignant des vices, il ne le fasse pour l’honneur de ce monde.

Neuvième leçon. « Et vous, soyez semblables à des hommes qui attendent que leur maître revienne des noces, afin que lorsqu’il viendra et frappera à la porte, ils lui ouvrent aussitôt ». Le Seigneur vient en effet quand il se prépare à nous juger ; et il frappe à la porte, lorsque, par les peines de la maladie, il nous annonce une mort prochaine. Nous lui ouvrons aussitôt, si nous l’accueillons avec amour. Il ne veut pas ouvrir à son juge lorsqu’il frappe, celui qui tremble de quitter son corps, et redoute de voir ce juge qu’il se souvient avoir méprisé ; mais celui qui se sent rassuré, et par son espérance et par ses œuvres, ouvre aussitôt au Seigneur lorsqu’il frappe à la porte, car il reçoit son Juge avec joie. Et quand le moment de la mort arrive, sa joie redouble à la pensée d’une glorieuse récompense.

Août finit comme il a commencé, par une fête de délivrance : sceau divin de l’éternelle Sagesse sur ce mois qui lui est consacré. Depuis qu’au sortir d’Éden, elle fit son but de la rédemption du genre humain que poursuivait son amour, tous ses privilégiés ont eu leur part en ce grand œuvre : part de labeur, de prières, de souffrances, comme fut la sienne en la chair ; part féconde en la mesure même de l’association qu’elle daigne leur octroyer à ses renoncements miséricordieux. Pierre dans ses liens avança plus l’émancipation du monde que les conspirateurs soulevés contre la tyrannie des Césars ; Raymond Nonnat et ses frères, prenant sur eux les chaînes des captifs, firent plus que tous les philosophes égalitaires ou les déclamateurs de liberté pour l’abolition de l’esclavage et l’extinction de la barbarie.

Déjà les fêtes des saints Raymond de Pegnafort et Pierre Nolasque nous ont donné d’assister aux origines de l’Ordre illustre où Raymond Nonnat brille d’un éclat si grand. Bientôt sa fondatrice auguste elle-même, Notre-Dame de la Merci, daignera se prêter à l’expression de la reconnaissance du monde pour tant de bienfaits.

Jusqu’où, illustre Saint, n’avez-vous pas suivi le conseil du Sage ! Les liens de la Sagesse sont des liens de salut, disait-il Et, non content de livrer vos pieds à ses fers et votre cou à ses entraves, vos lèvres sont allées, dans l’allégresse de l’amour, au-devant du cadenas redoutable dont ne parlait pas le fils de Sirach. Mais quelle récompense n’est pas la vôtre, aujourd’hui que cette Sagesse du Père, si totalement embrassée par vous dans la plénitude de la divine charité en son double précepte, vous abreuve au torrent des éternelles délices, ornant votre front de cette gloire, de ces grâces qui sont le rayonnement de sa propre beauté ! Afin que nous puissions vous rejoindre un jour près de son trône de lumière, montrez-nous à marcher en ce monde par ses voies toujours belles, par ses sentiers où la paix n’est jamais troublée, fût-ce au fond des cachots. Délivrez nos âmes, si le péché les captive encore ; rompez leurs attaches égoïstes, et remplacez-les par ces liens heureux de la Sagesse qui sont l’humilité, le renoncement, l’oubli de soi, l’amour de nos frères pour Dieu, de Dieu pour lui-même.

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Sainte Rose de Lima vierge mémoire des Saints Félix et Adauctus Martyrs

30 Août 2019 , Rédigé par Ludovicus

Sainte Rose de Lima vierge mémoire des Saints Félix et Adauctus Martyrs

Collecte

Dieu tout-puissant, dispensateur de tous les biens, vous avez prévenu de la rosée céleste de votre grâce la bienheureuse Rose, et vous l’avez fait briller dans les Indes de tout l’éclat de la pureté et de la patience : accordez à vos serviteurs de courir à l’odeur de ses parfums, afin qu’ils méritent de devenir eux-mêmes la bonne odeur de Jésus-Christ, qui, étant Dieu, vit et règne.

Office

Au deuxième nocturne.

Quatrième leçon. La première fleur de sainteté de l’Amérique méridionale fut la vierge Rose, née à Lima, de parents chrétiens. Dès son berceau, on vit en elle des marques éclatantes de sa sainteté future, car son visage d’enfant parut un jour transfiguré et comme ayant l’aspect d’une rose, ce qui fut l’occasion de lui imposer ce nom. Dans la suite, la Vierge, Mère de Dieu, y ajouta un surnom, ordonnant de l’appeler Rose de sainte Marie. A l’âge de cinq ans, elle émit le vœu de virginité perpétuelle. Dans son adolescence, craignant que ses parents ne la contraignissent à se marier, elle coupa secrètement sa superbe chevelure. Adonnée à des jeûnes qui semblent au-dessus des forces de la nature humaine, elle passait des carêmes entiers sans manger de pain, n’ayant chaque jour pour nourriture que cinq pépins de citron.

Cinquième leçon. Quand elle eut pris l’habit du tiers ordre de saint Dominique, elle redoubla ses austérités, fixa dans un long et très dur cilice de petites aiguilles, et se mit à porter jour et nuit, sous son voile une couronne armée de pointes aiguës. A l’exemple de sainte Catherine de Sienne elle ceignit ses reins d’une chaîne de fer, qui l’entourait d’un triple nœud. Son lit se composait de troncs noueux dont les interstices étaient remplis de têts de pots cassés. Elle se fit construire une étroite cellule dans un coin retiré du jardin ; et là, livrée à la contemplation des choses du ciel, elle exténuait son faible corps par de fréquentes disciplines, des privations de nourriture et des veilles ; mais soutenue par l’esprit, elle sortit victorieusement de nombreuses luttes avec les démons qu’elle méprisait sans crainte et dominait.

Sixième leçon. Cruellement éprouvée par les souffrances de diverses maladies, les insultes de personnes de sa maison, et la calomnie, elle s’affligeait de ne pas souffrir autant qu’elle le méritait. En proie presque continuellement durant quinze années aux peines consumantes de la désolation et de l’aridité spirituelle, elle supporta avec force d’âme ces combats plus remplis d’amertume que toute mort. Après quoi elle commença à connaître l’abondance des joies célestes, à être éclairée par des visions, et à sentir son cœur se fondre sous l’action de séraphiques ardeurs. Favorisée de fréquentes apparitions de son Ange gardien, de sainte Catherine de Sienne et de la Mère de Dieu, elle usait avec eux d’une admirable simplicité, et mérita d’entendre de la bouche du Christ ces paroles : « Rose de mon cœur, sois une épouse pour moi. » Introduite heureusement enfin dans le paradis de cet Époux divin, Rose devint illustre après sa mort comme auparavant par de nombreux miracles, et le souverain Pontife Clément X l’inscrivit solennellement au catalogue des saintes Vierges.

Au troisième nocturne. Du Commun.

Homélie de saint Grégoire, Pape. Homilia 12 in Evang.

Septième leçon. Je vous recommande souvent, mes très chers frères, de fuir le mal et de vous préserver de la corruption du monde ; mais aujourd’hui la lecture du saint Évangile m’oblige à vous dire de veiller avec beaucoup de soin à ne pas perdre le mérite de vos bonnes actions. Prenez garde que vous ne recherchiez dans le bien que vous faites, la faveur ou l’estime des hommes, qu’il ne s’y glisse un désir d’être loué, et que ce qui paraît au dehors ne recouvre un fond vide de mérite et peu digne de récompense. Voici que notre Rédempteur nous parle de dix vierges, il les nomme toutes vierges et cependant toutes ne méritèrent pas d’être admises au séjour de la béatitude, car tandis qu’elles espéraient recueillir de leur virginité une gloire extérieure, elles négligèrent de mettre de l’huile dans leurs vases.

Huitième leçon. Il nous faut d’abord examiner ce qu’est le royaume des cieux, ou pourquoi il est comparé à dix vierges, et encore quelles sont les vierges prudentes et les vierges folles. Puisqu’il est certain qu’aucun réprouvé n’entrera dans le royaume des cieux, pourquoi nous dit-on qu’il est semblable à des vierges parmi lesquelles il y en a de folles ? Mais nous devons savoir que l’Église du temps présent est souvent désignée dans le langage sacré sous le nom de royaume des cieux ; d’où vient que le Seigneur dit en un autre endroit : « Le Fils de l’homme enverra ses anges, et ils enlèveront de son royaume tous les scandales ». Certes, ils ne pourraient trouver aucun scandale à enlever, dans ce royaume de la béatitude, où se trouve la plénitude de la paix.

Neuvième leçon. L’âme humaine subsiste dans un corps doué de cinq sens. Le nombre cinq, multiplié par deux, donne celui de dix. Et parce que la multitude des fidèles comprend l’un et l’autre sexe, la sainte Église est comparée à dix vierges. Comme, dans cette Église, les méchants se trouvent mêlés avec les bons et ceux qui seront réprouvés avec les élus, ce n’est pas sans raison qu’on la dit semblable à des vierges, dont les unes sont sages et les autres insensées. Il y a en effet, beaucoup de personnes chastes qui veillent sur leurs passions quant aux choses extérieures et sont portées par l’espérance vers les biens intérieurs ; elles mortifient leur chair et aspirent de toute l’ardeur de leur désir vers la patrie d’en haut ; elles recherchent les récompenses éternelles, et ne veulent pas recevoir pour leurs travaux de louanges humaines : celles-ci ne mettent assurément pas leur gloire dans les paroles des hommes, mais la cachent au fond de leur conscience. Et il en est aussi plusieurs qui affligent leur corps par l’abstinence, mais attendent de cette abstinence même des applaudissements humains.

Quel parfum d’au delà de l’Océan nous apporte aujourd’hui la brise ! L’ancien monde renouvelle sa jeunesse à ces senteurs du ciel ; le nouveau se concilie par elles la terre et les cieux.

Cent ans ont passé depuis les jours où l’Europe étonnée apprit qu’un continent nouveau se révélait par delà les flots de la mer Ténébreuse, effroi des navigateurs. L’Espagne venait d’expulser le Croissant de ses propres terres ; comme récompense, elle reçut la mission de planter la Croix sur ces plages immenses. Ni héros, ni apôtres, ne firent défaut dans cette œuvre au royaume Catholique ; ni non plus, pour son malheur, les aventuriers dont la soif de l’or fit le fléau des Indiens qu’il s’agissait d’amener au vrai Dieu. La décadence si prompte de l’illustre nation qui avait triomphé du Maure, montrera bientôt jusqu’à quel point les peuples prévenus des plus hautes bénédictions restent pourtant solidaires des crimes commis, sous le couvert de leur nom, par quiconque porte le drapeau du pays. On sait comment finit au Pérou l’empire des Incas : malgré les protestations indignées des missionnaires, malgré les ordres venus de la mère patrie, quelques années suffirent aux compagnons de Pizarre pour exterminer le tiers des habitants de ces florissantes contrées ; un autre tiers achevait de périr dans la misère d’une servitude pire que la mort immédiate ; le reste fuyait vers les montagnes, emportant au fond des forêts la haine de l’envahisseur, et trop souvent, hélas ! de l’Évangile, responsable à ses yeux des atrocités accomplies par les baptisés. La cupidité des vainqueurs donnait entrée à tous les vices dans ces âmes en lesquelles cependant la foi restait vive : Lima, fondée au pied des Cordillères comme métropole des provinces conquises, semblait bâtie sur la triple concupiscence ; avant la fin du siècle, Jonas nouveau d’une nouvelle Ninive, saint François Solano la menaçait du courroux de Dieu.

Mais déjà la miséricorde avait pris les devants ; la justice et la paix s’étaient rencontrées dans l’âme d’une enfant prête à toutes les expiations, insatiable d’amour. Combien nous voudrions nous arrêter à contempler la vierge péruvienne dans son héroïsme qui s’ignora toujours, dans sa grâce si candide et si pure ! Rose qui n’eut pour ceux qui l’approchaient que des suavités embaumées, et garda pour elle le secret des épines sans lesquelles ne vont point les roses ici-bas ! Éclose du sourire de Marie, elle ravit l’Enfant-Dieu qui la veut sur son cœur. Les fleurs la reconnaissent pour reine, et toute saison les voit répondre à son désir ; à son invitation, les plantes s’agitent joyeuses, les arbres inclinent leurs rameaux, toute la nature tressaille, eux-mêmes les insectes organisent des chœurs, les oiseaux rivalisent avec elle d’harmonies pour célébrer leur auteur commun. Et elle chante, au souvenir des noms de son père et de sa mère, Gaspard des Fleurs et Marie d’Olive : « O mon Jésus, que vous êtes beau entre les olives et les fleurs ; et vous ne dédaignez pas votre Rose ! »

Cependant l’éternelle Sagesse se révélait dans les jeux de l’Enfant divin et de sa bien-aimée. C’est Clément X qui, dans la bulle de canonisation, nous rappelle qu’un jour où elle était plus souffrante, le tout aimable fils de la Vierge bénie l’invita pour une partie mystérieuse où l’enjeu serait laissé au libre choix du vainqueur. Rose gagne, et réclame sa guérison, aussitôt accordée. Mais Jésus demande la revanche, et l’emportant au second tour, il rend son mal, accompagné du don de patience, à la perdante toute joyeuse ; car elle avait compris qu’elle gagnait plus à la seconde partie qu’à la première.

Réservons à l’Église de raconter, en la Légende, jusqu’où notre Sainte fut amenée par l’efficacité de ces divines leçons touchant la souffrance. Dans les tortures surhumaines de sa dernière maladie, elle répondait à qui l’exhortait au courage : « Ce que je demande à mon Époux, c’est qu’il ne cesse point de me brûler des ardeurs les plus cuisantes, jusqu’à ce que je sois pour lui le fruit mûr qu’il daigne recevoir de cette terre à sa table des deux ». Et comme on s’étonnait alors de sa sécurité, de sa certitude d’aller directement au paradis, elle dit avec feu cette autre parole qui montre aussi tout un aspect de son âme : « Moi, j’ai un Époux qui peut ce qu’il y a de plus grand, qui possède ce qu’il y a de plus rare ; et je ne me vois pas n’espérant de lui que de petites choses ».

Confiance bien justifiée par l’infinie bonté, les assurances et les prévenances du Seigneur à l’égard de Rose. Elle n’avait que trente et un ans, lorsque, au milieu de la nuit qui ouvrait la fête de saint Barthélémy de l’année 1617, elle entendit le cri : Voici l’Époux ! Dans Lima, dans tout le Pérou, dans l’Amérique entière, des prodiges de conversion et de grâce signalèrent le trépas de l’humble vierge, inconnue jusque-là du grand nombre. « Il fut attesté juridiquement, dit le Pontife suprême, que, depuis la découverte du Pérou, aucun missionnaire ne s’était rencontré qui eût produit pareil ébranlement d’universelle pénitence ». Cinq ans plus tard, était dédié ce monastère de Sainte-Catherine-de-Sienne qui devait continuer au milieu de Lima l’œuvre de sanctification, d’assainissement, de défense sociale, et qu’on appelait le monastère de Rose, parce qu’elle en était en effet devant Dieu la fondatrice et la mère. Ses prières en avaient obtenu l’érection qu’elle avait prédite pour après sa mort, désignant d’avance le plan, les religieuses futures, la première supérieure, qu’elle investit un jour prophétiquement de son esprit dans un embrassement plein de mystère.

Patronne de votre patrie de ce monde, veillez sur elle toujours. Justifiez sa confiance, dans l’ordre même de la vie présente, en la défendant des tremblements de terre dont les secousses promènent l’effroi sur ses rivages, des commotions politiques dont sa récente indépendance s’est vue si cruellement éprouvée. Étendez votre action tutélaire aux jeunes républiques qui l’avoisinent, et qui elles aussi vous honorent ; ainsi que votre terre natale, protégez-les contre le mirage des utopies venues de notre vieux monde, contre les entraînements, les illusions de leur propre jeunesse, contre les sectes condamnées qui finiraient par ébranler jusqu’à leur foi toujours vive. Enfin, Rose aimée du Seigneur, souriez à l’Église entière que ravissent aujourd’hui vos charmes célestes. Comme elle, nous voulons tous courir à l’odeur de vos parfums.

Apprenez-nous à nous laisser prévenir comme vous par la céleste rosée. Montrez-nous à répondre aux avances du sculpteur divin qui vous apparut un jour, remettant aux soins de ceux qu’il aime les marbres de choix des vertus, pour les polir et les tailler en s’aidant de leurs larmes et du ciseau de la pénitence. Plus que tout le reste, enseignez-nous la confiance et l’amour. Tout ce qu’opère, disiez-vous, le soleil dans l’immensité de l’univers, faisant éclore les fleurs et mûrissant les fruits, créant les perles au sein des océans, les pierres précieuses dans les plis des montagnes : l’Époux l’accomplissait dans les espaces sans fin de votre âme, y produisant toute richesse, toute beauté, toute joie, toute chaleur et toute vie. Puissions-nous, ainsi que vous-même, profiter de la descente du Soleil de justice eh nos poitrines au Sacrement d’union, ne vivre plus que de sa lumière bénie, porter la bonne odeur du Christ en tous lieux.

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Décollation de St Jean-Baptiste mémoire de Sainte Sabine Martyre

29 Août 2019 , Rédigé par Ludovicus

Décollation de St Jean-Baptiste mémoire de Sainte Sabine Martyre

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Nous vous en prions, Seigneur, faites que la fête solennelle de votre saint Précurseur et Martyr Jean-Baptiste, nous procure des grâces efficaces de salut

Évangile Mc. 6, 17-29.

En ce temps-là : Hérode avait envoyé prendre Jean, et l’avait enchaîné en prison, à cause d’Hérodiade, femme de son frère Philippe, qu’il avait épousée. Car Jean disait à Hérode : Il ne t’est pas permis d’avoir la femme de ton frère. Or Hérodiade tendait des pièges à Jean, et voulait le faire mourir ; mais elle ne le pouvait pas, Car Hérode craignait Jean, sachant qu’il était un homme juste et saint, et il le gardait, faisait beaucoup de choses selon ses avis, et l’écoutait volontiers. Mais il arriva un jour opportun : à l’anniversaire de sa naissance, Hérode donna un grand festin aux grands, aux officiers et aux principaux de la Galilée. La fille d’Hérodiade étant entrée, et ayant dansé, et ayant plu à Hérode et à ceux qui étaient à table avec lui, le roi dit à la jeune fille : Demande-moi ce que tu voudras, et je te le donnerai. Et il fit ce serment : Tout ce que tu me demanderas, je te le donnerai, quand ce serait la moitié de mon royaume. Elle, étant sortie, dit à sa mère : Que demanderai-je ? Sa mère lui dit : La tête de Jean-Baptiste. Et étant rentrée aussitôt en hâte auprès du roi, elle fit sa demande, en disant : Je veux que tu me donnes à l’instant sur un plat la tête de Jean-Baptiste. Le roi fut attristé ; mais, à cause de son serment et de ceux qui étaient à table avec lui, il ne voulut pas l’affliger par un refus. Il envoya donc un de ses gardes, et lui ordonna d’apporter la tête de Jean sur un plat. Le garde le décapita dans la prison, et il apporta sa tête sur un plat, et la donna à la jeune fille, et la jeune fille la donna à sa mère. L’ayant appris, les disciples de Jean vinrent, et prirent son corps, et le mirent dans un sépulcre.

Office

Au deuxième nocturne.

Du livre de saint Ambroise, Évêque : Des Vierges. Liber 3 post initium

Quatrième leçon. Il ne faut pas effleurer légèrement un sujet tel que la mémoire du bienheureux Jean-Baptiste ; aussi devons-nous considérer ce qu’il était, quels furent ses bourreaux, pourquoi, quand et comment il a été martyrisé. C’est un juste qui est mis à mort, par des adultères ; et la peine capitale qu’ils méritent, ils la font subir à celui qui devrait être leur juge. Et puis la mort d’un Prophète devient la récompense et le salaire d’une danseuse. Enfin, ce que tous les barbares eux-mêmes ont communément en horreur, c’est à table, au milieu d’un banquet, qu’on prononce l’arrêt cruel qui devra s’exécuter. Et on apporte de la prison à la salle du festin l’objet de l’exécution impie qui a suivi ce fatal commandement. Que de crimes dans une seule action !

Cinquième leçon. A voir ainsi un émissaire se lever de table et courir à la prison, qui n’aurait pas cru à l’élargissement du Prophète ? Qui, en apprenant que c’est le jour de la naissance d’Hérode, qu’il y a grand festin, et qu’on a donné à une fille la liberté de demander tout ce qu’elle voudra, qui donc, dis-je, ne s’imaginerait qu’on n’enverra délivrer Jean de ses fers ? Quel rapport y a-t-il entre la cruauté et les délices ? entre le meurtre et la volupté ? Le Prophète subira sa peine pendant un festin, et en vertu d’une sentence portée au milieu du festin, sentence qu’il eût repoussée, même pour être mis en liberté. On lui tranche la tête, et on l’apporte dans un plat. Un tel mets convenait à la cruauté, et pouvait satisfaire une férocité difficile à assouvir.

Sixième leçon. O le plus odieux des rois, considère ce spectacle digne de ton banquet, et afin que rien ne manque à ta satisfaction inhumaine, étends la main pour que ce sang sacré ruisselle entre tes doigts. Et puisque ta faim n’a pu être rassasiée par les viandes, puisque les coupes n’ont pu éteindre la soif de cruauté qui te dévore, vois ce sang qui, bouillonnant encore, s’échappe des veines de cette tête que tu as fait tomber. Vois ces yeux qui, jusque dans le trépas, sont les témoins de ton crime, et qui se refusent à contempler tes plaisirs. Ce n’est pas tant la mort qui ferme ces yeux, que l’horreur de tes débauches. Cette bouche éloquente dont tu redoutais la censure, toute pâle et muette qu’elle est, te fait encore trembler.

Au troisième nocturne.

Homélie de saint Augustin, Évêque. Sermon 10 in novis Sermonibus

Septième leçon. La lecture du saint Évangile nous a mis sous les yeux un spectacle sanglant : la tête de saint Jean-Baptiste dans un plat, envoi lugubre fait par la cruauté, en haine de la vérité. Une jeune fille danse, sa mère assouvit sa fureur, et, au milieu des joies dissolues et des délices d’un banquet, un roi fait un serment téméraire et exécute ce serment impie. Ainsi s’accomplit en la personne de Jean ce que lui-même avait prédit. Il avait dit, en parlant de notre Seigneur Jésus-Christ : « II faut qu’il croisse et que je diminue. » Jean a été diminué parce qu’on lui trancha la tête, et le Sauveur a grandi parce qu’il a été élevé en la croix. La vérité a fait naître la haine. Les avertissements du saint homme de Dieu n’ont pu être supportés sans irritation par ceux dont il cherchait le salut. Ils lui ont rendu le mal pour le bien.

Huitième leçon. Que dirait-il, en effet, sinon ce dont il a l’âme remplie ? Et que répondraient-ils, sinon ce dont leur cœur est plein ? Lui, il a semé le bon grain, mais il n’a trouvé que des épines. Il disait au roi : « Il ne vous est pas permis d’avoir la femme de votre frère. »

Neuvième leçon. Car ce prince, esclave de sa passion, gardait chez lui, illégitimement, la femme de son frère ; toutefois son estime pour Jean l’empêchait de sévir contre lui. Il honorait celui qui lui faisait entendre la vérité. Mais une abominable créature avait -conçu une haine secrète, qu’elle devait mettre au jour le moment venu ; ce qu’elle fit au moyen de sa fille, une fille danseuse.

« En ce temps-là, Hérode envoya prendre Jean et il le mit en prison chargé de liens, à cause d’Hérodiade, femme de son frère Philippe, qu’il avait épousée. Car Jean disait à Hérode : Il ne vous est pas permis d’avoir la femme de votre frère. Or Hérodiade lui dressait des embûches et voulait le faire mourir, mais ne le pouvait pas. Hérode, en effet, craignait Jean qu’il tenait pour un homme juste et saint, et il le gardait, faisant beaucoup de choses d’après ses avis et l’écoutant volontiers. Un jour favorable s’étant donc présenté, à savoir celui de la naissance d’Hérode où il avait offert un banquet à ses grands, aux chefs militaires et aux principaux de la Galilée, la fille d’Hérodiade entra et dansa, et elle plut à Hérode et à ses convives, et le roi lui dit : Demande-moi ce que tu voudras, et je te le donnerai. Et il en fit le serment : Quoi que ce soit que tu demandes, je te le donnerai, fût-ce la moitié de mon royaume. Or elle, étant sortie, dit à sa mère : Qu’est-ce que je demanderai ? Sa mère lui dit : La tête de Jean-Baptiste. Rentrant donc aussitôt en grande hâte, elle fit au roi sa demande, disant : Je veux que sur-le-champ vous me donniez dans un plat la tête de Jean-Baptiste. Et le roi en fut peiné ; mais à cause de son serment et de ceux qui étaient avec lui à table, il ne voulut pas la contrister, et envoyant un de ses gardes, il lui donna l’ordre d’apporter la tête dans un plat. Et le garde coupa la tête de Jean dans la prison, et l’apportant dans un plat, il la remit à la fille qui la donna à sa mère. Ce qu’ayant appris, ses disciples vinrent et enlevèrent son corps, et ils l’ensevelirent dans un tombeau ».

Ainsi donc finit le plus grand des enfants nés d’une femme, sans témoins, dans la prison d’un tyran de second ordre, victime de la plus vile des passions, prix d’une danseuse. Au silence devant le crime, fût-ce sans espoir d’amender le coupable, au renoncement à sa liberté, même dans les fers, la Voix du Verbe a préféré la mort. Belle liberté de la parole, selon l’expression de saint Jean Chrysostome, quand elle est véritablement la liberté même du Verbe de Dieu, quand par elle ne cessent point de vibrer ici-bas les échos des collines éternelles ! Elle est bien alors l’écueil de la tyrannie, la sauvegarde du monde, des droits de Dieu et de l’honneur des peuples, des intérêts du temps comme de ceux de l’éternité. La mort ne prévaut pas contre elle ; à l’impuissant meurtrier de Jean-Baptiste, à tous ceux qui voudraient l’imiter, mille bouches pour une, jusqu’à la fin des temps, redisent en toute langue, en tous lieux : Il ne t’est pas permis d’avoir la femme de ton frère.

« Grand et admirable mystère ! s’écrie par ailleurs saint Augustin. Il faut qu’il croisse, et que je diminue disait Jean, disait la Voix en laquelle se personnifient les voix qui le précédèrent, annonçant comme lui la Parole du Père incarnée dans son Christ. Toute parole, en tant que signifiant quelque chose, en tant qu’idée, verbe intérieur, est indépendante du nombre des syllabes, de la variété des lettres ou des sons ; elle reste immuable et une au cœur qui la conçoit, bien que multiples puissent être les mots qui lui donnent corps extérieurement, les voix qui la propagent, les langues, grecque, latine ou autres, où elle se traduit. A qui sait la parole, inutiles deviennent les formules et la voix. Voix furent les Prophètes, voix les Apôtres ; voix dans les Psaumes, voix dans l’Évangile. Mais vienne la Parole, le Verbe qui était au commencement, le Verbe qui était avec Dieu, le Verbe qui était Dieu: quand nous le verrons comme il est entendra-t-on encore réciter l’Évangile ? écouterons-nous les Prophètes ? lirons-nous les Épîtres des Apôtres ? La voix défaille où grandit le Verbe... Non qu’en lui-même le Verbe décroisse ou grandisse. Mais il est dit croître en nous, quand c’est nous qui croissons en lui. A qui donc se rapproche du Christ, à qui progresse dans la contemplation de la Sagesse, les mots sont moins utiles ; il est nécessaire qu’ils tendent à faire tous défaut. Ainsi s’amoindrit le ministère de la voix en la mesure du progrès de l’âme vers le Verbe ; ainsi que le Christ grandisse et que Jean diminue. C’est ce qu’indiquent la Décollation de Jean et l’Exaltation du Christ en croix, comme l’avaient déjà fait leurs dates de naissance ; car à partir de la naissance de Jean décroissent les jours, qui grandissent à dater de celle du Seigneur ».

Utile leçon donnée aux guides des âmes dans les sentiers de la vie parfaite. Si, dès l’abord, ils doivent respectueusement observer la direction de la grâce en chacune d’elles, pour seconder l’Esprit-Saint et non s’imposer à lui ; ainsi faut-il qu’à mesure qu’elles avancent, ils évitent d’obstruer le Verbe sous l’abondance de leur propre parole ; comme aussi leur discrétion devra respecter l’impuissance où ces âmes en arrivent progressivement d’exprimer ce qu’opère en elles le Seigneur. Heureux alors d’avoir conduit l’Épouse à l’Époux, qu’ils apprennent à dire avec Jean : Il faut qu’il croisse, et que je diminue.

Et n’est-ce pas une leçon pareille que nous insinue à nous-mêmes le Cycle sacré, lorsque nous le verrons, dans les jours qui vont suivre, comme tempérer ses propres enseignements par la diminution du nombre des fêtes et l’absence prolongée des grandes solennités qui ne reparaîtront qu’en novembre ? L’école de la sainte Liturgie n’a point d’autre but que d’adapter l’âme, plus sûrement, plus pleinement qu’aucune autre école, au magistère intérieur de l’Époux. Comme Jean, l’Église voudrait, s’il était possible ici-bas toujours, laisser Dieu parler seul ; du moins aime-t-elle, sur la fin de la route, à modérer sa voix, à quelquefois s’imposer silence, désirant donner à ses fils l’occasion de montrer qu’ils savent écouter au dedans d’eux-mêmes Celui qui pour elle et pour eux est l’unique amour. Aux interprètes de sa pensée de bien la comprendre. L’ami de l’Époux, qui jusqu’au jour des noces marchait devant lui, se tient maintenant debout et lui-même il l’écoute ; et cette voix de l’Époux, qui fait rentrer la sienne dans le silence, le remplit d’immense joie. Cette joie donc qui est la mienne est complète, disait le Précurseur.

La fête de la Décollation de saint Jean-Baptiste peut être considérée comme un des jalons de l’Année liturgique en la manière que nous venons d’exposer. Elle est rangée par les Grecs au nombre des solennités chômées. La mention qui en est faite au Martyrologe dit de saint Jérôme, la place qu’elle occupe dans les Sacramentaires gélasien et grégorien, démontrent sa haute antiquité dans l’Église latine. C’était aux environs de la fête de Pâques qu’avait eu lieu la bienheureuse mort du Précurseur ; pour l’honorer plus librement, on choisit ce jour qui rappelle aussi la découverte à Émèse de son glorieux chef.

La vengeance de Dieu s’était appesantie sur Hérode Antipas. Josèphe rapporte que les Juifs attribuaient à la mort de Jean sa défaite par Arétas d’Arabie, dont il avait répudié la fille pour suivre ses instincts adultères. Déposé par Rome de son tétrarchat de Galilée, il fut relégué à Lyon, dans les Gaules, où l’ambitieuse Hérodiade partagea sa disgrâce. Quant à Salomé la danseuse, nos pères racontaient, d’après d’anciens auteurs, qu’ayant un jour d’hiver voulu danser sur une rivière gelée, la glace se rompit l’engloutissant jusqu’au cou, tandis que sa tête, tranchée par les glaçons rejoints soudainement, continua quelque temps par ses bonds cette danse de la mort.

De Machéronte au delà du Jourdain, où leur maître consomma son martyre, les disciples de Jean avaient porté son corps jusqu’à Sébaste, l’ancienne Samarie, en dehors des frontières d’Antipas ; car il était urgent de le soustraire aux profanations qu’Hérodiade n’avait point épargnées à son chef auguste. La vengeance de la malheureuse ne se crut point satisfaite, en effet, qu’elle n’eût percé d’une de ses épingles à cheveux la langue qui n’avait pas craint de flétrir sa honte ; et la face du Précurseur, que l’église d’Amiens présente depuis sept siècles à la vénération du monde, garde encore trace des violences auxquelles se porta sa furie dans la joie du triomphe. Au temps de Julien l’Apostat, les païens voulurent compléter l’œuvre de cette indigne descendante des Machabées, en envahissant le tombeau de Sébaste pour brûler et disperser les restes du Saint. Mais ce sépulcre vide n’en faisait pas moins toujours la terreur des démons, comme sainte Paule le constatait avec une religieuse émotion quelques années plus tard. Sauvées d’ailleurs en grande partie, les précieuses reliques s’étaient répandues par l’Orient, d’où elles devaient, à l’époque surtout des Croisades, émigrer dans nos contrées où leur présence fait la gloire de nombreuses églises.

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Saint Augustin évêque confesseur et docteur de l’Eglise mémoire de Saint Hermès Martyr

28 Août 2019 , Rédigé par Ludovicus

Saint Augustin évêque confesseur et docteur de l’Eglise mémoire de Saint Hermès Martyr

Collecte

Recevez favorablement nos supplications, Dieu tout-puissant : et puisque vous voulez bien nous permettre d’espérer en votre bonté, daignez, grâce à l’intercession du bienheureux Augustin, votre Confesseur et Pontife, nous accorder les effets de votre miséricorde habituelle

Épitre 2. Tm. 4, 1-8

Mon bien-aimé : je t’adjure, devant Dieu et Jésus-Christ, qui doit juger les vivants et les morts, par son avènement et par son règne, prêche la parole, insiste à temps et à contretemps, reprends, supplie, menace, en toute patience et toujours en instruisant.

Car il viendra un temps où les hommes ne supporteront plus la saine doctrine ; mais ils amasseront autour d’eux des docteurs selon leurs désirs ; et éprouvant aux oreilles une vive démangeaison, ils détourneront l’ouïe de la vérité, et ils la tourneront vers des fables.

Mais toi, sois vigilant, travaille constamment, fais l’œuvre d’un évangéliste, acquitte-toi pleinement de ton ministère ; sois sobre.

Car pour moi, je vais être immolé, et le temps de ma dissolution approche, j’ai combattu le bon combat, j’ai achève ma course, j’ai gardé la foi. Reste la couronne de justice qui m’est réservée, que le Seigneur, le juste juge, me rendra en ce jour-là ; et non seulement à moi, mais aussi à ceux qui aiment son avènement

Évangile Mt. 5, 13-19.

En ce temps-là : Jésus dit à ses disciples : Vous êtes le sel de la terre. Mais si le sel s’affadit, avec quoi le salera-t-on ? Il n’est plus bon qu’à être jeté dehors, et foulé aux pieds par les hommes. Vous êtes la lumière du monde. Une ville située sur une montagne ne peut être cachée ; et on n’allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau, mais on la met sur le candélabre, afin qu’elle éclaire tous ceux qui sont dans la maison. Que votre lumière luise ainsi devant les hommes, afin qu’ils voient vos bonnes œuvres, et qu’ils glorifient votre Père qui est dans les cieux. Ne pensez pas que je sois venu abolir la loi ou les prophètes ; je ne suis pas venu les abolir, mais les accomplir. Car, en vérité, je vous le dis, jusqu’à ce que passent le ciel et la terre, un seul iota ou un seul trait ne disparaîtra pas de la loi, que tout ne soit accompli. Celui donc qui violera l’un de ces plus petits commandements, et qui enseignera les hommes à le faire, sera appelé le plus petit dans le royaume des deux ; mais celui qui fera et enseignera, celui-là sera appelé grand dans le royaume des cieux.

Office

Au deuxième nocturne.

Quatrième leçon. Augustin, né à Tagaste en Afrique, d’une famille recommandable, surpassa de beaucoup les autres enfants par ses aptitudes et les dépassa bientôt par son savoir. Jeune homme, il tomba, pendant son séjour à Carthage, dans l’hérésie manichéenne. Il partit ensuite pour Rome, d’où on l’envoya enseigner la rhétorique à Milan et devint, dans cette ville, un des auditeurs les plus assidus de saint Ambroise. Poussé par le saint Évêque à étudier les dogmes catholiques, il reçut de lui le baptême, étant âgé de trente-trois ans. Retourné en Afrique, il joignit aux pratiques religieuses une grande pureté de vie, et fut ordonné Prêtre par l’Évêque d’Hippone, Valère, homme d’une sainteté éminente. C’est alors qu’Augustin établit une famille de religieux, dont il partagea la vie commune et les occupations, et qu’il instruisait avec un très grand soin dans la doctrine et dans le genre de vie apostolique. Mais comme l’hérésie manichéenne devenait puissante, il se mit à l’attaquer énergiquement et confondit l’hérésiarque Fortunat.

Cinquième leçon. Cette piété d’Augustin porta Valère à le prendre pour coadjuteur dans sa charge épiscopale. Personne ne fut plus humble ni plus réglé que lui. Son lit était simple, simple aussi son vêtement, sa table n’avait rien que de très commun, et ses repas étaient toujours assaisonnés d’une lecture sainte ou d’un pieux entretien. Telle était sa libéralité envers les pauvres, qu’un jour n’ayant plus rien à sa disposition, il fit briser les vases sacrés pour secourir leur détresse. Il évita d’être en rapport et en familiarité avec les femmes, sans excepter sa sœur et la fille de son frère, et il avait coutume de dire que, si ses parentes ne donnaient lieu à aucun soupçon, il pourrait n’en être pas de même de celles qu’on trouverait en visite chez elles. Jamais il ne cessa de prêcher la parole de Dieu, à moins d’en être empêché par une grave maladie. Il combattit sans relâche les hérétiques, soit par ses discours, soit par ses écrits, et ne les laissa s’implanter nulle part. Poursuivant aussi les erreurs des Manichéens, des Donatistes, des Pélagiens et autres sectes, il en délivra presque toute l’Afrique.

Sixième leçon. Il écrivit tant de livres remplis de piété, de goût et d’éloquence, qu’il a fait resplendir les dogmes chrétiens ; et c’est lui qu’ont principalement suivi ceux qui plus tard appliquèrent à l’enseignement théologique la méthode et le raisonnement. Tandis que les Vandales dévastaient l’Afrique et assiégeaient Hippone depuis trois mois, Augustin tomba malade de la fièvre. Comprenant alors qu’il était près de quitter cette vie, il fit placer devant lui les Psaumes de David qui se rapportent à la pénitence, et il les lisait avec abondance de larmes. « Personne, disait-il souvent, n’aurait-il conscience d’aucune faute, ne doit risquer de quitter la vie sans avoir fait pénitence. » Étant donc en pleine connaissance, tout entier à la prière, entouré de ses frères qu’il exhortait à la charité, à la piété et à toutes les vertus, il s’en alla au ciel, ayant vécu soixante-seize ans, dont trente-six dans l’épiscopat. Son corps apporté d’abord en Sardaigne, fut ensuite racheté ,à grand prix par Luitprand, roi des Lombards, et transféré à Pavie, où on l’ensevelit avec honneur.

Au troisième nocturne. Du Commun.

Homélie de saint Jean Chrysostome. Homil. 15 in Matth., sub med.

Septième leçon. Remarquez ce que dit Jésus-Christ : « Vous êtes le sel de la terre ». Il montre par là combien il est nécessaire qu’il donne ces préceptes à ses Apôtres. Car, ce n’est pas seulement, leur dit-il, de votre propre vie, mais de l’univers entier que vous aurez à rendre compte. Je ne vous envoie pas comme j’envoyais les Prophètes, à deux, à dix, ou à vingt villes ni à une seule nation, mais à toute la terre, à la mer, et au monde entier, à ce monde accablé sous le poids de crimes divers.

Huitième leçon. En disant : « Vous êtes le sel de la terre », il montre que l’universalité des hommes était comme affadie et corrompue par une masse de péchés ; et c’est pourquoi il demande d’eux les vertus qui sont surtout nécessaires et utiles pour procurer le salut d’un grand nombre. Celui qui est doux, modeste, miséricordieux et juste, ne peut justement se borner à renfermer ces vertus en son âme, mais il doit avoir soin que ces sources excellentes coulent aussi pour l’avantage des autres. Ainsi celui qui a le cœur pur, qui est pacifique et qui souffre persécution pour la vérité, dirige-sa vie d’une manière utile à tous.

Neuvième leçon. Ne croyez donc point, dit-il, que ce soit à de légers combats que vous serez conduits, et que ce soient des choses de peu d’importance dont il vous faudra prendre soin et rendre compte, « vous êtes le sel de la terre ». Quoi donc ? Est-ce que les Apôtres ont guéri ce qui était déjà entièrement gâté ? Non certes ; car il ne se peut faire que ce qui tombe déjà en putréfaction soit rétabli dans son premier état par l’application du sel. Ce n’est donc pas cela qu’ils ont fait, mais ce qui était auparavant renouvelé et à eux confié, ce qui était délivré déjà de cette pourriture, ils y répandaient le sel et le conservaient dans cet état de rénovation qui est une grâce reçue du Seigneur. Délivrer de la corruption du péché, c’est l’effet de la puissance du Christ ; empêcher que les hommes ne retournent au péché, voilà ce qui réclame les soins et les labeurs des Apôtres.

Le plus grand des Docteurs et le plus humble, Augustin se lève, acclamé par les cieux dont nulle conversion de pécheur n’excita comme la sienne l’ineffable joie célébré par l’Église où ses travaux laissent pour les siècles en pleine lumière la puissance, le prix, la gratuité de la divine grâce.

Depuis l’entretien extatique qui fit d’Ostie un jour le vestibule du ciel, Dieu a complété ses triomphes dans le fils des larmes de Monique et de la sainteté d’Ambroise. Loin des villes fameuses où l’abusèrent tant de séductions, le rhéteur d’autrefois n’aspire qu’à nourrir son âme de la simplicité des Écritures sacrées dans le silence de la solitude. Mais la grâce, qui a brisé la double chaîne enserrant son esprit et son cœur, garde sur lui des droits souverains ; c’est dans la consécration des pontifes vouant Augustin à l’oubli de soi-même, que la Sagesse consomme avec lui son alliance : la Sagesse qu’il déclare « aimer seule pour elle seule, n’aimant qu’à cause d’elle le repos et la vie ». A ce sommet où l’a porté la miséricorde divine, entendons-le épancher son cœur :

« Je vous ai aimée tard, beauté si ancienne et si nouvelle ! je vous ai aimée tard ! Et vous étiez en moi ; et moi, hors de moi-même, vous cherchais en tous lieux... J’interrogeais la terre, et elle me disait : « Je ne suis pas ce que tu cherches » ; et tous les êtres que porte la terre me faisaient même aveu. J’interrogeais la mer et ses abîmes, et ce qui a vie dans leurs profondeurs ; et la réponse était : « Nous ne sommes pas ton Dieu, cherche au-dessus de nous ». J’interrogeais les vents et la brise ; et l’air disait avec ses habitants : « Anaximènes se trompe ; je ne suis pas Dieu ». J’interrogeais le ciel, le soleil, la lune, les étoiles : « Nous non plus, nous ne sommes pas le Dieu que tu cherches ». O vous tous qui vous pressez aux portes de mes sens, objets qui m’avez dit n’être pas mon Dieu, dites-moi de lui quelque chose ; et dans leur beauté qui avait attiré mes recherches avec mon désir, ils ont crié d’une seule voix : « C’est lui qui nous a faits ». — Silence à l’air, aux eaux, à la terre ! Silence aux cieux ! Silence en l’homme à l’âme elle-même ! Qu’elle passe au delà de sa propre pensée : par delà tout langage, qu’il soit de la chair ou de l’ange, s’entend lui-même Celui dont parlent les créatures ; là où cessent le signe et l’image, et toute vision figurée, se révèle la Sagesse éternelle.. Mes oreilles sourdes ont entendu votre voix puissante ; votre lumière éblouissante a forcé l’entrée de mes yeux aveugles ; votre parfum a éveillé mon souffle, et c’est à vous que j’aspire, j’ai faim et soif, car je vous ai goûté ; j’ai tressailli à votre contact, je brûle d’entrer dans votre repos : quand je vous serai uni de tout moi-même, la douleur et le travail auront pris fin pour moi ».

Un autre travail que le labeur de la correspondance intime aux prévenances de son Dieu ne devait finir pour Augustin qu’avec la vie : celui de ses luttes pour la vérité qui avait délivré son âme, sur tous les champs de bataille choisis dans ces temps par le père du mensonge. Combats terminés par autant de victoires, où l’on ne sait qu’admirer le plus, comme d’autres l’ont dit : la science des Livres saints, la puissance de la dialectique ou l’art de bien dire ; mais dans lesquels l’emporte sur tout la plénitude de la charité. Nulle part ailleurs n’apparaît mieux l’unité de cette divine charité communiquée par l’Esprit à l’Église, et qui, du même cœur où elle puise son inflexibilité à maintenir jusqu’au moindre iota les droits du Seigneur Dieu, déborde d’ineffable mansuétude pour tant de malheureux qui les méconnaissent encore :

« Qu’ils vous soient durs, ceux qui ne savent pas quel labeur c’est d’arriver au vrai, d’éviter l’erreur. Qu’ils vous soient durs, ceux qui ne savent pas combien il est rare, combien il en coûte, de parvenir à surmonter dans la sérénité d’une âme pieuse les fantômes des sens. Qu’ils vous soient durs, ceux qui ne savent pas avec quelle peine se guérit l’œil de l’homme intérieur, pour fixer son soleil, le soleil de justice ; ceux qui ne savent pas par quels soupirs, quels gémissements, on arrive, en quelque chose, à comprendre Dieu. Qu’ils vous soient durs enfin, ceux qui n’ont jamais connu séduction pareille à celle qui vous trompe... Pour moi qui, ballotté par les vaines imaginations dont mon esprit était en quête, ai partagé votre misère et si longtemps pleuré, je ne saurais aucunement être dur avec vous ».

C’est aux disciples de Manès, traqués partout en vertu des lois mêmes des empereurs païens, qu’Augustin adressait ces paroles émues : nouveau Paul, se souvenant du passé ! Combien effrayante n’est donc pas la misère de notre race déchue, que les nuages s’élevant des bas fonds y prévalent à ce point sur les plus hautes intelligences ! avant d’être le plus redoutable adversaire de l’hérésie, Augustin, neuf années durant, s’était montré le sectateur convaincu, l’apôtre ardent du manichéisme : variante incohérente de ce roman dualiste et gnostique dans lequel, pour expliquer l’existence du mal, on n’imaginait rien de mieux que de faire un dieu du mal même, et qui trouva dans la complaisance qu’y prenait l’orgueil du prince des ténèbres le secret de son influence étrange à travers les siècles.

Plus locale, mais autrement prolongée, devait être la lutte d’Augustin contre la secte Donatiste, appuyée d’un principe aussi faux que le fait dont elle se disait née. Le fait, démontré juridiquement inexact à la suite des requêtes présentées par Douai et ses partisans, était que Cécilien, primat d’Afrique en 311, aurait reçu la consécration épiscopale d’un évêque traditeur des Livres saints pendant la persécution. Comme principe et conséquence tirée par eux dudit principe, les Donatistes affirmaient que nul ne pouvait communiquer avec un pécheur sans cesser de faire partie du troupeau du Christ ; que dès lors, les évêques du reste du monde n’en ayant pas moins continué de communiquer avec Cécilien et ses successeurs, eux seuls Donatistes étaient maintenant l’Église. Schisme sans fondement, s’il en fut, mais qui s’était imposé pourtant au plus grand nombre des habitants de l’Afrique romaine, avec ses quatre cent dix évêques et ses troupes de Circoncellions, fanatiques toujours prêts aux violences et aux meurtres contre les catholiques surpris sur les routes ou dans les maisons isolées. Le rappel de ces brebis égarées prit à notre Saint le meilleur de son temps.

Qu’on ne se le représente pas méditant à loisir, écrivant dans la paix d’une humble ville épiscopale, choisie comme à dessein par la Providence, ces ouvrages précieux dont le monde devait jusqu’à nous recueillir les fruits. Il n’est point sur la terre de fécondité sans souffrance, souffrances publiques, angoisses privées, épreuves connues des hommes ou de Dieu ; lorsque, à la lecture des écrits des Saints, germent en nous les pieuses pensées, les résolutions généreuses, nous ne devons pas nous borner, comme pour les livres profanes, à solder un tribut quelconque d’admiration au génie de leurs auteurs, mais plus encore songer au prix dont sans nul doute ils ont payé le bien surnaturel produit par eux dans chacune de nos âmes. Avant l’arrivée d’Augustin dans Hippone, les Donatistes s’y trouvaient en telle majorité, rappelle-t-il lui-même, qu’ils en abusaient jusqu’à interdire de cuire le pain pour les catholiques. Quand le Saint mourut, l’état des choses était bien changé ; mais il avait fallu que le pasteur, faisant passer avant tous autres devoirs celui de sauver, fût-ce malgré elles, les âmes qui lui étaient confiées, donnât ses jours et ses nuits à cette œuvre première, et courût plus d’une fois le risque heureux du martyre. Les chefs des schismatiques, redoutant la force de ses raisons plus encore que son éloquence, se refusaient à toute rencontre avec lui ; mais ils avaient déclaré que mettre à mort Augustin serait œuvre louable, méritant la rémission de tout péché à qui aurait pu l’accomplir.

« Priez pour nous, disait-il en ces débuts de son ministère, priez pour nous qui vivons d’une façon si précaire entre les dents de loups furieux : brebis égarées, brebis obstinées qui s’offensent de ce que nous courons après elles, comme si leur égarement faisait qu’elles ne soient pas nôtres. — Pourquoi nous appeler ? disent-elles ; pourquoi nous poursuivre ? — Mais la cause de nos cris, de nos angoisses, c’est justement qu’elles vont à leur perte. — Si je suis perdue, si je n’ai plus la vie, qu’avez-vous affaire de moi ? que me voulez-vous ? — Ce que je veux, c’est te rappeler de ton égarement ; ce que je veux, c’est t’arracher à la mort. — Et si je veux m’égarer ? si je veux me perdre ? —Tu veux t’égarer ? tu veux te perdre ? Combien mieux, moi, je ne le veux pas ! Oui ; j’ose le dire : je suis importun ; car j’entends l’Apôtre : Prêche la parole, presse à temps, à contretemps. A temps, sans doute, ceux qui le veulent bien ; à contretemps, ceux qui ne le veulent pas. Oui, donc ; je suis importun : tu veux périr ; je ne le veux pas. Il ne le veut pas, lui non plus, Celui qui dit, plein de menaces, aux pasteurs : Vous n’avez pas rappelé ce qui s’égarait, vous n’avez pas cherché ce qui était perdu. Dois-je plus te redouter que lui-même ? Je ne te crains pas : ce tribunal du Christ, devant lequel nous devons tous paraître, tu ne le remplaceras pas par celui de Donat. Que tu le veuilles ou non, je rappellerai la brebis qui s’égare, je chercherai la brebis perdue. Que les ronces me déchirent : il n’y aura pas de brèche assez étroite pour arrêter ma poursuite ; il n’y aura pas de haie que je ne secoue, tant que le Seigneur me donnera des forces, pour pénétrer où que ce soit que tu prétendes périr ».

Forcés dans leurs derniers retranchements par l’intransigeance d’une telle charité, les Donatistes répondaient-ils en massacrant, à défaut d’Augustin, fidèles et clercs ; l’évêque suppliait les juges impériaux qu’on épargnât aux coupables la mutilation et la mort, de crainte que le triomphe des martyrs ne fût comme souillé par ces représailles sanglantes. Mansuétude bien digne, à coup sûr, de l’Église dont il était Pontife, mais que tenteraient vainement de retourner contre cette même Église, en l’opposant à certains faits de son histoire, les tenants d’un libéralisme qui reconnaît tout droit à l’erreur et lui réserve toute prévenance. L’évêque d’Hippone l’avoue : sa pensée fut d’abord qu’il ne fallait point user de contrainte pour amener personne à l’unité du Christ ; il crut que la parole, la libre discussion, devait être dans la conversion des hérétiques le seul élément de victoire ; mais, à la lumière de ce qui se passait sous ses yeux, la logique même de cette charité qui dominait son âme l’amenait bientôt à se ranger au sentiment tout autre de ses collègues plus anciens dans l’épiscopat.

« Qui peut, remarque-t-il, nous aimer plus que ne fait Dieu ? Dieu néanmoins emploie la crainte pour nous sauver, tout en nous instruisant avec douceur. Et le Père de famille, voulant des convives à son festin, n’envoie-t-il pas par les chemins, le long des haies, ses serviteurs, avec ordre de forcer à venir tous ceux qu’ils rencontreront ? Ce festin, c’est l’unité du corps du Christ. Si donc la divine munificence a fait qu’au temps voulu la foi des rois devenus chrétiens reconnût ce pouvoir à l’Église, c’est aux hérétiques ramenés de tous les carrefours, aux schismatiques forcés dans leurs buissons, de considérer, non la contrainte qu’ils subissent, mais le banquet du Seigneur où sans elle ils n’arriveraient pas. Le berger n’use-t-il pas de la menace, de la verge au besoin, pour faire rentrer au bercail du maître les brebis que la séduction en avait fait sortir ? La sévérité provenant de l’amour est préférable à la douceur qui trompe. Celui qui lie l’homme en délire et réveille le dormeur de sa léthargie, les moleste tous deux, mais pour leur bien. Si dans une maison menaçant ruine se trouvaient des gens que nos cris ne persuaderaient pas d’en sortir, est-ce que ne point user de violence à leur endroit pour les sauver malgré eux ne serait pas cruauté ? et cela, lors même que nous ne pourrions en arracher qu’un seul à la mort, et que l’obstination de plusieurs en prendrait occasion de précipiter leur perte : comme font ceux du parti de Donat qui, dans leur furie, demandent au suicide la couronne du martyre. Nul ne saurait devenir bon malgré lui ; mais ce sont des villes entières, non quelques hommes seulement, que la rigueur des lois dont ils se plaignent amène chaque jour à délivrance, en les dégageant des liens du mensonge, en leur faisant voir la vérité que la violence ou les tromperies schismatiques dérobaient à leurs yeux. Loin qu’elles se plaignent, leur reconnaissance aujourd’hui est sans bornes, leur joie entière ; leurs fêtes et leurs chants ne cessent plus ».

Cependant, par delà les flots séparant Hippone des rivages d’Italie, la justice du ciel passait sur la reine des nations. Rome, qui depuis le triomphe de la Croix n’avait point su répondre au délai que lui laissait la miséricorde, expiait sous les coups d’Alaric le sang des Saints versé jadis pour ses faux dieux. Sortez d’elle, mon peuple. A ce signal que le prophète de Pathmos avait entendu d’avance, la ville aux sept collines s’était dépeuplée. Loin des routes remplies de Barbares, heureux le fugitif pouvant confier à la haute mer, au plus fragile esquif, l’honneur des siens, les débris de sa fortune ! Comme un phare puissant dont les feux dominent l’orage, Augustin, par sa seule renommée, attirait vers la côte d’Afrique les meilleurs de ces naufragés de la vie. Sa correspondance si variée nous fait connaître les liens nouveaux créés par Dieu alors entre l’évêque d’Hippone et tant de nobles exilés. Naguère, c’était jusqu’à Nole, en l’heureuse Campanie, que des messages pleins de charmes, où se mêlaient les doctes questions, les réponses lumineuses, allaient saluer « ses très chers seigneurs et vénérables frères, Paulin et Thérasia, condisciples d’Augustin en l’école du Seigneur Jésus ». Maintenant c’est à Carthage, ou plus près encore, que les lettres du Saint vont consoler, instruire, fortifier Albina, Mélanie, Pinianus, Proba surtout et Juliana, aïeule et mère illustres d’une plus illustre fille, la vierge Démétriade, première du monde romain par la noblesse et l’opulence, conquête très chère d’Augustin pour l’Époux.

« Oh ! qui donc, s’écrie-t-il à la nouvelle de la consécration de cette fiancée du Seigneur, qui expliquera dignement combien glorieuse se révèle aujourd’hui la fécondité des Anicii, donnant des vierges au Christ après avoir pour le siècle ennobli tant d’années du nom des consuls leurs fils ! Que Démétriade soit imitée : quiconque ambitionne la gloire de l’illustre famille, prenne pour soi sa sainteté ! » Vœu du cœur d’Augustin, qui devait se réaliser magnifiquement, lorsque la gens Anicia, moins d’un siècle plus tard, donna au monde Scholastique et Benoît pour conduire tant d’âmes avides de la vraie noblesse dans le secret de la face de Dieu.

La chute de Rome eut dans les provinces et par delà un retentissement immense. L’évêque d’Hippone nous dit ses propres gémissements quand il l’eut apprise, ses larmes à lui, descendant des anciens Numides, sa douleur presque inconsolable : tant, même en sa décadence, par l’action secrète de Celui qui lui réservait de nouvelles, de plus hautes destinées, la cité reine avait gardé de place en la pensée universelle et d’empire sur les âmes. En attendant, la terrible crise devenait pour Augustin l’occasion de ses œuvres les plus importantes. Sur les ruines du monde qui semblait s’écrouler pour toujours, il édifiait son grand ouvrage de la Cité de Dieu : réponse aux partisans de l’idolâtrie, nombreux encore, qui attribuaient à la suppression du culte des dieux les malheurs de l’empire. Il y oppose à la théologie et, en même temps, à la philosophie du paganisme romain et grec la réfutation la plus magistrale, la plus complète qu’on en ait jamais vue ; pour de là établir l’origine, l’histoire, la fin des deux cités, l’une de la terre, l’autre du ciel, qui se divisent le monde, et que « firent deux amours divers : l’amour de soi jusqu’au mépris de Dieu, l’amour de Dieu jusqu’au mépris de soi-même ».

Mais le principal triomphe d’Augustin fut celui qui joignit à son nom le titre de Docteur de la grâce. La prière aimée de l’évêque d’Hippone : Da quod jubes, et jube quod vis, froissait l’orgueil d’un moine breton que les événements de l’année 410 avaient amené lui aussi sur la terre africaine : d’après Pelage, la nature, toute-puissante pour le bien, se suffisait pleinement dans l’ordre du salut, n’ayant été lésée d’aucune sorte d’ailleurs par le péché d’Adam qui n’avait affecté que lui-même. On comprend la répulsion toute spéciale d’Augustin, si redevable à la miséricorde céleste, pour un système dont les auteurs « semblaient dire à Dieu : Tu nous as faits hommes, mais c’est nous qui nous faisons justes ».

Dans cette campagne nouvelle, les injures ne furent pas épargnées au converti de jadis ; mais elles étaient la joie et l’espérance de celui qui, rencontrant ce même genre d’arguments dans la bouche d’autres adversaires, avait dit déjà : « Catholiques, mes frères très aimés, unique troupeau de l’unique Pasteur, je n’ai cure des insultes de l’ennemi au chien de garde du bercail ; ce n’est pas pour ma défense, c’est pour la vôtre que je dois aboyer. Faut-il lui dire pourtant, à cet ennemi, qu’en ce qui touche mes égarements, mes erreurs d’autrefois, je les condamne avec tout le monde, et n’y vois que la gloire de Celui qui par sa grâce m’a délivré de moi-même. Lorsque j’entends rappeler cette vie qui fut la mienne, à quelque intention qu’on le fasse, je ne suis pas si ingrat que de m’en affliger ; car autant l’on fait ressortir ma misère, autant moi je loue mon médecin ».

La renommée de celui qui faisait si bon marché de lui-même remplissait néanmoins la terre, en compagnie de la grâce par lui victorieuse. « Honneur à vous, écrit de Bethléhem Jérôme chargé d’années ; honneur à l’homme que n’ont point abattu les vents déchaînés !... Ayez bon courage toujours. L’univers entier célèbre vos louanges ; les catholiques vous vénèrent et vous admirent comme le restaurateur de l’ancienne foi. Signe d’une gloire encore plus grande : tous les hérétiques vous détestent. Moi aussi, ils m’honorent de leur haine ; ne pouvant nous frapper du glaive, ils nous tuent en désir ».

On reconnaît dans ces lignes l’intrépide lutteur que nous retrouverons en septembre, et qui laissait bientôt après sa dépouille mortelle à la grotte sacrée près de laquelle il avait abrité sa vie. Augustin devait poursuivre le bon combat quelques années, compléter l’exposé de la doctrine catholique à l’encontre même de saints personnages, auxquels il eût semblé que du moins le commencement du salut, le désir de la foi, ne requérait pas un secours spécial du Dieu rédempteur et sauveur. C’était le semi-pélagianisme. Cent ans plus tard, le second concile d’Orange, approuvé par Rome, acclamé par l’Église, terminait la lutte en s’inspirant dans ses définitions des écrits de l’évêque d’Hippone. Lui cependant concluait ainsi le dernier ouvrage achevé par ses mains : « Que ceux qui lisent ces choses rendent grâces à Dieu, s’ils les comprennent ; sinon, qu’ils s’adressent dans la prière au docteur de nos âmes, à Celui dont le rayonnement produit la science et l’intelligence. Me croient-ils dans l’erreur ? qu’ils y réfléchissent encore et encore, de peur que peut-être ce ne soient eux qui se trompent. Pour moi, quand il advient que les lecteurs de mes travaux m’instruisent et me corrigent, j’y vois la honte de Dieu ; et c’est ce que je demande comme faveur, aux doctes surtout qui sont dans l’Église, s’il arrive que ce livre parvienne en leurs mains et qu’ils daignent prendre connaissance de ce que j’écris ».

Revenons au milieu de ce peuple d’Hippone, si privilégié, conquis par le dévouement d’Augustin plus encore que par ses admirables discours. Sa porte, ouverte à tout venant, accueillait toute demande, toute douleur, tout litige de ses fils. Parfois, devant l’insistance des autres églises, des conciles même, réclamant d’Augustin la poursuite plus active de travaux d’intérêt général, un accord intervenait entre le troupeau et le pasteur, et l’on déterminait que, tels et tels jours de la semaine, le repos laborieux de celui-ci serait respecté par tous ; mais la convention durait peu ; quiconque le voulait triomphait de cet homme si aimant et si humble, près de qui, mieux que tous, les petits savaient bien qu’ils ne seraient jamais éconduits : témoin l’heureuse enfant qui, désireuse d’entrer en relation épistolaire avec l’évêque, mais craignant de prendre l’initiative, reçut de lui la missive touchante qu’on peut lire en ses Œuvres. Resterait à montrer dans notre Saint l’initiateur de la vie monastique en Afrique romaine, par les monastères qu’il fonda et habita lui-même avant d’être évêque ; le législateur dont une simple lettre aux vierges d’Hippone devenait la Règle où tant de serviteurs et de servantes de Dieu puiseraient jusqu’aux derniers temps la forme de leur vie religieuse ; enfin, avec les clercs de son église vivant ainsi que lui de la vie commune dans la désappropriation absolue, l’exemplaire et la souche de la grande famille des Chanoines réguliers. Mais il nous faut abréger ces pages déjà longues, que complétera le récit de la sainte Liturgie.

Indépendamment de la fête présente, l’Église fait au cinq mai mémoire spéciale de la Conversion d’Augustin dans son Martyrologe.

Quelle mort fut la vôtre, Augustin, sur l’humble couche où n’arrivaient à vous que nouvelles de désastres et de ruines ! Livrée aux Barbares en punition de ces crimes innommés du vieux monde dont la nourricière de Rome avait eu sa si large part, l’Afrique, votre patrie, ne devait pas vous survivre. Avec Genséric, Arius triomphait sur cette terre qui pourtant, grâce à vous, parla vigueur de foi qu’elle avait retrouvée, allait encore, un siècle durant, donner d’admirables martyrs au Verbe consubstantiel. Rendue au monde romain par Bélisaire, Dieu sembla vouloir à cause d’eux lui ménager l’occasion de retrouver ses beaux jours ; mais l’impéritie byzantine, absorbée dans ses querelles théologiques et ses intrigues de palais, ne sut ni la relever, ni la garder contre une invasion plus funeste que n’avait été la première. Les flots débordants de l’infidélité musulmane eurent bientôt fait de tout stériliser, dessécher et flétrir.

Enfin, après douze siècles, la Croix reparaît dans ces lieux où de tant d’Églises florissantes le nom même a péri. Puisse la liberté qui lui est rendue devenir bientôt le triomphe ! Puisse la nation dont relève aujourd’hui votre sol natal se montrer fière de cet honneur nouveau, comprendre les obligations qui en résultent pour elle en face d’elle-même et du monde !

Durant cette longue nuit pesant sur la terre d’où vous étiez monté aux cieux, votre action cependant ne s’était pas ralentie. Par l’univers entier, vos ouvrages immortels éclairaient les intelligences, excitaient l’amour. Dans les basiliques desservies par vos imitateurs et fils, la splendeur du culte divin, la pompe des cérémonies, la perfection des mélodies saintes, maintenaient au cœur des peuples l’enthousiasme surnaturel qui s’était emparé du vôtre à l’instant heureux où, pour la première fois dans notre Occident, résonna sous la direction d’Ambroise le chant alternatif des Psaumes et des Hymnes sacrées. Dans tous les âges, aux eaux, sorties de vos fontaines, la vie parfaite se complut à renouveler sa jeunesse sous les mille formes que le double aspect delà charité, qui regarde Dieu et le prochain, lui demande de revêtir.

Illuminez toujours l’Église de vos incomparables rayons. Bénissez les multiples familles religieuses qui se réclament de votre illustre patronage. Aidez-nous tous, en obtenant pour nous l’esprit d’amour et de pénitence, de confiance et d’humilité qui sied si bien à l’âme rachetée ; enseignez-nous l’infirmité de la nature et son indignité depuis la chute, mais aussi la bonté sans limites de notre Dieu, la surabondance de sa rédemption, la toute-puissance de sa grâce. Que tous avec vous nous sachions non seulement reconnaître la vérité, mais loyalement et pratiquement dire à Dieu : « Vous nous avez faits pour vous, et notre cœur est inquiet jusqu’à ce qu’il se repose en vous ».

DE LA VRAIE RELIGION

CHAPITRE VIII. FOI ET INTELLIGENCE. — UTILITÉ DES HÉRÉSIES.

Ces principes admis, l'homme comprendra suffisamment, autant du moins qu'il en est capable, combien sont nécessaires, justes et inévitables les lois imposées par Dieu, le souverain Maître, à toutes ses créatures. Grâce à lui, après avoir cru d'abord sur la parole de l'autorité, la vérité nous deviendra intelligible, soit qu'elle nous apparaisse avec les clartés de l'évidence, soit que nous en voyions la possibilité ou la nécessité. Et nous déplorerons la triste condition de ceux qui ne croient pas, et qui ont mieux aimé tourner en dérision, que de partager nos convictions. Lors en effet que l'on connaît l'éternité de la Trinité et l'inconstance de la créature; l'adorable incarnation, l'enfantement de la Vierge, la mort endurée par le Fils de Dieu pour les hommes, sa résurrection d'entre les morts, son ascension dans le ciel, son siège à la droite du Père, l'abolition du péché, le jugement suprême et la résurrection des corps ne sont pas seulement des dogmes de foi; on y voit éclater la miséricorde que déploie le Dieu suprême envers le genre humain.

Mais puisqu'il a été dit avec pleine vérité : « Il faut qu'il y ait beaucoup d'hérésies afin qu'on reconnaisse ceux dont la vertu est éprouvée (1), » nous tirerons un autre avantage de ce nouveau bienfait de la Providence. Les hérétiques sont pris dans les rangs de ces hommes qui eussent également embrassé l'erreur tout en demeurant dans l'Eglise. Mais séparés de nous ils peuvent nous être plus utiles, non pas en enseignant la vérité, car ils l'ignorent, mais en encourageant les hommes charnels à chercher la vérité, et les spirituels à en découvrir tous les secrets. Il y a en effet dans l’Église une foule d'hommes dont Dieu a éprouvé la vertu; ils demeurent ignorés parmi nous tant que, séduits par l'aveuglement et l'ignorance, nous préférons dormir plutôt que de chercher à contempler les splendeurs de la lumière. Aussi beaucoup, pour voir le jour du Seigneur et s'en réjouir, sont réveillés de ce sommeil par les hérétiques. Donc servons-nous de ces hérétiques, non pour approuver leurs égarements, mais pour écarter de l'enseignement catholique leurs perfides erreurs, pour devenir plus vigilants et plus prudents, quand même nous ne pourrions le ramener dans la bonne voie.

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Saint Joseph Calasance confesseur

27 Août 2019 , Rédigé par Ludovicus

Saint Joseph Calasance confesseur

Collecte

Dieu, par saint Joseph, votre Confesseur, vous avez daigné pourvoir votre Église d’un nouveau secours pour former la jeunesse à la science et à la piété : faites, nous vous en prions, qu’aidés de son exemple et de son intercession, nous puissions agir et enseigner de manière à mériter les éternelles récompenses.

Office

Au deuxième nocturne.

Quatrième leçon. Joseph Calasance de la Mère de Dieu naquit d’une noble famille, à Retraita en Aragon. Dès ses plus jeunes années, il donna des marques de sa charité envers les enfants et de son zèle pour les instruire. Tout jeune encore, il les réunissait autour de lui, pour leur apprendre les prières saintes et les mystères de la foi. Il cultiva avec soin les lettres profanes et sacrées. Pendant qu’il étudiait la théologie à Valence, il eut à se défendre des séductions d’une femme puissante et noble, et, par une insigne victoire, conserva intacte la virginité qu’il avait vouée à Dieu. S’étant fait Prêtre en exécution d’un vœu et appelé par plusieurs Évêques de la Nouvelle-Castille, d’Aragon et de Catalogne à partager leurs travaux, il surpassa les espérances de tous : grâce à lui les mœurs s’amendaient, la discipline ecclésiastique était remise en vigueur, les inimitiés et les factions qui ensanglantaient les cités s’apaisaient d’une manière étonnante. Mais sur des avertissements répétés, reçus en vision et par la voix de Dieu, il partit pour Rome.

Cinquième leçon. A Rome, il mena une vie très rude, affligeant son corps par des veilles et des jeûnes, passant les jours et les nuits dans la méditation des choses célestes et dans la prière. Il avait coutume de visiter presque chaque nuit les sept basiliques de la Ville, et il conserva cette habitude pendant plusieurs années. Enrôlé dans plusieurs confréries pieuses, il secourut avec un zèle admirable les pauvres, principalement les malades et les prisonniers, les aidant de ses aumônes et leur rendant tous les devoirs de la miséricorde. Dans une peste qui ravageait Rome, il se joignit à saint Camille et se livra si généreusement aux élans de la charité, que non content de pourvoir par de larges aumônes au soulagement des pauvres malades, il alla même jusqu’à transporter sur ses épaules, au lieu des inhumations, les cadavres de ceux qui avaient succombé. Ayant appris, par une révélation divine, qu’il était destiné à instruire et à former à la piété les enfants, et surtout les enfants pauvres, il fonda l’Ordre des Clercs réguliers pauvres des Écoles pies de la Mère de Dieu : religieux que la règle même de leur institut devait astreindre à donner un soin spécial à l’instruction des enfants. Le saint fondateur, vivement encouragé par Clément VIII, Paul V et d’autres souverains Pontifes, propagea son Ordre avec une rapidité merveilleuse dans plusieurs provinces et royaumes d’Europe. Dans cette œuvre, il supporta tant de travaux et traversa tant d’épreuves sans jamais fléchir, qu’il n’y avait partout qu’une voix pour le proclamer un prodige de force et une copie de la constance du saint homme Job.

Sixième leçon. Malgré les sollicitudes du gouvernement général de son Ordre, et bien qu’il continuât de travailler de tout son pouvoir au salut des âmes, jamais cependant il ne cessa d’instruire les enfants, surtout les plus indigents. Balayer leurs classes et les reconduire chez eux lui était habituel. Il persévéra pendant cinquante-deux ans, même étant malade, dans ces admirables pratiques de patience et d’humilité et mérita ainsi que Dieu fît éclater ses miracles devant ses disciples. La bienheureuse Vierge Marie lui apparut avec l’enfant Jésus qui les bénissait pendant qu’ils priaient. Il refusa les plus hautes dignités. Le don de prophétie, la pénétration des cœurs, la connaissance de ce qui se passait au loin, ses miracles, ont rendu son nom célèbre. Il fut extrêmement dévot envers la Vierge, Mère de Dieu : outre qu’il l’honora d’un culte particulier depuis sa plus tendre enfance, il recommanda aux siens de la vénérer de même. Marie et d’autres Saints le favorisèrent de fréquentes apparitions. Ayant prédit le jour de sa mort, le rétablissement et les progrès de son Ordre, alors presque détruit, il s’endormit dans le Seigneur, à Rome, âgé de quatre-vingt-douze ans, l’an mil six cent quarante-huit, la nuit des calendes de septembre. Au bout d’un siècle, on retrouva sa langue et son cœur intacts et sans corruption. Dieu l’ayant illustré par beaucoup d’autres prodiges après sa mort, le Pape Benoît XIV le mit au rang des Bienheureux et Clément XIII l’inscrivit solennellement au nombre des Saints.

Au troisième nocturne.

Homélie de saint Jean Chrysostome. In Cap. 18 Matth. Hom. 60

Septième leçon. « Gardez-vous de mépriser un seul de ces petits enfants ; parce que leurs Anges voient toujours la face de mon Père », parce que je suis venu pour eux et que telle est la volonté de mon Père. Par là, Jésus-Christ nous rend plus attentifs à protéger et à préserver les petits enfants. Vous voyez quels grands remparts il a élevés pour abriter les faibles ; que de zèle et de sollicitude il a pour empêcher leur perte ! Il menace des châtiments les plus graves ceux qui les trompent ; il promet à ceux qui en prennent soin la suprême récompense ; et cela, il le corrobore tant par son exemple que par celui de son Père.

Huitième leçon. A nous donc aussi d’imiter le Seigneur, et de ne rien négliger pour nos frères, pas même les choses qui nous sembleraient trop basses et trop viles ; mais s’il est besoin même de notre service, quelque faible et humble que soit celui qu’il faut servir, quelque difficile et pénible que la chose paraisse, que tout cela, je vous en prie, nous semble tolérable et aisé pour le salut d’un frère : car Dieu nous a montré que cette âme est digne d’un si grand zèle et d’une si grande sollicitude, que pour elle « il n’a pas même épargné son Fils ».

Neuvième leçon. Puisque, pour assurer notre salut, il ne suffit pas de mener une vie vertueuse, et qu’il faut encore effectivement désirer le salut d’autrui, que répondrons-nous, quel espoir du salut nous restera, si nous négligeons de mener une vie sainte, et d’exciter les autres à faire de même ? Quelle plus grande chose que de discipliner les esprits, que de former les mœurs des tendres adolescents ? Pour moi, celui qui s’entend à former l’âme de la jeunesse est assurément bien au-dessus des peintres, bien au-dessus des statuaires, et de tous les artistes de ce genre.

Vous serez le secours de l’orphelin ; c’est à vous que le pauvre a été laissé. Cette parole que déjà Venise la superbe avait vue réalisée dans la personne de son noble fils Jérôme Émilien, fixe aujourd’hui la sainteté d’un autre illustre personnage comptant parmi ses aïeux les premiers princes de Navarre, mais devenu souche d’une lignée plus haute au royaume de la charité.

Dieu qui arrose les arbustes de la plaine comme les cèdres du Liban, parce qu’il les a tous plantés, ne néglige point non plus les passereaux qui n’amassent rien dans des greniers : oubliera-t-il l’enfant, qui vaut mieux que l’oiseau du ciel ? Ou, nourrissant son corps, négligera-t-il en lui l’âme qui est plus l’âme affamée de ce pain de la science du salut qui conforte le cœur de l’homme ? Hélas ! En ce seizième siècle qui se leva sur tant de ruines, on eût dit que les anciennes réserves du Père de famille étaient épuisées. Merveilleuses sans doute se manifestèrent bientôt les revanches de l’Esprit qui fait les Saints, et qui par eux ressuscite les morts ; mais que d’abandonnés auxquels la charité renaissante n’avait pu suffire, en son zèle trop débordé par les mille soins de la première heure ! combien d’enfants surtout, loin des écoles où le riche seul avait entrée, réclamaient l’aliment de l’éducation la plus élémentaire, la plus indispensable à leurs obligations, à leur noblesse aussi de fils de Dieu, sans que personne se présentât pour leur rompre le pain de l’intelligence!

Plus heureuse que tant d’autres nations où l’hérésie minait toutes les forces sociales, l’Espagne, à son apogée, jouissait du centuple promis à quiconque cherche premièrement le royaume de Dieu. Un moment, elle sembla devenue la ressource intarissable du Seigneur : naguère, c’était Ignace de Loyola qu’elle donnait au monde ; elle vient, par la précieuse mort de Thérèse d’Avila, d’enrichir le ciel ; aujourd’hui, c’est encore à son abondance que l’Esprit recourt pour relever l’opulence de la capitale même de l’univers chrétien, et subvenir, sous les yeux de l’Église maîtresse et mère, aux besoins des plus humbles de la grande famille.

Le descendant des Calasanz de Péralta de la Sal, l’apôtre auquel les peuples d’Aragon, de Catalogne et de Castille préparent les plus hautes dignités dans leur admiration reconnaissante, entend retentir à l’oreille de son âme une voix mystérieuse : Va à Rome ; sors de la terre de ta naissance ; bientôt t’apparaîtra dans sa beauté des cieux la compagne qui t’est destinée, la sainte pauvreté, qui t’appelle à cette heure aux austères délices de son alliance ; va, sans savoir la route par où je te mène ; je te ferai le père d’une postérité immense ; je te montrerai tout ce qu’il faudra souffrir pour mon nom.

Quarante années d’une fidélité aveugle ont été nécessaires pour disposer l’élu du ciel, dans la sainteté qui s’ignore, à sa vocation sublime. En effet, nous dit aujourd’hui pour l’Église saint Jean Chrysostome, « quoi de plus grand que de manier les âmes, que de former les mœurs des enfants ? Je le dis dans ma persuasion intime : il l’emporte sans nul doute possible sur tous les peintres, il l’emporte sur tout statuaire, sur tout artiste d’aucune sorte, celui qui sait modeler les jeunes âmes ».

Joseph a compris la dignité de sa mission : conformément aux recommandations du saint Docteur, durant cinquante-deux années qu’il doit vivre encore, rien ne lui semblera méprisable ou vil dans le service des petits de ce monde ; rien ne lui coûtera pour arriver, par l’enseignement des éléments des lettres, à infuser aux enfants qui viennent à lui sans nombre la crainte du Seigneur. Bientôt, de Saint-Pantaléon, sa résidence, les Écoles pies couvrent l’Italie entière : puis passant la mer et les monts, elles se répandent par la Sicile, l’Espagne, tandis que peuples et rois se disputent leur trop petit nombre dans la Moravie, la Bohème, la Pologne et les pays du Nord.

L’éternelle Sagesse associait Calasanz à son œuvre de salut sur terre ; elle reconnut ses travaux en la manière qu’elle manque rarement de le faire pour les privilégiés de son amour, leur offrant, comme dit l’Esprit-Saint, le combat des forts, où elle leur assure, par son aide plus puissante que tout, la victoire. Combat des patriarches au gué de Jaboc, dernier obstacle séparant de la terre promise, quand déjà sont passés devant, par le dépouillement absolu, toutes les délices et tous les biens de ce monde ; combat de nuit, où défaille la nature boiteuse, mais qui fait se lever l’aurore et laisse le lutteur en face du jour sans fin ; combat avec Dieu seul à seul  sous l’apparence, il est vrai, de l’homme ou de l’ange : mais qu’importe, si la diversité du voile sous lequel il plaît au Seigneur de se cacher dans la lutte n’enlève rien aux droits de son domaine suprême ! Pourquoi chercher mon nom ? dit l’adversaire de Jacob ; le vôtre est maintenant Israël, fort contre Dieu.

On pourra demander aux historiens de saint Joseph Calasanz le détail des épreuves qui firent de lui ce prodige de force que nous recommande aujourd’hui l’Église ; elles allèrent jusqu’à amener, sur les calomnies spécieuses de quelques faux frères, la déposition du bienheureux et la ruine momentanée de son Ordre, réduit à l’état de congrégation séculière. Ce fut seulement après sa mort, qu’Alexandre VII, puis Clément IX, rendirent aux Écoles pies l’état Régulier et le titre de Religion à vœux solennels. Dans son grand ouvrage de la Canonisation des Saints, Benoît XIV s’étend longuement sur ce sujet, et il se complaît à rappeler la part multiple qu’il eut au procès du Serviteur de Dieu, à titre d’abord d’Avocat consistorial, puis comme Promoteur de la foi, enfin, Cardinal, émettant un suffrage favorable en la cause  ; on verra dans la Légende que, de plus, ce fut lui qui le béatifia.

Le Seigneur a exaucé le désir des pauvres, il a été au-devant des aspirations de leur cœur, en vous faisant le mandataire de son amour, en mettant sur vos lèvres la parole que lui-même formula le premier : Laissez venir à moi les petits enfants. Combien, ô Joseph, vous devront l’éternel bonheur, parce que vous et vos fils aurez gardé en eux la ressemblance divine reçue au baptême, et qui est l’unique titre de l’homme à entrer aux cieux  ! Soyez béni d’avoir justifié la confiance de Jésus remettant à vos soins ces êtres si frêles, objet de sa divine prédilection.

Soyez béni de l’avoir justifiée mieux encore cette confiance du Seigneur Dieu, quand il donna, comme pour Job, licence à l’enfer de tout briser autour de vous, avec des recherches de surprise douloureuse que ne connut point le juste de l’Idumée. Ne faut-il pas que Dieu puisse compter imperturbablement sur les siens ? N’est-il pas d’une convenance souveraine, qu’au milieu des défections de ce triste monde, il justifie, devant ses Anges, et sa grâce et notre pauvre nature, en montrant jusqu’où peuvent aller dans ses Saints les reprises de sa volonté toujours adorée ?

La réparation que votre indomptable confiance attendait de la Mère de Dieu, devait venir quand il plairait au ciel. O Joseph, maintenant que depuis si longtemps a sonné pour les Écoles pies l’heure de la résurrection, bénissez les disciples que notre siècle vous donne toujours ; obtenez-leur, ainsi qu’aux nombreux écoliers qu’ils continuent de former à la science chrétienne, les bénédictions de Jésus Enfant ; à tous ceux qui consacrent au jeune âge leurs travaux et leur vie, inspirez votre esprit, obtenez courage ; élevez nos âmes à la hauteur des enseignements de votre héroïque existence.

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Saint Louis roi de France

25 Août 2019 , Rédigé par Ludovicus

Saint Louis roi de France

Fils du roi de France Louis VIII le Lion et de la reine Blanche de Castille, Louis naît au château de Poissy, le 25 avril 1214. ... quelques semaines avant la grande victoire des troupes françaises sur celles du Saint-Empire et de l'Angleterre à Bouvines.

Louis IX a frappé ses contemporains par son sens de la justice, sa profonde piété et sa grande charité envers les pauvres ; sa vertu le faisait regarder comme l'arbitre des princes d'Europe.

Il fut baptisé à Poissy, et en conserva toujours religieusement le souvenir, car plus tard il signait ordinairement Louis de Poissy, marquant par là qu'il estimait la grâce du baptême comme son plus glorieux titre de noblesse. Sa mère, Blanche de Castille, voulut le nourrir elle-même. Tout le monde connaît la belle parole de cette grande reine : « Mon fils, je vous aime après Dieu plus que toutes choses; cependant, sachez-le bien, j'aimerais mieux vous voir mort que coupable d'un seul péché mortel. »

Neuvième des capétiens directs, Louis est sacré à Reims à l'âge de douze ans, quelques jours seulement après l'enterrement de son père.

Le jeune Louis montra dès son enfance les grandes vertus qu'il devait faire éclater sur le trône, l'égalité d'âme, l'amour de la justice et une tendre piété. Comme on lui reprochait quelques fois de donner trop de temps aux pieux exercices: "Les hommes sont étranges, disait-il; on me fait un crime de mon assiduité à la prière, et on ne dirait rien si j'employais des heures plus longues à jouer aux jeux de hasard, à courir les bêtes fauves, à chasser aux oiseaux."

Devenu roi, il voulut établir avant tout le règne de Dieu, auquel sont indéfectiblement liés le Roi et la France. Il s'appliqua plus que jamais à faire de la France un royaume puissant et chrétien. On connaît sa loi condamnant les blasphémateurs à subir aux lèvres la marque d'un fer rougi au feu.

Un des plus beaux jours de sa vie fut celui où il alla au-devant des religieux qui apportaient d'Orient la sainte Couronne d'épines, et la porta, pieds nus, dans sa capitale.

Saint-Louis fonda des hôpitaux et des monastères. Il réalisa son grand projet : construire la Sainte-Chapelle comme une châsse de lumière et de vitraux destinée à recueillir les saintes reliques, surtout la Couronne d'épines. Il donna à sa soeur, la bienheureuse Isabelle de France, le terrain de Longchamp pour y fonder une abbaye de religieuses de Sainte-Claire. « Si je dépense beaucoup d’argent quelquefois, j’aime mieux le faire en aumônes faites pour l’amour de Dieu que pour frivolités et choses mondaines. Dieu m’a tout donné ce que j’ai. Ce que je dépense ainsi est bien dépensé. » (Saint Louis au sire de Joinville )

A vingt ans, il épousa Marguerite de Provence et leur amour sera tendre et fidèle. Saint Louis fut aussi un modèle du pur amour conjugal; il avait fait graver sur son anneau cette devise: "Dieu, France et Marguerite."

A la suite d'une maladie mortelle, guéri miraculeusement, Louis obéit à une inspiration du Ciel qui l'appelait aux Croisades. Quand il partit pour délivrer la Terre Sainte en 1248, il s'embarqua avec elle. On le vit, dans ces luttes gigantesques, qui avaient pour but la libération des Lieux Saints, faire des actes de bravoure qui le mettaient au rang des plus illustres guerriers. On se tromperait en croyant que le bon et pieux roi n'eût pas toute la noble fierté qui convenait à son rang.
 
Les Sarrasins, qui le retinrent longtemps captif, après une désastreuse campagne, eurent lieu d'admirer sa grandeur d'âme, sa foi et son courage. Lui demandant de fixer le prix de sa rançon pour sa libération, il leur répondit de s'enquérir auprès de sa femme (Marguerite de Provence) qui seule décidait de l'engagement des dépenses ! L'épisode est narré par Joinville, il est ainsi rapporté par Régine Pernoud :
 
"Quand ils virent (les 'Sarrasins'), qu'ils ne pourraient vaincre le bon roi par les menaces, ils revinrent à lui et lui demandèrent combien il voudrait donner d'argent au sultan et avec cela, s'il leur rendrait Damiette. Et le roi leur répondit que, si le sultan voulait prendre de lui une somme raisonnable de deniers, il manderait à la reine qu'elle les payât pour leur délivrance; et ils dirent : 'Comment est-ce que vous ne voulez pas dire que vous ferez ces choses ?' (Pourquoi ne voulez-vous pas vous y engager vous-même ?) Et le roi répondit qu'il ne savait si la reine le voudrait faire, pour ce qu'elle était sa Dame."
 
Une fois libéré et rentré dans son royaume, il y entreprit de grandes réformes en particulier l'interdiction du duel judiciaire.

Son royaume connut une période de plein développement culturel, intellectuel et théologique. Saint Louis aimait recevoir à sa table saint Bonaventure et saint Thomas d'Aquin. Avec Robert de Sorbon, il fonda la Sorbonne (1257). Il suivit avec attention l'achèvement de la cathédrale Notre-Dame et surtout les grandes rosaces (1255) et les porches.

Son plus grand souci fut de pacifier, de réconcilier les ennemis et d'éteindre les conflits, en particulier entre la France et l'Angleterre (1258).
 
Mais il rêvait de retourner en Terre Sainte, et de convertir le sultan d'Egypte. Il n'ira pas plus loin que Carthage, l'actuelle Tunis. La maladie eut raison de lui, c'était le 25 août 1270.
 
Sources: (1) Abbé L. Jaud, Vie des Saints pour tous les jours de l'année, Tours, Mame, 1950; (2) Nominis; (3) Régine Pernoud, Les femmes au temps des croisades, Editions Stock Le Livre de Poche, Paris 1990, p. 230.

Prière de St Louis

Dieu Tout-Puissant et éternel,

Qui avez établi l'empire des Francs pour être dans le monde

L'instrument de vos divines volontés,

Le glaive et le bouclier de votre sainte Eglise,

Nous vous en prions, prévenez toujours et partout de votre céleste lumière,

Les fils suppliants des Francs,

Afin qu'ils voient ce qu'il faut faire pour réaliser votre règne en ce monde,

Et que pour accomplir ce qu'ils ont vu,

Ils soient remplis de charité, de force et de persévérance,

Par Jésus-Christ Notre-Seigneur.

Amen

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XIème Dimanche après la Pentecôte

25 Août 2019 , Rédigé par Ludovicus

XIème Dimanche après la Pentecôte

Introït

Dieu est dans son lieu saint, Dieu qui fait habiter dans sa maison des hommes d’une seule âme : il donnera la vertu et la force à son peuple. Que Dieu se lève et que ses ennemis soient dissipés, et que ceux qui le haïssent fuient de devant sa face

Collecte

Dieu tout-puissant et éternel, qui dépassez par l’abondance de votre bonté les mérites et les vœux de ceux qui vous prient, répandez sur nous votre miséricorde : pardonnez les fautes qui agitent la conscience, accordez même ce que n’ose formuler la prière.

Epître

Mes Frères, je vous rappelle l’Évangile que je vous ai prêché, que vous avez reçu, dans lequel vous demeurez fermes, et par lequel vous êtes sauvés : voyez si vous l’avez retenu en la manière que je vous l’ai annoncé ; car autrement vous auriez cru en vain.

Or l’enseignement principal que je vous ai donné comme je l’ai reçu moi-même, c’est que le Christ est mort pour nos péchés conformément aux Écritures, qu’il a été enseveli et qu’il est ressuscité le troisième jour conformément aux Écritures, qu’il est apparu à Céphas et ensuite aux onze. Après il a été vu en une seule fois par plus de cinq cents frères, dont la plupart vivent encore présentement et quelques-uns sont morts. Ensuite il s’est montré à Jacques, ensuite à tous les Apôtres. Après tous les autres enfin il s’est fait voir à moi-même qui ne suis qu’un avorton. Car je suis, moi, le moindre des Apôtres, je ne suis pas digne d’être appelé apôtre, parce que j’ai persécuté l’Église de Dieu. Mais c’est par la grâce de Dieu que je suis ce que je suis, et sa grâce n’a point été stérile en moi.

Evangile

En ce temps-là, Jésus, sortant des confins de Tyr, vint par Sidon vers la mer de Galilée, en passant au milieu de la Décapole. Et voici qu’on lui amena un homme qui était sourd et muet, en le priant de lui imposer les mains. Le prenant donc à part du milieu de la foule, il lui mit ses doigts dans les oreilles et de sa salive sur la langue ; et, levant les yeux au ciel, il soupira et lui dit : Ephphetha, c’est-à-dire, ouvrez-vous. Aussitôt ses oreilles furent ouvertes et sa langue déliée, et il parlait comme il convient. Il leur défendit de le dire à personne. Mais plus il le leur défendait, plus ils le publiaient, et plus ils étaient dans l’admiration, disant : Il a bien fait toutes choses ; il a fait entendre les sourds et parler les muets.

Offertoire

Seigneur, je chanterai vos grandeurs, parce que vous m’avez relevé, et que vous n’avez point donné à mes ennemis sujet de se réjouir contre moi ; Seigneur, j’ai crié vers vous, et vous m’avez guéri.

Postcommunion

Faites, nous vous en supplions, Seigneur , que nous trouvions dans la réception de votre Sacrement le secours de l’âme et du corps, afin que, sauvés dans l’un et l’autre, nous rencontrions notre gloire dans le plein effet du céleste remède

Office

Au deuxième nocturne.

Du Commentaire de saint Jérôme, Prêtre, sur le Prophète Isaïe.

Quatrième leçon. De crainte que le cœur d’Ézéchias s’enorgueillisse, après d’incroyables triomphes et une victoire qui préservait d’une captivité, la maladie le visite et il lui est déclare qu’il va mourir, afin que, se tournant vers le Seigneur, il lui fasse changer son arrêt. Nous lisons qu’il en fut ainsi, et pour ce que Jonas avait annoncé, et pour les menaces lancées contre David. De ce que ces choses prédites ne sont pas suivies d’effet, il ne faut pas conclure que Dieu change de résolution, mais il amène les hommes à le connaître ; car le Seigneur a le cœur peiné de sévir contre les hommes. Ézéchias tourna son visage du côté de la muraille, parce qu’il ne pouvait se rendre au temple. Il le tourna vers la muraille du temple, près duquel Salomon avait construit le palais ; ou absolument vers la muraille, pour ne point paraître montrer avec affectation ses larmes à ceux qui l’entouraient.

Cinquième leçon. Apprenant qu’il va mourir, il ne demande pas une prolongation de vie et beaucoup d’années : il s’en remet à la volonté de Dieu sur ce qu’il voudra lui accorder, sachant que Salomon avait plu à Dieu pour ne lui avoir point demandé une longue existence. Près d’aller vers le Seigneur, il rappelle ce qu’il a fait, comment il a marché devant lui dans la vérité et avec un cœur parfait. Heureuse la conscience qui, au temps de l’affliction, se souvient de ses bonnes œuvres : « Heureux, en effet, ceux qui ont le cœur pur, parce qu’ils verront Dieu. » Mais comment ; se fait-il qu’il est écrit ailleurs : « Qui pourra se glorifier d’avoir le cœur pur ? » La difficulté se résout ainsi : la perfection du cœur est attribuée ici à Ézéchias, parce qu’il a détruit les idoles, ouvert les portes du temple, brisé le serpent d’airain et accompli les autres actions que rapporte l’Écriture.

Sixième leçon. Il répandit beaucoup de larmes, à cause de la promesse du Seigneur à David, qu’il voyait privée d’effet par sa mort. Ézéchias n’avait pas d’enfants à cette époque, puisqu’après sa mort Manassé commença de régner en Juda, n’étant encore âgé que de douze ans ; ce qui montre avec évidence qu’il ne vint au monde que trois années après la prolongation de vie accordée à Ézéchias. La cause unique de ses larmes est donc qu’il désespérait que le Christ naquît de sa race. D’autres interprètes disent que la mort épouvante les saints eux-mêmes, à cause de l’incertitude du jugement de Dieu et de leur ignorance de la sentence d’où dépendra la demeure qu’ils auront.

Au troisième nocturne.

Homélie de saint Grégoire, pape.

Septième leçon. Quand Dieu, Créateur de toutes choses, a voulu guérir un sourd-muet, il lui mit les doigts dans les oreilles et il prit de la salive et lui toucha la langue. Pourquoi ? Que signifient les doigts du Rédempteur, sinon les dons du Saint-Esprit ? C’est pour cela que, ailleurs, après avoir chassé un démon, il dit : « Si c’est par le doigt de Dieu que je chasse les démons, le Royaume de Dieu est donc venu jusqu’à vous. » Un autre évangéliste exprime cette même parole ainsi : « Si c’est par l’Esprit de Dieu que je chasse les démons, le Royaume de Dieu est donc venu jusqu’à vous. » En mettant ces deux textes ensemble, on voit que l’Esprit est appelé doigt de Dieu. Donc, mettre les doigts dans les oreilles, c’est ouvrir à l’obéissance l’esprit du sourd par les dons du Saint-Esprit.

Huitième leçon. Et que veut dire : « Il prit de la salive et lui toucha la langue » ? Pour nous, la salive de la bouche du Rédempteur c’est la sagesse reçue par le discours divin. En effet, la salive découle de la tête dans la bouche. Ainsi, quand le Rédempteur qui est lui-même la Sagesse, touche notre langue, du coup, il la forme aux paroles de la prédication. « Il leva les yeux vers le ciel, et il gémit. » Non qu’il eût besoin de gémir, lui qui donnait ce qu’il demandait : Mais c’était pour nous apprendre à gémir vers celui qui siège au ciel, car nos oreilles doivent s’ouvrir par les dons du Saint-Esprit ; et la langue doit se délier en vue de la prédication par la salive de la bouche, c’est-à-dire par la science de la divine parole.

Neuvième leçon. « Et au même moment il lui dit : Effétha, c’est-à-dire : Ouvre-toi, ses oreilles s’ouvrirent, et du coup fut dénoué le lien de sa langue. » Notons ici que les mots « ouvre-toi » sont en fonction des oreilles bouchées. Mais dès que les oreilles du cœur sont ouvertes à l’obéissance, il s’en suit tout naturellement que le lien de la langue est dénoué pour dire aux autres d’accomplir les bonnes actions qu’on a soi-même accomplies. Alors on ajoute à bon droit : « Il parlait normalement. » Car celui qui pratique d’abord l’obéissance parle ensuite normalement pour exhorter les autres à exécuter ce qu’ils doivent faire.

ÉPÎTRE

Dimanche dernier, le Publicain nous rappelait l’humilité qui convient au pécheur. Aujourd’hui le Docteur des nations nous montre en sa personne que cette vertu ne sied pas moins à l’homme justifié, qui se souvient d’avoir autrefois offensé le Très-Haut. Le péché du juste, fût-il remis dès longtemps, demeure sans cesse devant ses yeux ; toujours prêt à s’accuser lui-même, il ne voit dans le pardon et l’oubli divins qu’un motif nouveau de ne jamais perdre, quant à lui, le souvenir de ses fautes. Les faveurs célestes qui viennent parfois récompenser la sincérité de son repentir, la manifestation des secrets de la Sagesse éternelle, l’entrée dans les puissances du Seigneur, en le conduisant plus avant dans l’intelligence des droits de la justice infinie, lui révèlent mieux aussi l’énormité des crimes volontaires qui sont venus s’adjoindre aux souillures de son origine. Bientôt, dans cette voie, l’humilité n’est plus seulement pour lui une satisfaction donnée à la justice et à la vérité par son intelligence éclairée d’en haut : à mesure qu’il vit avec Dieu d’une union plus étroite et qu’il s’élève par la contemplation dans la lumière et l’amour, la divine charité, qui le presse toujours plus en toutes manières, se fait un aliment du souvenir même de ses fautes. Elle sonde l’abîme d’où la grâce l’a tiré, pour s’élancer de ces profondeurs de l’enfer plus véhémente, plus dominante et plus active. C’est alors que la reconnaissance pour les richesses sans prix qu’il tient aujourd’hui de la libéralité souveraine ne suffit plus au pécheur d’autrefois, et que l’aveu de ses misères passées sort de son âme ravie comme un hymne au Seigneur.

Comme Augustin, à la suite de Paul, « il glorifie le Dieu juste et bon en publiant de soi le bien et le mal, afin de gagner à l’unique objet de sa louange et de son amour l’esprit et le cœur des humains. » Et le converti de Monique et d’Ambroise, l’illustre évêque d’Hippone, plaçait en tête de ses Confessions immortelles la parole des psaumes, qui expliquait son but et sa pensée : Vous êtes grand, Seigneur, et digne de toute louange ; grande est votre puissance, et sans mesure votre sagesse !

« Et c’est vous que l’homme prétend louer ! poursuit-il : l’homme, portion chétive de votre création, promenant partout sa mortalité, et, avec elle, le témoignage de son péché, le témoignage que vous résistez aux superbes ! Et pourtant, cet être infime qui veut vous louer, ô Dieu, vous l’excitez à se complaire en cette louange. Recevez donc l’hommage que vous offre ma langue formée pour louer votre Nom. Que ma chair et tous mes os, guéris par vous, s’écrient : Seigneur, qui est semblable à vous ? Que mon âme vous loue pour vous aimer ; que pour vous louer elle confesse vos miséricordes. Je veux repasser présentement dans ma pensée mes longs égarements, et vous immoler sur ma honte une hostie d’allégresse. Non que j’aime mes fautes ; mais c’est pour vous aimer, vous, mon Dieu, que je les rappelle ; c’est par amour de votre amour que je reviens à ces amertumes pour savourer vos délices, ô douceur qui ne trompez pas, douceur bienheureuse et sans périls, qui rassemblez mes puissances et les rappelez de la dispersion douloureuse où les avait jetées mon éloignement de vous, centre unique de tout être. Que suis-je pour moi sans vous, qu’un guide conduisant aux abîmes ? Lorsqu’en moi tout est bien, que suis-je, que le petit enfant au sein de sa mère, le nourrisson puisant en vous dans la jouissance une nourriture incorruptible ? Qu’est l’homme enfin, quelque homme qu’il soit, puisqu’il est homme ? Qu’ils rient de moi, les puissants, ceux-là, ô mon Dieu, qui n’ont pas encore eu l’heureuse fortune d’être terrassés et brisés par vous ! Nous les petits, en face de ces forts, nous nous confessons et vous louons dans notre misère. Point n’est besoin pour cela de la parole et de la voix, vous entendez les cris de la pensée : quand je suis mauvais, c’est me confesser et vous louer que de me déplaire à moi-même ; quand je suis bon, c’est me confesser et vous louer que de ne pas m’en attribuer la cause. Car si vous bénissez le juste[Psalm. V, 13.[]], ô Seigneur, c’est que  vous l’avez d’abord justifié comme impie. »

C’est par la grâce de Dieu que je suis ce que je suis, doit dire en effet le juste avec l’Apôtre ; et lorsque cette vérité fondamentale est affermie dans son âme, il peut sans crainte ajouter avec lui : Sa grâce n’a pas été stérile en moi. Car l’humilité repose sur la vérité, disions-nous Dimanche : on manquerait à la vérité en rapportant à l’homme ce qui, dans l’homme, vient du souverain Être ; mais ce serait aller aussi contre elle, que de ne pas reconnaître avec les saints les œuvres de la grâce où Dieu les a mises. Dans le premier cas, la justice se trouverait blessée non moins que la vérité ; dans le second, la gratitude. L’humilité, dont le but direct est d’éviter ces lésions injustes de la gloire due à Dieu en réfrénant les appétits de la superbe, devient ainsi d’autre part le plus sûr auxiliaire de la reconnaissance, noble vertu, qui, dans les chemins d’ici-bas, n’a pas de plus grand ennemi que l’orgueil.

Aux premiers temps de la conversion, il est bon, il est prudent et nécessaire même généralement, pour les âmes, d’insister plus dans leurs méditations sur la considération de leurs défauts et de leurs fautes que sur la pensée des faveurs divines ; toujours est-il, cependant, qu’alors même il n’est permis à aucun homme d’oublier qu’il doit non seulement pleurer ses crimes passés et veiller sur sa vie présente, mais aussi remercier sans fin l’auteur de son bienheureux changement et de ses progrès dans la vertu. Lorsque le chrétien ne peut voir en lui-même une grâce, un bien quelconque, sans qu’aussitôt il lui faille lutter pour écarter les complaisances de l’amour-propre et la pensée de se préférer à d’autres, il n’a pas à s’en troubler sans doute ; car le péché d’orgueil n’est pas dans la suggestion mauvaise qui peut s’en présenter, mais dans le consentement qu’on lui donne ; toutefois cette hésitation du regard intérieur n’est pas sans inconvénient dans les voies spirituelles, et l’homme qui veut s’élever vers Dieu doit tendre doucement à la faire disparaître. Avec l’aide de la grâce il raffermira peu à peu l’œil de son âme, et guérira, parla pratique des Sacrements, son infirmité de nature. Surtout, qu’en ce point, comme pour tant d’autres, il se confie pleinement à Dieu qui l’appelle ; de lui-même, il serait impuissante se dégager des restes involontaires du péché qui, comme autant d’humeurs viciées, faussent en lui la belle lumière des dons divins ou la font dévier par une réfraction malheureuse.

Si votre œil est simple, nous dit le Seigneur, votre corps tout entier sera lumineux, sans qu’aucune partie soit obscure ; la lumière vous illuminera pleinement et sûrement, parce qu’elle vous arrivera sans altération ni détour. C’est donc à la douce simplicité, fille de l’humilité et son inséparable compagne, qu’il appartient de nous dire comment s’allient dans les âmes, et se complètent mutuellement, la connaissance réfléchie des faveurs qu’elles reçoivent du ciel et la conscience de leur misère ; elle nous apprend, à la clarté des Écritures et à l’école des Saints, que se louer dans le Seigneur, se glorifier en Dieu, c’est louer et glorifier le Seigneur même. Quand Notre-Dame proclamait que toutes les générations l’appelleraient bienheureuse, l’enthousiasme divin qui l’animait n’était pas moins l’extase de son humilité que de son amour. La vie des âmes d’élite présente à chaque pas de ces transports sublimes, Où reprenant pour soi le cantique de leur Reine, elles magnifient le Seigneur en chantant les grandes choses qu’il fait par elles dans sa puissance. Lorsque saint Paul, après l’appréciation si basse qu’il porte de lui-même comparé aux autres Apôtres, ajoute que la grâce a été productive en lui et qu’il a travaillé plus qu’eux tous, ne croyons pas qu’il change de thème, ou que l’Esprit qui le dirige veuille corriger ainsi ses premières expressions ; un seul besoin, un même et unique désir lui inspire ces paroles en apparence diverses et contraires : le désir et le besoin de ne pas frustrer Dieu dans ses dons, soit par l’appropriation de l’orgueil, soit par le silence de l’ingratitude.

Nous nous sommes étendus de préférence sur ces réflexions que suggèrent les dernières lignes de notre Épître ; elles complètent ce que nous avions à dire de l’humilité, vertu indispensable d’où relève tout progrès comme toute sûreté dans la vie chrétienne. Ce que dit saint Paul au sujet de la résurrection du Seigneur, considérée comme fondement de la prédication apostolique et de la foi des nations , n’a pas moins d’importance ; mais le glorieux mystère qui fournit à l’année liturgique dans la Solennité des solennités son pivot et son centre, a été traité durant l’Octave de Pâques avec les développements qu’il mérite. Lors même que le défaut d’espace ne nous y contraindrait pas, nous ne saurions mieux faire que d’y renvoyer le lecteur. Le Graduel nous est donné, dans les ouvrages des pieux interprètes de la Liturgie, comme l’action de grâces des humbles, guéris par Dieu conformément à l’espérance qu’ils avaient mise en lui.

ÉVANGILE.

Jésus n’est plus dans la Judée ; le nom des lieux cités en tête de l’Évangile du jour indique que la gentilité est devenue le théâtre des opérations du salut. Quel est donc cet homme qu’on amène au Sauveur, et dont la misère arrache des soupirs au Verbe divin ? Que signifient les circonstances insolites avec lesquelles s’opère sa guérison ?

Cette guérison, d’un seul mot Jésus pouvait l’accomplir, et sa puissance en eût paru plus éclatante. Mais le miracle qui nous est raconté cache un plus grand mystère ; et l’Homme-Dieu, voulant ici surtout nous instruire, subordonne l’exercice de sa puissance au but d’enseignement qu’il poursuit.

Les saints Docteurs nous apprennent en effet que cet homme représente le genre humain tout entier en dehors du peuple juif. Abandonné depuis quatre mille ans dans les régions de l’aquilon où régnait seul le prince du monde, il a ressenti les effets désastreux de l’oubli dans lequel l’avait mis, semblait-il, son Créateur et Père, par suite du péché d’origine. Satan dont la ruse perfide l’a fait chasser du paradis, s’en étant emparé, s’est surpassé dans le choix du moyen qu’il a pris pour garder sa conquête. La tyrannie savante de l’oppresseur a réduit son esclave à un état de mutisme et de surdité qui le fixe mieux que des chaînes de diamant sous son empire ; muet pour implorer Dieu, sourd pour entendre sa voix, les deux routes qui pouvaient le conduire à la délivrance sont fermées pour lui. L’adversaire de Dieu et de l’homme, Satan peut s’applaudir. C’en est fait, on peut le croire, de la dernière des créations du Tout-Puissant, c’en est fait du genre humain sans distinction de familles ou de peuples ; car voici qu’elle-même, la nation gardée par le Très-Haut comme sa part de réserve au milieu de la défection des peuples, a profité de ses avantages pour renier plus cruellement qu’eux tous son Seigneur et son Roi !

L’Épouse que le Fils de Dieu était venu chercher sur la terre, la société des saints, doit-elle donc se réduire aux rares individualités qui s’attachèrent à lui durant les jours de sa vie mortelle ? Par le zèle de l’Église naissante et l’ineffable bonté du Seigneur, il n’en sera pas ainsi. Chassée de Jérusalem avec son Époux, l’Église a rencontré au delà des confins de Judée le captif de Satan ; elle le convoite pour le royaume de Dieu, et c’est elle qui, par ses apôtres et leurs disciples, l’amène à Jésus, en le priant d’imposer sur lui sa main divine. Car nulle puissance humaine ne saurait le guérir : non seulement, assourdi comme il l’est par le tumulte des passions, il n’entend plus que d’une manière confuse la voix même de sa conscience, et ne perçoit plus l’écho des traditions, les accents des prophètes, que comme un son lointain et sans force ; mais encore, l’ouïe ainsi éteinte, il a perdu, avec ce sens précieux plus que tous les autres ici-bas, la possibilité même de réparer ses pertes, puisque la foi qui pourrait seule le sauver vient de l’ouïe, nous dit l’Apôtre.

L’Homme-Dieu gémit en présence d’une misère si extrême. Et comment ne l’eût-il pas fait à la vue des ravages exercés par l’ennemi sur cet être d’élite, dans cette œuvre si belle dont lui-même avait fourni le modèle à la Trinité adorable aux premiers jours du monde ? Levant donc au ciel les yeux toujours exaucés de son humanité sainte il voit l’acquiescement du Père aux intentions de sa compassion miséricordieuse ; et, reprenant l’usage de ce pouvoir créateur qui fit toutes choses par faites à l’origine, il prononce comme Dieu et comme Verbe la parole de restauration toute-puissante :

Ephphetha ! Le néant, ou plutôt, ici, la ruine pire que le néant, obéit à cette voix bien connue ; l’ouïe de l’infortuné se réveille ; elle s’ouvre avec délices aux enseignements que lui prodigue la tendresse triomphante de l’Église, dont les prières maternelles ont obtenu cette délivrance ; et la foi qui pénètre en lui du même coup produisant son effet, sa langue enchaînée reprend le cantique de louange au Seigneur interrompu par le fatal péché depuis des siècles.

Cependant l’Homme-Dieu, disions-nous, veut moins, dans cette guérison, manifester la puissance de sa parole divine qu’instruire les siens ; il veut leur révéler symboliquement les réalités invisibles produites par sa grâce dans le secret des sacrements. C’est pourquoi il emmène l’homme qu’on lui présente à l’écart, à l’écart de cette foule tumultueuse des passions et des vaines pensées qui l’avaient rendu sourd pour le ciel ; à quoi servirait-il en effet de le guérir, si, les causes de sa maladie n’étant pas éloignées, il doit retomber aussitôt ? Jésus, ayant donc garanti l’avenir, met dans les oreilles de chair de l’infirme ses doigts sacrés qui portent l’Esprit-Saint et font pénétrer jusqu’aux oreilles de son cœur la vertu réparatrice de cet Esprit d’amour. Enfin, plus mystérieusement encore, parce que la vérité qu’il s’agit d’exprimer est plus profonde, il touche avec la salive sortie de sa bouche divine cette langue devenue impuissante pour la confession et la louange ; et la Sagesse, car c’est elle qui est ici mystiquement signifiée, la Sagesse qui sort de la bouche du Très-Haut, et découle pour nous comme une onde enivrante de la chair du Sauveur, ouvre la bouche du muet, comme elle rend éloquente la langue des enfants qui ne parlaient pas encore.

Aussi l’Église, pour nous montrer qu’il s’agit figurativement, dans le fait de notre Évangile, non d’un homme isolé, mais de nous tous, a-t-elle voulu que les rites du baptême de chacun de ses enfants reproduisissent les circonstances de la guérison qui nous est racontée. Son ministre doit, avant de plonger dans le bain sacré l’élu qu’elle lui présente, déposer sur sa langue le sel de la Sagesse, et toucher les oreilles du néophyte en répétant la parole du Christ sur le sourd-muet : Ephphetha, c’est-à-dire ouvrez-vous. Il est une instruction d’un autre genre qui ressort également du récit évangélique, et que nous ne devons pas négliger, parce qu’elle arrive opportunément à la suite de ce que nous avons dit sur l’humilité. Jésus-Christ demande le silence aux témoins du miracle qu’il vient d’accomplir, bien qu’il n’ignore pas que leur légitime admiration ne tiendra nul compte de ses recommandations sur ce point. Mais il veut apprendre à ceux qui le suivent que s’il ne leur est pas toujours loisible d’empêcher l’éclat de jaillir de leurs œuvres, que si parfois l’Esprit-Saint lui-même se charge, en dépit de leurs efforts contraires, d’illustrer leur nom ici-bas pour la plus grande gloire du Dieu dont ils sont l’instrument, ils n’en doivent pas moins toujours, quant à eux, fuir l’ostentation, préférer l’abjection ou du moins le silence, et se cacher avec délices dans le secret de la face de leur Dieu, redisant avec une égale vérité à la suite des actions les plus retentissantes aussi bien qu’après les plus ignorées : Nous sommes des serviteurs inutiles, nous n’avons fait que ce que nous devions faire.

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Saint Barthélemy apôtre

24 Août 2019 , Rédigé par Ludovicus

Saint Barthélemy apôtre

Collecte

Dieu tout-puissant et éternel, de qui nous vient la religieuse et sainte joie que nous éprouvons à célébrer aujourd’hui la fête de votre bienheureux Apôtre Barthélémy, accordez à votre Église, nous vous en prions, la grâce d’aimer ce qu’il a cru et de prêcher ce qu’il a enseigné.

Office

4e leçon

L’Apôtre Barthélémy était Galiléen. Il parcourut la partie des Indes située en deçà du Gange, contrée que le sort lui avait assignée, quand les Apôtres s’étaient partagé le monde pour y prêcher l’Évangile de Jésus-Christ. Il annonça à ces peuples l’avènement du Seigneur Jésus, en suivant l’Évangile de saint Matthieu. Après avoir obtenu de nombreuses conversions à la foi chrétienne dans ces contrées, et supporté beaucoup de travaux et d’épreuves, il se dirigea vers la grande Arménie.

5e leçon

Là, il convertit à la foi chrétienne le roi Polymius, la reine son épouse, et douze villes entières. Ce succès suscita contre lui une grande jalousie de la part des prêtres de cette nation. Ils allèrent jusqu’à exciter la haine d’Astyage, frère du roi Polymius, au point que le prince ordonna d’écorcher vif Barthélémy et, après cette cruauté, de lui trancher la tête. Ce fut dans ce supplice que l’Apôtre rendit son âme à Dieu.

6e leçon

Son corps, enseveli à Albanopoli, ville de la grande Arménie et lieu de son martyre, fut, dans la suite, transporté d’abord à Lipari, puis à Bénévent, et enfin à Rome, par, l’Empereur Othon III. On le plaça dans une église consacrée sous son patronage, dans l’île du Tibre. Sa Fête se fait à Rome le huitième jour des calendes de septembre, et elle est célébrée pendant huit jours consécutifs dans cette basilique, par un grand concours de peuple.

7e leçon

Ce sont les grandes âmes, les âmes sublimes qui gravissent la montagne. Car le Prophète ne dit pas au premier venu : « Monte sur une haute montagne, toi qui évangélises Sion ; élève ta voix avec force, toi qui évangélises Jérusalem. » Efforcez-vous, non de vos pieds corporels, mais par de grandes actions, de gravir cette montagne et de suivre Jésus-Christ, afin de pouvoir être aussi vous-même une montagne. Car, parcourez l’Évangile, et vous trouverez que les disciples furent les seuls à monter avec lui sur la montagne. Le Seigneur prie donc, non pour lui, mais pour moi. Car bien que le Père ait tout remis en la puissance du Fils, néanmoins le Fils, pour remplir son rôle d’homme, juge qu’il doit prier pour nous son Père, parce qu’il est notre avocat.

8e leçon

« Et il passa, dit le texte, toute la nuit à prier Dieu. » C’est un exemple qui vous est donné, ô Chrétien, c’est un modèle qu’on vous prescrit d’imiter. Car, que ne devez-vous pas faire pour votre salut, quand le Christ passa toute la nuit à prier pour vous ? Qu’est-il convenable que vous fassiez, ayant quelque œuvre de piété à entreprendre, puisque le Christ, avant que d’envoyer en mission ses Apôtres, se mit en prière, et pria seul ? Et on ne voit pas ailleurs, ce me semble, qu’il ait prié avec ses Apôtres. Partout il est seul à prier. C’est que les désirs des hommes ne comprennent pas les desseins de Dieu, et personne ne peut pénétrer dans l’intérieur de Jésus-Christ.

9e leçon

« Il appe1la ses disciples, dit le texte, et il choisit douze d’entre eux, » qu’il destinait à procurer aux hommes le secours du salut dans tout l’univers, en y répandant la semence de la foi. Remarquez en même temps l’économie du plan céleste. Ce ne sont ni des savants, ni des riches, ni des nobles, mais des pêcheurs et des publicains qu’il a choisis pour cette mission : de peur qu’il ne semblât avoir usé auprès de quelques âmes, soit des artifices de la prudence pour les séduire, soit des richesses pour les acheter, soit de l’autorité du pouvoir et du prestige de la noblesse pour les amener à sa grâce : le Sauveur voulait que ce soit l’empire de la vérité, et non la force de l’éloquence, qui triomphât des esprits.

Un témoin du Fils de Dieu, un des princes qui annoncèrent sa gloire aux nations, illumine ce jour des incomparables feux de la lumière apostolique. Tandis que ses frères du collège sacré suivaient la race humaine sur toutes les routes où la migration des peuples l’avait portée, c’est au point de départ, sur les monts d’Arménie d’où les fils de Noé remplirent la terre, que Barthélémy parut comme l’envoyé des collines éternelles et le héraut de l’Époux. Là, s’était arrêtée l’arche figurative ; l’humanité, partout ailleurs voyageuse, y restait assise, se souvenant de la colombe au rameau d’olivier, attendant la consommation de l’alliance dont l’arc-en-ciel, brillant sur la nue, avait dans ces lieux pour la première fois signifié les splendeurs. Or, voici qu’une nouvelle bienheureuse a réveillé dans ces hautes vallées les échos des antiques traditions : nouvelle de paix, fin du péché dont l’universel déluge recule devant le bois du salut. Combien la sérénité qu’apportait la colombe de jadis est dépassée ! Au châtiment va succéder l’amour. L’ambassadeur du ciel a montré Dieu aux fils d’Adam dans le plus beau de leurs frères. Les nobles sommets d’où coulent les fleuves qui arrosèrent autrefois le jardin de délices, voient renouveler le contrat déchiré en Éden, et célébrer dans l’allégresse de la terre et des cieux les noces divines, attente des siècles, union du Verbe et de l’humanité régénérée.

Personnellement, que fut l’Apôtre dont le ministère emprunte une telle solennité du lieu où il s’accomplit ? Sous le nom ou le surnom de Barthélémy, qui est le seul trait que nous aient conservé de lui les trois premiers Évangiles, devons-nous voir, comme plusieurs l’ont pensé, ce Nathanaël dont la présentation par Philippe à Jésus est l’objet en saint Jean d’une scène si suave ? Personnage tout de droiture, d’innocence, de simplicité, bien digne d’avoir eu la colombe pour précurseur, et pour lequel on sent que l’Homme-Dieu dès l’abord réservait des tendresses et des grâces de choix.

Quoi qu’il en puisse être, la part échue entre les douze à l’élu de ce jour dit assez la spéciale confiance du Cœur divin ; l’héroïsme du redoutable martyre où il scelle son apostolat, nous révèle sa fidélité ; la dignité qu’a su garder sous toutes les latitudes où elle vit transplantée la nation qu’il greffa sur le Christ, témoigne de l’excellence de la sève infusée originairement dans ses rameaux. Lorsque, deux siècles et demi plus tard, Grégoire l’illuminateur fit germer par toute l’Arménie l’abondance des fleurs et des fruits qui la manifestèrent si belle, il n’eut qu’à réveiller la semence divine déposée par l’Apôtre, et dont les épreuves, qui ne devaient jamais manquer à la généreuse contrée, avaient un temps comprimé l’essor, sans pouvoir l’étouffer.

Pourquoi faut-il que de déplorables malentendus, nourris dans le trouble d’invasions sans fin, aient maintenu trop longtemps en défiance contre Rome une race que les guerres d’extermination, les supplices, la dispersion, n’ont pu détacher de l’amour du Christ Sauveur ! Grâce à Dieu pourtant, le mouvement de retour, plus d’une fois commencé pour ensuite se ralentir, semble aujourd’hui s’accentuer davantage ; l’illustre nation voit l’élite de ses fils travailler avec persévérance au rapprochement si souhaitable, en dissipant les préjugés de leur peuple, en révélant à nos régions les trésors de sa littérature si chrétienne, les magnificences de sa liturgie, en priant surtout et en se dévouant sous l’étendard du père des moines de l’Occident. Avec ces tenants de la vraie tradition nationale, prions Barthélémy leur Apôtre, et le disciple Thaddée qui eut aussi part à l’évangélisation primitive, et Ripsima, l’héroïque vierge amenant des terres romaines ses trente-cinq compagnes à la conquête d’une nouvelle patrie, et tous les martyrs dont le sang cimenta l’édifice sur le seul fondement posé par le Seigneur. Puisse, comme ces grands prédécesseurs, le chef du second apostolat, Grégoire l’Illuminateur, qui voulut voir Pierre en la personne de Silvestre et reçut la bénédiction du Pontife romain ; puissent les saints rois, les patriarches et les docteurs de l’Arménie, redevenir pour elle les guides écoutés des beaux temps de son histoire, et ramener tout entière, sans retour enfin, à l’unique bercail , une Église faite pour marcher d’un même pas avec l’Église maîtresse et mère !

Nous apprenons d’Eusèbe et de saint Jérôme, qu’avant de se rendre dans l’Arménie, but suprême de son apostolat, saint Barthélémy évangélisa les Indes, où Pantène, au siècle suivant, trouva un exemplaire de l’Évangile de saint Matthieu en lettres hébraïques qu’il y avait laissé. Saint Denys rapporte aussi du glorieux Apôtre une parole profonde, qu’il cite et commente en ces termes : « Le divin Barthélémy dit de la théologie qu’elle est à la fois abondante et succincte, de l’Évangile qu’il est de vaste étendue et en même temps concis ; donnant ainsi excellemment à entendre que la bienfaisante cause de tous les êtres s’exprime et en beaucoup et en peu de paroles, ou même sans discours, n’y ayant parole ou pensée qui la puisse rendre. Car elle est au-dessus de tout par son essence supérieure ; et ceux-là seuls l’atteignent dans sa vérité, non dans les voiles dont elle s’entoure, qui dépassant la matière et l’esprit, s’élevant par delà le faite des plus saints sommets, laissent tous les rayonnements divins, tous les échos de Dieu, tous les discours des cieux, pour entrer dans l’obscurité où habite, comme dit l’Écriture, celui qui est au delà de toutes choses ».

C’est demain seulement que la ville de Rome célèbre la fête de saint Barthélémy ; elle est en cela d’accord avec les Grecs, qui rattachent au 25 août le souvenir d’une translation des reliques de l’Apôtre. Les translations diverses en effet du saint corps, jointes à la difficulté de préciser la date du martyre de Barthélémy, expliquent la variété des jours adoptés pour cette fête par les Églises de l’Orient comme de l’Occident. La détermination du 24 de ce mois, consacrée par l’usage de la plupart des Églises latines, remonte aux plus anciens martyrologes, y compris le hiéronymien. Au XIIIe siècle, Innocent III, consulté sur la divergence, répondit qu’il fallait maintenir en ce point les coutumes locales.

En cette fête qui vous est consacrée, ô Apôtre, l’Église implore la grâce d’aimer ce qui fut l’objet de votre foi, de prêcher ce que vous avez enseigné. Non que l’Épouse du Fils de Dieu puisse défaillir jamais dans la croyance ou dans l’amour ; mais elle sait trop que si sa tête sera toujours dans la lumière et son cœur toujours à l’Époux dans l’Esprit qui la sanctifie, ses membres isolés, les Églises particulières qui la composent, peuvent se détacher de leur centre vital et s’égarer dans la nuit. O vous qui choisîtes notre Occident pour le lieu de votre repos, vous dont Rome se glorifie de garder les restes précieux, ramenez à Pierre les nations que vous avez évangélisées ; justifiez les espérances d’universelle union qui se ravivent en nos jours ; aidez les efforts que tente le Vicaire de l’Homme-Dieu pour rassembler sous la houlette du pasteur les troupeaux dissidents dont le schisme a desséché les pâturages. Puisse votre Arménie achever la première un retour commencé par elle dès longtemps : qu’elle croie à l’Église Mère, et ne se livre plus aux semeurs d’embûches. Tous réunis, puissions-nous jouir en commun des trésors de nos traditions concordantes, aller à Dieu, au prix de tous les dépouillements, par le procédé à la fois si vaste et si simple que nous enseignent votre sublime théologie et vos exemples.

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Saint Philippe Béniti confesseur

23 Août 2019 , Rédigé par Ludovicus

Saint Philippe Béniti confesseur

Collecte

Dieu, vous nous avez donné un excellent modèle d’humilité en la personne de votre Confesseur, le bienheureux Philippe : accordez à vos serviteurs de mépriser, à son exemple, les biens de ce monde et de chercher toujours les biens du ciel.

Office

Au deuxième nocturne.

Quatrième leçon. Philippe, né à Florence de l’illustre famille des Beniti, donna dès son berceau des marques de sa future sainteté. A peine était-il âgé de cinq mois, que sa langue se délia miraculeusement pour engager sa mère à faire l’aumône aux Frères Servites. Encore adolescent, étant à Paris pour étudier les belles lettres, il joignit à cette étude une ardente piété et alluma le désir du ciel en plusieurs de ses compagnons. Rentré dans sa patrie, une vision de la sainte Vierge lui fit connaître sa vocation pour l’Ordre des Servites, récemment fondé. Retiré avec eux dans une grotte, du mont Senario, il y passa des jours pleins de douceur, soumettant son corps à de rudes austérités et méditant les souffrances du Seigneur crucifié. Puis il se mit à parcourir l’Europe et une grande partie de l’Asie pour y prêcher l’Évangile ; il établit des couvents des Sept-Douleurs de la Sainte Vierge et propagea son Ordre par le rare exemple de ses vertus.

Cinquième leçon. Le feu de la divine charité dont il brûlait et son zèle ardent pour l’extension de la foi catholique l’ayant fait élire, malgré ses résistances, général de son Ordre, il envoya un grand nombre de ses frères prêcher l’Évangile en Russie ; lui-même parcourut les principales villes de l’Italie, apaisant les discordes qui s’élevaient de plus en plus parmi les citoyens, et en ramenant aussi plusieurs sous l’obéissance du Pontife romain. Il ne négligea rien de ce qui pouvait contribuer au salut du prochain, et fit passer des hommes très pervers, de la fange des vices à la pénitence et à l’amour de Jésus-Christ. Extrêmement assidu à l’oraison, il parut souvent ravi en extase. La virginité lui était si chère, qu’il s’infligea volontairement les plus rigoureuses mortifications pour la garder intacte jusqu’au dernier soupir.

Sixième leçon. On vit constamment briller en lui une tendre compassion envers les pauvres ; elle parut surtout avec éclat lorsque, dans un faubourg de Sienne, il donna son propre vêtement à un pauvre lépreux à peu près nu ; aussitôt que ce malheureux en fut couvert, il se trouva guéri de sa lèpre. Le bruit de ce miracle s’étant répandu de tous côtés, quelques-uns des Cardinaux réunis à Viterbe pour l’élection du successeur de Clément IV, jetèrent les yeux sur Philippe, dont ils connaissaient du reste la prudence toute céleste. A cette nouvelle, l’homme de Dieu craignant de se voir imposer la charge de pasteur suprême, s’enfuit sur le mont Tuniato, et y demeura caché jusqu’au moment où Grégoire fut proclamé souverain Pontife. En cet endroit se trouve une source d’eau qu’on appelle encore aujourd’hui Fontaine de Saint-Philippe, eau qui doit à ses prières la vertu de guérir les malades. Enfin il quitta très saintement cette vie, à Todi, l’an douze cent quatre-vingt-cinq, en embrassant le crucifix, qu’il appelait son livre. A son tombeau, des aveugles recouvrèrent la vue, des boiteux furent guéris et des morts ressuscitèrent. Devant l’éclat de ces prodiges et de beaucoup d’autres encore, le souverain Pontife Clément X l’inscrivit au nombre des Saints.

Au troisième nocturne. Du Commun.

Homélie de saint Bède le Vénérable, Prêtre. Lib. 4, cap. 54 in Luc. 12

Septième leçon. Notre Seigneur appelle petit le troupeau des élus, soit à cause du très grand nombre des réprouvés, soit plutôt par affection pour l’humilité ; car il veut que son Église, quelque développement qu’elle prenne par le nombre de ses membres, croisse néanmoins en humilité jusqu’à la fin du monde, et parvienne dans l’humilité au royaume promis. C’est pourquoi, encourageant et consolant les labeurs de cette Église à laquelle il commande de chercher uniquement le royaume de Dieu, il promet à cette même Église le royaume que lui donnera le Père dans son infinie bonté.

Huitième leçon. « Vendez ce que vous avez, et donnez l’aumône » . Ne craignez point, dit notre Seigneur, qu’en combattant pour le royaume de Dieu vous veniez à manquer des choses nécessaires à la vie ; vendez même, pour le donner en aumône, ce que vous possédez. On accomplit dignement ce conseil quand, après avoir méprisé une fois pour toutes, ses biens pour le Seigneur, on s’adonne ensuite au travail des mains afin de pouvoir se nourrir soi-même et faire l’aumône. C’est de quoi l’Apôtre se glorifie, en disant : « Je n’ai convoité ni l’or, ni l’argent, ni le vêtement de personne, comme vous le savez vous-mêmes ; parce que, à l’égard des choses dont moi et ceux qui sont avec moi avions besoin, ces mains y ont pourvu. Je vous ai montré en tout, que c’est en travaillant ainsi qu’il faut soutenir les faibles ».

Neuvième leçon. « Faites-vous des bourses que le temps n’use point », c’est-à-dire en répandant des aumônes, car leur récompense demeurera éternellement. Il ne faut pas interpréter ce précepte en ce sens qu’il soit défendu aux saints de conserver quelque argent pour subvenir à leurs propres besoins ou à ceux des pauvres, puisque l’Évangile nous apprend que notre Seigneur lui-même, bien qu’ayant les Anges à son service, n’a pas dédaigné, pour instruire son Église naissante, d’avoir une bourse ; qu’il conservait les offrandes des fidèles, et qu’il en usait pour subvenir aux nécessités des siens ou d’autres indigents ; mais ce n’est pas à cause de ces biens qu’il faut s’attacher au service de Dieu ; ce n’est pas la crainte de la pauvreté qui doit faire jamais abandonner la justice.

Notre-Dame règne maintenant dans les cieux. Son triomphe sur la mort a été sans labeur ; comme Jésus pourtant, c’est par la souffrance qu’elle a mérité d’entrer dans sa gloire. Nous n’arriverons pas autrement que le Fils et la Mère au bonheur sans fin. Ayons souvenir des joies si douces goûtées durant ces huit jours ; mais n’oublions pas que le chemin n’est point achevé pour nous encore. Que restez-vous à regarder le ciel ? disaient aux disciples les Anges de l’Ascension, de la part du Seigneur monté dans la nue ; car les disciples, devant qui s’étaient révélés un instant les horizons de la patrie, ne se résignaient pas à reporter leurs yeux vers la vallée des larmes. Comme le Seigneur, Marie, aujourd’hui, nous envoie son message des hauteurs radieuses où nous la suivrons, mais plus tard, où nous l’entourerons, mais après avoir dans les peines de l’exil mérité de former sa cour ; sans distraire d’elle notre âme, l’apôtre de ses douleurs, Philippe Benizi, nous rappelle au vrai sentiment de notre situation d’étrangers et de pèlerins sur la terre.

Luttes au dehors, au dedans craintes : pour une large part, ce fut la vie de Philippe, comme l’histoire de sa patrie, Florence, l’histoire de l’Italie et du monde au XIIIe siècle. Né à l’heure où une admirable efflorescence de sainteté conspirait à faire de la cité des fleurs un paradis nouveau, il trouvait au même temps sa ville natale en butte aux factions sanglantes, aux assauts de l’hérésie, à tout l’excès des misères qui montrent que Jérusalem et Babylone se pénètrent partout ici-bas. Nulle part l’enfer n’est si près, que là où le ciel se manifeste avec une intensité plus grande ; par l’assistance de Marie, on le vit bien dans ce siècle où se rencontrèrent en voisinage plus immédiat que jamais la tête du serpent et le talon de la femme. L’ancien ennemi, multipliant les sectes, avait ébranlé la foi au centre même des provinces enserrant la Ville éternelle. Tandis qu’en Orient l’Islam refoulait les derniers croisés, en Occident la papauté se débattait contre l’empire, devenu comme un fief de Satan aux mains de Frédéric II. Partout, dans la chrétienté dont l’unité sociale apparaissait dissoute, se révélait, à l’affaiblissement des croyances, au refroidissement de l’amour, le progrès du poison dont l’humanité doit mourir.

Mais le prince du mal allait connaître la vertu des réactifs que le ciel tenait en réserve pour soutenir la sénilité du monde. C’est alors que Notre-Dame présente à son Fils irrité Dominique et François, pour réduire, par l’accord de la science et de tous les renoncements, les ignorances et les cupidités de la terre : alors aussi que Philippe Benizi, le Servite de la Mère de Dieu, reçoit d’elle la mission de prêcher par l’Italie, la France et la Germanie, les indicibles souffrances qui firent d’elle la corédemptrice du genre humain.

Déjà les fêtes des Sept saints fondateurs et de Julienne Falconiéri nous ont dit les origines, le but du pieux Ordre des Servites, la part prépondérante qu’eurent dans sa propagation les travaux, les épreuves, la foi du Saint de ce jour.

Approche, Philippe, et monte sur ce char. Vous l’entendîtes, cette parole, dans les jours où le monde souriait à votre jeunesse et vous offrait sa renommée ou ses plaisirs ; c’était l’invitation que vous faisait Marie, alors qu’assise sur le char d’or figurant la vie religieuse à laquelle vous étiez convié, elle était vers vous descendue : un manteau de deuil enveloppait de ses plis la souveraine des cieux ; une colombe voltigeait autour de sa tête ; un lion et une brebis traînaient son char, entre des précipices d’où montaient les sifflements de l’abîme. C’était l’avenir qui se dévoilait : vous deviez parcourir la terre en la compagnie de la Mère des douleurs, et ce monde que déjà l’enfer avait miné de toutes parts n’aurait pour vous nul péril ; car la douceur et la force y seraient vos guides, la simplicité votre inspiratrice. Heureux les doux, car ils posséderont la terre !

Mais c’est contre le ciel surtout que devait vous servir l’aimable vertu qui a cette promesse d’empire ; contre le ciel qui lutte lui-même avec les forts, et vous réservait l’épreuve du suprême abandon devant lequel avait tremblé l’Homme-Dieu : après des années de prières, de travaux, d’héroïque dévouement, pour récompense vous connûtes le rejet apparent du Seigneur, le désaveu de son Église, l’imminence d’une ruine menaçant par delà votre tête tous ceux que Marie vous avait confiés. Contre l’existence de vos fils les Servîtes, nonobstant les paroles de la Mère de Dieu, ne se dressait rien moins que l’autorité de deux conciles généraux, dont le Vicaire du Christ avait arrêté de laisser les résolutions suivre leur cours. Notre-Dame vous donnait de puiser au calice de ses souffrances. Vous ne vîtes point le triomphe d’une cause qui était la sienne autant que la vôtre ; mais comme les patriarches saluant de loin l’accomplissement des promesses, la mort ne put ébranler votre confiance sereine et soumise : vous laissiez à votre fille Julienne Falconieri le soin d’obtenir, par ses prières devant la face du Seigneur, ce que n’avaient pu gagner vos démarches auprès des puissants.

La puissance suprême ici-bas, un jour l’Esprit-Saint parut la mettre à vos pieds : comme le demande l’Église au souvenir de l’humilité qui vous fit redouter la tiare, obtenez-nous de mépriser les faveurs du temps pour ne rechercher que le ciel. Les fidèles cependant n’ont point oublié que vous fûtes le médecin des corps, avant d’être celui des âmes ; leur confiance est grande dans l’eau et les pains que vos fils bénissent en cette fête, et qui rappellent les faveurs miraculeuses dont fut illustrée la vie de leur père : ayez égard toujours à la foi des peuples ; répondez au culte spécial dont les médecins chrétiens vous honorent. Aujourd’hui enfin que le char mystérieux de la première heure est devenu le char de triomphe où Notre-Dame vous associe à la félicité de son entrée dans les cieux, apprenez-nous à compatir comme vous de telle sorte à ses douleurs, que nous méritions d’être avec vous dans l’éternité participants de sa gloire.

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Cœur Immaculé de la Bse Vierge Marie mémoire des Saints Timothée Hippolyte et Symphorien Martyrs

22 Août 2019 , Rédigé par Ludovicus

Cœur Immaculé de la Bse Vierge Marie mémoire des Saints Timothée Hippolyte et Symphorien Martyrs

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Dieu éternel et tout puissant, qui avez préparé dans le Cœur de la bienheureuse Vierge Marie une demeure digne du Saint-Esprit, faites, dans votre bonté, qu’en célébrant de toute notre âme cette fête en l’honneur de son cœur immaculé, nous arrivions à vivre selon votre cœur

AU PREMIER NOCTURNE Des Proverbes de Salomon
Première leçon. Moi, la sagesse, j’habite dans le conseil, et je suis présente parmi les pensées judicieuses. La crainte du Seigneur hait le mal. Je déteste l’insolence, et l’orgueil, et la voie mauvaise, et la langue double. A moi est le conseil et l’équité ; à moi est la prudence, à moi est la force. C’est par moi que règnent les rois, et que les législateurs ordonnent ce qui est juste. C’est par moi que les princes commandent, et que les puissants rendent la justice. J’aime ceux qui m’aiment, et ceux qui veillent dès le matin pour me chercher me trouveront.
Deuxième leçon. Avec moi sont les richesses et la gloire, les biens superbes et la justice. Car mes fruits valent mieux que l’or et les pierres précieuses, et mes produits sont meilleurs que l’argent le plus pur. Je marche dans les voies de la justice, au milieu des sentiers de la prudence, pour enrichir ceux qui m’aiment, et pour remplir leurs trésors. Le Seigneur m’a possédée au commencement de Ses voies, avant de faire quoi que ce soit, dès le principe. J’ai été établie dès l’éternité, et dès les temps anciens, avant que la terre fût créée. Les abîmes n’étaient pas encore, et déjà j’étais conçue ; les sources des eaux n’avaient pas encore jailli ; les montagnes ne s’étaient pas encore dressées avec leur pesante masse ; j’étais enfantée avant les collines.
Troisième leçon. Heureux l’homme qui m’écoute, et qui veille tous les jours à ma porte, et qui se tient à la porte de ma maison. Celui qui me trouvera, trouvera la vie, et puisera le salut dans le Seigneur. Mais celui qui péchera contre moi blessera son âme ; tous ceux qui me haïssent aiment la mort. La sagesse s’est bâti une maison ; elle a taillé sept colonnes. Elle a immolé ses victimes, mêlé son vin, et disposé sa table. Elle a envoyé ses servantes pour appeler à la citadelle et aux remparts de la ville : « Que quiconque est petit vienne à moi. » Et elle a dit aux insensés : « Venez, mangez mon pain, et buvez le vin que je vous ai préparé. »
AU DEUXIÈME NOCTURNE
Sermon de saint Bernardin de Sienne
Quatrième leçon. Quel mortel, s’il ne s’appuie sur la parole divine, osera célébrer peu ou prou, de ses lèvres non purifiées ou même souillées, cette véritable Mère de Dieu et des hommes, que Dieu le Père, avant tous les siècles, a prédestinée à rester perpétuellement vierge, que le Fils a choisie pour sa très digne Mère, en qui le Saint-Esprit a préparé le séjour de toute grâce ? Par quelles paroles le pauvre homme que je suis osera-t-il exalter les sentiments si profonds conçus par ce Cœur très pur et exprimés par cette bouche très sainte, alors que la langue de tous les Anges en est incapable ? Car le Seigneur a dit : « L’homme bon tire de bonnes choses du bon trésor du cœur » : et cette parole aussi peut-être un trésor. Peut-on concevoir, parmi les simples hommes, quelqu’un de meilleur que celle-là, qui mérita de devenir la Mère de Dieu, qui pendant neuf mois a abrité Dieu lui-même dans son cœur et dans ses entrailles ? Quel trésor est meilleur que cet amour divin lui-même, dont le Cœur de la Vierge était l’ardente fournaise ?
Cinquième leçon. De ce Cœur donc, comme de la fournaise du feu divin, la bienheureuse Vierge a tiré de bonnes paroles, c’est-à-dire les paroles d’une très ardente charité. De même que d’un vase plein d’un vin souverain et excellent ne peut sortir que du très bon vin ; ou comme d’une fournaise très ardente ne peut sortir qu’un feu brûlant ; ainsi, de la Mère du Christ n’a pu sortir qu’une parole d’amour et de zèle souverains et souverainement divins. C’est le fait d’une maîtresse et d’une dame sage que de proférer des paroles peu nombreuses, mais solides et pleines de sens. Ainsi nous trouvons dans l’Évangile, à sept reprises, sept paroles seulement, d’une sagesse et d’une force étonnantes, prononcées par la très bénie Mère du Christ : il est ainsi montré mystiquement qu’elle fut pleine de la grâce septiforme. Avec l’Ange elle n’a prononcé que deux paroles. Avec Élisabeth deux encore. Avec son Fils deux également, la première fois au Temple, la seconde fois aux Noces. Avec les serviteurs des noces, une seule parole. Et dans tous les cas, elle a fort peu parlé. Mais elle s’est dilatée davantage dans la louange de Dieu et dans l’action de grâces, lorsqu’elle a dit : « Mon âme magnifie le Seigneur… » Là, ce n’est pas avec l’homme, mais avec Dieu qu’elle a parlé. Ces sept paroles, elles les a prononcées selon les sept progrès et actions de l’amour, en observant une progression et un ordre admirable : ce sont là comme sept flammes de son Cœur embrasé.
Des documents ecclésiastiques
Sixième leçon. Le culte liturgique, par lequel on rend un juste honneur au Cœur Immaculé de la Vierge Marie, et auquel de nombreux saints et saintes ont préparé la voie, fut approuvé tout d’abord par le Siège Apostolique au début du dix-neuvième siècle, lorsque le Pape Pie VII institua la fête du Cœur Très Pur de la Vierge Marie, pour être pieusement et saintement célébrée par tous les diocèses et les familles religieuses qui en avaient fait la demande ; fête que bientôt le Pape Pie IX enrichit d’un office et d’une messe propres. Ce culte ardent et souhaité, né au dix-neuvième siècle, et grandissant de jour en jour, fut accueilli avec bienveillance par le Souverain Pontife Pie XII, qui voulut l’étendre à l’Église entière, en donnant à cette fête une plus grande solennité. L’an 1942, tandis qu’une guerre très cruelle accablait presque toute la terre, ce pape, plein de pitié pour les épreuves infinies des populations, en raison de sa piété et de sa confiance envers la Mère céleste, confia ardemment le genre humain tout entier, par une prière solennelle, à ce Cœur très doux ; et il établit la célébration universelle et perpétuelle d’une fête avec Office et Messe propres en l’honneur de ce Cœur Immaculé (1944).
AU TROISIÈME NOCTURNE
Homélie de saint Robert Bellarmin, évêque
Septième leçon. Le fardeau et le joug que le Seigneur imposa à saint Jean, en lui confiant le soin de la Vierge Mère, furent vraiment un joug suave et un fardeau léger. Qui donc ne partagerait très volontiers la demeure de cette Mère, qui porta neuf mois dans son sein le Verbe incarné et vécut avec lui, très doucement et dévotement, pendant trente années ? Qui ne porterait envie au disciple bien-aimé du Seigneur qui, en l’absence du Fils de Dieu, obtint la présence de la Mère de Dieu ? Mais, si je ne m’abuse, nous pouvons, nous aussi, obtenir par nos prières de la bonté du Verbe, incarné à cause de nous et crucifié à cause de son grand amour pour nous, qu’il nous dise à nous aussi : « Voici ta Mère. » Et qu’il dise de nous à sa Mère : « Voici ton fils. »
Huitième leçon. Le doux Seigneur n’est pas avare de ses dons, pourvu que « nous approchions du trône de sa grâce avec » foi et « confiance », avec un cœur non pas hypocrite, mais véritable et sincère. Celui qui a voulu nous faire cohéritiers du royaume de son Père ne dédaignera certes pas de nous avoir pour cohéritiers de l’amour de sa Mère. Quant à cette Vierge très bonne, elle ne sera pas accablée par la multitude de ses enfants, car elle a un cœur immense, et elle désire vivement éviter la perte d’aucun de ceux que son Fils a rachetés par un sang si précieux et une mort d’un si grand prix. « Approchons donc avec confiance du trône de la grâce » du Christ ; humblement et avec larmes, demandons-lui qu’il dise à sa Mère, de chacun de nous : « Voici ton fils. » Et qu’il dise de sa Mère, à chacun de nous : « Voici ta Mère. »
Neuvième leçon. Quel bonheur ce sera pour nous de vivre sous l’égide d’une pareille Mère ! Qui osera nous arracher de son sein ? Quelle tentation pourra nous vaincre, si nous mettons notre confiance dans le patronage de la Mère de Dieu, qui est aussi la nôtre ? Et nous ne serons pas les premiers à avoir reçu un tel bienfait. Beaucoup nous ont précédés ; oui, beaucoup ont accédé à ce patronage unique et tout maternel de cette Vierge, et aucun n’en est revenu déçu ou triste : tous, soutenus par le patronage d’une telle Mère, tout joyeux et contents. Car c’est d’elle qu’il est écrit : « Elle broiera ta tête ». Ils ont donc confiance, grâce à elle, qu’eux aussi marcheront hardiment « sur l’aspic et le basilic, fouleront aux pieds le lion et le dragon ». Car il semble impossible qu’il se perde, celui dont le Christ a dit à la Vierge : « Voici ton fils », pourvu que lui-même ne fasse pas la sourde oreille à ce que le Christ lui dit : « Voici ta mère. »

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