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Regnum Galliae Regnum Mariae

Dimanche in Albis

16 Avril 2023 , Rédigé par Ludovicus

Dimanche in Albis

Introït

Comme des enfants nouveau-nés, alléluia ; désirez ardemment le lait spirituel, alléluia, alléluia, alléluia. Tressaillez d’allégresse en Dieu notre protecteur ; chantez avec transport en l’honneur du Dieu de Jacob.

Collecte

Nous vous supplions, ô Dieu tout-puissant, de faire qu’après avoir achevé la célébration des fêtes pascales, nous retenions, au moyen de votre grâce, l’esprit de ces fêtes dans nos habitudes et dans notre vie.

Épitre1. Jn. 5, 4-10

Mes bien-aimés, tout ce qui est né de Dieu est vainqueur du monde ; et ce qui remporte la victoire sur le monde, c’est notre foi. Quel est celui qui est vainqueur du monde, sinon celui qui croit que Jésus est le Fils de Dieu ? C’est lui qui est venu par l’eau et par le sang, Jésus-Christ ; non par l’eau seulement, mais par l’eau et par le sang. Et c’est l’Esprit qui rend témoignage que le Christ est la vérité. Car il y en a trois qui rendent témoignage dans le ciel : le Père, le Verbe et le Saint-Esprit ; et ces trois sont un. Et il y en a trois qui rendent témoignage sur la terre : l’esprit, l’eau, et le sang ; et ces trois sont un. Si nous recevons le témoignage des hommes, le témoignage de Dieu est plus grand ; or, ce témoignage de Dieu qui est plus grand, est celui qu’il a rendu au sujet de son Fils. Celui qui croit au Fils de Dieu a le témoignage de Dieu en lui-même.

Évangile Jn. 20, 19-31

En ce temps-là, le soir de ce même jour, qui était le premier de la semaine, comme les portes du lieu où les disciples étaient assemblés étaient fermées, par crainte des Juifs, Jésus vint, et se tint au milieu d’eux, et leur dit : La paix soit avec vous ! Et après avoir dit cela, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples se réjouirent donc, en voyant le Seigneur. Et il leur dit de nouveau : La paix soit avec vous ! Comme mon Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie. Ayant dit ces mots, il souffla sur eux, et leur dit : Recevez l’Esprit-Saint. Les péchés seront remis à ceux auxquels vous les remettrez, et ils seront retenus à ceux auxquels vous les retiendrez. Or Thomas, l’un des douze, appelé Didyme, n’était pas avec eux lorsque Jésus vint. Les autres disciples lui dirent donc : Nous avons vu le Seigneur. Mais il leur dit : Si je ne vois dans ses mains le trou des clous, et si je ne mets mon doigt à la place des clous, et si je ne mets ma main dans son côté, je ne croirai point. Huit jours après, les disciples étaient enfermés de nouveau, et Thomas avec eux. Jésus vint, les portes étant fermées ; et il se tint au milieu d’eux, et dit : La paix soit avec vous ! Ensuite il dit à Thomas : Introduis ton doigt ici, et vois mes mains ; approche aussi ta main, et mets-la dans mon côté ; et ne sois pas incrédule, mais fidèle. Thomas répondit, et lui dit : Mon Seigneur et mon Dieu ! Jésus lui dit : Parce que tu m’as vu, Thomas, tu as cru ; heureux ceux qui n’ont pas vu, et qui ont cru ! Jésus fit encore, en présence de ses disciples, beaucoup d’autres miracles, qui ne sont point écrits dans ce livre. Ceux-ci ont été écrits, afin que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et que, le croyant, vous ayez la vie en son nom.

Secrète

Agréez, nous vous en supplions, Seigneur, les dons de votre Église qui est dans l’exaltation, et, à celle à qui vous avez donné le motif d’une si vive allégresse, accordez le fruit de l’éternelle félicité.

Office

4e leçon

Sermon de saint Augustin, Évêque.

La solennité pascale se termine par la fête de ce jour ; c’est pourquoi les néophytes changent aujourd’hui de vêtements, de telle sorte cependant que leur cœur garde toujours la blancheur de la robe qu’ils quittent. Puisque c’est le temps pascal, c’est-à-dire un temps d’indulgence et de pardon, notre premier devoir est, en cette sainte journée, comme il l’a été pendant toutes les autres de la même solennité, de ne pas permettre que la relâche accordée au corps ternisse la pureté de l’âme. Abstenons-nous de toute mollesse, de toute intempérance, de toute licence. Veillons à nous délasser avec modération, et à garder une sainte pureté, afin d’obtenir par cette pureté d’âme ce que nous n’acquérons pas en ce moment par l’abstinence corporelle.

5e leçon

Nos paroles s’adressent, il est vrai, à tous ceux qu’embrasse notre sollicitude ; mais aujourd’hui toutefois, en terminant la célébration des mystères de Pâques, c’est à vous surtout que nous nous adressons, jeunes rejetons de sainteté, régénérés dans l’eau et dans le Saint-Esprit, germe pieux, essaim nouveau, fleur de notre honneur et fruit de nos peines, ma joie et ma couronne, vous tous qui êtes affermis dans le Seigneur. Je vous adresse ces paroles de l’Apôtre : La nuit est déjà fort avancée et le jour approche, rejetez les œuvres des ténèbres, et revêtez-vous des armes de la lumière. Comme durant le jour, marchons honnêtement, non dans les excès de table et les ivrogneries, non dans les dissolutions et les impudicités ; non dans l’esprit de contention et l’envie ; mais revêtez-vous du Seigneur Jésus-Christ.

6e leçon

« Nous avons, dit saint Pierre, la parole très certaine des Prophètes, à laquelle vous faites bien d’être attentifs, comme à une lampe qui luit dans un lieu obscur, jusqu’à ce que le jour brille, et que l’étoile du matin se lève dans vos cœurs ». « Ceignez vos reins ; et ayez en vos mains des lampes allumées, soyez semblables à des hommes qui attendent que leur maître revienne des noces ». Ils approchent, ces jours desquels le Seigneur parle en ces termes : « Un peu de temps, et vous ne me verrez plus ; et encore un peu de temps, et vous me verrez ». C’est de cette heure qu’il a dit : « Vous serez tristes, mais le monde se réjouira » ; parole qui se rapporte à cette vie pleine de tentations, durant laquelle « nous voyageons loin du Seigneur ». « Mais je vous reverrai, ajoute-t-il, et votre cœur se réjouira, et personne ne vous ravira votre joie »

7e leçon

Homélie de saint Grégoire, Pape

Lorsque nous entendons cette lecture de l’Évangile, une première question frappe notre esprit : comment le corps du Seigneur, après sa résurrection, était-il un véritable corps, ayant pu entrer dans le lieu où se trouvaient les disciples, quoique les portes fussent fermées ? Mais nous devons savoir que l’opération divine serait moins admirable si elle était comprise par la raison, et que la foi n’a pas de mérite, si c’est la raison humaine qui lui fournit la preuve de ce qu’elle croit. Il faut comparer ces œuvres de notre Rédempteur, qui d’elles-mêmes sont absolument incompréhensibles, à ce qu’il opéra en d’autres circonstances, afin d’augmenter notre foi en ces choses admirables, par le souvenir de faits plus merveilleux encore. Ainsi, ce corps du Seigneur, qui entra dans le lieu où les disciples se trouvaient rassemblés en laissant les portes closes, c’est le même corps qui, dans sa nativité, vint au monde sans ouvrir le sein de la Vierge, sa mère. Quoi donc d’étonnant, si, après être ressuscité pour vivre éternellement, il entra les portes closes, lui qui, venant pour mourir, était sorti du sein fermé de la Vierge ?

8e leçon

Mais la foi de ceux qui contemplaient ce corps rendu visible à leurs yeux, restant indécise, Jésus leur montra aussitôt les plaies de ses mains et de son côté ; il leur accorda de palper cette chair avec laquelle il était entré, portes closes. En cela le Seigneur a fait voir deux choses merveilleuses, qui, selon la raison humaine, paraissent contraires l’une à l’autre : son corps ressuscité, il nous l’a montré incorruptible et néanmoins palpable. Car ce qu’on peut toucher est sujet à se corrompre, et ce qui ne se peut corrompre ne se peut toucher. Mais chose admirable et incompréhensible, notre Rédempteur a fait voir à ses disciples après sa résurrection, son corps à la fois incorruptible et palpable. En le montrant incorruptible, il voulait nous inviter à la récompense, et en accordant de le toucher, il voulait affermir notre foi. Le Sauveur s’est donc montré et incorruptible et palpable, afin de prouver qu’après sa résurrection son corps était de la même nature qu’auparavant, mais bien autrement glorieux.

9e leçon

Jésus dit à ses disciples : « Paix à vous ! Comme mon Père m’a envoyé, ainsi moi je vous envoie. » C’est-à-dire, comme Dieu mon Père m’a envoyé, moi qui suis Dieu ; de même, moi qui suis homme, je vous envoie, vous qui êtes hommes. Le Père a envoyé son Fils, dont il a résolu l’incarnation pour la rédemption du genre humain. Il a voulu qu’il vînt au monde pour souffrir, et cependant il aimait ce Fils qu’il envoyait à la passion. Or le Seigneur, après avoir choisi ses Apôtres, les envoie dans le monde, non pour goûter les joies du monde, mais il les envoie, comme il a été envoyé lui-même, pour souffrir. Le Fils est aimé par le Père, et cependant envoyé pour souffrir ; de même les disciples sont chéris du Seigneur, qui les envoie dans le monde pour y trouver la souffrance. C’est donc avec raison que Jésus leur dit : « Comme mon Père m’a envoyé, ainsi moi je vous envoie. » Ce qui signifie : L’amour dont je vous aime, quand je vous envoie parmi les pièges des persécuteurs, c’est cet amour dont mon Père m’a aimé, lui qui a voulu que je vienne pour endurer la passion.

Nous avons vu nos néophytes clore hier leur Octave de la Résurrection. Ils avaient été mis avant nous en participation de l’admirable mystère du Dieu ressuscité ; avant nous ils devaient achever leur solennité. Ce jour est donc le huitième pour nous qui avons fait la Pâque au Dimanche, et qui ne l’avons pas anticipée au soir du Samedi. Il nous retrace toutes les joies et toutes les grandeurs de cet unique et solennel Dimanche qui a associé toute la chrétienté dans un même sentiment de triomphe. C’est le jour de la Lumière, qui efface pour jamais l’antique Sabbat ; désormais le premier jour de la semaine est le jour sacré ; c’est assez que deux fois le Fils de Dieu l’ait marqué du sceau de sa puissance. La Pâque est donc pour jamais fixée au Dimanche ; et ainsi qu’il a été expliqué ci-dessus, dans la Mystique du Temps pascal, tout Dimanche est désormais une Pâque.

Notre divin ressuscité a voulu que son Église comprît ainsi le mystère ; car ayant l’intention de se montrer une seconde fois à ses disciples rassemblés, il a attendu, pour le faire, le retour du Dimanche. Durant tous les jours précédents, il a laissé Thomas en proie à ses doutes ; ce n’est qu’aujourd’hui qu’il a voulu venir à son secours, se manifestant à cet Apôtre, en présence des autres, et l’obligeant à déposer son incrédulité devant la plus palpable évidence. Aujourd’hui donc le Dimanche reçoit de la part du Christ son dernier titre de gloire, en attendant que l’Esprit-Saint descende du ciel pour venir l’illuminer de ses feux, et faire de ce jour, déjà si favorisé, l’ère de la fondation de l’Église chrétienne.

L’apparition du Sauveur à la petite troupe des onze, et la victoire qu’il y remporta sur l’infidélité d’un disciple, est aujourd’hui l’objet spécial du culte de la sainte Église. Cette apparition, qui se lie à la précédente, est la septième ; par elle, Jésus entre en possession complète de la foi de ses disciples. Sa dignité, sa patience, sa charité, dans cette scène, sont véritablement d’un Dieu. Là encore, nos pensées humaines sont renversées, à la vue de ce délai que Jésus accorde à l’incrédule, dont il semblerait devoir éclairer sans retard l’aveuglement malheureux, ou châtier l’insolence téméraire. Mais Jésus est la souveraine sagesse et la souveraine bonté ; dans sa sagesse, il ménage, par cette lente confrontation du fait de sa Résurrection, un nouvel argument en faveur de la réalité de ce fait ; dans sa bonté, il amène le cœur du disciple incrédule à rétracter de lui-même son doute par une protestation sublime de regret, d’humilité et d’amour. Nous ne décrirons point ici cette scène si admirablement retracée dans le récit de l’Évangile que la sainte Église va tout à l’heure mettre sous nos yeux. Nous nous attacherons, pour la doctrine de ce jour, à faire comprendre au lecteur la leçon pieuse que Jésus donne aujourd’hui à tous, en la personne de saint Thomas. C’est le grand enseignement du Dimanche de l’Octave de Pâques ; il importe de ne le pas négliger ; car il nous révèle, plus que tout autre, le véritable sens du christianisme ; il nous éclaire sur la cause de nos impuissances, sur le remède de nos langueurs.

Jésus dit à Thomas : « Tu as cru, parce que tu as vu ; heureux ceux qui n’ont pas vu et qui néanmoins ont cru ! » Paroles remplies d’une divine autorité, conseil salutaire donné non seulement à Thomas, mais à tous les hommes qui veulent entrer en rapport avec Dieu et sauver leurs âmes ! Que voulait donc Jésus de son disciple ? Ne venait-il pas de l’entendre confesser la foi dont il était désormais pénétré ? Thomas, d’ailleurs, était-il si coupable d’avoir désiré l’expérience personnelle, avant de donner son adhésion au plus étonnant des prodiges ? Était-il tenu de s’en rapportera Pierre et aux autres, au point d’avoir à craindre de manquer à son Maître, en ne déférant pas à leur témoignage ? Ne faisait-il pas preuve de prudence en suspendant sa conviction, jusqu’à ce que d’autres arguments lui eussent révélé à lui-même que le fait était tel que ses frères le lui racontaient ? Oui, Thomas était un homme sage, un homme prudent, qui ne se confiait pas outre mesure ; il était digne de servir de modèle à beaucoup de chrétiens qui jugent et raisonnent comme lui dans les choses de la foi. Cependant, combien est accablant, dans sa douceur si pénétrante, le reproche de Jésus ! Il a daigné se prêter, avec une condescendance inexplicable, à l’insolente vérification que Thomas avait osé demander ; maintenant que le disciple tremble devant le divin ressuscite, et qu’il s’écrie dans l’émotion la plus sincère : « Oh ! vous êtes bien mon Seigneur et mon Dieu ! » Jésus ne lui fait pas grâce de la leçon qu’il avait méritée. Il faut un châtiment à cette hardiesse, à cette incrédulité ; et ce châtiment consisterai s’entendre dire : « Tu as cru, Thomas, parce que tu as vu. »

Mais Thomas était-il donc obligé de croire avant d’avoir vu ?— Et qui peut en douter ? Non seulement Thomas, mais tous les Apôtres étaient tenus de croire à la résurrection de leur maître, avant même qu’il se fût montré à eux. N’avaient-ils pas vécu trois années dans sa compagnie ? Ne l’avaient-ils pas vu confirmer par les plus divins prodiges sa qualité de Messie et de Fils de Dieu ? Ne leur avait-il pas annoncé sa résurrection pour le troisième jour après sa mort ? Et quant aux humiliations et aux douleurs de sa Passion, ne leur avait-il pas dit, peu de temps auparavant, sur la route de Jérusalem, qu’il allait être saisi par les Juifs qui le livreraient aux gentils ; qu’il serait flagellé, couvert de crachats et mis à mort ? Des cœurs droits et disposés à la foi n’auraient eu aucune peine à se rendre, dès le premier bruit de la disparition du corps. Jean ne fit qu’entrer dans le sépulcre, que voir les linceuls, et aussitôt il comprit tout et commença à croire. Mais l’homme est rarement aussi sincère ; il s’arrête sur le chemin, comme s’il voulait obliger Dieu à faire de nouvelles avances. Ces avances, Jésus daigna les faire. Il se montra à Madeleine et à ses compagnes qui n’étaient pas incrédules, mais seulement distraites par l’exaltation d’un amour trop naturel. Au jugement des Apôtres, leur témoignage n’était que le langage de quelques femmes que l’imagination avait égarées. Il fallut que Jésus vînt en personne se montrer à ces hommes rebelles, à qui leur orgueil faisait perdre la mémoire de tout un passé qui eût suffi à lui seul pour les éclairer sur le présent. Nous disons leur orgueil ; car la foi n’a pas d’autre obstacle que ce vice. Si l’homme était humble, il s’élèverait jusqu’à la foi qui transporte les montagnes.

Or Thomas a entendu Madeleine, et il a dédaigné son témoignage ; il a entendu Pierre, et il a décliné son autorité ; il a entendu ses autres frères et les disciples d’Emmaüs, et rien de tout cela ne l’a dépris de sa raison personnelle. La parole d’autrui qui, lorsqu’elle est grave et désintéressée, produit la certitude dans un esprit sensé, n’a plus cette efficacité chez beaucoup de gens, dès qu’elle a pour objet d’attester le surnaturel. C’est là une profonde plaie de notre nature lésée par le péché. Trop souvent nous voudrions, comme Thomas, avoir expérimenté nous-mêmes ; et il n’en faut pas davantage pour nous priver de la plénitude de la lumière. Nous nous consolons comme Thomas parce que nous sommes toujours du nombre des disciples ; car cet Apôtre n’avait pas rompu avec ses frères ; seulement il n’entrait pas en part de leur bonheur. Ce bonheur, dont il était témoin, ne réveillait en lui que l’idée de faiblesse ; et il se savait un certain gré de ne le pas partager.

Tel est de nos jours encore le chrétien entaché de rationalisme. Il croit, mais c’est parce que sa raison lui fait comme une nécessité de croire ; c’est de l’esprit et non du cœur qu’il croit. Sa loi est une conclusion scientifique, et non une aspiration vers Dieu et la vérité surnaturelle. Aussi cette foi, comme elle est froide et impuissante ! Comme elle est restreinte et embarrassée ! Comme elle craint de s’avancer, en croyant trop ! A la voir se contenter si aisément de vérités diminuées, pesées dans la balance de la raison, au lieu de voler à pleines ailes comme la foi des saints, on dirait qu’elle est honteuse d’elle-même. Elle parle bas, elle craint de se compromettre ; quand elle se montre, c’est sous le couvert d’idées humaines qui lui servent de passeport. Ce n’est pas elle qui s’exposera à un affront pour des miracles qu’elle juge inutiles, et qu’elle n’eût jamais conseillé à Dieu d’opérer. Dans le passé comme dans le présent, le merveilleux l’effraie ; n’a-t-elle pas eu déjà assez d’effort à faire pour admettre celui dont l’acceptation lui est strictement nécessaire ? La vie des saints, leurs vertus héroïques, leurs sacrifices sublimes, tout cela l’inquiète. L’action du christianisme dans la société, dans la législation, lui semble léser les droits de ceux qui ne croient pas ; elle entend réserver la liberté de l’erreur et la liberté du mal ; et elle ne s’aperçoit même pas que la marche du monde est entravée depuis que Jésus-Christ n’est plus Roi sur la terre.

Or c’est pour ceux dont la foi est si faible et si près du rationalisme, que Jésus ajoute aux paroles de reproche qu’il adressa à Thomas, cette sentence qui ne le regardait pas seul, mais qui avait en vue tous les hommes et tous les siècles : « Heureux ceux qui n’ont pas vu, et qui ont cru ! » Thomas pécha, pour n’avoir pas eu la disposition à croire. Nous nous exposons à pécher comme lui, si nous n’entretenons pas dans notre foi cette expansion qui la mêlerait à tout, et lui ferait faire ce progrès que Dieu récompense par des flots de lumière et de joie au cœur. Une fois entrés dans l’Église, le devoir pour nous est de considérer désormais toute chose au point de vue surnaturel ; et ne craignons pas que ce point de vue, réglé par les enseignements de l’autorité sacrée, nous entraîne trop loin. « Le juste vit de la foi »] ; c’est sa nourriture continuelle. La vie naturelle est transformée en lui pour jamais, s’il demeure fidèle à son baptême.

Croyons-nous donc que l’Église avait pris tant de soins dans l’instruction de ses néophytes, qu’elle les avait initiés partant de rites qui ne respirent que les idées et les sentiments de la vie surnaturelle, pour les abandonner sans remords dès le lendemain à l’action de ce dangereux système qui place la foi dans un recoin de l’intelligence, du cœur et de la conduite, afin de laisser plus librement agir l’homme naturel ? Non, il n’en est pas ainsi. Reconnaissons donc notre erreur avec Thomas ; confessons avec lui que jusqu’ici nous n’avons pas cru encore d’une foi assez parfaite. Comme lui, disons à Jésus : « Vous êtes mon Seigneur et mon Dieu ; et j’ai souvent pensé et agi comme si vous n’étiez pas en tout mon Seigneur et mon Dieu. Désormais je croirai sans avoir vu ; car je veux être du nombre de ceux que vous avez appelés heureux. »

Ce Dimanche, appelé vulgairement le Dimanche de Quasimodo, porte dans la Liturgie le nom de Dimanche in albis, et plus explicitement in albis depositis, parce que c’était en ce jour que les néophytes paraissaient à l’Église sous les habits ordinaires. Au moyen âge, on l’appelait Pâque close : sans doute pour exprimer qu’en ce jour l’Octave de Pâques se terminait. La solennité de ce Dimanche est si grande dans l’Église, que non seulement il est du rite Double, mais qu’il ne cède jamais la place à aucune fête, de quelque degré supérieur qu’elle soit.

A Rome, la Station est dans la Basilique de Saint-Pancrace, sur la Voie Aurélia. Les anciens ne nous ont rien appris sur les motifs qui ont fait désigner cette Église pour la réunion des fidèles en ce jour. Peut-être l’âge du jeune martyr de quatorze ans auquel elle est dédiée l’a-t-il fait choisir de préférence, par une sorte de rapport avec la jeunesse des néophytes qui sont encore aujourd’hui l’objet de la préoccupation maternelle de l’Église.

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