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Regnum Galliae Regnum Mariae

Saint Jean Chrysostome évêque confesseur et docteur

27 Janvier 2022 , Rédigé par Ludovicus

Saint Jean Chrysostome évêque confesseur et docteur

Collecte

Que la grâce céleste fasse croître, nous vous en prions Seigneur, votre Église que vous avez voulu illuminer par les glorieux mérites et les enseignement du bienheureux Jean Chrysostome, votre Confesseur et Docteur.

Office

AU DEUXIÈME NOCTURNE.

Quatrième leçon. Jean, né à Antioche, fut surnommé Chrysostome, à cause du fleuve d’or de son éloquence. Il quitta le barreau et les affaires du siècle pour s’adonner entièrement à l’étude des saintes lettres, dans laquelle il s’attira beaucoup de louanges par son génie et par sa science. Aussi ayant été initié aux mystères sacrés, puis fait Prêtre de l’Église d’Antioche, il fut préposé, malgré lui, à l’Église de Constantinople, après la mort de Nectaire, par les soins de l’empereur Arcadius. Dès qu’il eut reçu la charge pastorale, il commença à s’élever avec force contre la corruption des mœurs et la vie licencieuse des grands. Cette liberté le rendit l’objet d’une haine profonde de la part d’un grand nombre. Il blessa même vivement l’impératrice Eudoxie, en lui reprochant de s’être emparée de l’argent de la Veuve Callitrope, et du champ d’une autre veuve.

Cinquième leçon. C’est pourquoi les ennemis du Saint réunirent à Chalcédoine une assemblée de quelques Évêques ; Jean ayant été cité, ne voulut pas s’y rendre, disant que ce concile n’était ni public ni légitime. Il fut donc envoyé en exil, principalement par les efforts d’Eudoxie ; mais peu après, le regret de son absence excita une sédition parmi le peuple, et on le rappela aux grands applaudissements de la cité. Comme il ne laissait pas de tonner contre les vices, et qu’il défendait de célébrer des jeux devant la statue d’argent d’Eudoxie, sur la place de Sainte-Sophie, une conspiration des Évêques s.es ennemis le contraignit de nouveau à s’exiler, tandis que les veuves et les indigents pleuraient le bannissement de leur père commun. On ne saurait croire combien de maux Chrysostome souffrit en exil, ni combien d’âmes il convertit à la foi de Jésus-Christ.

Sixième leçon. Tandis que le souverain Pontife Innocent Ier, par un décret porté dans un concile tenu à Rome, le rétablissait sur son siège, il était accablé durant le voyage, de souffrances et de privations inouïes par les soldats qui le gardaient. Comme on le conduisait par l’Arménie, le Martyr saint Basilisque, dans l’église duquel il avait auparavant prié, lui parla ainsi durant la nuit : « Jean, mon frère, le jour de demain nous réunira dans un même lieu. » Il prit donc le lendemain le sacrement de l’Eucharistie, et, s’étant muni du signe de la croix, il rendit son âme à Dieu, le dix-huit des calendes d’octobre. Après sa mort, une effroyable grêle tomba sur Constantinople, et quatre jours plus tard, l’impératrice quitta cette vie. Théodose, fils d’Arcadius, fit apporter le corps du Saint à Constantinople avec une pompe insigne et au milieu d’une grande affluence de peuple : il le fit ensevelir honorablement le six des calendes de février, et lui-même, vénérant ses reliques, implora le pardon de ses parents. Depuis, le corps du Saint, ayant été transporté à Rome, fut enseveli dans la basilique Vaticane. Tous admirent le nombre, la piété, la beauté de ses sermons et de ses autres écrits, sa manière d’interpréter les livres sacrés et de les expliquer en s’attachant au sens littéral des paroles. Il semble que saint Paul lui ait dicté beaucoup des choses qu’il a écrites ou prêchées, et tout le monde l’estime digne d’une telle faveur. Pie X a déclaré et constitué cet illustre saint, Docteur de l’Église universelle et céleste patron de tous les orateurs sacrés.

Avant l’arrivée de notre Emmanuel, les hommes étaient comme des brebis sans pasteur ; le troupeau était dispersé, et le genre humain courait à sa ruine. Jésus ne s’est donc pas contenté d’être l’Agneau destiné à l’immolation pour nos péchés ; il a voulu revêtir le caractère de Pasteur, pour nous rallier tous dans le divin bercail. Mais, comme il devait remonter aux cieux, il a pourvu aux besoins de ses brebis en établissant une suite de pasteurs qui paissent, en son nom, le troupeau, jusqu’à la consommation des siècles. Or, les brebis du Seigneur ont principalement besoin de la doctrine, qui est la lumière dévie ; c’est pourquoi l’Emmanuel a voulu que les Pasteurs fussent aussi docteurs. La Parole divine et les Sacrements, telle est la dette des pasteurs envers leurs troupeaux. Ils doivent dispenser par eux-mêmes, et sans cesse, cette double nourriture à leurs brebis, et donner leur vie, s’il le faut, pour l’accomplissement d’un devoir sur lequel repose l’œuvre tout entière du salut du monde.

Mais, comme le disciple n’est point au-dessus du Maître, les Pasteurs et Docteurs du peuple chrétien, s’ils sont fidèles, sont en butte à la haine des ennemis de Dieu ; car ils ne peuvent étendre le royaume de Jésus-Christ qu’au détriment de la domination de Satan. Aussi l’histoire de l’Église n’est-elle, à chaque page, que le récit des persécutions qu’ont endurées les Pasteurs et Docteurs qui ont voulu continuer le ministère de zèle et de charité que le Christ a ouvert sur la terre. Trois sortes de combats leur ont été livrés dans la suite des siècles, et ont donné occasion à trois admirables victoires. Les Pasteurs et Docteurs des Églises ont eu à lutter contre l’erreur païenne, qui s’opposait par le carnage à la prédication de la loi sublime du Christ ; c’est cette persécution qui a couronné et réuni autour du berceau de l’Emmanuel, dans les quarante jours consacrés à sa Naissance, les Polycarpe, les Ignace, les Fabien, les Marcel, les Hygin, les Télesphore.

Après l’âge des persécutions, une nouvelle arène, non moins glorieuse, s’est ouverte pour les Pasteurs et Docteurs du peuple chrétien. Les princes, devenus d’abord enfants de l’Église, ont voulu bientôt l’enchaîner. Ils ont cru dans l’intérêt de leur politique d’asservir cette parole qui doit librement parcourir le monde en tous sens, comme la lumière visible qui est son image. Ils ont voulu être prêtres et pontifes, comme aux jours du paganisme, et mettre arrêt sur ces sources de vie qui se tarissent dès qu’une main profane les a touchées. Une lutte incessante s’est établie entre les deux pouvoirs, spirituel et temporel ; cette longue période a produit aussi ses athlètes et ses martyrs. En chaque siècle, Dieu a glorifié son Église par les combats et les triomphes de plus d’un vaillant champion de la parole et du ministère. Thomas de Cantorbéry, Hilaire de Poitiers, représentent dignement ces chevaliers à la Cour du Roi nouveau-né.

Mais il est une autre série de combats pour les Pasteurs et Docteurs du peuple fidèle : c’est la lutte contre le monde et ses vices. Elle dure depuis le commencement du Christianisme, elle occupera les forces de l’Église jusqu’au dernier jour ; et c’est parce qu’ils l’ont soutenue avec courage, que tant de saints prélats ont été odieux pour le nom de Jésus-Christ. Ni la charité, ni les services de tout genre, ni l’humilité, ni la mansuétude, ne les ont garantis de l’ingratitude, de la haine, de la calomnie, des persécutions ; parce qu’ils étaient fidèles à proclamer la doctrine de leur Maître, à venger la vertu, à s’opposer aux pécheurs. François de Sales n’a pas été plus exempt des effets de la malice des hommes que Jean Chrysostome lui-même, dont le triomphe réjouit aujourd’hui l’Église, et qui se présente au berceau de l’Emmanuel comme le plus illustre des martyrs du devoir pastoral.

Disciple du Sauveur des hommes jusque dans la pratique de ses conseils par la profession monastique, ce prédicateur à la bouche d’or n’a employé le don de son éloquence sublime qu’à recommander les vertus apportées par le Christ sur la terre, qu’à reprendre toute sorte de pécheurs. Une impératrice, dont il avait dénoncé les vanités païennes ; des hommes puissants, dont il avait signalé les œuvres mauvaises ; des femmes influentes, aux oreilles desquelles sa voix importune tonnait trop souvent ; un évêque d’Alexandrie, des prélats de cour, plus jaloux encore de sa réputation que de sa vertu : telles sont les forces que l’enfer réunit contre Jean. L’amour de son peuple ne le garantira pas plus que la sainteté de sa vie ; et l’on verra cet illustre pontife qui avait ravi par le charme de sa parole les habitants d’Antioche, et autour duquel Constantinople tout entière se réunissait dans un enthousiasme qui ne se ralentit pas un seul jour, après s’être vu déposé dans un indigne conciliabule, après avoir vu son nom effacé des diptyques de l’autel, malgré la protestation énergique du Pontife romain, s’en aller mourir de fatigue, entre les mains des soldats, sur la route de l’exil.

Mais ce Pasteur, ce Docteur n’était pas vaincu. Il répétait, avec le grand Paul : « Malheur à moi, si je ne prêche pas l’Évangile ! ». Et encore : « La parole de Dieu ne s’enchaîne pas. ». L’Église triomphait en lui, plus glorifiée et plus consolidée par la constance de Chrysostome mené en captivité pour avoir prêché la doctrine de Jésus-Christ, que par les succès de cette éloquence que Libanius avait enviée pour le paganisme. Écoutons les fortes paroles de Chrysostome, à la veille de partir pour son dernier exil. Déjà il a été enlevé une fois ; mais un affreux tremblement de terre, présage de la colère du ciel, a contraint Eudoxie elle-même à demander avec larmes son rappel à l’Empereur. De nouveaux orages se forment contre Jean ; mais il sent que toute la force de l’Église est en lui, et il défie la tempête. Apprenons ce que c’est qu’un Évêque formé à l’école de Jésus-Christ, le Pasteur et l’Évêque de nos âmes, comme parle saint Pierre :

« Les flots et la tourmente s’avancent contre nous ; cependant nous ne craignons pas d’en être submergés ; car nous sommes assis sur la pierre. Que la mer s’élance dans tout son courroux, elle ne dissoudra pas la pierre ; que les flots montent, ils ne submergeront pas le vaisseau de Jésus. Je vous le demande, que craindrions-nous ? La mort ? Mais le Christ est ma vie, et mourir m’est un gain. L’exil, me direz-vous ? Mais la terre est au Seigneur, avec tout ce qu’elle renferme. La confiscation des biens ? Mais nous n’avons rien apporté en venant en ce monde, et nous rien pouvons rien emporter. Les terreurs de ce monde me sont à mépris, et ses biens n’excitent que ma risée. Je ne crains pas la pauvreté, je ne convoite pas les richesses, je ne redoute pas la mort ; et si je désire vivre, c’est uniquement pour votre avantage. Votre intérêt est même le seul motif qui me porte à faire allusion à la circonstance présente.
« Voici la prière que je fais à votre charité : « Ayez confiance. Nul ne pourra nous séparer ; ce que Dieu a joint, ce n’est pas à l’homme de le désunir. Dieu l’a dit à propos de l’union de l’homme et de la femme. Tu ne peux, ô homme ! briser le lien d’un seul mariage ; comment pourrais-tu diviser l’Église de Dieu ? C’est donc elle que tu attaques, parce que tu ne peux atteindre celui que tu poursuis. Le moyen de rendre ma gloire plus éclatante, d’épuiser plus sûrement encore tes forces, c’est de me combattre ; car il te sera dur de regimber contre l’aiguillon. Tu n’en émousseras pas la pointe, et tes pieds en seront ensanglantés. Les flots n’entament pas le rocher ; ils retombent sur eux-mêmes, écume impuissante.
« O homme ! Rien n’est comparable à la force de l’Église. Cesse la guerre, si tu ne veux pas sentir épuiser tes forces ; ne fais pas la guerre au ciel. Si tu déclares la guerre à l’homme, tu peux vaincre, ou succomber ; mais quand tu attaques l’Église, l’espoir de vaincre t’est interdit ; car Dieu est plus fort que tout. Serions-nous donc jaloux du Seigneur ? Serions-nous plus puissants que lui ? Dieu a fondé, il a affermi ; qui essaiera d’ébranler ? Tu ne connais donc pas sa force ? Il regarde la terre, et il la fait trembler ; il commande, et ce qui était ébranlé devient solide. Si naguère il a raffermi votre ville agitée par un tremblement de terre, combien plus pourra-t-il rasseoir l’Église ! Mais elle est plus solide que le ciel même. Le ciel et la terre passeront, dit le Seigneur ; mais mes paroles ne passeront point. Et quelles paroles ? Tu es Pierre, et sur cette pierre qui est à moi, je bâtirai mon Église, et les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle.
« Si tu ne crois pas à cette parole, crois aux faits. Combien de tyrans ont essayé d’écraser l’Église ? Que de bûchers, que de bêtes féroces, que de glaives ! Et tout cela pour ne rien produire. Où sont maintenant ces redoutables ennemis ? Le silence et l’oubli en ont fait justice. Et l’Église, où est-elle ? Sous nos yeux, plus resplendissante que le soleil. Mais si, lorsque les chrétiens étaient en petit nombre, ils n’ont pas été vaincus ; aujourd’hui que l’univers entier est plein de cette religion sainte, comment les pourrais-tu vaincre ? Le ciel et la terre passeront, dit le Christ, mais mes paroles ne passeront, pas. Et il en doit être ainsi ; car l’Église a est plus aimée de Dieu que le ciel même. Ce n’est pas du ciel qu’il a pris un corps ; la chair qu’il a prise appartient à l’Église. Le ciel est pour l’Église, et non pas l’Église pour le ciel.
« Ne vous troublez pas de ce qui est arrivé. Faites-moi cette grâce, d’être immobiles dans la foi. N’avez-vous pas vu Pierre, lorsqu’il marchait sur les eaux, pour avoir douté un instant, courir le risque d’être submergé, non par l’impétuosité des flots, mais à cause de la faiblesse de sa foi ? Sommes-nous donc montés sur ce siège par les calculs humains ? L’homme nous a-t-il élevé, pour que l’homme nous puisse renverser ? Je ne le dis pas par arrogance, ni par une vaine jactance : à Dieu ne plaise ! je veux seulement affermir ce qui en vous serait flottant.
« La ville était rassise sur ses bases ; le diable a voulu ébranler l’Église. O esprit de scélératesse et d’infamie ! tu n’as pas su renverser des murailles, et tu espères ébranler l’Église ! Consiste-t-elle donc dans des murailles, l’Église ? Non ; l’Église, c’est la multitude des fidèles ; ils sont ses fermes colonnes, non liées avec le fer, mais serrées par la foi. Je ne dis pas seulement qu’une telle multitude a plus de force que le feu ; ta rage ne saurait triompher même d’un seul chrétien. Rappelle-toi quelles blessures t’ont infligées les martyrs. N’a-t-on pas vu souvent comparaître une jeune fille délicate, amenée devant le juge, avant l’âge nubile ? Elle était plus tendre que la cire, et cependant plus ferme que la pierre. Tu déchirais ses flancs ; tu ne lui enlevais pas la foi. La chair cédait sous l’instrument de torture, la constance dans la foi ne cédait pas. Tu n’as pu vaincre même une femme, et tu espères surmonter tout un peuple ? Tu n’as donc pas entendu le Seigneur qui disait : Là où deux ou trois sont rassemblés en mon Nom, j’y suis au milieu d’eux ? Et il ne serait pas présent au milieu d’un peuple nombreux, enchaîné par les liens de la charité !
« J’ai en mes mains le gage, je possède sa promesse écrite ; c’est là le bâton sur lequel je m’appuie, c’est là ma sécurité, c’est là mon port tranquille. Que l’univers entier s’agite ; je me contente de relire ces caractères sacrés ; c’est là mon mur, c’est là ma forteresse. Mais quels caractères ? Ceux-ci : Je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la consommation des siècles. Le Christ est avec moi ! qu’ai-je à craindre ? Quand les flots s’élèveraient contre moi, quand les mers, quand la fureur des princes ; pour moi, tout cela est moins qu’une toile d’araignée. Si votre charité ne m’eût retenu, j’étais prêt à partir pour l’exil, dès aujourd’hui même. Voici ma prière : « Seigneur, que votre volonté se fasse ; non telle ou telle volonté, mais la vôtre. Qu’il arrive ce que Dieu voudra ; s’il veut que je reste ici, je l’en remercie ; en quelque lieu qu’il veuille que je sois transporté, je lui rends grâces. »

Tel est le cœur du ministre de Jésus-Christ, humble et invincible. Et Dieu donne de ces hommes dans tous les siècles ; et quand ils deviennent rares, tout languit et s’éteint. Quatre Docteurs de ce caractère ont été donnés à l’Église Orientale : Athanase, Grégoire de Nazianze, Basile et Chrysostome ; et le siècle qui les a produits conserva la foi, malgré les plus redoutables périls. Les deux premiers brillent au Cycle, à l’époque où l’Église est toute radieuse de l’éclat de son Époux ressuscité ; le troisième signale le temps où les dons de l’Esprit d’amour ont fécondé l’Église ; Chrysostome nous réjouit par sa présence, en ce jour où le Verbe de Dieu nous apparaît sous les livrées de l’infirmité et de l’enfance. Nous, heureux fils de l’Église latine qui seule a eu le bonheur de conserver la foi primitive, parce que Pierre est avec elle, honorons ces quatre fortes colonnes de l’édifice de la tradition ; mais rendons aujourd’hui nos hommages à Chrysostome, le Docteur de toutes les Églises, le vainqueur du monde, le Pasteur inébranlable, le successeur des Martyrs, le prédicateur par excellence, l’admirateur de Paul, l’imitateur du Christ.

L’Église Grecque emploie tout son enthousiasme liturgique, dans les Menées, pour exalter la gloire de son grand Docteur. Nous lui emprunterons quelques strophes.

Célébrons, dans des hymnes mélodieuses la trompette d’or, l’orgue au souffle divin, l’inépuisable mer de la science, l’appui de l’Église, l’intelligence céleste, l’abîme de sagesse, la coupe dorée, de laquelle découlent, à flots de miel, les fleuves de doctrine qui arrosent toute créature.
Honorons dignement Jean le Chrysologue, l’astre sans couchant, qui illumine des rayons de la doctrine tout ce qui est sous le soleil, le prédicateur de la pénitence, l’éponge d’or qui sèche l’humidité du désespoir funeste dans les âmes, et qui humecte de rosée le cœur desséché par le péché.
Glorifions dans nos cantiques Chrysostome, l’Ange de la terre, l’homme céleste, la lyre éloquente aux sons variés, le trésor des vertus, la pierre immobile, la forme des fidèles, l’émule des Martyrs , le compagnon des saints Anges, le commensal des Apôtres.
La grâce est répandue sur tes lèvres, ô Père saint, Jean Chrysostome ! car Dieu t’a sacré Pontife de son peuple, pour paître son troupeau dans la sainteté et la justice. Ceint du glaive de la puissance, tu as tranché les discours insensés de l’hérésie ; aujourd’hui prie sans cesse afin que le monde soit dans la paix, et que nos âmes soient sauvées.
Richement ornée de tes discours d’or, comme d’un or pur, ô Jean Chrysostome, l’Église, dans la joie de ta fête, s’écrie : « Je me suis rassasiée dans tes pâturages où croît l’or, désaltérée à tes courants où l’or coule avec le miel ; tes exhortations me font passer de l’action à la contemplation, et m’unissent au Christ, mon Époux spirituel, pour régner avec lui » ; c’est pourquoi nous qui sommes réunis pour célébrer ta mémoire, nous te crions : Ne te lasse pas de prier pour le salut de nos âmes.
Il convenait que la reine des villes se glorifiât d’avoir possédé Jean, comme l’ornement de sa royauté, d’avoir entendu la trompette d’or, qui fait retentir par toute la terre les dogmes du salut, et qui convoque tous les hommes au concert des cantiques divins. C’est à lui que nous crions : Chrysologue et Chrysostome, supplie le Christ de sauver nos âmes.
Réjouis-toi, père des orphelins, puissant secours de ceux qui souffrent, trésor des pauvres, nourriture de ceux qui ont faim, appui qui relevé les pécheurs, habile médecin des âmes, mesure exacte de la plus haute théologie, interprète des Écritures, loi lumineuse donnée par l’Esprit-Saint, règle très droite, théorie et pratique de la plus haute sagesse ; supplie le Christ d’envoyer à nos âmes une grande miséricorde.
Tu as été un soleil éclatant, illuminant la terre de tes paroles, un astre étincelant, une lampe brillante, un phare sur la mer du monde, appelant au port tranquille du salut, dans la charité, les hommes battus par la tempête, ô Chrysostome, bouche d’or, avocat de nos âmes.
Dans ta charge pastorale. Père saint, tu as souffert l’injustice, tu as participé aux amères tribulations et aux exils, par lesquels tu t’es rendu digne d’une fin bienheureuse, ô toi qui, comme un athlète généreux, as surmonté l’artificieux ennemi ; c’est pourquoi le Christ t’a couronné du diadème de la victoire, ô Jean Chrysostome, avocat de nos prières !

Que de couronnes ornent votre front, ô Chrysostome ! Que votre nom est glorieux dans l’Église de la terre et dans l’Église du ciel ! Vous avez enseigné avec vérité, vous avez combattu avec constance vous avez souffert pour la justice, vous êtes mort pour la liberté de la parole de Dieu. Les applaudissements des hommes ne vous ont point séduit ; le don de l’éloquence évangélique, dont l’Esprit-Saint vous avait enrichi, n’était qu’une faible image de la splendeur et de la force des feux dont le Verbe divin remplissait votre cœur. Vous l’avez aimé, ce Verbe, ce Jésus, plus que votre gloire, plus que votre repos, plus que votre vie. Votre mémoire a été poursuivie par les hommes ; des mains perfides ont effacé votre nom des tables de l’autel ; d’indignes passions ont dicté une sentence dans laquelle, comme votre Maître, vous étiez mis au rang des criminels, et vous avez été précipité des degrés de la chaire sacrée. Mais il n’est pas au pouvoir des hommes d’éteindre le soleil, ni d’effacer la mémoire de Chrysostome. Rome vous a été fidèle ; elle a gardé avec honneur votre nom, comme aujourd’hui encore elle garde votre corps sacré, près de celui du Prince des Apôtres. Le monde chrétien tout entier vous proclame comme l’un des plus fidèles dispensateurs de la Vérité divine.

En retour de nos hommages, ô Chrysostome, regardez-nous du haut du ciel comme vos brebis ; instruisez-nous, réformez-nous, rendez-nous chrétiens. Comme votre sublime maître Paul, vous ne saviez que Jésus-Christ ; mais c’est en Jésus-Christ que tous les trésors de la science et de la sagesse sont cachés. Révélez-nous ce Sauveur qui est venu à nous, avec tant de charmes et de douceur ; faites-nous connaître son esprit ; enseignez-nous la manière de lui plaire, les moyens de l’imiter ; faites-lui agréer notre amour. Comme vous, nous sommes exilés ; mais nous aimons trop le lieu de notre exil ; souvent nous sommes tentés de le prendre pour une patrie. Détachez-nous de ce séjour terrestre, et de ses illusions. Que nous ayons hâte d’être réunis à vous, comme vous fûtes réuni à Basilisque, afin d’être avec Jésus-Christ, en qui nous vous retrouverons pour jamais.

Pasteur fidèle, priez pour nos Pasteurs ; obtenez-leur votre esprit, et rendez leurs troupeaux dociles. Bénissez les prédicateurs de la parole sainte, afin qu’ils ne se prêchent pas eux-mêmes, mais Jésus-Christ. Rendez-nous l’éloquence chrétienne qui s’inspire des Livres saints et de la prière, afin que les peuples, séduits par un langage du ciel, se convertissent et rendent gloire à Dieu. Protégez le Pontife romain dont le prédécesseur osa seul vous défendre ; que son cœur soit toujours l’asile des Évêques persécutés pour la justice. Rendez la vie à votre Église de Constantinople, qui a oublié vos exemples et votre foi. Relevez-la de l’avilissement où elle languit depuis longtemps. Touché enfin par vos prières, que le Christ, Sagesse éternelle, se souvienne de son Église de Sainte-Sophie ; qu’il daigne la purifier, et y rétablir l’autel sur lequel il s’immola durant tant de siècles. Aimez toujours les Églises de l’Occident, auxquelles votre gloire a constamment été chère. Hâtez la chute des hérésies qui ont désolé plusieurs de nos chrétientés, dissipez les ténèbres de l’incrédulité, ranimez la foi parmi nous et faites fleurir les vertus.

MAIS SI VOUS NE ME CROYEZ PAS LORSQUE JE VOUS PARLE DES CHOSES DE LA TERRE, COMMENT NE CROIREZ-VOUS QUAND JE VOUS PARLERAI DES CHOSES DU CIEL? — PERSONNE N'EST MONTÉ AU CIEL, QUE CELUI QUI EST DESCENDU DU CIEL, SAVOIR, LE FILS DE L'HOMME QUI EST DANS LE CIEL. (VERSET 12, JUSQU'AU VERSET 16.)

Je l'ai souvent dit, je le répéterai maintenant encore, et je ne cesserai point de le dire : Qu'est-ce donc? C'est que souvent Jésus-Christ, lorsqu'il veut parler de choses élevées et sublimes, s'abaisse à la portée de ses auditeurs, et ne se sert point de paroles dignes de sa grandeur, mais des plus simples et des plus grossières. S'il avait une fois parlé des choses divines en propres termes, il n'avait pas besoin de se répéter pour nous instruire, du moins autant qu'il est possible, mais il n'en est pas de même des paroles simples et grossières, par lesquelles il se mettait à la portée de ses auditeurs, si elles n'eussent été fréquemment répétées, comme il s'agissait de choses sublimes, elles n'auraient point touché, ni ébranlé un auditeur charnel qui rampait à terre. Voilà pourquoi Jésus-Christ a beaucoup plus dit de choses simples que d'élevées, mais de peur que cela ne fît tort à ses disciples, et ne les laissât toujours courbés vers la terre, il ne dit point ces choses simples, il ne se sert point de ces grossières comparaisons, sans marquer pour quelle raison il en use de la sorte, et c'est ce qu'il a fait en cet endroit. Ayant discouru du baptême, et de cette renaissance qu'opère la grâce, voulant parler ensuite de son ineffable et mystérieuse génération, il interrompt son discours et il en déclare lui-même la cause. Quelle est-elle ? c'est la grossièreté et la faiblesse de ses auditeurs : il l'a même insinué incontinent après par ces paroles: « Si vous ne me croyez pas lorsque je avons parle des choses de la terre, comment me croirez-vous quand je vous parlerai des choses du ciel ? » C'est pourquoi, quand Jésus-Christ dit quelque chose de simple et de grossier, il faut en attribuer la raison à la faiblesse et à la grossièreté de ses auditeurs.

Au reste quelques-uns croient qu'en cet endroit ces mots, les choses de la terre, signifient le vent, et que cela revient à dire, si vous ayant donné l'exemple des choses de la terre, néanmoins je ne me suis pas fait entendre, comment pourrez-vous comprendre des choses qui sont très élevées et très sublimes? Mais s'il appelle ici le baptême terrestre, n'en soyez pas surpris, il l'appelle ainsi, ou parce qu'il est conféré sur la terre, ou parce qu'il le compare avec sa redoutable génération, car quoique la renaissance qu'opère le baptême soit céleste, si néanmoins on la compare avec cette génération que produit la substance du Père, on peut la dire terrestre. Et remarquez que Jésus-Christ n'a point dit : Vous ne comprenez pas, mais: Vous ne croyez pas. En effet, accuser de folie celui qui ne veut pas croire, ne le comprenant pas, ce qui est du domaine de la raison, rien n'est plus juste, et au contraire si quelqu'un refuse de recevoir ce que la raison n'admet pas et qui n'est accessible qu'à la foi, on ne l'accusé pas de folie, mais on le blâme à cause de son incrédulité. Jésus-Christ donc voulant ramener Nicodème, lui parle avec plus de force et lui reproche son incrédulité, afin qu'il ne cherche pas à comprendre par le raisonnement le sens de ses paroles mais si la foi nous oblige de croire à notre régénération, quel supplice ne méritent pas ceux qui cherchent à connaître par la raison la génération du Fils unique?

Mais peut-être quelqu'un dira : pourquoi Jésus-Christ a-t-il dit ces choses, si ses auditeurs devaient refuser de les croire? C'est parce que si ceux-là ne les croyaient pas, il était sûr que les hommes qui viendraient après eux les croiraient, et en retireraient un grand avantage. Jésus-Christ donc, parlant à Nicodème avec beaucoup de force, lui fait voir enfin que non seulement il connaît ces choses, mais encore bien d'autres, incomparablement plus grandes, ce qu'il montre par les paroles qui suivent, où il dit: « Personne n'est monté au ciel, que celui qui est descendu du ciel », savoir : « le Fils de l'homme qui est dans le ciel ». Et quelle est, direz-vous, cette conséquence? Elle est très grande et très bien liée à ce qui précède, Nicodème avait dit : « Nous savons que vous êtes venu de la part de Dieu pour nous instruire comme un docteur », Jésus-Christ amende ces paroles, en lui disant, ou à peu près : Ne pensez pas que je sois docteur, comme l'ont été plusieurs prophètes, qui étaient des hommes terrestres, car moi, je viens du ciel. Aucun des prophètes n'est monté au ciel, et moi j'y habite. Ne voyez-vous pas, mes frères, que ce qui paraît même très élevé reste fort au-dessous d'une telle grandeur? Car Jésus-Christ n'est pas seulement dans le ciel, il est partout, il remplit tout, mais il se rabaisse encore à la portée et à la faiblesse de son auditeur, afin de l'élever peu à peu. Au reste, en cet endroit, Jésus-Christ n'appelle pas la chair le Fils de l'homme, mais il se désigne tout entier, pour ainsi parler, par le nom de la moindre substance. En effet, il a coutume de se nommer tout entier, tantôt par la divinité, tantôt par l'humanité.

« Et comme Moïse éleva dans le désert le serpent d'airain, il faut de même que le Fils de l'homme soit élevé en haut ». Ceci encore parait ne pas se rattacher à ce qui précède, et néanmoins s'y rapporte tout à fait. Car, après, avoir dit que le baptême procure aux hommes un très grand bien, il découvre aussitôt la source de ce bienfait, et fait connaître qu'elle n'est pas moins, précieuse que l'autre, puisque le baptême tire toute sa vertu de la croix. Saint Paul, écrivant aux Corinthiens, en use de même, il joint ces biens ensemble, en disant : « Est-ce Paul qui a été crucifié pour vous, ou avez-vous été baptisé au nom de Paul?» (I Cor. I, 13). Par où l'apôtre fait parfaitement connaître l'ineffable amour de Jésus-Christ, en ce qu'il a souffert pour ses ennemis et est mort pour eux, afin de leur remettre entièrement leurs péchés par le baptême.

Mais pourquoi n'a-t-il pas clairement dit qu'il devait être crucifié, et a-t-il renvoyé ses auditeurs à l'ancienne figure? Premièrement pour leur montrer la liaison et la concorde qu'il y a entre l'Ancien et le Nouveau Testament, et leur apprendre que ce qui s'est passé dans l'un, n'est pas contraire à ce qui se passe dans l'autre. En second lieu, afin que vous compreniez vous-mêmes et que vous soyez bien persuadés qu'il n'est pas allé à la mort malgré lui; de plus que cette mort ne lui fait aucun tort, et enfin que c'est par elle qu'il procure le salut de plusieurs. Et de peur que quelqu'un ne dît : Comment peut-il se faire que ceux qui croient à un homme crucifié soient sauvés, puisque la mort l'a enlevé lui-même? Il nous rappelle une ancienne histoire. Si les Juifs qui regardaient la figure du serpent d'airain (Ex. XXI), évitaient la mort, à plus forte raison, ceux qui croient en Jésus-Christ crucifié, recevront-ils de grands ors et des grâces plus excellentes. En effet, si Jésus-Christ a été crucifié, ce n'est pas qu'il ait été le plus faible ou les Juifs les plus forts, son temple animé a été attaché à la croix, parce que Dieu a aimé le monde.

« Afin que tout homme qui croit en lui, ne périsse point, mais qu'il ait la vie éternelle ». Ne voyez-vous pas la cause de la mort et le salut qu'elle procure? Ne voyez-vous pas l'accord de la figure avec la vérité? Alors les Juifs évitèrent la mort, mais une mort temporelle, maintenant les fidèles sont préservés de la mort éternelle. Là le serpent élevé en l'air guérissait les morsures des serpents; ici, Jésus crucifié guérit les blessures que fait le dragon spirituel. Là, celui qui regardait des yeux du corps était guéri; ici, celui qui voit des yeux de l'âme, se décharge de tous ses péchés. Là pendait une figure d'airain qui représentait un serpent, ici le corps du Seigneur que le Saint-Esprit a formé. Là, un serpent mordait et un serpent guérissait; ici la mort a donné la mort, et la mort a donné la vie. Le serpent qui tuait avait du venin, celui qui donnait la vie n'avait point de venin. Ici c'est la même chose : la mort qui donnait la mort avait le péché, comme le serpent avait le venin; mais la mort du Seigneur était exempte de tout péché, comme le serpent d'airain l'était du venin : « Car il n'avait commis aucun péché », dit l’Écriture, « et de sa bouche il n'est jamais sorti aucune parole de tromperie ». (I P. II, 23) C'est là ce qu'a déclaré saint Paul par ces paroles: « Jésus-Christ ayant désarmé les principautés et les puissances, les a menées hautement en triomphe à la face de tout le monde, après les avoir vaincues par lui-même ». (Col. II, 15) De même qu'un courageux athlète, qui, élevant fort haut son ennemi, le jette par terre, remporte une plus illustre victoire, ainsi Jésus-Christ, à la face de tout le monde, a terrassé les puissances qui nous étaient ennemies, et, après avoir guéri ceux qui avaient été blessés dans le désert, il les a, par son crucifiement, délivrés de toutes les bêtes; aussi Jésus-Christ n'a point dit : II faut que le Fils de l'homme soit attaché à une croix, mais il a dit : Il faut qu'il soit élevé, de manière à choquer moins celui qui l'écoutait, et à se rapprocher de la figure.

« Car Dieu a tellement aimé le monde, qu'il a donné son Fils unique, afin que tout homme qui croit en lui ne périsse point, mais qu'il ait la vie éternelle ». C'est-à-dire: Ne vous étonnez pas que je sois élevé, afin que vous soyez sauvés, ainsi a décidé mon Père, et mon Père vous a tellement aimés, qu'il a donné son Fils pour ses serviteurs et pour des serviteurs ingrats; quand personne n'en ferait autant pour son ami. Saint Paul dit même

« Et certes, à peine quelqu'un voudrait-il mourir pour un juste ». (Rm. V, 7). L'apôtre appuie davantage sur cet amour de Dieu, parce qu'il parlait à des fidèles, Jésus-Christ l'exprime ici avec plus de ménagement, parce qu'il parlait à Nicodème, mais ce qu'il dit est plus significatif encore, comme on peut s'en convaincre en pesant chacun des mots dont il se sert. Car ces paroles: « Il a tellement aimé », et cette opposition : « Dieu, le monde », montrent un incomparable amour.

En effet, elle est grande la différence qui est entre Dieu et le monde, ou plutôt elle est immense. Dieu, l'immortel, celui qui est sans principe, qui a une grandeur infinie, a aimé des hommes formés de terre et de cendres, chargés d'une multitude de péchés, qui ne cessaient de l'offenser, des ingrats : oui, dis-je, voilà ceux qu'il a aimés. Les paroles qui suivent sont aussi fortes, car il ajoute : « Qu'il a donné son Fils unique », non pas un de ses serviteurs, ni un ange, ni un archange. Mais personne n’a jamais marqué tant d'affection, tant d'amour pour son fils même, que Dieu en a eu pour des serviteurs ingrats. Jésus-Christ prédit donc ici sa Passion; sinon ouvertement, du moins d'une manière enveloppée, mais l'avantage et le bien qui devait revenir de sa Passion, il le déclare ouvertement : «Afin, dit-il, que tout homme qui croit en lui, ne périsse point mais qu'il ait la vie éternelle». Jésus-Christ avait dit qu'il serait élevé, et il avait insinué sa mort. Ces paroles pouvaient causer du chagrin et de la tristesse à Nicodème, lui inspirer à son sujet des sentiments humains, et lui faire penser que sa mort serait la fin de sa vie. Voyez de quelle façon il rectifie tout cela, en disant que la victime offerte est le Fils de Dieu, le principe et la source de la vie et de la vie éternelle, or, celui qui, par sa mort, devait donner la vie aux autres, ne pouvait longtemps demeurer dans la mort. Si ceux qui croient en Jésus-Christ crucifié ne périssent point, bien moins périra-t-il celui qui est crucifié. Celui qui tire les autres de leur perte doit lui-même être bien plus exempt de périr, celui qui donne la vie aux autres, à plus forte raison se la donnera-t-il à lui-même.

Ne voyez-vous pas, mes chers frères, que partout on a besoin de la foi ? Car Jésus-Christ dit que la croix est une source et un principe de vie. La raison ne l'admettra pas facilement témoin les sarcasmes actuels des gentils. Mais la foi qui s'élève au-dessus de la faiblesse de la raison, croit et reçoit cette vérité. Et d'où vient que Dieu a tant aimé le monde ? D'où cela vient-il ? Uniquement de sa bonté.

3. Qu'un si grand amour nous couvre donc de honte, qu'un si grand excès de bonté nous lasse donc rougir. Dieu, pour nous sauver, n'a même pas épargné son propre Fils (Rm. VIII, 32), et nous épargnons nos richesses pour notre perte. Dieu adonné pour nous son Fils unique, et nous ne méprisons pas l'argent pour son amour, ni même pour notre bien et notre avantage. Une pareille conduite, une ingratitude si extrême, de quel pardon est-elle digne? Si nous voyons un homme s'exposer pour nous aux périls et à la mort, nous le préférons à tous les autres, nous le considérons même comme notre ami le plus intime, nous lui donnons tous nos biens et nous disons qu'ils sont plus à lui qu'à nous-mêmes, et encore ne croyons-nous pas nous, être assez libérés envers lui. Mais, à l'égard de Jésus-Christ, nous ne nous conduisons pas de même, nous n'avons pas un cœur si reconnaissant. Jésus-Christ a donné sa vie pour nous, et il a répandu pour nous son précieux sang, pour nous, dis-je, êtres sans bonté et sans amour pour lui. Mais nous, notre argent, nous ne le dépensons même pas pour notre utilité, nous abandonnons celui qui est mort pour nous, nous le laissons nu, nous le laissons sans logement et qui nous délivrera du supplice au jugement futur? Si Dieu ne nous punissait pas, si c'était à nous à nous punir nous-mêmes, ne prononcerions-nous pas l'arrêt contre nous? ne nous condamnerions-nous pas au feu de l'enfer, pour avoir méprisé et laissé se consumer de faim celui qui a donné sa vie pour nous?

Et pourquoi m'arrêter à parler de l'argent et des richesses? Si nous avions mille vies, n'aurait-il pas fallu les offrir toutes pour Jésus-Christ? Et en cela même nous n'aurions encore rien fait qui fût comparable au bien que nous avons reçu. En effet, celui qui oblige le premier, donne une marque évidente de sa bonté, mais celui qui a reçu un bienfait, quoiqu'il donne ensuite, ne fait pas une grâce : il s'acquitte d'une dette, et surtout lorsque celui qui donne le premier fait ce bien à des gens qui sont ses ennemis, et que celui qui use de retour et de reconnaissance donne à son bienfaiteur des biens qu'il lui doit, et qu'il doit recouvrer un jour.

Mais toutes ces choses ne nous touchent pas, et nous sommes si ingrats, que lors même que nous couvrons d'or nos serviteurs, nos mules, nos chevaux, nous méprisons Notre-Seigneur, nous le laissons marcher nu dans les rues, demander son pain de porte en porte, debout dans les carrefours, et nous tendre les mains, sans lui rien donner, et souvent même en le regardant avec dureté, bien qu'il se soumette pour notre amour à toutes ces peines et ces misères. Car volontairement il a faim, afin que vous le nourrissiez, il marche nu, pour vous fournir l'occasion de revêtir un vêtement incorruptible, et cependant vous ne lui donnez rien, vos habits, ou les vers les mangent, ou bien vous en chargez inutilement des coffres, et ils ne sont pour vous qu'un embarras, pendant que celui qui vous les a donnés, avec tout ce que vous possédez, se promène tout nu dans les rues.

Mais vous ne les enfermez pas dans vos coffres, vous vous en habillez magnifiquement? Que vous en revient-il de plus, je vous prie ? Est-ce afin que cette foule de peuple qui inonde la place vous regarde? Et de quoi cela vous sert-il? Le peuple n'admire pas celui qui porte ces habits magnifiques, mais bien celui qui donne aux pauvres. Si vous voulez qu'on vous admire, habillez les pauvres, et vous recevrez mille applaudissements. Alors Dieu se joindra aux hommes pour vous louer; mais si vous faites le contraire, personne ne vous louera; tous vous porteront envie et parleront mal de vous, voyant votre corps bien paré et votre âme négligée. Ces sortes d'ornements se voient jusque sur le corps des prostituées, souvent même ce sont elles qui portent les plus beaux et les plus riches habits. Mais les gens de bien ne recherchent que la vertu et s'appliquent seulement à bien orner leur âme.

Je vous dis souvent ces choses, et je ne cesserai point de vous les dire, moins par intérêt pour les pauvres que par sollicitude pour vos âmes. Si nous-mêmes nous n'assistons pas les pauvres, il leur viendra du moins d'ailleurs quelque consolation, quelque secours, et quand même il ne leur en viendrait aucun, quand ils périraient, de faim, ce ne serait pas pour eux une grande perte. La faim et la pauvreté, quel tort ont-elles fait à Lazare? Mais vous, rien ne vous délivrera de l'enfer, si les pauvres n'accourent à votre secours, dénués, privés de toute consolation, vous direz ce que dit le riche condamné au feu éternel. Mais à Dieu ne plaise que la réponse qui lui fut faite s'adresse jamais à aucun de vous! Au contraire, fasse le ciel que vous soyez tous reçus dans le sein d'Abraham, par la grâce et la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, par qui et avec qui gloire soit au Père et au Saint-Esprit, dans les siècles des siècles ! Ainsi soit-il.


 

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