Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Regnum Galliae Regnum Mariae

Saint André apôtre

30 Novembre 2018 , Rédigé par Ludovicus

Saint André apôtre

Collecte

Seigneur, nous demandons avec supplication à votre majesté, que, de même que votre Église a eu pour l’enseigner et la gouverner votre bienheureux Apôtre André, nous l’ayons comme perpétuel intercesseur auprès de vous.

AU PREMIER NOCTURNE.
De l’Épître de l’Apôtre saint Paul aux Romains.
Première leçon. La fin de la loi est le Christ, pour justifier tout croyant. Aussi Moïse a écrit que l’homme qui accomplira la justice qui vient de la loi y trouvera la vie. Mais pour la justice qui vient de la foi, il en parle ainsi : Ne dis point en ton cœur : Qui montera au ciel ? C’est-à-dire pour en faire descendre le Christ : Ou qui descendra dans l’abîme ? C’est-à-dire pour rappeler le Christ d’entre les morts. Mais que dit l’Écriture ? Près de toi est la parole, dans ta bouche et dans ton cœur ; c’est la parole de la foi que nous annonçons. Parce que si tu confesses de bouche le Seigneur Jésus, et si en ton cœur tu crois que Dieu l’a ressuscité d’entre les morts, tu seras sauvé.
Deuxième leçon. Car on croit de cœur pour la justice, et on confesse de bouche pour le salut. En effet, l’Écriture dit : Quiconque croit en lui ne sera point confondu. Attendu qu’il n’y a point de distinction de Juif et de Grec, parce que c’est le même Seigneur de tous, riche pour tous ceux qui l’invoquent. Car quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé. Mais comment invoqueront-ils celui en qui ils n’ont point cru ? Ou comment croiront-ils à celui qu’ils n’ont pas entendu ? Et comment entendront-ils, si personne ne les prêche ? Et comment prêchera-t-on, si on n’est pas envoyé ? Comme il est écrit : Qu’ils sont beaux, les pieds de ceux qui annoncent la paix, qui annoncent le bonheur.
Troisième leçon. Mais tous n’obéissent pas à l’Évangile. C’est pourquoi Isaïe a dit : Seigneur, qui a cru ce qu’il a ouï de nous ? La foi donc vient par l’audition, et l’audition par la parole du Christ. Cependant, je le demande : Est-ce qu’ils n’ont pas entendu ? Certes, leur voix a retenti par toute la terre, et leurs paroles jusqu’aux extrémités de monde. Je demande encore : Est-ce qu’Israël ne l’a point connu ? Moïse, le premier, a dit : Je vous rendrai jaloux d’un peuple qui n’en est pas un ; je vous mettrai en colère contre une nation insensée. Mais Isaïe ne craint pas de dire : J’ai été trouvé par ceux qui ne me cherchaient pas, je me suis montré à ceux qui ne me demandaient pas. Et à Israël, il dit : Tous les jours j’ai tendu les mains à ce peuple incrédule et contredisant.
AU DEUXIÈME NOCTURNE.
Quatrième leçon. L’apôtre André naquit à Bethsaïde, qui est un bourg de Galilée ; il était frère de Pierre et disciple de Jean-Baptiste. Ayant entendu celui-ci dire du Christ : « Voici l’Agneau de Dieu », il suivit Jésus et lui amena son frère. Dans la suite, tandis qu’il péchait avec son frère dans la mer de Galilée, ils furent tous deux appelés, avant les autres Apôtres, par le Seigneur qui, passant sur le rivage, leur dit : « Suivez-moi, je vous ferai devenir pêcheurs d’hommes. » Sans aucun retard, ils laissèrent leurs filets et le suivirent. Après la passion et la résurrection de Jésus-Christ, André alla prêcher la foi chrétienne dans la Scythie d’Europe, cette province lui étant échue en partage ; il parcourut ensuite l’Épire et la Thrace, et, par ses prédications et ses miracles, il convertit à Jésus-Christ une multitude innombrable de personnes. Parvenu à Patras, ville d’Achaïe, où il fit embrasser à beaucoup de monde la vérité de l’Évangile, il s’adressa avec une courageuse liberté au proconsul Égée, qui résistait à la prédication de l’Évangile, reprochant à cet homme, qui voulait qu’on le reconnût comme juge de ses semblables, de se laisser tromper par les démons au point de méconnaître le Christ Dieu, juge de tous les hommes.
Cinquième leçon. Alors Égée, irrité, lui dit : « Cesse de vanter le Christ, que des propos analogues n’ont pu empêcher d’être crucifié par les Juifs. » Comme André continuait néanmoins à prêcher généreusement Jésus-Christ, démontrant qu’il s’était offert lui-même à la croix pour le salut du genre humain, Égée l’interrompit par un discours impie et l’engagea à conserver sa vie en sacrifiant aux dieux. André lui répondit : « Pour moi, il est un Dieu tout-puissant, seul et vrai Dieu, auquel je sacrifie tous les jours sur l’autel, non les chairs des taureaux ni le sang des boucs, mais l’Agneau sans tache. Quand tout le peuple des croyants a participé à sa chair, l’Agneau qui a été immolé, n’en demeure pas moins entier et plein de vie. » Égée, enflammé de colère, ordonna de jeter l’Apôtre en prison. Le peuple en eût facilement délivré André, si lui-même n’eût apaisé la foule, la suppliant avec instance de ne pas l’empêcher d’arriver à la couronne tant désirée du martyre.
Sixième leçon. Peu de temps après, étant amené devant le tribunal, comme il exaltait le mystère de la croix et reprochait au proconsul son impiété, celui-ci, ne pouvant le supporter plus longtemps, commanda qu’on le mit en croix et qu’on lui fît imiter ta mort du Christ. Arrivé au lieu du martyre, et apercevant de loin la croix, André s’écria : « O bonne croix, qui as tiré ta gloire des membres du Seigneur ! Croix, longtemps désirée, ardemment aimée, cherchée sans relâche, et enfin préparée à mes ardents désirs, retire-moi d’entre les hommes, et rends-moi à mon Maître, afin que par toi me reçoive celui qui par toi m’a racheté. » Il fut donc attaché à la croix, et y resta suspendu vivant pendant deux jours, sans cesser de prêcher la loi du Christ ; après quoi, il s’en alla à celui dont il avait souhaité d’imiter la mort. Les Prêtres et les Diacres d’Achaïe, qui ont écrit son supplice, attestent qu’ils ont entendu et vu toutes ces choses, ainsi qu’ils les ont racontées. Ses ossements furent transportés, sous le règne de l’empereur Constance, à Constantinople, et plus tard à Amalfi. Son chef fut apporté à Rome, sous le pontificat de Pie II, et placé dans la basilique de Saint-Pierre.
AU TROISIÈME NOCTURNE.

De l’Homélie de S. Grégoire, Pape.

Septième leçon. Vous avez entendu, mes très chers frères, qu’au premier appel de la voix, Pierre et André laissèrent leurs filets et suivirent le Rédempteur. Ils ne lui avaient vu faire encore aucun miracle, ils ne lui avaient rien ouï dire du bienfait d’une récompense éternelle, et cependant, au premier ordre du Seigneur, ils oublient et abandonnent ce qu’ils possèdent. Et nous, combien ne voyons-nous pas de ses miracles, par combien d’épreuves ne sommes-nous pas instruits, par combien de menaces ne sommes-nous pas détournés du péché ? Et cependant nous méprisons l’appel du Seigneur.
Huitième leçon. Celui qui nous exhorte à la conversion est déjà dans les cieux ; déjà il a courbé les Gentils sous le joug de la foi, déjà il a confondu la gloire du monde, déjà il nous annonce, par les ruines qui deviennent si fréquentes, l’approche du jour de son rigoureux jugement ; et néanmoins, notre esprit superbe ne consent pas encore à abandonner de plein gré ce qu’il perd tous les jours malgré lui. Que dirons-nous, mes très chers frères, que dirons-nous, le jour où il nous jugera, nous qui ne pouvons être détournés de l’amour du siècle présent par les préceptes du Seigneur, ni corrigés par ses châtiments ?
Neuvième leçon. Mais quelqu’un dira peut-être dans le secret de sa pensée : Qu’ont-ils quitté à la voix du Seigneur, ces deux pêcheurs qui n’avaient presque rien ? En cela, mes très chers frères, nous devons plutôt considérer l’affection de la volonté que la valeur de la chose, il quitte beaucoup, celui qui ne garde rien pour lui ; il quitte beaucoup, celui qui abandonne tout, quelque peu qu’il possède. Nous, au contraire, nous possédons avec attachement les choses que nous avons, et nous recherchons par nos désirs celles que nous n’avons pas. Pierre et André ont donc abandonné beaucoup quand l’un et l’autre ont renoncé au désir même de posséder.

Cette fête est destinée, chaque année, à clore majestueusement le Cycle catholique qui s’éteint, ou à briller en tête du nouveau qui vient de s’ouvrir. Certes, il était juste que, dans l’Année Chrétienne, tout commençât et finît par la Croix, qui nous a mérité chacune des années qu’il plaît à la miséricorde divine de nous octroyer, et qui doit paraître au dernier jour sur les nuées du ciel, comme un sceau mis sur les temps.

Nous disons ceci, parce que tout fidèle doit savoir que saint André est l’Apôtre de la Croix. A Pierre, Jésus-Christ a donné la solidité de la Foi ; à Jean, la tendresse de l’Amour ; André a reçu la mission de représenter la Croix du divin Maître. Or, c’est à l’aide de ces trois choses, Foi, Amour et Croix, que l’Église se rend digne de son Époux : tout en elle retrace ce triple caractère. C’est donc pour cela qu’après les deux Apôtres que nous venons de nommer, saint André est l’objet d’une religion toute particulière dans la Liturgie universelle.

Mais lisons les gestes de l’héroïque pêcheur du lac de Génésareth, appelé à devenir plus tard le successeur du Christ lui-même, et le compagnon de Pierre sur l’arbre de la Croix. L’Église les a puisés dans les anciens Actes du Martyre du saint Apôtre, dressés parles prêtres de l’Église de Patras, qu’il avait fondée. L’authenticité de ce monument vénérable a été contestée par les Protestants, qui y trouvent plusieurs choses qui les contrarient ; en quoi ils ont été imités par plusieurs critiques des XVIIe et XVIIIe siècles, tant en France qu’à l’étranger. Néanmoins, ces Actes ont pour eux un bien plus grand nombre d’érudits catholiques, parmi lesquels nous nous plaisons à citer, à côté du grand Baronius, Labbe, Noël Alexandre, Galland, Lumper, Morcelli, etc. Toutes les Églises de l’Orient et de l’Occident, qui ont inséré ces Actes dans leurs divers Offices de saint André, sont bien aussi de quelque poids, ainsi que saint Bernard, qui a bâti sur eux ses trois beaux Sermons sur saint André.

C’est vous, ô bienheureux André ! que nous rencontrons le premier aux abords de ce chemin mystique de l’Avent où nous marcherons bientôt, cherchant notre divin Sauveur Jésus-Christ ; et nous remercions Dieu de ce qu’il a bien voulu nous ménager une telle rencontre. Quand Jésus, notre Messie, se révéla au monde, vous aviez déjà prêté une oreille docile au saint Précurseur qui annonçait son approche, et vous fûtes des premiers parmi les mortels à confesser, dans le fils de Marie, le Messie promis dans la Loi et les Prophètes. Mais vous ne voulûtes pas rester seul confident d’un si merveilleux secret, et bientôt vous fîtes part de la Bonne Nouvelle à Pierre votre frère, et vous l’amenâtes à Jésus.

Saint Apôtre, nous aussi nous désirons le Messie, le Sauveur de nos âmes ; puisque vous l’avez trouvé, daignez donc aussi nous amener à lui. Nous mettons sous votre protection cette sainte carrière d’attente et de préparation qu’il nous reste à traverser, jusqu’au jour où ce Sauveur si attendu paraîtra dans le mystère de sa merveilleuse Naissance. Aidez-nous à nous rendre dignes de le voir au milieu de cette nuit radieuse où il apparaîtra. Le baptême de la pénitence vous prépara à recevoir la grâce insigne de connaître le Verbe de vie ; obtenez-nous d’être vraiment pénitents et de purifier nos cœurs, durant ce saint temps, afin que nous puissions contempler de nos yeux Celui qui a dit : Heureux ceux qui ont le cœur pur, parce qu’ils verront Dieu.

Vous êtes puissant pour introduire les âmes auprès du Seigneur Jésus, ô glorieux André ! Puisque celui-là même que le Seigneur devait établir Chef de tout le troupeau, fut présenté par vous à ce divin Messie. Nous ne doutons pas que le Seigneur n’ait voulu, en vous appelant à lui en ce jour, assurer votre suffrage aux chrétiens qui cherchant de nouveau, chaque année, Celui en lequel vous vivez à jamais, viennent vous demander la voie qui conduit à lui.

Cette voie, vous nous l’enseignez, est la voie de la fidélité, de la fidélité jusqu’à la Croix. Vous y avez marché avec courage ; et parce que la Croix conduit à Jésus-Christ, vous avez aimé la Croix avec passion. Priez, ô saint Apôtre ! Afin que nous comprenions cet amour de la Croix ; afin que, l’ayant compris, nous le mettions en pratique. Votre frère nous dit dans son Epître : Puisque le Christ a souffert dans la chair, armez-vous, mes frères, de cette pensée. (I Petr. 4, 1.) Vous, ô bienheureux André ! Vous nous présentez aujourd’hui le commentaire vivant de cette maxime. Parce que votre Maître a été crucifié, vous avez voulu l’être aussi. Du haut de ce trône où vous vous êtes élevé par la Croix, priez donc, afin que la Croix soit pour nous l’expiation des péchés qui nous couvrent, l’extinction des flammes mondaines qui nous brûlent, enfin, le moyen de nous unir par l’amour à Celui que son amour seul y a attaché.

Mais, quelque importantes et précieuses que soient pour nous les leçons de la Croix, souvenez-vous, ô grand Apôtre ! Que la Croix est la consommation, et non le principe. C’est le Dieu enfant, c’est le Dieu de la crèche qu’il nous faut d’abord connaître et goûter ; c’est l’Agneau de Dieu que vous désigna saint Jean, c’est cet Agneau que nous avons soif de contempler. Le temps qui va s’ouvrir est celui de l’Avent, et non celui de la dure Passion du Rédempteur. Fortifiez donc notre cœur pour le jour du combat ; mais ouvrez-le en ce moment à la componction et à la tendresse. Nous plaçons sous votre patronage le grand œuvre de notre préparation à l’Avènement du Christ en nos cœurs.

Souvenez-vous aussi, bienheureux André, de la sainte Église dont vous êtes une des colonnes, et que vous avez arrosée de votre sang ; levez vos mains puissantes pour elle, en présence de Celui pour lequel elle milite sans cesse. Demandez que la Croix qu’elle porte en traversant ce monde soit allégée, et priez aussi afin qu’elle aime cette Croix, et qu’elle y puise sa force et son véritable honneur. Souvenez-vous en particulier de la sainte Église Romaine, Mère et Maîtresse de toutes les autres, et lui obtenez la victoire et la paix par la Croix, à cause du tendre amour qu’elle vous porte. Visitez de nouveau, dans votre Apostolat, l’Église de Constantinople, qui a perdu la vraie lumière avec l’unité, parce qu’elle n’a pas voulu rendre hommage à Pierre, votre frère, que vous avez honoré comme votre Chef, pour l’amour de votre commun Maître. Enfin, priez pour le royaume d’Écosse, qui depuis trois siècles a oublié votre douce tutelle ; obtenez que les jours de l’erreur soient abrégés, et que cette moitié de l’Ile des Saints rentre bientôt, avec l’autre, sous la houlette de l’unique Pasteur.

PREMIER SERMON POUR LA FÊTE DE SAINT ANDRÉ APÔTRE. Trois sortes de poissons, les poissons de la mer, ceux des fleuves et ceux des étangs.

1. Nous célébrons aujourd'hui le triomphe de saint André, et nous avons tressailli de joie et de bonheur, dans les paroles de grâce qui sont sorties de sa bouche. il ne pouvait, en effet, y avoir lieu à la tristesse, en un jour où on le voit lui-même enivré de tant de joie. Personne parmi nous n'a compati à ses souffrances, personne non plus n'a osé pleurer sa joie. Autrement il pourrait, avec raison, nous dire, comme autrefois le Christ portant sa croix, dit à ceux qui le suivaient et qui pleuraient sur ses pas : « Filles de Jérusalem, ne pleurez pas sur moi, mais sur vous (Lc. XXIII, 28). » D'ailleurs quand saint André était conduit vers la croix, le peuple, qui voyait avec peine ce saint et ce juste injustement condamné à mort, voulut s'opposer à son supplice; mais lui, avec les plus instantes prières, les détourna de la pensée d'empêcher qu'il fut couronné, que dis-je, d'empêcher qu'il souffrit le martyre. Il brûlait, en effet, du désir d'être dégagé des liens dit corps , et d'être avec Jésus-Christ (Ph. I, 25), mais sur la croix qu'il avait toujours aimée. Il souhaitait d'entrer dans le royaume, mais par le gibet. En effet, que dit-il à sa bien-aimée ? » Que celui qui m'a sauvé par toi, par toi aussi me reçoive. » Si donc nous l'aimons, nous devons nous réjouir avec lui, non-seulement parce qu'il est couronné maintenant, mais aussi parce qu'il a été crucifié ; par ce que le 5eigueur a exaucé les désirs de son cœur, et a placé sur sa tète une couronne de pierres précieuses. Toutefois, en le félicitant de ce qu'il a eu le bonheur d'embrasser enfin la croix, après laquelle il avait si longtemps soupiré, je serais bien surpris si nous n'avions aussi un sentiment d'admiration pour la joie de celui que nous félicitons.

2. En effet, cette nuit même, pendant les vigiles, quand nous répétions dans nos chants des paroles d'allégresse, pensez-vous qu'il ne s'en est pas trouvé quelques-uns parmi nous pour penser et se dire : pourquoi tout cela, et d'où viennent tous ces transports de joie ? Est-ce que la croix est précieuse, est-ce qu'on peut l'aimer, est-ce qu'elle porte la joie? Oui, oui, mes frères, s'il se trouve une main pour en cueillir les fruits, toujours le bois de la croix produit la vie, fructifie le bonheur, distille l'huile de la joie, sue le baume des dons spirituels. Ce n'est point un arbre de la forêt, c'est un arbre de vie pour ceux qui savent la prendre. C'est un arbre fructifère, un arbre salutifère, autrement comment occuperait-il la terre du Seigneur, ce sol précieux auquel il est fixé par ses clous, comme par autant de racines? S'il n'était pas plus, fertile que tous les autres arbres, jamais il n'eût été planté dans ce jardin, jamais le Seigneur ne l'eût laissé occuper une place dans sa vigne. Après tout, pourquoi nous étonnerions-nous que celui qui a donné la douceur même au feu, en eût donné aussi à la croix ? Ou bien, comment pourrions-nous croire que la croix est dépourvue de toute saveur, quand nous voyons que la flamme elle-même semble douce au goût? En effet, quel goût n'avait pas le feu pour saint Laurent, quand il se moquait de ses bourreaux et raillait son juge? Que répondrons-nous à cela, mes frères? Pourquoi ne trouverions-nous point aussi du goût dans les épreuves endurées pour Jésus-Christ, pourquoi n'y aurait-il pas pour nous quelques délices dans cette manne cachée ? Ce serait vaincre tout à fait le démon, et il n’aurait plus rien à apporter contre nous. Cette victoire seule suffirait contre la double malice de. notre ennemi.

3. Car ce détestable adversaire a ses pièges de ses traits, il est un bien rusé chasseur d'hommes, et n'est altéré que du sang de nos âmes. Il s'attache aux uns par les traits de ses suggestions perfides, et, par ce moyen, il en blesse beaucoup dont la patience est faible. Il s'efforce d'enlacer les autres dans les lacs de la volupté, c'est dans ces réseaux qu'il prend la plupart de ceux qui rampent à terre, ou ne s'élèvent que bien peu au-dessus d'elle. Que votre joie soit donc dans la tribulation, et le malin n'a plus de moyen de vous attirer, plus de moyen de vous renverser; du même coup nous nous trouvons dégagés du piège des chasseurs et de la parole âpre de notre ennemi (Ps. CX, 3). Il ne peut rien gagner dans celui que charme la croix du Christ, en lui suggérant des pensées charnelles ; et le fils de l'iniquité ne pourra lui nuire (Ps. LXXXVII, 22), s'il essaie d'exaspérer son cœur par les amertumes, qu'importent les délices à celui qui se repaît de jeûnes ; à plus forte raison ne lui arrache-t-il point un murmure pour ce qui précisément fait ses délices. Évidemment, il a mis son refuge très-haut, là où il ne saurait appréhender ni les ni les flèches de l'ennemi, que dis-je, il est un poisson pur avec des écailles et des nageoires. Or, de même qu'on jette en vain le filet sous les yeux des oiseaux qui ont des ailes, ainsi on décoche inutilement un trait contre les poissons qui sont recouverts d'écailles comme d'une cuirasse. La Loi déclarait purs les poissons qui ont des nageoires pour se mouvoir, et des écailles pour se protéger (Lv. XI, 10 et Dt. XIV, 9), soit qu'ils vivent dans la mer ou dans les rivières, soit qu'ils habitent dans un étang. Or, notre mer si vaste et si spacieuse renferme des poissons purs et dignes de figurer sur la table du Seigneur; car parmi les poissons qui sont encore, par leur genre de vie et toutes leurs habitudes, dans l'Océan immense du siècle, il s'en est réservé plusieurs milliers que les filets des apôtres vont chercher au fond des eaux et attirent sur le rivage pour y être séparés des mauvais. C'est sur ce rivage qu'ira certainement s'asseoir notre pêcheur d'hommes, qui tire derrière lui, dans ses filets, l'Achaïe tout entière. Les rivières ont aussi leurs poissons purs, ce sont tous les dispensateurs fidèles. En effet, les rivières représentent l'ordre des prédicateurs qui ne demeurent jamais dans un même endroit, mais qui se répandent et courent, sur la terre, pour l'arroser de leurs eaux. Quant. aux étangs, on peut dire avec raison qu'ils figurent les monastères, car les poissons s'y trouvent comme enfermés et conservés sous la main, afin de pouvoir être pris à tout instant pour la table spirituelle du Maître; là, chacun d'eux se dit ; Quand viendra donc le jour où je serai pris ? car dans la lutte où je me trouve maintenant, j'attends tous les jours que mon changement arrive (Jb. XIV, 14).

4. Mais, pour en revenir à 1a Loi dont je vous parlais il n'y a qu'un instant, tout poisson qui a des nageoires et des écailles est pur, qu'il se trouve dans la mer, dans les rivières ou dans un étang. Leurs écailles sont multiples; mais leur réunion ne fait qu'une seule et même cuirasse, si je puis parler ainsi; de même la vertu de patience en est une, bien que nous semblions en avoir une nouvelle dans les tribulations qui se succèdent. Mais si on peut, selon moi, comparer les écailles du poisson à la patience, il me semble qu'on peut également voir la gaîté dans ses nageoires. En effet, la gaîté lève et soulève, et semble faire faire des bonds et des sauts à ceux qu'elle anime. Mais pour avoir nos deux nageoires, il faudrait trouver deux sortes de gaîtés. Peut-être est-ce pour cela que l’Apôtre qui avait bien ses deux nageoires quand il fut reçu dans les cieux, et s'éleva jusques au paradis, « se glorifiait non-seulement dans son espérance, mais encore dans ses tribulations ( Rm. V, 3). » Il est évident, en effet, que celui qui trouve du charme, non-seulement dans l’attente des biens futurs, mais encore dans le spectacle des maux présents, au point d'aller jusqu'à s'en glorifier, a pris son vol bien haut. Or, tel fut notre Apôtre, tel il s'offre à notre admiration, et tel nous vous le présentons dans nos prédications.

5. Ceci m'amène à vous faire remarquer qu'il y a trois degrés selon que l'on est au commencement, au milieu, ou au faite. Or le commencement de la sagesse, c'est la crainte du Seigneur (Eccli. I, 16) ; le milieu c'est l'espérance, le faite est la charité, selon ces paroles de l’Apôtre, « la plénitude de la loi est la charité (Rm. XIII,10). » Ceux qui n'en sont encore qu'au commencement par la crainte, sont ceux qui ne portent la croix du Seigneur qu'avec patience; ceux qui avancent déjà dans l'espérance, sont ceux qui la portent volontiers; mais ceux qui l'embrassent avec amour, sont arrivés au faite, car il faut être du nombre de ces derniers pour pouvoir s'écrier: «J'ai toujours été ton amant, toujours j'ai soupiré après le bonheur de te sentir dans mes bras. » Quels sentiments différents de ceux qu'éprouve celui qui porte sa croix, j'en conviens, mais qui voudrait bien, s'il était possible, que cette heure ne fût point venue pour lui ! combien même, si j’ose le dire sans trop de témérité, sont-ils différents de ceux qu'exprimait celui qui s'écriait : « mon Père, s'il est possible, faites que ce calice passe loin de moi (Mt. XXVI, 39) ! » Qu'est-ce en effet? Ne semble-t-il pas être monté sur un âne pour échapper aux mains des ennemis. Je rencontre dans le général en chef, les craintes des soldats sans vaillance; dans le médecin, la voix du malade; c'est pour moi la faible poule avec ses poussins. Ce que je vois là c'est sa charité, ce qui me surprend c'est, sa compassion, ce qui me confond, c'est sa condescendance. Si le Dieu des miséricordes n'a point pris les robustes sentiments de Saint André, c'est parce que ce ne sont pas ceux qui se portent bien, mais les malades qui ont besoin du médecin (Mt. IX, 12). Si cette condescendance scandalise quelqu'un d'entre vous, il mérite d'entendre ces paroles : « Votre œil est-il mauvais parce que je suis bon (Mt. XX, 15) ? » Pour lui, en effet, l'odeur de vie est mortelle.

6. Qu'y aurait-il eu d'étonnant, Seigneur Jésus, que l'heure puni, laquelle vous étiez venu, une fois arrivée, elle vous trouvât debout et intrépide comme quelqu'un qui a le pouvoir de déposer la vie, sans que personne puisse la lui ravir? .N'y avait-il pas plus de gloire au contraire, puisque tout ce qu'il faisait, c'est pour nous qu'il le faisait, que, non-seulement son corps souffrit la passion pour nous, mais que son cœur même fût aussi atteint pour nous ; et que de même que votre mort, ô mon Dieu, me rendait la vie, ainsi vos craintes me donnassent du courage, vos tristesses de la joie, voir l’abattement de l'entrain, votre trouble du calme, votre désolation de la consolation. Je vois dans le récit de la résurrection de Lazare que le Seigneur « frémit en son esprit et se troubla lui-même (Jn. XI, 33) ; » mais s'il se troubla ce n'est pas par un effet de la nécessité, mais de sa pleine et entière volonté. Mais voici quelque chose de plus fort encore. L'amour qui est, fort comme la mort, produisit un tel effet en lui, qu'un ange descendit. du ciel pour le fortifier. Qui vint, et qui fortifia-t-il? Écoutez la réponse de l'Évangéliste. « Alors il lui apparut un ange du ciel pour le fortifier (Lc. XXII, 43). » De qui parle-t-il ainsi? De celui pour qui, à sa naissance, s'ouvrit le sein fermé d'une Vierge; de celui qui, d'un signe, changea l'eau en vin, dont le toucher mit la lèpre en fuite, dont les pieds ont foulé les flots de la mer devenue solide pour ceux dont la voix rappela les morts à la vie, de celui enfin qui soutient tout par la puissance de sa parole, par qui tout a été fait, tout, les anges eux-mêmes, subsiste. Que dirai-je enfin, comment le désignerai-je? Je ne serais pas si longtemps à vous le nommer s'il n'était indicible. Ainsi il était soutenu par un ange qui ne pouvait même comprendre toute la majesté de celui qu'il soutenait.

7. Dis-moi, ô ange, qui consoles-tu ? Ne savais-tu point qui était celui que tu venais consoler? Mais c'est le consolateur même, c'est un paraclet, autrement comment aurait-il dit à ses apôtres qu'il leur en verrait un antre paraclet, s'il n'avait été lui-même un vrai paraclet, (Jn. XIV, 16) ? Oui, je reconnais en lui un très-grand paraclet, un paraclet bienveillant, car il est proche de tous ceux dont le cœur est affligé (Ps. XXXIII, 19). Je ne désespère plus, Seigneur, quoique les afflictions que je souffre, soient excessives, que je sois bien faible et que je souhaite ardemment que ce calice passe loin de moi, non dis-je, je ne. désespère plus, pourvu toutefois que je sache ajouter aussi : « Toutefois qu'il en soit, non comme je le veux, mais comme vous le voulez. » J'ai appris de lui à ne point recourir à des consolations charnelles et caduques, mais à des consolations angéliques, spirituelles et célestes. Oui, il en sera ainsi si je sais ne point murmurer, car le murmure élèverait à l'instant un mur de séparation entre vous et moi, si je ne me hâtais de jeter les yeux vers vous; je ne refuse pas les épreuves quand même j'aurais besoin d'être consolé. Et quoi, ne reconnais-je point ma voix dans celle de mon Sauveur ? Pourquoi donc désespérerais-je de mon salut? Je posséderai mon âme dans mon entière patience.

8. Mais je veux aller plus loin encore, et ne pas me tenir sitôt pour satisfait d'avoir trouvé le salut. « Celui qui craint le Seigneur, dit le Sage, fera le bien (Eccl. XV, 1). » Ce n'est pas même encore assez, car il est écrit : « détournez-vous du mal et faites le bien (Ps. XXXVI, 27), recherchez la paix et poursuivez-la avec persévérance (Ps. XXXIII, 15). » Non, ne vous contentez point du salut, recherchez la paix si vous ne voulez que votre salut même ne soit en péril. Aussi, entendez l'ange, à la naissance de celui qui s'est fait notre paix, tressaillir d'allégresse et chanter : « Paix sur la terre aux hommes de bonne volonté (Lc. II, 14). » Or, que faut-il entendre par cette bonne volonté, sinon une volonté bien ordonnée? Qu'est-ce que cette volonté-là, me demandez-vous? C'est celle qui est d'accord avec la raison quand elle dit : « Les souffrances de la vie présente, n'ont point de proportion avec cette gloire qui sera un jour découverte en nous (Rm. VIII, 18). » Quand vous aurez une fois bien senti cela, je ne doute pas que vous ne portiez volontiers la croix du Seigneur, et que vous ne disiez : « Je suis tout prêt, Seigneur, et je ne suis point troublé, je suis tout prêt là garder vos commandements (Ps. CXVIII, 60). »

9. Mais après cela, si vous voulez être parfait, il vous reste encore une chose absolument nécessaire. Qu'est-ce, me dites-vous? La joie dans le Saint-Esprit. Car si un âme retenue par la crainte est patiente, conduite par l'espérance elle est facile, et peut aisément tomber si elle n’a la ferveur de l'esprit. Or la charité que le Saint-Esprit répand en nous est patiente; et bénigne, et ce qui est bien plus encore, elle ne défaille jamais (I Cor. XIII, 8). Si vous faites attention au premier précepte qui fui, donné à nos premiers parents, vous remarquerez la patience chez Eve, et la bienveillance chez Adam; mais, par leur chute, l'un et l'autre ont fait voir clairement qu'ils n'étaient pas solidement établis dans le degré où ils se trouvaient. « La femme vit le fruit de l'arbre, dit ]'Écriture, elle le trouva beau à voir et doux à manger (Gn. III, 6). » Ne vous semble-t-il point qu'elle a bien de la peine à retenir sa main ? Il en est, en effet, ainsi, et lorsque le serpent la questionne, remarquez comme tous les mots de sa réponse indiquent le commandement de Dieu lui-même. « Nous mangeons, dit-elle, du fruit de tous les arbres du paradis ; mais pour ce qui est du fruit de l'arbre de la science du bien et du mal, le Seigneur nous a dit de n'en point manger (Gn. III, 6). » Elle ne dit : pas telle est la volonté du Créateur ; quant au pourquoi sa volonté est telle, lui seul le sait; pour nous , il nous suffit d'obéir, car notre vie est dans sa volonté. Aussi, la femme fut-elle aisément séduite, elle crut sans peine aux promesses du démon, et se laissa, persuader à sa voix. Adam n'a pas été séduit par le serpent (I Tm. II, 14), mais par sa femme qu'il aimait; il n'aurait pas demandé mieux que d'observer un commandement dont il connaissait tous les avantages pour lui, si sa femme ne lui avait pas donné des conseils contraires, il ne semble même point avoir eu d'autre difficulté à se soumettre à la volonté de Dieu, mais sa volonté, pour être bonne, n'avait. pourtant point de force, parce qu'elle n'avait aucune ferveur.

10. Ce n'est ni la patience ni l'espérance , mais l'amour seul qui est fort comme la mort (Ct. VIII, 6), ce n'est ni la crainte ni la raison, mais l'esprit de force. La patience dit : il faut qu'il en soit ainsi, mais elle est pressée; par la crainte. La bonne volonté reprend : il faut et il est expédient qu'il en soit de la sorte, mais elle est attirée par un motif d'espérance. Quant à la. charité, qui est enflammée par l'esprit, elle ne dit, ni il faut, ni il est expédient qu'il en soit ainsi ; mais, voilà ce que je veux, voilà mes souhaits, voilà mes plus ardents désirs. Voyez-vous quelle élévation, quelle sécurité ? quelle suavité dans la charité ? Heureuse l'âme qui en vient à ce degré de charité. Il n'y a pas lieu pour nous à désespérer, puisque si nous célébrons la mémoire de celui qui est arrivé à ce point, c'est précisément pour invoquer son secours et nous exciter à son exemple. Je vais plus loin, il me semble même qu'il y en a plusieurs parmi nous qui ont atteint ce degré. Si vous m'objectez que saint André est un apôtre, et que vous, qui n'êtes qu'un néant, vous ne sauriez marcher sur ses traces, ayez du moins le courage d'imiter ceux qui sont avec vous, personne n'arrive du premier coup au haut, c'est en montant, non en volant, qu'on atteint au faîte de l'échelle. Montons donc avec ce que j'appellerai nos deux pieds, je veux dire avec la méditation et. l'oraison. La méditation nous apprend ce qui nous manque, et l'oraison obtient que ce qui nous manque nous soit donné. L'une nous montre la vie, et l'autre nous y ai fait entrer; la méditation nous fait connaître les dangers qui nous menacent, l'oraison irons les fait éviter avec la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ qui vit et règne, dans les siècles des siècles, avec le Père et le Saint-Esprit. Ainsi soit-il.

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :