Saint Polycarpe évêque et martyr
Collecte
O Dieu, qui nous donnez chaque année un nouveau sujet de joie par la solennité de votre Martyr et Pontife, le bienheureux Polycarpe, accordez-nous, dans votre miséricorde, de pouvoir ressentir les effets de la protection de celui dont nous célébrons la naissance.
Office
AU DEUXIÈME NOCTURNE.
Du livre de saint Jérôme, prêtre : Des Écrivains Ecclésiastiques.
Quatrième leçon. Polycarpe, disciple de l’Apôtre Jean, et ordonné par lui Évêque de Smyrne, fut le primat de toute l’Asie. Il eut pour maîtres, ou du moins il vit quelques-uns des Apôtres et plusieurs de ceux qui avaient vu le Seigneur. Au sujet de certaines questions qui s’étaient élevées sur le jour de la Pâque, sous l’empire d’Antonin le Pieux, alors qu’Anicet gouvernait l’Église, il vint à Rome, où il ramena à la foi un grand nombre de fidèles qui s’étaient laissés séduire par les artifices de Marcion et de Valentin. Rencontrant un jour par hasard Marcion, cet hérésiarque lui dit : « Me connais-tu ? » Polycarpe lui répondit : « Je te reconnais pour le fils aîné du diable ». Plus tard, sous les règnes de Marc-Antonin et de Lucius-Aurelius Commode, dans la quatrième persécution depuis celle de Néron, sous les yeux du proconsul de Smyrne, siégeant dans l’amphithéâtre, et du peuple entier faisant entendre des clameurs contre lui, il fut livré au feu. Il avait écrit aux Philippiens une épître fort utile qui se lit encore aujourd’hui dans les Églises d’Asie.
Au milieu des douceurs qu’il goûte dans la contemplation du Verbe fait chair, Jean le Bien-Aimé voit arriver son cher disciple Polycarpe, l’Ange de l’Église de Smyrne, tout resplendissant de la gloire du martyre. Ce sublime vieillard vient de répondre, dans l’amphithéâtre, au Proconsul qui l’exhortait à maudire le Christ : « Il y a quatre-vingt-six ans que je le sers, et il ne m’a jamais fait de mal ; que dis-je ? Il m’a comblé de biens. Comment pourrais-je maudire mon Roi qui m’a sauvé ? » Après avoir passé par le feu et par le glaive, il est arrivé aux pieds de ce Roi Sauveur, et va jouir éternellement du bonheur de sa présence, en retour des quatre-vingt-six ans qu’il l’a servi, des fatigues qu’il s’est données pour conserver dans son troupeau la foi et la charité, et de la mort sanglante qu’il a endurée.
Comme son maître apostolique, il s’est opposé avec énergie aux efforts des hérétiques qui altéraient la foi. Fidèle aux ordres de cet angélique confident de l’Homme-Dieu, il n’a pas voulu que celui qui corrompt la foi du Christ reçût de sa bouche le salut ; il a dit à l’hérésiarque Marcion qu’il ne le reconnaissait que pour le premier-né de Satan. Adversaire énergique de cette orgueilleuse secte qui rougissait de l’Incarnation d’un Dieu, il nous a laissé cette admirable Épître aux Philippiens, dans laquelle il dit : « Quiconque ne confesse pas que Jésus-Christ est venu dans la chair, est un Antéchrist. » Il convenait donc qu’un si courageux témoin fût appelé à l’honneur d’assister près du berceau dans lequel le Fils de Dieu se montre à nous dans toute sa tendresse, et revêtu d’une chair semblable à la nôtre. Honorons ce disciple de Jean, cet ami d’Ignace, cet Evêque de l’âge apostolique, qui mérita les éloges de Jésus-Christ même, dans la révélation de Pathmos. Le Sauveur lui avait dit par la bouche de Jean : « Sois fidèle jusqu’à la mort ; et je te donnerai la couronne de vie. ». Polycarpe a été fidèle jusqu’à la mort ; c’est pourquoi il assiste couronné, en ces jours anniversaires de l’avènement de son Roi parmi nous.
L’Église, dans son Office, lit aujourd’hui, pour Légende, la courte notice, empruntée au livre de saint Jérôme : De Scriptoribus ecclesiasticis.
L’Église Grecque célèbre la gloire de saint Polycarpe dans ses Menées, auxquels nous empruntons les traits suivants :
Vous avez rempli toute retendue de votre nom, ô Polycarpe ! car vous avez produit beaucoup de fruits pour le Sauveur, durant les quatre-vingt-six ans que vous avez passés à son service. Ces fruits ont été les âmes nombreuses que vous avez gagnées au Christ, les vertus qui ont orné votre vie, enfin votre vie elle-même que vous avez rendue comme un fruit mûr à ce Sauveur. Quel bonheur a été le vôtre, d’avoir reçu les leçons du disciple qui se reposa sur la poitrine de Jésus ! Après une séparation de plus de soixante années, vous allez le rejoindre aujourd’hui ; et cet ineffable maître vous salue avec transport. Vous adorez ensemble ce divin Enfant dont vous avez imité la simplicité, et que vous aimiez uniquement ; demandez-lui pour nous de lui être comme vous « fidèles jusqu’à la mort ».
Cultivez encore du haut du ciel, ô Polycarpe, ce champ de l’Église, que vous avez fécondé par vos labeurs et arrosé de votre sang. Rétablissez la foi et l’unité au sein des Églises de l’Asie qui furent édifiées par vos mains vénérables. Hâtez, par vos prières, la dissolution de l’Islamisme, qui n’a dû ses succès et sa durée qu’aux tristes effets du schisme byzantin. Souvenez-vous de la France à qui vous avez envoyé d’illustres Apôtres, martyrs comme vous. Bénissez paternellement l’Église de Lyon qui vous révère comme son fondateur par le ministère de votre disciple Pothin, et qui prend elle-même une part si glorieuse dans l’Apostolat des Gentils, par son Œuvre de la Propagation de la Foi.
Veillez sur la conservation de la foi dans sa pureté ; gardez-nous du contact des séducteurs. L’erreur que vous avez combattue, et qui ne veut voir dans les mystères du Fils de Dieu incarné que des symboles stériles, s’est ranimée de nos jours. Marcion a reparu avec ses mythes orgueilleux ; soufriez sur ces derniers débris d’un système suranné qui égare encore quelques âmes. Rendant hommage à la Chaire Apostolique, vous aussi vous avez voulu voir Pierre ; et Rome vous a vu venir conférer avec son Pontife des intérêts de votre Église de Smyrne. Vengez les droits de ce Siège auguste, d’où découle, pour nos Pasteurs, la seule mission légitime, et pour tous, les enseignements souverains de la foi. Obtenez-nous de passer les derniers jours de cette pieuse quarantaine dans un recueillement profond et dans l’amour de notre Roi nouveau-né. Que cet amour, joint à la pureté de nos cœurs, nous obtienne faveur et miséricorde ; et, pour consommer notre carrière, demandez pour nous la couronne de vie.