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Regnum Galliae Regnum Mariae

IVème Dimanche de Carême

27 Mars 2022 , Rédigé par Ludovicus

IVème Dimanche de Carême

Introït

Réjouis-toi, Jérusalem, et rassemblez-vous, vous tous qui l’aimez ; tressaillez de joie avec elle, vous qui avez été dans la tristesse afin que vous exultiez et soyez rassasiés à la mamelle de vos consolations. Je me suis réjoui de ce qui m’a été dit : Nous irons dans la maison du Seigneur.

Collecte

Faites, s’il vous plaît, Dieu tout-puissant, que, justement affligés à cause de nos péchés, nous respirions par la consolation de votre grâce. Par Notre-Seigneur Jésus-Christ.

ÉpitreGa. 4, 22-31

Mes frères, il est écrit qu’Abraham eut deux fils, l’un de l’esclave, et l’autre de la femme libre. Mais celui de l’esclave naquit selon la chair ; et celui de la femme libre, naquit en vertu de la promesse. Cela a été dit par allégorie ; car ces femmes sont deux alliances : l’une sur le mont Sina, qui enfante pour la servitude, et c’est Agar ; car Sina est une montagne d’Arabie, qui correspond à la Jérusalem d’à présent, laquelle est esclave avec ses enfants. Mais la Jérusalem d’en-haut est libre, et c’est notre mère. En effet, il est écrit : Réjouis-toi, stérile, qui n’enfantes pas ; éclate, pousse des cris de joie, toi qui ne deviens pas mère ; parce que les enfants de la délaissée sont plus nombreux que ceux de la femme mariée. Pour nous, mes frères, nous sommes, comme Isaac, les enfants de la promesse. Et de même qu’alors celui qui était né selon la chair persécutait celui qui était né selon l’esprit, ainsi en est-il encore maintenant. Mais que dit l’Écriture ? Chasse l’esclave et son fils ; car le fils de l’esclave ne sera pas héritier avec le fils de la femme libre. Ainsi, mes frères, nous ne sommes point les enfants de l’esclave, mais de la femme libre ; et c’est par cette liberté que le Christ nous a rendus libres.

Évangile Jn. 6, 1-15.

En ce temps-là, Jésus s’en alla au delà de la mer de Galilée ou de Tibériade ; et une multitude nombreuse le suivait, parce qu’elle voyait les miracles qu’il opérait sur les malades. Jésus monta donc sur une montagne, et là il s’assit avec ses disciples. Or la Pâque, jour de fête des Juifs, était proche. Ayant donc levé les yeux, et voyant qu’une très grande multitude venait à lui, Jésus dit à Philippe : Où achèterons-nous des pains pour leur donner à manger ? Mais il disait cela pour l’éprouver ; car, lui, il savait ce qu’il allait faire. Philippe lui répondit : Deux cents deniers de pain ne suffiraient pas pour que chacun en reçût un peu. Un de ses disciples, André, frère de Simon-Pierre, lui dit : Il y a ici un jeune garçon qui a cinq pains d’orge et deux poissons ; mais qu’est-ce que cela pour tant de monde ? Jésus dit donc : Faites asseoir ces hommes. Or il y avait beaucoup d’herbe en ce lieu. Ils s’assirent donc, au nombre d’environ cinq mille hommes. Jésus prit alors les pains et ayant rendu grâces, il les distribua à ceux qui étaient assis ; il leur donna de même des poissons, autant qu’ils en voulaient. Lorsqu’ils furent rassasiés, il dit à ses disciples : Ramassez les morceaux qui sont restés, pour qu’ils ne se perdent pas. Ils les ramassèrent donc, et ils remplirent douze corbeilles avec les morceaux qui étaient restés des cinq pains d’orge après que tous eurent mangé. Ces hommes, ayant donc vu le miracle qu’avait fait Jésus, disaient : Celui-là est vraiment le prophète, qui doit venir dans le monde. Mais Jésus, sachant qu’ils allaient venir l’enlever pour le faire roi, s’enfuit de nouveau, tout seul, sur la montagne.

Secrète

Jetez un regard favorable sur le présent sacrifice, nous vous en supplions, Seigneur, afin qu’il accroisse notre dévotion et contribue à notre salut. Par Notre-Seigneur.

Postcommunion

Donnez-nous, s’il vous plaît, ô Dieu miséricordieux, de traiter avec un respect sincère vos choses saintes dont nous sommes sans cesse nourris et de nous en approcher avec esprit de foi. Par Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Office

4e leçon

Sermon de saint Basile le Grand

Nous savons que Moïse gravit la montagne grâce au jeûne, car il n’aurait pas osé approcher de ce sommet fumant et entrer dans la nuée, s’il n’avait été fortifié par le jeûne. C’est grâce au jeûne qu’il reçut les lois gravées par le doigt de Dieu sur des tables. De même, sur la montagne, le jeûne obtint le don de la loi, mais au pied de cette montagne, la gourmandise fit tomber le peuple dans l’idolâtrie et le souilla de péché. « La foule s’assit pour manger et pour boire ; puis ils se levèrent pour se divertir. » L’effort et la persévérance des quarante jours que le serviteur de Dieu avait passés dans la prière et le jeûne continuels, une seule ivresse du peuple les rendit inutiles et vains. Ces tables, en effet, gravées par le doigt de Dieu, que le jeûne avait accueillies, l’ivresse les brisa : le très saint prophète jugea qu’un peuple plein de vin était indigne de recevoir de Dieu une loi.

5e leçon

En un moment de temps, à cause de sa gourmandise, ce peuple que les plus grands prodiges avaient instruit du culte à rendre à Dieu, versa de la façon la plus honteuse dans l’idolâtrie des Égyptiens. Si l’on compare ces deux faits, on peut voir que le jeûne conduit à Dieu, tandis que les délices anéantissent le salut. Qu’est-ce qui corrompit Ésaü et le rendit serviteur de son frère ? N’est-ce pas un seul mets pour lequel il vendit son droit d’aînesse ? Et Samuel ? N’est-ce pas au contraire par le jeûne qu’il fut accordé à la prière de sa mère ? Qu’est-ce donc qui a rendu invincible le très fort Samson, sinon le jeûne avec lequel il fut conçu dans le sein de sa mère ? Le jeûne le conçut, le jeûne le nourrit, le jeûne en fit un homme. Un ange l’a sûrement prescrit à sa mère, l’avertissant de s’abstenir de tout ce qui provient de la vigne, de ne boire ni vin ni boisson fermentée. Le jeûne engendre les prophètes, affermit et fortifie les puissants.

6e leçon

Le jeûne rend les législateurs sages ; il est pour l’âme la meilleure sauvegarde ; pour le corps, un compagnon sûr ; pour les hommes courageux, une protection et une arme ; pour les athlètes et les combattants, un entraînement. En outre, il écarte les tentations, dispose à la piété, habite avec la sobriété, est artisan de la tempérance. Dans la guerre, il apporte le courage ; dans la paix, il apprend la tranquillité. Il sanctifie le nazir, rend le prêtre parfait, car il n’est pas permis d’aborder le sacrifice sans être à jeun, et cela, non seulement aujourd’hui, en cette adoration sacramentelle et véritable de Dieu, mais même dans celle où, en figure, le sacrifice était offert selon la loi. C’est le jeûne qui rendit Élie digne de contempler sa grande vision ; car, après avoir purifié son âme par un jeûne de quarante jours, il mérite, dans une caverne, de voir Dieu autant que cela est permis à un homme. Lorsque Moïse reçut de nouveau la loi, il observa de nouveau un jeûne. Les Ninivites n’auraient échappé en aucune manière à la destruction qui les menaçait s’ils n’avaient jeûné et fait jeûner avec eux jusqu’aux animaux. Dans le désert, par contre, qui vit fléchir ses membres, sinon ceux qui eurent envie de viandes ?

7e leçon

Homélie de saint Augustin, évêque

Les miracles accomplis par notre Seigneur Jésus-Christ sont vraiment des œuvres divines et ils invitent l’esprit humain à s’élever des événements visibles à la connaissance de Dieu. Dieu, en effet, n’est pas de telle substance qu’il puisse être vu des yeux du corps. D’autre part, ses miracles, grâce auxquels il régit le monde entier et prend soin de toute la création, sont, par leur fréquence, devenus communs, au point que personne, pour ainsi dire, ne daigne prêter attention à l’action admirable et étonnante de Dieu dans n’importe quelle semence. C’est pourquoi, en sa miséricorde même, il s’est réservé d’opérer, en temps opportun, certains prodiges en dehors du cours habituel et ordinaire de la nature : ainsi la vue de faits, non plus grands, mais insolites, frappera tout de même d’étonnement ceux pour qui les miracles quotidiens sont devenus quelconques.

8e leçon

Car c’est un plus grand miracle de gouverner le monde entier que de rassasier de cinq pains cinq mille personnes. Et pourtant, nul ne s’étonne du premier prodige, tandis que l’on est rempli d’admiration pour le second, non parce qu’il est plus grand, mais parce qu’il est rare. Qui, en effet, maintenant encore, nourrit le monde entier, sinon celui qui, de quelques grains, fait sortir les moissons ? Jésus a donc agi à la manière de Dieu. En effet, par cette même puissance qui d’un petit nombre de grains multiplie les moissons, il a multiplié entre ses mains les cinq pains. Car la puissance était entre les mains du Christ. Ces cinq pains étaient comme des semences non plus confiées à la terre, mais multipliées par celui qui a fait la terre.

9e leçon

Ce prodige a donc été présenté à nos sens pour élever notre esprit ; il a été placé sous nos yeux pour exercer notre intelligence. Alors, admirant le Dieu invisible à travers ses œuvres visibles, élevés jusqu’à la foi et purifiés par la foi, nous désirerons même voir l’Invisible en personne ; cet Invisible que nous connaissons à partir des choses visibles. Et pourtant, il ne suffit pas de considérer cela dans les miracles du Christ. Demandons aux miracles eux-mêmes ce qu’ils nous disent du Christ ; en effet, si nous les comprenons, ils ont leur langage. Car le Christ en soi est la Parole de Dieu, l’action de la Parole aussi est parole pour nous.

Ce Dimanche, appelé Lætare, du premier mot de l’Introït de la Messe, est un des plus célèbres de l’année. L’Église, en ce jour, suspend les saintes tristesses du Carême ; les chants de la Messe ne parlent que de joie et de consolation ; l’orgue, muet aux trois Dimanches précédents, fait entendre sa voix mélodieuse ; le diacre reprend la dalmatique, le sous-diacre la tunique : et il est permis de remplacer sur les ornements sacrés la couleur violette par la couleur rose. Nous avons vu, dans l’Avent, ces mêmes rites pratiques au troisième Dimanche appelé Gaudete. Le motif de l’Église, en exprimant aujourd’hui l’allégresse dans la sainte Liturgie, est de féliciter ses enfants du zèle avec lequel ils ont déjà parcouru la moitié de la sainte carrière, et de stimuler leur ardeur pour en achever le cours. Nous avons parlé, au jeudi précédent, de ce jour central du Carême, jour d’encouragement, mais dont la solennité ecclésiastique devait être transférée au Dimanche suivant, dans la crainte qu’une trop grande liberté ne vint altérer en quelque chose l’esprit du jeune : aujourd’hui rien ne s’oppose a la joie des fidèles, et l’Église elle-même les y convie.

La Station, à Rome, est dans la Basilique de Sainte-Croix-en-Jérusalem, l’une des sept principales de la ville sainte. Élevée au IVe siècle par Constantin, dans la villa de Sessorius, ce qui l’a fait appeler aussi la basilique Sessorienne, elle fut enrichie des plus précieuses reliques par sainte Hélène, qui voulait en faire comme la Jérusalem de Rome. Elle y fit transporter, dans cette pensée, une grande quantité de terre prise sur le mont du Calvaire, et déposa dans ce sanctuaire, entre autres monuments de la Passion du Sauveur, l’inscription qui était placée au-dessus de sa tête pendant qu’il expirait sur la Croix, et qu’on y vénère encore sous le nom du Titre de la Croix. Le nom de Jérusalem attaché à cette Basilique, nom qui réveille toutes les espérances du chrétien, puisqu’il rappelle la patrie céleste qui est la véritable Jérusalem dont nous sommes encore exilés, a porté dès l’antiquité les souverains Pontifes à la choisir pour la Station d’aujourd’hui. Jusqu’à l’époque du séjour des Papes à Avignon, c’était dans son enceinte qu’était inaugurée la Rose d’or, cérémonie qui s’accomplit de nos jours dans le palais où le Pape fait sa résidence.

Le Dimanche de la Rose.

Rose d’or commandée par le pape Jean XXII (1316-1334) et offerte à Rodolphe III de Nidau.

La bénédiction de la Rose d’or est donc encore un des rites particuliers du quatrième Dimanche de Carême : et c’est ce qui lui a fait donner aussi le nom de Dimanche de la Rose. Les idées gracieuses que réveille cette fleur sont en harmonie avec les sentiments que l’Église aujourd’hui veut inspirer à ses enfants, auxquels la joyeuse Pâque va bientôt ouvrir un printemps spirituel, dont celui de la nature n’est qu’une faible image : aussi cette institution remonte-t-elle très-haut dans les siècles. Nous la trouvons déjà établie dès le temps de saint Léon IX ; et il nous reste encore un sermon sur la Rose d’or, que le grand Innocent III prononça en ce jour, dans la Basilique de Sainte-Croix-en-Jérusalem. Au moyen âge, quand le Pape résidait encore au palais de Latran, après avoir béni la Rose, il partait en cavalcade, la mitre en tête, avec tout le sacré Collège, pour l’Église de la Station, tenant cette fleur symbolique à la main. Arrivé à la Basilique, il prononçait un discours sur les mystères que représente la Rose par sa beauté, sa couleur et son parfum. On célébrait ensuite la Messe.

Quand elle était terminée, le Pontife revenait dans le même cortège au palais de Latran, toujours en cavalcade, et traversait l’immense plaine qui sépare les deux Basiliques, portant toujours dans sa main la fleur mystérieuse dont l’aspect réjouissait le peuple de Rome. A l’arrivée au seuil du palais, s’il y avait dans le cortège quelque prince, c’était à lui de tenir l’étrier et d’aider le Pontife à descendre de cheval ; il recevait en récompense de sa filiale courtoisie cette Rose, objet de tant d’honneurs et de tant d’allégresse.

De nos jours, la fonction n’est plus aussi imposante ; mais elle a conservé tous ses rites principaux. Le Pape bénit la Rose d’or dans la Salle des parements, il l’oint du Saint-Chrême, et répand dessus une poudre parfumée, selon le rite usité autrefois ; et quand le moment de la Messe solennelle est arrivé, il entre dans la chapelle du palais, tenant la fleur mystique entre ses mains. Durant le saint Sacrifice, elle est placée sur l’autel et fixée sur un rosier en or disposé pour la recevoir ; enfin, quand la Messe est terminée, on l’apporte au Pontife, qui sort de la chapelle la tenant encore entre ses mains jusqu’à la Salle des parements. Il est d’usage assez ordinaire que cette Rose soit envoyée par le Pape à quelque prince ou à quelque princesse qu’il veut honorer ; d’autres fois, c’est une ville ou une Église qui obtiennent cette distinction.

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Annonciation de la Bienheureuse Vierge Marie mémoire de la férie

25 Mars 2022 , Rédigé par Ludovicus

Annonciation de la Bienheureuse Vierge Marie mémoire de la férie

Collecte

O Dieu, qui avez voulu que votre Verbe prît un corps humain à la parole de l’Ange dans le sein de la bienheureuse Vierge Marie ; accordez à ceux qui vous en supplient que, nous qui la croyons véritablement Mère de Dieu, nous soyons secourus auprès de vous grâce à son intercession.

Lecture Is. 7, 10-15.

En ces jours-là : Le Seigneur parla à Achaz et lui dit : Demande pour toi un signe au Seigneur ton Dieu, soit au fond de la terre, soit au plus haut du ciel. Et Achaz lui répondit : Je ne demanderai rien, et je ne tenterai pas le Seigneur. Et Isaïe dit : Écoutez donc, maison de David. Ne vous suffit-il pas de lasser la patience des hommes, que vous lassiez encore celle de mon Dieu ? C’est pourquoi le Seigneur lui-même vous donnera un signe : Une vierge concevra,et elle enfantera un fils, auquel on donnera le nom d’Emmanuel. Il mangera du beurre et du miel, en sorte qu’il sache rejeter le mal et choisir le bien.

ÉvangileLc. 1, 26-38

En ce temps-là, l’Ange Gabriel fut envoyé de Dieu dans une ville de Galilée, appelée Nazareth, auprès d’une vierge fiancée à un homme de la maison de David, nommé Joseph ; et le nom de la vierge était Marie. L’ange, étant entré auprès d’elle, lui dit : Je vous salue, pleine de grâce ; le Seigneur est avec vous, vous êtes bénie entre les femmes. Elle, l’ayant entendu, fut troublée de ses paroles, et elle se demandait quelle pouvait être cette salutation. Et l’ange lui dit : Ne craignez point, Marie, car vous avez trouvé grâce devant Dieu. Voici que vous concevrez dans votre sein, et vous enfanterez un fils, et vous lui donnerez le nom de Jésus. Il sera grand, et sera appelé le Fils du Très-Haut ; et le Seigneur Dieu 1ui donnera le trône de David son père, et il régnera éternellement sur la maison de Jacob ; et son règne n’aura pas de fin. Alors Marie dit à l’ange : Comment cela se fera-t-il ? Car je ne connais point d’homme. L’ange lui répondit : L’Esprit-Saint surviendra en vous, et la vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre ; c’est pourquoi le fruit saint qui naîtra de vous sera appelé le Fils de Dieu. Et voici qu’Élisabeth, votre parente, a conçu, elle aussi, un fils dans sa vieillesse, et ce mois est le sixième de celle qui est appelée stérile ; car il n’y a rien d’impossible à Dieu. Et Marie dit : Voici la servante du Seigneur ; qu’il me soit fait selon votre parole.

Office

Au deuxième nocturne.

Sermon de saint Léon, Pape.

Quatrième leçon. Dès que la méchanceté du démon nous eut empoisonnés du venin mortel de son envie, le Dieu tout-puissant et clément, dont la nature est bonté, la volonté, puissance, et l’action, miséricorde, indiqua d’avance le remède que sa pitié destinait à guérir les humains ; et cela, dans les premiers temps du monde, quand il déclara au serpent que de la femme naîtrait quelqu’un d’assez fort pour écraser sa tète pleine d’orgueil et de malice : il annonçait par laque le Christ viendrait en notre chair, à la fois Dieu et homme, et que, né d’une vierge, sa naissance condamnerait celui par qui la race humaine avait été souillée.
Cinquième leçon. Après avoir trompé l’homme par sa fourberie, le démon se réjouissait de le voir privé des dons célestes, dépouillé du privilège de l’immortalité, et soumis à un terrible arrêt de mort ; il se réjouissait d’avoir trouvé quelque consolation dans ses maux par la compagnie du prévaricateur, et d’avoir été cause que Dieu, ayant créé l’homme dans un état si honorable, avait changé ses dispositions à son égard, pour obéir aux exigences d’une juste sévérité. Il a donc fallu, bien-aimés frères, la merveilleuse économie d’un profond dessein, pour qu’un Dieu immuable et dont la volonté ne peut cesser d’être bonne, accomplît, au moyen d’un mystère plus caché, les premières vues de son amour, et pour que l’homme, entraîné au mal par l’astuce et la méchanceté du démon, rie vînt pas à périr, contrairement au but que Dieu s’était proposé.
Sixième leçon. Lors donc, bien-aimés frères, qu’arrivent les temps, marqués d’avance pour la rédemption des hommes, notre Seigneur Jésus-Christ descend du ciel et vient ici-bas, sans quitter la gloire de son Père : c’est un prodige nouveau que sa génération, un prodige nouveau que sa nativité. Prodige nouveau : lui qui est invisible de sa nature, il s’est rendu visible dans la nôtre ; lui qui est immense et insaisissable, il a voulu être saisi et limité ; lui qui subsiste ayant les siècles, il a commencé d’être au cours des siècles ; lui, souverain maître de l’univers, il a voilé l’éclat de sa majesté et revêtu la forme d’un esclave ; lui, Dieu impassible et immortel, il n’a point dédaigné de se faire homme passible, de s’assujettir aux lois de la mortalité !
 

Au troisième nocturne.

Homélie de saint Ambroise, Évêque.

Septième leçon. A la vérité, les secrets et les mystères de Dieu sont cachés, et, selon la parole d’un Prophète, il n’est pas facile aux hommes de pénétrer ses desseins ; cependant, par les autres actions et instructions du Sauveur, nous pouvons comprendre que ce n’est pas sans un dessein particulier que celle-là a été choisie pour enfanter le Seigneur, qui était l’épouse d’un homme. Mais pourquoi n’a-t-elle pas été mère avant d’être épousée ? De crainte, peut-être, qu’on ne l’accusât d’adultère.
Huitième leçon. Or l’Ange vint vers elle. Reconnaissez la Vierge à ses actes, reconnaissez la Vierge à sa modestie ; apprenez à la connaître par l’oracle qui lui est annoncé, par le mystère qui s’opère en elle. C’est le propre des vierges de trembler, de s’effrayer à l’approche d’un homme, et de craindre tous ses discours. Que les femmes apprennent à imiter cet exemple de modestie. Marie vit seule dans sa maison, se dérobant aux regards des hommes ; un Ange seul trouve accès auprès d’elle. Elle est seule, sans compagnie ; seule, sans témoin, de crainte d’être corrompue par un entretien profane, et l’Ange la salue.

Neuvième leçon. Ce n’était pas la bouche d’un homme, mais celle d’un Ange, qui devait exposer le mystère d’un tel message. Aujourd’hui pour la première fois l’on entend : « L’Esprit Saint surviendra en vous ». On entend et on croit. « Voici, dit Marie, la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon votre parole ». Voyez son humilité, voyez son dévouement. Elle se dit la servante du Seigneur, elle qui est choisie pour sa mère ; et elle ne s’enorgueillit pas de cette promesse inattendue.

 Cette journée est grande dans les annales de l’humanité ; elle est grande aux yeux même de Dieu : car elle est l’anniversaire du plus solennel événement qui se soit accompli dans le temps. Aujourd’hui, le Verbe divin, par lequel le Père a créé le monde, s’est fait chair au sein d’une Vierge, et il a habité parmi nous. Suspendons en ce jour nos saintes tristesses ; et en adorant les grandeurs du Fils de Dieu qui s’abaisse, rendons grâces au Père qui a aimé le monde jusqu’à lui donner son Fils unique et au Saint-Esprit dont la vertu toute-puissante opère un si profond mystère Au sein même de l’austère Quarantaine, voici que nous préludons aux joies ineffables de la fête de Noël ; encore neuf mois, et notre Emmanuel conçu en ce jour naîtra dans Bethléhem, et les concerts des Anges nous convieront à venir saluer sa naissance fortunée.

Dans la semaine de la Septuagésime, nous avons contemplé avec terreur la chute de nos premiers parents ; nous avons entendu la voix de Dieu dénonçant la triple sentence, contre le serpent, contre la femme, et enfin contre l’homme. Nos cœurs ont été glacés d’effroi au bruit de cette malédiction dont les effets sont arrives sur nous, et doivent se taire sentir jusqu’au dernier jour du monde. Cependant, une espérance s’est fait jour dans notre âme ; du milieu des anathèmes, une promesse divine a brillé tout à coup comme une lueur de salut. Notre oreille a entendu le Seigneur irrite dire au serpent infernal qu’un jour sa tête altière serait brisée, et que le pied d’une femme lui porterait ce coup terrible.

Le moment est venu où le Seigneur va remplir l’antique promesse. Durant quatre mille ans, le monde en attendit l’effet ; malgré ses ténèbres et ses crimes, cette espérance ne s’éteignit pas dans son sein. Dans le cours des siècles, la divine miséricorde a multiplié les miracles, les prophéties, les figures, pour rappeler l’engagement qu’elle daigna prendre avec l’homme. Le sang du Messie a passé d’Adam à Noé ; de Sem à Abraham, Isaac et Jacob ; de David et Salomon à Joachim ; il coule maintenant dans les veines de Marie, tille de Joachim. Marie est cette femme par qui doit être levée la malédiction qui pèse sur notre race. Le Seigneur, en la décrétant immaculée, a constitué une irréconciliable inimitié entre elle et le serpent ; et c’est aujourd’hui que cette tille d’Ève va réparer la chute de sa mère, relever son sexe de l’abaissement dans lequel il était plongé, et coopérer directement et efficacement à la victoire que le Fils de Dieu vient remporter en personne sur l’ennemi de sa gloire et du genre humain.

La tradition apostolique a signalé à la sainte Église le vingt-cinq mars, comme le jour qui vit s’accomplir l’auguste mystère. Ce fut à l’heure de minuit que la très pure Marie, seule, et dans le recueillement de la prière, vit apparaître devant elle le radieux Archange descendu du ciel pour venir recevoir son consentement, au nom de la glorieuse Trinité. Assistons à l’entrevue de l’Ange et de la Vierge, et reportons en même temps notre pensée aux premiers jours du monde. Un saint Évêque martyr du IIe siècle, fidèle écho de l’enseignement des Apôtres, saint Irénée, nous a appris à rapprocher cette grande scène de celle qui eut lieu sous les ombrages d’Éden.

Dans le jardin des délices, c’est une vierge qui se trouve en présence d’un ange, et un colloque s’établit entre l’ange et la vierge. A Nazareth, une vierge est aussi interpellée par un ange, et un dialogue s’établit entre eux ; mais l’ange du Paradis terrestre est un esprit de ténèbres, et celui de Nazareth est un esprit de lumière Dans les deux rencontres, c’est l’ange qui prend le premier la parole. « Pourquoi, dit l’esprit maudit à la première femme, pourquoi Dieu vous a-t-il commandé de ne pas manger du fruit de tous les arbres de ce jardin ? » On sent déjà dans cette demande impatiente la provocation au mal, le mépris, la haine envers la faible créature dans laquelle Satan poursuit l’image de Dieu.

Voyez au contraire l’ange de lumière avec quelle douceur, quelle paix, il approche de la nouvelle Ève ! Avec quel respect il s’incline devant cette fille des hommes ! « Salut, ô pleine de grâce ! Le Seigneur est avec vous ; vous êtes bénie entre les femmes » Qui ne reconnaît l’accent céleste dans ces paroles où tout respire la dignité et la paix ! Mais continuons de suivre le mystérieux parallèle.

La femme d’Éden, dans son imprudence, écoute la voix du séducteur ; elle s’empresse de répondre. Sa curiosité l’engage dans une conversation avec celui qui l’invite à scruter les décrets de Dieu. Elle n’a pas de défiance à l’égard du serpent qui lui parle, tout à l’heure, elle se défiera de Dieu même.

Marie a entendu les paroles de Gabriel ; mais cette Vierge très prudente, comme parle l’Église, demeure dans le silence. Elle se demande d’où peuvent venir ces éloges dont elle est l’objet. La plus pure, la plus humble des vierges craint la flatterie ; et l’envoyé céleste n’obtiendra pas d’elle une parole qu’il n’ait éclairci sa mission par la suite de son discours. « Ne craignez pas, ô Marie, dit-il à la nouvelle Ève : car vous avez trouvé grâce devant le Seigneur. Voici que vous concevrez et enfanterez un fils, et vous l’appellerez Jésus. Il sera grand, et il sera appelé le Fils du Très-Haut ; et le Seigneur lui donnera le trône de David son père ; il régnera sur la maison de Jacob à jamais, et son règne n’aura pas de fin. »

Quelles magnifiques promesses descendues du ciel, de la part de Dieu ! Quel objet plus digne de la noble ambition d’une fille de Juda, qui sait de quelle gloire doit être entourée l’heureuse mère du Messie ? Cependant, Marie n’est pas tentée par tant d’honneur. Elle a pour jamais consacré sa virginité au Seigneur, afin de lui être plus étroitement unie par l’amour ; la destinée la plus glorieuse qu’elle ne pourrait obtenir qu’en violant ce pacte sacré, ne saurait émouvoir son âme. « Comment cela pourrait-il se faire, répond-elle à l’Ange, puisque je ne connais pas d’homme ? »

La première Ève ne montre pas ce calme, ce désintéressement. A peine l’ange pervers lui a-t-il assuré qu’elle peut violer, sans crainte de mourir, le commandement de son divin bienfaiteur, que le prix de sa désobéissance sera d’entrer par la science en participation de la divinité même : tout aussitôt, elle est subjuguée. L’amour d’elle-même lui a fait oublier en un instant le devoir et la reconnaissance ; elle est heureuse de se voir affranchie au plus tôt de ce double lien qui lui pèse.

Telle se montre cette femme qui nous a perdus ; mais combien différente nous apparaît cette autre femme qui devait nous sauver ! La première, cruelle à sa postérité, se préoccupe uniquement d’elle-même ; la seconde s’oublie, pour ne songer qu’aux droits de Dieu sur elle. L’Ange, ravi de cette sublime fidélité, achève de lui dévoiler le plan divin « L’Esprit-Saint, lui dit-il, surviendra en vous ; la Vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre ; et c’est pour cela que ce qui naîtra de vous sera appelé le Fils de Dieu. Élisabeth votre cousine a conçu un fils, malgré sa vieillesse ; celle qui fut stérile est arrivée déjà à son sixième mois : car rien n’est impossible à Dieu. » L’Ange arrête ici son discours, et il attend dans le silence la résolution de la vierge de Nazareth.

Reportons nos regards sur la vierge d’Éden. A peine l’esprit infernal a-t-il cessé de parler, qu’elle jette un œil de convoitise sur le fruit défendu ; elle aspire à l’indépendance dont ce fruit si délectable va la mettre en possession. Sa main désobéissante s’avance pour le cueillir ; elle le saisit, elle le porte avidement à sa bouche, et au même instant la mort prend possession d’elle : mort de l’âme par le péché qui éteint la lumière de vie ; mort du corps qui séparé du principe d’immortalité, devient désormais un objet de honte et de confusion, en attendant qu’il tombe en poussière.

Mais détournons nos yeux de ce triste spectacle, et revenons a Nazareth. Marie a recueilli les dernières paroles de l’Ange ; la volonté du ciel est manifeste pour elle. Cette volonté lui est glorieuse et fortunée : elle l’assure que l’ineffable bonheur de se sentir Mère d’un Dieu lui est réservé, à elle humble fille de l’homme, et que la fleur de virginité lui sera conservée. En présence de cette volonté souveraine, Marie s’incline dans une parfaite obéissance, et dit au céleste envoyé : « Voici la servante du Seigneur ; qu’il me soit fait selon votre parole ».

Ainsi, selon la remarque de notre grand saint Irénée, répétée par toute la tradition chrétienne, l’obéissance de la seconde femme répare la désobéissance de la première ; car la Vierge de Nazareth n’a pas plus tôt dit : Qu’il me soit fait, Fiat, que le Fils éternel de Dieu qui, selon le décret divin, attendait cette parole, se rend présent, par l’opération de l’Esprit-Saint, dans le chaste sein de Marie, et vient y commencer une vie humaine. Une Vierge devient Mère, et la Mère d’un Dieu ; et c’est l’acquiescement de cette Vierge à la souveraine volonté qui la rend féconde, par l’ineffable vertu de l’Esprit-Saint. Mystère sublime qui établit des relations de fils et de mère entre le Verbe éternel et une simple femme ; qui fournit au Tout-Puissant un moyen digne de lui d’assurer son triomphe contre L’esprit infernal, dont l’audace et la perfidie semblaient avoir prévalu jusqu’alors contre le plan divin !

Jamais défaite ne fut plus humiliante et plus complète que celle de Satan, en ce jour Le pied de la femme, de cette humble créature qui lui offrit une victoire si facile, ce pied vainqueur, il le sent maintenant peser de tout son poids sur sa tête orgueilleuse qui en est brisée. Ève se relève dans son heureuse fille pour écraser le serpent. Dieu n’a pas choisi l’homme pour cette vengeance : l’humiliation de Satan n’eût pas été assez profonde. C’est la première proie de l’enfer, sa victime la plus faible, la plus désarmée, que le Seigneur dirige contre cet ennemi. Pour prix d’un si haut triomphe, une femme dominera désormais non seulement sur les anges rebelles, mais sur toute la race humaine ; bien plus, sur toutes les hiérarchies des Esprits célestes. Du haut de son trône sublime, Marie Mère de Dieu plane au-dessus de toute la création. Au fond des abîmes infernaux Satan rugira d’un désespoir éternel, en songeant au malheur qu’il eut de diriger ses premières attaques contre un être fragile et crédule que Dieu a si magnifiquement vengé ; et dans les hauteurs du ciel, les Chérubins et les Séraphins lèveront timidement leurs regards éblouis vers Marie, ambitionneront son sourire, et se feront gloire d’exécuter les moindres désirs de cette femme, la Mère du grand Dieu et la sœur des hommes.

C’est pourquoi nous, enfants de la race humaine, arrachés à la dent du serpent infernal par l’obéissance de Marie, nous saluons aujourd’hui l’aurore de notre délivrance. Empruntant les paroles du cantique de Debbora, où cette femme, type de Marie victorieuse, chante son triomphe sur les ennemis du peuple saint, nous disons : « La race des forts avait disparu d’Israël, jusqu’au jour où s’éleva Debbora, où parut celle qui est la mère dans Israël. Le Seigneur a inauguré un nouveau genre de combat ; il a forcé les portes de son ennemi. » Prêtons l’oreille, et entendons encore, à travers les siècles, cette autre femme victorieuse, Judith. Elle chante à son tour : « Célébrez le Seigneur notre Dieu, qui n’abandonne pas ceux qui espèrent en lui. C’est en moi, sa servante, qu’il a accompli la miséricorde promise à la maison d’Israël ; c’est par ma main qu’il a immolé, cette nuit même, l’ennemi de son peuple. Le Seigneur tout-puissant a frappé cet ennemi ; il l’a livré aux mains d’une femme, et il l’a percé de son glaive. »

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Jeudi de la IIIème semaine de Carême mémoire de saint Gabriele Archange

24 Mars 2022 , Rédigé par Ludovicus

Jeudi de la IIIème semaine de Carême mémoire de saint Gabriele Archange

Collecte

Qu’elle vous glorifie, Seigneur, la solennité de vos saints Côme et Damien, solennité bienheureuse où vous leur avez donné la gloire éternelle, et nous avez secourus par votre ineffable providence. Par Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Lecture Jr. 7, 1-7

En ces jours-là, la parole du Seigneur me fut adressée en ces termes : Tiens-toi à la porte de la maison du Seigneur, et là proclame cette parole, et dis : Écoutez la parole du Seigneur, vous tous, habitants de Juda, qui entrez par ces portes pour adorer le Seigneur. Voici ce que dit le Seigneur des armées, le Dieu d’Israël : Redressez vos voies et vos penchants, et j’habiterai avec vous dans ce lieu. Ne vous fiez pas à des paroles de mensonge, en disant : C’est ici le temple du Seigneur, le temple du Seigneur, le temple du Seigneur ! Car si vous dirigez bien vos voies et vos penchants, si vous rendez justice à l’un comme à l’autre, si vous ne faites pas violence à l’étranger, à l’orphelin et à la veuve, si vous ne répandez pas en ce lieu le sang innocent, et si vous n’allez pas après les dieux étrangers, pour votre malheur, je demeurerai avec vous de siècle en siècle dans ce lieu, sur cette terre que j’ai donnée à vos pères, d’âge en âge, dit le Seigneur tout-puissant.

Evangile

En ce temps-là, Jésus, étant sorti de la synagogue, entra dans la maison de Simon. Or la belle-mère de Simon était retenue par une forte fièvre ; et ils le prièrent pour elle. Alors, debout, auprès d’elle, il commanda à la fièvre, et la fièvre la quitta. Et se levant aussitôt, elle les servait. Lorsque le soleil fut couché, tous ceux qui avaient des malades atteints de diverses maladies les lui amenaient. Et lui, imposant les mains sur chacun d’eux, les guérissait. Et les démons sortaient d’un grand nombre, criant et disant : Vous êtes le Fils de Dieu. Mais il les menaçait, et il ne leur permettait pas de dire qu’ils savaient qu’il était le Christ. Lorsqu’il fut jour, il sortit, et alla dans un lieu désert ; et les foules le cherchaient ; et elles vinrent jusqu’à lui, et elles voulaient le retenir, de peur qu’il ne les quittât. Il leur dit : il faut que j’annonce aussi aux autres villes la bonne nouvelle du royaume de Dieu ; car c’est pour cela que j’ai été envoyé. Et il prêchait dans les synagogues de Galilée.

Office

1ère leçon

Homélie de saint Ambroise, évêque

Voyez la clémence du Seigneur notre Sauveur. Il ne délaisse pas la Judée, ému d’indignation, ni offensé par le crime, ni révolté par l’injustice ; au contraire, il oublie les torts et ne songe qu’à la clémence. Tour à tour enseignant, délivrant, guérissant, il veut surtout attendrir le cœur de ce peuple infidèle. Avec raison saint Luc mentionne d’abord l’homme délivré de l’esprit mauvais et raconte ensuite la guérison d’une femme. Car le Seigneur était venu pour soigner l’un et l’autre sexe ; mais il fallait d’abord guérir celui qui fut créé le premier sans laisser de côté celle qui avait péché plutôt par légèreté d’esprit que par dépravation.

2e leçon

C’est le jour du Sabbat que le Seigneur commence son œuvre de guérison : ainsi la nouvelle création commence là où l’ancienne s’était arrêtée et, dès le début, il est manifeste que le Fils de Dieu n’est pas soumis à la loi, mais au-dessus d’elle, qu’il ne détruit pas la loi, mais l’accomplit. Car le monde a été fait non par la loi, mais par le Verbe. Nous lisons : « Par le Verbe du Seigneur les cieux ont été affermis. »La loi n’est donc pas détruite, mais accomplie, afin de renouveler l’homme jadis déchu. Aussi l’Apôtre dit : « Dépouillant le vieil homme, revêtez-vous du nouveau, qui a été créé selon Dieu. » 

3e leçon

Aussi bien le Sauveur commence-t-il le jour du Sabbat : il montre ainsi qu’il est le Créateur qui entrelace les œuvres dans la trame des œuvres et poursuit l’ouvrage qu’il a lui-même commencé. Comme le constructeur qui entreprend de réparer une maison ne commence point par démolir ce qui est délabré dans les fondations, mais bien ce qui est caduc dans la toiture. Il met donc d’abord la main là où il s’était autrefois arrêté ; par conséquent il commence par les choses moindres pour en venir aux plus grandes. Délivrer du démon, même des hommes le peuvent, mais par le Verbe de Dieu ; commander aux morts de ressusciter n’appartient qu’à la seule puissance divine. Sous la figure de cette femme, la belle-mère de Pierre et d’André, peut-être était-ce notre chair qui souffrait des fièvres variées des péchés et s’enflammait de convoitises immodérées ? La fièvre de ta passion n’est pas moindre, dirais-je, que celle de la température. Cette fièvre-là brûle l’âme, l’autre le corps. Car notre fièvre, c’est l’avarice ; notre fièvre, c’est la débauche ; notre fièvre, c’est la luxure ; notre fièvre, c’est l’ambition ; notre fièvre, c’est la colère

Le jour marque le milieu de la sainte Quarantaine, et c’est pour cela qu’il est appelé le Jeudi de la mi-Carême. Nous accomplissons en effet aujourd’hui le vingtième jeune sur quarante que nous impose l’Église en ce saint temps. Chez les Grecs, c’est la journée d’hier qui est comptée comme Mésonestime à proprement parler, ou milieu des jeûnes ; au reste, ils donnent ce nom, ainsi que nous l’avons vu, à la semaine tout entière, qui est, dans leur liturgie, la quatrième des sept dont est formé leur Carême. Mais le Mercredi de cette semaine est, chez eux, l’objet d’une fête solennelle, un jour de réjouissance, où l’on ranime son courage pour achever la carrière.

Les nations catholiques de l’Occident, sans considérer le jour où nous sommes parvenus comme une fête, ont toujours eu la coutume de le passer dans une certaine allégresse. La sainte Église Romaine s’est unie à cette pratique ; mais afin de ne pas donner prétexte à une dissipation qui pourrait nuire à l’esprit du jeûne, elle a remis l’expression plus marquée de cette joie innocente au Dimanche suivant, comme nous le verrons ci-après. Toutefois il n’est pas contre l’esprit du Christianisme de fêter aujourd’hui le jour central du Carême, en réunissant, à la manière de nos pères, de plus nombreux convives, et en servant la table avec plus de recherche et d’abondance, pourvu toutefois que l’abstinence et le jeûne soient respectés. Mais, hélas ! Avec le relâchement qui règne aujourd’hui dans notre malheureux pays, combien de gens, qui se disent catholiques, n’ont guère fait autre chose depuis vingt jours que de violer ces lois du jeûne et de l’abstinence, sur la foi de dispenses légitimes ou extorquées ! Quel sens peuvent avoir pour eux les joies naïves que goûtent aujourd’hui, en de lointaines provinces, ces familles de vieux chrétiens qui n’ont point encore laissé périr chez eux les saintes traditions ? Mais ces joies, pour les éprouver, il faut les avoir méritées par quelques privations, par un peu de gêne imposée au corps : et c’est ce que trop de catholiques de nos jours ne savent plus faire. Prions pour eux, afin que Dieu leur donne de comprendre enfin à quoi les oblige la foi qu’ils professent.

A Rome, la Station est aujourd’hui dans l’Église de Saint-Côme-et-Saint-Damien, au Forum. Le moyen âge, comme nous l’apprenons de Durand, dans son Rational des divins Offices, cherchait la raison du choix de cette Station dans la profession de médecins que ces deux saints Martyrs ont exercée. On pensait que l’Église voulait implorer non seulement pour les âmes, mais aussi pour les corps de ses enfants déjà fatigués par le jeûne et l’abstinence, la protection de ces puissants amis de Dieu qui, sur la terre, consacraient les ressources de Fart médical au soulagement corporel de leurs frères. Le savant liturgiste Gavantus commente longuement cette idée qui, si elle n’a pas inspiré le choix de cette église pour la Station d’aujourd’hui, n’en est pas moins propre à édifier les fidèles, en les engageant à recourir aux deux illustres frères médecins, et à demander par leur intercession la constance et les forces nécessaires pour achever dignement et fidèlement la carrière si heureusement commencée.

LEÇON.

La sainte Église ne manque à aucun de ses devoirs à l’égard de ses enfants. Si elle insiste pour obtenir d’eux l’accomplissement des obligations extérieures de la religion, quelque pénibles qu’elles soient à leur lâcheté, elle les avertit aussi de ne pas penser que les observances corporelles, si exactement qu’on les remplisse, pourraient tenir lieu des vertus intérieures commandées à l’homme et au chrétien. Dieu n’accepte pas l’hommage de l’esprit et du cœur, si l’homme, par orgueil ou par mollesse, néglige d’offrir en même temps le service du corps ; mais réduire sa religion aux œuvres purement matérielles, ce n’est pas non plus honorer Dieu qui veut être servi en esprit et en vérité Les Juifs étaient fiers de posséder le temple de Jérusalem, où habitait la majesté de Dieu ; mais cet avantage, qui les mettait au-dessus de toutes les autres nations, tournait trop souvent à leur perte, parce que se contentant d’un stérile respect pour cette maison sainte, ils ne s’élevaient pas plus haut, et ne songeaient point à reconnaître un si grand bienfait, en pratiquant la loi de Dieu. Ainsi feraient parmi nous des chrétiens qui, remplis d’une fidélité purement extérieure au jeûne et à l’abstinence, ne se mettraient pas en peine de corriger leur vie, en y introduisant l’esprit de justice, de charité, d’humilité. Ils mériteraient que le Seigneur les flétrît par ces paroles qu’il prononça autrefois contre Israël : « Ce peuple m’honore des lèvres ; mais son cœur est loin de moi». Ce pharisaïsme chrétien est devenu assez rare de nos jours. Le relâchement presque universel à l’égard des pratiques extérieures est bien plutôt la plaie d’aujourd’hui ; et les personnes fidèles aux observances de l’Église ne sont pas, pour l’ordinaire, en retard sous le rapport des autres vertus chrétiennes. Cependant cette fausse conscience se rencontre quelquefois, et produit un scandale qui retarde chez plusieurs l’avancement du royaume de Dieu. Attachons-nous donc à la loi tout entière. Offrons à Dieu un service spirituel qui consiste dans l’obéissance du cœur à tous les préceptes, et joignons-y, comme complément nécessaire, l’hommage de notre corps, en pratiquant tout ce que l’Église nous prescrit pour l’élever à la hauteur de l’âme, dont il doit partager les destinées.

ÉVANGILE.

Admirons la bonté du Sauveur, qui daigne employer son pouvoir à la guérison des corps, et comprenons qu’il est plus empressé encore de subvenir aux infirmités de nos âmes. Nous sommes travaillés de la fièvre des passions : lui seul peut la chasser. Imitons pour notre propre compte le zèle des habitants de la Galilée, qui apportent leurs malades aux pieds de Jésus ; supplions-le aussi de nous guérir. Nous voyons avec quelle bonté il accueille tous ces malheureux ; présentons-nous à leur suite. Faisons-lui instance pour qu’il ne s’éloigne pas, pour qu’il demeure toujours avec nous ; et il daignera rester. Prions pour les pécheurs ; les jours du jeune s’écoulent ; déjà nous entrons dans la seconde moitié du Carême, et la Pâque de notre délivrance approche. Voyez ces multitudes qui ne s’ébranlent pas, ces âmes fermées à la lumière qui ne s’ouvrent pas, ces cœurs endurcis que rien n’émeut, tant de chrétiens qui vont ajouter une chance de plus à leur réprobation éternelle. Offrons pour eux notre pénitence, et demandons à Jésus, par les mérites de sa Passion dont l’heure ne doit pas tarder, qu’il daigne faire un dernier effort de miséricorde, et arracher au démon ces âmes pour lesquelles il va répandre son sang.

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IIIème dimanche de Carême

20 Mars 2022 , Rédigé par Ludovicus

IIIème dimanche de Carême

Introït

Mes yeux sont constamment tournés vers le Seigneur ; car c’est lui qui retirera mes pieds du filet : regardez-moi et ayez pitié de moi ; car je suis délaissé et pauvre. Vers vous, Seigneur, j’ai élevé mon âme : mon Dieu, je mets ma confiance en vous ; que je n’aie pas à rougir.

Collecte

Nous vous en prions, Dieu tout-puissant, ayez égard aux vœux de nos cœurs humiliés, et pour nous défendre, étendez le bras de votre majesté. Par Notre-Seigneur.

Épitre Ep. 5, 1-9

Mes frères : Soyez donc les imitateurs de Dieu comme des enfants bien-aimés, et marchez dans l’amour, comme le Christ, qui nous a aussi aimés, et qui s’est livré lui-même pour nous à Dieu, comme une oblation et un sacrifice d’agréable odeur. Que la fornication, et toute impureté, ou l’avarice ne soient pas même nommés parmi vous, comme il convient à des saints ; non plus que ce qui est déshonnête, les propos insensés, les paroles bouffonnes, toutes choses qui sont malséantes ; qu’on entende plutôt des actions de grâces. Car, sachez-le bien, aucun fornicateur, aucun impudique, aucun avare, ce qui est une idolâtrie, n’a d’héritage dans le royaume du Christ et de Dieu. Que personne ne vous séduise par de vains discours ; car c’est à cause de ces choses que la colère de Dieu vient sur les hommes rebelles. N’ayez donc aucune part avec eux. Car vous étiez autrefois ténèbres ; mais maintenant vous êtes lumière dans le Seigneur. Marchez comme des enfants de lumière ; car le fruit de la lumière consiste en toute sorte de bonté, de justice et de vérité.

Évangile L&c. 11, 14-28

En ce temps-là, Jésus chassait un démon, et ce démon était muet. Et lorsqu’il eut chassé le démon, le muet parla, et les foules furent dans l’admiration. Mais quelques-uns d’entre eux dirent : C’est par Béelzébub, prince des démons, qu’il chasse les démons. Et d’autres, pour le tenter, lui demandaient un signe qui vînt du ciel. Mais lui, ayant vu leurs pensées, leur dit : Tout royaume divisé contre lui-même sera dévasté, et la maison tombera sur la maison. Si donc Satan est aussi divisé contre lui-même, comment son règne subsistera-t-il ? Car vous dites que c’est par Béelzébub que je chasse les démons. Or si c’est par Béelzébub que je chasse les démons, par qui vos fils les chassent-ils ? C’est pourquoi ils seront eux-mêmes vos juges. Mais si c’est par le doigt de Dieu que je chasse les démons, assurément le royaume de Dieu est arrivé jusqu’à vous. Lorsque l’homme fort, armé, garde sa maison, ce qu’il possède est en paix. Mais si un plus fort que lui survient et triomphe de lui, il emportera toutes ses armes, dans lesquelles il se confiait, et il distribuera ses dépouilles. Celui qui n’est point avec moi est contre moi, et celui qui ne recueille pas avec moi dissipe. Lorsque l’esprit impur est sorti d’un homme, il va par des lieux arides, cherchant du repos ; et n’en trouvant pas, il dit : Je retournerai dans ma maison, d’où je suis sorti. Et quand il arrive, il la trouve balayée et ornée. Alors il s’en va, et prend avec lui sept autres esprits, plus méchants que lui, et entrant dans cette maison, ils y habitent. Et le dernier état de cet homme devient pire que le premier. Or il arriva, tandis qu’il disait ces choses, qu’une femme, élevant la voix du milieu de la foule, lui dit : Heureux le sein qui vous a porté et les mamelles qui vous ont allaité. Mais il dit : Heureux plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui la gardent.

Communion

Le passereau se trouve une maison, et la tourterelle un nid pour y placer ses petits ; que je trouve vos autels, Seigneur des armées, mon roi et mon Dieu. Heureux ceux qui habitent dans votre maison ; ils vous loueront dans les siècles des siècles.

Office

4e leçon

Livre de l’évêque saint Ambroise sur le Patriarche Joseph

C’est pour les autres une règle de conduite que la vie des saints. Aussi l’Écriture nous en offre-t-elle une série ample et ordonnée. Cette lecture nous fait connaître Abraham, Isaac, Jacob et d’autres justes. Leur vie, tel un sentier d’innocence, frayé par leur vertu, s’ouvre aux pas de notre imitation. J’ai eu souvent déjà l’occasion d’en parler. Aujourd’hui se présente l’histoire du saint patriarche Joseph. De nombreuses vertus le signalent à notre admiration, mais c’est la chasteté qui brille en lui d’un éclat sans pareil. Ainsi donc, nous avons reçu d’Abraham l’enseignement d’une inlassable dévotion de foi, d’Isaac, celui d’une parfaite pureté de cœur, de Jacob, celui d’une remarquable fermeté d’âme et de patience dans les épreuves. Il convient de passer de la considération de ces types généraux de vertus à des enseignements plus particuliers.

5e leçon

Que le saint patriarche Joseph nous apparaisse donc comme un miroir de chasteté. En sa conduite et en ses actes brille la pudeur et se répand l’éclat de ce charme inséparable de la chasteté. C’est pour cela même que ses parents l’aimaient plus que leurs autres fils. Or, de cette préférence naquit la haine. C’est un fait à ne pas oublier, car il commande tout l’enchaînement de l’histoire ; de plus, nous apprenons par là que l’homme parfait ne se laisse pas ébranler par la violence d’une douleur à venger et ne rend pas le mal pour le mal. Aussi David a-t-il dit : « Si j’ai rendu le mal à qui me le faisait [que je tombe devant mes ennemis]. »

6e leçon

En effet, pourquoi Joseph aurait-il mérité qu’on le préfère aux autres, s’il avait voulu faire du tort à qui lui en faisait, et aimer seulement qui l’aimait ? Cela, la plupart le font. Mais voici ce qui est admirable, c’est d’aimer son ennemi, comme le Sauveur l’enseigne. Il mérite à bon droit qu’on l’admire, celui qui a fait cela avant l’Évangile. Offensé, il ne tient pas rigueur ; attaqué, il pardonne ; vendu, il ne compte pas le dommage, mais au contraire, il paie en bienfait le prix de l’outrage. Cela, l’Évangile nous l’a appris à tous, et nous ne savons pas l’observer. Même les saints ont éprouvé la haine, apprenons-le pour imiter leur patience et sachons qu’ils n’étaient pas d’une nature supérieure à la nôtre, mais d’une plus généreuse fidélité au devoir. Ils n’ont pas ignoré le vice, mais ils ont su le vaincre. Si donc la brûlure de la haine a touché même les saints, combien plus ne faut-il pas craindre qu’elle n’atteigne les pécheurs ?

7e leçon

Homélie de saint Bède le Vénérable, prêtre

Dans Matthieu on raconte que ce démoniaque est non seulement muet mais aveugle aussi. Il fut guéri par le Seigneur, nous dit-on, si bien qu’il pouvait parler et voir. Trois miracles sont accomplis simultanément dans un seul homme : l’aveugle voit ; le muet parle ; le possédé est délivré du démon. Mais ce qui fut fait alors dans la chair, s’accomplit chaque jour dans la conversion des croyants. Une fois le démon expulsé, ils perçoivent la lumière de la foi, ensuite la bouche, jadis muette, s’ouvre pour louer Dieu. « Mais il s’en trouva pour dire : C’est par Béelzéboub, le chef des démons, qu’il chasse les démons. » Ceux qui dénigraient ainsi, n’étaient pas des personnes dans la foule, mais des scribes et des pharisiens comme l’attestent d’autres évangélistes.

8e leçon

Car les foules, bien que manifestement moins instruites, s’émerveillaient toujours des faits et gestes da Seigneur ; tandis que ceux-ci les niaient, ou bien, s’ils ne trouvaient rien à nier, ils s’efforçaient de les dénaturer par une interprétation malveillante ; comme s’ils eussent été l’œuvre, non de la divinité, mais de l’esprit impur. « D’autres, pour le mettre à l’épreuve, lui demandaient un signe venant du ciel. » Ils désiraient, par exemple, qu’à la manière d’Élie, il fasse venir le feu du ciel, ou bien, semblable à Samuel, qu’il fasse, par un beau temps d’été, gronder le tonnerre, briller les éclairs, et tomber l’averse à torrents ; comme s’ils ne pouvaient dénigrer cela aussi et affirmer l’effet dû aux causes occultes et aux diverses perturbations atmosphériques, mais toi qui ergotes sur ce que tu vois de tes yeux, ce que tu tiens en mains, ce que tu perçois à l’usage, que ferais-tu de ce qui viendrait du ciel ? Sans doute répondras-tu que les mages en Égypte faisaient aussi beaucoup de signes dans le ciel.

9e leçon

« Mais lui, sachant leur pensée leur dit : Tout royaume divisé contre lui-même va à sa ruine, et maison sur maison s’écroule. » Il répond aux pensées, non aux paroles ; ainsi seraient-ils forcés, sans doute, d’admettre la puissance de celui qui voyait les secrets du cœur. Mais si tout royaume divisé contre lui-même va à sa ruine, alors le royaume du Père et du Fils et de l’Esprit-Saint n’est pas divisé ; car, sans conteste, il ne sera ruiné par aucun assaut, mais il doit subsister éternellement. « Si donc Satan est divisé contre lui-même, comment son royaume tiendra-t-il, puisque vous dites que c’est par Béelzéboub que moi, je chasse les démons ? » En disant ceci il voulait leur faire comprendre, par leur propre aveu, qu’en refusant de croire en lui, ils ont opté pour le royaume du diable, qui ne peut évidemment pas tenir divisé contre lui-même.

La sainte Église, qui, au premier Dimanche de Carême, nous a proposé la tentation de Jésus-Christ au désert pour sujet de nos méditations, afin de nous éclairer sur la nature de nos propres tentations, et sur la manière dont nous en devons triompher, nous fait lire aujourd’hui un passage de l’Évangile de saint Luc, dont la doctrine est destinée à compléter notre instruction sur la puissance et les manœuvres de nos ennemis invisibles. Durant le Carême, le chrétien doit réparer le passé et assurer l’avenir ; il ne pourrait se rendre compte du premier, ni défendre efficacement le second, s’il n’avait des idées saines sur la nature des périls auxquels il a succombé, et sur ceux qui le menacent encore. Les anciens liturgistes ont donc reconnu un trait de la sagesse maternelle de l’Église dans le discernement avec lequel elle propose aujourd’hui à ses enfants cette lecture, qui est comme le centre des enseignements de la journée.

Nous serions assurément les plus aveugles et les plus malheureux des hommes, si, environnés comme nous le sommes d’ennemis acharnés à notre perte et très supérieurs à nous en force et en adresse, nous en étions venus à ne pas songer souvent à leur existence, peut-être même à n’y réfléchir jamais. Tel est cependant l’état dans lequel vivent un nombre immense de chrétiens de nos jours : tant « les vérités sont diminuées parmi les enfants des hommes ». Cet état d’insouciance et d’oubli sur un objet que les saintes Écritures nous rappellent à chaque page, est tellement répandu, qu’il n’est pas rare de rencontrer des personnes aux yeux desquelles l’action continue des démons autour de nous n’est rien autre chose qu’une croyance gothique et populaire qui n’appartient point aux dogmes de la religion. Tout ce qu’en racontent l’histoire de l’Église et la vie des Saints est pour eux comme s’il n’existait pas. Pour eux, Satan semble n’être qu’une pure abstraction sous laquelle on aurait personnifié le mal.

S’agit-il d’expliquer le péché en eux-mêmes ou dans les autres ? Ils vous parlent du penchant que nous avons au mal, du mauvais usage de notre liberté ; et ils ne veulent pas voir que l’enseignement chrétien nous révèle en outre dans nos prévarications l’intervention d’un agent malfaisant, dont la puissance est égale à la haine qu’il nous porte. Cependant, ils savent, ils croient sincèrement que Satan a conversé avec nos premiers parents et les a entraînés dans le mal, en se montrant à eux sous la forme d’un serpent. Ils croient que ce même Satan a osé tenter le Fils de Dieu incarné, qu’il l’a enlevé par les airs jusque sur le sommet du temple, et de là sur une haute montagne. Ils lisent aussi dans l’Évangile et ils croient qu’un des malheureux possédés qui furent délivrés par le Sauveur était assiégé d’une légion entière d’esprits infernaux, que l’on vit, sur la permission qu’ils en reçurent, fondre sur un troupeau de porcs et le précipiter dans le lac de Génésareth. Ces faits et mille autres sont l’objet de leur foi ; et avec cela tout ce qu’ils entendent dire de l’existence des démons, de leurs opérations, de leur adresse à séduire les âmes, leur semble fabuleux. Sont-ils chrétiens, ou ont-ils perdu le sens ? On ne saurait répondre, surtout lorsqu’on les voit se livrer de nos jours à des consultations sacrilèges du démon, à l’aide de moyens renouvelés des siècles du paganisme, sans qu’ils paraissent se rappeler, ni même savoir qu’ils commettent un crime que Dieu, dans l’ancienne loi, punissait de mort, et que la législation de tous les peuples chrétiens, durant un grand nombre de siècles, a frappé du dernier supplice.

Mais s’il est une époque de l’année où les fidèles doivent méditer ce que la foi et l’expérience nous apprennent sur l’existence et les opérations des esprits de ténèbres, c’est assurément ce temps où nous sommes, durant lequel nous avons tant à réfléchir sur les causes de nos péchés, sur les dangers de notre âme, sur les moyens de la prémunir contre de nouvelles chutes et de nouvelles attaques. Écoutons donc le saint Évangile. Il nous apprend d’abord que le démon s’était emparé d’un homme, et que l’effet de cette possession avait été de rendre cet homme muet. Jésus délivre ce malheureux, et l’usage de la parole revient aussitôt que l’ennemi a été chassé. Ainsi, la possession du démon non seulement est un monument de l’impénétrable justice de Dieu ; mais elle peut produire des effets physiques sur ceux qui en sont l’objet. L’expulsion du malin esprit rend l’usage de la langue à celui qui gémissait sous ses liens. Nous n’insistons pas ici sur la grossière malice des ennemis du Sauveur, qui veulent attribuer son pouvoir sur les démons à l’intervention de quelque prince de la milice infernale ; nous voulons seulement constater le pouvoir des esprits de ténèbres sur les corps, et confondre par le texte sacré le rationalisme de certains chrétiens. Qu’ils apprennent donc à connaître la puissance de nos adversaires, et qu’ils évitent de leur donner prise sur eux, par l’orgueil de la raison.

Depuis la promulgation de l’Évangile, le pouvoir de Satan sur les corps s’est trouvé restreint par la vertu de la Croix, dans les pays chrétiens ; mais il reprend une nouvelle extension, si la foi et les œuvres de la piété chrétienne diminuent. De là toutes ces horreurs diaboliques qui, sous divers noms plus ou moins scientifiques, se commettent d’abord dans l’ombre, sont ensuite acceptées dans une certaine mesure par les gens honnêtes, et pousseraient au renversement de la société, si Dieu et son Église n’y mettaient enfin une digue. Chrétiens de nos jours, souvenez-vous que vous avez renoncé à Satan, et prenez garde qu’une ignorance coupable ne vous entraîne dans l’apostasie. Ce n’est pas à un être de raison que vous avez renoncé sur les fonts baptismaux : c’est à un être réel, formidable, et dont Jésus-Christ nous dit qu’il a été homicide dès le commencement.

Mais si nous devons redouter l’affreux pouvoir qu’il peut exercer sur les corps, et éviter tout contact avec lui dans les pratiques auxquelles il préside, et qui sont le culte auquel il aspire, nous devons aussi craindre son influence sur nos âmes. Voyez quelle lutte la grâce divine a dû engager pour l’arracher de votre âme. En ces jours, l’Église nous offre tous ses moyens pour triompher de lui : le jeûne uni à la prière et à l’aumône. Vous arriverez à la paix ; et votre cœur, vos sens purifiés, redeviendront le temple de Dieu. Mais n’allez pas croire que vous ayez anéanti votre ennemi. Il est irrité ; la pénitence l’a expulsé honteusement de son domaine, et il a juré de tout tenter pour y rentrer. Craignez donc la rechute dans le péché mortel ; et pour fortifier en vous cette crainte salutaire, méditez la suite des paroles de notre Évangile.

Le Sauveur nous y apprend que cet esprit immonde, chassé d’une âme, s’en va errant dans les lieux arides et déserts. C’est là qu’il dévore son humiliation, et qu’il sent davantage les tortures de cet enfer qu’il porte partout avec lui, et dont il voudrait se distraire, s’il le pouvait, par le meurtre des âmes que Jésus-Christ a rachetées. L’Ancien Testament nous montre déjà les démons vaincus, réduits à fuir dans des solitudes éloignées : c’est ainsi que le saint Archange Raphaël relégua dans les déserts de l’Égypte supérieure l’esprit infernal qui avait fait périr les sept maris de Sara. Mais l’ennemi de l’homme ne se résigne pas à rester ainsi toujours éloigné de la proie qu’il convoite. La haine le pousse, comme au commencement du monde, et il se dit : « Il faut que je retourne à ma maison d’où je suis sorti ». Mais il ne viendra pas seul ; il veut triompher, et pour cela il amènera, s’il le faut, avec lui sept autres démons plus pervers encore. Quel choc se prépare pour la pauvre âme, si elle n’est pas vigilante, fortifiée ; si la paix que Dieu lui a rendue n’a pas été une paix armée ! L’ennemi sonde les abords de la place ; dans sa perspicacité, il examine les changements qui se sont opérés pendant son absence. Qu’aperçoit-il dans cette âme où il avait naguère ses habitudes et son séjour ? Notre Seigneur nous le dit : le démon la trouve sans défense, toute disposée à le recevoir encore ; point d’armes dirigées contre lui. Il semble que l’âme attendait cette nouvelle visite. C’est alors que, pour être plus sûr de sa conquête, l’ennemi va chercher ses renforts. L’assaut est donné ; rien ne résiste ; et bientôt, au lieu d’un hôte infernal, la pauvre âme en recèle une troupe ; « et, ajoute le Sauveur, le dernier état de cet homme devient pire que le premier ».

Comprenons l’avertissement que nous donne la sainte Église, en nous faisant lire aujourd’hui ce terrible passage de l’Évangile. De toutes parts, des retours à Dieu se ménagent ; la réconciliation va s’opérer dans des millions de consciences ; le Seigneur va pardonner sans mesure ; mais tous persévéreront-ils ? Lorsque le Carême reviendra dans un an convoquer les chrétiens à la pénitence, tous ceux qui, dans ces jours, vont se sentir arrachés à la puissance de Satan, auront-ils maintenu leurs âmes franches et libres de son joug ? Une triste expérience ne permet pas à l’Église de l’espérer. Beaucoup retomberont, et peu de temps après leur délivrance, dans les liens du péché. Oh ! S’ils étaient saisis par la justice de Dieu en cet état ! Cependant, tel sera le sort de plusieurs, d’un grand nombre peut-être. Craignons donc la rechute ; et pour assurer notre persévérance, sans laquelle il nous eût peu servi de rentrer pour quelques jours seulement dans la grâce de Dieu, veillons désormais, prions, défendons les abords de notre âme, résignons-nous au combat ; et l’ennemi, déconcerté de notre contenance, ira porter ailleurs sa honte et ses fureurs.

Le troisième Dimanche de Carême est appelé Oculi, du premier mot de l’Introït de la Messe.

Dans l’Église primitive, on le nommait le Dimanche des scrutins, parce que c’était en ce jour que l’on commençait l’examen des Catéchumènes qui devaient être admis au Baptême dans la nuit de Pâques. Tous les fidèles étaient invités à se présenter à l’église pour rendre témoignage de la vie et des mœurs de ces aspirants à la milice chrétienne. A Rome, ces examens, auxquels on donnait le nom de Scrutins, avaient lieu en sept séances, à raison du grand nombre des aspirants au Baptême ; mais le principal Scrutin était celui du Mercredi de la quatrième semaine. Nous en parlerons plus loin.

Le Sacramentaire Romain de saint Gélase nous donne la forme de la convocation des fidèles pour ces assemblées ; elle est conçue en ces termes : « Frères très chers, vous savez que le jour du Scrutin dans lequel nos élus doivent recevoir l’instruction divine est proche ; vous voudrez donc bien vous réunir avec zèle tel jour de cette semaine, à l’heure de Sexte, afin que nous soyons en mesure, avec l’aide de Dieu, d’accomplir sans erreur le mystère céleste qui ouvre la porte du royaume des cieux, et anéantit le diable avec toutes ses pompes. » Cette invitation se répétait, s’il était besoin, chacun des Dimanches suivants. Dans celui que nous célébrons aujourd’hui, le Scrutin ayant déjà procuré l’admission d’un certain nombre de candidats, on plaçait leurs noms dans les diptyques de l’autel, ainsi que ceux de leurs parrains et marraines, et on les récitait au Canon de la Messe.

La Station avait lieu et se tient encore dans la Basilique de Saint-Laurent-hors-les-murs. On voulait, en réveillant le souvenir du plus célèbre des Martyrs de Rome, rappeler aux Catéchumènes quels sacrifices la foi dans laquelle ils allaient s’enrôler pourrait exiger d’eux. Ce Dimanche est célèbre, dans l’Église grecque, par la solennelle adoration de la Croix qui précède la semaine appelée Mésonestime, c’est à-dire milieu des jeûnes.

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IIème dimanche de Carême

13 Mars 2022 , Rédigé par Ludovicus

IIème dimanche de Carême

Introït

Souvenez-vous de vos bontés, Seigneur, et de votre miséricorde qui datent des siècles passés. Que nos ennemis ne triomphent jamais de nous. Dieu d’Israël, délivrez-nous de toutes nos tribulations. Vers vous, Seigneur, j’ai élevé mon âme ; mon Dieu, je mets ma confiance en vous, que je n’aie pas à rougir.

Collecte

O Dieu, qui voyez que nous n’avons de nous-mêmes aucune force, gardez-nous au dedans et au dehors, afin que notre corps soit préservé de toute Adversité, et notre âme purifiée de toute pensée mauvaise. Par Notre-Seigneur.

Épitre 1 Th. 4, 1-7

Mes frères, nous vous demandons et vous conjurons dans le Seigneur Jésus, qu’ayant appris de nous comment vous devez marcher et plaire à Dieu, vous marchiez ainsi, de manière à progresser de plus en plus. En effet, vous savez quels préceptes je vous ai donnés de la part du Seigneur Jésus ! Car la volonté de Dieu est que vous soyez saints ; que vous vous absteniez de la fornication ; que chacun de vous sache posséder le vase de son corps dans la sainteté et l’honnêteté, et non en suivant les convoitises de la passion, comme les païens, qui ne connaissent pas Dieu ; et que personne à cet égard ne trompe son frère, et ne lui fasse tort, parce que le Seigneur tire vengeance de toutes ces choses, comme nous l’avons déjà dit et attesté. Car Dieu ne nous a pas appelés à l’impureté, mais à la sanctification en Jésus-Christ Notre-Seigneur.

Évangile Mt, 17, 1-9.

En ce temps-là, Jésus prit avec lui Pierre, Jacques, et Jean son frère, et les conduisit à l’écart sur une haute montagne. Et il fut transfiguré devant eux : son visage resplendit comme le soleil, et ses vêtements devinrent blancs comme la neige. Et voici que Moïse et Élie leur apparurent, s’entretenant avec lui. Alors Pierre prenant la parole, dit à Jésus : Seigneur, il nous est bon d’être ici ; si vous le voulez, faisons-y trois tentes, une pour vous, une pour Moïse, et une pour Élie. Comme il parlait encore, voici qu’une nuée lumineuse les couvrit ; et voici qu’une voix sortit de la nuée, disant : Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j’ai mis toutes mes complaisances ; écoutez-le. Les disciples, l’entendant, tombèrent le visage contre terre, et furent saisis d’une grande crainte. Mais Jésus, s’approchant, les toucha, et leur dit : Levez-vous, et ne craignez point. Alors, levant les yeux, ils ne virent plus que Jésus seul. Lorsqu’ils descendaient de la montagne, Jésus leur donna cet ordre : Ne parlez à personne de ce que vous avez vu, jusqu’à ce que le Fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts.

Secrète

Nous vous en supplions, Seigneur, jetez un regard favorable sur ce présent sacrifice, afin qu’il augmente notre piété et contribue à notre salut. Par Notre-Seigneur.

Office

4e leçon

Du livre de saint Augustin, évêque, contre le Mensonge

Ce que fit Jacob, sous l’influence maternelle, de façon à paraître tromper son père, se révèle, au regard attentif de la foi diligente, non pas comme un mensonge, mais comme un mystère. Si nous disons : « Mensonges que tout cela », alors, toutes les paraboles, toutes ces figures pour exprimer n’importe quelles réalités qui ne sont pas à prendre au pied de la lettre, mais qui veulent faire comprendre une chose par une autre, seront aussi des mensonges ? Ah ! non, vraiment, non ! Celui qui pense ainsi va-t-il étendre cette calomnie à toutes les locutions figurées qui sont tellement nombreuses ? Il en est une qui porte le nom même de métaphore, c’est-à-dire « emprunt d’un terme propre à une chose pour le transférer à une autre à laquelle il n’appartient pas en propre ». Alors, pourrait-on, à ce compte, parler de mensonge ?

5e leçon

Ce qui est signifié, voilà certes ce qui est dit. Telles paroles sont jugées mensonges parce que la vraie signification n’en est pas comprise parce que l’on croit dites des choses fausses. Pour que ceci devienne plus clair par des exemples, prête attention à l’action même de Jacob. Certes, il couvre ses membres de peaux de chevreau. Si nous recherchons le motif immédiat, nous penserons : il a menti. Il agit ainsi afin d’être pris pour celui qu’il n’est pas. Mais si ce fait est rapporté à cette signification figurée qui est la cause même de son accomplissement alors, les peaux de chevreau représentent les péchés, et celui qui s’en est recouvert est la figure de celui-là même qui a porté, non ses péchés, mais ceux des autres.

6e leçon

En aucune façon, la signification vraie ne peut donc être dite mensonge. Il en est ainsi pour l’action, ainsi de même pour les paroles. Car lorsque son père lui demanda : « Qui es-tu, mon fils ? » celui-ci répondit : « Je suis Ésaü, ton premier-né. » Si nous rapportons ceci à ces deux jumeaux, il semblera qu’il y ait mensonge, si au contraire, nous les rapportons à cette réalité en vue de laquelle ces paroles et ces gestes figuratifs ont été consignés par écrit, c’est lui qu’il faut comprendre ici, dans son corps qui est son Église, lui qui a dit, en parlant de cet événement : « Vous verrez Abraham, Isaac, Jacob et tous les prophètes dans le Royaume de Dieu, tandis que vous-mêmes serez jetés dehors... » et « L’on viendra du levant et du couchant du nord et du midi, prendre place au festin dans le Royaume de Dieu. Oui, il y a des derniers qui seront premiers, et des premiers qui seront derniers ». C’est ainsi que le frère plus jeune d’une certaine manière a enlevé à son aîné la priorité et en a transféré les droits sur lui-même.

7e leçon

Homélie de saint Léon, pape

« Jésus prit avec lui Pierre, Jacques et Jean son frère » et, ayant gravi avec eux une haute montagne, à l’écart, il leur manifesta l’éclat de sa gloire. Car ils avaient certes reconnu en lui la majesté de Dieu, mais ils ignoraient encore la puissance détenue par ce corps qui cachait la divinité. Et voilà pourquoi il avait promis en termes formels et précis que certains des disciples présents « ne goûteraient pas la mort avant d’avoir vu le Fils de l’homme venir dans son royaume », c’est-à-dire avec l’éclat royal qui convenait spécialement à la nature humaine assumée et qu’il voulut rendre visible à ces trois hommes. Car, pour ce qui est de la vision ineffable et inaccessible de la Divinité elle-même, - vision réservée aux purs de cœur, pour la vie éternelle, des êtres encore revêtus d’une chair mortelle ne pouvaient en aucune façon la contempler ni même la voir.

8e leçon

Lorsque le Père dit : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui je me complais, écoutez-le », n’entendit-on pas clairement : « Celui-ci est mon Fils » pour qui être de moi et être avec moi est une réalité qui échappe au temps ? Car ni celui qui engendre n’est antérieur à l’engendré, ni l’engendré n’est postérieur à celui qui l’engendre. « Celui-ci est mon Fils » : de moi ne le sépare pas la divinité, ne le divise pas la puissance, ne le distingue pas l’éternité. « Celui-ci est mon Fils », non adoptif, mais propre, non créé d’ailleurs, mais engendré de moi, non d’une autre nature et rendu comparable à moi, mais né de mon essence, égal à moi.

9e leçon

« Celui-ci est mon Fils », « toutes choses ont été faites par lui, et rien n’a été fait sans lui » : il fait comme moi tout ce que je fais, et quelle que soit l’œuvre que j’opère, il opère avec moi d’une action inséparable et nullement différente de la mienne. « Celui-ci est mon Fils » qui ne convoita pas de ravir le rang qui l’égalait à moi et ne s’en est pas emparé par usurpation ; mais demeurant dans la condition de ma gloire pour exécuter notre commun dessein de réparer la race humaine il abaissa jusqu’à la condition d’esclave l’immuable divinité (cf. Ph 2, 6-7). Celui-ci en qui je prends pour tout ma complaisance, dont la prédication me manifeste, dont l’humilité me glorifie, écoutez-le sans hésitation, car il est, lui vérité et vie, il est ma puissance et ma sagesse.

La sainte Église propose aujourd’hui à nos méditations un sujet d’une haute portée pour le temps où nous sommes. La leçon que le Sauveur donna un jour à trois de ses Apôtres, elle nous l’applique à nous-mêmes, en ce second Dimanche de la sainte Quarantaine. Efforçons-nous d’y être plus attentifs que ne le furent les trois disciples de notre Évangile, lorsque leur Maître daigna les préférer aux autres pour les honorer d’une telle faveur.

Jésus s’apprêtait à passer de Galilée en Judée pour se rendre à Jérusalem, où il devait se trouver pour la fête de Pâques. C’était cette dernière Pâque qui devait commencer par l’immolation de l’agneau figuratif, et se terminer par le Sacrifice de l’Agneau de Dieu qui efface les péchés du monde. Jésus ne devait plus être inconnu à ses disciples. Ses œuvres avaient rendu témoignage de lui, aux yeux même des étrangers ; sa parole si fortement empreinte d’autorité, sa bonté si attrayante, sa patience à souffrir la grossièreté de ces hommes qu’il avait choisis pour sa compagnie : tout avait dû contribuera les attacher à lui jusqu’à la mort. Ils avaient entendu Pierre, l’un d’entre eux, déclarer par un mouvement divin qu’il était le Christ, Fils du Dieu vivant ; mais cependant l’épreuve qui se préparait allait être si redoutable pour leur faiblesse, que Jésus voulut, avant de les y soumettre, leur accorder encore un dernier secours, afin de les prémunir contre la tentation.

Ce n’était pas seulement, hélas ! pour la synagogue que la Croix pouvait devenir un sujet de scandale ; Jésus, à la dernière Cène, disait devant ses Apôtres réunis autour de lui : « Vous serez tous scandalisés, en cette nuit, à mon sujet ». Pour des hommes charnels comme eux, quelle épreuve de le voir traîné chargé de chaînes par la main des soldats, conduit d’un tribunal à l’autre, sans qu’il songe même à se défendre ; de voir réussir cette conspiration des Pontifes et des Pharisiens si souvent confondus par la sagesse de Jésus et par l’éclat de ses prodiges ; de voir le peuple qui tout à l’heure lui criait hosannah demander sa mort avec passion ; de le voir enfin expirer sur une croix infâme, entre deux larrons, et servir de trophée à toutes les haines de ses ennemis !

Ne perdront-ils pas courage, à l’aspect de tant d’humiliations et de souffrances, ces hommes qui depuis trois années se sont attachés à ses pas ? Se souviendront-ils de tout ce qu’ils ont vu et entendu ? La frayeur, la lâcheté ne glaceront-elles pas leurs âmes, au jour où vont s’accomplir les prophéties qu’il leur a faites sur lui-même ? Jésus du moins veut tenter un dernier effort sur trois d’entre eux qui lui sont particulièrement chers : Pierre, qu’il a établi fondement de son Église future, et à qui il a promis les clefs du ciel ; Jacques, le fils du tonnerre, qui sera le premier martyr dans le collège apostolique, et Jean son frère, qui est appelé le disciple bien-aimé. Jésus veut les mener à l’écart, et leur montrer, durant quelques instants, l’éclat de cette gloire qu’il dérobe aux yeux des mortels jusqu’au jour de la manifestation.

Il laisse donc les autres disciples dans la plaine, près de Nazareth, et se dirige, avec les trois préférés, vers une haute montagne appelée le Thabor, qui tient encore à la chaîne du Liban, et dont le Psalmiste nous a dit qu’elle devait tressaillir au nom du Seigneur. A peine Jésus est-il arrivé sur le sommet de cette montagne que tout à coup, aux yeux étonnés des trois Apôtres, son aspect mortel disparaît ; sa face est devenue resplendissante comme le soleil ; ses vêtements si humbles ont pris l’éclat d’une neige éblouissante. Deux personnages dont la présence était inattendue sont là sous les yeux des Apôtres, et s’entretiennent avec leur Maître sur les souffrances qui l’attendent à Jérusalem. C’est Moïse, le législateur, couronné de rayons ; c’est Élie, le prophète, enlevé sur un char de feu, sans avoir passé par la mort. Ces deux grandes puissances de la religion mosaïque, la Loi et la Prophétie, s’inclinent humblement devant Jésus de Nazareth. Et non seulement les yeux des trois Apôtres sont frappés de la splendeur qui entoure leur Maître et qui sort de lui ; mais leur cœur est saisi d’un sentiment de bonheur qui les arrache à la terre. Pierre ne veut plus descendre de la montagne ; avec Jésus, avec Moïse et Élie, il désire y fixer son séjour. Et afin que rien ne manque à cette scène sublime, où les grandeurs de l’humanité de Jésus sont manifestées aux Apôtres, le témoignage divin du Père céleste s’échappe du sein d’une nuée lumineuse qui vient couvrir le sommet du Thabor, et ils entendent Jéhovah proclamer que Jésus est son Fils éternel.

Ce moment de gloire pour le Fils de l’homme dura peu ; sa mission de souffrances et d’humiliations l’appelait à Jérusalem. Il retira donc en lui-même cet éclat surnaturel ; et lorsqu’il rappela à eux les Apôtres, que la voix tonnante du Père avait comme anéantis, ils ne virent plus que leur Maître. La nuée lumineuse du sein de laquelle la parole d’un Dieu avait retenti s’était évanouie ; Moïse et Élie avaient disparu. Se souviendront-ils du moins de ce qu’ils ont vu et entendu, ces hommes honorés d’une si haute faveur ? La divinité de Jésus demeurera-t-elle désormais empreinte dans leur souvenir ? Quand l’heure de l’épreuve sera venue, ne désespéreront-ils pas de sa mission divine ? Ne seront-ils pas scandalisés de son abaissement volontaire ? La suite des Évangiles nous répond.

Peu de temps après, ayant célébré avec eux sa dernière Cène, Jésus conduit ses disciples sur une autre montagne, sur celle des Oliviers, à l’orient de Jérusalem. Il laisse à l’entrée d’un jardin le plus grand nombre d’entre eux ; et ayant pris avec lui Pierre, Jacques et Jean, il pénètre avec eux plus avant dans ce lieu solitaire. « Mon âme est triste jusqu’à la mort, leur dit-il ; demeurez ici, veillez un peu avec moi. » Et il s’éloigne à quelque distance pour prier son Père. Nous savons quelle douleur oppressait en ce moment le cœur du Rédempteur. Quand il revient vers ses trois disciples, une agonie affreuse avait passé sur lui ; une sueur de sang avait traversé jusqu’à ses vêtements. Au milieu d’une crise si terrible, les trois Apôtres veillent-ils du moins avec ardeur, dans l’attente du moment où ils vont avoir à se dévouer pour lui ? Non ; ils se sont endormis lâchement ; car leurs yeux sont appesantis. Encore un moment, et tous s’enfuiront, et Pierre, le plus ferme de tous, jurera qu’il ne le connaît pas.

Plus tard, les trois Apôtres, témoins de la résurrection de leur Maître, désavouèrent par un repentir sincère cette conduite honteuse et coupable ; et ils reconnurent la prévoyante bonté avec laquelle le Sauveur les avait voulu prémunir contre la tentation, en se faisant voir à eux dans sa gloire, si peu de temps avant les jours de sa Passion. Nous, chrétiens, n’attendons pas de l’avoir abandonné et trahi, pour reconnaître sa grandeur et sa divinité. Nous touchons à l’anniversaire de son Sacrifice ; nous aussi, nous allons le voir humilié par ses ennemis et écrasé sous la main de Dieu. Que notre foi ne défaille pas à ce spectacle ; l’oracle de David qui nous le représente semblable à un ver de terre que l’on foule aux pieds, la prophétie d’Isaïe qui nous le dépeint comme un lépreux, comme le dernier des hommes, l’homme de douleurs : tout va s’accomplir à la lettre. Souvenons-nous alors des splendeurs du Thabor, des hommages de Moïse et d’Élie, de la nuée lumineuse, de la voix du Père immortel des siècles. Plus Jésus va s’abaissera nos yeux, plus il nous faut le relever par nos acclamations, disant avec la milice des Anges, et avec les vingt-quatre vieillards que saint Jean, l’un des témoins du Thabor, a entendus dans le ciel : « Il est digne, l’Agneau qui a été immolé, de recevoir la puissance et la divinité, la sagesse et la force, l’honneur, la gloire et la bénédiction ! »

Le deuxième Dimanche de Carême est appelé Reminiscere, du premier mot de l’Introït de la Messe, et quelquefois aussi le Dimanche de la Transfiguration, à cause de l’Évangile que nous venons d’exposer.

La Station, à Rome, est dans l’Église de Sainte-Marie in Domnica, sur le mont Cœlius. Une tradition nous représente cette Basilique comme l’antique Diaconie où présidait saint Laurent, et dans laquelle il distribuait les aumônes de l’Église.

A LA MESSE.

L’Église, dans l’Introït, nous excite à la confiance en la miséricorde de Dieu, qui nous délivrera de nos ennemis, si nous l’invoquons du fond de notre cœur. Nous avons deux bienfaits à obtenir de lui, dans le Carême : le pardon de nos fautes, et sa protection pour n’y pas retomber.

Dans la Collecte, nous implorons pour nos besoins intérieurs et extérieurs : Dieu nous accordera les uns et les autres, si notre prière est humble et sincère ; il veillera sur nos nécessités corporelles, et défendra nos âmes contre les suggestions de l’ennemi, qui cherche à souiller jusqu’à nos pensées.

ÉPÎTRE

L’Apôtre insiste, en ce passage, sur la sainteté des mœurs qui doit reluire dans le chrétien ; et l’Église, qui nous propose ces paroles, avertit les fidèles de songer à profiter du temps où nous sommes pour rétablir en eux la pureté de l’image de Dieu, selon laquelle la grâce baptismale les avait produits. Le chrétien est un vase d’honneur, préparé et embelli par la main de Dieu ; qu’il se préserve donc de l’ignominie qui le dégraderait, et le rendrait digne d’être brisé et jeté sur le fumier avec les immondices. C’est la gloire du Christianisme d’avoir relevé l’homme jusqu’à faire participer le corps à la sainteté de l’âme ; mais sa doctrine céleste nous avertit en même temps que cette sainteté de l’âme s’altère et se perd par la souillure du corps. Relevons donc en nous l’homme tout entier, à l’aide des pratiques de cette sainte Quarantaine. Purifions notre âme par la confession de nos fautes, par la componction du cœur, par l’amour du Seigneur miséricordieux, et réhabilitons notre corps, en lui faisant porter le joug de l’expiation, afin que désormais il demeure le serviteur de l’âme et son docile instrument, jusqu’au jour où celle-ci, entrée en possession d’un bonheur sans fin et sans limites, versera sur lui la surabondance des délices dont elle sera inondée.

Dans le Graduel, l’homme, à la vue des périls qui le menacent, crie vers le Seigneur qui seul peut l’en affranchir, et lui donner la victoire sur l’ennemi intérieur dont il subit trop souvent les insultes.

Le Trait est un cantique inspiré par la confiance dans la divine miséricorde, et en même temps une demande que l’Église adresse à son Époux en faveur du peuple fidèle qu’il daignera visiter et sauver dans la grande Fête, si éloignée encore, mais vers laquelle cependant nous avançons chaque jour.

ÉVANGILE.

C’est ainsi que le Sauveur venait en aide à ses Apôtres à la veille de l’épreuve, et cherchait à imprimer profondément son image glorieuse dans leur pensée, pour le jour où l’œil de la chair n’apercevrait plus en lui que faiblesse et ignominie. O prévoyance de la grâce divine qui ne manque jamais à l’homme, et qui justifie toujours la bonté et la justice de Dieu ! Comme les Apôtres, nous avons péché ; comme eux, nous avons négligé le secours qui nous avait été envoyé du ciel, nous avons fermé volontairement les yeux à la lumière, nous avons oublié son éclat qui d’abord nous avait ravis, et nous sommes tombés. Nous n’avons donc point été tentés au delà de nos forces, et nos péchés nous appartiennent bien en propre. Les trois Apôtres furent exposés à une violente tentation, au jour où leur Maître sembla avoir perdu toute sa grandeur ; mais il leur était facile de se fortifier par un souvenir glorieux et récent. Loin de là, ils se laissèrent abattre, ils ne songèrent point à renouveler leur courage dans la prière ; et les fortunés témoins du Thabor se montrèrent lâches et infidèles au Jardin des Oliviers. Il ne leur resta plus d’autre ressource que de se recommander à la clémence de leur Maître, quand il eut triomphé de ses méprisables ennemis ; et ils obtinrent leur pardon de son cœur généreux.

Nous aussi, venons à notre tour implorer cette miséricorde sans bornes. Nous avons abusé de la grâce divine ; nous l’avons rendue stérile par notre infidélité. La source de cette grâce, fruit du sang et de la mort du Rédempteur, n’est point encore tarie pour nous, tant que nous vivons en ce monde ; préparons-nous à y puiser de nouveau. C’est elle déjà qui nous sollicite à l’amendement de notre vie. Cette grâce, elle descend sur les âmes avec abondance au temps où nous sommes ; elle est renfermée principalement dans les saints exercices du Carême. Élevons-nous sur la montagne avec Jésus ; à cette hauteur, on n’entend déjà plus les bruits de la terre. Établissons-y notre tente pour quarante jours en la compagnie de Moïse et d’Élie qui, comme nous et avant nous, sanctifièrent ce nombre par leurs jeûnes ; et, quand le Fils de l’homme sera ressuscité d’entre les morts, nous publierons les faveurs qu’il daigna nous accorder sur le Thabor.

L’Église, dans l’Offertoire, nous avertit de méditer les commandements divins. Puissions-nous les aimer comme les aima le Roi-Prophète, dont nous répétons ici les paroles !

Puisons dans l’assistance au saint Sacrifice cette dévotion dont il est la source, comme l’Église le demande pour nous dans la Secrète. Cette hostie qui va s’offrir bientôt est le gage et la rançon de notre salut ; par elle nos cœurs fidèlement préparés obtiendront ce qui leur manquerait encore pour être réconciliés au Seigneur.

A la vue de celui qui est son Sauveur et son juge, rendu présent dans cet ineffable mystère, l’âme pénitente crie vers lui avec ardeur et avec confiance. Telle est l’intention des paroles du Psalmiste qui forment l’Antienne de la Communion.

L’Église recommande spécialement à Dieu, dans la Postcommunion, ceux de ses enfants qui ont participé à la victime qu’elle vient d’offrir. Jésus les a nourris de sa propre chair ; il est juste qu’ils lui fassent honneur par le renouvellement de leur vie.

 

IIème dimanche de Carême

Super Mt., cap. 17 l. 1 In parte praecedenti ostendit virtutem doctrinae evangelicae etc., hic ostenditur finis, qui est gloria futura: et circa hoc duo facit. Primo ostendit quomodo demonstrata est in transfiguratione; secundo quomodo perveniri possit ad eam, in XVIII cap. in illa hora et cetera. Circa primum duo. Primo demonstratur futura gloria; secundo praecipit celationem; tertio ponit dubitationem. Secunda ibi et descendentibus illis de monte etc., tertia ibi et interrogaverunt eum discipuli et cetera. Circa primum tria. Primo ponuntur circumstantiae transfigurationis; secundo transfiguratio; tertio effectus. Secunda ibi et transfiguratus est ante eos; tertia ibi et audientes discipuli ceciderunt in faciem suam. Ponit autem tres circumstantias, scilicet tempus; discipulos; locum. Tempus ponit, cum dicit post dies sex. Sed hic est quaestio litteralis, quare statim cum dixit: sunt quidam de hic stantibus etc. non statim transfiguratus est. Solvit Chrysostomus. Primo ut accenderet desiderium apostolorum; secundo ut mitigaret invidiam eorum, quia forte post verbum istud turbati fuerunt. Sed quid est quod hic habetur post sex dies, in Luca habetur, post octo dies? Planum est quod Lucas numerat diem quo dixit, et diem transfigurationis; Matthaeus vero dies solum intermedios; ideo, remoto primo et ultimo, non remanent nisi sex dies. Per sex dies significantur sex aetates, post quas speramus venire ad gloriam futuram. Item in sex diebus perfecit opera sua; ideoque post sex dies vult Dominus se ostendere, quia nisi elevemur ad Deum super omnes creaturas, quas Dominus his sex diebus creavit, non possumus pervenire ad regnum Dei. Item assumpsit Petrum, Iacobum et Ioannem. Quare non omnes? Ad designandum, quod non omnes, qui vocati sunt, pervenient; unde infra XX, 16: multi sunt vocati, pauci vero electi. Et quare tres tantum? Ad designandum, quod nulli pervenient nisi in fide Trinitatis. Marc. XVI, 16: qui crediderit, et baptizatus fuerit, hic salvus erit. Sed quare plus istos quam alios? Ratio est, quia Petrus magis fervidus erat. Ioannes, quia specialiter dilectus erat. Item Iacobus, quia praecipuus debellator erat adversariorum fidei; unde Herodes eum occidit primo, quia magnum aliquid credidit facere pro Iudaeis, ut in Ac. XII, 2: occidit autem Iacobum etc., sequitur, cum videret, quia placeret Iudaeis et cetera. Et duxit eos in montem excelsum seorsum et cetera. Quare in montem? Ad designandum quod non inducitur ad contemplandum nisi qui ascendit in montem, ut in Gn. XIX, 17 de Lot: in monte salvum te fac. Et dicit excelsum valde, propter altitudinem contemplationis. Is. II, 2: elevabitur super colles, et fluent ad eum omnes gentes, et ibunt populi, et dicent: venite, ascendamus ad montem domini. Quia super omnem altitudinem scientiae et virtutis erit illa altitudo gloriae. Item seorsum, quia se separaverunt a malis. Infra XXV, 32: separabunt eos, sicut agnos ab hoedis. Sequitur transfiguratio et transfiguratus est ante eos. Et primo ponitur transfiguratio; secundo testimonium, ibi adhuc eo loquente et cetera. Circa primum ponit transfiguratio; secundo modus; tertio Petri admiratio. Dicit ergo et transfiguratus est, idest figuram mutavit, ante eos. Transfigurari idem est quod a propria figura mutari, ut habetur II ad Cor. XI, quod Satanas transfigurat se in Angelum lucis. Ideo non est mirum si iusti transfigurentur in figuram gloriae; ideo transfiguratus est, quia quod suum est deposuit. Aliqui dixerunt, quod aliud corpus assumpsit, quod falsum est; sed in figura quisquis immutetur de exteriori aspectu, dicitur transfiguratus: sicut cum aliquis est sanus et rubicundus, cum infirmus est fit pallidus, et sic dicitur transfiguratus; sic Christus, quia in alia forma quam appareret, apparuit, quia corpus eius non erat lucidum, sed tantum claritatem accepit, ideo dicitur transfiguratus. Ideo sequitur et resplenduit facies eius sicut sol; ubi tangitur modus. Et primo demonstratur quantum ad claritatem faciei; secundo quantum ad nitorem vestium; tertio quantum ad testimonium. Dicit ergo et resplenduit facies eius sicut sol. Hic futuram gloriam revelavit, ubi erunt corpora clara et splendentia. Et haec claritas non erat ab essentia, sed ex claritate interioris animae plenae caritate; Is. LVIII, 8: tunc erumpet quasi mane lumen tuum, et sequitur, et gloria domini colliget te. Unde erat quaedam refulgentia in corpore. Anima enim Christi videbat Deum, et super omnem claritatem a principio suae conceptionis; Jn. I, 14: vidimus gloriam eius. Si ergo in beatis aliis derivatur claritas ab anima ad corpus, quare non in Christo qui Deus erat et homo? Dicendum quod quia Deus erat, ordo humanae naturae erat in sua potestate. Hic autem est ordo quod partes sibi communicent, ut laeso corpore, compassio sit in anima, et ex anima afficiatur corpus. Sed hic ordo subiectus erat Christo. Unde ita perfectum erat gaudium in parte superiori quod non egrediebatur extra: unde et perfecte erat viator, et perfecte comprehensor. Unde quando volebat, non fiebat reflexus, sed quando volebat, reflexus fuit, et apparuit splendidus. Sed nonne dos fuit in Christo? Quidam dicunt quod sic, et quod omnes dotes accepit in via: dotem subtilitatis in nativitate, agilitatis in undarum calcatione, claritatis hic, impassibilitatis in administrando sacramentum altaris. Ego autem hoc non credo, quia dos est quaedam proprietas ipsius gloriae. Unde quod super mare ambulavit, quod resplenduit, totum fuit ex virtute divina, quia dos gloriae repugnat viatori, sed habuit aliquam similitudinem, quia resplenduit facies eius sicut sol; Ap. I, 16: facies eius sicut sol refulget in virtute sua. Sed potest obiici, quia iusti fulgebunt sicut sol. Ergo splendor Christi maior non erit aliis. Dico quod sic. Sed quia in his sensibilibus non est clarius cui possit comparari; ideo soli comparatur. Vestimenta autem eius facta sunt alba sicut nix. Hic de vestimentis. Hoc apparet quod non fuit per mutationem Christi, nec per dotem, quia vestimenta non sunt perceptiva dotis. Per vestimenta significantur sancti; Is. XLIX, 18: vivo ego, dicit Dominus, quia his omnibus sicut ornamento vestieris. Et dicit facta sunt alba sicut nix. Nix habet candorem et frigiditatem, sic sancti habent candorem gloriae; Sg. III, 7: fulgebunt iusti et tamquam scintillae in arundineto discurrent et cetera. Item habebunt refrigerium ab ardore concupiscentiae; in Ps. LXVII, 15: nive dealbabuntur in Selmon. Vel per vestimenta intelligitur littera sacrae Scripturae. Et ecce apparuerunt illis Moyses et Elias. Et quare apparuerunt? Chrysostomus assignat rationes. Prima ratio est ad confirmandum fidem discipulorum. Quaesierat supra: quem dicunt homines esse filium hominis? et cetera. Et dixerunt: alii Eliam et cetera. Ut vero ostenderet differentiam sui ad illos, ideo voluit eos adducere; Ps. LXXXV, 8: non est similis tui in diis, Domine et cetera. Secunda ratio est ad confutandum Iudaeos. Dicebant enim quod erat transgressor legis; item dicebant quod erat blasphemator, ut habetur Jn. X, 33: de bono opere non lapidamus te, sed de blasphemia. Ideo quia Elias omnibus prophetis sanctior fuit, et Moyses legislator; coram Moyse et Elia ostendit, quia non erat Deo contrarius, nec transgressor legis. Tertia ratio est, ut ostendat se iudicem vivorum et mortuorum, quia Elias vivus erat, Moyses mortuus. Quarta ratio est ad certificationem Petri; quia Petrus increpaverat Dominum de morte, ideo ostendit quod non sunt increpandi qui exponunt se morti, invocando istos duos; quia Elias morti se exposuit coram Iezabel, similiter Moyses exposuit se propter legem. Quinta ratio est, quia duo erant in eo quod voluit ostendere in his duobus, scilicet mansuetudo, quam ostendit in Moyse, exemplum zeli Dei, quem ostendit in Elia, de quo dicitur quod surrexit Elias quasi ignis, et verbum ipsius quasi facula ardebat. Sexta ratio assignatur in Glossa, quia omnis lex et prophetae testimonium dixerunt Christo. Unde Lc. XXIV, 44: omnia oportet impleri de me quae sunt in lege et prophetis. Sed tunc est quaestio. De Elia non est mirum si ibi fuit, quia est vivus; sed de Moyse est quaestio quomodo ibi erat. Quidam dixerunt quod Angelus fuit ibi loco ipsius. Sed hoc nihil est, quia Moyses fuit ibi in anima solum. Sed qualiter visus est? Dicendum, quod sicut Angeli videntur. Sequitur affectus Petri respondens autem Petrus dixit et cetera. Et possumus exponere torquendo ad carnalitatem, vel ad devotionem. Chrysostomus retorquet ad carnalitatem. Supra Christus dixerat se passurum, et Petrus increpaverat eum, cum reprehendit eum. Unde apparuerunt Moyses et Elias loquentes de passione eius; ideo cum audivit Petrus referre, non poterat audire. Unde non voluit se opponere; ideo cogitavit quod si ibi maneret, evaderet mortem: ideo ne cito recederent, dixit faciamus hic tria tabernacula. Et quare dixit Moysi unum, Eliae unum? Quia videbat eum affectuosum ad mortem, volebat quod isti impedirent mortem eius. De Elia legitur IV R. I, 10, quod quando misit rex quinquagenarium, fecit descendere ignem de caelo. Item legitur de Moyse Nm. XVI, 32, quod quando iurgium occurrit in tabernaculo, quod descendit nubes. Ideo cogitavit, quod per Moysen poterat impetrari nubes, et per Eliam ignis. Alii vero reducunt ad devotionem Petri. Et secundum hoc duo facit. Quia primo tangit affectum; secundo consilium, ibi si vis et cetera. Dicit ergo Domine, bonum est nos hic esse. Ex nimio fervore videns gloriam, ita affectus erat quod numquam voluisset separari, si Deus voluisset. Et quid erit de illis qui in gloria erunt perfecta? Unde existentes in illa beatitudine numquam volent separari; Ps. LXXII, 28: mihi autem adhaerere Deo bonum est et cetera. Secundo dat consilium, et sicut dicit Lc. IX, 23, nesciens quid diceret; unde dicit si vis, faciamus hic tria tabernacula: quia voluntatem nostram debemus submittere voluntati divinae, ut supra VI, 10: fiat voluntas tua et cetera. Unde in isto bene dixit Petrus; in alio vero male, quia credidit quod gloria sine morte posset haberi, quod est contra illud II Cor. V, 1: scimus enim si terrestris domus nostra huius habitationis dissolvatur, quod aedificatam habemus domum non manufactam, sed aeternam in caelis. Item quia credidit in hoc mundo esse gloriam sanctorum, quae non est hic, sed in caelis; supra V, 12: gaudete et exultate, quoniam merces vestra copiosa est in caelis. Item quia credidit quod domibus indigerent; sed non indigent hic, sed habent in caelis, ut Ap. XXI, 3: ecce tabernaculum Dei cum hominibus. Item quia tria tabernacula voluit fieri: unum enim sufficit patri, et filio, et spiritui sancto. Item quia comparavit Christum aliis: non autem sic debet fieri; Jb XXXII, 21: Deum homini non aequabo. Petre, omnes habent unum tabernaculum, quod est fides. Sequitur testimonium et adhuc eo loquente, ecce nubes lucida obumbravit eos et cetera. Petrus insipienter loquebatur, ideo indignus fuit responsione. Volebat materiale testimonium; ideo voluit Dominus ostendere quod sancti non indigent. Item per nubem ostendere se voluit; Ps. LXVII, 35: magnificentia eius in nubibus. Sed aliquando apparet nubes clara, aliquando nubes tenebrosa; Ex. XIX, 18 dicitur quod apparuit nubes caliginis; sed hic apparet lucida, quia significat consolationem gloriae, quia tunc protegentur ab omni aestu; Ap. XXI, 4: absterget Deus omnem lacrimam ab oculis sanctorum, et mors ultra non erit, neque luctus, neque clamor, neque dolor erit ultra, quoniam prima abierunt. Sequitur testimonium ex voce Patris; unde et vox de nube dicens et cetera. Sed quare de nube? Ad significandum quod est vox Patris. Dominus habitat in nube. Hic est filius meus dilectus, in quo mihi bene complacui. Tangitur Christi dignitas ex proprietate filiationis, ex perfectione dilectionis, et ex conformitate operationis. Unde dicit hic est, quasi singularis filius. Alii sunt filii per adoptionem, Ps. LXXXI, 6: ego dixi: dii estis, et filii excelsi omnes, sed iste est verus filius, scilicet singulariter, ut I Jn. V, 20: filius Dei venit, et dedit nobis sensum, ut cognoscamus verum Deum. Item, aliter, dilectus. Dilectio nostra est ex bonitate creaturae. Non enim est res bona, quia diligo eam, sed quia res bona est, diligo eam. Sed dilectio Dei est causa bonitatis rerum. Et sicut Deus perfudit bonitatem in creaturis per creationem, sic in filio per generationem, quia totam filio communicat bonitatem; unde creaturae benedicuntur per participationem, sed filio totum dedit; Jn. III, 35: Pater diligit Filium, et omnia posuit in manibus eius. Unde ipse Amor procedit a Patre diligente Filium, et a Filio diligente Patrem. Sed contingit quod alicui datur aliquid, et non bene utitur datis, ideo non datori complacet; sed Deus dedit isti plenitudinem, et bene usus est eis; ideo sibi complacuit; unde dicit in quo mihi bene complacui. Idem habetur supra XII, 18: in quo mihi complacui et in quo requiescit animus meus. Quia ergo talis est ipsum audite. Unde insinuat eum datum doctorem omnium; Dt.XVIII, 15: prophetam suscitabit Dominus de gente vestra, ipsum sicut me audite. Vel ipsum audite, non Moysen, non Eliam, nisi secundum quod Christum docent, vel doctrinam Christi. Notate quod Christus habuit testimonium de caelo a Patre, de Inferno a Moyse, et ab Elia de Paradiso, a discipulis de terra: ut in nomine Iesu omne genu flectatur caelestium, terrestrium et Infernorum, Ph. II, 10. Item notandum quod duplex est regeneratio: una in Baptismo, alia quando ab omni inquinamento spiritus mundabimur. Unde in Baptismo designatus est Jesus per columbam, quae est animal simplex, ad designandum simplicitatem: est etiam animal foecundum, ad designandum aliam regenerationem. Apparuit in nube lucida, ad designandum claritatem et extinctionem omnis concupiscentiae; Is. IV, 5: et creabit Dominus super omnem locum montis Sion, et ubi invocatus est, nubem per diem, et fumum et splendorem ignis flammantis per noctem. Et audientes discipuli ceciderunt in faciem suam, et timuerunt. Posita transfiguratione, hic ponitur effectus in discipulis. Et primo ponitur timor; secundo confortatio Christi contra timorem; tertio effectus. Secunda ibi et accessit Iesus etc.; tertia ibi levantes autem oculos suos neminem viderunt. Dicit ergo et audientes. Audierunt vocem Patris de nube, sicut dicitur II P. I, 18: hanc vocem audivimus, cum essemus in monte. Et ponit signum timoris, quia ceciderunt in faciem suam. Sequitur timor et timuerunt valde. Sed quare timuerunt? Ponit Hieronymus tres rationes. Prima, quia cognoverunt se errasse, sicut dicitur de Adam Gn. III, 10: Domine, audivi vocem tuam, et timui, quia nudus eram. Item quia nube erant involuti, cognoverunt maiestatis divinae praesentiam; Ex.XIII, 21: Dominus autem praecedebat eos ad ostendendam viam per diem in columna nubis et cetera. Et naturale est quod unusquisque ex eo quod non consuevit, stupescat. Item propter vocem de nube; Dt. V, 26: quid est omnis caro ut audiat vocem Dei viventis? Et ex hoc fortitudo eorum defecit, quia ceciderunt in faciem suam. Sed notandum quod aliter cadunt impii, aliter sancti. Impii cadunt retrorsum, ut habetur I R. IV, 18 de Heli, qui cum audisset rumores de arca domini, cecidit de sella, et, fracta cervice, expiravit. Sed sancti in facies suas; Ap. VII, 11: qui ceciderunt in facies suas. Et ratio est, quia non videmus quod retro est. Eccle. II, 14: sapientis oculi in capite eius. Consequenter ponitur confortatio Christi. Et confortat eos facto et verbo: facto, contra timorem et casum: contra timorem, per eius praesentiam, quia accessit Iesus. Ps. XXII, 4: non timebo mala, quoniam tu mecum es. Et supra XIV, 27: ego sum, nolite timere. Item confortat per contactum, quia dat lasso virtutem, Is. XL, v. 29, et in Daniele legitur: manus eius tetigit me et erexit; unde dicit et tetigit eos. Item confortat contra casum; unde, dixitque eis: surgite. Ep. V, 14: surge qui dormis, et exurge a mortuis, et illuminabit te Christus. Item contra timorem nolite timere. Timor ille erat pusillanimitas, et illi qui surgunt a peccato, timorem deponunt, quia perfecta caritas foras mittit timorem, I Jn. IV, 18. Consequenter sequitur effectus confortationis levantes autem oculos suos neminem viderunt nisi solum Iesum. Et iste est effectus confortationis divinae, quia a Christo confortati non vident nisi Iesum, nec in ullo gaudent vel confortantur nisi in ipso; ad Ph. I, 21: mihi vivere Christus est, et mori lucrum. Item neminem viderunt nisi solum Iesum, quia recedente umbra legis, et doctrina prophetarum, quae per Moysen et Eliam designantur, sola doctrina Christi tenetur. Vel, secundum aliam litteram, solus remansit, ne vox videretur esse prolata ad Moysen vel Eliam. Unde ipsis non apparentibus certum fuit quod ad eum vox prolata fuit. Consequenter ponitur mandatum de differenda huius visionis revelatione; unde dicit et descendentibus illis de monte praecepit Iesus dicens: nemini dixeritis visionem. Sed quae est ratio? Triplex est. Prima, quia, ut dicit Hieronymus, futurum erat quod Christus pateretur, et quod Iudaei scandalizarentur; I ad Cor. I, 23: Iudaeis quidem scandalum: ideo si audissent istud, magis scandalizati fuissent, unde reputassent nihil fuisse. Unde magis essent tardi ad credendum resurrectionem. Remigius sic exponit: quia si nuntiasset, numquam implevisset quod desiderabat, et sic frustratus esset suo desiderio; quia habetur Lc. XXII, 15: desiderio desideravi hoc Pascha manducare vobiscum. Hilarius exponit sic: quia spiritualem gloriam non decebat nuntiari nisi per viros spirituales; sed ipsi nondum erant spirituales; Jn. VII, 39: nondum erat eis spiritus datus. Et interrogaverunt eum et cetera. In parte ista satisfacit petitioni discipulorum. Et primo ponitur petitio; secundo responsio; tertio effectus. Secunda ibi at ille respondens etc.; tertia ibi tunc intellexerunt et cetera. Apostoli videntes eum transformari, credebant quod ex tunc inciperet regnare. Intellexerant enim quod Elias debebat prius venire, Ml. ult., 5. Et quia eum viderant, credebant quod iam venisset, et appropinquaret regnum eius, ut habetur Ml. cap. ult., 1: ecce enim dies veniet et cetera. Et ibid., 5: mittam vobis Eliam prophetam antequam veniat dies domini magnus et horribilis et cetera. Sed istud nesciebant ex Scriptura, quia simplices erant, sed sciebant ex dictis Scribarum. Unde dicunt quid ergo Scribae dicunt quod Eliam oporteat primum venire? Scribae, qui ex lege noverant, ita dicebant, sed pervertebant Scripturam. Est enim duplex adventus Christi, scilicet gloriae: et de hoc adventu intelligitur quod Elias praecedet illum; sed est alius adventus in carne: unde ipsi pervertentes exponebant de isto. Huic dubitationi Dominus satisfacit. Et primo tangit adventum futurum; secundo praeteritum. Unde dicit at ille respondens ait illi: Elias quidem venturus est. Unde de duplici Elia loquitur, quia de Elia in propria persona venturo: et hic venturus est ad annuntiandum viam iustitiae et restituet omnia, et convertet corda hominum ad Christum, convertet Iudaeos ad fidem patriarcharum qui habuerunt fidem de Christo, quia, ut habetur Rm. XI, 25, caecitas ex parte contigit in Israel, donec plenitudo gentium intraret, et sic omnis Israel salvus fiet. Augustinus aliter exponit restituet omnia, quia veniente Antichristo omnes seducentur; sed mortuo Antichristo omnes restituentur ad fidem per praedicationem Eliae. Origenes sic: restituet, quia si aliquis debet quod non solvit, debet restituere. Sed quilibet debitor est mortis; et quia Elias nondum est mortuus, cum veniet, restituet omnia, et reddet debitum mortis. Additur de alio Elia dico autem vobis, quia Elias iam venit. Quis est iste? Ioannes Baptista, non quod ipse sit in persona, sicut habetur Jn. I, 21, cum petebatur ab eo, Elias es tu? Respondit, non. Sed in spiritu et virtute: quia sicut Elias secundi adventus erit praecursor, ita Ioannes primi adventus. Item sicut Elias contradicebat Iezabel, sic Ioannes Herodiadi: et sicut Elias fuit eremi cultor, sic Ioannes. Unde de ipso dicitur Lc. I, 7: ipse praecedet eum in spiritu et virtute Eliae. In spiritu: non quia transeat spiritus Eliae in Ioannem, ut aliqui posuerunt, sed eamdem virtutem habebit. Et non cognoverunt eum, idest non approbaverunt, ut habetur infra XXI, 25, ubi quaesivit Dominus si Baptismus Ioannis est de caelo vel de terra, quia, si de caelo dixissent, credere debuissent. Sed fecerunt in eo quaecumque voluerunt, quia eum male tractaverunt, non secundum quod iustitia exigebat, sed incarceraverunt eum. Simile habetur de Ieremia Eccli. XLIX, 9: nam male tractaverunt eum, qui a ventre matris consecratus est propheta. Sic et filius hominis passurus est ab eis. Ioannes praecursor fuit Christi quantum ad nativitatem, quia sicut Ioannes ex muliere veteri et sterili supra naturam, sic Christus ex virgine supra naturam. Item in praedicatione, quia incepit praedicare. Agite poenitentiam, sic et Christus. Item quantum ad Baptismum; ideo requirebatur quod esset praecursor quantum ad passionem, quia sicut ipse propter iustitiam occisus est, sic et Christus. Unde sic filius hominis passurus est ab eis. Sed a quibus eis? Videtur quod non ab eis a quibus Ioannes, quia Ioannes ab Herode, Christus a Scribis. Sed potest dici quod ab eisdem, quia Ioannes ab Herode et Iudaeis consentientibus, sed Christus a Scribis, consentiente Herode. Unde in partibus illis erat, et oblatus fuit ei; Ps. II, 2: astiterunt reges terrae, et principes convenerunt in unum adversus dominum, et adversus Christum eius. Vel sic passurus est ab eis, ita quod ly eis faciat simplicem relationem, quia omnes sunt in una generatione, a quibus passus est Ioannes et Christus. Consequenter ponitur effectus huius responsionis tunc intellexerunt discipuli quia de Ioanne Baptista dixisset eis. Tunc: cum dominus locutus est eis. Declaratio sermonum tuorum illuminat, et intellectum dat parvulis, Ps. CXVIII, 130.

 

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Samedi des Quatre-Temps

12 Mars 2022 , Rédigé par Ludovicus

Samedi des Quatre-Temps

Oraison

O Dieu, notre protecteur, abaissez vos regards sur nous qui sommes écrasés sous le poids de nos maux, afin que, par l’effet de votre miséricorde, nous servions avec un esprit libre.

Lecture Dt. 26, 12-19

En ces jours-là, Moïse parla au peuple en ces termes : Lorsque tu auras achevé de lever toute la dîme de tes produits, la troisième année, l’année de la dîme, et que tu la donneras au lévite, à l’étranger, à l’orphelin et à la veuve, pour qu’ils la mangent dans tes portes et qu’ils se rassasient, tu diras devant le Seigneur, ton Dieu : "J’ai ôté de ma maison ce qui est consacré, et je l’ai donné au Lévite, à l’étranger, à l’orphelin et à la veuve, selon tous vos préceptes que vous m’avez donnés ; je n’ai transgressé ni oublié aucun de vos préceptes. Je n’ai pas mangé de ces choses pendant mon deuil, je n’en ai rien transporté hors de ma maison dans l’état d’impureté, et je n’en ai rien donné à l’occasion d’un mort ; j’ai obéi à la voix du Seigneur, mon Dieu, j’ai agi selon tout ce vous m’avez prescrit. Regardez de votre demeure sainte, du ciel, et bénissez votre peuple d’Israël et le sol que vous nous avez donné, comme vous l’avez juré à nos pères, ce pays où coulent le lait et le miel." Aujourd’hui le Seigneur, ton Dieu, te commande de mettre en pratique ces lois et ces ordonnances ; tu les observeras et les mettras en pratique de tout ton cœur et de toute ton âme. Tu as fait déclarer aujourd’hui au Seigneur qu’il sera ton Dieu, toi t’engageant de ton côté à marcher dans ses voies, à observer ses lois, ses commandements et ses ordonnances, et à obéir à sa voix. Et le Seigneur t’a fait déclarer aujourd’hui que tu lui serais un peuple particulier, comme il te l’a dit, observant tous ses commandements, lui s’engageant de son côté à te donner la supériorité sur toutes les nations qu’il a faites, en gloire, en renom et en splendeur, en sorte que tu sois un peuple saint le Seigneur, ton Dieu, comme il l’a dit.

Lecture Dt. 11, 22-25

En ces jours-là, Moïse dit aux enfants d’Israël : si vous observez soigneusement tous ces commandements que je vous prescris d’accomplir, aimant le Seigneur, votre Dieu, marchant dans toutes ses voies et vous attachant à lui, le Seigneur chassera toutes ces nations devant vous, et vous vous rendrez maîtres de nations plus grandes et plus puissantes que vous. Tout lieu que foulera la plante de vos pieds sera à vous ; votre frontière s’étendra du désert au Liban, et du fleuve de l’Euphrate jusqu’à la mer occidentale. Nul ne tiendra devant vous ; le Seigneur, votre Dieu, répandra devant vous, comme il vous l’a dit, la crainte et l’effroi sur tout le pays où vous mettrez le pied, selon que vous l’a promis le Seigneur votre Dieu.

Lecture 2 M. l, 23-26 et 27

En ces jours-là, pendant que se consumaient les victimes, les prêtres firent une prière, et avec eux tous les assistants ; ce fut Jonathan qui commença, et les autres unirent leurs voix à la sienne, ainsi que Néhémie. Cette prière était ainsi conçue : "Seigneur, Seigneur, Dieu, créateur de toutes choses, terrible et fort, juste et compatissant, qui êtes seul roi et bon, seul libéral et seul juste, tout-puissant et éternel, qui délivrez Israël de tout mal, qui avez fait de nos pères vos élus et les avez sanctifiés, recevez ce sacrifice pour tout votre peuple d’Israël ; gardez votre héritage et sanctifiez-le, afin que les nations sachent que vous êtes notre Dieu.

Lecture Ec. 36, 1-10

Ayez pitié de nous, ô Dieu de l’univers et regardez ; et répandez votre terreur sur toutes les nations. Levez votre main contre les peuples étrangers, et qu’ils sentent votre puissance ! De même que vous avez montré devant eux votre sainteté en nous punissant, ainsi montrez votre grandeur devant nous en les châtiant ; et qu’ils apprennent, comme nous l’avons appris nous-mêmes, qu’il n’y a pas d’autre Dieu que vous, Seigneur ! Renouvelez les prodiges, et reproduisez les merveilles ; glorifiez votre main et votre bras droit. Réveillez votre courroux et répandez votre colère ; détruisez l’adversaire et anéantissez l’ennemi. Hâtez le temps et souvenez-vous du serment ; et qu’on célèbre vos hauts faits ô Seigneur notre Dieu.

Lecture Dn. 3, 47-51

En ces jours-là, l’Ange du Seigneur descendit auprès d’Azarias et de ses compagnons dans la fournaise, et il écarta les flammes et le feu de la fournaise, et il fit au milieu de la fournaise comme un vent de rosée qui soufflait et la flamme s’élevait quarante-neuf coudées de haut au-dessus de la fournaise ; et elle s’élança et brûla ceux qu’elle trouva près de la fournaise, d’entre les Chaldéens, les serviteurs du roi, qui l’activaient. Mais le feu ne toucha même pas les trois jeunes Hébreux ; il ne les incommoda pas et ne leur causa aucune peine. Alors ces trois hommes, comme d’une seule bouche, louaient, glorifiaient et bénissaient Dieu dans la fournaise, en disant :

Vous êtes béni, Seigneur, Dieu de nos pères. Et digne de louange et de gloire dans les siècles.
Et le nom de votre gloire, qui est saint, est béni. Et digne de louange et de gloire dans les siècles.
Vous êtes béni dans le temple saint de votre gloire. Et digne de louange et de gloire dans les siècles.
Vous êtes béni sur le trône saint de votre royaume. Et digne de louange et de gloire dans les siècles.
Vous êtes béni sur le sceptre de votre divinité. Et digne de louange et de gloire dans les siècles.
Vous êtes béni, vous qui, étant assis sur les Chérubins, voyez le fond des abîmes. Et digne de louange et de gloire dans les siècles.
Vous êtes béni, vous qui marchez sur les ailes des vents, et sur les flots de la mer. Et digne de louange et de gloire dans les siècles.
Que tous les Anges et les Saints vous bénissent. Qu’ils vous louent et vous glorifient dans les siècles.
Que les cieux, la terre et la mer, et tout ce qu’ils renferment, vous bénissent. Qu’ils vous louent et vous glorifient dans les siècles.
Gloire au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit. Et à celui qui est digne de louange et de gloire dans les siècles.
Comme c’était au commencement, et maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il. Et à celui qui est digne de louange et de gloire dans les siècles.
Vous êtes béni, Seigneur, Dieu de nos pères. Et digne de louange et de gloire dans les siècles.

Épitre 1 Th. 5, 14-23

Mes frères, nous vous en prions, reprenez ceux qui sont dans le désordre, consolez ceux qui sont abattus, soutenez les faibles, soyez patients envers tous. Prenez garde gué personne rende à autrui le mal pour le mal ; mais poursuivez toujours le bien, et entre vous, et envers vous. Soyez toujours dans la joie. Priez sans cesse. Rendez grâces en toutes choses ; car c’est là ce que Dieu veut de vous tous en Jésus-Christ. N’éteignez pas l’Esprit. Ne méprisez pas les prophéties ; mais examinez toutes choses, retenez ce qui est bon. Abstenez-vous de toute espèce de mal. Que le Dieu de paix vous sanctifie lui-même de toute manière, afin que tout votre esprit, votre âme et votre corps soient conservés irréprochables lors de l’avènement de Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Évangile Mt. 17, 1-9

En ce temps-là, Jésus prit avec lui Pierre, Jacques, et Jean son frère, et les conduisit à l’écart sur une haute montagne. Et il fut transfiguré devant eux : son visage resplendit comme le soleil, et ses vêtements devinrent blancs comme la neige. Et voici que Moïse et Élie leur apparurent, s’entretenant avec lui. Alors Pierre prenant la parole, dit à Jésus : Seigneur, il nous est bon d’être ici ; si vous le voulez, faisons-y trois tentes, une pour vous, une pour Moïse, et une pour Élie. Comme il parlait encore, voici qu’une nuée lumineuse les couvrit ; et voici qu’une voix sortit de la nuée, disant : Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j’ai mis toutes mes complaisances ; écoutez-le. Les disciples, l’entendant, tombèrent le visage contre terre, et furent saisis d’une grande crainte. Mais Jésus, s’approchant, les toucha, et leur dit : Levez-vous, et ne craignez point. Alors, levant les yeux, ils ne virent plus que Jésus seul. Lorsqu’ils descendaient de la montagne, Jésus leur donna cet ordre : Ne parlez à personne de ce que vous avez vu, jusqu’à ce que le Fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts.

Office

1ère leçon

Lecture du saint Évangile selon saint Matthieu

Homélie de saint Léon, Pape

Mes bien-aimés, cette lecture de l’Évangile, qui, par les oreilles de notre corps, a pénétré jusqu’à l’entendement intérieur de notre âme, nous appelle à l’intelligence d’un grand mystère, intelligence à laquelle nous parviendrons plus facilement, la grâce de Dieu aidant, si nous reportons notre attention sur les faits qui ont été racontés un peu plus haut. Le Sauveur du genre humain, Jésus-Christ, établissant cette foi qui rappelle les impies à la justice, et les morts à la vie, ne se bornait pas à enseigner de vive voix sa doctrine à ses disciples ; il les éclairait aussi par des actions miraculeuses, afin qu’ils crussent fermement que le Christ est tout ensemble, et le Fils unique de Dieu, et le fils de l’homme. L’un sans l’autre n’aurait point servi pour le salut, et il y aurait eu un égal péril à croire que notre Seigneur Jésus-Christ est Dieu seulement sans être homme, ou à croire qu’il est seulement homme sans être Dieu. Il fallait reconnaître en même temps l’une et l’autre nature, puisque, effectivement la vraie divinité était unie en lui à l’humanité, comme la vraie humanité était en lui unie au Dieu.

2e leçon

Pour confirmer la salutaire connaissance de cette foi, le Seigneur avait interrogé ses disciples, leur demandant ce qu’eux-mêmes, parmi tant d’opinions diverses, croyaient ou pensaient de lui. Ce fut alors que l’Apôtre Pierre, s’élevant par une révélation du Père céleste au-dessus des choses corporelles, et montant plus haut que tout ce qui n’est qu’humain, vit des yeux de l’esprit le Fils du Dieu vivant, et confessa la gloire de sa divinité, parce qu’il ne se borna pas à considérer la substance de la chair et du sang. Il fut si agréable au Sauveur, ce sublime témoignage de foi, que Pierre, déclaré bienheureux, reçut comme privilège la fermeté sacrée de cette pierre inviolable sur laquelle l’Église est fondée. Les portes de l’enfer et les lois de la mort ne peuvent prévaloir contre elle, et dans n’importe quelle cause, qu’il s’agisse de lier ou de délier, tout est ratifié au Ciel, conformément à la sentence de Pierre.

3e leçon

Or il fallait, mes bien-aimés, que Pierre en qui le Fils de Dieu venait de louer cette haute connaissance, reçût une instruction du mystère qui se devait accomplir dans la substance inférieure unie au Verbe. Il le fallait pour que l’Apôtre, dont la foi avait été élevée jusqu’à ce degré de gloire de confesser la divinité du Christ, ne regardât pas comme indigne d’un Dieu impassible de prendre sur lui notre infirmité, et ne s’imaginât point que la nature humaine était déjà tellement glorifiée en la personne de Jésus-Christ, qu’elle ne pouvait plus ni souffrir, ni mourir. C’est pourquoi le Seigneur ayant dit qu’il fallait qu’il allât à Jérusalem, qu’il souffrît beaucoup de la part des anciens, des Scribes et des princes des prêtres, qu’il fût mis à mort, et que le troisième jour il ressuscitât ; comme le bienheureux Pierre, tout embrasé du feu allumé en lui par le témoignage Qu’une lumière d’en haut lui avait fait rendre à la divinité du Fils de Dieu, rejetait avec liberté, et avec une répugnance qu’il croyait religieuse, l’idée que son Maître pût endurer tous ces outrages et l’opprobre d’une mort très cruelle, il fut repris par Jésus avec une douce sévérité, et excité au désir de participer à ses souffrances.

La Station est dans la Basilique de Saint-Pierre au Vatican, où le peuple se réunissait sur le soir pour assister à l’Ordination des Prêtres et des ministres sacrés. Ce jour était appelé le Samedi aux douze Leçons, parce qu’on lisait d’abord douze passages des saintes Écritures, comme au Samedi saint. La Messe à laquelle se conférait l’Ordination avait lieu dans la nuit, déjà sur le Dimanche. Dans la suite, on a anticipé au Samedi cette Messe de l’Ordination ; mais, en mémoire de l’antique usage, on n’a pas assigné d’autre Évangile pour le Dimanche que celui qui se lit maintenant au Samedi : ce qui amène la répétition de cet Évangile deux jours de suite. Nous avons observé la même particularité au Samedi des Quatre-Temps de l’Avent, parce que la Messe de l’Ordination y a été pareillement avancée d’un jour.

LEÇON.

Le Seigneur nous apprend, dans ce passage de Moïse, qu’une nation fidèle à garder toutes les prescriptions du service divin sera bénie entre toutes les autres. L’histoire est là pour attester la vérité de cet oracle. De toutes les nations qui ont péri, il n’en est pas une seule qui ne l’ait mérite par son oubli de la loi de Dieu ; et il en doit être ainsi. Quelquefois le Seigneur attend avant de frapper ; mais c’est afin que le châtiment soit plus solennel et plus exemplaire. Veut-on se rendre compte de la solidité des destinées d’un peuple ? Que l’on étudie son degré de fidélité aux lois de l’Église. Si son droit public a pour base les principes et les institutions du christianisme, cette nation peut avoir quelques germes de maladie ; mais son tempérament est robuste ; les révolutions l’agiteront sans la dissoudre. Si la masse des citoyens est fidèle à l’observation des préceptes extérieurs ; si elle garde, par exemple, le jour du Seigneur, les prescriptions du Carême, il y a là un fonds de moralité qui préservera ce peuple des dangers d’une dissolution. De tristes économistes n’y verront qu’une superstition puérile et traditionnelle, qui n’est bonne qu’à retarder le progrès ; mais que cette nation, jusqu’alors simple et fidèle, ait le malheur d’écouter ces superbes et niaises théories, un siècle ne se passera pas sans qu’elle ait à s’apercevoir qu’en s’émancipant de la loi rituelle du christianisme, elle a vu baisser chez elle le niveau de la morale publique et privée, et que ses destinées commencent à chanceler. L’homme peut dire et écrire tout ce qu’il voudra ; Dieu veut être servi et honoré par son peuple, et il entend être le maître des formes de ce service et de cette adoration. Tous les coups portés au culte extérieur, qui est le véritable lien social, retomberont de tout leur poids sur l’édifice des intérêts humains. Quand bien même la parole du Seigneur n’y serait pas engagée, il est de toute justice qu’il en soit ainsi.

ÉVANGILE.

Cette lecture du saint Évangile, qui nous sera proposée demain encore, est destinée à accompagner aujourd’hui l’Ordination ; les anciens liturgistes, à la suite du savant Abbé Rupert, nous en donnent l’intelligence. L’Église veut porter notre pensée sur la sublime dignité dont viennent d’être honorés les Prêtres qui ont reçu aujourd’hui l’onction sacrée. Ils sont figurés dans ces trois Apôtres que Jésus conduit avec lui sur la montagne, et qui seuls contemplent sa gloire. Les autres disciples du Sauveur sont demeurés dans la plaine ; Pierre, Jacques et Jean sont seuls montés sur le Thabor. C’est d’eux que les autres disciples, que le monde entier apprendront, quand il en sera temps, de quelle gloire Jésus a paru environné, et avec quel éclat la voix du Père céleste a tonné sur le sommet de la montagne pour déclarer la grandeur et la divinité du Fils de l’homme. « Cette voix du ciel, nous l’avons entendue, dit saint Pierre, quand nous étions avec lui sur la sainte montagne. Elle disait : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j’ai mis toutes mes complaisances ; écoutez-le. » De même, ces nouveaux Prêtres qui viennent d’être consacrés sous vos yeux, pour lesquels vous avez offert vos jeûnes et vos prières, ils entreront dans la nuée où réside le Seigneur. Ils sacrifieront la victime de votre salut dans le silence du Canon sacré. Dieu descendra pour vous entre leurs mains ; et, sans cesser d’être mortels et pécheurs comme vous, ils seront chaque jour en communication avec la divinité. Le pardon que vous attendez de Dieu, en ce temps de réconciliation, passera par leurs mains ; leur pouvoir surhumain ira le chercher pour vous jusque dans le ciel. C’est ainsi que Dieu a apporté le remède à notre orgueil. Le serpent nous dit aux premiers jours : « Mangez ce fruit, et vous serez comme des dieux. » Nous avons eu le malheur d’adhérer à cette perfide suggestion ; et la mort a été le seul fruit de notre prévarication. Dieu cependant voulait nous sauver ; mais pour abattre nos prétentions, c’est par des hommes qu’il nous applique ce salut. Son Fils éternel s’est fait homme, et il a laissé d’autres hommes après lui, auxquels il a dit : « Comme mon Père m’a envoyé, ainsi je vous envoie ». Honorons donc Dieu en ces hommes qui viennent d’être aujourd’hui l’objet d’une si sublime distinction, et comprenons que le respect du sacerdoce fait partie de la religion de Jésus-Christ.

 

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Vendredi des Quatre-Temps

11 Mars 2022 , Rédigé par Ludovicus

Vendredi des Quatre-Temps

Collecte

Soyez, Seigneur, propice à votre peuple ; vous lui inspirez la piété envers vous, que votre miséricorde le soutienne de son bienfaisant secours.

Lecture Ez. 18, 20-28

Voici ce que dit le Seigneur Dieu : L’âme qui pèche c’est celle qui mourra ; le fils ne portera pas l’iniquité du père, et le père ne portera pas l’iniquité du fils ; la justice du juste sera sur lui, et la méchanceté du méchant sera sur lui. Quant au méchant, s’il se détourne de tous ses péchés qu’il commis, s’il observe tous mes préceptes et agit selon le droit et la justice, il vivra, il ne mourra pas. De toutes les transgressions qu’il a commises, on ne se souviendra plus à cause de la justice qu’il a pratiquée, il vivra. Prendrai-je plaisir à la mort du méchant, dit le Seigneur Dieu ? N’est-ce pas plutôt à ce qu’il se détourne de ses voies et qu’il vive ? Et si le juste se détourne de sa justice et qu’il commette l’iniquité, selon toutes les abominations que le méchant commet, il les ferait et il vivrait !... de toutes ses œuvres de justice qu’il a pratiquées, on ne se souviendra plus ; à cause de la transgression dont il s’est rendu coupable et de son péché qu’il a commis, à cause de cela il mourra. Vous dites : "La voie du Seigneur n’est pas droite ?" Écoutez donc, maison d’Israël : Est-ce ma voie qui n’est pas droite ? Ne sont-ce pas vos voies qui ne sont pas droites ? Quand le juste se détourne de sa justice et commet l’iniquité, et que là-dessus il meurt, c’est à cause de l’iniquité qu’il à commise qu’il meurt. Et si le méchant se détourne de sa méchanceté qu’il a pratiquée et qu’il agisse suivant le droit et la justice, il fera vivre son âme. S’il ouvre les yeux et se détourne de toutes ses transgressions qu’il a commises, il vivra certainement, et il ne mourra point, dit le Seigneur tout-puissant.

Évangile Jn 5, 1-15

En ce temps-là, il y eut une fête des Juifs, et Jésus monta à Jérusalem. Or, à Jérusalem, près de la porte des Brebis, il y a une piscine qui s’appelle en hébreu Béthesda, et qui a cinq portiques. Sous ces portiques étaient couchés un grand nombre de malades, d’aveugles, de boiteux et de paralytiques. Ils attendaient le bouillonnement de l’eau. Car un ange du Seigneur descendait à certains temps dans la piscine, et agitait l’eau. Et celui qui y descendait le premier après l’agitation de l’eau, était guéri de son infirmité quelle qu’elle fut. Là se trouvait un homme malade depuis trente huit ans. Jésus l’ayant vu gisant et sachant qu’il était malade depuis longtemps, lui dit : "Veux-tu être guéri ?" Le malade lui répondit : "Seigneur, je n’ai personne pour me jeter dans la piscine dès que l’eau est agitée, et pendant que j’y vais, un autre descend avant moi." Jésus lui dit "Lève-toi, prends ton grabat et marche." Et à l’instant cet homme fut guéri ; il prit son grabat et se mit à marcher. C’était un jour de sabbat. Les Juifs dirent donc à celui qui avait été guéri : "C’est le sabbat, il ne t’est pas permis d’emporter ton grabat." Il leur répondit : "Celui qui m’a guéri m’a dit : Prends ton grabat et marche." Ils lui demandèrent : "Qui est l’homme qui t’a dit : Prends ton grabat et marche ?" Mais celui qui avait été guéri ne savait pas qui c’était ; car Jésus s’était esquivé, grâce à la foule qui était en cet endroit. Plus tard, Jésus le trouva dans le temple et lui dit : "Te voilà guéri ; ne pèche plus, de peur qu’il ne t’arrive quelque chose de pire." Cet homme s’en alla, et annonça aux Juifs que c’était Jésus qui l’avait guéri.

Office

1ère leçon

Lecture du saint Évangile selon saint Jean

Homélie de saint Augustin, évêque

Voyons ce que le Seigneur a voulu signifier par cet unique malade que, pour garder le mystère de l’unité, il a daigné guérir, – lui seul , – parmi tant de malades. Il a trouvé dans son âge un nombre qui semble indiquer la maladie. « Il était infirme depuis trente-huit ans. » Il nous faut expliquer avec un peu plus de soin comment ce nombre convient mieux à la maladie qu’à la santé. Je demande toute votre attention. Que le Seigneur soit présent, qu’il me donne de parler comme il convient, qu’il vous accorde de bien comprendre. Quarante est pour nous un nombre sacré. Il marque une certaine perfection. Je pense que la chose est bien connue de votre charité. Très souvent, les saintes Écritures l’attestent : le jeûne est consacré par ce nombre, vous le savez bien. Car Moïse a jeûné quarante jours ; Élie aussi, tout autant. Et notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ lui-même a rempli ce nombre du jeûne. Par Moïse est signifiée la Loi, par Élie sont signifiés les Prophètes, par le Seigneur est signifié l’Évangile. Voilà pourquoi tous trois apparurent sur cette montagne où Jésus se montra à ses disciples dans l’éclat de son visage et de ses vêtements. Il apparut au milieu, entre Moïse et Élie, comme l’Évangile qui reçoit le témoignage de la Loi et des Prophètes.

2e leçon

Donc, soit dans la Loi, soit dans les Prophètes, soit dans l’Évangile, le nombre quarante nous est recommandé comme convenant au jeûne. Or, le grand jeûne, le jeûne qui oblige tous les hommes, consiste à s’abstenir du mal et des plaisirs illicites de ce monde. Tel est bien le jeûne parfait : « Rejeter l’impiété et les convoitises du monde pour vivre avec mesure, justice et piété dans le siècle d’ici-bas ». Quelle récompense l’Apôtre attache-t-il à ce jeûne ? Il le dit car il poursuit : « Attendant l’espérance bienheureuse et la manifestation de la gloire de notre bienheureux Dieu et Sauveur, Jésus le Christ ». Nous célébrons donc en ce monde comme un Carême d’abstinence lorsque notre vie est bonne, lorsque nous nous abstenons du mal et des plaisirs illicites. Mais comme cette abstinence ne sera pas sans récompense, nous attendons « l’espérance bienheureuse et la révélation de la gloire de notre grand Dieu et Sauveur Jésus le Christ. » En cette espérance, lorsque d’espérance, elle, sera devenue réalité, nous recevrons un denier pour salaire. C’est ce salaire qui, selon l’Évangile, est donné aux ouvriers qui travaillent dans la vigne, – vous vous en souvenez, je pense, et il n’est point nécessaire de tout vous rappeler comme si je m’adressais à des ignorants et à des incapables. Un denier donc, – qui tire son nom du nombre dix, – est donné. Joignons-le au nombre quarante, nous obtenons cinquante. Ainsi nous célébrons avec labeur le Carême avant Pâques, mais avec joie, les cinquante jours après Pâques comme si nous avions reçu notre salaire.

3e leçon

Souvenez-vous de mon projet : je veux expliquer en cet infirme le nombre de trente-huit ans : pourquoi ce nombre trente-huit convient-il à la maladie plutôt qu’à la santé ? Donc, comme je le disais, la charité est l’accomplissement de la Loi. Le nombre quarante indique l’accomplissement de la Loi dans toutes les œuvres. Mais dans la charité, deux commandements nous sont enjoints : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit », et « tu aimeras ton prochain comme toi-même. De ces deux commandements dépend toute la Loi ainsi que les Prophètes ». Oui, cette veuve qui a donné deux petites pièces dans les offrandes faites à Dieu a bien donné tout ce qu’elle avait, et de même c’est à dessein que l’aubergiste a reçu deux deniers pour ce blessé, victime des brigands, ainsi pourra-t-il le guérir. A dessein aussi Jésus est demeuré deux jours auprès des Samaritains pour les affermir dans la charité. Et donc, lorsque par ce chiffre deux est signifié quelque bien, c’est la double charité qui nous est recommandée par-dessus tout. Par conséquent, si le nombre quarante a la perfection de la Loi et si la Loi n’est accomplie que par le double précepte de la charité, pourquoi t’étonnes-tu que soit atteint de langueur celui qui avait deux de moins que quarante ?

La Station est dans la Basilique des Douze-Apôtres, l’une des plus augustes de Rome, enrichie des corps des deux Apôtres saint Philippe et saint Jacques le Mineur

LEÇON.

Portons nos regards sur les pénitents publics que l’Église se prépare à rétablir bientôt dans la participation des Mystères. Mais auparavant ils ont besoin d’être réconciliés avec Dieu qu’ils ont offensé. Leur âme est morte par le péché ; pourra-t-elle donc revivre ? Oui, le Seigneur nous l’atteste ; et la lecture du Prophète Ézéchiel, que l’Église commençait hier pour les Catéchumènes, elle la continue aujourd’hui en faveur des pénitents publics. « Que l’impie, dit le Seigneur, fasse pénitence de tous les péchés qu’il a commis ; qu’il garde désormais mes préceptes : il vivra certainement, et il ne mourra pas. » Cependant ses iniquités sont là, qui s’élèvent contre lui ; leur voix est montée jusqu’au ciel et provoque une vengeance éternelle. Assurément, il en est ainsi ; mais voici que le Seigneur qui sait tout, qui n’oublie rien, nous déclare qu’il ne se souviendra plus de l’iniquité rachetée par la pénitence. Telle est la tendresse de son cœur paternel, qu’il veut bien oublier l’outrage qu’il a reçu d’un fils, si ce fils revient sincèrement à son devoir. Ainsi nos pénitents seront réconciliés, et au jour de la Résurrection du Sauveur, ils se mêleront aux justes, parce que Dieu ne gardera plus souvenir de leurs iniquités ; ils seront devenus justes eux-mêmes. En remontant par la pensée le cours des âges, nous nous retrouvons ainsi en face de ce grand spectacle de la pénitence publique, dont la Liturgie, qui ne change pas, a seule conservé les traces aujourd’hui. De nos jours, les pécheurs ne sont plus mis à part ; la porte de l’église ne leur est plus fermée ; ils se tiennent souvent tout près des saints autels, mêlés aux justes ; et quand le pardon descend sur eux, l’assemblée des fidèles n’en est point avertie par des rites spéciaux et solennels. Admirons la miséricorde divine, et profitons de l’indulgence de notre mère la sainte Église. A toute heure et sans éclat, la brebis égarée peut rentrer au bercail : qu’elle use donc de la condescendance dont elle est l’objet, et qu’elle ne quitte plus désormais le Pasteur qui a daigné l’accueillir encore. Quant au juste, qu’il ne s’élève pas par une vaine complaisance, en se comparant à la pauvre brebis égarée ; qu’il médite ces paroles : « Si le juste se détourne de la justice, s’il commet l’iniquité, toutes les œuvres de justice qu’il avait faites, on ne s’en souviendra plus ». Craignons donc pour nous-mêmes, et ayons pitié des pécheurs. La prière des fidèles pour les pécheurs, durant le Carême, est un des grands moyens sur lesquels compte l’Église pour obtenir leur réconciliation.

ÉVANGILE.

Revenons encore sur nos pénitents de l’antiquité ; le passage sera facile à ceux d’aujourd’hui et à nous-mêmes. Nous venons devoir par le Prophète la disposition du Seigneur à pardonner au pécheur repentant. Mais comment ce pardon sera-t-il appliqué ? Par qui la sentence d’absolution sera-t-elle prononcée ? Notre Évangile nous l’apprend. Ce malheureux paralytique de trente-huit ans figure le pécheur invétéré ; cependant il est guéri, et le voici qui marche. Que s’est-il donc passé ? Écoutons-le d’abord : « Seigneur, dit-il, je n’ai point d’homme pour me « jeter dans la piscine ». L’eau de cette piscine l’eût sauvé ; mais il lui fallait un homme pour l’y plonger. Le Fils de Dieu sera cet homme ; c’est parce qu’il s’est fait homme que nous sommes guéris. Comme homme, il a reçu le pouvoir de remettre les péchés, et avant de monter aux cieux, il dit à d’autres hommes : « Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis ». Nos pénitents seront donc réconciliés avec Dieu, en vertu de ce pouvoir surnaturel ; et le paralytique levant avec facilite son grabat, et l’emportant sur ses épaules, comme un trophée de sa guérison, est la figure du pécheur auquel l’Église de Jésus-Christ, en vertu du divin pouvoir des clefs, a remis ses iniquités.

Au IIIe siècle du christianisme, un hérétique, Novatien, osa enseigner que l’Église n’avait pas le pouvoir de remettre les péchés commis depuis le baptême. Cette erreur désespérante fut proscrite par les conciles et les saints docteurs ; et, pour exprimer aux yeux des fidèles l’auguste puissance que le Fils de l’homme a reçue pour purifier toute âme pénitente, on peignit, dans les lieux où les chrétiens s’assemblaient, le paralytique de notre Évangile marchant libre et dégage, son grabat sur les épaules. Cette consolante image se rencontre fréquemment sur les fresques des Catacombes de Rome, contemporaines de l’âge des Martyrs. Nous apprenons sur ces monuments l’intention de cette lecture de l’Évangile que l’Église, depuis tant de siècles, a fixée à ce jour.

L’eau de la piscine Probatique était aussi un symbole ; mais il était destiné à l’instruction des Catéchumènes. C’est par l’eau qu’ils devaient être guéris, et par une eau divinement fécondée d’en haut. Ce miracle, dont Dieu favorisait encore la Synagogue, ne servait chez les Juifs qu’à la guérison du corps, et seulement pour un seul homme, à rares intervalles ; mais depuis que l’Ange du grand Conseil est descendu des cieux et qu’il a sanctifie l’eau du Jourdain, la piscine est partout ; à chaque heure son eau rend la santé aux âmes, depuis l’enfant naissant jusqu’au vieillard. L’homme est le ministre de cette grâce ; mais c’est le Fils de Dieu devenu Fils de l’homme qui opère. Disons aussi un mot des malades que l’Évangile nous représente comme rassemblés dans l’attente de la guérison. C’est l’image de la société chrétienne, en ces jours. Il y a des languissants, hommes tièdes qui ne rompent jamais franchement avec le mal ; des aveugles, chez lesquels l’œil de l’âme est éteint ; des boiteux, dont la marche dans la voie du salut est chancelante ; des malheureux dont les membres sont desséchés, impuissants à toute espèce de bien ; ils espèrent dans le moment favorable. Jésus va venir à eux ; il va leur demander, comme au paralytique : Voulez-vous être guéris ? Question remplie d’une charité divine ! Qu’ils y répondent avec amour et confiance, et ils seront guéris.

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Mercredi des Quatre-Temps de Carême

9 Mars 2022 , Rédigé par Ludovicus

Mercredi des Quatre-Temps  de Carême

Oraison

Nous vous en supplions, Seigneur, daignez, dans votre clémence, exaucer nos prières, et étendre la droite de votre majesté pour nous préserver de tout ce qui nous est contraire.

Lecture Ex 24, 12-18

En ces jours-là, le Seigneur dit à Moïse : "Monte vers moi sur la montagne, et restes-y ; je te donnerai les tables de pierre, la loi et les préceptes que j’ai écrits pour leur instruction." Moïse se leva, avec Josué, son serviteur, et Moïse monta vers la montagne de Dieu. Il dit aux anciens : Attendez-nous ici, jusqu’à ce que nous revenions auprès de vous. Voici Aaron et Hur seront avec vous ; si quelqu’un a un différend, qu’il s’adresse à eux." Moïse monta vers la montagne, et la nuée couvrit la montagne ; la gloire du Seigneur reposa sur la montagne de Sinaï, et la nuée la couvrit pendant six jours. Le septième jour, le Seigneur appela Moïse du milieu de la nuée. L’aspect de la gloire du Seigneur était, aux yeux des enfants d’Israël, comme un feu dévorant sur le sommet de la montagne. Moïse entra au milieu de la nuée, et monta à la montagne ; et Moïse demeura sur la montagne quarante jours et quarante nuits.

Lecture 3 R. 19, 3-8

En ces jours-là, Élie, étant arrivé à Bersabée, qui appartient à Juda, y laissa son serviteur. Pour lui, il alla dans le désert l’espace d’une journée de marche ; arrivé là, il s’assit sous un genêt et demanda pour lui la mort, en disant : "C’est assez ! Maintenant, Seigneur, prends ma vie, car je ne suis pas meilleur que mes pères !" Il se coucha et s’endormit sous le genêt. Et voici qu’un ange le toucha et lui dit : "Lève-toi, mange." Il regarda, et voici qu’il y avait à son chevet un gâteau cuit sur des pierres chauffées et une cruche d’eau. Après avoir mangé et bu, il se recoucha. L’ange du Seigneur vint une seconde fois, le toucha et dit : "Lève-toi, mange, car le chemin est trop long pour toi." Il se leva, mangea et but, et, avec la force que lui donna cette nourriture, il marcha quarante jours et quarante nuits jusqu’à la montagne de Dieu, à Horeb.

Évangile Mt. 12, 38-50

En ce temps-là : quelques-uns des scribes et des Pharisiens prirent la parole et dirent : "Maître, nous voudrions voir un signe de vous." Il leur répondit : "Une génération mauvaise et adultère réclame un signe : il ne lui sera donné d’autre signe que le signe du prophète Jonas. Car de même que Jonas fut trois jours et trois nuits dans le ventre du poisson, ainsi le Fils de l’homme sera dans le sein de la terre trois jours et trois nuits. Les hommes de Ninive se dresseront, au (jour du) jugement, avec cette génération et la feront condamner, car ils ont fait pénitence à la prédication de Jonas, et il y a ici plus que Jonas. La reine du Midi se lèvera au (jour du) jugement, avec cette génération et la fera condamner, car elle est venue des extrémités de la terre pour entendre la sagesse de Salomon, et il y a ici plus que Salomon. Lorsque l’esprit impur est sorti d’un homme, il va par des lieux arides, cherchant du repos, et il n’en trouve point. Alors il dit : "Je retournerai dans ma maison, d’où je suis sorti." Et revenu, il la trouve libre, nettoyée et ornée. Alors il s’en va prendre avec lui sept autres esprits plus mauvais que lui, et, étant entrés, ils y fixent leur demeure, et le dernier état de cet homme devient pire que le premier. Ainsi en sera-t-il pour cette génération mauvaise." Comme il parlait encore aux foules, voici que sa mère et ses frères se tenaient dehors, cherchant à lui parler. Quelqu’un lui dit : "Voici votre mère et vos frères qui se tiennent dehors, et ils cherchent à vous parler." Il répondit à l’homme qui lui disait cela : "Qui est ma mère et qui sont mes frères ?" Et étendant la main vers ses disciples, il dit : "Voici ma mère et mes frères. Car quiconque fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux, celui-là est pour moi frère, sœur et mère."

Postcommunion

Seigneur, que par la réception de votre sacrement, nous soyons purifiés de nos péchés cachés et délivrés des embûches que nous tendent nos ennemis.

Super populum

Éclairez nos âmes par la clarté de votre lumière, nous vous en supplions, Seigneur, afin que nous puissions voir ce que nous devons faire et que nous ayons la force d’accomplir ce qui est juste.

Office

1ère leçon

Homélie de saint Ambroise, évêque

Le peuple juif une fois condamné, le mystère de l’Église s’exprime ici avec évidence : que ce soit par la pénitence dans la personne des Ninivites, ou par le désir de trouver la sagesse, dans celle de la Reine du Midi, elle se rassemble de toutes les régions du monde pour entendre les paroles de Salomon, le Pacifique. Reine, elle l’est assurément ; en son royaume, nulle division ; formée de peuples divers et distants dans l’espace, elle se dresse dans la stature d’un corps unique.

2e leçon

Aussi « ce mystère-là est grand par rapport au Christ et à l’Église » (Ep 5, 32), mais celui-ci est plus grand encore. L’autre a précédé, à titre de figure, mais à présent, le mystère s’accomplit en toute réalité ; là, Salomon n’est que le type, ici, le Christ est présent dans son corps. L’Église offre donc un double aspect, selon qu’on ignore le péché, ou que l’on cesse de pécher, car la pénitence détruit le péché, mais la sagesse, elle, veut l’éviter.

3e leçon

Par ailleurs, si le signe de Jonas figure la Passion du Seigneur, il atteste aussi la gravité des péchés commis par des Juifs. L’on peut y voir à la fois la proclamation de la majesté et le signe de la miséricorde. En effet, l’exemple des Ninivites annonce le châtiment, mais en même temps, il montre le remède. Dès lors, les Juifs non plus ne doivent pas désespérer du pardon, pourvu qu’ils consentent à faire pénitence.

Au jeûne quadragésimal vient se joindre aujourd’hui celui des Quatre-Temps. Vendredi et Samedi, nous aurons pareillement un double motif de pratiquer la pénitence. C’est la saison du printemps qu’il s’agit de consacrer à Dieu, lui en offrant les prémices dans le jeune et la prière ; c’est l’ordination des Prêtres et des Ministres sacrés sur laquelle il faut appeler les bénédictions d’en haut. Ayons donc un souverain respect pour ces trois jours.

Jusqu’au XIe siècle, le jeûne des Quatre-Temps du Printemps fut attaché à la première semaine de mars, et ceux de l’Été à la seconde semaine de juin. Un décret de saint Grégoire VII les fixa aux époques où nous les célébrons aujourd’hui : les Quatre-Temps du Printemps à la première semaine de Carême, et ceux de l’Été à la semaine de la Pentecôte.

La Station est aujourd’hui dans la Basilique de Sainte-Marie-Majeure. Honorons la Mère de Dieu, refuge des pécheurs, et prions-la d’offrir elle-même à notre juge l’humble tribut de nos satisfactions.

LEÇONS.

L’Église, qui, dans les Mercredis des Quatre-Temps, nous offre toujours deux lectures de la sainte Écriture, à la place de l’Épître de la Messe, réunit aujourd’hui les deux grands types du Carême dans l’Ancien Testament, Moïse et Elie, afin de relever dans nos pensées la dignité du jeûne quadragésimal, auquel Jésus-Christ lui-même est venu donner un caractère plus sacré encore, en réalisant dans sa personne ce que la Loi et les Prophètes n’avaient accompli qu’en figure.

Moïse et Elie jeûnent quarante jours et quarante nuits, parce qu’ils vont s’approcher de Dieu. Il faut que l’homme s’épure, qu’il se dégage du poids du corps, s’il veut se mettre en rapport avec celui qui est l’Esprit. Néanmoins, la vision de Dieu dont furent favorisés ces deux saints hommes fut très imparfaite : ils sentirent que le Seigneur était près d’eux, mais ils ne virent pas sa gloire. Depuis, le Seigneur s’est manifesté dans la chair, et l’homme l’a vu, il l’a entendu, il l’a touché de ses mains. Nous ne sommes pas du nombre de ces heureux mortels qui conversèrent avec le Verbe de vie ; mais, dans la divine Eucharistie, il fait plus que de se laisser voir : il entre en nous, il devient notre substance. Le plus humble fidèle dans l’Église possède Dieu plus pleinement que Moise sur le Sinaï, et Elie sur Horeb. Ne soyons donc pas étonnés si l’Église, pour nous préparer à cette faveur, dans la fête de Pâques, veut que nous traversions auparavant une épreuve de quarante jours, mais beaucoup moins rigoureuse que celle qui fut pour Moise et Elie la condition de la grâce que Jéhovah daigna leur faire.

ÉVANGILE.

Le Sauveur dénonce à Israël les châtiments qui l’attendent pour son aveuglement volontaire et pour la dureté de son cœur. Israël veut des prodiges pour croire ; il en est entouré, et il ne les voit pas. Tels sont les hommes de nos jours. Pour reconnaître le christianisme comme divin, il leur faudrait des preuves ; et cependant l’histoire est ouverte devant eux. Les événements présents rendent aussi leur témoignage ; mais rien ne les réveille. Ils s’en tiennent à leurs systèmes toujours déçus, et ils n’arriveront à comprendre que l’Église catholique est le fondement de la société, qu’au jour où la société qu’ils ont isolée eux-mêmes de l’Église s’écroulera dans l’abîme creusé par leurs mains. « Génération perverse et adultère », dit le Seigneur, contre laquelle s’élèveront les peuples infidèles qui n’ont point connu les institutions chrétiennes, et qui les eussent peut-être aimées et conservées. Craignons le sort des Juifs, auxquels le siège de Jérusalem, sa ruine même, ne purent ouvrir les yeux, et qui restent encore fidèles aux illusions de leur orgueil après un esclavage de dix-huit siècles. Au milieu des périls de la société, que les enfants de l’Église comprennent aussi leur responsabilité. Qu’ils se demandent pourquoi les sages du monde, les politiques de ce monde, ont cessé de compter avec eux ? Pourquoi, aujourd’hui encore, ces hommes ont tant de peine à apercevoir quelque part l’élément catholique ? C’est que les catholiques avaient délaissé l’Église et ses saintes pratiques. Chaque jour, une solitude plus grande se faisait remarquer dans nos Églises, les sacrements n’étaient plus fréquentés, le Carême n’était plus qu’un mot sur le calendrier.

Revenons non seulement à la foi de nos pères, mais à l’observation des lois chrétiennes : c’est alors que le Seigneur aura pitié de son peuple infidèle, à cause des justes qui seront dans son sein. L’apostolat de l’exemple produira ses fruits ; et si un faible faisceau de fidèles fut pour les peuples de l’empire romain ce levain dont parle le Sauveur, qui fait fermenter toute la pâte : au milieu d’une société qui conserve encore plus d’éléments catholiques qu’elle ne le pense, notre zèle à confesser et à pratiquer les devoirs de la milice chrétienne ne demeurera point sans résultat.

 

 

 

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Saint Thomas d’Aquin confesseur et docteur

7 Mars 2022 , Rédigé par Ludovicus

Saint Thomas d’Aquin confesseur et docteur

Collecte

O Dieu, qui éclairez votre Église par la science admirable du bienheureux Thomas, votre Confesseur, et qui la rendez féconde en œuvres de sainteté, faites-nous la grâce d’avoir l’intelligence de ce qu’il a enseigné, et d’accomplir à son exemple ce qu’il a pratiqué.

Lecture Sg 7, 7-14.

J’ai demandé l’intelligence et elle me fut donnée. J’ai prié, et l’Esprit de Sagesse est venu en moi. Je l’ai préférée à la puissance et aux dignités. J’ai estimé qu’auprès d’elle les richesses n’étaient rien et que les pierres précieuses étaient sans valeur ; oui, tout l’or du monde n’était qu’un peu de sable, et l’argent ne valait pas plus que la boue. Je l’ai aimée plus que la santé et la beauté. J’ai choisi sa lumière pour me guider, car sa flamme ne s’éteint jamais. Avec elle me sont venus tous les biens ; de ses mains, j’ai reçu d’innombrables richesses ; et, avec tous ces biens, la joie qu’elle apporte, car la Sagesse marchait devant moi, et j’ignorais qu’elle en était la mère. Je l’ai apprise avec désintéressement, je ne la garde pas jalousement pour moi, et je ne cache pas aux autres ses trésors. Car elle est pour les hommes une richesse inépuisable. Ceux qui viennent y puiser acquièrent ces dons de la science qui leur ouvrent l’amitié de Dieu.

Évangile Mt. 5, 13-19

En ce temps-là, Jésus dit à ses disciples : Vous êtes le sel de la terre. Mais si le sel s’affadit, avec quoi le salera-t-on ? Il n’est plus bon qu’à être jeté dehors, et foulé aux pieds par les hommes. Vous êtes la lumière du monde. Une ville située sur une montagne ne peut être cachée ; et on n’allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau, mais on la met sur le candélabre, afin qu’elle éclaire tous ceux qui sont dans la maison.Que votre lumière luise ainsi devant les hommes, afin qu’ils voient vos bonnes œuvres, et qu’ils glorifient votre Père qui est dans les cieux. Ne pensez pas que je sois venu abolir la loi ou les prophètes ; je ne suis pas venu les abolir, mais les accomplir. Car, en vérité, je vous le dis, jusqu’à ce que passent le ciel et la terre, un seul iota ou un seul trait ne disparaîtra pas de la loi, que tout ne soit accompli. Celui donc qui violera l’un de ces plus petits commandements, et qui enseignera les hommes à le faire, sera appelé le plus petit dans le royaume des deux ; mais celui qui fera et enseignera, celui-là sera appelé grand dans le royaume des cieux.

Office

Quatrième leçon. Le bienheureux Thomas, l’insigne ornement du monde chrétien et la lumière de l’Église, était fils de Landulphe, comte d’Aquin, et de Théodora de Naples, tous deux de noble extraction. Petit enfant, il donna une marque de la tendre dévotion qu’il devait avoir pour la Mère de Dieu. Ayant trouvé un papier sur lequel était écrite la salutation angélique, il le retint serré dans sa main, malgré les efforts de sa nourrice pour le lui enlever ; et quand sa mère le lui eut ravi de force, il le réclama par ses pleurs et par ses gestes, et l’avala sitôt qu’il lui eut été rendu. A l’âge de cinq ans, on le conduisit au Mont-Cassin et on le confia aux moines de saint Benoît. De là, il fut envoyé à Naples, pour y achever ses études, et il n’était encore qu’adolescent lorsqu’il s’engagea dans l’Ordre des Frères Prêcheurs. Sa mère et ses frères en conçurent une vive indignation : ceux-ci s’emparèrent de lui, comme il se rendait à Paris, et l’enfermèrent au château de Saint-Jean. Là, on n’omit aucune vexation pour le faire renoncer à sa sainte résolution ; on alla jusqu’à introduire auprès de Thomas une courtisane, mais il la chassa avec un tison ardent. Aussitôt après, le bienheureux jeune homme, priant à genoux devant l’image de la croix, entra dans un doux sommeil, pendant lequel il lui sembla que les Anges lui ceignaient les reins. Depuis ce moment il fut exempt des révoltes de la chair. Il persuada à ses sœurs, venues dans ce château pour le détourner de son pieux dessein, de mépriser les embarras du siècle et de se consacrer aux exercices d’une vie toute céleste.

Cinquième leçon. On l’aida à s’échapper du château par une fenêtre, et on le ramena à Naples. Ce fut de là que frère Jean le Teutonique, Maître général de l’Ordre des Frères Prêcheurs, le conduisit à Rome, puis à Paris, où il étudia la philosophie et la théologie sous Albert le Grand. Ayant atteint sa vingt-cinquième année, il reçut le titre de Maître, et il expliqua publiquement avec le plus grand succès, les écrits des philosophes et des théologiens. Jamais il ne se livra à l’étude ou à la composition, sans avoir prié auparavant. Lorsque certains passages de la sainte Écriture lui offraient des difficultés, il ajoutait le jeûne à l’oraison. Il avait même coutume de dire à frère Reginald, son compagnon, que ce qu’il savait, il l’avait plutôt appris par inspiration divine qu’il ne l’avait acquis par l’étude et par son travail. Un jour qu’il priait avec ardeur, à Naples, devant l’image de Jésus crucifié, il entendit cette parole : « Tu as bien écrit de moi, Thomas, quelle récompense désires-tu ? » Il répondit : « Point d’autre, Seigneur, que vous-même ». Il lisait assidûment les recueils des Pères, et il n’y avait point d’auteur qu’il n’eût approfondi avec soin. Ses ouvrages, remarquables par leur multitude et leur variété, sont si excellents, les difficultés y sont si bien éclaircies, que sa doctrine féconde, exempte de toute erreur et admirablement d’accord avec les vérités révélées, est plus efficace que toute autre pour combattre victorieusement les erreurs de tous les temps.

Sixième leçon. Appelé à Rome par le souverain Pontife Urbain IV, Thomas composa, sur son ordre, l’Office ecclésiastique qui devait se célébrer dans la solennité du corps du Christ. Mais il refusa les honneurs qu’on lui offrit et même l’archevêché de Naples que lui proposa Clément IV. Il ne cessait d’annoncer la parole de Dieu : un jour dans l’Octave de Pâques, après un de ses sermons à la basilique de Saint-Pierre, une femme toucha le bord de sa robe, et fut ainsi guérie d’un flux de sang. Envoyé par le bienheureux Grégoire X au concile de Lyon, il tomba malade au monastère de Fosse-Neuve ; c’est là qu’il a commenté, au milieu de ses souffrances, le Cantique des cantiques. Il mourut en ce lieu, dans la cinquantième année de son âge, l’an du salut mil deux cent soixante-quatorze, le jour des nones de mars. Des miracles le rendirent encore illustre après sa mort, et quand ils eurent été examinés et prouvés, Jean XXII le mit au nombre des Saints en l’année mil trois cent vingt-trois. Plus tard son corps fut transporté à Toulouse par ordre du Pape Urbain V. Comparé aux esprits angéliques, tant à cause de son innocence que de son génie, Thomas a obtenu à juste titre le nom de Docteur angélique, qui lui a été confirmé par l’autorité de saint Pie V. Enfin, pour répondre favorablement aux suppliques et aux vœux de presque tous les Prélats du monde catholique, pour combattre surtout la contagion de tant de systèmes philosophiques éloignés de la vérité, pour l’accroissement des sciences et l’utilité commune du genre humain, Léon XIII, après avoir consulté la Congrégation des Rites sacrés, l’a déclaré et institué, par lettres apostoliques, le céleste patron de toutes les écoles catholiques.

 Saluons aujourd’hui l’un des plus sublimes et des plus lumineux interprètes de la Vérité divine. L’Église l’a produit bien des siècles après l’âge des Apôtres, longtemps après que la parole des Ambroise, des Augustin, des Jérôme et des Grégoire, avait cessé de retentir ; mais Thomas a prouvé que le sein de la Mère commune était toujours fécond ; et celle-ci, dans sa joie de l’avoir mis au jour, l’a nommé le Docteur Angélique. C’est donc parmi les chœurs des Anges que nos yeux doivent chercher Thomas ; homme par nature, sa noble et pure intelligence l’associe aux Chérubins du ciel ; de même que la tendresse ineffable de Bonaventure, son émule et son ami, a introduit ce merveilleux disciple de François dans les rangs des Séraphins. La gloire de Thomas d’Aquin est celle de l’humanité, dont il est un des plus grands génies ; celle de l’Église, dont ses écrits ont exposé la doctrine avec une lucidité et une précision qu’aucun Docteur n’avait encore atteintes ; celle du Christ lui-même, qui daigna de sa bouche divine féliciter cet homme si profond et si simple d’avoir expliqué dignement ses mystères aux hommes. En ces jours qui doivent nous ramener à Dieu, le plus grand besoin de nos âmes est de le connaître, comme notre plus grand malheur a été de ne l’avoir pas assez connu. Demandons à saint Thomas « cette lumière sans tache qui convertit les âmes, cette doctrine qui donne la sagesse même aux enfants, qui réjouit le cœur et éclaire les yeux ». Nous verrons alors la vanité de tout ce qui est hors de Dieu, la justice de ses préceptes, la malice de nos infractions, la bonté infinie qui accueillera notre repentir.

La Liturgie Dominicaine a consacré les trois Hymnes suivantes au grand Docteur qui est une des premières gloires de l’Ordre des Frères-Prêcheurs :

HYMNE.

Que l’assemblée des fidèles se livre à l’allégresse ; qu’elle fasse entendre un chant de louange ; qu’elle célèbre le nouveau soleil dont les rayons dissipent les nuages de l’erreur. Thomas, sur le soir du monde, a répandu des trésors de grâce ; rempli des dons célestes, la sainteté et la sagesse ont éclaté en lui. Source de lumière, il nous fait connaître les splendeurs du Verbe, les Écritures que Dieu même a dictées, et les règles de la Vérité. Ceint de l’auréole de la doctrine, il brille par la pureté de sa vie ; la gloire des miracles l’environne ; il est la joie du monde entier. Louange au Père, au Fils et au Saint-Esprit ; daigne la Trinité Sainte, par les mérites de Thomas, nous réunir aux chœurs, célestes ! Amen.

HYMNE.

Thomas, issu de noble race, embrasse en un âge encore tendre la milice des Prêcheurs. Semblable à l’astre du matin, il resplendit du sein des nues ; il réfute les erreurs des Gentils plus pleinement que ne l’avaient fait avant lui les docteurs. Il sonde la profondeur des abîmes, il met au jour les choses les plus cachées ; il éclaircit les saintes obscurités qui dépassent l’intelligence de l’homme. Il est un fleuve de Paradis qui s’épanche en quatre rameaux ; il possède l’armure complète de Gédéon : le glaive, la trompette, le vase et le flambeau. Louange au Père, au Fils et au Saint-Esprit ; daigne la Trinité Sainte, par les mérites de Thomas, nous réunir aux chœurs célestes ! Amen.

HYMNE.

Célèbre, ô Église Mère, l’heureuse mort de Thomas, lorsqu’il fut admis à l’éternel bonheur par les mérites du Verbe de vie. Fosse-Neuve reçut la dépouille mortelle de celui qui était un trésor de grâces, au jour où le Christ appela Thomas à l’héritage du royaume de gloire. Sa doctrine de vérité nous reste avec son corps précieux, le parfum merveilleux qu’il exhale, et la santé qu’il rend aux infirmes. Ses prodiges le rendent digne des louanges de la terre, des mens et des cieux ; qu’il daigne nous aider par ses prières, nous recommander à Dieu par ses mérites. Louange au Père, au Fils et au Saint-Esprit ; daigne la Trinité Sainte, par les mérites de Thomas, nous réunir aux chœurs célestes ! Amen.

Gloire à vous, Thomas, lumière du monde ! vous avez reçu les rayons du Soleil de justice, et vous les avez rendus à la terre. Votre œil limpide a contemplé la vérité, et en vous s’est accomplie cette parole : Heureux ceux dont le cœur est pur ; car ils verront Dieu. Vainqueur dans la lutte contre la chair, vous avez obtenu les délices de l’esprit ; et le Sauveur, ravi des charmes de votre âme angélique, vous a choisi pour célébrer dans l’Église le divin Sacrement de son amour. La science n’a point tari en vous la source de l’humilité ; la prière fut toujours votre secours dans la recherche de la vérité ; et après tant de travaux vous n’aspiriez qu’à une seule récompense, celle de posséder le Dieu que votre cœur aimait.

Votre carrière mortelle fut promptement interrompue, et vous laissâtes inachevé le chef-d’œuvre de votre angélique doctrine ; mais, ô Thomas, Docteur de vérité, vous pouvez luire encore sur l’Église de Dieu. Assistez-la dans les combats contre l’erreur. Elle aime à s’appuyer sur vos enseignements, parce qu’elle sait que nul ne connut plus intimement que vous les secrets de son Époux. En ces jours où les vérités sont diminuées parmi les enfants des hommes, fortifiez, éclairez la foi des croyants. Confondez l’audace de ces vains esprits qui croient savoir quelque chose, et qui profitent de l’affaissement général des intelligences, pour usurper dans la nullité de leur savoir le rôle de docteurs. Les ténèbres s’épaississent autour de nous ; la confusion règne partout ; ramenez-nous à ces notions qui dans leur divine simplicité sont la vie de l’esprit et la joie du cœur.

Protégez l’Ordre illustre qui se glorifie de vous avoir produit ; fécondez-le de plus en plus ; car il est un des premiers auxiliaires de l’Église de Dieu. N’oubliez pas que la France a eu l’honneur de vous posséder dans son sein, et que votre chaire s’est élevée dans sa capitale : obtenez pour elle des jours meilleurs. Sauvez-la de l’anarchie des doctrines, qui a enfanté pour elle cette désolante situation où elle périra, si la véritable science, celle de Dieu et de sa Vérité, ne lui est rendue.

La sainte Quarantaine doit voir les enfants de l’Église se disposer à rentrer en grâce avec le Seigneur leur Dieu ; révélez-nous, ô Thomas, cette souveraine Sainteté que nos péchés ont offensée ; faites-nous comprendre l’état d’une âme qui n’est plus en rapport avec la justice éternelle. Saisis d’une sainte horreur à la vue des taches qui nous couvrent, nous aspirerons à purifier nos cœurs dans le sang de l’Agneau immaculé, et à réparer nos fautes par les œuvres de la pénitence.

 

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Ier Dimanche de Carême

6 Mars 2022 , Rédigé par Ludovicus

Ier Dimanche de Carême

Introït

Il m’invoquera et je l’exaucerai ; je le sauverai et je le glorifierai, je le comblerai de jours. Celui qui habite sous l’assistance du Très-Haut demeurera sous la protection du Dieu du ciel.

Collecte

Ô Dieu, qui purifiez chaque année votre Église par l’observation du Carême, faites que votre famille poursuive par ses bonnes œuvres le bien qu’elle s’efforce d’obtenir au moyen de l’abstinence.

Épitre 2 Cor. 6, 1-10

Mes Frères : nous vous exhortons à ne pas recevoir la grâce de Dieu en vain. Car il dit : "Au temps favorable, je t’ai exaucé, au jour du salut je t’ai porté secours." Voici maintenant le temps favorable, voici le jour du salut. Nous ne donnons aucun sujet de scandale en quoi que ce soit, afin que notre ministère ne soit pas un objet de blâme. Mais nous nous rendons recommandables de toutes choses, comme des ministres de Dieu, par une grande constance, dans les tribulations, dans les nécessités, dans les détresses, sous les coups, dans les prisons, au travers des émeutes, dans les travaux, les veilles, les jeûnes ; par la pureté, par la science, par la longanimité, par la bonté, par l’Esprit-Saint, par une charité sincère, par la parole de vérité, par la puissance de Dieu, par les armes offensives et défensives de la justice ; parmi l’honneur et l’ignominie, parmi la mauvaise et la bonne réputation ; traités d’imposteurs, et pourtant véridiques ; d’inconnus, et pourtant bien connus ; regardés comme mourants, et voici que nous vivons ; comme châtiés, et nous ne sommes pas mis à mort ; comme attristés, nous qui sommes toujours joyeux ; comme pauvres, nous qui en enrichissons un grand nombre ; comme n’ayant rien, nous qui possédons tout.

Évangile Mt. 4, 1-11

En ce temps-là : Jésus fut conduit par l’Esprit dans le désert pour être tenté par le diable. Après avoir jeûné quarante jours et quarante nuits, il eut faim.

Et le tentateur, s’approchant, lui dit : "Si vous êtes fils de Dieu, dites que ces pierres deviennent des pains."

Il lui répondit : "Il est écrit : L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu." Dt 8, 3

Alors le diable l’emmena dans la ville sainte, et, l’ayant posé sur le pinacle du temple, il lui dit : "Si vous êtes fils de Dieu, jetez-vous en bas ; car il est écrit : Il donnera pour vous des ordres à ses anges, et ils vous prendront sur leurs mains, de peur que votre pied ne heurte contre une pierre." Ps 90, 11-12

Jésus lui dit : "Il est écrit aussi : Tu ne tenteras point le Seigneur, ton Dieu.Dt 6, 16

Le diable, de nouveau, l’emmena sur une montagne très élevée, et lui montrant tous les royaumes du monde, avec leur gloire, il lui dit : "Je vous donnerai tout cela, si, tombant à mes pieds, vous vous prosternez devant moi".

Alors Jésus lui dit : "Retire-toi, Satan ; car il est écrit : Tu adoreras le Seigneur, ton Dieu, et tu ne serviras que lui seul." Dt, 6, 13

Alors le diable le laissa, et voilà que des anges s’approchèrent pour le servir.

Secrète

Nous vous immolons solennellement, Seigneur, ce sacrifice, au début de la sainte Quarantaine en vous demandant instamment de nous accorder qu’en restreignant les repas et l’usage de la viande, nous supprimions de même aussi les plaisirs nuisibles.

Communion

Le Seigneur te mettra à l’ombre sous ses épaules et sous ses ailes tu seras plein d’espoir. Sa vérité t’environnera comme un bouclier.

Postcommunion

Que la nourriture sainte offerte et reçue en votre sacrement nous fortifie, Seigneur, et qu’elle nous fasse parvenir, purifiés des anciennes souillures, à la plus étroite participation au mystère de notre salut.

2e Nocturne

4e leçon

Sermon de saint Léon, pape

Pour vous prêcher, frères très aimés, le jeûne le plus sacré et le plus solennel, pourrais-je trouver exorde mieux adapté que les mots de l’Apôtre en qui le Christ lui-même parlait ? Je commence donc par vous redire ce qui vient d’être lu : « C’est maintenant le temps vraiment favorable, c’est maintenant le jour du salut. » Sans doute, il n’est aucun temps qui ne soit plein des dons divins et toujours par sa propre grâce nous est offert l’accès à la miséricorde de Dieu ; maintenant cependant il convient que tous les esprits portés avec plus d’ardeur au progrès spirituel soient animés d’une confiance plus assurée, alors que le retour du jour de notre Rédemption nous invite à tous les devoirs de la miséricorde. Ainsi, le corps et l’âme purifiés, nous célébrerons le mystère, qui l’emporte sur tous les autres, de la Passion du Seigneur.

5e leçon

De tels mystères certes exigeraient une dévotion sans défaillance et une révérence sans relâche en sorte que nous demeurions sous le regard de Dieu, tels qu’il convient de nous trouver en la fête même de Pâques. Mais cette force d’âme n’est l’apanage que d’un petit nombre ! Une observance plus austère se relâche par suite de la fragilité de la chair, tandis que le zèle se détend sous l’effet des activités diverses de cette vie, il est inévitable que les cœurs même religieux se ternissent de la poussière du monde. Aussi la Providence divine a-t-elle ménagé une institution salutaire afin qu’un entraînement de quarante jours nous procure un remède pour restaurer la pureté de nos âmes. Pendant ces jours, les fautes des autres temps sont rachetées par les œuvres de miséricorde et consumées par des jeûnes rigoureux.

6e leçon

Nous allons donc, mes chers frères, aborder ces jours mystiques et consacrés à la purification des âmes ainsi qu’aux jeûnes salutaires. Veillons à observer les préceptes de l’Apôtre, « purifions-nous de toute souillure de la chair et de l’esprit. » Alors, après répression des conflits qui opposent l’un à l’autre ces deux éléments, l’âme qui, placée sous la conduite de Dieu, doit à son tour diriger le corps, obtiendra la dignité de son empire. Désormais, nous ne donnerons à personne aucune occasion de chute, pour que nous ne soyons plus exposés aux reproches des contradicteurs. En effet, c’est à bon droit que les infidèles nous adresseront des critiques et c’est dans nos vices mêmes que les langues impies trouveront des armes pour nuire à la religion si la manière de vivre de ceux qui jeûnent est en désaccord avec la pureté d’une parfaite abstinence. Ce n’est pas en effet dans la seule abstention de nourriture que réside le tout de notre jeûne et il n’y a aucun profit à soustraire la nourriture au corps si l’âme ne se détourne de l’injustice.

3e Nocturne

7e leçon

Homélie de saint Grégoire, pape

Plus loin il est dit : « Le diable l’emmène dans la Ville Sainte » ; et encore, « Il l’emmène sur une montagne très haute. » Ceci porte habituellement certains à se demander par quel esprit Jésus fut conduit au désert. Mais nous devons croire comme assuré, et hors de question, qu’il fut conduit au désert par le Saint-Esprit. Ainsi son Esprit l’a conduit là où l’esprit malin le trouvera pour le mettre à l’épreuve. Mais, quand il est dit que l’Homme-Dieu fut emmené par le diable sur une haute montagne ou dans la Ville Sainte, voilà que l’âme se refuse à le croire ; les oreilles humaines ont horreur de l’entendre. Or, si nous réfléchissons à d’autres faits le concernant, nous verrons que ceux-ci ne sont pas incroyables.

8e leçon

Il n’y a pas de doute. Le diable est la tête de tous les méchants. Et tous les méchants sont les membres de cette tête. Ou bien Pilate, ne fut-il pas membre du diable ? Ou bien ne furent-ils pas membres du diable les Juifs qui ont fait condamner le Christ, et les soldats qui l’ont crucifié ? Alors, pourquoi s’étonner s’il se laisse emmener sur la montagne par celui dont les membres ont pu le crucifier ? Il n’est donc pas indigne de notre Rédempteur d’avoir voulu être tenté, lui qui était venu se faire tuer. Il était même juste qu’ainsi, par ses tentations, il surmontât nos tentations, tout comme il était venu par sa mort vaincre notre mort.

9e leçon

Cependant il nous faut savoir que la tentation comporte trois moments : la suggestion, la complaisance, et le consentement. Nous, quand nous sommes tentés nous glissons le plus souvent dans la complaisance, ou même dans le consentement, parce que, engendrés du péché charnel, nous portons aussi en nous-mêmes la source de la lutte subie. Mais Dieu, incarné dans un sein virginal était venu sans aucun péché dans le monde ; il n’admettait en lui aucune opposition. Il a donc pu être tenté par suggestion. Mais la complaisance du péché n’a pas mordu son âme. Ainsi donc, toute cette tentation diabolique fut au-dehors, nullement au-dedans.

Ce dimanche, le premier de ceux qui se rencontrent dans la sainte Quarantaine, est aussi l’un des plus solennels de Tannée. Son privilège, qu’il partage avec le Dimanche de la Passion et celui des Rameaux, est de ne cédera aucune fête, pas même à celle du Patron, du Saint titulaire de l’Église, ou de la Dédicace. Sur les anciens Calendriers, il est appelé Invocabit, à cause du premier mot de l’Introït de la Messe. Au moyen âge on le nommait le Dimanche des brandons, par suite d’un usage dont le motif ne semble pas avoir été toujours ni partout le même ; en certains lieux, les jeunes gens qui s’étaient trop laissé aller aux dissipations du carnaval devaient se présenter ce jour-là à l’église, une torche à la main, pour faire satisfaction publique de leurs excès.

C’est aujourd’hui que le Carême apparaît dans toute sa solennité. On sait que les quatre jours qui précèdent ont été ajoutés assez tardivement, pour former le nombre de quarante jours de jeûne, et que, le Mercredi des Cendres, les fidèles n’ont pas l’obligation d’entendre la Messe. La sainte Église, voyant ses enfants rassemblés, leur adresse la parole, à l’Office des Matines, en se servant de l’éloquent et majestueux langage de saint Léon le Grand :

« Très chers fils, leur dit-elle, ayant à vous annoncer le jeûne sacré et solennel du Carême, puis-je mieux commencer mon discours qu’en empruntant les paroles de l’Apôtre en qui Jésus-Christ parlait, et en répétant ce qu’on vient de vous lire : Voici maintenant le temps favorable ; voici maintenant les jours du salut ? Car encore qu’il n’y ait point de temps dans l’année qui ne soient signalés par les bienfaits de Dieu, et que, par sa grâce, nous ayons toujours accès auprès de sa miséricorde ; néanmoins nous devons en ce saint temps travailler avec plus de zèle à notre avancement spirituel et nous animer d’une nouvelle confiance. En effet, le Carême, nous ramenant le jour sacré dans lequel nous fûmes rachetés, nous invite à pratiquer tous les devoirs de la piété, afin de nous disposer, par la purification de nos corps et de nos âmes, à célébrer les mystères sublimes de la Passion du Seigneur.

« Il est vrai qu’un tel mystère mériterait de notre part un respect et une dévotion sans bornes, et que nous devrions toujours être devant Dieu tels que nous voulons être dans la fête de Pâques ; mais comme cette constance n’est pas le fait du grand nombre ; que la faiblesse de la chair nous oblige à relâcher l’austérité du jeûne. et que les diverses occupations de cette vie divisent et partagent nos sollicitudes : il arrive que les cœurs religieux sont sujets à contracter quelque peu de la poussière de ce monde. C’est donc avec une grande utilité pour nous qu’a été établie cette institution divine qui nous donne quarante jours pour recouvrer la pureté de nos âmes, en rachetant par la sainteté de nos œuvres et par le mérite de nos jeûnes les fautes des autres temps de l’année.

« A notre entrée, mes très chers fils, en ces jours mystérieux qui ont été saintement institués pour la purification de nos âmes et de nos corps, ayons soin d’obéir au commandement de l’Apôtre, en nous affranchissant de tout ce qui peut souiller la chair et l’esprit, afin que le jeûne réprimant cette lutte qui existe entre les deux parties de nous-mêmes, l’âme recouvre la dignité de son empire, étant elle-même soumise à Dieu et se laissant gouverner par lui. Ne donnons à personne l’occasion de se plaindre de nous ; ne nous exposons point au juste blâme de ceux qui veulent trouver à redire. Car les infidèles auraient sujet de nous condamner, et nous armerions nous-mêmes, par notre faute, leurs langues impies contre la religion, si la pureté de notre vie ne répondait pas à la sainteté du jeûne que nous avons embrassé. Il ne faut donc pas s’imaginer que toute la perfection de notre jeûne consiste dans la seule abstinence des mets ; car ce serait en vain que l’on retrancherait au corps une partie de sa nourriture, si en même temps on n’éloignait pas son âme de l’iniquité. »

Chacun des Dimanches de Carême offre pour objet principal une lecture des saints Évangiles destinée à initier les fidèles aux sentiments que l’Église veut leur inspirer dans la journée. Aujourd’hui, elle nous donne à méditer la tentation de Jésus-Christ au désert. Rien de plus propre à nous éclairer et à nous fortifier que l’important récit qui nous est mis sous les yeux.

Nous confessons que nous sommes pécheurs, nous sommes en voie d’expier les pèches que nous avons commis ; mais comment sommes-nous tombés dans le mal ? Le démon nous a tentés ; nous n’avons pas repoussé la tentation. Bientôt nous avons cédé à la suggestion de notre adversaire, et le mal a été commis. Telle est notre histoire dans le passé, et telle elle serait dans l’avenir, si nous ne profitions pas de la leçon que nous donne aujourd’hui le Rédempteur.

Ce n’est pas sans raison que l’Apôtre, nous exposant l’ineffable miséricorde de ce divin consolateur des hommes, qui a daigné s’assimiler en toutes choses à ses frères, insiste sur les tentations qu’il a daigné souffrir. Cette marque d’un dévouement sans bornes ne nous a pas manqué ; et nous contemplons aujourd’hui l’adorable patience du Saint des Saints, qui ne répugne pas à laisser approcher de lui ce hideux ennemi de tout bien, afin de nous apprendre comment il en faut triompher.

Satan a vu avec inquiétude la sainteté incomparable qui brille en Jésus. Les merveilles qui accompagnèrent sa naissance, ces bergers convoqués par des Anges à la crèche, ces mages venus de l’Orient sous la conduite d’une étoile ; cette protection qui a soustrait l’enfant à la fureur d’Hérode ; le témoignage qu’a rendu Jean-Baptiste au nouveau prophète : tout cet ensemble de faits qui contrastent si étrangement avec l’humilité et l’obscurité qui ont semblé couvrir d’une apparence vulgaire les trente premières années du Nazaréen, excite les craintes du serpent infernal. L’ineffable mystère de l’incarnation s’est accompli loin de ses regards sacrilèges ; il ignore que Marie toujours vierge est celle que la prophétie d’Isaïe annonçait comme devant enfanter l’Emmanuel ; mais il sait que les temps sont venus, que la dernière semaine de Daniel a ouvert son cours, que le monde païen lui-même attend de la Judée un libérateur. Dans son anxiété, il ose aborder Jésus, espérant tirer de sa bouche quelque parole dont il pourra conclure qu’il est ou qu’il n’est pas le Fils de Dieu, ou du moins l’induire à quelque faiblesse qui fera voir que l’objet de tant de terreurs pour lui n’est qu’un homme mortel et pécheur.

L’ennemi de Dieu et des hommes devait être déçu dans son attente. Il approche du Rédempteur ; mais tous ses efforts ne tournent qu’à sa confusion. Avec la simplicité et la majesté du juste, Jésus repousse toutes les attaques de Satan ; mais il ne révèle pas sa céleste origine. L’ange pervers se retire sans avoir pu reconnaître autre chose en Jésus qu’un prophète fidèle au Seigneur. Bientôt, lorsqu’il verra les mépris, les calomnies, les persécutions s’accumuler sur la tête du Fils de l’homme, quand ses efforts pour le perdre sembleront réussir si aisément, il s’aveuglera de plus en plus dans son orgueil ; et ce n’est qu’au moment où Jésus, rassasié d’opprobres et de souffrances, expirera sur la Croix, qu’il sentira enfin que sa victime n’est pas un homme, mais un Dieu, et que toutes les fureurs qu’il a conjurées contre le Juste n’ont servi qu’à manifester le dernier effort de la miséricorde qui sauve le genre humain, et de la justice qui brise à jamais la puissance de l’enfer.

Tel est le plan de la Providence divine, en permettant que l’esprit du mal ose souiller de sa présence la retraite de l’Homme-Dieu, lui adresser la parole et porter sur lui ses mains impies ; mais étudions les circonstances de cette triple tentation que Jésus ne subit que pour nous instruire et nous encourager.

Nous avons trois sortes d’ennemis à combattre, et notre âme est vulnérable par trois côtés ; car, comme parle le bien-aimé Disciple : « Tout ce qui est dans le monde est concupiscence de la chair, concupiscence des yeux et orgueil de la vie. » Par la concupiscence de la chair, il faut entendre l’amour des sens qui convoite tout ce qui flatte la chair, et entraîne l’âme, s’il n’est pas contenu, dans les voluptés illicites. La concupiscence des yeux signifie l’amour des biens de ce monde, des richesses, de la fortune, qui brillent à nos regards avant de séduire notre cœur. Enfin l’orgueil de la vie est cette confiance en nous-mêmes qui nous rend vains et présomptueux, et nous fait oublier que nous tenons de Dieu la vie et les dons qu’il a daigné répandre sur nous.

Il n’est pas un seul de nos péchés qui ne provienne de l’une de ces trois sources, pas une de nos tentations qui n’ait pour but de nous faire accepter la concupiscence de la chair, ou la concupiscence des yeux, ou l’orgueil de la vie. Le Sauveur, notre modèle en toutes choses, devait donc s’assujettir à ces trois épreuves.

Satan le tente d’abord dans la chair, en lui suggérant la pensée d’employer son pouvoir surnaturel à soulager sans délai la faim qui le presse. Dites que ces pierres deviennent des pains : tel est le conseil que le démon adresse au Fils de Dieu. Il veut voir si l’empressement de Jésus à donner satisfaction à son corps ne dénotera pas un homme faible et sujet à la convoitise. Lorsqu’il s’adresse à nous, tristes héritiers de la concupiscence d’Adam, ses suggestions vont plus avant : il aspire à souiller l’âme par le corps ; mais la souveraine sainteté du Verbe incarné ne pouvait permettre que Satan osât faire un tel essai du pouvoir qu’il a reçu de tenter l’homme dans ses sens. C’est donc une leçon de tempérance que nous donne le Fils de Dieu ; mais nous savons que pour nous la tempérance est mère de la pureté, et que l’intempérance soulève la révolte des sens.

La seconde tentation est celle de l’orgueil. Jetez-vous en bas ; les Anges vous recevront dans leurs mains. L’ennemi veut voir si les faveurs du ciel ont produit dans l’âme de Jésus cet élèvement, cette ingrate confiance qui fait que la créature s’attribue à elle-même les dons de Dieu, et oublie son bienfaiteur pour régner en sa place. Il est déçu encore, et l’humilité du Rédempteur épouvante l’orgueil de l’ange rebelle.

Il fait alors un dernier effort. Peut-être, pense-t-il, l’ambition de la richesse séduira celui qui s’est montré si tempérant et si humble. Voici tous les royaumes du monde dans leur éclat et leur gloire ; je puis vous les livrer ; seulement, adorez-moi. Jésus repousse cette offre méprisable avec dédain, et chasse de sa présence le séducteur maudit, le prince du monde, nous apprenant par cet exemple à dédaigner les richesses de la terre toutes les fois que, pour les conserver ou les acquérir, il faudrait violer la loi de Dieu et rendre hommage à Satan. Or, comment le Rédempteur, notre divin chef, repousse-t-il la tentation ? Écoute-t-il les discours de son ennemi ? Lui laisse-t-il le temps de faire briller à ses yeux tous ses prestiges ? C’est ainsi que trop souvent nous avons fait nous-mêmes, et nous avons été vaincus. Jésus se contente d’opposer à l’ennemi le bouclier de l’inflexible Loi de Dieu. Il est écrit, lui dit-il : L’homme ne vit pas seulement de pain. Il est écrit : Vous ne tenterez point le Seigneur votre Dieu. Il est écrit : Vous adorerez le Seigneur votre Dieu, et vous ne servirez que lui seul. Suivons désormais cette grande leçon. Ève se perdit, et avec elle le genre humain, pour avoir lié entretien avec le serpent. Qui ménage la tentation y succombera. Dans ces saints jours, le cœur est plus attentif, les occasions sont éloignées, les habitudes sont interrompues ; purifiées par le jeûne, la prière et l’aumône, nos âmes ressusciteront avec Jésus-Christ ; mais conserveront-elles cette nouvelle vie ? Tout dépendra de notre attitude dans les tentations. Dès le début de la sainte Quarantaine, l’Église, en mettant sous nos yeux le récit du saint Évangile, veut joindre l’exemple au précepte. Si nous sommes attentifs et fidèles, la leçon fructifiera en nous ; et lorsque nous aurons atteint la fête de Pâques, la vigilance, la défiance de nous-mêmes, la prière, avec le secours divin qui ne manque jamais, assureront notre persévérance.

 

 

 

 

 

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