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Regnum Galliae Regnum Mariae

Saint Louis roi confesseur

25 Août 2023 , Rédigé par Ludovicus

Saint Louis roi confesseur

Collecte

Dieu, d’une royauté terrestre, vous avez élevé saint Louis, votre Confesseur, à la gloire du céleste royaume : daignez, nous vous en prions, nous accorder, en considération de ses mérites et de son intercession, la grâce d’être associés à la gloire du Roi des rois, Jésus-Christ votre Fils, qui, étant Dieu, vit et règne

Office

Au deuxième nocturne.

Quatrième leçon. Louis IX, devenu roi de France à l’âge de douze ans, par la mort de son père, fut très pieusement élevé par la reine Blanche, sa mère. Il régnait depuis vingt ans déjà, lorsque, tombé malade, la pensée lui vint de reconquérir Jérusalem. Aussitôt revenu à la santé, il reçut l’étendard des mains de l’Évêque de Paris. Puis, ayant traversé la mer avec une armée nombreuse, il mit en déroute les Sarrasins dans un premier combat. Mais beaucoup de ses soldats moururent de la peste, et lui-même fut vaincu et fait prisonnier.

Cinquième leçon. Après un traité avec les Sarrasins, le roi et son armée furent laissés libres. Il demeura pendant cinq ans en Orient, racheta de l’esclavage un grand nombre de Chrétiens, convertit beaucoup d’infidèles à la foi du Christ, et rebâtit à ses frais plusieurs villes appartenant aux Chrétiens. Sa mère étant morte sur ces entrefaites, il dut revenir en France où il s’adonna tout entier aux œuvres de piété.

Sixième leçon. Le saint roi construisit nombre de monastères et d’hospices pour les pauvres ; il secourait de ses largesses les indigents, visitait fréquemment les malades et, non content de les faire soigner à ses frais, leur donnait de ses propres mains ce dont ils avaient besoin. Simple dans ses habits, il n’épargnait pas à son corps les mortifications du cilice et du jeûne. Louis IX traversa de nouveau la mer pour combattre les Sarrasins, mais au moment où il venait d’établir son camp en face de l’ennemi, il mourut de la peste en prononçant ces paroles : « J’entrerai dans votre maison, Seigneur, je vous adorerai dans votre saint temple et je glorifierai votre nom. » Son corps fut transporté à Paris ; il est conservé dans la célèbre église de Saint-Denis, où on le vénère. Quant à son chef, on le porta à la sainte Chapelle. Glorifié par d’éclatants miracles, il a été mis au nombre des Saints par le Pape Boniface VIII.

Au troisième nocturne.

Homélie de saint Ambroise, Évêque. Liber 8 in Lucam.

Septième leçon. Il était bon et dans l’ordre que, devant appeler les Gentils et décréter la perte des Juifs qui n’avaient point voulu que le Christ régnât sur eux, le Sauveur employât d’abord cette comparaison pour éviter que l’on ne vînt à dire : Il n’avait rien donné au peuple des Juifs qui pût le rendre meilleur : comment exiger quelque chose de qui n’a rien reçu ? Ce n’est vraiment pas d’une monnaie de médiocre valeur qu’il s’agit car cette femme dont l’Évangile parle plus haut, ne trouvant pas une drachme, allume sa lampe, la cherche en promenant sa lumière, et est félicitée quand elle est retrouvée.

Huitième leçon. D’une mine unique, l’un des serviteurs a gagné dix mines et l’autre cinq. Peut-être ce dernier observe-t-il les préceptes de la morale, puisque les sens corporels sont au nombre de cinq ; l’autre a le double, c’est-à-dire qu’il approfondit les mystères de la loi et pratique la justice en ses mœurs. Aussi saint Matthieu a-t-il parlé de cinq talents et de deux talents : en sorte que l’accomplissement des préceptes moraux soit indiqué par les cinq talents et qu’en les deux autres talents nous voyions figurées, la connaissance des mystères de la foi et l’observation de la morale ; ce qui est moindre en nombre, se trouvant donc plus abondant en réalité.

Neuvième leçon. Et ici, nous pouvons entendre, par les dix mines, les dix préceptes, c’est-à-dire la doctrine de la loi ; et par les cinq autres, les leçons de la morale dues au magistère. Mais je veux que celui qui enseigne, soit accompli en toutes choses : « car le royaume de Dieu ne consiste pas dans les paroles, mais dans la vertu. » Comme il parle de Juifs, c’est bien à propos qu’il dit que deux seulement ont apporté à leur maître de l’argent multiplié, non certes par l’usure, mais par les profits d’une bonne administration. Autre, en effet, est le produit usuraire de l’argent, autre le fruit retiré de la céleste doctrine.

C’est la foi du chrétien qui fit en Louis, neuvième du nom, la grandeur du prince. Ayez du Seigneur des sentiments dignes de lui, vous qui gouvernez la terre, et cherchez-le dans la simplicité de votre cœur. Lorsqu’elle donnait ce précepte aux rois, l’éternelle Sagesse se complaisait dans sa prescience infinie parmi les lis de France, où notre Saint devait briller d’un éclat si pur.

Une commune loi rattache à Dieu le sujet et le prince, parce que semblable est leur naissance, et une aussi leur destinée Celui qui crée les petits et les grands n’exempte point ces derniers des droits du domaine suprême ; leur puissance, qui les fait ses ministres, loin de modifier pour eux la notion du devoir de tous, ne fait qu’accroître du poids de la responsabilité de chacun Celui de leur responsabilité privée. Or, le devoir universel où toute obligation morale puise son principe, la loi première du monde, sa raison d’être, est de glorifier Dieu par le retour des créatures à leur auteur, en la manière, en la mesure qu’il a voulues. Dieu donc ayant voulu élever jusqu’à sa propre vie divine l’homme pour qui la terre n’est plus qu’un séjour de passage, la justice naturelle, Tordre du temps présent, ne suffisent pas au monde ; les rois doivent savoir que l’objet de leur civile souveraineté, n’étant pas la fin dernière de toutes choses, reste rangé comme eux-mêmes sous la direction et l’empire absolu de cette fin supérieure en face de laquelle ils ne sont que sujets. Chefs des nations, prêtez l’oreille ; comprenez quel jugement vous est réservé. Ainsi, sous l’ancienne alliance, la divine pitié remplissait de ses avertissements miséricordieux la nuit des siècles d’attente.

Mais, non contente de multiplier ses oracles aux rois, la Sagesse, exauçant la prière du plus sage des princes de ces temps, est un jour descendue de son trône du ciel. Racheté par elle, le monde, à dater de ce jour, lui appartint à double titre. Au titre de sa divine filiation, dès avant la naissance de l’aurore, elle exerçait la principauté dans les splendeurs des Saints; elle règne maintenant par droit de conquête sur la terre délivrée. Avant sa venue dans la chair, c’était d’elle déjà que les princes recevaient, avec leur puissance, l’équité qui devait en régler l’usage ; par le contrat des noces sacrées qui l’unirent à notre nature, Jésus, le fils de l’homme dont le sang paya la rançon du monde, est aujourd’hui l’unique source du pouvoir comme de toute vraie justice élevant les nation. Et maintenant derechef, comprenez, o rois, dit le Psalmiste ; ayez l’intelligence, vous qui jugez la terre.

« C’est le Christ qui parle, explique saint Augustin : maintenant que je suis roi de par Dieu mon Père, ne vous attristez pas, comme si vous étiez dépouillés en. cela d’un bien qui fût vôtre ; mais plutôt, reconnaissant qu’il vous est bon d’être soumis à celui qui vous donne sécurité dans la lumière, servez ce Seigneur de tous avec crainte, et tressaillez en lui ».

La sécurité provenant de la lumière, c’est l’Église qui continue de la donner aux rois, pour l’Homme-Dieu remonté dans les cieux : l’Église qui, sans empiéter sur le domaine des princes, leur demeure pourtant supérieure, comme mère des peuples et comme juge des consciences, comme guide unique de l’humanité voyageuse à sa destinée suprême. Écoutons, dans la précision et la plénitude qui caractérisent son infaillible enseignement, le Souverain Pontife Léon XIII :

« Comme il y a sur la terre deux grandes sociétés : l’une civile, dont la fin prochaine est de procurer au genre humain le bien temporel et terrestre ; l’autre religieuse, qui a pour objet de conduire les hommes à la félicité céleste pour laquelle ils sont faits : ainsi il y a deux puissances, entre lesquelles Dieu a divisé le gouvernement de ce monde. Chacune d’elles en son genre est souveraine ; chacune est renfermée dans des limites déterminées et tracées en conformité de sa nature et de son but spécial. Le fondateur de l’Église, Jésus-Christ, a voulu qu’elles fussent distinctes l’une de l’autre, et que toutes deux fussent libres d’entraves dans l’accomplissement de leur mission propre ; avec cette clause toutefois que dans les choses qui ressortissent simultanément à la juridiction et au jugement de l’une et de l’autre, bien qu’à un titre différent, la puissance chargée des intérêts du temps dépendrait, comme il convient, de celle qui doit veiller à ceux du ciel. Soumises au reste toutes deux à la loi éternelle et naturelle, elles doivent s’accorder réciproquement dans les choses qui tiennent à l’ordre et au gouvernement de chacune d’elles, réalisant un ensemble de rapports que l’on peut justement comparer à celui qui dans l’homme constitue l’union de l’âme et du corps ».

Dans la sphère des intérêts éternels, dont nul ne peut légitimement se désintéresser ici-bas, c’est donc leurs peuples, et non seulement leurs propres personnes individuellement prises, que les princes doivent maintenir en la dépendance de l’Église comme en celle de Dieu. Car « les hommes unis par les liens d’une société commune ne relevant pas moins de Dieu que pris isolément, les sociétés politiques aussi bien que les particuliers ne peuvent sans crime se conduire comme si Dieu n’existait pas, ou se passer de la religion comme étrangère, ou se dispenser de suivre en cette religion les règles suivant lesquelles Dieu lui-même a déclaré vouloir être honoré. En conséquence, les chefs d’État doivent comme tels tenir pour saint le Nom de Dieu, mettre au nombre de leurs principaux devoirs celui de couvrir la religion de l’autorité des lois, ne rien statuer ou ordonner qui soit contraire à son intégrité ».

Nous pouvons maintenant reprendre avec saint Augustin l’explication du texte du psaume, et dire avec lui : « Comment les rois servent-ils le Seigneur dans la crainte, si ce n’est en prohibant et punissant avec une religieuse sévérité les actes contraires aux commandements du Seigneur ? Au double titre, en effet, d’homme et de prince, le roi sert Dieu en une double manière : homme, il le sert par la fidélité de sa vie ; roi, par la confection ou le maintien des lois qui ordonnent le bien et proscrivent le mal. Comme fit Ézéchias, et aussi Josias, en détruisant les temples des fausses divinités et ces hauts lieux que l’on avait construits contre l’ordre divin ; comme fit le roi de Ninive, en contraignant sa ville d’apaiser le Seigneur ; comme fit Darius, livrant l’idole à Daniel pour être brisée, et jetant les ennemis de celui-ci aux lions ; comme fit Nabuchodonosor, interdisant le blasphème dans tout son royaume par une loi terrible. C’est en cela donc que les rois servent le Seigneur en tant qu’ils sont rois, à savoir quand ils font pour le servir ce que peuvent seuls faire les rois ».

Qu’on ne pense pas qu’en ces développements nous ayons perdu de vue la fête de ce jour. De Louis IX aussi l’on doit dire, résumant sa vie : Il fit alliance avec le Seigneur, gardant ses commandements, les faisant observer par tous. Dieu comme but, la foi pour guide : c’est tout le secret de sa politique comme de sa sainteté. Comme chrétien, serviteur du Christ ; comme prince, son lieutenant : entre les aspirations du chrétien et celles du prince, son âme ne fut pas divisée ; cette unité fut sa force, comme elle est aujourd’hui sa gloire. Le Christ, qui régna seul en lui et par lui ici-bas, le fait régner avec lui-même aux deux. Si vous vous complaisez dans les sceptres et les trônes, rois de la terre, aimez la Sagesse pour régner à jamais.

Sacré à Reims le premier dimanche de l’Avent 1226, Louis fit siennes pour la vie les paroles de l’Antienne d’Introït en ce jour : J’ai élevé mon âme vers vous, je me confie en vous, mon Dieu ! Il n’avait que douze ans ; mais le Seigneur avait muni son enfance du plus sûr rempart, en lui donnant pour mère la noble fille des Espagnes dont la venue dans notre France, dit Guillaume de Nangis, y amena tous les biens. La mort prématurée de Louis VIII, son époux, laissait Blanche de Castille aux prises avec la plus redoutable des conspirations. Amoindris sous les règnes précédents, les grands vassaux s’étaient promis de mettre à profit la minorité du nouveau prince, et de ressaisir les droits que la féodalité ancienne leur reconnaissait au détriment de l’unité du pouvoir. Pour écarter cette mère qui se dressait seule entre la faiblesse de l’héritier du trône et leurs ambitions, les barons, partout révoltés, donnèrent la main à l’hérésie albigeoise renaissant au midi ; ils ne rougirent point de faire alliance avec le fils de Jean Sans-Terre, Henri III, épiant d’au delà de la Manche l’occasion de réparer les pertes territoriales dont Philippe-Air liste avait châtié sur le continent la perfidie du meurtrier d’Arthur de Bretagne. Forte du droit de son fils et de la protection du Pontife romain, Grégoire IX, Blanche ne s’abandonna pas ; on vit cette femme que, pour justifier leur crime de lèse-patrie, tous ces amis de l’Anglais nommaient l’étrangère, sauver par sa prudence, sa vaillante fermeté, la terre française. Après neuf ans de régence, elle remettait la nation à son roi, plus unie, plus puissante que jamais depuis Charlemagne.

Nous ne pouvons songer à faire ici l’histoire du règne qui acheva de replacer la France à la tête des peuples ; mais il convenait de rendre à qui de droit aujourd’hui cet hommage : d’autant que pour devenir l’honneur du ciel comme de la terre en cette fête, Louis eut seulement à continuer Blanche, le fils à ne point oublier les préceptes de sa mère.

De là, sur toute sa vie, le reflet de simplicité gracieuse qui en relève d’une façon si spéciale l’héroïsme et la grandeur. On dirait que Louis ne connut jamais le labeur nécessaire à tant d’autres, élevés loin du trône, pour adapter leurs âmes à la divine parole : Si vous ne devenez comme de petits enfants, vous n’entrerez pas dans le royaume des deux. Mais aussi, selon la même parole du Seigneur, qui fut plus grand que cet humble s’honorant plus du baptême de Poissy que du sacre de Reims, disant ses Heures, jeûnant, se flagellant comme ses amis les Frères Prêcheurs et Mineurs, toujours prêt à s’abaisser devant ceux en qui le sacerdoce, l’état religieux, la souffrance ou la pauvreté lui manifestaient Les privilégiés du ciel ? Libre aux grands hommes que nous avons connus dans nos temps de sourire en présence du vaincu de Mansourah, s’affligeant plus de la perte de son bréviaire que de la captivité qui le livre aux Sarrasins. On les a trop vus ces hommes en de semblables extrémités ! Si pareille faiblesse d’esprit, comme ils pensent, n’a point chez eux déshonoré la défaite, on n’a point non plus entendu l’ennemi s’écrier d’aucun d’eux : « Vous êtes notre captif, et l’on dirait que c’est nous qui sommes vos prisonniers ». On ne les a pas vus en imposer à la cupidité féroce, à l’ivresse de sang des geôliers, dicter la paix aussi fièrement que s’ils eussent été les vainqueurs ; le pays, jeté par eux dans les aventures, n’est point, hélas ! sorti plus glorieux de l’épreuve. C’est le propre de cet admirable règne de saint Louis, que les désastres y ajoutent à sa taille de héros la hauteur qui sépare la terre du ciel même, que la France y conquiert pour des siècles, en cet Orient où son roi fut chargé de chaînes, une renommée dont nulle victoire n’aurait pu égaler le prestige.

L’humilité des saints rois n’est point l’oubli de la grandeur du rôle qu’ils remplissent pour Dieu ; leur abnégation ne saurait consister dans l’abandon de droits qui sont aussi des devoirs ; pas plus que la charité ne supprime en eux la justice, l’amour de la paix n’y fait tort aux vertus guerrières. Saint Louis sans armée ne laissait pas de traiter de toute la hauteur de son baptême avec l’infidèle victorieux ; par ailleurs en notre Occident, on le sut de bonne heure, on le sut toujours mieux à mesure qu’avec les années croissait en lui la sainteté : ce roi dont les nuits se passaient à prier Dieu, les journées à servir les pauvres, n’entendait céder à quiconque les prérogatives de la couronne qu’il tenait de ses pères. Il n’y a qu’un roi en France, dit un jour le justicier du bois de Vincennes cassant une sentence de son frère, Charles d’Anjou ; et les barons au château de Bellême, les Anglais à Taillebourg, n’avaient pas attendu jusque-là pour l’apprendre ; non plus que ce Frédéric II, qui menaçait d’écraser l’Église, cherchant chez nous des complices, et dont les hypocrites explications valurent à l’Allemand la réponse : Le royaume de France n’est mie encore si affaibli qu’il se laisse mener à vos éperons.

La mort de Louis fut simple et grande comme sa vie. Dieu l’appela vers lui dans des circonstances douloureuses et critiques, loin de la patrie, sur ce sol africain où il avait une première fois déjà tant souffert : épines sanctifiantes, qui devaient rappeler au prince croisé son joyau de prédilection, la couronne sacrée acquise par lui au trésor de France. Mû par l’espoir de convertir au christianisme le roi de Tunis, c’était plus en apôtre qu’en soldat qu’il avait abordé le rivage où l’attendait le combat suprême. Je vous dis le ban de notre Seigneur Jésus-Christ et de son sergent Louis, roi de France : sublime provocation jetée à la ville infidèle, bien digne de clore une telle vie. Après six siècles écoulés, Tunis verra les fils des Francs qui l’entourèrent alors donner suite sans le vouloir au défi du plus saint de leurs rois, appelés qu’ils seront, sans le savoir, par tous les bienheureux dont cette terre de l’antique Carthage devenue chrétienne garde la mémoire pour l’éternité.

Cependant l’armée de la Croix, victorieuse en tous les combats, était décimée par un mal terrible. Entouré de morts et de mourants, atteint lui-même parla contagion, Louis manda près de lui son fils aîné et prochain successeur, Philippe, troisième du nom, pour lui donner ses instructions dernières :

« Cher fils, la première chose que je t’enseigne, c’est que tu mettes ton cœur à aimer Dieu ; car sans ce, ne peut nul valoir nulle chose. Garde-toi défaire chose qui à Dieu déplaise, c’est à savoir mortel péché ; ains plutôt devrais souffrir toutes manières de tourments. Si Dieu t’envoie adversité, reçois-le en patience et en rends grâces à notre Seigneur, et pense que tu l’as desservi. S’il te donne prospérité, l’en remercie humblement, et ne sois pas pire ou par orgueil ou par autre manière de ce dont tu dois mieux valoir ; car l’on ne doit pas Dieu de ses dons guerroyer. Le cœur aie doux et piteux aux pauvres et aux mésaisiés, et les conforte et aide selon ce que tu pourras. Maintiens les bonnes coutumes de ton royaume, et les mauvaises abaisse. Aime tout bien, et hais tout mal en quoique ce soit. Nulle vilenie de Dieu ou de Notre-Dame ou des Saints ne souffre que l’on die devant toi, que tu n’en fasses tantôt vengeance. A justice tenir sois loyal envers tes sujets, sans tourner à dextre ni à senestre ; mais aide au droit, et soutiens la querelle du pauvre jusques à tant que la vérité soit éclaircie. Honore et aime toutes les personnes de la sainte Église, et garde qu’on ne leur soustraie leurs dons et leurs aumônes que tes devanciers leur auront donnés. Cher fils, je t’enseigne que tu sois toujours dévot à l’Église de Rome et au souverain évêque notre père, c’est le Pape, et lui portes révérence et honneur comme tu dois faire à ton père spirituel. Travaille-toi que tout vilain péché soit ôté de ta terre ; spécialement vilains serments et hérésie fais abattre à ton pouvoir... Biau cher fils, je te donne toutes les bénédictions que bon père peut donner à fils ; et la benoîte Trinité et tous les Saints te gardent et défendent de tous maux ; et Dieu te donne grâce de faire sa volonté toujours, et qu’il soit honoré par toi, et que toi et moi puissions après cette mortelle vie être ensemble avec lui et le louer sans fin ».

« Quand le bon roi, poursuit Joinville, eut enseigné son fils monseigneur Philippe, la maladie que il avait commença à croître fortement ; et demanda les sacrements de sainte Église, et les reçut en saine pensée et en droit entendement, ainsi comme il apparut ; car quand on l’enhuilait et on disait les sept psaumes, il disait les versets d’une part. J’ai ouï conter monseigneur le comte d’Alençon son fils, que quand il approchait de la mort, il appela les Saints pour l’aider et secourir, et mêmement monseigneur saint Jacques, en disant son oraison, qui commence : Esto Domine ; c’est à dire : « Dieu, soyez sainte fieur et garde de votre peuple ». Monseigneur saint Denis de France appela lors en s’aide, en disant son oraison qui vaut autant à dire : « Sire Dieu, donne-nous que nous puissions despire la prospérité de ce monde, si que nous ne doutions nulle adversité ». Et ouï dire lors à monseigneur d’Alençon (que Dieu absolve !) que son père réclamait lors madame sainte Geneviève. Après se fit le saint roi coucher en un lit couvert de cendre, et mit ses mains sur sa poitrine, et en regardant vers le ciel rendit à notre Créateur son esprit, en celle heure même que le Fils de Dieu mourut pour le salut du monde en la croix ».

Jérusalem, la vraie Sion, vous ouvre enfin ses portes, à vous, ô Louis, qui pour elle avez donné vos trésors et vous-même. Du trône éternel où le Fils de Dieu vous associe à ses honneurs et à sa puissance, soyez toujours le promoteur du règne de Dieu sur terre, le zélateur de la foi, le bras de notre Mère l’Église. Sans adorer le Christ, l’Orient infidèle, grâce à vous, respecte ses adorateurs, confondant sous une même signification le nom de chrétien et de Franc. A cause de cela, nos gouvernants du jour prétendent rester dans ces contrées les protecteurs du christianisme qu’ils poursuivent sur le sol gaulois ! Contradiction non moins fatale au pays, qu’opposée à ses traditions de franchise, à sa renommée d’honneur et de loyauté. Comment connaîtraient-ils nos traditions et notre histoire, comment comprendraient-ils l’intérêt national, ceux qui méconnaissent le Dieu de Clovis, de Charlemagne et de saint Louis ? Déjà, qu’est devenu, dans cette Égypte qui eut vos plus durs labeurs, le patrimoine d’influence glorieuse que les siècles avaient maintenu à la nation ?

Vos descendants ne sont plus là pour nous garder de l’invasion de ces hommes qui exploitent la patrie et n’ont que l’exil pour ceux qui l’ont faite. Ici pourtant, combien redoutables ne se révèlent pas les justices du Seigneur ! Vous-même l’aviez dit : Plutôt un étranger que mon fils pour gouverner le peuple du royaume, si mon fils le doit mal gouverner ! Trente années après la croisade de Tunis, un prince indigne, votre deuxième successeur, outrageait le Vicaire de l’Homme-Dieu. Rejeté d’en haut, Philippe IV, le Bel, voyait aussitôt s’arrêter dans sa race stérilisée la sève partie de votre racine. Flétri et brisé, le rameau sacrilège faisait place sur la tige auguste à une autre branche issue de vous toujours. Mais la nation, solidaire de ses rois, allait expier elle-même le forfait d’Anagni dans une guerre terrible, dont l’imprévoyance politique du même Philippe le Bel avait, par le jugement de Dieu, posé la cause ; prince aussi funeste à l’État qu’à l’Église et à sa propre famille. Ce fut alors que, cent années durant, le pays parut à la veille de sa perte ; jusqu’à ce que, protection merveilleuse du ciel sur notre patrie ! la pucelle d’Orléans, Jeanne la Vénérable, arrachât des griffes du léopard anglais le lis de France qu’il prétendait s’unir.

D’autres fautes devaient, hélas ! compromettre encore, puis par deux fois à nouveau dessécher ou rompre les branches de l’arbre royal. Longtemps vos mérites personnels firent contre-poids devant Dieu au scandale des mœurs dont nos princes s’étaient fait comme une note de race, un privilège odieux : honte que transmirent aux Bourbons les Valois mourants, que dut expier sans parvenir à l’effacer le sang du juste Louis XVI, qu’expient toujours tant d’illustres proscrits promenant sur la terre étrangère leur déchéance et leurs souvenirs. Puissiez-vous du moins reconnaître, en ces fils qui vous restent, les imitateurs de vos vertus ! c’est en revendiquant d’abord ce premier héritage, qu’un jour peut-être ils amèneront Dieu à leur rendre l’autre. Car Dieu qui commande d’obéir au pouvoir établi dans les divers temps, reste le maître des peuples, l’arbitre immuable de leurs variables destinées. Mais c’est alors qu’instruit par l’épreuve, nul de vos descendants ne devra plus oublier, ô Louis, votre recommandation suprême : Travaille-toi que tout vilain péché soit ôté de ta terre ; spécialement vilains serments et hérésie fais abattre à ton pouvoir.

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