Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Regnum Galliae Regnum Mariae

Mardi de la Pentecôte

21 Mai 2024 , Rédigé par Ludovicus

Mardi de la Pentecôte

Collecte

Nous vous en supplions, Seigneur, que la vertu du Saint-Esprit nous assiste : qu’elle purifie nos cœurs avec clémence, et qu’elle les protège contre toute adversité. Par N.-S... en l’unité du même.

Lecture Ac. 8, 14-17.

En ces jours-là, quand les apôtres, qui étaient à Jérusalem, eurent appris que les habitants de Samarie avaient reçu la parole de Dieu, ils leur envoyèrent Pierre et Jean, qui, étant venus, prièrent pour eux, afin qu’ils reçussent l’Esprit-Saint : car il n’était encore descendu sur aucun d’eux, mais ils avaient été seulement baptisés au nom du Seigneur Jésus. Alors ils leur imposaient les mains, et ils recevaient l’Esprit-Saint.

Évangile Jn. 10, 1-10

En ce temps-là : Jésus dit aux Pharisiens : En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui n’entre pas par la porte dans la bergerie des brebis, mais qui y monte par ailleurs, est un voleur et un larron. Mais celui qui entre par la porte est le pasteur des brebis. A celui-ci le portier ouvre, et les brebis entendent sa voix ; il appelle ses propres brebis par leur nom, et il les fait sortir. Et lorsqu’il a fait sortir ses propres brebis, il va devant elles ; et les brebis le suivent, parce qu’elles connaissent sa voix. Elles ne suivent point un étranger, mais elles le fuient ; car elles ne connaissent pas la voix des étrangers. Jésus leur dit cette parabole, mais ils ne comprirent pas de quoi il leur parlait. Jésus leur dit donc encore : En vérité, en vérité, je vous le dis, je suis la porte des brebis. Tous ceux qui sont venus sont des voleurs et des larrons, et les brebis ne les ont point écoutés. Je suis la porte. Si quelqu’un entre par moi, il sera sauvé ; il entrera, et il sortira, et il trouvera des pâturages. Le voleur ne vient que pour voler, égorger et détruire. Moi, je suis venu pour que les brebis aient la vie, et qu’elles l’aient plus abondamment.

Office

1ère leçon

Homélie de saint Augustin, Évêque

Le Seigneur nous a proposé, dans la lecture d’aujourd’hui, une parabole relative à son troupeau et à la porte par laquelle on entre dans la bergerie. Que les païens disent donc : Nous nous conduisons bien. S’ils n’entrent point par la porte, à quoi leur sert ce dont ils se font gloire ? Bien vivre doit servir à chacun à obtenir le don d’une vie qui ne finit point ; car à celui à qui il n’est pas donné de vivre toujours, à quoi sert-il de bien vivre ? Il ne faut pas dire qu’ils vivent bien ceux qui, par aveuglement, ne connaissent pas la fin d’une vie bonne, ou la méprisent par orgueil. Personne ne peut avoir l’espérance véritable et certaine de vivre toujours, s’il ne connaît préalablement la vie, c’est-à-dire le Christ, et s’il n’entre dans la bergerie par la porte.

2e leçon

Les hommes dont nous parlons cherchent donc le plus souvent à persuader aussi à leurs semblables de mener une vie honnête, sans être pour cela chrétiens. Ils veulent pénétrer par un autre endroit, enlever les brebis et les tuer, n’agissant pas comme le bon |pasteur, qui veut les conserver et les sauver. Il s’est trouvé des philosophes dissertant longuement avec subtilité sur les vertus et les vices ; distinguant, définissant, tirant des conclusions de raisonnements très ingénieux, remplissant des livres, vantant leur sagesse avec grand bruit ; ces philosophes sont allés jusqu’à oser dire aux hommes : Suivez-nous, attachez-vous à notre secte, si vous voulez vivre heureux. Mais ils n’entraient pas par la porte : ils voulaient perdre, immoler et mettre à mort.

3e leçon

Que dirai-je des Juifs ? Les Pharisiens eux-mêmes lisaient les Écritures, et en ce qu’ils lisaient, ils célébraient le Christ, ils espéraient sa venue, et ils ne le reconnaissaient pas, lui qui était présent. Ils se vantaient aussi d’être du nombre des Voyants, c’est-à-dire du nombre des sages, et ils niaient le Christ et n’entraient point par la porte. Eux aussi, par conséquent, s’ils parvenaient à en séduire quelques-uns, les attiraient non pour les délivrer, mais pour les immoler et les tuer. Laissons-les donc également : voyons si ceux-ci au moins qui se glorifient du nom du Christ entrent par la porte. Ils sont innombrables ceux qui non seulement se vantent d’être des voyants, mais veulent être considérés comme illuminés par le Christ : ce sont les hérétiques.

Nous avons admiré l’œuvre du Saint-Esprit accomplissant dans le monde, par les Apôtres et par ceux qui vinrent après eux, la conquête du genre humain au nom de Jésus à qui « toute puissance a été donnée au ciel et sur la terre ». La langue de feu a vaincu, et le Prince du monde, en dépit de ses fureurs, a vu crouler ses autels et tomber son pouvoir. Voyons la suite des œuvres de ce divin Esprit pour la glorification du Fils de Dieu qui l’a envoyé aux hommes.

L’Emmanuel était descendu ici-bas cherchant dans son amour l’Épouse qu’il avait désirée de toute éternité. Il l’épousa d’abord en prenant la nature humaine et l’unissant indissolublement à sa personne divine ; mais cette union individuelle ne suffisait pas à son amour. Il daignait aspirer à posséder la race humaine tout entière ; il lui fallait son Église, « son unique », comme il l’appelle au divin Cantique, son Église formée de l’élite de tous les peuples, « pleine de gloire, n’ayant ni tache ni ride, mais sainte et immaculée ». Il trouvait la race humaine souillée par le péché, indigne de célébrer avec lui les noces augustes auxquelles il la conviait. Son amour cependant n’hésita pas. Il déclara qu’il était l’Époux annoncé dans l’Épithalame sacré ; il lava dans son propre sang les souillures de sa fiancée, et lui attribua en dot les mérites infinis qu’il avait conquis.

L’ayant ainsi préparée pour lui-même, il voulut que son union avec lui fût la plus intime qui pût être. Jésus et son Église sont un seul corps ; il est la tête, elle est l’ensemble des membres réunis dans l’unité sous cet unique chef. C’est la doctrine de l’Apôtre : « Le Christ est la tête de l’Église ; nous sommes les membres de son corps, nous sommes de sa chair et de ses os ». Ce corps se formera par l’accession successive des fils de la race humaine qui, prévenus du secours surnaturel de la grâce, voudront en faire partie ; et ce monde que nous habitons sera conservé jusqu’à ce que le dernier élu qui manquait encore à l’intégralité du corps mystérieux du Fils de Dieu soit venu s’y réunir pour l’éternité. Alors tout sera consommé, et la dernière des conséquences de la divine incarnation sera remplie.

Or, de même que dans le Verbe incarné l’humanité est composée d’une âme invisible et d’un corps visible, ainsi l’Église sera à la fois une âme et un corps : une âme dont l’œil seul de Dieu pourra contempler ici-bas toute la beauté ; un corps qui attirera les regards des hommes, et sera le témoignage éclatant de la puissance de Dieu et de l’amour qu’il porte à la race humaine. Jusqu’aux jours où nous sommes, les justes appelés à être réunis sous le divin Chef avaient seulement appartenu à l’âme de l’Église ; car le corps n’existait pas encore. Le Père céleste les avait adoptés pour ses enfants, le Fils de Dieu les avait acceptés pour ses membres, et l’Esprit-Saint, dont nous allons voir désormais l’action extérieure, avait opéré intimement leur élection et leur consommation. Le point de départ du nouvel ordre de choses est en Marie. En elle d’abord, ainsi que nous l’avons enseigné dans une des semaines précédentes, résida l’Église complète, âme et corps. Celle qui devait être aussi réellement la Mère du Fils de Dieu selon l’humanité, que le Père céleste en est le Père selon la divinité, devait être dans l'ordre des temps, comme dans la mesure des grâces, supérieure à tout ce qui avait précédé et à tout ce qui devait suivre.

L’Emmanuel voulut aussi poser lui-même, en dehors de sa mère bien-aimée, les assises de son Église. Il en plaça de ses mains divines la Pierre fondamentale, il en éleva les colonnes, et nous avons vu comment il employa les quarante jours qui précédèrent son Ascension à l’organisation de cette Église encore si restreinte, mais qui devait un jour couvrir le monde entier. Il annonça qu’il serait avec les siens « jusqu’à la consommation des siècles » ; c’était promettre que, lors même qu’il serait monté au ciel, la race de ses disciples se perpétuerait jusqu’à la fin des temps.

Pour l’accomplissement de son œuvre qu’il n’avait qu’ébauchée, il comptait sur le divin Esprit. Il était même nécessaire que cet Esprit-Saint descendît pour perfectionner et confirmer les élus de l’Emmanuel. Il devait être leur Paraclet, leur Consolateur, après le départ de leur Maître ; il était la Vertu d’en haut qui devait les protéger comme une armure dans leurs combats ; il devait leur remettre en mémoire les enseignements de leur Maître ; il devait féconder de son action les Sacrements que Jésus avait institués, et dont le pouvoir était en eux par le caractère qu’il avait imprimé à leurs âmes. Voilà pourquoi il leur dit : « Il vous est avantageux que je m’en aille ; car si je ne m’en allais pas, le Paraclet ne viendrait pas vers vous. » Au jour de la Pentecôte, nous avons vu le divin Esprit opérer sur la personne des Apôtres et des disciples ; maintenant il nous faut le voir à l’œuvre dans la création, dans le maintien et le perfectionnement de cette Église que Jésus a promis d’assister de sa présence mystérieuse « jusqu’à la consommation des siècles ».

La première opération de l’Esprit-Saint dans l’Église est l’élection des membres qui doivent la composer. Ce droit de l’élection lui est tellement personnel que, selon la parole du livre sacré, les disciples mêmes que Jésus s’était choisis pour être les bases de son Église, il les avait élus « avec le concours de l’Esprit-Saint ». Dès le jour même de la Pentecôte, nous avons vu ce divin Esprit débuter par l’élection de trois mille personnes. Peu de jours après, cinq mille autres sont attirées, ayant entendu la prédication de Pierre et de Jean sous les portiques du temple. Après les Juifs, la gentilité a son tour ; et l’Esprit-Saint, ayant conduit Pierre auprès du centurion Corneille, fond tout à coup sur ce Romain et sur ses gens, les déclarant ainsi élus pour l’Église et appelés au baptême. La sainte Liturgie nous faisait lire ce récit hier encore dans la solennité de la Messe.

A la suite de ces débuts, qui pourrait suivre la marche impétueuse de cet Esprit que rien n’arrête ? « Le bruit de ses envoyés parcourt la terre entière, et leur parole retentit jusqu’aux extrémités du monde ». L’Esprit les précède et les accompagne, et c’est lui qui fait la conquête pendant qu’ils parlent. On n’est encore qu’au commencement du IIIe siècle, et un écrivain chrétien peut dire aux magistrats de l’empire romain : « Nous sommes d’hier, et nous remplissons toute vos villes, vos municipes, vos camps, le palais, le sénat, le forum ». Rien ne résiste à l’Esprit ; trois siècles sont loin encore d’être écoulés depuis la manifestation du jour de la Pentecôte, et ce sont les Césars eux-mêmes que l’Esprit choisit pour en faire des membres de l’Église.

Ainsi se forme d’heure en heure l’Épouse que Jésus attend, et dont il contemple avec amour, du haut du ciel, la croissance et les développements. Dans les premières années du IVe siècle, cette Église, œuvre du Saint-Esprit, dépasse les limites de l’empire romain ; et si dans cet empire lui-même, il est ça et là des groupes païens qui tiennent encore, tous du moins ont entendu parler d’elle, et la haine qu’ils lui portent témoigne assez des progrès qu’elle fait sous leurs yeux.

Mais n’allons pas croire que le rôle de l’Esprit-Saint se borne à assurer l’établissement de l’Église sur les ruines de l’empire païen. Jésus veut une Épouse immortelle, toujours plus connue par sa présence en tous lieux et en tous temps, toujours supérieure à toute autre division de la race humaine par l’étendue de son empire et le nombre de ses sujets.

Le divin Esprit ne saurait donc s’arrêter dans l’accomplissement de sa mission. Si Dieu a résolu de submerger l’empire coupable sous l’inondation des barbares, c’est un nouveau triomphe préparé pour l’Esprit. Laissez-le pénétrer et agiter doucement cette masse formidable. Il a là ses élus, et par millions. Il avait renouvelé la face de la terre païenne ; il renouvelle la face du monde devenu barbare. Les coopérateurs qu’il se prépare lui-même ne lui feront pas défaut. Il crée sans fin de nouveaux apôtres, et puissant comme il est, il en emploie de tout genre à son œuvre. Les Clotilde, les Berthe, les Théodelinde, les Hedwige et tant d’autres, sont à ses ordres : parée de leurs royales mains, l’Épouse de Jésus croît toujours plus jeune et plus belle.

Si de vastes continents en Europe n’ont pas encore été associés au mouvement, c’est qu’il fallait d’abord consolider l’œuvre dans les régions où les chrétientés de la première époque avaient été comme submergées sous le torrent de l’invasion. Mais voici qu’à partir de la fin du VIe siècle, le divin Esprit lance tour à tour sur l’île des Bretons, sur la Germanie, sur les races Scandinaves, sur les pays slaves, les Augustin, les Boniface, les Anschaire, les Adalbert, les Cyrille, les Méthodius, les Othon. Servie par ces nobles instruments de l’Esprit-Saint, l’Épouse répare les pertes qu’elle a subies dans l’Orient, où le schisme et l’hérésie ont successivement rétréci son héritage primitif. Celui qui, étant Dieu comme le Père et le Fils, a reçu pour mission de la maintenir dans ses honneurs, veille fidèlement à sa garde.

Et en effet, lorsqu’une défection plus désastreuse encore est à la veille d’éclater en Europe par la prétendue réforme, l’Esprit-Saint a déjà pris les devants. Les Indes orientales sont devenues tout à coup la conquête de la nation très fidèle ; un nouveau monde occidental est sorti des eaux, et forme un nouvel apanage au royaume catholique. C’est alors que le divin Esprit, toujours jaloux de maintenir dans sa dignité et dans sa plénitude le dépôt que lui a confié le Verbe incarné, suscite de nouveaux envoyés pour aller porter sur ces plages immenses le nom de celui qui est l’Époux, et qui sourit du haut du ciel aux accroissements qu’obtient l’Épouse. François Xavier est donné aux Indes orientales ; ses frères, joints aux fils de Dominique et de François, défrichent avec une indomptable persévérance l’héritage que les Indes occidentales offrent à l’Église.

Mais si plus tard la vieille Europe, trop crédule à des docteurs de mensonge, semble repousser cette noble reine qui est aimée du Fils éternel de Dieu ; si, trahie et dépouillée, calomniée et privée de ses droits, cette sainte Église doit être en butte à ceux qui longtemps furent ses fils, tenez pour certain que le divin Esprit ne la laissera pas manquer à ses destinées. Voyez plutôt ses œuvres en nos jours. D’où viennent, si ce n’est de son souffle, ces vocations à l’apostolat plus nombreuses d’année en année ? Tandis que d’un côté les retours des hérétiques à l’antique foi sont plus fréquents qu’ils ne l’ont jamais été, toutes les régions infidèles sont visitées par le flambeau de l’Évangile. Notre siècle a revu les martyrs, il a entendu les interrogatoires des proconsuls chinois et annamites, il a recueilli dans son admiration les réponses des confesseurs dictées par l’Esprit-Saint, selon la promesse du Maître. L’extrême Orient donne ses élus, les nègres de l’Afrique sont évangélisés ; et si une cinquième partie de la terre s’est révélée, elle possède déjà de nombreux fidèles sous une hiérarchie de pasteurs légitimes.

Soyez donc béni, divin Esprit, qui veillez avec tant de sollicitude sur l’Épouse chérie de Jésus ! Elle n’a pas défailli un seul jour, grâce à votre action constante et jamais lassée. Vous n’avez pas laissé passer un siècle sans susciter des apôtres pour l’enrichir de leurs conquêtes ; sans cesse vous avez sollicité par votre grâce les esprits et les cœurs de se donner à elle ; en toute race, en tous les siècles, vous avez élu vous-même les innombrables fidèles dont elle se compose. Comme elle est notre mère et que nous sommes ses fils, comme elle est l’Épouse de notre divin Chef auquel nous espérons nous réunir en elle, en opérant pour la gloire du Fils de Dieu qui vous a envoyé sur la terre, ô divin Esprit, vous avez daigné travailler pour nous, humbles et pécheresses créatures. Nous vous offrons nos faibles actions de grâces pour tant de bienfaits.

Notre Emmanuel nous a révélé que vous devez demeurer ainsi avec nous jusqu’à la fin des temps, et nous comprenons maintenant la nécessité de votre présence, ô divin Esprit ! Vous dirigez la formation de l’Épouse, vous la maintenez, vous la rendez victorieuse de toutes les attaques, vous la transportez d’une région dans l’autre, lorsque le sol qu’elle foule n’est plus digne de la porter ; vous êtes son vengeur contre ceux qui l’outragent, et vous le serez jusqu’au dernier jour.

Mais cette noble Épouse d’un Dieu ne doit pas toujours demeurer ainsi exilée loin de son Époux. De même que Marie resta plusieurs années sur la terre, afin d’y travailler à la gloire de son fils, et fut enfin enlevée aux cieux pour y régner avec lui ; ainsi l’Église demeurera militante ici-bas durant les siècles qui sont nécessaires pour arriver au complément du nombre des élus. Mais nous savons qu’un temps doit venir dont il est écrit : « Les noces de l’Agneau sont venues, et son Épouse s’est préparée. On lui a donné un vêtement de fin lin d’une blancheur éblouissante, et le tissu en est composé des vertus des saints qu’elle a formés ». En ces derniers jours, l’Épouse, toujours belle et digne de l’Époux, ne croîtra plus ; elle diminuera même ici-bas, en proportion de ce qu’elle grandira triomphante au ciel. Autour d’elle, sur la terre, la défection prédite par saint Paul se fera sentir ; les hommes la laisseront seule, ils courront vers le Prince du monde qui sera délié « pour un peu de temps », et vers la bête à laquelle « il sera donné de faire la guerre aux saints et même de les vaincre ». Les dernières heures de l’Épouse ici-bas seront dignes d’elle ; vous soutiendrez notre mère, ô divin Esprit, jusqu’à l’arrivée de l’Époux. Mais après l’enfantement du dernier élu, l’Esprit et l’Épouse s’uniront dans un même cri : « Venez ! diront-ils ». Alors l’Emmanuel paraîtra sur les nuées du ciel, la mission de l’Esprit sera terminée, et l’Épouse, « appuyée sur son bien-aimé », s’élèvera de cette terre ingrate et stérile vers le ciel où l’attendent les noces de l’éternité.

 

 

 

Lire la suite

Lundi de la Pentecôte

20 Mai 2024 , Rédigé par Ludovicus

Lundi de la Pentecôte

Collecte

Dieu, vous avez donné le Saint-Esprit à vos Apôtres : concédez à votre peuple l’effet de sa pieuse demande ; pour donner aussi la paix à ceux auxquels vous avez donné la foi. Par N.-S... en l’unité du même.

Lecture Ac. 10, 34 et 42-48

Lecture des Actes des Apôtres. — En ces jours-là, Pierre prenant la parole, dit : mes frères, le Seigneur nous a ordonné de prêcher et d’attester au peuple que c’est lui qui a été établi par Dieu juge des vivants et des morts. Tous les prophètes lui rendent témoignage que tous ceux qui croient en lui reçoivent par son nom la rémission des péchés. Tandis que Pierre prononçait encore ces mots, l’Esprit-Saint descendit sur tous ceux qui écoutaient la parole. Et les fidèles de la circoncision qui étaient venus avec Pierre furent frappés d’étonnement de ce que la grâce de l’Esprit-Saint se répandait aussi sur les Gentils. Car ils les entendaient parler diverses langues et glorifier Dieu. Alors Pierre dit : Est-ce qu’on peut refuser l’eau, et empêcher de baptiser ceux qui ont reçu l’Esprit-Saint comme nous ? Et il ordonna de les baptiser au nom du Seigneur Jésus-Christ

Veni, Sancte Spíritus,
et emítte cǽlitus
lucis tuæ rádium.
Venez, ô Saint-Esprit,
Et envoyez du ciel
Un rayon de votre lumière.
Veni, pater páuperum ;
veni, dator múnerum ;
veni, lumen córdium.
Venez, père des pauvres,
Venez, distributeur de tous dons,
Venez, lumière des cœurs.
Consolátor óptime,
dulcis hospes ánimæ,
dulce refrigérium.
Consolateur suprême,
Doux hôte de l’âme,
Douceur rafraîchissante.
In labóre réquies,
in æstu tempéries,
in fletu solácium.
Repos dans le labeur,
Calme, dans l’ardeur,
Soulagement, dans les larmes.
O lux beatíssima,
reple cordis íntima
tuórum fidélium.
0 lumière bienheureuse,
Inondez jusqu’au plus intime,
Le cœur de vos fidèles.
Sine tuo númine
nihil est in hómine,
nihil est innóxium.
Sans votre secours,
Il n’est en l’homme, rien,
Rien qui soit innocent.
Lava quod est sórdidum,
riga quod est áridum,
sana quod est sáucium.
Lavez ce qui est souillé,
Arrosez ce qui est aride,
Guérissez ce qui est blessé.
Flecte quod est rígidum,
fove quod est frígidum,
rege quod est dévium.
Pliez ce qui est raide,
Échauffez ce qui est froid.
Redressez ce qui dévie.
Da tuis fidélibus,
in te confidéntibus,
sacrum septenárium.
Donnez à vos fidèles,
qui en vous se confient
Les sept dons sacrés.
Da virtútis méritum,
da salútis éxitum,
da perénne gáudium. Amen. Allelúia.
Donnez-leur le mérite de la vertu,
Donnez une fin heureuse,
Donnez l’éternelle joie. Ainsi soit-il. Alléluia.

Évangile Jn. 3, 16-21

En ce temps-là : Jésus dit à Nicodème : Dieu a tant aimé le monde, qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu’il ait la vie éternelle. Car Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais afin que le monde soit sauvé par lui. Celui qui croit en lui n’est pas jugé ; mais celui qui ne croit pas est déjà jugé, parce qu’il ne croit pas au nom du Fils unique de Dieu. Or voici quel est le jugement : la lumière est venue dans le monde, et les hommes ont mieux aimé les ténèbres que la lumière, parce que leurs œuvres étaient mauvaises. Car quiconque fait le mal hait la lumière, et ne vient point à la lumière, de peur que ses œuvres ne soient condamnées. Mais celui qui agit selon la vérité vient à la lumière, afin que ses œuvres soient manifestées, parce que c’est en Dieu qu’elles sont faites.

Office

1ère leçon

Homélie de saint Augustin, Évêque.

Le médecin vient guérir le malade, autant qu’il est en lui. Celui qui refuse d’observer les prescriptions du médecin se donne à lui-même la mort. Le Sauveur est venu dans le monde. Pourquoi a-t-il été appelé Sauveur du monde, sinon parce qu’il est venu pour sauver le monde et non pour le juger ? Tu ne veux pas être sauvé par lui, tu seras jugé par l’effet de ta volonté même. Que dis-je, tu seras jugé ? Écoute ce qu’il dit : « Celui qui croit en lui n’est point jugé, mais qui ne croit point » ; que penses-tu qu’il va dire ? n’est-ce pas qu’il sera jugé ? Voici ce qu’il ajoute : « Il est déjà condamné. » Le jugement n’a pas encore été publié, et déjà la sentence est prononcée.

2e leçon

Le Seigneur connaît ceux qui sont à lui, il connaît ceux qui doivent demeurer pour la couronne, ceux qui doivent demeurer pour les flammes. Il connaît dans son aire le froment, il connaît aussi la paille ; il connaît le bon grain, il distingue aussi l’ivraie. « Celui qui ne croit pas est déjà jugé ». Pourquoi ? « Parce qu’il n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu. Or, voici la cause de ce jugement, c’est que la lumière est venue dans le monde et que les hommes ont mieux aimé les ténèbres que la lumière : leurs œuvres en effet étaient mauvaises » Mes frères, quels sont ceux dont les œuvres ont été trouvées bonnes par le Seigneur ? Il n’y en a pas. Il a trouvé leurs œuvres à tous, mauvaises. Comment donc quelques-uns ont-ils agi selon la vérité et sont-ils venus à la lumière, comme l’indiquent les paroles suivantes : « Celui qui accomplit la vérité vient à la lumière »

3e leçon

« Les hommes, dit le Seigneur, ont mieux aimé les ténèbres que la lumière. » Là se trouve la force du raisonnement. Il en est beaucoup, en effet, qui ont aimé leurs péchés, il en est beaucoup qui les ont confessés ; celui qui confesse ses péchés et s’en accuse, agit conjointement avec Dieu. Dieu accuse tes péchés ; si toi aussi tu les accuses, tu te joins à Dieu. L’homme et le pécheur sont comme deux choses distinctes. Tu m’entends nommer l’homme, il est l’ouvrage de Dieu ; tu m’entends nommer le pécheur, il est l’ouvrage de l’homme. Détruis ce que tu as fait, afin que Dieu sauve ce qu’il a fait lui-même. Il faut que tu haïsses en toi ton œuvre, et que tu aimes en toi l’œuvre de Dieu. Lorsque ce que tu as fait aura commencé à te déplaire, l’accusation du mal que tu as commis sera le commencement de tes bonnes œuvres. Le commencement des bonnes œuvres, c’est l’aveu des œuvres mauvaises.

Hier L’Esprit-Saint a pris possession du monde, et ses débuts dans la mission qu’il a reçue du Père et du Fils ont annoncé sa puissance sur les cœurs, et ont préludé avec éclat à ses conquêtes futures. Nous allons suivre respectueusement sa marche et ses opérations sur cette terre qui lui a été confiée ; la succession des jours d’une si solennelle Octave nous permettra de signaler tour à tour ses œuvres dans l’Église et dans les âmes.

Jésus, notre Emmanuel, est le Roi du monde ; il a reçu de son Père les nations en héritage. Il nous a déclaré lui-même que « toute puissance lui a été donnée au ciel et sur la terre ». Mais il est monté au ciel avant que son empire fût établi ici-bas. Le peuple d’Israël lui-même auquel il a fait entendre sa parole, sous les yeux duquel il a opéré les prodiges qui attestaient sa mission, ce peuple l’a renié et a cessé d’être son peuple. Quelques-uns de ses membres seulement l’ont accepté et l’accepteront encore ; mais la masse d’Israël confirme le cri sacrilège de ses pontifes : « Nous ne voulons pas que celui-là règne sur nous ».

La gentilité est tout aussi éloignée d’accepter le fils de Marie pour son maître. Elle ignore profondément sa personne, sa doctrine, sa mission. Les traditions antiques de la religion primitive se sont graduellement effacées. Le culte de la matière a envahi le monde civilisé comme le monde barbare, et l’adoration est prodiguée à toute créature. La morale est altérée jusque dans ses sources les plus sacrées et les plus inviolables. La raison s’est obscurcie chez cette minorité imperceptible qui se fait gloire du nom de philosophes ; « ils se sont évanouis dans leurs pensées, et leur cœur insensé s’est aveuglé ». Les races humaines déracinées ont été mêlées successivement par la conquête. Tant de bouleversements n’ont laissé chez les peuples que l’idée de la force, et le colossal empire romain dominé par César pèse de tout son poids sur la terre. C’est le moment que le Père céleste a choisi pour envoyer son Fils en ce monde. Il n’y a pas place pour un roi des intelligences et des cœurs ; et cependant il faut que Jésus règne sur les hommes et que son règne soit accepté.

En attendant, un autre maître s’est présenté, et les peuples l’ont accueilli avec acclamation. C’est Satan, et son empire est si fortement établi que Jésus lui-même l’appelle le Prince de ce monde. Il faut qu’il soit « jeté dehors » ; il s’agit de le chasser de ses temples, de l’expulser des mœurs, de la pensée, de la littérature, des arts, de la politique ; car il possède tout. Ce n’est pas seulement l’humanité dépravée qui résiste ; c’est le fort armé qui la regarde comme son domaine, et qui ne cédera pas devant une force créée.

Tout est donc contre le règne du Christ, et rien pour lui. Que sert à l’impiété moderne de dire, contre l’évidence des faits, que le monde était prêt pour une si complète révolution ? Comme si tous les vices et toutes les erreurs étaient une préparation à toutes les vertus et à toutes les vérités ! comme s’il suffisait à l’homme vicieux de sentir le malheur, pour comprendre que son malheur vient de ce qu’il est dans le mal, pour se résoudre à devenir tout d’un coup, et au prix de tous les sacrifices, un héros de vertu !

Non, pour que Jésus régnât sur ce monde pervers, il fallait un miracle et le plus grand de tous les miracles, un prodige qui, comme le dit Bossuet, n’a de terme de comparaison qu’avec l’acte créateur qui a fait sortir les êtres du néant. Or, ce prodige, qui l’a fait, sinon le divin Esprit ? C’est lui-même qui a voulu que nous qui n’avons pas vu le Seigneur Jésus, nous fussions rendus aussi certains de sa nature divine et de sa mission de Sauveur, que si nous eussions été témoins de ses miracles et auditeurs de ses enseignements. C’est dans ce but qu’a été opéré ce prodige des prodiges, cette conversion du monde, dans laquelle « Dieu a choisi ce qu’il y avait de plus faible dans le monde pour renverser ce qui était fort, ce qui n’était pas pour détruire ce qui était ». C’est dans ce fait immense et plus lumineux que le soleil, que l’Esprit-Saint a rendu sa présence visible, qu’il s’est affirmé lui-même. Voyons par quels moyens il s’y est pris pour assurer le règne de Jésus sur le monde. Retournons d’abord au Cénacle. Considérez ces hommes revêtus maintenant de la Vertu d’en haut. Qu’étaient-ils tout à l’heure ? Des gens sans influence, de condition vile, sans lettres, d’une faiblesse connue. N’est-il pas vrai que l’Esprit-Saint en a fait tout à coup des hommes éloquents et du plus haut courage, des hommes que le monde connaîtra bientôt, et qui remporteront sur lui une victoire devant laquelle pâliront les triomphes des plus glorieux conquérants ? Il faut bien que l’incrédulité l’avoue, le fait est par trop évident : le monde a été transformé, et cette transformation est l’œuvre de ces pauvres juifs du Cénacle. Ils ont reçu le Saint-Esprit en ce jour de la Pentecôte, et cet Esprit a accompli par eux tout ce qu’il avait à accomplir. Il leur a donné trois choses en ce jour : la parole figurée par les langues, l’ardeur de l’amour représentée par le feu, et le don des miracles qu’ils exercent tout aussitôt. La parole est le glaive dont ils sont armés, l’amour est l’aliment du courage qui leur fera tout braver, et par le miracle ils forceront l’attention des hommes. Tels sont les moyens devant lesquels le Prince du monde sera réduit à capituler, par lesquels le règne de l’Emmanuel s’établira dans son domaine, et ces moyens procèdent tous de l’Esprit-Saint.

Mais il ne borne pas là son action. Il ne suffit pas que les hommes entendent retentir la parole, qu’ils admirent le courage, qu’ils voient des prodiges. Il ne suffit pas qu’ils entrevoient la splendeur de la vérité, qu’ils sentent la beauté de la vertu, qu’ils reconnaissent la honte et le crime de leur situation. Pour arriver à la conversion du cœur, pour reconnaître un Dieu dans ce Jésus qu’on va leur prêcher, pour l’aimer et se vouer à lui dans le baptême et jusqu’au martyre, s’il le faut, il est nécessaire que le Saint-Esprit intervienne. Lui seul, comme parle le Prophète, peut enlever de leur poitrine le cœur de pierre et y substituer un cœur de chair capable d’éprouver le sentiment surnaturel de la foi et de l’amour. L’Esprit divin accompagnera donc partout ses envoyés ; à eux l’action visible, à lui l’action invisible ; et le salut pour l’homme résultera de ce concours. Il faudra que l’une et l’autre action s’exercent sur chaque individu, que la liberté de chaque individu acquiesce et se rende à la prédication extérieure de l’apôtre et à la touche intérieure de l’Esprit. Certes, c’est un grand œuvre d’entraîner la race humaine à confesser Jésus son seigneur et roi ; la volonté perverse résistera longtemps ; mais qu’il s’écoule seulement trois siècles, et le monde civilisé se rangera autour de la croix du Rédempteur.

Il était juste que l’Esprit-Saint et ses envoyés s’adressassent d’abord au peuple de Dieu. Ce peuple « avait reçu en dépôt les divins oracles » ; il avait fourni le sang de la rédemption. Jésus avait déclaré qu’il était envoyé « pour les brebis perdues de la maison d’Israël ». Pierre, son vicaire, devait hériter de cette gloire d’être l’Apôtre du peuple circoncis ; bien que la gentilité, en la personne de Corneille le Centurion, dût être par lui introduite dans l’Église, et l’émancipation des gentils baptisés proclamée par lui dans l’assemblée de Jérusalem. Mais l’honneur était dû d’abord à la famille d’Abraham, d’Isaac et de Jacob ; voilà pourquoi notre première Pentecôte est juive, pourquoi nos premiers ancêtres en ce jour sont juifs. C’est sur la race d’Israël que l’Esprit-Saint répand d’abord ses dons ineffables.

Voyez-les maintenant partir de Jérusalem ces juifs qui ont reçu la parole, et dont le saint baptême a fait de véritables enfants d’Abraham. La solennité passée, ils retournent dans les provinces de la gentilité qu’ils habitent, portant dans leurs cœurs Jésus qu’ils ont reconnu pour le Messie roi et sauveur. Saluons ces prémices de la sainte Église, ces trophées de l’Esprit divin, ces porteurs de la bonne nouvelle. Ils ne tarderont pas à voir arriver les hommes du Cénacle qui se tourneront vers les gentils, après l’inutile sommation faite à l’orgueilleuse et ingrate Jérusalem.

Une faible minorité dans la nation juive a donc consenti à reconnaître le fils de David pour l’héritier du Père de famille ; la masse est demeurée rebelle et court obstinément à sa perte. Comment qualifier son crime ? Étienne, le Protomartyr, nous l’apprend. S’adressant à ces indignes fils d’Abraham : « Hommes à la tête dure, leur dit-il, cœurs et oreilles incirconcis, vous résistez continuellement au Saint-Esprit ». Un si coupable refus d’obéir chez la nation privilégiée donne le signal de la migration des Apôtres vers la gentilité. L’Esprit Saint ne les quitte plus, et c’est désormais sur les peuples assis dans les ombres de la mort qu’il va épancher les torrents de la grâce que Jésus a mérités aux hommes par son Sacrifice sur la croix.

Ils s’avancent, ces porteurs de la parole de vie, vers les régions païennes. Tout s’arme contre eux, mais ils triomphent de tout. L’Esprit qui les anime féconde en eux ses dons. Il agit en même temps sur les âmes de leurs auditeurs, la foi en Jésus se répand avec rapidité ; et bientôt Antioche, puis Rome, puis Alexandrie, voient s’élever en leur sein une population chrétienne. La langue de feu parcourt le monde ; elle ne s’arrête même pas aux limites de l’empire romain, prédestiné, selon les divins Prophètes, à servir de base à l’empire du Christ. Les Indes, la Chine, l’Éthiopie et cent peuples lointains entendent la voix des Évangélistes de la paix. Mais il ne leur faut pas seulement rendre témoignage par la parole à la royauté de leur Maître ; ils lui doivent aussi le témoignage du sang. Ils ne seront pas en retard. Le feu qui les embrasa au Cénacle les consume dans l’holocauste du martyre.

Admirons ici la puissance et la fécondité du divin Esprit. A ces premiers envoyés il fait succéder une génération nouvelle. Les noms sont changés, mais l’action continue et continuera jusqu’à la fin des temps, parce qu’il faut que Jésus soit reconnu sauveur et maître de l’humanité, et que l’Esprit Saint a été envoyé pour opérer cette reconnaissance sur la terre. Le Prince de ce monde, « l’ancien serpent », s’agite avec violence pour arrêter les conquêtes des envoyés de l’Esprit. Il a crucifié Pierre, tranché la tête à Paul, immolé leurs compagnons ; mais lorsque ces nobles chefs ont disparu, son orgueil est soumis à une épreuve plus dure encore. C’est un peuple entier qu’a produit le mystère de la Pentecôte ; la semence apostolique a germé dans des proportions immenses. La persécution de Néron a pu abattre les chefs juifs du nouveau peuple ; mais voici maintenant la gentilité elle-même établie dans l’Église. Ainsi que nous le chantions hier en triomphe, « l’Esprit du Seigneur a rempli la terre entière ». Nous voyons, dès la fin du premier siècle, le glaive de Domitien sévir jusque sur les membres de la famille impériale. Bientôt les Trajan, les Adrien, les Antonin, les Marc-Aurèle, épouvantés du compétiteur Jésus de Nazareth, s’élancent sur son troupeau ; mais c’est en vain. Le Prince du monde les avait armés de la politique et de la philosophie ; l’Esprit-Saint dissout tous ces faux prestiges, et la vérité s’étend toujours plus sur la surface du monde. A ces sages succèdent des tyrans forcenés, un Sévère, un Décius, un Gallus, un Valérien, un Aurélien, un Maximien ; le carnage s’étend à tout l’empire, parce que les chrétiens y sont partout. Enfin l’effort suprême du Prince du monde est dans l’effroyable persécution décrétée par Dioclétien et les farouches Césars qui partagent le pouvoir avec lui. Ils avaient résolu l’extermination du christianisme, et ce sont eux-mêmes qui, après avoir répandu des torrents de sang, s’affaissent dans le désespoir et l’ignominie. Qu’ils sont magnifiques vos triomphes, ô divin Esprit ! Qu’il est surhumain l’empire du Fils de Dieu, lorsque vous l’établissez ainsi à l’encontre de toutes les résistances de la faiblesse et de la perversité humaines, à la face de Satan dont le règne semblait pour jamais consolidé sur la terre ! Mais vous aimez le futur troupeau du Rédempteur, et vous répandez dans des millions d’âmes l’attrait pour une vérité qui exige de si redoutables sacrifices. Vous renversez les prétextes d’une vaine raison par des prodiges innombrables, et échauffant ensuite par l’amour ces cœurs arrachés à la concupiscence et à l’orgueil, vous les envoyez pleins d’un enthousiasme tranquille au-devant de la mort et des tortures.

Alors s’accomplit la promesse que Jésus avait faite pour le moment où ses fidèles comparaîtraient devant les ministres du Prince du monde. Il avait dit : « Ne prenez pas la peine de réfléchir sur la manière dont vous parlerez et sur ce que vous direz. A l’heure même, vous sera donné ce que vous aurez à dire ; car ce ne sera pas vous-mêmes qui parlerez, mais ce sera l’Esprit de votre Père qui parlera en vous ». Nous en pouvons juger encore en lisant les immortels Actes de nos martyrs, en suivant ces interrogatoires et ces réponses simples et sublimes qui s’échappent du milieu même des tourments. C’est la voix de l’Esprit, la parole de l’Esprit qui lutte et qui triomphe. Les assistants s’écriaient : « Il est grand, le Dieu des chrétiens ! » et plus d’une fois on vit les bourreaux, séduits par une si divine éloquence, se déclarer eux-mêmes les disciples d’un Dieu si puissant, et se ranger soudain parmi les nobles victimes qu’ils déchiraient tout à l’heure. Nous savons par les monuments contemporains que l’arène du martyre fut la tribune de la foi, et que le sang des martyrs, joint à la beauté de leur parole, fut la semence des chrétiens.

Après trois siècles de ces merveilles du divin Esprit, la victoire fut complète. Jésus était reconnu Roi et Sauveur du monde, docteur et rédempteur des hommes ; Satan était expulsé du domaine qu’il avait usurpé, le polythéisme dont il fut l’auteur était remplacé par la foi en un seul Dieu, et le culte ignoble de la matière n’était plus qu’un objet de honte et de mépris. Or, une telle victoire qui eut d’abord pour théâtre l’empire romain tout entier, et qui n’a cessé de s’étendre, de siècle en siècle, à tant d’autres nations infidèles, est l’œuvre du Saint-Esprit. La manière miraculeuse dont elle s’est accomplie contre toutes les prévisions humaines est l’un des principaux arguments sur lesquels repose notre foi. Nous n’avons pas vu de nos yeux, nous n’avons pas entendu de nos oreilles le Seigneur Jésus ; mais nous le confessons pour notre Dieu, à cause du témoignage que lui a rendu si visiblement l’Esprit-Saint qu’il nous a envoyé. Soient donc à jamais à ce divin Esprit gloire, reconnaissance et amour de la part de toute créature ! Car il nous a mis en possession du salut que notre Emmanuel nous avait apporté.

Lire la suite

Dimanche de la Pentecôte

19 Mai 2024 , Rédigé par Ludovicus

Dimanche de la Pentecôte

Introït

L’esprit du Seigneur remplit l’univers, alléluia, et comme il contient tout, il connaît tout ce qui se dit, alléluia, alléluia, alléluia. Que Dieu se lève, et que ses ennemis soient dissipés, et que ceux qui le haïssent fuient devant sa face.

Collecte

Dieu, qui avez instruit en ce jour les cœurs des fidèles par la lumière du Saint-Esprit : donnez-nous, par le même Esprit, de goûter ce qui est bien ; et de jouir sans cesse de la consolation dont il est la source. Par Notre-Seigneur … en l’unité du même Esprit.

Lecture Ac. 2, 1-11

Lorsque le jour de la Pentecôte fut arrivé, ils étaient tous ensemble dans un même lieu. Tout à coup il se produisit, venant du ciel, un bruit comme celui d’un vent impétueux, et il remplit toute la maison où ils étaient assis. Et ils virent paraître des langues séparées les unes des autres, qui étaient comme de feu, et qui se posèrent sur chacun d’eux. Et ils furent tous remplis du Saint-Esprit, et ils commencèrent à parler diverses langues, selon que l’Esprit Saint leur donnait de s’exprimer. Or il y avait à Jérusalem des Juifs pieux qui y séjournaient, de toutes les nations qui sont sous le ciel. Après que ce bruit se fut fait entendre, ils accoururent en foule, et ils furent stupéfaits, parce que chacun les entendait parler dans sa propre langue. Ils étaient tous hors d’eux-mêmes ; et dans leur étonnement ils disaient : Tous ces hommes qui parlent ne sont-ils pas Galiléens ? Comment donc chacun de nous les entend-il parler la langue de son pays ? Parthes, Mèdes, Elamites, ceux qui habitent la Mésopotamie, la Judée et la Cappadoce, le Pont et l’Asie, la Phrygie et la Pamphylie, l’Égypte et le territoire de la Libye qui est près de Cyrène, des étrangers résidant à Rome, Juifs ou prosélytes, Crétois et Arabes, nous les entendons parler en nos langues des merveilles de Dieu.

Évangile Jn. 14, 23-31

En ce temps-là : Jésus dit à ses disciples : Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole, et mon Père l’aimera, et nous viendrons à lui, et nous ferons chez lui notre demeure. Celui qui ne m’aime point ne garde pas mes paroles ; et la parole que vous avez entendue n’est pas de moi, mais de celui qui m’a envoyé, du Père. Je vous ai dit ces choses pendant que je demeurais avec vous. Mais le Paraclet, l’Esprit-Saint, que le Père enverra en mon nom, vous enseignera toutes choses, et vous rappellera tout ce que je vous ai dit. Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix ; ce n’est pas comme le monde la donne que je vous la donne. Que votre cœur ne se trouble pas, et qu’il ne s’effraye pas. Vous avez entendu que je vous ai dit : Je m’en vais, et je reviens à vous. Si vous m’aimiez, vous vous réjouiriez de ce que je vais auprès du Père, parce que le Père est plus grand que moi. Et je vous ai dit ces choses maintenant, avant qu’elles n’arrivent, afin que, lorsqu’elles seront arrivées, vous croyiez. Je ne vous parlerai plus guère désormais ; car le prince de ce monde vient, et il n’a aucun droit sur moi ; mais il vient afin que le monde connaisse que j’aime le Père, et que je fais ce que le Père m’a ordonné.

Secrète

Rendez saints, nous vous en supplions, Seigneur, les dons qui vous sont offerts, et purifiez nos cœurs au moyen de la lumière du Saint-Esprit. Par N.-S. … en l’unité du même.

Postcommunion

Seigneur, que l’infusion de l’Esprit-Saint purifie nos cœurs et qu’elle les féconde en les pénétrant de sa rosée. Par N.-S ... en l’unité du même.

Office

1ère leçon

Homélie de saint Grégoire, Pape

Je préfère, mes très chers frères, passer brièvement sur les paroles de cette lecture de l’Évangile, afin que nous puissions nous arrêter plus longtemps à considérer les mystères d’une si grande solennité. Car c’est en ce jour que l’Esprit-Saint est descendu avec un bruit soudain sur les disciples, et que, transformant les esprits de ces hommes charnels, il les a conduits à son amour. Tandis que des langues de feu apparaissaient à l’extérieur, au dedans les cœurs des disciples s’enflammèrent, et comme ils voyaient Dieu sous l’aspect du feu, ils devinrent avec une suavité ineffable tout brûlants d’amour. Car le Saint-Esprit est amour, et c’est pourquoi saint Jean dit : « Dieu est charité ». Celui donc qui désire Dieu de tout son esprit, possède certes déjà celui qu’il aime. Car personne ne pourrait aimer Dieu, s’il ne possédait celui qu’il aime.

2e leçon

Si l’on questionne chacun de vous et qu’on lui demande : Aimez-vous Dieu ? Il répond d’un esprit assuré et avec pleine confiance : Je l’aime. Vous avez entendu au commencement de la lecture de l’Évangile, ce que dit la Vérité même : « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole ». La preuve de l’amour, c’est l’action. Aussi saint Jean dit-il encore dans son Épître : « Celui qui dit : J’aime Dieu, et ne garde pas ses commandements est un menteur ». Mais nous aimons vraiment Dieu et nous gardons ses commandements, si nous nous efforçons de réprimer en nous l’attrait des plaisirs. Car celui qui continue à s’abandonner à des désirs illicites n’aime assurément pas Dieu, puisqu’il s’oppose à lui dans sa volonté.

3e leçon

« Et mon Père l’aimera, et nous viendrons à lui, et nous ferons notre demeure en lui ». Considérez, mes très chers frères, quel grand honneur c’est de posséder pour hôte, dans notre cœur, Dieu venant à nous. Certes, si quelque ami riche ou très puissant devait entrer dans notre maison, la maison tout entière serait rendue nette avec la plus grande hâte, de crainte qu’il n’y eût quelque chose qui blessât les yeux de cet ami qui arrive. Qu’il ait donc soin de se purifier des souillures du péché, celui qui prépare pour Dieu la demeure de son âme. Mais voyez ce que dit la Vérité même : « Nous viendrons à lui, et nous ferons notre demeure en lui ». Il vient en effet dans les cœurs de quelques-uns, cependant il n’y fait pas sa demeure, car ils ont attiré le regard divin par la componction, mais au moment de la tentation, ils oublient aussitôt ce qui les a amenés à la pénitence, et ainsi ils retournent au péché, comme s’ils ne l’avaient jamais pleuré.

......Regardons maintenant le collège apostolique. Ces hommes que quarante jours de relations avec leur Maître ressuscité avaient relevés, et que nous trouvions déjà si différents d’eux-mêmes, que sont-ils devenus depuis l’instant où l’Esprit divin les a saisis ? Ne sentez-vous pas qu’ils sont transformés, qu’un feu divin éclate dans leur poitrine, et que dans un moment ils vont s’élancer à la conquête du monde ? Tout ce que le Maître leur avait annoncé est accompli en eux ; et c’est véritablement la Vertu d’en haut qui est descendue pour les armer au combat. Où sont-ils ceux qui tremblaient devant les ennemis de Jésus, ceux qui doutaient de sa résurrection î La vérité que le Maître leur a enseignée brille aux regards de leur intelligence ; ils voient tout, ils comprennent tout. L’Esprit-Saint leur a infus le don de la foi dans un degré sublime, et leur cœur brûle du désir de répandre au plus tôt cette foi dans le monde entier. Loin de craindre désormais, ils n’aspirent qu’à affronter tous les périls en prêchant, comme Jésus le leur a commandé, à toutes les nations son nom et sa gloire.

Contemplez Pierre. Vous le reconnaissez aisément à cette majesté douce que tempère une ineffable humilité. Hier son aspect était imposant mais tranquille ; aujourd’hui, sans rien perdre de leur dignité, ses traits ont pris une expression d’enthousiasme que nul n’avait encore vue en lui. L’Esprit divin s’est emparé puissamment du Vicaire de Jésus ; car Pierre est le prince de la parole et le maître de la doctrine. Près de Pierre, c’est André son frère aîné, qui conçoit en ce moment cette passion ardente pour la croix qui sera son type à jamais glorieux ; c’est Jean dont les traits semblaient naguère ne respirer que la douceur, et qui subitement ont pris l’expression forte et inspirée du prophète de Pathmos ; à ses côtés, c’est Jacques son frère, l’autre « fils du tonnerre », se dressant avec toute la vigueur du vaillant chevalier qui s’élancera bientôt à la conquête de l’Ibérie. Le second Jacques, celui qui est aimé sous le nom de « frère du Seigneur », puise dans la vertu du divin Esprit qui le transporte, un nouveau degré de charme et de béatitude. Matthieu est illuminé d’une splendeur qui fait pressentir en lui le premier des écrivains du nouveau Testament. Thomas sent en son cœur la foi qu’il a reçue au contact des membres de son Maître ressuscité, prendre un accroissement sans mesure : il est prêt à partir pour ses laborieuses missions dans l’extrême Orient ; tous, en un mot, sont un hymne vivant à la gloire de l’Esprit tout-puissant, qui s’annonce avec un tel empire dès les premiers instants de son arrivée.

Dans un rang inférieur apparaissent les disciples, moins favorisés dans cette visite que les douze princes du collège apostolique, mais pénétrés du même feu ; car eux aussi marcheront à la conquête du monde et fonderont de nombreuses chrétientés. Le groupe des saintes femmes n’a pas moins ressenti que le reste de l’assemblée la descente du Dieu qui s’annonce sous l’emblème du feu. L’amour qui les retint au pied de la croix de Jésus et qui les conduisit les premières à son sépulcre au matin de la Pâque, s’est enflammé d’une ardeur nouvelle. La langue de feu s’est arrêtée sur chacune d’elles, et elles seront éloquentes à parler de leur Maître aux Juifs et aux gentils. En vain la synagogue expulsera Madeleine et ses compagnes ; la Gaule méridionale les écoutera à son tour, et ne sera pas rebelle à leur parole.

Cependant, la foule des Juifs qui avait entendu le bruit de la tempête annonçant la venue de l’Esprit divin, s’est amassée en grand nombre autour du mystérieux Cénacle. Ce même Esprit qui agit au dedans avec tant de magnificence, les pousse à faire le siège de cette maison qui contient dans ses murs l’Église du Christ dont la naissance vient d’éclater. Leurs clameurs retentissent, et bientôt le zèle apostolique qui vient de naître pour ne plus s’éteindre, ne peut plus tenir dans de si étroites limites. En un moment l’assemblée inspirée se précipite aux portes du Cénacle, et se met en rapport avec cette multitude avide de connaître le nouveau prodige que vient d’opérer le Dieu d’Israël.

Mais, ô merveille ! La foule composée de toutes les nations, qui s’attendait à entendre le parler grossier des Galiléens, est tout à coup saisie de stupeur. Ces Galiléens n’ont fait encore que s’énoncer en paroles confuses et inarticulées, et chacun les entend parler dans sa propre langue. Le symbole de l’unité apparaît dans toute sa splendeur. L’Église chrétienne est montrée à tous les peuples représentés dans cette multitude. Elle sera une, cette Église ; car les barrières que Dieu plaça autrefois, dans sa justice, pour isoler les nations, viennent de s’écrouler. Voici les messagers de la foi du Christ ; ils sont prêts, ils vont partir, leur parole fera le tour de la terre.

Dans la foule cependant, quelques hommes, insensibles au prodige, se scandalisent de l’ivresse divine dans laquelle ils voient les Apôtres : « Ces hommes, disent-ils, sont pleins de vin. » C’est le langage du rationalisme qui veut tout expliquer par des raisons humaines. Et pourtant ces Galiléens prétendus ivres abattront à leurs pieds le monde entier, et l’Esprit divin qui est en eux, ils le communiqueront avec son ivresse à toutes les races du genre humain. Les saints Apôtres sentent que le moment est venu ; il faut que la seconde Pentecôte soit proclamée en ce jour anniversaire de la première. Mais dans cette proclamation de la loi de miséricorde et d’amour qui vient remplacer la loi de la justice et de la crainte, quel sera le Moïse ?

L’Emmanuel, avant de monter au ciel, l’avait désigné : c’est Pierre, le fondement de l’Église. Il est temps que tout ce peuple le voie et l’entende ; le troupeau va se former, il est temps que le pasteur se montre. Écoutons l’Esprit-Saint qui va s’énoncer par son principal organe, en présence de cette multitude ravie et silencieuse ; chaque mot que va dire l’Apôtre qui ne parle qu’une seule langue est compris de chacun des auditeurs, à quelque idiome, à quelque pays de la terre qu’il appartienne. Un tel discours est à lui seul la démonstration de la vérité et de la divinité de la loi nouvelle.

« Hommes juifs, s’écrie dans la plus haute éloquence le pêcheur du lac de Génésareth, hommes juifs et vous tous qui habitez en ce moment Jérusalem, apprenez ceci et prêtez l’oreille à mes paroles. Non, ces hommes que vous voyez ne sont pas ivres comme vous l’avez pensé ; car il n’est encore que l’heure de tierce ; mais en ce moment s’accomplit ce qu’avait prédit le prophète Joël : « Dans les derniers temps, dit le Seigneur, je répandrai mon Esprit sur toute chair, et vos fils et vos filles prophétiseront, et vos jeunes gens seront favorisés de visions, et vos vieillards auront des songes prophétiques. Et dans ces jours, je répandrai mon Esprit sur mes serviteurs et sur mes servantes, et ils prophétiseront ». Hommes Israélites, écoutez ceci. Vous vous rappelez Jésus de Nazareth, que Dieu même avait accrédité au milieu de vous par les prodiges au moyen desquels il opérait par lui, ainsi que vous le savez vous-mêmes. Or, ce Jésus, selon le décret divin résolu à l’avance, a été livré à ses ennemis, et vous-mêmes vous l’avez fait mourir par la main des impies. Mais Dieu l’a ressuscite, en l’arrachant à l’humiliation du tombeau qui ne pouvait le retenir. David n’avait-il pas dit de lui : « Ma chair reposera dans l’espérance ; car vous ne permettrez pas, Seigneur, que celui qui est votre Saint éprouve la corruption du tombeau » ? Ce n’était pas en son propre nom que David parlait ; car il est mort, et son sépulcre est encore sous nos yeux ; mais il annonçait la résurrection du Christ qui n’a point été laissé dans le tombeau, et dont la chair n’a pas connu la corruption. Ce Jésus, Dieu lui-même l’a ressuscité, et nous en sommes tous témoins. Élevé à la droite de Dieu, il a, selon la promesse qu’en avait faite le Père, répandu sur la terre le Saint-Esprit, ainsi que vous le voyez et l’entendez. Sachez donc, maison d’Israël, et sachez-le avec toute certitude, que ce Jésus crucifié par vous, Dieu en a fait le Seigneur et le Christ. »

Ainsi fut accomplie la promulgation de la loi nouvelle par la bouche du nouveau Moïse. Comment les auditeurs n’eussent-ils pas accueilli le don inestimable de cette seconde Pentecôte, qui venait dissiper les ombres de l’ancienne et produire au grand jour les divines réalités ? Dieu se révélait, et, comme toujours, il le faisait par les miracles. Pierre rappelle les prodiges de Jésus dont la Synagogue n’a pas voulu tenir compte, et qui rendaient témoignage de lui. Il annonce la descente de l’Esprit-Saint, et en preuve il allègue le prodige inouï que les auditeurs ont sous les yeux, dans le don des langues départi aux habitants du Cénacle.

Poursuivant son œuvre sublime, l’Esprit-Saint qui planait sur cette foule, féconde par son action divine ces cœurs prédestinés. La foi naît et se développe tout d’un coup dans ces disciples du Sinaï accourus de tous les points du monde pour une Pâque et une Pentecôte désormais stériles. Saisis de crainte et de regret d’avoir demandé la mort du Juste, dont ils confessent la résurrection et l’ascension au ciel, ces Juifs de toute nation poussent un cri pénétrant vers Pierre et ses compagnons : « Qu’avons-nous donc à faire, ô vous qui êtes nos frères? » Admirable disposition pour recevoir la foi ! Le désir de croire, et le dessein arrêté de conformer ses actes à sa croyance. Pierre reprend son discours : « Repentez-vous, leur dit-il, et que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus-Christ, et vous aurez part, vous aussi, au don du Saint-Esprit. La promesse a été faite pour vous et pour vos fils et également pour ceux qui sont loin, c’est-à-dire les gentils : en un mot, pour tous ceux qu’appelle le Seigneur notre Dieu ».

A chaque parole du nouveau Moïse, la Pentecôte judaïque s’efface, et la Pentecôte chrétienne resplendit d’une lumière toujours plus splendide à l’horizon. Le règne de l’Esprit divin est inauguré dans Jérusalem, à la face du temple condamné à s’écrouler sur lui-même. Pierre parla encore ; mais le livre sacré des Actes n’a recueilli que ces paroles qui retentirent comme le dernier appel au salut : « Sauvez-vous, enfants d’Israël, sauvez-vous de cette génération perverse ».

Il fallait rompre, en effet, avec les siens, mériter par le sacrifice les faveurs de la nouvelle Pentecôte, passer de la Synagogue dans l’Église. Plus d’un combat se livra dans les cœurs de ces hommes ; mais le triomphe de l’Esprit-Saint fut complet en ce premier jour. Trois mille personnes se déclarèrent disciples de Jésus, et furent marquées aujourd’hui même du sceau de l’adoption. O Église du Dieu vivant, qu’ils sont beaux vos progrès sous le souffle du divin Esprit ! D’abord vous avez résidé en Marie l’immaculée, pleine de grâce et mère de Dieu ; votre second pas vous a donné les cent vingt disciples du Cénacle ; et voici que le troisième vous dote de trois mille écus, nos ancêtres, qui vont bientôt quitter Jérusalem la répudiée, et porter dans les pays d’où ils sont partis les prémices du peuple nouveau. Demain c’est au temple même que Pierre parlera, et à sa voix cinq mille personnes se déchireront à leur tour disciples de Jésus de Nazareth. Salut donc, ô Église, noble et dernière création de l’Esprit-Saint, société immortelle qui militez ici-bas, en même temps que vous triomphez dans les cieux. O Pentecôte, jour sacré de notre naissance, vous ouvrez avec gloire la série des siècles que doit parcourir en ce monde l’Épouse de l’Emmanuel. Vous nous donnez l’Esprit divin qui vient écrire, non plus sur la pierre, mais dans nos cœurs, la loi qui régira les disciples de Jésus. O Pentecôte promulguée dans Jérusalem, mais qui devez étendre vos bienfaits à ceux « qui sont au loin », c’est-à-dire aux peuples de la gentilité, vous venez remplir les espérances que nous fit concevoir le touchant mystère de l’Épiphanie. Les mages venaient de l’Orient ; nous les suivîmes au berceau de l’Enfant divin, et nous savions que notre tour viendrait. Votre grâce, ô Esprit-Saint, les avait secrètement attirés à Bethléem ; mais dans cette Pentecôte qui déclare votre souverain empire avec tant d’énergie, vous nous appelez tous ; l’étoile est transformée en langues de feu, et la face de la terre va être renouvelée. Puissent nos cœurs conserver les dons que vous nous apportez, ces dons que le Père et le Fils qui vous envoient nous ont destinés !

 

 

Lire la suite

Vigile de la Pentecôte

18 Mai 2024 , Rédigé par Ludovicus

Vigile de la Pentecôte

Collecte

Faites, nous vous en supplions, Dieu tout-puissant : que la splendeur de votre clarté brille sur nous ; et que l’éclat de votre lumière confirme, par l’illumination de l’Esprit-Saint, les cœurs de ceux que votre grâce a fait renaître. Par Notre-Seigneur … en l’unité du même.

Lecture Ac. 19, 1-8

En ces jours-là : pendant qu’Apollo était à Corinthe, Paul, ayant parcouru les provinces supérieures, vint à Éphèse et trouva quelques disciples. Et il leur dit : Avez-vous reçu l’Esprit-Saint en devenant croyants ? Mais ils lui répondirent : Nous n’avons pas même entendu dire s’il y a un Esprit-Saint. Il leur dit : Quel baptême avez-vous donc reçu ? Ils dirent : Le baptême de Jean. Alors Paul dit : Jean a baptisé le peuple du baptême de pénitence en disant de croire en celui qui venait après lui, c’est-à-dire en Jésus. Lorsqu’ils eurent entendu cela, ils furent baptisés au nom du Seigneur Jésus. Et après que Paul leur eut imposé les mains, l’Esprit-Saint vint sur eux ; et ils parlaient diverses langues et prophétisaient. Ils étaient en tout environ douze hommes. Étant entré dans la synagogue, il parla avec assurance pendant trois mois, discutant et persuadant au sujet du royaume de Dieu.

Évangile Jn. 14, 15-21

En ce temps-là : Jésus dit à ses disciples : Si vous m’aimez, gardez mes commandements. Et moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Paraclet, afin qu’il demeure éternellement avec vous : l’Esprit de vérité, que le monde ne peut recevoir, parce qu’il ne le voit pas, et qu’il ne le connaît pas. Mais vous, vous le connaîtrez, parce qu’il demeurera avec vous, et qu’il sera en vous. Je ne vous laisserai pas orphelins ; je viendrai à vous. Encore un peu de temps, et le monde ne me verra plus. Mais vous, vous me verrez, parce que je vis, et que vous vivrez. En ce jour-là, vous connaîtrez que je suis en mon Père et vous en moi, et moi en vous. Celui qui a mes commandements et qui les garde, c’est celui-là qui m’aime. Or celui qui m’aime sera aimé de mon Père, et je l’aimerai aussi, et je me manifesterai à lui.

Office

1ère leçon

Homélie de saint Augustin, Évêque

Notre Seigneur, en disant : « Je prierai mon Père et il vous donnera un autre Paraclet », fait voir que lui-même est aussi un Paraclet. Paraclet se traduit en latin par advocatus (avocat) ; or, il a été dit du Christ : « Nous avons pour avocat auprès du Père, Jésus-Christ le juste » Le Sauveur déclare que le monde ne peut recevoir l’Esprit-Saint, dans le même sens où il a été dit : « La prudence de la chair est ennemie de Dieu ; car elle n’est pas soumise à la loi et ne peut l’être ». C’est comme si nous disions : L’injustice ne peut être la justice. Par ces mots « le monde ». il désigne ici ceux qui sont pleins de l’amour du monde, amour qui ne vient pas du Père. C’est pourquoi, à l’amour de ce monde, que nous avons tant de peine à diminuer et à détruire en nous, est opposé « l’amour de Dieu, que répand dans nos cœurs l’Esprit-Saint, qui nous a été donné »

2e leçon

« Le monde ne peut donc recevoir cet Esprit, parce qu’il ne le voit pas et ne le connaît point ». L’amour mondain est dépourvu de ces yeux invisibles au moyen desquels on peut voir l’Esprit-Saint, qui ne peut être vu que d’une manière invisible. « Mais vous, dit notre Seigneur, vous le connaîtrez, parce qu’il demeurera au milieu de vous et qu’il sera en vous ». Il sera en eux pour y demeurer ; il ne demeurera pas au milieu d’eux pour y être ; car le fait d’être en un lieu est antérieur à celui d’y demeurer. Mais afin que les disciples n’entendissent pas ces paroles : « Il demeurera au milieu de vous », d’un séjour visible, comme celui que fait d’ordinaire un hôte chez celui qui lui donne l’hospitalité, il a expliqué ces paroles : « Il demeurera au milieu de vous », en ajoutant : « Il sera en vous »

3e leçon

L’Esprit-Saint se voit donc d’une manière invisible ; et s’il n’est pas en nous, nous ne pouvons en avoir la connaissance. C’est ainsi que nous voyons aussi en nous-mêmes notre propre conscience. Nous voyons bien le visage d’un autre, et nous ne pouvons voir le nôtre ; au contraire, nous voyons notre propre conscience, et nous ne voyons pas celle d’autrui. Mais notre conscience ne peut jamais exister qu’en nous-mêmes, tandis que l’Esprit-Saint peut être sans nous. Il nous est donné afin qu’il soit aussi en nous ; et, s’il n’est point en nous, il nous est impossible de le voir, de le connaître, comme il doit être vu et connu. Après avoir promis le Saint-Esprit, notre Seigneur ne voulant pas qu’on pût croire qu’il donnerait ce divin Paraclet pour le remplacer lui-même et qu’il cesserait ainsi d’être avec ses disciples, ajouta : « Je ne vous laisserai point orphelins ; je viendrai à vous ». Non content donc de nous avoir rendus les fils adoptifs de son Père, et d’avoir voulu que nous ayons pour Père, par un effet de la grâce, celui qui est son Père par nature, le Fils de Dieu fait preuve encore lui-même à notre égard d’une tendresse en quelque sorte paternelle, lorsqu’il dit ; « Je ne vous laisserai point orphelins »

La lumière éblouissante de la solennité de demain illumine déjà cette journée qui en est la veille. Les fidèles se disposent par le jeûne à célébrer dignement le mystère ; mais, comme à la Vigile de Pâques, la messe des néophytes, qui autrefois avait lieu dans la nuit, est maintenant anticipée, et dès avant le milieu du jour la louange de l’Esprit-Saint, dont l’effusion est si proche, a retenti avec éclat dans toute église pourvue d’une fontaine baptismale. Sur le soir, l’Office des premières Vêpres ouvre à son heure l’auguste solennité. Le règne du divin Esprit est donc proclamé dès aujourd’hui par la sainte Liturgie. Unissons-nous aux pensées et aux sentiments des habitants du Cénacle, dont l’attente est au moment d’être remplie.

Dans toute la série des mystères que nous avons vus se dérouler jusqu’ici durant le cours de l’Année liturgique, nous avons souvent pressenti l’’action de la troisième personne de l’auguste Trinité. Les lectures des livres saints, tant de l’Ancien que du Nouveau Testament, ont éveillé plus d’une fois notre attention respectueuse sur ce divin Esprit qui semblait s’environner de mystère, comme si le temps de sa manifestation n’était pas venu encore. Les opérations de Dieu dans les créatures sont successives ; mais elles arrivent infailliblement en leur temps. L’historien sacré nous raconte comment le Père céleste, agissant par son Verbe, disposa en six journées ce monde qu’il avait créé ; mais il nous montre en même temps, dans un lointain mystérieux, l’Esprit-Saint planant sur les eaux et les fécondant silencieusement, en attendant que le Fils de Dieu les séparât de la terre qu’elles inondaient.

Si donc le règne patent du Saint-Esprit sur le monde a été différé jusqu’à l’établissement de l’Homme-Dieu sur son trône éternel, n’allons pas croire que ce divin Esprit soit demeuré jusqu’alors inactif. Toutes ces Écritures sacrées dont nous avons rencontré tant de sublimes fragments dans la sainte Liturgie, que sont-elles sinon l’œuvre cachée de celui qui, comme nous dit l’antique Symbole, « a parlé par les Prophètes » ? C’est lui qui nous donnait le Verbe, Sagesse de Dieu, au moyen de l’Écriture, comme il devait nous le donner plus tard dans la chair de l’humanité. Il n’a pas été oisif un moment dans la durée des siècles. Il préparait le monde au règne du Verbe incarné, rapprochant et mêlant les races, produisant cette attente universelle qui s’étendit des peuples les plus barbares aux nations les plus avancées dans la civilisation. Il ne s’était pas encore nommé à la terre ; mais il planait sur l’humanité avec amour, comme il avait plané avec mystère, au commencement, sur les eaux muettes et insensibles.

En attendant sa venue, les prophètes l’annonçaient dans les mêmes oracles où ils prédisaient l’arrivée du Fils de Dieu. Le Seigneur disait par la bouche de Joël : « Je répandrai mon Esprit sur toute chair ». Ailleurs il s’énonçait ainsi par l’organe d’Ézéchiel : « Je répandrai sur vous une eau pure, et vous serez purifiés de toutes vos souillures, et je vous purifierai de toutes vos idoles. Et je vous donnerai un cœur nouveau, et je placerai au milieu de vous un esprit nouveau ; et j’enlèverai le cœur de pierre qui est dans votre chair, et je vous donnerai un cœur de chair, et je placerai au milieu de vous l’Esprit qui est le mien ».

Mais avant sa propre manifestation, l’Esprit-Saint avait à opérer directement pour celle du Verbe divin. Lorsque la puissance créatrice fît sortir du néant le corps et l’âme de la future mère d’un Dieu, ce fut lui qui prépara l’habitation de la souveraine Majesté, en sanctifiant Marie dès le premier instant de sa conception, prenant possession d’elle comme du temple divin où le Fils de Dieu s’apprêtait à descendre. Au moment fortuné de l’Annonciation, l’Archange déclare à la Vierge que l’Esprit-Saint va survenir en elle et que la Vertu du Très-Haut va la couvrir de son ombre. A peine la Vierge a-t-elle prononcé son acquiescement au décret éternel, que soudain l’opération du divin Esprit a produit en elle le plus ineffable des mystères : « le Verbe est fait chair, et il habite parmi nous. »

Sur cette fleur sortie de la branche émanée du tronc de Jessé, sur cette humanité produite divinement en Marie, l’Esprit du Père et du Fils se repose avec délices ; il la comble de ses dons, il l’adapte à sa fin glorieuse et éternelle. Lui qui avait doué la mère de tant de trésors de la grâce, dépasse encore pour le fils d’une manière incommensurable la mesure qui semblait la plus voisine de l’infini. Et toutes ces merveilles, le divin et puissant Esprit les accomplit silencieusement comme toujours ; car l’heure où doit éclater sa venue n’est pas arrivée encore. La terre ne fera que l’entrevoir au jour où sur le lit du Jourdain, dans les eaux duquel Jésus est descendu, il étendra ses ailes et viendra se reposer sur la tête de ce Fils bien-aimé du Père. Jean pénètre le mystère dans son ravissement, comme, avant de naître, il avait senti au sein de Marie le fruit divin qui habitait en elle ; mais les hommes n’ont vu qu’une colombe, et la colombe n’a pas révélé les secrets de l’éternité.

Le règne du Fils de Dieu, de notre Emmanuel, s’assied sur ses fondements prédestinés. Nous avons en lui notre frère, car il a pris notre chair avec ses infirmités ; nous avons en lui notre docteur, car il est la Sagesse du Père, et il nous initie par ses leçons à toute vérité ; nous avons en lui notre médecin, car il guérit toutes nos langueurs et toutes nos infirmités ; nous avons en lui notre médiateur, car il ramène en son humanité sainte toute l’œuvre créée à son divin auteur ; nous avons en lui notre réparateur, et dans son sang notre rançon : car le péché de l’homme avait brisé le lien entre Dieu et nous, et il nous fallait un rédempteur divin ; nous avons en lui un chef qui ne rougit pas de ses membres, si humbles qu’ils soient, un roi que nous venons de voir couronner à jamais, un Seigneur que le Seigneur a fait asseoir à sa droite.

Mais s’il nous gouverne pour toujours, c’est maintenant du haut des cieux, jusqu’au moment où il apparaîtra de nouveau pour briser contre terre la tête des pécheurs, lorsque la voix tonnante de l’Ange criera : « Le temps n’est plus ». En attendant, des siècles nombreux doivent se dérouler, et ces siècles ont été destinés à l’empire de l’Esprit divin, « Mais l’Esprit ne pouvait encore être donné, nous dit saint Jean, tant que Jésus a n’avait pas été glorifié ». Notre beau mystère de l’Ascension forme donc la limite entre les deux règnes divins ici-bas : le règne visible du Fils de Dieu et le règne visible de l’Esprit-Saint. Afin de les unir et d’en préparer la succession, ce ne sont plus seulement des prophètes mortels qui parlent ; c’est notre Emmanuel lui-même, durant sa vie mortelle, qui se fait le héraut du règne prochain du divin Esprit.

Ne l’avons-nous pas entendu nous dire : « Il vous est avantageux que je m’en aille ; car si je ne me retirais pas, le Paraclet ne viendrait pas à vous ? » Le monde a donc un grand besoin de ce divin hôte, dont le propre Fils de Dieu se fait ainsi le précurseur ! Et afin que nous connaissions quelle est la majesté de ce maître nouveau qui va régner sur nous, Jésus nous déclare la gravité des châtiments qu’attireront sur eux ceux qui l’offenseront. « Quiconque, dit-il, aura proféré une parole contre le Fils, elle lui sera pardonnée ; mais celui qui aura dit cette parole contre le Saint-Esprit, il n’en obtiendra le pardon ni en ce monde, ni en l’autre ». Cependant cet Esprit divin ne prendra pas la nature humaine comme le Fils ; il n’aura point à racheter le monde comme l’a racheté le Fils ; mais il viendra avec une immensité d’amour qui ne saurait être méprisée impunément. C’est à lui que Jésus confiera l’Église son Épouse pendant les longs siècles que doit durer son veuvage, à lui qu’il remettra son œuvre, afin qu’il la maintienne et la dirige en toutes choses.

Nous donc, appelés à recevoir sous peu d’heures l’effusion de cet Esprit d’amour qui vient « renouveler la face de la terre », soyons attentifs comme nous le fûmes à Bethléem, dans les moments qui précédèrent la naissance de notre Emmanuel. Le Verbe et l’Esprit-Saint sont égaux en gloire et en puissance, et leur venue sur la terre procède du même décret éternel et pacifique de la glorieuse Trinité, qui a résolu, par cette double visite, de nous « rendre participants de la nature divine ». Nous les fils du néant, nous sommes appelés à devenir, par l’opération du Verbe et de l’Esprit, les fils du Père céleste. Maintenant, si nous désirons connaître en quelle manière doit être préparée l’âme fidèle à l’arrivée du divin Paraclet, retournons par la pensée au Cénacle où nous avons laissé les disciples rassemblés, persévérant dans la prière, selon l’ordre de leur Maître, et attendant que la Vertu d’en haut descende sur eux et vienne les couvrir comme une armure pour les combats qu’ils auront à livrer.

Dans cet asile sacre du recueillement et de la paix, notre œil respectueux cherche d’abord Marie, mère de Jésus, chef-d’œuvre de l’Esprit-Saint, Église du Dieu vivant, de laquelle sortira demain, comme du sein d’une mère, par l’action du même Esprit, l’Église militante que cette nouvelle Ève représente et contient encore en elle. Va-t-elle pas droit à tous nos hommages en ce moment, cette créature incomparable que nous avons vue associée à tous les mystères du Fils de Dieu, et qui tout à l’heure va devenir le plus digne objet de la visite de l’Esprit-Saint ? Nous vous saluons, ô Marie pleine de grâce, nous tous qui sommes encore renfermés en vous et goûtons l’allégresse dans votre sein maternel. N’est-ce pas pour nous qu’a parlé l’Église dans la sainte Liturgie, lorsqu’elle commente à votre gloire le divin cantique de votre aïeul David ? En vain votre humilité veut se soustraire aux honneurs qui demain vous attendent. Créature immaculée, temple du Saint-Esprit, il faut que ce divin Esprit vous soit communiqué d’une nouvelle manière ; car une nouvelle œuvre vous attend, et la terre doit vous posséder encore.

Autour de Marie est rassemblé le collège apostolique, contemplant avec ravissement celle dont les traits augustes lui rappellent le Seigneur absent. Dans les jours précédents un grave événement a eu lieu au Cénacle sous les yeux de la Mère de Dieu et des hommes. De même que pour l’établissement du peuple Israélite, Dieu avait fait choix des douze fils de Jacob comme d’autant de fondements de cette race privilégiée, de même Jésus avait choisi douze hommes au sein de ce même peuple pour être les bases de l’édifice de l’Église chrétienne dont il est, et Pierre avec lui et en lui, la pierre angulaire. La chute lamentable de Judas avait réduit à onze ces élus du choix divin ; le nombre sacré n’existait plus, et l’Esprit-Saint était au moment de descendre sur le collège des Apôtres. Avant de monter au ciel, Jésus n’avait pas jugé à propos de faire lui-même le choix du successeur du disciple déchu ; mais il fallait que le nombre sacré fût complété avant l’effusion de la Vertu d’en haut. L’Église ne devait rien avoir à envier à la Synagogue. Qui donc remplirait l’office du Fils de Dieu dans la désignation d’un Apôtre ? Un tel droit ne pouvait appartenir qu’à Pierre, nous dit saint Jean Chrysostome ; mais dans sa modestie, il déclina l’honneur, ne voulant se souvenir que de l’humilité. Une élection fut la suite du discours de Pierre, et Mathias mêlé aux autres Apôtres compléta le nombre mystérieux, et attendit avec eux la descente promise du Consolateur.

Dans le Cénacle et sous les yeux de Marie, sont réunis aussi les disciples qui, sans avoir eu l’honneur d’être admis dans le duodénaire sacré, n’en ont pas moins été les témoins des œuvres et des mystères de l’Homme-Dieu ; ils sont mis à part, et réservés pour la prédication de la bonne nouvelle. Madeleine enfin et les autres saintes femmes attendent dans le recueillement que leur a prescrit le Maître, cette visite d’en haut dont elles connaîtront bientôt la puissance. Rendons nos hommages à cette assemblée sainte, à ces cent vingt disciples qui nous sont donnés pour modèles dans cette grande circonstance ; car l’Esprit divin doit d’abord venir en eux ; ils sont ses prémices. Plus tard il descendra aussi sur nous, et c’est afin de nous préparer à sa venue que la sainte Église nous impose un jeûne solennel aujourd’hui.

Dans l’antiquité, cette journée ressemblait à celle de la veille de Pâques. Sur le soir les fidèles se rendaient à l’église pour prendre part aux solennités de l’administration du baptême. Dans la nuit qui suivait, le sacrement de la régénération était conféré aux catéchumènes que l’absence ou quelque maladie avait empêchés de se joindre aux autres dans la nuit de Pâques. Ceux qu’on n’avait pas jugés suffisamment éprouvés encore, ou dont l’instruction n’avait pas semblé assez complète, ayant satisfait aux justes exigences de l’Église, contribuaient aussi à former le groupe des aspirants à la nouvelle naissance qui se puise dans la fontaine sacrée. Au lieu des douze prophéties qui se lisaient dans la nuit de Pâques pendant que les piètres accomplissaient sur les catéchumènes les rites préparatoires au baptême, on n’en lisait ordinairement que six ; ce qui amène à conclure que le nombre des baptisés dans la nuit de la Pentecôte était moins considérable.

Le cierge pascal reparaissait durant cette nuit de grâce, afin d’inculquer à la nouvelle recrue que faisait l’Église, le respect et l’amour envers le Fils de Dieu, qui s’est fait homme pour être « la lumière du monde ». Tous les rites que nous avons détaillés et expliqués au Samedi saint s’accomplissaient dans cette nouvelle occasion où paraissait la fécondité de l’Église, et le divin Sacrifice auquel prenaient part les heureux néophytes commençait dès avant le point du jour.

Dans la suite des temps, la coutume charitable de conférer le baptême aux enfants aussitôt après leur naissance, ayant pris force de loi, la Messe baptismale a été anticipée à la matinée du samedi veille de la Pentecôte, comme il est arrivé pour la veille de Pâques. Avant la célébration du Sacrifice, on lit les six prophéties dont nous avons parlé tout à l’heure ; après quoi a lieu solennellement la bénédiction de l’eau baptismale. Le cierge pascal se retrouve à cette fonction, à laquelle manque trop souvent l’assistance des fidèles.

Dans l’après-midi a lieu la solennité des premières Vêpres. Nous omettons d’insérer ici les Psaumes, les Antiennes et les autres parties de cet Office, parce que la Vigile de la Pentecôte ne peut jamais se rencontrer un Dimanche, tandis qu’il en est autrement pour les fêtes auxquelles nous avons accordé ce développement. Au reste, si l’on excepte quelques détails, les premières et les secondes Vêpres de la Pentecôte sont entièrement semblables.

Nous clorons la journée en insérant ici l’une des plus belles Séquences d’Adam de Saint-Victor sur le mystère de la Pentecôte. Ce prince de la poésie liturgique dans l’Occident s’est surpassé lui-même sur les louanges du divin Esprit ; et plus d’une fois dans le cours de l’Octave, nous aurons recours à son magnifique répertoire. Mais ce n’est pas seulement une œuvre de génie que nous allons reproduire ici ; c’est une prière sublime et ardente adressée au Paraclet que Jésus nous a promis et dont nous attendons la venue. Efforçons-nous de faire passer dans nos âmes les sentiments du pieux docteur du XIIe siècle, et aspirons comme lui à la descente du Consolateur qui vient renouveler la face de la terre et habiter en nous.

SÉQUENCE.  
Qui procedis ab utroque,
Genitore Genitoque
Pariter, Paraclite,
Redde linguas eloquentes,
Fac ferventes in te mentes
Flamma tua divite.
O Vous qui procèdez
du Père et du Fils,
divin Paraclet,
par votre flamme féconde,
vienez rendre éloquent notre organe,
et embraser nos cœurs de vos feux.
Amor Patris Filiique,
Par amborum, et utrique
Compar et consimilis,
Cuncta reples, cuncta foves,
Astra regis, cœlum moves,
Permanens immobilis.
Amour du Père et du Fils,
l’égal des deux et
leur semblable en essence,
vous remplisez tout, vous donnez la vie à tout ;
dans votre repos, vous conduisez les astres,
vous règlez le mouvement des cieux.
Lumen carum, lumen clarum,
Internarum tenebrarum
Effugas caliginem ;
Per te mundi sunt mundati ;
Tu peccatum, tu peccati
Destruis rubiginem.
Lumière éblouissante et chérie,
vous dissipez nos ténèbres intérieures ;
ceux qui sont purs,
vous les rendez plus purs encore ;
c’est vous qui faites disparaître le péché
et la rouille qu’il apporte avec lui.
Veritatem notam facis,
Et ostendis viam pacis
Et iter justitiæ.
Perversorum corda vitas,
Et bonorum corda ditas
Munere scientiæ.
Vous manifestez la vérité,
vous montrez la voie de la paix
et celle de la justice ;
vous fuyez les cœurs pervers,
et vous comblez des trésors de votre science
ceux qui sont droits.
Te docente nil obscurum,
Te præsente nil impurum ;
Sub tua præsentia,
Gloriatur mens jocunda ;
Per te læta, per te munda
Gaudet conscientia.
Si vous enseignez, rien ne demeure obscur ;
si vous êtes présent à l’âme,
rien ne reste impur en elle ;
vous lui apportez la joie et l’allégresse,
et la conscience que vous avez purifiée
goûte enfin le bonheur.
Tu commutas elementa,
Per te suam sacramenta
Habent efficaciam :
Tu nocivam vim repellis,
Tu confutas et refellis
Hostium nequitiam.
Votre pouvoir transforme les éléments ;
par Cous les sacrements
obtiennent leur efficacité ;
vous faites obstacle à la puissance mauvaise,
Vous repoussez les embûches
de nos ennemis.
Quando venis,
Corda lenis ;
Quando subis,
Atrae nubis
Effugit obscuritas ;
Sacer ignis,
Pectus uris ;
Non comburis,
Sed a curis
Purgas, quando visitas.
A votre venue,
nos cœurs sont dans le calme ;
à votre entrée,
le sombre nuage se dissipe ;
feu sacré,
vous embrasez le cœur
sans le consumer,
et votre visite
l’affranchit de ses angoisses.
Mentes prius imperitas,
Et sopitas et oblitas
Erudis et excitas.
Foves linguas, formas sonum.
Cor ad bonum facit pronum
A te data charitas.
Des âmes jusqu’alors ignorantes,
engourdies et insensibles,
vous les instruisez et les ranimez.
Inspirée par vous, la langue fait entendre
des accents que vous lui donnez ;
la charité que vous apportez avec vous
dispose le cœur à tout bien.
O juvamen oppressorum,
O solamen miserorum,
Pauperum refugium,
Da contemptum terrenorum :
Ad amorem supernorum
Trahe desiderium.
Secours des opprimés,
consolation des malheureux,
refuge des pauvres,
donnez-nous de mépriser les objets terrestres ;
entraînez notre désir
à l’amour des choses célestes.
Consolator et fundator,
Habitator et amator
Cordium humilium,
Pelle mala, terge sordes,
Et discordes fac concordes,
Et affer præsidium.
Vous consolez et vous affermissez
les cœurs humbles ;
vous les habitez et vous les aimez ;
expulsez tout mal, effacez toute souillure,
rétablissez la concorde entre ceux qui sont divisés
et apportez-nous votre secours.
Tu qui quondam visitasti,
Docuisti, confortasti
Timentes discipulos,
Visitare nos digneris ;
Nos, si placet, consoleris
Et credentes populos.
Vous visitâtes un jour
les disciples timides :
par vous ils furent instruits et fortifiés ;
daignez nous visiter aussi
et répandre votre consolation
sur nous et sur le peuple fidèle.
Par majestas personarum,
Par potestas est earum,
Et communis deitas :
Tu procedens a duobus
Coæqualis es ambobus :
In nullo disparitas.
Égale est la majesté des divines personnes,
égale leur puissance ;
commune aux trois est la divinité ;
vous procèdez des deux premières,
semblable à l’une et à l’autre,
et rien d’inférieur n’est en vous.
Quia tantus es et talis,
Quantus Pater est et qualis ;
Servorum humilitas
Deo Patri, Filioque
Redemptori, tibi quoque
Laudes reddat debitas.
Amen.
Aussi grand que l’est
le Père lui-même,
souffrez que vos humbles serviteurs
rendent à ce Dieu-Père,
au Fils rédempteur et à vous-même
la louange qui vous est due.
Amen.

 

Lire la suite

Saint Pascal Baylon confesseur

17 Mai 2024 , Rédigé par Ludovicus

Patron de toutes les œuvres eucharistiques par Léon XIII.

Patron de toutes les œuvres eucharistiques par Léon XIII.

Collecte

O Dieu, qui avez orné l’âme du bienheureux Pascal, votre Confesseur, d’un admirable et tendre amour pour les mystères sacrés de votre corps et de votre sang, accordez-nous, dans votre bonté, que nous méritions de retirer de ce banquet divin la même abondance de grâces qu’il y a trouvée.

Office

Quatrième leçon. Pascal Baylon, né de parents pauvres et pieux dans le bourg de Torre-Hermosa, au diocèse de Siguenza en Aragon, donna dès ses plus tendres années de nombreux indices de sa sainteté future. Son âme était portée au bien et remplie d’attraits pour les choses célestes ; il passa son enfance et son adolescence à garder les troupeaux ; il aimait particulièrement ce genre de vie, parce qu’il le trouvait propre et favorable à la pratique de l’humilité et surtout à la conservation de l’innocence. Sobre dans sa nourriture, assidu à la prière, il avait une telle autorité et possédait à un si haut degré la confiance de ses compagnons, comme de tous ceux qui l’entouraient, qu’il accommodait leurs différends, corrigeait leurs fautes, éclairait leur ignorance et stimulait leur indolence, en sorte qu’ils l’honoraient et l’aimaient comme leur père et leur maître, et que la plupart d’entre eux avaient même déjà coutume de l’appeler le bienheureux.

Cinquième leçon. Cette fleur des vallées, qui avait grandi si heureusement dans la terre déserte et aride du siècle, exhala autour d’elle un admirable parfum de sainteté, dès qu’elle fut plantée dans la maison du Seigneur. Pascal ayant donc embrassé un genre de vie plus sévère, et étant entré dans l’Ordre des Frères Mineurs déchaussés de la stricte observance, s’élança comme un géant pour parcourir sa carrière. Se livrant tout entier au culte du Seigneur, il songeait jour et nuit aux moyens de se rendre de plus en plus conforme à son divin Maître. Aussi bientôt les plus anciens religieux se proposèrent d’imiter Pascal, le considérant comme un modèle de la perfection séraphique. Mais lui, placé dans l’humble rang des Frères destinés à servir, s’estimant le rebut de tous, recevait avec la plus grande joie les tâches les plus pénibles et les plus abjectes de la maison, comme si elles lui eussent été spécialement dues, et faisait paraître dans leur accomplissement autant d’humilité que de patience. Il affligea sa chair par une mortification continuelle, aussi longtemps qu’elle tenta de se révolter contre l’esprit, et la réduisit ainsi en servitude. Par une incessante abnégation de lui-même, il augmentait de jour en jour la ferveur de son âme.

Sixième leçon. Pascal s’était mis, dès son enfance, sous la protection de la Vierge Mère de Dieu ; il l’honorait comme sa mère par des hommages quotidiens, et l’invoquait avec une confiance filiale. Il serait difficile de dire quelle était l’ardeur et la tendresse de sa dévotion envers le très saint Sacrement de l’Eucharistie ; il sembla même, après sa mort, qu’elle persévérait encore dans son corps privé de vie : étendu dans son cercueil, il ouvrit et ferma les yeux deux fois au moment de l’élévation de la sainte Hostie, à la grande admiration de tous ceux qui étaient présents. Ayant professé publiquement et ouvertement, devant les hérétiques, la croyance à la présence réelle, il eut à souffrir beaucoup de mauvais traitements ; on le chercha même à bien des reprises pour le faire mourir, mais la providence de Dieu l’arracha aux mains des impies. Dans l’oraison il était souvent privé du sentiment des choses extérieures, et il languissait dans une extase d’amour. On pense que ce fut en ces moments que cet homme simple et illettré puisa la science céleste qui le rendit capable de répondre sur les mystères les plus obscurs de la foi, et d’écrire même quelques ouvrages. Enfin Pascal, plein de mérites, s’en alla heureusement au Seigneur, à l’heure même qu’il avait prédite, l’an du salut mil cinq cent quatre-vingt douze, le seize des calendes de juin, le jour de la Fête de la Pentecôte, jour auquel il était né : il était âgé de cinquante-deux ans. Célèbre par les vertus dont nous avons parlé et par d’autres encore, illustre par ses miracles aussi bien pendant sa vie qu’après sa mort. Pascal fut déclaré Bienheureux par le Souverain Pontife Paul V, et Alexandre VIII l’a inscrit au catalogue des Saints. Enfin Léon XIII l’a déclaré et constitué le céleste Patron des Congrès eucharistiques et de toutes les Associations du Saint Sacrement, instituées jusqu’ici ou devant l’être à l’avenir.

Le séraphin d’Assise ne pouvait manquer de députer quelques-uns de ses fils au-devant de son Maître ressuscité. Aujourd’hui c’est un des plus humbles et des plus ignorés du monde qu’il lui envoie ; dans trois jours un autre s’avancera chargé des palmes évangéliques, puissant en œuvres et en paroles. Pascal Baylon est l’enfant de la vie champêtre ; c’est en gardant son troupeau qu’il a trouvé le Seigneur Jésus. L’attrait de la contemplation s’est déclaré en lui ; les campagnes et les forêts lui ont révélé leur créateur, et dans son désir de l’approcher de plus près, il a voulu le suivre jusque dans les hauteurs de la plus sublime perfection. Il a convoité comme un trésor l’humilité de l’Homme-Dieu, sa vie pauvre et souffrante ; et c’est vers le cloître franciscain qu’il s’est dirigé. Sur cette terre bénie il a fleuri comme un arbre du ciel, et le monde entier a entendu parler de l’humble frère lai qu’abrita un obscur couvent espagnol. La sainte Église nous le montre en ce jour ravi dans la contemplation du triomphe de son Maître. Avec Jésus il a marché dans la voie de l’humiliation et de la croix ; n’est-il pas juste qu’il ait part aussi à la victoire de ce divin chef ? N’était-il pas présent à la pensée du Rédempteur lorsqu’il disait : « A vous qui êtes demeurés avec moi dans mes épreuves, mon Père a préparé un royaume où vous mangerez et boirez avec moi à ma table, et vous serez assis sur des trônes pour juger les douze tribus d’Israël ?. » Ainsi la Pâque du temps se résoudra dans la Pâque éternelle. Priez, ô Pascal, afin qu’à votre exemple nous tenions ferme ce que nous possédons déjà par la grâce de notre divin Ressuscité.

Lire la suite

Octave de l’Ascension

16 Mai 2024 , Rédigé par Ludovicus

Octave de l’Ascension

Office

4e leçon

Sermon de saint Augustin, Évêque

Mes bien-aimés, toutes les choses merveilleuses qu’a faites en ce monde le Seigneur Jésus-Christ, revêtu de notre faiblesse, nous sont salutaires. En introduisant dans les cieux la nature humaine, il a montré aux croyants que le ciel peut être ouvert ; et en l’élevant dans les cieux après l’avoir rendue victorieuse de la mort, il a fait voir aux vainqueurs où ils ont à le suivre. L’ascension du Seigneur a donc été la confirmation de la foi catholique. Par elle nous croyons fermement que nous obtiendrons plus tard pour nous-mêmes la faveur de ce miracle, dont un exemple nous fait déjà maintenant comprendre l’effet. Que chaque fidèle, après avoir déjà compris de si grandes choses, apprenne par ce qu’il sait avoir eu lieu, à espérer ce qui lui a été promis, et à considérer la bonté passée et présente de son Dieu comme le gage des biens futurs.

5e leçon

Un corps formé de terre est donc placé au plus haut des cieux ; des ossements, renfermés peu auparavant dans l’étroite enceinte d’un sépulcre, sont transportés dans l’assemblée des Anges ; une nature mortelle pénètre dans le sein de l’immortalité ; c’est pourquoi le récit sacré des Actes des Apôtres l’atteste : « Quand il eut dit ces choses, eux le voyant, il s’éleva ». En entendant qu’il fut élevé, comprends l’empressement de la milice céleste ; par ce texte, la solennité de ce jour nous a découvert les mystères de l’homme et de Dieu. Sous une seule et même personne, reconnais, en celui qui élève, la divine puissance ; en celui qui est élevé, la substance humaine.

6e leçon

Aussi faut-il détester en tous points le poison de cette erreur de l’Orient, qui, par une nouveauté impie, ose affirmer que le Fils de Dieu et le fils de l’homme sont d’une même nature. Il y a là un double mensonge : prétendre que le Christ n’a été qu’un homme, c’est nier la gloire du Créateur ; dire qu’il a été Dieu seulement, c’est nier la miséricorde du Rédempteur. Aussi n’est-il pas facile à un Arien de comprendre la vérité de l’Évangile, où nous lisons tantôt que le Fils de Dieu est égal à son Père, et tantôt qu’il lui est inférieur. En effet, celui qui, par suite d’une persuasion mortelle, aura cru que notre Sauveur n’a qu’une seule nature, sera forcé de dire que celui qui a été crucifié était seulement Dieu ou seulement homme. Mais il n’en est pas ainsi. Car s’il eût été Dieu seulement, le Christ n’aurait pu souffrir la mort ; et s’il n’eût été qu’homme, il n’aurait pu la vaincre.

7e leçon

Homélie de saint Grégoire, Pape.

Habacuc, lui aussi, parle de la gloire de l’ascension du Christ quand il dit : « Le soleil s’est élevé, et la lune s’est tenue en son rang ». Qui est désigné sous le nom de soleil sinon le Seigneur, et que signifie la lune, sinon l’Église ? Jusqu’à ce que le Seigneur monte au ciel, son Église sainte a redouté de toutes façons l’hostilité du monde, mais après avoir été fortifiée par son ascension, elle a prêché ouvertement ce qu’elle avait cru en secret. Le soleil s’est donc élevé, et la lune s’est tenue en son rang, parce que, dès que le Seigneur eut gagné le ciel, son Église sainte a grandi dans l’autorité de la prédication.

8e leçon

C’est à son sujet que la voix de la même Église fait entendre ces paroles de Salomon : « Le voici qui vient, sautant sur les montagnes, franchissant les collines ». Il a considéré les sommets de si grandes œuvres, et il dit : « Le voici qui vient, sautant sur les montagnes ». En effet, venant pour nous racheter, il a fait, si je puis m’exprimer ainsi, comme des bonds. Voulez-vous, mes très chers frères, reconnaître ces bonds eux-mêmes ? Il est venu du ciel dans le sein d’une vierge, de ce sein il est venu dans la crèche, de la crèche il est venu sur la croix, de la croix au sépulcre, et du sépulcre il est retourné au ciel. Voilà les bonds que la Vérité, qui s’est manifestée dans la chair, a faits, afin que nous courions à sa suite, car le Christ « s’est élancé comme un géant pour parcourir sa carrière », afin que nous lui disions du fond-du cœur : « Entraînez-nous après vous ; nous courrons à l’odeur de vos parfums »

9e leçon

C’est pourquoi, mes bien chers frères, il faut que nous le suivions de cœur, là où nous sommes persuadés qu’il est monté corporellement. Fuyons les désirs terrestres ; que rien ne nous satisfasse plus dans les choses infimes, nous qui avons un père dans les cieux. Et il nous faut songer attentivement à ceci : celai qui est monté plein de douceur reviendra terrible, et tout ce qu’il nous a prescrit avec mansuétude, il nous en demandera compte avec sévérité. Que personne donc ne fasse peu de cas des temps accordés pour la pénitence ; que personne ne néglige le soin de son salut tandis qu’il peut le faire ; car notre Rédempteur viendra alors avec d’autant plus de rigueur pour le jugement, qu’avant le jugement il nous aura témoigné une plus grande patience.

Nous avons vu comment l’Ascension de notre Emmanuel lui a assuré ici-bas un premier triomphe par la foi, qui lui donne l’empire sur les intelligences. Une seconde victoire ressort du même mystère : c’est la victoire de l’amour qui fait régner Jésus sur les cœurs. Depuis dix-huit siècles, en qui les hommes ont-ils cru fermement, universellement, si ce n’est en lui ? Quel autre point de ralliement ont eu les intelligences, si ce n’est dans les dogmes de la foi ? Quelles ténèbres ce divin flambeau n’a-t-il pas éclairées ? Quelles clartés n’a-t-il pas projetées sur les peuples qui ont accueilli sa lumière ? En quelles ombres n’a-t-il pas laissé ceux qui, après l’avoir accueilli, ont fermé plus tard leurs yeux à ses rayons ?

De même on peut bien le dire, depuis l’Ascension de notre Rédempteur nul n’a été aimé des hommes de tous les lieux et de toutes les races comme il l’a été, comme il l’est encore, comme il le sera jusqu’à la fin. Or, il fallait qu’il se retirât pour être ainsi aimé, comme il le fallait pour que nous crussions en lui. « Il vous est avantageux que je m’en aille » : ces mêmes paroles nous serviront encore aujourd’hui à mieux pénétrer le mystère. Avant l’Ascension, les disciples étaient aussi chancelants dans leur amour que dans leur foi ; Jésus ne pouvait compter sur eux ; mais à peine a-t-il disparu à leurs regards, qu’un élan inconnu s’empare de leurs cœurs. Au lieu de plaindre leur abandon, ils rentrent pleins de joie dans Jérusalem. Heureux du triomphe de leur Maître, oublieux d’eux-mêmes, ils s’empressent de lui obéir en se rendant au Cénacle, où la Vertu d’en haut doit venir les visiter. Étudiez ces hommes dans les années qui vont suivre, parcourez leur carrière jusqu’à la mort ; comptez, si vous pouvez, les actes de leur dévouement dans l’immense labeur de la prédication de l’Évangile, et dites si un autre mobile que l’amour de leur Maître les a soutenus et rendus capables de tout ce qu’ils ont fait. Avec quel empressement ils ont bu son calice ! Avec quel transport ils ont salué sa croix, lorsqu’ils l’ont vue dressée pour eux-mêmes !

Mais ne nous arrêtons pas à ces premiers témoins ; ils avaient vu le Christ, ils l’avaient entendu, ils l’avaient touché de leurs mains. Tournons nos regards sur les générations qui ne l’ont connu que par la foi, et voyons si cet amour qui triomphe dans les Apôtres, a fait défaut chez les chrétiens un seul jour dans le cours de dix-huit siècles. C’est d’abord la lutte du martyre qui n’a jamais totalement cessé depuis la promulgation de l’Évangile, et qui occupe trois cents ans pour le début. Par quel motif tant de millions de héros et d’héroïnes ont-ils couru au-devant des tortures les plus affreuses, bravé en souriant la flamme des bûchers, la dent des bêtes féroces, si ce n’est pour prouver au Christ leur amour ?

Rappelons-nous ces terribles épreuves qu’ont acceptées avec tant d’empressement non seulement des hommes aguerris à la souffrance, mais des femmes délicates, de jeunes vierges et jusqu’à des enfants. Remettons-nous en mémoire tant de sublimes paroles, noble élan du cœur qui aspire à rendre au Christ mort pour mort, et n’oublions pas que les martyrs de nos jours, en Chine, au Tongking, dans la Cochinchine, dans la Corée, ont reproduit textuellement, sans s’en douter, en présence de leurs juges et de leurs bourreaux, le langage que tenaient leurs prédécesseurs devant les proconsuls du IIIe et du IVe siècle.

Oui, certes, il est aimé comme nul ne le sera jamais, ni ne le pourrait être, notre divin Roi qui s’est enfui aux cieux ; car depuis son départ, on ne saurait compter les millions d’âmes qui, pour s’unir à lui uniquement, ont foulé aux pieds les séductions de l’amour terrestre, et n’ont voulu connaître d’autre amour que le sien. Tous les siècles, même le nôtre dans sa triste défaillance, les ont vus, et Dieu seul en connaît le nombre.

Il a été aimé sur cette terre, notre Emmanuel, et il le sera jusqu’au dernier jour du monde, ainsi qu’en fait foi, dans toute la suite des temps, le généreux abandon des biens terrestres, dans le but de conquérir la ressemblance avec l’enfant de Bethléem ; abandon pratiqué si souvent par les personnes les plus opulentes du siècle ! Que serait-ce s’il nous fallait signaler tant de sacrifices de la volonté propre obtenus de l’orgueil humain, afin de réaliser dans l’humanité le mystère de l’obéissance de l’Homme-Dieu sur la terre, et les innombrables traits d’héroïsme offerts par la pénitence chrétienne, qui continue et complète ici-bas avec tant de générosité les satisfactions que l’amour du Rédempteur pour les hommes lui fit accepter dans sa douloureuse Passion ?

Mais cette inextinguible ardeur pour Jésus envolé au ciel, ne s’est pas trouvée satisfaite encore de tant de dévouements. Jésus avait dit : « Tout ce que vous ferez en faveur du moindre de vos frères, c’est à moi que vous l’aurez fait » : l’amour pour le Christ s’est emparé de cette parole, et depuis le commencement jusqu’aujourd’hui, il s’est livré à un autre genre de recherche pour atteindre, à travers le pauvre, jusqu’à Jésus qui réside en lui. Et comme la première de toutes les misères de l’homme est l’ignorance des vérités divines, sans lesquelles il ne peut être sauvé, chaque époque a fourni une succession d’apôtres qui, renonçant aux liens les plus doux de la patrie et de la famille, s’élancent au secours des peuples assis dans l’ombre de la mort. Qui pourrait dire les fatigues qu’ils assument dans un tel labeur, les tourments qu’ils bravent, afin que le nom de Jésus soit annoncé, qu’il soit aimé d’un sauvage, glorifié par un Chinois ou par un Indou ?

S’agit-il de consoler les douleurs du Christ ou de panser ses plaies dans ses frères les plus disgraciés ? N’allez pas croire que l’amour qui réside dans les fidèles de son Église fasse jamais défaut. Comptez plutôt les membres de ces associations charitables qui se sont vouées au soulagement des pauvres et des malades, depuis qu’il a été possible aux chrétiens de développer au grand jour leurs plans pour l’exercice de la charité. Voyez le sexe le plus faible, décimé chaque année par les plus nobles vocations, payer avec un empressement héroïque son tribut au chevet des infirmes et des mourants. Le monde lui-même s’en émeut, les économistes s’étonnent d’être obligés de compter avec un élément indispensable aux sociétés, et qui échappe à toutes leurs spéculations. Heureux s’ils en venaient jusqu’à reconnaître celui dont l’amour seul opère toutes ces merveilles !

Mais ce que l’œil de l’homme peut atteindre n’est rien : il ne saisit que ce qui paraît à l’extérieur. Nul ne saurait donc apprécier à quel point Jésus a été aimé et l’est encore sur la terre. Qu’on se retrace les millions de chrétiens qui ont passé ici-bas depuis l’origine de l’Église. Parmi eux, sans doute, il en est beaucoup qui ont eu le malheur de manquer leur fin ; mais quelle multitude innombrable a aimé le Seigneur Christ de tout son cœur, de toute son âme et de toutes ses forces ! Les uns l’ont aimé constamment, d’autres ont eu besoin d’être rappelés par sa miséricorde, mais ils se sont endormis dans son baiser. Comptez, si vous pouvez, les actes vertueux, les sacrifices sublimes, en dix-huit siècles, au sein de cet immense peuple chrétien que nous verrons se dérouler tout entier au dernier jour du monde, dans la vallée de Josaphat ! La mémoire de Dieu peut seule en embrasser le souvenir. Or, tout cet ensemble d’œuvres, de sentiments, depuis l’élan séraphique de l’âme déjà divinisée, jusqu’au verre d’eau donné au nom du Rédempteur, qu’est-ce autre chose qu’un incessant concert d’amour qui monte nuit et jour vers le Christ, vers ce divin absent que la terre ne peut oublier ?

Où est-il l’homme d’entre nous, si chère que soit sa mémoire, pour lequel on se dévouera encore, pour lequel on mourra encore, pour l’amour duquel on se renoncera soi-même, un siècle, dix siècles, vingt siècles après sa mort ? Où trouvera-t-on cet homme mort dont le nom fera battre le cœur à tant de millions d’hommes de toute génération, de toute race, de tout siècle, si ce n’est Jésus, qui est mort, qui est ressuscité, qui est monté aux cieux ?

Mais, nous le reconnaissons humblement, ô notre Emmanuel, il était nécessaire que vous disparussiez du milieu de nous, afin que la foi, prenant son essor, allât vous chercher jusqu’aux cieux, désormais votre séjour, et que nos cœurs, ainsi éclairés, fussent rendus capables de vous aimer. Jouissez de votre Ascension, ô divin Chef des Anges et des hommes ! Dans notre exil, nous goûterons les fruits de ce sublime mystère, jusqu’à ce qu’il s’opère en nous. Éclairez les pauvres aveugles que l’orgueil empêche de vous reconnaître à des traits si frappants. Ils vous discutent, ils vous jugent, sans s’être rendu compte de ce témoignage de la foi et de l’amour de tant de générations. L’hommage que vous offre l’humanité représentée par les premières nations de la terre, par les cœurs les plus vertueux, par tant d’hommes de génie, est pour eux comme non avenu. Que sont-ils pour s’opposer à un tel concert ? Sauvez-les, Seigneur, de leur vain et périlleux orgueil, et ils reviendront, et avec nous ils diront : « Il était véritablement avantageux pour ce monde qu’il perdit votre présence sensible, ô Emmanuel ! car si votre grandeur, votre puissance et votre divinité ont paru et ont été reconnues, c’est depuis que vous avez cessé d’être visible parmi nous. Gloire soit donc au mystère de votre Ascension, par lequel en montant aux cieux, comme dit le Psalmiste, vous recevez les plus hauts dons pour les répandre en largesses sur les hommes » 

Lire la suite

Saint Jean-Baptiste de la Salle confesseur

15 Mai 2024 , Rédigé par Ludovicus

Saint Jean-Baptiste de la Salle confesseur

Collecte

O Dieu, qui pour l’instruction chrétienne des pauvres et pour la confirmation de la jeunesse dans la voie de la vérité, avez suscité votre confesseur Jean-Baptiste, et avez par lui rassemblé dans l’Église une nouvelle famille ; accordez-nous dans votre bonté, qu’à son exemple et par son intercession, brûlants de zèle pour procurer votre gloire au moyen du salut des âmes, nous puissions dans les cieux partager sa récompense.

Au deuxième nocturne.

Quatrième leçon. Jean-Baptiste de la Salle, né à Reims d’une famille illustre, fit pressentir dès son enfance, par sa manière d’être et ses actes, qu’il serait appelé à prendre le Seigneur pour son partage et paré un jour de l’auréole de sainteté. Tandis qu’adolescent il s’instruisait des lettres et de la philosophie à l’académie de Reims, il se rendit cher à tous par les vertus de son âme, la douceur de son naturel et la vivacité de son esprit ; mais lui, néanmoins, fuyait la société de ses semblables pour s’occuper plus facilement de Dieu dans la solitude. Enrôlé déjà dans la milice cléricale, il fut inscrit parmi les chanoines de Reims, en la seizième année de son âge ; puis il se rendit à Paris pour étudier la théologie à la Sorbonne et fut reçu au séminaire des Sulpiciens. Mais la mort de ses parents l’obligea bientôt à regagner la maison paternelle où il prit soin de l’éducation de ses frères, sans interrompre l’étude des sciences sacrées qu’il poursuivit avec le plus grand succès, comme la suite le prouva.

Cinquième leçon. Jean-Baptiste fut enfin revêtu du sacerdoce, et continua toute sa vie de célébrer les sacrés mystères, qu’il offrit pour la première fois sur l’autel avec la foi la plus vive et toute l’ardeur de son âme. Enflammé de zèle pour le salut des âmes, il se dépensa tout entier pour leur plus grand bien. Ayant été chargé de la direction des Sœurs de l’Enfant-Jésus, instituées pour l’éducation des enfants, non seulement il les gouverna avec la plus grande prudence mais encore il les préserva de la ruine. De plus, il consacra dès lors ses soins à instruire de la religion et à former aux bonnes mœurs les enfants du peuple. Dieu l’avait suscité à cette fin de procurer des écoles aux enfants, et surtout aux enfants pauvres, d’une manière efficace et permanente, par rétablissement en son Église d’une nouvelle famille de religieux. Cette mission, qui lui était confiée par la divine Providence, il l’accomplit heureusement, malgré de nombreuses contradictions et de grandes épreuves, en fondant la congrégation des Frères qu’il nomma « Des Écoles Chrétiennes ».

Sixième leçon. Il prit d’abord chez lui les hommes qu’il s’était adjoints pour une œuvre si importante et si ardue, et, quand il les eut établis dans une résidence mieux appropriée à leur état, il leur inculqua son excellente discipline, au moyen de lois sagement instituées, que Benoît XIII a depuis confirmées. Par humilité et amour de la pauvreté, il renonça à son canonicat et distribua tous ses biens aux pauvres ; bien plus, Il abandonna même plus tard, volontairement, après avoir souvent en vain tenté de le faire, le gouvernement de l’institut qu’il avait fondé. Sans renoncer pourtant en rien à sa sollicitude pour les Frères, et pour les écoles ouvertes déjà par ses soins en bien des lieux, il commença à s’appliquer de toutes ses forces à la pensée de Dieu. Sévissant assidûment contre lui-même par des jeûnes, des flagellations et d’autres austérités, il passait les nuits en prière. Tel fut son genre de vie jusqu’à ce que, remarquable en toutes les vertus, spécialement par son obéissance, son zèle pour l’accomplissement de la volonté divine, son amour et son dévouement envers le siège apostolique, chargé de mérites, il s’endormit dans le Seigneur, âgé de soixante-huit ans et muni des Sacrements selon l’usage. Le Souverain Pontife Léon XIII inséra son nom au catalogue des Bienheureux, puis, quand l’éclat de nouveaux miracles l’eut illustré, il lui décerna les honneurs de la canonisation l’année jubilaire dix-neuf cent.

Au troisième nocturne.

Homélie de S. Jean Chrysostome.

Septième leçon. « Gardez-vous de mépriser un seul de ces petits enfants, parce que leurs Anges voient toujours la face de mon Père », parce que je suis venu pour eux, et que telle est la volonté de mon Père. Par là, Jésus-Christ nous rend plus attentifs à protéger et à préserver les petits enfants. Vous voyez quels grands remparts il a élevés pour abriter les faibles ; que de zèle et de sollicitude il a pour empêcher leur perte ! Il menace des châtiments les plus graves ceux qui les trompent ; il promet à ceux qui en prennent soin la suprême récompense ; et cela, il le corrobore, tant par son exemple que par celui de son Père.

Huitième leçon. A nous donc aussi d’imiter le Seigneur et de ne rien négliger pour nos frères, pas même les choses qui nous sembleraient trop basses et trop viles ; mais s’il est besoin même de notre service, quelque faible et humble que soit celui qu’il faut servir, quelque difficile et pénible que la chose paraisse, que tout cela, je vous en prie, nous semble tolérable et aisé pour le salut d’un frère : car Dieu nous a montré que cette âme est digne d’un si grand zèle et d’une si grande sollicitude, que pour elle « il n’a pas même épargné son Fils ».

Neuvième leçon. Puisque, pour assurer notre salut, il ne suffit pas de mener une vie vertueuse, et qu’il faut encore effectivement désirer le salut d’autrui, que répondrons-nous, quel espoir de salut nous restera, si nous négligeons de mener une vie sainte, et d’exciter les autres à faire de même ? Quelle plus grande chose que de discipliner les esprits, que de former les mœurs des tendres adolescents ? Pour moi, celui que s’entend à former l’âme de la jeunesse est assurément bien au-dessus des peintres, bien au-dessus des statuaires, et de tous les artistes de ce genre.

Ce Saint fut canonisé par Léon XIII qui étendit sa fête à l’Église universelle. Sa mission historique fut importante surtout au point de vue social, puisque deux siècles avant que les temps nouveaux eussent rendu nécessaire l’instruction des masses populaires, et que les écoles techniques revendiquassent contre l’enseignement classique exclusif la place importante qui leur est due dans l’éducation de la jeunesse, Dieu, comme par un présage prophétique, lui en fit comprendre la nécessité. Saint Jean-Baptiste de la Salle, répondant à l’appel divin, renonça aux honneurs d’un canonicat à Reims, et, au milieu de mille contradictions et adversités, il fonda la société des maîtres des Écoles chrétiennes qui, aujourd’hui encore, accomplit un si grand bien dans l’Église.

La messe Os iusti est du Commun des Confesseurs, mais la première collecte et l’Évangile sont propres.

La collecte est pieuse ; mais pour vouloir contenir trop de choses, jusqu’à être un résumé de la biographie du Saint, elle est devenue prolixe et absolument rebelle aux lois rythmiques de l’antique cursus.

L’Évangile (Mt., XVIII, 1-5) a déjà été lu en partie le 8 mai. Jésus y fait l’éloge de l’innocence des enfants qu’il propose comme modèles à tous les chrétiens. L’enfant est simple, chaste et surtout humble, car, sans effort, il se reconnaît petit, faible, inférieur à ceux qui sont plus âgés que lui. Cette humilité naturelle du petit enfant plaît tout spécialement ; aussi devons-nous nous efforcer d’avoir une humble opinion de nous-mêmes en toute sincérité et non par calcul ou affectation, mais pour plaire à Dieu qui, étant tout, veut être aussi tout en nous.

   
Lire la suite

Mardi dans l’Octave de l’Ascension

14 Mai 2024 , Rédigé par Ludovicus

Mardi dans l’Octave de l’Ascension

1ère leçon

De la première Épître du bienheureux Apôtre Jean

Mes bien-aimés, ne croyez point à tout esprit, mais éprouvez les esprits, s’ils sont de Dieu ; parce que beaucoup de faux prophètes se sont élevés dans le monde. Voici en quoi se connaît l’esprit de Dieu : Tout esprit qui confesse que Jésus-Christ est venu dans la chair est de Dieu ; et tout esprit qui détruit Jésus n’est point de Dieu, et celui-là est l’antéchrist dont vous avez ouï dire qu’il vient ; or il est déjà dans le monde. Vous, vous êtes de Dieu, mes petits enfants, et vous avez vaincu ; parce que celui qui est en vous est plus grand que celui qui est dans le monde. Eux sont du monde, c’est pourquoi ils parlent du monde, et le monde les écoute. Nous, nous sommes de Dieu. Qui connaît Dieu nous écoute ; qui n’est pas de Dieu ne nous écoute point ; et c’est à cela que nous connaissons l’esprit de vérité et l’esprit d’erreur.

2e leçon

Mes bien-aimés, aimons-nous les uns les autres, parce que la charité est de Dieu. Ainsi quiconque aime est né de Dieu et connaît Dieu. Qui n’aime point ne connaît pas Dieu, parce que Dieu est charité. La charité de Dieu a paru en cela qu’il a envoyé son Fils unique dans le monde, afin que nous vivions par lui. Et cette charité consiste en ce que ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, mais que c’est lui qui nous a aimés le premier, et qui a envoyé son Fils, propitiation pour nos péchés. Mes bien-aimés, si Dieu nous a ainsi aimés, nous devons, nous aussi, nous aimer les uns les autres. Personne n’a jamais vu Dieu. Si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous, et sa charité en nous est parfaite. Nous connaissons que nous demeurons en lui, et lui en nous, en cela qu’il nous a donné de son Esprit. Et nous, nous avons vu et nous attestons que le Père a envoyé son Fils, Sauveur du monde.

3e leçon

Quiconque confesse que Jésus est le Fils de Dieu, Dieu demeure en lui, et lui en Dieu. Quant à nous, nous avons connu la charité que Dieu a pour nous, et nous y avons cru. Dieu est charité ; et qui demeure dans la charité demeure en Dieu, et Dieu en lui. Or la charité de Dieu n’est parfaite en nous, de manière que nous ayons confiance au jour du jugement qu’autant que nous sommes en ce monde tel qu’il est, car il n’y a point de crainte dans la charité ; mais la charité parfaite chasse la crainte ; parce que la crainte est accompagnée de peine ; ainsi, celui qui craint n’est point parfait dans la charité. Nous donc, aimons Dieu, parce que Dieu nous a aimés le premier. Si quelqu’un dit : J’aime Dieu, et qu’il haïsse son frère, c’est un menteur. Car celui qui n’aime point son frère qu’il voit, comment peut-il aimer Dieu qu’il ne voit pas ? De plus, nous avons ce commandement de Dieu : Que celui qui aime Dieu aime aussi son frère.

4e leçon

Sermon de saint Maxime, Évêque

Votre sainteté se rappelle que j’ai comparé le Sauveur à cet aigle des Psaumes, duquel nous lisons que sa jeunesse est renouvelée. Cette similitude a un sens fort étendu. En effet, comme l’aigle quitte ce qui est bas, recherche les hauteurs et monte jusque dans les régions voisines des cieux ; de même ainsi le Sauveur a quitté les profondeurs de l’enfer, a gagné les hauteurs du paradis, et a pénétré jusqu’au faîte des cieux. Et comme l’aigle, fuyant les souillures du sol terrestre, volant haut, jouit de la salubrité d’un air très pur ; ainsi pareillement le Seigneur, abandonnant la fange des pécheurs de la terre et volant dans ses saints, s’y réjouit en la simplicité d’une vie très pure.

5e leçon

La comparaison de l’aigle convient donc en tous points au Sauveur. Mais que faisons-nous de ce que l’aigle s’empare fréquemment d’une proie, et enlève souvent le bien d’autrui ? En cela encore, le Sauveur ne diffère pas de l’aigle. Car il a pour ainsi dire ravi une proie, lorsqu’il a porté au ciel l’homme, dont il a pris la nature, qu’il a arraché au gouffre de l’enfer et qu’il a emmené captif au ciel, après avoir délivré de la servitude cet esclave d’une domination étrangère, c’est-à-dire de la puissance du démon, selon qu’il a été écrit par le Prophète : « Le Christ montant au ciel, a conduit la captivité captive ; il a donné des dons aux hommes »

6e leçon

« Il est monté au ciel, dit-il, il a conduit la captivité captive ». Que ce Prophète décrit bien le triomphe du Seigneur ! C’était, dit-on, la coutume des rois dans leur triomphe de faire marcher devant leur char un cortège pompeux de captifs. Voici que la captivité glorieuse ne précède pas le Seigneur allant au ciel, mais l’accompagne ; elle n’est pas traînée devant son char, mais elle-même sert de char au Sauveur. Par un mystère merveilleux, alors que le Fils de Dieu éleva au ciel le fils de l’homme, la captivité elle-même y est portée et y porte tout à la fois.

7e leçon

Homélie de saint Grégoire, Pape.

Il nous faut examiner ce que veut dire saint Marc par ces paroles : « Il est assis à droite de Dieu, » tandis que saint Étienne s’est écrié : « Je vois les cieux ouverts et le Fils de l’homme debout à la droite de Dieu ». Comment saint Marc affirme-t-il qu’il est assis, et saint Étienne qu’il le voit debout ? Mais vous savez, mes frères, qu’il appartient au juge d’être assis, de même qu’il appartient à celui qui combat ou qui vient au secours d’être debout.

8e leçon

Notre Rédempteur est monté au ciel, maintenant il y juge toutes choses, et il viendra encore à la fin du monde pour nous juger tous : aussi saint Marc nous le montre-t-il assis après son ascension, car après cette glorieuse ascension, on le verra comme juge à la fin des temps. Mais saint Étienne dans le fort du combat le vit debout, lui qu’il eut comme protecteur, parce que, de même qu’Étienne a été vainqueur sur la terre de l’infidélité de ses persécuteurs, la grâce du Sauveur combattait pour lui du haut du ciel.

9e leçon

L’évangéliste poursuit : « Et eux, étant partis, prêchèrent partout, le Seigneur coopérant avec eux, et confirmant leur parole par les miracles qui l’accompagnaient. » Ici qu’avons-nous à remarquer, qu’avons-nous à confier à notre mémoire, sinon que l’obéissance suivit le précepte, et que les miracles suivirent l’obéissance ? Mais après avoir, par le secours de Dieu, parcouru la lecture du saint Évangile en l’exposant brièvement, il nous reste à dire quelque chose de la considération même de cette grande solennité.

Le Seigneur de gloire est monté aux cieux, et selon le langage de l’Apôtre, il y est entré comme « notre avant-coureur » ; mais comment l’homme pourra-t-il le suivre jusqu’au séjour de toute sainteté, lui dont la voie est sans cesse entravée par le péché, lui qui a plus besoin de pardon que de gloire ? Or, c’est ici encore une des merveilleuses suites de cet auguste mystère de l’Ascension, dont nous ne saurions épuiser toute la richesse. Jésus ne monte pas au ciel seulement pour y régner ; il doit y résider aussi pour y être notre intercesseur, notre Pontife, chargé d’obtenir en cette qualité le pardon de nos péchés, avec les grâces qui nous ouvriront le chemin pour arriver jusqu’à lui. Sur la croix il s’offrit en victime pour nos péchés ; son sang divin, épanché de tous ses membres, forma dès lors notre rançon surabondante ; mais le ciel demeurait ferme aux rachetés jusqu’à ce qu’il en eût franchi les portes, jusqu’à ce qu’il eût pénétré l’intime sanctuaire où il doit exercera jamais la charge de Pontife selon l’Ordre de Melchisédech. Aujourd’hui le sacerdoce du Calvaire se transforme en un sacerdoce de gloire. Jésus est entré « au delà du voile, de ce voile qui était sa chair encore passible et mortelle » ; il a pénétré dans le plus intime de la présence de son Père, et là il est notre Pontife à jamais.

Il est le Christ, sacré d’une double onction, au moment où sa personne divine s’unissait à la nature humaine : il est Roi, il est Pontife. Sa Royauté, nous l’avons acclamée les jours précédents ; aujourd’hui c’est son Sacerdoce que nous avons à reconnaître. Durant son passage en ce monde, quelques traits de l’un et de l’autre nous ont apparu ; mais cette Royauté et ce Pontificat ne devaient briller de tout leur éclat qu’au jour de l’Ascension. Suivons donc encore notre Emmanuel d’un œil respectueux, et considérons ce qu’il vient opérer dans le ciel. L’Apôtre va d’abord nous donner la notion du Pontife dans sa sublime Épître aux Hébreux. Le Pontife, nous dit-il, est choisi par Dieu même, afin d’offrir des dons et des sacrifices pour les péchés ; il est établi près de Dieu en faveur des hommes, dont il est l’ambassadeur et l’intercesseur. Or, telle est la qualité, tel est le ministère de Jésus dans les cieux, à partir de l’heure où nous sommes. Mais si nous voulons pénétrer plus avant un si vaste et si profond mystère, il nous faut nous aider des symboles que nous offrent les livres saints ; ces symboles dont saint Paul lui-même a emprunté le secours, vont nous faire comprendre le rôle de notre Pontife.

Transportons-nous par la pensée dans le temple de Jérusalem. Nous traversons d’abord cette vaste enceinte à ciel ouvert, entourée de portiques, et au centre de laquelle s’élève l’autel sur lequel les victimes égorgées dont le sang s’écoule par de nombreux canaux, sont consumées selon le rite des divers sacrifices. Nous nous dirigeons ensuite vers un lieu plus auguste, cet édifice couvert qui s’élève au delà de l’autel des holocaustes et qui resplendit de toutes les richesses de l’Orient. Entrons avec respect ; car ce lieu est saint, et Dieu même a donné à Moïse le plan des ouvrages merveilleux qui le décorent et qui sont tous à sa gloire : l’autel des parfums, d’où s’exhale soir et matin la fumée de l’encens ; le Chandelier à sept branches qui étale avec complaisance ses lis et ses grenades ; la table sur laquelle reposent les pains de proposition, hommage de notre race à celui qui fait mûrir les moissons sur la terre. Mais ce n’est pas encore sous ces lambris étincelants de l’or d’Ophir que s’est établie l’ineffable majesté de Jéhovah. Contemplez au fond de l’édifice ce voile d’un tissu précieux, richement brodé d’images de Chérubins, et descendant jusqu’à terre. C’est là, derrière ce voile, que le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob fait sentir sa présence ; c’est là que repose l’Arche d’alliance, sur laquelle les deux Chérubins d’or étendent mystérieusement leurs ailes. Ce réduit sacré et inaccessible se nomme le Saint des Saints ; aucun homme ne pourrait, sans mourir, soulever ce voile, porter un regard téméraire dans cet asile terrible et entrer là où le Dieu des armées daigne habiter.

L’homme est donc banni du séjour où Dieu habite. La sainteté divine l’exclut de sa présence comme indigne. Créé pour voir Dieu, pour être heureux éternellement par la vue de Dieu, l’homme, à cause de son péché, est condamné à ne le pas voir. Un voile lui dérobe la vue de celui qui est sa fin, et l’obstacle de ce voile est pour lui infranchissable. Telle est la sévère leçon que nous donne le symbole formidable de l’ancien temple.

Une promesse miséricordieuse est néanmoins intervenue. Ce voile sera soulevé un jour, et laissera passage à l’homme ; mais à une condition, et cette condition, nous allons la connaître en continuant de suivre les symboles de l’ancien temple. Entre tous les mortels exclus du Saint des Saints, il en est un cependant à qui il est donné une fois l’année de pénétrer derrière le voile. C’est le Pontife. Que s’il entre ce jour-là dans l’enceinte terrible, sans tenir entre ses mains le vase rempli du sang des deux victimes qu’il a immolées auparavant pour ses propres péchés et pour ceux de son peuple, il sera exterminé ; si au contraire il remplit fidèlement l’ordre du Seigneur, il sera protégé par le sang qu’il porte, et il sera admis en ce jour unique à intercéder pour lui-même et pour Israël tout entier.

Qu’elles sont belles, qu’elles sont fortes, ces figures de l’ancienne Alliance ! Mais combien plus belle et plus forte est leur réalisation dans l’inépuisable mystère de l’Ascension de notre divin libérateur ! Il était encore dans la période de ses humiliations volontaires, que déjà sa puissance s’était fait sentir jusque dans ce réduit sacré sur lequel planait la terreur de Jéhovah.

Son dernier soupir sur la croix avait déchiré du haut en bas le voile du Saint des Saints, pour annoncer que bientôt l’accès auprès de Dieu allait être ouvert aux hommes comme avant le péché. Mais restait la victoire à remporter sur la mort par la résurrection ; restait encore la période de quarante jours que notre Pontife devait employer à organiser le sacerdoce véritable qui s’exercera sur la terre jusqu’à la consommation des siècles, en union avec celui qu’il va remplir lui-même au ciel.

Aujourd’hui, tous les délais sont accomplis ; les témoins de la résurrection l’ont constatée, les dogmes de la foi sont révélés dans leur ensemble, l’Église est constituée, les sacrements sont déclarés ; il est temps que notre Pontife pénètre dans le Saint des Saints et qu’il y entraîne ses élus à sa suite. Suivons son vol des yeux de notre foi. A son approche, le voile abaissé depuis quatre mille ans se lève et lui livre passage. Jésus n’a-t-il pas, comme le Pontife de l’ancienne loi, offert le sacrifice préalable, le sacrifice non plus figuratif, mais réel, par l’effusion de son propre sang ? Arrivé en présence de la Majesté divine pour y exercer sa puissante intercession, qu’a-t-il à faire autre chose que de présenter à son Père, en notre faveur, ces blessures qu’il a reçues il y a peu de jours, et par lesquelles s’est épanché le sang qui satisfaisait d’une manière complète à toutes les exigences de la suprême justice ? Et pourquoi a-t-il tenu à conserver ces augustes stigmates de son sacrifice, sinon pour s’en servir, comme notre Pontife, à désarmer le courroux céleste provoqué sans cesse par les péchés de la terre ? Écoutons l’Apôtre saint Jean : « Mes petits enfants, dit-il, je vous écris ceci, afin que vous ne péchiez pas ; mais si quelqu’un pèche, nous avons pour avocat Jésus-Christ qui est juste ».

Ainsi donc, au delà du voile où il pénètre aujourd’hui, Jésus traite avec son Père de nos intérêts, il met la dernière main aux mérites de son sacrifice, il est un Pontife éternel, un Pontife à l’intercession duquel rien ne résiste.

Saint Jean, qui a vu le ciel ouvert, nous décrit d’une façon expressive cette double qualité de notre divin Chef, victime et roi en même temps, sacrifié et néanmoins immortel. Il nous montre le trône de l’éternelle Majesté entouré des vingt-quatre vieillards sur leurs sièges et des quatre animaux symboliques, ayant en face les sept Esprits rayonnants de force et de beauté ; mais le sublime prophète n’arrête pas là son ineffable description. Il entraîne nos regards jusque sur le trône même de Jéhovah ; et nous apercevons debout au milieu de ce trône un Agneau, mais un agneau « comme immolé » et toutefois revêtu des attributs de la force et de la puissance. Qui oserait tenter d’expliquer de telles images, si notre grand mystère d’aujourd’hui ne nous en donnait la clef ? Mais avec quelle facilité tout s’éclaircit à sa lumière ! Aux traits que nous révèle l’Apôtre nous reconnaissons notre Jésus, Verbe éternel, et en sa qualité de Verbe éternel siégeant sur un même trône avec son Père auquel il est consubstantiel. Mais en même temps il est Agneau : car il a pris notre chair, afin d’être égorgé pour nous comme une victime ; et ce caractère de victime demeure en lui pour l’éternité. Le voici donc dans toute sa majesté de Fils de Dieu, debout, et posant avec une dignité souveraine ; mais en même temps il apparaît comme immolé. Les cicatrices des blessures que lui a faites le couteau du sacrifice demeurent à jamais visibles ; c’est identiquement l’Agneau du Calvaire qui consomme éternellement dans la gloire l’immolation qu’il accomplit douloureusement sur la croix.

Telles sont les merveilles que l’œil des Anges contemple « à l’intérieur du voile », et que notre œil verra aussi, lorsque nous aurons franchi le voile à notre tour. Nous ne sommes pas destinés à rester au dehors, comme le peuple juif qui voyait une fois l’an son Pontife disparaître quelques instants derrière la courtine qui fermait l’accès du Saint des Saints. Voici que l’Apôtre nous enseigne que « Jésus notre avant-coureur, Jésus Pontife à jamais, est entré pour nous dans le sanctuaire » ; entré pour nous ! Qu’est-ce à dire, sinon qu’il nous y précède, et que nous l’y suivrons ? Il est juste qu’il entre le premier ; mais c’est comme avant-coureur qu’il entre. Dès aujourd’hui même il n’est déjà plus seul à l’intérieur du voile ; la foule des élus qui montait après lui a pénétré à sa suite, et à partir de ce moment, le nombre de ceux qui seront admis va s’accroître d’heure en heure. Nous ne sommes que de pauvres pécheurs, et l’Apôtre nous dit que « nous sommes déjà sauvés en espérance » ; et notre espérance, c’est de pénétrer un jour dans le Saint des Saints. Alors nous répéterons avec les Anges, avec les vingt-quatre vieillards, avec les millions d’êtres glorifiés, cette acclamation éternelle : « A l’Agneau qui fut immolé, puissance et divinité ! sagesse et force ! honneur, gloire et bénédiction, dans les siècles des siècles ! Amen ! »

Lire la suite

Saint Robert Bellarmin évêque confesseur et docteur

13 Mai 2024 , Rédigé par Ludovicus

Saint Robert Bellarmin évêque confesseur et docteur

Collecte

O Dieu, pour repousser les pièges de l’erreur et défendre les droits du Siège apostolique, vous avez doté le bienheureux Robert, votre Pontife et Docteur, d’une science et d’une force admirable : faites, par ses mérites et son intercession ; que nous grandissions dans l’amour de la vérité et que les cœurs des égarés reviennent à l’unité de votre Église.

Office

Au deuxième nocturne.

Quatrième leçon. Robert, né à Montepulciano et de la noble famille des Bellarmin, avait pour mère la très pieuse Cynthia Cervin, sœur du pape Marcel II. Dès son plus jeune âge, il a brillé par sa piété exemplaire et ses chastes mœurs, désirant ardemment une seule chose, plaire à Dieu seul et gagner des âmes au Christ. Il a fréquenté le collège de la Compagnie de Jésus dans sa ville natale où il a été vivement félicité pour son intelligence et sa modestie. À l’âge de dix-huit ans il entra dans la même Société à Rome, et il a été un modèle de toutes les vertus religieuses. Après avoir traversé le cours de philosophie au Collège romain, il est envoyé d’abord à Florence, puis à Monreale, plus tard, à Padoue pour y enseigner la théologie sacrée, et ensuite à Louvain, où, alors qu’il n’était pas encore prêtre, il s’est habilement acquitté de la charge de prédicateur. Après son ordination, à Louvain, il a enseigné la théologie avec un tel succès qu’il a ramené beaucoup d’hérétiques à l’unité de l’Église, et il était considéré en Europe comme le plus brillant théologien ; Saint-Charles, évêque de Milan, et d’autres encore lui demandaient expressément ses avis.

Cinquième leçon. Rappelé à Rome à la volonté du Pape Grégoire XIII, il a enseigné la science de la théologie de controverse au Collège romain, et là, comme directeur spirituel, il a guidé le jeune angélique Louis de Gonzague sur les chemins de la sainteté. Il a gouverné le Collège romain, puis la province napolitaine de la Compagnie de Jésus en conformité avec l’esprit de saint Ignace. Encore une fois convoqué à Rome, il fut employé par Clément VIII dans les affaires les plus importantes de l’Église, avec le plus grand avantage pour l’État chrétien, puis contre sa volonté et en dépit de son opposition, il fut admis au nombre des cardinaux, parce que le Pontife déclara publiquement qu’il n’avait pas son égal parmi les théologiens dans l’Église de Dieu à l’époque. Il fut consacré évêque par le même Pape, et administra l’archidiocèse de Capoue d’une manière très sainte pendant trois ans : après avoir démissionné de cette charge, il a vécu à Rome jusqu’à sa mort, en tant que conseiller le plus impartial et fidèle au Pontife Suprême. Il écrivit beaucoup, et d’une manière admirable. Son principal mérite réside dans sa victoire complète dans la lutte contre les nouvelles erreurs, au cours de laquelle il se distingua comme un vengeur acharné de la tradition catholique et les droits du Siège romain. Il a obtenu cette victoire en suivant saint Thomas comme son guide et son maître, par une considération prudente des besoins de son temps, par son enseignement irréfragable, et par une richesse très abondante de témoignages bien choisis à partir des écrits sacrés puisés à la source riche des Pères de l’Église. Il est éminemment reconnu pour de très nombreuses œuvres courtes pour favoriser la piété, et en particulier pour ce Catéchisme d’or, qu’il ne manquait jamais d’expliquer à la jeunesse et aux ignorants à la fois à Capoue et à Rome, bien que préoccupé par d’autres affaires très importantes. Un cardinal contemporain a déclaré que Robert a été envoyé par Dieu pour l’instruction des catholiques, pour la gouverne du bien, et pour la confusion des hérétiques, saint François de Sales le considéraient comme une source d’apprentissage, le Souverain Pontife Benoît XIV l’appelait le marteau des hérétiques, et Benoît XV proclama en lui le modèle des promoteurs et des défenseurs de la religion catholique.

Sixième leçon. Il était le plus zélé dans la vie religieuse et il a continué dans son mode de vie après avoir été admis parmi les cardinaux. Il ne voulait pas la richesse au-delà de ce qui était nécessaire, il était satisfait d’un ménage moyen, même dans ses dépenses et ses vêtements. Il ne chercha pas à enrichir sa propre famille, et il ne pouvait guère être amené à soulager leur pauvreté, même occasionnellement. Il avait peu de sentiment de lui-même, et était d’une simplicité merveilleuse d’âme. Il avait un amour extraordinaire pour la Mère de Dieu, il a passé de nombreuses heures par jour dans la prière. Il mangeait en très petite quantité et jeûnait trois fois par semaine. Austère avec lui-même, il a brûlé avec la charité envers le prochain, et il était souvent appelé le père des pauvres. Il espérait sincèrement qu’il n’avait pas taché son innocence baptismale à la moindre faute. A près de quatre-vingts ans, il tomba dans sa dernière maladie à Saint-André sur la colline du Quirinal, et en elle il montra son habituelle vertu rayonnante. Le Pape Grégoire XV et de nombreux cardinaux lui ont rendu visite sur son lit de mort, déplorant la perte d’un grand pilier de l’Église. Il s’endormit dans le Seigneur en l’an 1621, le jour des sacrés stigmates de saint François, dont il avait contribué à ce que la mémoire en soit célébrée partout. La ville entière pleura sa mort, et à l’unanimité le déclara un Saint. Le Souverain Pontife Pie XI a inscrit son nom, d’abord, dans livre des Bienheureux, puis dans celui des Saints, et peu après, par un décret de la Sacrée Congrégation des Rites, il le déclara Docteur de l’Église universelle. Son corps est honoré avec une vénération pieuse à Rome en l’église Saint-Ignace, près du tombeau de saint Louis de Gonzague, comme il l’avait souhaité.

Au troisième nocturne.

Homélie de Saint Robert Bellarmin, Évêque.

Septième leçon. Tout comme en Dieu, que nous vénérons comme un dans la Trinité et trine dans l’Unité, il ya trois choses en particulier qui sont particulièrement claires : le pouvoir, la sagesse et la bonté ; de même Dieu, auditeurs bien-aimé, aurait pu rendre ses amis particuliers et ses fils, nos pères et nos docteurs, très semblables à lui-même et ainsi être estimés et admirés par toutes les nations, il leur a souhaité d’être au plus haut degré puissants, sages, excellents, et saints. D’abord, il leur fournit cette puissance, par laquelle ils pourraient évidemment faire beaucoup de choses merveilleuses et extraordinaires, hors du cadre habituel et de l’ordre de la nature, en ce qui concerne les éléments, les arbres, les bêtes, et même l’humanité. Puis, il leur donna une telle sagesse, qu’ils ont vu non seulement le passé et le présent, mais encore ils prévoyaient l’avenir, bien avant, et le prédisaient. Enfin, il a élargi leur cœur de sa très grande et ardente charité, leur permettant non seulement d’entrer de tout cœur dans leurs travaux, mais aussi d’influencer ceux qu’ils étaient sur le point de se convertir, ainsi que par leur exemple et la vie sainte, que par leur la prédication et les miracles.

Huitième leçon. Et oui, tout le monde savait combien pieux, combien justes, combien religieux étaient les prédicateurs de notre loi, aussi bien ceux qui les premiers nous ont apporté la foi et l’Évangile, et ceux que Dieu par la suite, a suscité dans tous les temps afin de confirmer ou de propager cette même foi. Et d’abord, considérons les Apôtres. Que pourrait-il y avoir de meilleur et de plus sublime que la manière de vivre des Apôtres ? Ensuite, songez à ces hommes saints que nous appelons des Pères et des Docteurs, ces lumières les plus éclatantes que Dieu a voulu faire briller dans le firmament de l’Église, afin que toutes les ténèbres de l’hérésie soient dispersées, comme Irénée, Cyprien, Hilaire, Athanase, Basile, les deux Grégoire, Ambroise, Jérôme, Augustin, Chrysostome, et Cyril. Leur vie et leur comportement ne brillent-ils pas dans toutes les œuvres qu’ils nous ont laissées, comme dans une espèce particulière de miroir ? Car c’est de l’abondance du cœur que la bouche parle.

Neuvième leçon. Considérez, je vous le demande, l’humilité, ainsi que l’érudition la plus grande, qui paraît dans les livres des saints Pères. Quelle modération ! Rien d’offensant là, rien d’inconvenant, aucune ruse, rien à supposer, rien de pompeux. Comment le travail multiforme de l’Esprit Saint, qui habitait dans leurs cœurs, se fait entendre dans leurs pages ! Qui peut lire attentivement sans Cyprien sans brûler immédiatement du désir du martyre ? Qui peut assidûment tourner les pages d’Augustin, sans apprendre l’humilité la plus profonde ? Qui peut ouvrir Jérôme fréquemment sans commencer à aimer la virginité et le jeûne ? Les écrits des saints exhalent la religion, la chasteté, l’intégrité et la charité. Tels sont nos évêques et pasteurs (pour reprendre les termes du céleste Augustin), nos savants, éminents, saints, intelligents défenseurs de la vérité, qui ont pris dans la foi catholique, comme le lait, et l’ont consommé dans l’alimentation : et ce lait et la nourriture qu’ils ont administrés aux grands et petits. Depuis les Apôtres, la sainte Église a prospéré par ces planteurs, des abreuvoirs, des constructeurs, des bergers, et les infirmières.

 

Lire la suite

Dimanche dans l'octave de l'Ascension

12 Mai 2024 , Rédigé par Ludovicus

Dimanche dans l'octave de l'Ascension

Introït

Exaucez, Seigneur, ma voix, qui a crié vers vous, alléluia ; mon cœur vous a dit : mes yeux vous ont cherché ; votre visage, Seigneur, je le rechercherai, ne détournez pas de moi votre face, alléluia, alléluia. Le Seigneur est ma lumière et mon salut, qui craindrai-je ?

Collecte

Dieu tout-puissant et éternel : faites que notre volonté vous soit toujours dévouée ; et que nous servions votre Majesté d’un cœur sincère.

Épitre 1. P 4, 7-11

Mes bien-aimés : soyez prudents et veillez dans la prière. Mais surtout ayez les uns pour les autres une charité persévérante, car la charité couvre une multitude de péchés. Exercez entre vous l’hospitalité sans murmurer. Que chacun mette au service des autres le don spirituel qu’il a reçu, comme doivent faire de bons dispensateurs de la grâce de Dieu aux formes multiples. Si quelqu’un parle, que ce soit selon les oracles de Dieu ; si quelqu’un exerce un ministère, que ce soit comme employant une force que Dieu donne, afin qu’en toutes choses Dieu soit glorifié par Jésus-Christ Notre-Seigneur.

Évangile Jn. 15, 26-27 ; 16, 1-4

En ce temps-là : Jésus dit à ses disciples : Lorsque le Paraclet que je vous enverrai de la part du Père, l’Esprit de vérité qui procède du Père, sera venu, il rendra témoignage de moi. Et vous aussi vous me rendrez témoignage, parce que vous êtes avec moi depuis le commencement. Je vous ai dit ces choses, afin que vous ne soyez pas scandalisés. Ils vous chasseront des synagogues, et l’heure vient où quiconque vous fera mourir croira rendre hommage à Dieu. Et ils vous traiteront ainsi parce qu’ils ne connaissent ni le Père ni moi. Je vous ai dit ces choses afin que, lorsque l’heure en sera venue, vous vous souveniez que je vous les ai dites.

Postcommunion

Nourris de vos dons sacrés, ô Seigneur, nous vous en supplions, donnez-nous de demeurer toujours dans l’action de grâces.

Office

4e leçon

Sermon de saint Augustin, Évêque.

Notre Sauveur, mes très chers frères, est monté au ciel, ne nous troublons donc pas sur la terre. Que nos pensées soient là où il est, et ici-bas ce sera le repos. Montons maintenant avec le Christ par le cœur ; lorsque son jour promis sera venu, nous le suivrons aussi de corps. Cependant, mes frères, nous devons savoir que ni l’orgueil, ni l’avarice, ni la luxure ne s’élèvent avec le Christ ; aucun de nos vices ne s’élève avec notre médecin. Et c’est pourquoi si nous voulons suivre le médecin dans son ascension, nous devons déposer le fardeau de nos vices et de nos péchés. Ils nous chargent, pour ainsi dire, tous de chaînes, ils s’efforcent de nous retenir captifs dans les filets de nos fautes : c’est pourquoi avec le secours de Dieu, et comme le dit le Psalmiste : « Rompons leurs liens », afin qu’en toute sécurité nous puissions dire au Seigneur : « Vous avez rompu mes liens, c’est à vous que je sacrifierai une hostie de louange ».

5e leçon

La résurrection du Seigneur est notre espérance ; l’ascension du Seigneur, notre glorification. Nous célébrons aujourd’hui la solennité de l’Ascension. Si donc nous célébrons l’ascension du Seigneur avec droiture, avec fidélité, avec dévotion, avec sainteté et avec piété, montons avec lui et tenons en haut nos cœurs. Mais, en montant, gardons-nous de nous enorgueillir et de présumer de nos mérites, comme s’ils nous étaient propres. Nous devons tenir nos cœurs en haut attachés au Seigneur ; car le cœur en haut, mais non auprès du Seigneur, c’est l’orgueil ; le cœur en haut près du Seigneur, c’est le refuge. Voici, mes frères, un fait surprenant : Dieu est élevé, tu t’élèves et il fuit loin de toi ; tu t’humilies et il descend vers toi. Pourquoi cela ? C’est que « le Seigneur est élevé, et il regarde ce qui est bas, et ce qui est haut, c’est de loin qu’il le connaît ». Il regarde de près ce qui est humble, pour l’attirer à lui, et il regarde de loin ce qui s’élève, c’est-à-dire les superbes, pour les abaisser.

6e leçon

Le Christ est ressuscité pour nous donner l’espérance, car tout homme qui meurt ressuscite ; et il nous a donné cette assurance, afin qu’en mourant nous ne désespérions pas et que nous ne pensions pas que notre vie finit dans la mort. Nous étions dans l’anxiété au sujet de notre âme elle-même, et le Sauveur, en ressuscitant, nous a donné la foi en la résurrection de la chair. Crois donc, afin d’être purifié. Il te faut d’abord croire, afin de mériter par ta foi de voir Dieu un jour. Veux-tu voir Dieu ? Écoute-le lui-même : « Bienheureux ceux qui ont le cœur pur, parce qu’ils verront Dieu ». Pense donc avant tout à purifier ton cœur ; enlève tout ce que tu y vois qui puisse déplaire à Dieu.

7e leçon

Homélie de saint Augustin, Évêque

Le Seigneur, dans le discours qu’il tint à ses disciples après la cène, aux approches de sa passion, alors qu’il allait partir et les quitter quant à sa présence corporelle, quoiqu’il dût néanmoins rester avec tous les siens par sa présence spirituelle jusqu’à la consommation des siècles ; le Seigneur Jésus, dans ce discours, les exhorta à supporter les persécutions des impies, qu’il désignait sous le nom de monde. Du sein de ce même monde il avait tiré ses disciples : il le leur déclara, afin qu’ils sussent que la grâce de Dieu les faisait ce qu’ils se trouvaient être, tandis que leurs vices les avaient rendus ce qu’ils étaient auparavant.

8e leçon

Ensuite il leur annonça clairement que les Juifs devaient être et ses persécuteurs et les leurs, de façon qu’il fût absolument évident que ceux qui persécutent les saints sont compris, eux aussi, sous cette appellation de monde condamnable. Or, après avoir dit des Juifs qu’ils ne connaissaient pas celui qui l’avait envoyé, et que cependant ils haïssaient et le Fils et le Père, c’est-à-dire celui qui avait été envoyé et celui par qui il était envoyé (toutes choses dont nous avons déjà parlé dans d’autres sermons), il en vint à cet endroit où il leur dit : « C’est afin que s’accomplisse la parole qui est écrite dans leur loi : Ils m’ont haï gratuitement »

9e leçon

Ensuite il ajouta, comme conséquemment, ces paroles que nous avons entrepris d’expliquer aujourd’hui. « Mais lorsque sera venu le Paraclet que je vous enverrai du Père, l’Esprit de vérité qui procède du Père, il rendra témoignage de moi. Et vous aussi, vous rendrez témoignage, parce que, dès le commencement, vous êtes avec moi ». Quel rapport ces paroles ont-elles avec ce qu’il vient de dire : « Mais maintenant ils ont vu mes œuvres ; et ils ont haï et moi et mon Père, mais c’est afin que s’accomplisse la parole qui est écrite dans leur loi : Ils m’ont haï gratuitement ». Quand le Paraclet est venu, cet Esprit de vérité a-t-il convaincu par un témoignage plus évident ceux qui avaient vu ses œuvres et le haïssaient encore ? Il a fait bien plus ; car, en se manifestant à eux, il a converti à la foi, qui opère par la charité, plusieurs de ceux qui avaient vu, et dont la haine persévérait encore.

Dom Guéranger, l’Année Liturgique

ÉPÎTRE.

Tandis que les disciples sont réunis dans le Cénacle, n’ayant qu’un cœur et qu’une âme, et attendant la venue de l’Esprit-Saint, le prince des Apôtres qui présidait cette assemblée sainte se tourne vers nous qui attendons ici-bas la même faveur, et nous recommande la charité fraternelle. Il nous promet que cette vertu couvrira la multitude de nos péchés ; quelle heureuse préparation pour recevoir le don divin ! L’Esprit-Saint arrive afin d’unir les hommes en une seule famille ; arrêtons donc toutes nos discussions, et préparons-nous à la fraternité universelle qui doit s’établir dans le monde à la prédication de l’Évangile. En attendant la descente du Consolateur promis, l’Apôtre nous dit que nous devons être prudents et veiller dans la prière. Recevons la leçon : la prudence consistera à écarter de nos cœurs tout obstacle qui repousserait le divin Esprit ; quant à la prière, c’est elle qui les ouvrira, afin qu’il les reconnaisse et s’y établisse.

ÉVANGILE.

A la veille de nous envoyer son Esprit, Jésus nous annonce les effets que ce divin Consolateur produira dans nos âmes. S’adressant aux Apôtres dans la dernière Cène, il leur dit que cet Esprit leur rendra témoignage de lui, c’est-à-dire qu’il les instruira sur la divinité de Jésus et sur la fidélité qu’ils lui doivent, jusqu’à mourir pour lui. Voilà donc ce que produira en eux cet hôte divin que Jésus, près de monter aux cieux, leur désignait en l’appelant la Vertu d’en haut. De rudes épreuves les attendent ; il leur faudra résister jusqu’au sang. Qui les soutiendra, ces hommes faibles ? L’Esprit divin qui sera venu se reposer en eux. Par lui ils vaincront, et l’Évangile fera le tour du monde. Or, il va venir de nouveau, cet Esprit du Père et du Fils ; et quel sera le but de sa venue, sinon de nous armer aussi pour le combat, de nous rendre forts pour la lutte ? Au sortir de la Saison pascale, où les plus augustes mystères nous illuminent et nous protègent, nous allons retrouver en face le démon irrité, le monde qui nous attendait, nos passions calmées un moment qui voudront se réveiller. Si nous sommes « revêtus de la Vertu d’en haut », nous n’aurons rien à craindre ; aspirons donc à la venue du céleste Consolateur, préparons-lui en nous une réception digne de sa majesté ; quand nous l’aurons reçu, gardons-le chèrement ; il nous assurera la victoire, comme il l’assura aux Apôtres.

Lire la suite
1 2 3 > >>