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Regnum Galliae Regnum Mariae

Saint Paulin de Nole confesseur

22 Juin 2017 , Rédigé par Ludovicus

Saint Paulin de Nole confesseur

Collecte

Dieu, vous avez promis à ceux qui abandonnent tout en ce siècle pour vous, le centuple dans le siècle à venir et la vie éternelle : accordez-nous, dans votre bonté ; que, suivant fidèlement les traces du saint Pontife Paulin, nous ayons la force de mépriser les biens de la terre et de désirer les seuls biens du ciel.

Au deuxième nocturne.

Quatrième leçon. Pontius Meropius Anicius Paulin, né l’an trois cent cinquante-trois de la Rédemption, d’une famille très distinguée de citoyens romains, à Bordeaux, en Aquitaine, fut doué d’une intelligence vive et de mœurs douces. Sous la direction d’Ausone, il brilla de la gloire de l’éloquence et de la poésie. Très noble et très riche, il entra dans la carrière des charges publiques et, à la fleur de l’âge, conquit la dignité de sénateur. Ensuite, en qualité de consul, il se rendit en Italie et, ayant obtenu la province de Campanie, il établit sa résidence à Nole. Là, touché de la lumière divine, et à cause des signes célestes qui illustraient le tombeau de saint Félix, prêtre et martyr, il commença à s’attacher avec plus d’énergie à la véritable foi chrétienne, qu’il méditait déjà dans son esprit. Il renonça donc aux faisceaux et à la hache, qui n’avait encore été souillée par aucune exécution capitale ; retourné en Gaule, il fut ballotté par diverses épreuves et par de grands travaux sur terre et sur mer et perdit un œil ; mais guéri par le bienheureux Martin, évêque de Tours, il fut lavé dans les eaux lustrales du baptême par le bienheureux Delphin, évêque de Bordeaux.

Cinquième leçon. Méprisant les richesses qu’il possédait en abondance, il vendit ses biens, en distribua le prix aux pauvres et, quittant sa femme Therasia, changeant de patrie et brisant les liens de la chair, il se retira en Espagne, s’attachant ainsi à la pauvreté admirable du Christ, plus précieuse à ses yeux que l’univers entier. Un jour qu’à Barcelone, il assistait dévotement aux sacrés mystères, le jour solennel de la naissance du Seigneur, le peuple, transporté d’admiration, l’entoure avec tumulte et, malgré ses résistances, il fut ordonné prêtre par l’évêque Lampidius. Il retourna ensuite en Italie, fonda à Nole, où il avait été amené par le culte de saint Félix, un monastère près du tombeau de ce saint ; s’étant adjoint des compagnons, il commença une vie cénobitique. Illustre déjà par la dignité sénatoriale et la dignité consulaire, embrassant la folie de la croix, à l’admiration du monde presque entier, Paulin, revêtu d’une robe sans valeur, demeurait, au milieu des veilles et des jeûnes, la nuit et le jour, les yeux fixés dans la contemplation des choses célestes. Mais, comme son renom de sainteté croissait de plus en plus, il fut élevé à l’évêché de Nole et, dans l’accomplissement de sa .charge pastorale, il laissa des exemples merveilleux de piété, de sagesse et surtout de charité.

Sixième leçon. Au cours de ces travaux, il avait composé des écrits remplis de sagesse, traitant de la religion et de la foi ; souvent aussi, se laissant aller à la versification, il avait célébré dans des poèmes les actes des saints, acquérant un renom supérieur de poète chrétien. Il s’attacha par l’amitié et par l’admiration tout ce qu’il y avait à cette époque d’hommes éminents par la sainteté et la doctrine. Beaucoup affluaient de toutes parts vers lui, comme chez le maître de la perfection chrétienne. La Campanie ayant été ravagée par les Goths, il employa à nourrir les pauvres et à racheter les prisonniers tout son avoir, ne gardant pas même pour lui les choses nécessaires à la vie. Plus tard, lorsque les Vandales ravageaient le même pays, une veuve le supplia de racheter pour elle son fils, pris par les ennemis ; comme il avait absorbé tous ses biens dans l’exercice de la charité, il se livra lui-même en esclavage pour cet enfant, et, jeté dans les fers, il fut emmené en Afrique. Enfin, gratifié de la liberté, non sans le secours visible de Dieu et revenu à Nole, le bon pasteur retrouva ses brebis chéries et là, dans sa soixante dix-huitième année, s’endormit dans le Seigneur d’une fin très tranquille. Son corps, enseveli près du tombeau de saint Félix, fut plus tard, à l’époque des Lombards, transféré à Bénévent, puis sous l’empereur Othon III, à Rome, dans la basilique de Saint-Barthélemy en l’île du Tibre. Mais le pape Pie X ordonna que les dépouilles sacrées de Paulin fussent restituées à Nole et éleva sa fête au rite double pour toute l’Église.

Au troisième nocturne.

Homélie de saint Paulin, Évêque.

Septième leçon. Le Seigneur tout-puissant aurait pu, très chers frères rendre tous les hommes également riches, de façon qu’aucun d’eux n’eût besoin d’un autre ; mais par un dessein de sa bonté infinie, le Seigneur miséricordieux et plein de pitié a ordonné les choses comme il l’a fait, afin d’éprouver vos dispositions. Il a fait le malheureux afin de pouvoir reconnaître celui qui est miséricordieux ; il a fait le pauvre afin de donner à l’homme opulent l’occasion d’agir. Le but des richesses, c’est, pour vous, la pauvreté de votre frère, « si vous avez l’intelligence de l’indigent et du pauvre », si vous ne possédez pas seulement pour vous ce que vous avez reçu ; et cela, parce que Dieu vous a remis en ce siècle la part de votre frère aussi, Dieu voulant vous devoir ce que vous aurez offert spontanément au moyen de ses dons aux indigents, et désirant vous enrichir en retour au jour éternel de la part qu’aura votre frère. C’est par les mains des pauvres, en effet, que le Christ reçoit maintenant, et alors, au jour éternel, il rendra pour eux en son nom.

Huitième leçon. Réconfortez celui qui a faim et vous n’aurez pas de crainte au jour mauvais de la colère qui doit venir. « Bienheureux, en effet, dit Dieu, celui qui a l’intelligence de l’indigent et du pauvre, au jour mauvais le Seigneur le délivrera. » Travaillez donc et cultivez avec soin cette partie de votre terre, mon frère, afin qu’elle fasse germer pour vous une moisson fertile, pleine de la graisse du froment, vous apportant, avec des intérêts élevés, le fruit au centuple de la semence qui se multiplie. Dans la recherche et la culture de cette possession et de ce travail, l’avarice est sainte et salutaire ; car une pareille avidité, qui mérite le royaume du ciel et soupire après le bien éternel, est la racine de tous les biens. Souhaitez donc ardemment de telles richesses et possédez un tel patrimoine que le créancier doit compenser en fruits centuplés, pour enrichir aussi vos héritiers avec vous des biens éternels. Car cette possession est vraiment grande et précieuse, qui ne charge pas son possesseur d’un fardeau temporel, mais l’enrichit d’un revenu éternel.

Neuvième leçon. Veillez donc, mes très chers, avec une sollicitude de tous les instants et un travail assidu pour la justice, non seulement à rechercher les biens éternels, mais à mériter d’éviter des maux sans nombre. Car nous avons besoin d’une grande aide et d’une grande protection ; nous avons besoin de nous appuyer sur des prières nombreuses et incessantes. Notre adversaire, en effet, ne se repose pas et l’ennemi très vigilant bloque toutes nos voies pour nous perdre. En outre, en ce siècle, se jettent sur nos âmes de nombreuses croix, des dangers innombrables, les fléaux des maladies, les feux des fièvres et les flèches des douleurs ; les torches des passions s’allument, partout sont cachés des filets tendus sous nos pas, de toutes parts nous voyons avec terreur des glaives tirés, la vie se passe en embûches et en combats et nous marchons sur des feux recouverts d’une cendre trompeuse. Avant donc de vous exposer, conduits par les circonstances ou par votre volonté, à quelque fléau de telles douleurs, hâtez-vous de devenir agréables et chers au médecin, afin qu’au temps où vous en aurez besoin, vous trouviez tout prêt le remède salutaire. Autre chose est de prier seul pour vous-même, autre chose d’avoir une multitude d’intercesseurs s’empressant pour vous auprès de Dieu.

 

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Saint Louis de Gonzague confesseur

21 Juin 2017 , Rédigé par Ludovicus

Saint Louis de Gonzague confesseur

Collecte

Ô Dieu, vous distribuez les biens célestes, et vous avez réuni dans le jeune et angélique Louis, une merveilleuse innocence à la pratique de la mortification : faites, qu’en nous appuyant sur ses mérites et son intercession : si nous n’avons pas sa pureté, nous imitions au moins sa pénitence.

Lecture

Heureux l’homme qui a été trouvé sans tache, qui n’a pas couru après l’or, et qui n’a pas mis son espérance dans l’argent et dans les trésors. Qui est-il ? Et nous le louerons, car il a fait des choses merveilleuses durant sa vie. Il a été éprouvé par l’or et trouvé parfait, il aura une gloire éternelle ; il a pu violer la loi, et il ne l’a point violée ; il a pu faire le mal, et il ne l’a pas fait. C’est pourquoi ses biens ont été affermis dans le Seigneur, et toute l’assemblée des saints publiera ses aumônes.

Au deuxième nocturne.

Quatrième leçon. Louis, fils de Ferdinand de Gonzague, marquis de Castiglione et d’Esté, parut naître au ciel avant de naître à la terre, car sa vie se trouvant en danger, on se hâta de le baptiser. Il garda avec tant de fidélité cette première innocence, qu’on l’aurait cru confirmé en grâce. Dès qu’il eut l’usage de sa raison il s’en servit pour s’offrir à Dieu, et mena chaque jour une vie plus sainte. A l’âge de neuf ans, il fit, à Florence, devant l’autel de la bienheureuse Vierge, qu’il ne cessa d’honorer comme sa mère, le vœu d’une perpétuelle virginité ; par un insigne bienfait du Seigneur, il devait la conserver sans qu’aucune révolte du corps ou de l’âme vînt jamais l’éprouver. Il se mit, dès cet âge, à réprimer si fortement les autres troubles intérieurs, qu’il n’en ressentit, dans la suite, plus même le premier mouvement. Il maîtrisait si bien ses sens et surtout ses yeux, que, non seulement il ne regarda jamais Marie d’Autriche, quoiqu’il dût la saluer presque tous les jours pendant plusieurs années, étant au nombre des pages d’honneur de l’infant d’Espagne ; mais qu’il s’abstenait même de considérer le visage de sa propre mère. Aussi fut-il appelé à juste titre un homme sans la chair, ou un ange dans la chair.

Cinquième leçon. A la garde des sens, Louis joignait la mortification corporelle. Il jeûnait trois fois la semaine, se contentant d’ordinaire d’un peu de pain et d’eau ; mais, à vrai dire, son jeûne semble avoir été, en ce temps, perpétuel, puisque là quantité de nourriture prise à ses repas égalait à peine une once. Souvent aussi il déchirait sa chair, trois fois en un même jour, au moyen de cordes ou de chaînes ; quelquefois des laisses de chien lui servaient de discipline et des éperons remplaçaient pour lui le cilice. Trouvant sa couche trop molle, il y glissait secrètement des morceaux de bois, afin de la rendre plus dure et de s’éveiller plus tôt pour prier ; il passait en effet une grande partie de la nuit dans la contemplation des choses divines, couvert d’un seul vêtement, même au plus fort de l’hiver, demeurant à genoux sur le sol, ou bien encore courbé et prosterné par faiblesse ou fatigue. Parfois il gardait une complète immobilité dans la prière, trois, quatre ou cinq heures de suite, tant qu’il n’avait pas au moins durant une heure, évité toute distraction. La récompense de cette constance fut une stabilité d’esprit telle que sa pensée ne s’égarait jamais durant l’oraison, mais restait perpétuellement fixée en Dieu comme en une sorte d’extase. Pour s’attacher uniquement au Seigneur, Louis, ayant enfin triomphé des résistances de son père, après un très rude combat de trois années, et renoncé en faveur d’un frère à ses droits sur la principauté de ses ancêtres, vint à Rome s’associer à la Compagnie de Jésus, à laquelle il s’était entendu appeler par une voix céleste, lorsqu’il se trouvait à Madrid.

Sixième leçon. Dès le noviciat, on commença à le regarder comme un maître en toutes sortes de vertus Sa fidélité aux règles, ee même aux moindres lois était d’une exactitude extrême ; son mépris du monde sans égal ; sa haine de lui même, implacable ; son amour pour Dieu, si ardent, qu’il consumait peu à peu ses forces corporelles. Aussi en vint-on -à lui prescrire de détourner pour un temps sa Pensée des choses divines ; mais en vain s’efforçait-il de fuir son Dieu, qui partout se présentait à lui. Également animé d’une admirable charité envers le prochain, Louis contracta auprès des malades qu’il servait avec zèle dans les hôpitaux publics, un mal contagieux, qui dégénéra en une lente consomption. Au jour qu’il avait prédit, le treize des calendes de juillet, au début de sa vingt-quatrième année, il passa de la terre au ciel, après avoir demandé qu’on le flagellât et qu’on le laissât mourir étendu sur le sol. Dieu le montra à sainte Madeleine de Pazzi en possession d’une si grande gloire, que la sainte n’aurait pas cru qu’il y en eût de semblable en paradis. Elle affirma qu’il avait été d’une sainteté extraordinaire, et que la charité avait fait de lui un martyr inconnu. De nombreux et éclatants miracles le rendirent illustre et leur preuve juridique décida Benoît XIII à inscrire aux fastes des Saints cet angélique jeune homme, et à le donner, principalement à la jeunesse studieuse, comme un modèle d’innocence et de chasteté, en même temps qu’un protecteur.

Au troisième nocturne.

Homélie de saint Jean Chrysostome.

Septième leçon. La virginité est bonne, j’en conviens avec toi ; et même elle vaut mieux que le mariage, je te l’accorde aussi volontiers ; et s’il est permis, j’ajouterai qu’elle est supérieure au mariage, autant que le ciel est au-dessus de la terre, autant que les Anges sont au-dessus des hommes en excellence ; et s’il reste quelque chose à ajouter après cela, au lieu de dire autant, je dirai encore plus. Car s’il n’y a ni épouses ni époux parmi les Anges, il faut dire aussi qu’ils ne sont pas formés de chair et de sang. En outre, ils n’habitent point sur la terre, ils ne sont pas sujets aux troubles des sens et aux désordres des passions. Ils n’ont pas besoin de manger et de boire ; ils ne sont point tels qu’une voix douce, une molle harmonie, un beau visage puissent les charmer : en un mot, aucun attrait de ce genre ne les séduit.

Huitième leçon. Mais l’espèce humaine, bien qu’elle soit naturellement inférieure à ces esprits bienheureux, met toute sa force et toute son application à leur ressembler, autant qu’elle en est capable. Comment cela ? Les Anges ne connaissent point l’union conjugale ; ni les vierges non plus. Les Anges, toujours en présence de Dieu, sont tout à son service ; les vierges font de même. Si les vierges, tant que le poids du corps les retient en bas ne peuvent monter dans-le ciel, une compensation, et très grande, les console ; car il leur est permis, pourvu qu’elles soient pures d’esprit et de corps, de recevoir le roi du ciel. Vois-tu l’excellence de la virginité ? Comme elle relève les habitants de la terre, au point d’assimiler ceux qui sont revêtus d’un corps aux pures intelligences !

Neuvième leçon. Car, en quoi, je le demande, Élie, Élisée, Jean, ces véritables amateurs de la virginité, diffèrent-ils des Anges ? En rien, sinon qu’ils étaient de nature mortelle. Si quelqu’un s’applique à chercher en eux d’autres différences, il ne les trouvera pas autrement doués que ces esprits bienheureux. Et même, ce en quoi ils paraissent d’une condition inférieure doit leur être compté comme un grand mérite. En effet, pour que des habitants de la terre puissent arriver à la hauteur de cette vertu, à force d’énergie et d’application, vois de quelle force, de quelle sagesse de conduite il faut qu’ils soient pourvus.

 

Oh ! combien grande est la gloire de « Louis fils d’Ignace ! Je ne l’aurais jamais cru, si mon Jésus ne me l’avait montrée. Je n’aurais jamais cru qu’il y eût dans le ciel de gloire aussi grande ». C’est Madeleine de Pazzi, dont nous célébrions il y a moins d’un mois la mémoire, qui s’exprime ainsi dans l’une de ses admirables extases. Des hauteurs du Carmel, d’où sa vue plonge par delà les cieux, elle révèle au monde l’éclat dont rayonne au milieu des célestes phalanges le jeune héros que nous fêtons en ce jour.

Et pourtant, la vie si courte de Louis n’avait semblé offrir aux yeux distraits du grand nombre que les préliminaires, pour ainsi dire, d’une existence brisée dans sa fleur avant d’avoir donné ses fruits. Mais Dieu ne compte pas comme les hommes, et leurs appréciations sont de peu de poids dans ses jugements. Pour ses saints mêmes, le nombre des années, les actions éclatantes, remplissent moins une vie à ses yeux que l’amour. L’utilité d’une existence humaine ne doit-elle pas s’estimer, par le fait, à la mesure de ce qu’elle produit de durable ? Or, au delà du temps la charité reste seule, fixée pour jamais au degré d’accroissement que cette vie passagère a su lui donner. Peu importe donc si, sans la durée, sans les œuvres qui paraissent, l’élu de Dieu développe en lui l’amour autant et plus que tel autre dans les labeurs, si saints qu’ils soient, d’une longue carrière admirée par les hommes.

L’illustre Compagnie qui donna Louis de Gonzague à l’Église, doit la sainteté de ses membres et la bénédiction répandue sur leurs œuvres, à la fidélité qu’elle professa toujours pour cette importante vérité où toute vie chrétienne doit chercher sa lumière. Dès le premier siècle de son histoire, il semble que le Seigneur Jésus, non content de lui laisser prendre pour elle son nom béni, ait eu à cœur de faire en sorte qu’elle ne pût oublier jamais où résidait sa vraie force, dans la carrière militante et active entre toutes qu’il ouvrait devant elle. Les œuvres resplendissantes d’Ignace son fondateur, de François Xavier l’apôtre des Indes, de François de Borgia la noble conquête de l’humilité du Christ, manifestèrent en eux à tous les regards une merveilleuse sainteté ; mais elles n’eurent point d’autre base que les vertus cachées de cet autre triumvirat glorieux où, sous l’œil de Dieu, par la seule force de l’oraison contemplative, Stanislas Kostka, Louis de Gonzague et Jean Berchmans s’élevèrent dans ce même siècle jusqu’à l’amour, et, par suite, jusqu’à la sainteté de leurs héroïques pères.

C’est encore Madeleine de Pazzi, la dépositaire des secrets de l’Époux, qui nous révélera ce mystère. Dans le ravissement où la gloire de Louis se découvre à ses yeux, elle continue sous le souffle de l’Esprit divin : « Qui jamais expliquera, s’écrie-t-elle, le prix et la puissance des actes intérieurs ? La gloire de Louis n’est si grande, que parce qu’il opérait ainsi au dedans. De l’intérieur à ce qui se voit, aucune comparaison n’est possible. Louis, tant qu’il vécut sur terre, eut l’œil attentif au regard du Verbe, et c’est pourquoi il est si grand. Louis fut un martyr inconnu : quiconque vous aime, mon Dieu, vous connaît si grand, si infiniment aimable, que ce lui est un grand martyre de reconnaître qu’il ne vous aime pas autant qu’il désire aimer, et que vous n’êtes pas aimé de vos créatures, mais offensé !... Aussi lui-même fit son martyre. Oh ! Combien il a aimé sur terre ! C’est pourquoi, maintenant au ciel, il possède Dieu dans une souveraine plénitude d’amour. Mortel encore, il déchargeait son arc au cœur du Verbe ; et maintenant qu’il est au ciel, ces flèches reposent dans son propre cœur. Car cette communication de la divinité qu’il méritait par les flèches de ses actes d’amour et d’union avec Dieu, maintenant, en toute vérité, il la possède et l’embrasse ».

Aimer Dieu, laisser sa grâce tourner notre cœur vers l’infinie beauté qui seule peut le remplir, tel est donc bien le secret de la perfection la plus haute. Et qui ne voit combien cet enseignement de la fête présente, répond au but que poursuit l’Esprit-Saint depuis sa venue dans les jours de la glorieuse Pentecôte ? Ce suave et silencieux enseignement, Louis le donna partout où s’arrêtèrent ses pas durant sa courte carrière. Né pour le ciel, dans le saint baptême, avant même que de naître complètement à la terre, il fut un ange dès son berceau ; la grâce, passant de lui dans les personnes qui le portaient entre leurs bras, les remplissait de sentiments célestes. A quatre ans, il suivait dans les camps le marquis son père ; et quelques fautes inconscientes, qui n’avaient pas même terni son innocence, devenaient, pour toute sa vie, le point de départ d’une pénitence qu’on eût prise pour l’expiation nécessaire au plus grand des pécheurs. Il n’avait que neuf ans, lorsque, conduit à Florence pour s’y perfectionner dans l’étude de la langue italienne, il se montra l’édification de la cour du duc François où grandissait alors la future reine de France, Marie de Médicis, plus jeune que Louis de quelques années ; les attraits de cette cour, la plus brillante de l’Italie, ne réussirent qu’à le détacher pour jamais du monde ; ce fut alors qu’aux pieds de la miraculeuse image de l’Annonciade, il consacra à Notre-Dame sa virginité.

L’Église elle-même, dans la Légende, nous dira le reste de cette vie où, comme il arrive toujours chez les âmes pleinement dociles à l’Esprit-Saint, la plus céleste piété ne fit jamais tort aux devoirs de la terre. C’est parce qu’il fut véritablement le modèle en tout de la jeunesse studieuse, que Louis mérita d’en être déclaré protecteur. Intelligence d’élite, fidèle au travail comme à la prière au milieu du tumulte des villes, il se rendit maître de toutes les sciences alors exigées d’une personne de sa condition. Des négociations épineuses concernant les intérêts de ce siècle, lui furent plus d’une fois confiées ; et l’on vit à quel point il eût excellé dans le gouvernement des hommes et le maniement des affaires. Là encore, il devait servir d’exemple à tant d’autres, que leurs proches ou de faux amis prétendent retenir sur le seuil de la vie religieuse par la considération du bien qu’ils sont capables de faire, du mal qu’ils pourraient empêcher : comme si le Très-Haut, pour sa part de réserve plus spéciale au milieu des nations, devait se contenter des nullités impuissantes ; comme si les aptitudes de la plus riche nature ne pouvaient pas toujours se retourner vers Dieu, leur principe, d’autant mieux et plus complètement qu’elles sont plus parfaites. Ni l’État, ni l’Église, au reste, ne perdent jamais rien à cette retraite pour Dieu, à cet abandon apparent des sujets les meilleurs : si, dans l’ancienne loi, Jéhovah se montrait jaloux qu’on offrit à son autel le meilleur en toute sorte de biens, ce n’était pas pour appauvrir son peuple ; qu’on le reconnaisse ou non, la principale force de la société, la source des bénédictions qui gardent le monde, résidera toujours dans ces holocaustes aimés du Seigneur.

« La prudence de l’homme lui tient lieu de cheveux blancs, dit le Sage ; la vieillesse vraiment vénérable ne s’estime point au nombre des années ». Et c’est pourquoi, ô Louis, vous occupez une place d’honneur parmi les anciens de votre peuple. Gloire de la Compagnie sainte au milieu de laquelle, en si peu de temps, vous remplîtes la course d’une longue existence, obtenez qu’elle continue de garder précieusement, pour elle et les autres, l’enseignement qui se dégage de votre vie d’innocence et d’amour. Le seul vrai gain de l’homme à la fin de sa carrière est la sainteté, et c’est au dedans que la sainteté s’acquiert ; les œuvres du dehors n’entrent en compte, pour Dieu, que selon la pureté du souffle intérieur qui les inspire ; si l’occasion fait défaut pour ces œuvres, l’homme peut y suppléer en se rapprochant du Seigneur, dans le secret de son âme, autant et plus qu’il n’eût fait par elles. Ainsi l’aviez-vous compris ; et l’oraison, qui vous tenait absorbé dans ses inénarrables délices, en vint à égaler votre mérite à celui des martyrs. Aussi, de quel prix n’était pas à vos yeux ce céleste trésor de l’oraison, toujours à notre portée comme il le fut à la vôtre ! Mais pour y trouver comme vous la voie abrégée de toute perfection, selon vos propres paroles, il y faut la persévérance et le soin d’éloigner de l’âme, par une répression généreuse de la nature, toute émotion qui ne serait pas de Dieu. Comment une eau bourbeuse ou agitée par les vents, reproduirait-elle l’image de celui qui se tient sur ses bords ? Ainsi l’âme souillée, et celle-là même qui, sans être l’esclave des passions, n’est point maîtresse encore de toute agitation provenant de la terre, n’arrivera point au but de l’oraison qui est de reproduire en elle l’image tranquille de son Dieu.

La reproduction du grand modèle fut parfaite en vous ; et l’on put constater combien la nature en ce qu’elle a de bon, loin de pâtir et de perdre, gagne au contraire à cette refonte au divin creuset. Même en ce qui touche les plus légitimes affections, vous n’aviez plus de regards du côté de la terre ; mais voyant tout en Dieu, combien les sens n’étaient-ils pas dépasses dans leur infirmité menteuse, et combien aussi par là même croissait votre amour ! Témoin vos suaves prévenances, ici-bas et du haut du ciel, pour l’admirable mère que vous avait donnée le Seigneur : où trouver plus de tendresse que dans les épanchements de la lettre si belle écrite par vous à cette digne mère d’un saint, dans les derniers jours de votre pèlerinage ? Et quelle délicatesse exquise ne vous conduisait pas à lui réserver votre premier miracle, une fois dans la gloire ! Par ailleurs, l’Esprit-Saint, en vous embrasant de tous les feux de la divine charité, développait en vous pour le prochain un amour immense ; caria charité est une ; et on le vit bien, quand vous sacrifiâtes votre vie pour les malheureux pestiférés.

Ne cessez pas, illustre Saint, d’assister nos misères ; soyez propice à tous. Conduite par le successeur de Pierre au pied de votre trône, la jeunesse surtout se réclame de votre puissant patronage. Dirigez ses pas sollicités en tant de sens contraires ; que la prière et le travail pour Dieu soient sa sauvegarde ; éclairez-la, lorsque s’impose à elle le choix d’un état de vie. Puissiez-vous, durant ces critiques années de l’adolescence, user pour elle largement de votre beau privilège et protéger dans vos dévots clients l’angélique vertu ! Enfin, ô Louis, que ceux-là même qui ne vous auront pas imité innocent, vous suivent du moins dans la pénitence, ainsi que l’Église le demande au Seigneur en ce jour de votre fête.

 

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Dimanche dans l’Octave de la Fête-Dieu

20 Juin 2017 , Rédigé par Ludovicus

Dimanche dans l’Octave de la Fête-Dieu

Introït

Le Seigneur s’est fait mon protecteur et il m’a conduit au large : il m’a sauvé, parce qu’il m’aime. Je vous aimerai, Seigneur, ma force : Le Seigneur est mon ferme appui, et mon refuge et mon libérateur.

Collecte

Faites, Seigneur, que nous ayons toujours la crainte et l’amour de votre saint nom, parce que vous ne cessez jamais de diriger ceux que vous établissez dans la solidité de votre amour.

Epitre

Mes bien-aimés : Ne vous étonnez pas, si le monde vous hait.

Nous, nous savons que nous sommes passés de la mort à la vie, parce que nous aimons nos frères.

Celui qui n’aime pas demeure dans la mort. Quiconque hait son frère est un homicide ; et vous savez qu’aucun homicide n’a la vie éternelle demeurant en lui.

A ceci nous avons connu l’amour de Dieu : c’est qu’il a donné sa vie pour nous ; et nous devons aussi donner notre vie pour nos frères.

Si quelqu’un possède les biens de ce monde, et que, voyant son frère dans le besoin, il lui ferme ses entrailles, comment l’amour de Dieu demeure-t-il en lui ? Mes petits enfants, n’aimons pas en paroles ni avec la langue, mais par les actes et en vérité.

Evangile

En ce temps-là, Jésus dit cette parabole aux Pharisiens : Un homme fit un grand souper, et invita de nombreux convives, Et à l’heure du souper, il envoya son serviteur dire aux invités de venir, parce que tout était prêt. Mais tous, unanimement, commencèrent à s’excuser. Le premier lui dit : J’ai acheté une terre, et il est nécessaire que j’aille la voir ; je t’en prie, excuse-moi. Le second lui dit : J’ai acheté cinq paires de bœufs, et je vais les essayer ; je t’en prie, excuse-moi. Et un autre dit : J’ai épousé une femme, et c’est pourquoi je ne puis venir. A son retour, le serviteur rapporta cela à son maître. Alors le père de famille, irrité, dit à son serviteur : Va promptement sur les places et dans les rues de la ville, et amène ici les pauvres, les estropiés, les aveugles et les boiteux. Le serviteur dit ensuite : Seigneur, ce que vous avez commandé a été fait, et il y a encore de la place. Et le maître dit au serviteur : Va dans les chemins et le long des haies, et contrains les gens d’entrer, afin que ma maison soit remplie. Car, je vous le dis, aucun de ces hommes qui avaient été invités ne goûtera de mon souper.

Secrète

Que cette oblation qui va être consacrée en l’honneur de votre nom, nous purifie, Seigneur, et nous porte, de jour en jour, à la pratique d’une vie céleste.

Communion

Je chanterai le Seigneur qui m’a comblé de biens, et je louerai le nom du Très-Haut.

4e leçon

Sermon de saint Jean Chrysostome.

Puisque le Verbe a dit : « Ceci est mon corps, » adhérons et croyons à sa parole, et contemplons-le des yeux de l’esprit. Car le Christ ne nous a rien donné de sensible, mais sous des choses sensibles, il nous donne tout à comprendre. Il en est de même dans le baptême aussi, où par cette chose tout à fait sensible, l’eau, le don nous est conféré ; spirituelle est la chose accomplie, à savoir la régénération et la rénovation. Si tu n’avais point de corps, il n’y aurait rien de corporel dans les dons que Dieu te fait ; mais parce que l’âme est unie au corps, il te donne le spirituel au moyen du sensible. Combien y en a-t-il maintenant qui disent : Je voudrais le voir lui-même, son visage, ses vêtements, sa chaussure ? Eh bien, tu le vois, tu le touches, tu le manges. Tu désires de voir ses habits, et le voici lui-même qui te permet, non seulement de le voir, mais encore de le toucher, de le manger et de le recevoir au dedans de toi.

5e leçon

Que personne donc ne s’approche avec dégoût, avec nonchalance ; que tous viennent à lui, brûlants d’amour, remplis de ferveur et de zèle. Si les Juifs mangeaient l’agneau pascal debout, avec leur chaussure, un bâton à la main, avec empressement, à combien plus forte raison dois-tu pratiquer ici la vigilance ! Les Juifs étaient alors sur le point de passer de l’Égypte dans la Palestine, c’est pourquoi ils avaient l’attitude de voyageurs : mais toi, tu dois émigrer au ciel. Il te faut donc toujours veiller ; car ce n’est pas d’un léger supplice, que sont menacés ceux qui reçoivent le corps du Seigneur indignement. Songe à ta propre indignation contre celui qui a trahi et ceux qui ont crucifié le Sauveur ; prends garde que tu ne deviennes, toi aussi, coupable du corps et du sang du Christ. Ces malheureux firent souffrir la mort au très saint corps du Seigneur, et toi, tu le reçois avec une âme impure après tant de bienfaits. Non content de s’être fait homme, d’avoir été souffleté, crucifié, le Fils de Dieu a voulu de plus s’unir à nous, de telle sorte que nous devenons un même corps avec lui, non seulement par la foi, mais effectivement et en réalité.

6e leçon

Qui donc doit être plus pur que celui qui est participant d’un tel sacrifice ? Quel rayon de soleil ne doit point céder en splendeur à la main qui distribue cette chair, à la bouche qui est remplie de ce feu spirituel, à la langue qui est empourprée de ce sang redoutable ? Pense à tout l’honneur que tu reçois et à quelle table tu prends place. Ce que les Anges regardent en tremblant, ce dont ils ne peuvent soutenir la rayonnante splendeur, nous en faisons notre nourriture, nous nous y unissons et nous devenons avec le Christ un seul corps et une seule chair. « Qui dira les puissances du Seigneur, et fera entendre ses louanges ? » Quel pasteur a jamais donné son sang pour nourriture à ses brebis ? Que dis-je, un pasteur ? Il y a beaucoup de mères qui livrent à des nourrices étrangères les enfants qu’elles viennent de mettre au monde : Jésus-Christ n’agit pas de la sorte, il nous nourrit lui-même de son propre sang, il nous incorpore absolument à lui.

7e leçon

Homélie de saint Grégoire, Pape

Voici, très chers frères, en quoi les jouissances du corps et celles de l’âme diffèrent ordinairement ; les jouissances corporelles, avant leur possession, allument en nous un ardent désir ; mais pendant qu’on s’en repaît avidement, elles amènent bientôt au dégoût, par la satiété même, celui qui les savoure. Les jouissances spirituelles, au contraire, provoquent le mépris avant leur possession, mais excitent le désir quand on les possède ; et celui qui les goûte en est d’autant plus affamé qu’il s’en nourrit davantage. Dans celles-là, le désir plaît, mais l’expérience est déplaisir ; celles-ci semblent au contraire de peu de valeur lorsqu’on ne fait encore que les désirer, mais leur usage est ce qui plaît le plus. Dans les premières, l’appétit engendre le rassasiement, et le rassasiement, le dégoût ; dans les secondes, l’appétit fait naître la jouissance, et le rassasiement, l’appétit.

8e leçon

Les délices spirituelles augmentent en effet le désir dans l’âme, à mesure qu’elle s’en rassasie ; plus on goûte leur saveur, mieux on connaît qu’on doit les désirer avec avidité ; c’est ce qui explique pourquoi on ne peut les aimer sans les avoir éprouvées, puisqu’on n’en connaît pas la saveur. Qui peut, en effet, aimer ce qu’il ne connaît pas ? Aussi le Psalmiste nous en avertit en disant : « Goûtez et voyez combien le Seigneur est doux ». Comme s’il disait formellement : Vous ne connaissez pas sa douceur si vous ne le goûtez point, mais touchez avec le palais de votre cœur, l’aliment de vie, afin que, faisant l’expérience de sa douceur, vous deveniez capables de l’aimer. L’homme a perdu ces délices quand il pécha dans le paradis ; il en sortit lorsqu’il ferma sa bouche à l’aliment d’éternelle douceur.

9e leçon

De là, vient aussi qu’étant nés dans les peines de cet exil, nous en arrivons ici-bas à un tel dégoût, que nous ne savons plus ce que nous devons désirer. Cette maladie de l’ennui s’augmente d’autant plus en nous, que l’âme s’éloigne davantage de cette nourriture pleine de douceur. Elle en arrive à perdre tout appétit pour ces délices intérieures, par cette raison même qu’elle s’en est tenue éloignée et a perdu depuis longtemps l’habitude de les goûter. C’est donc notre dégoût qui nous fait dépérir ; c’est cette funeste inanition prolongée qui nous épuise. Et, parce que nous ne voulons pas goûter au dedans la douceur qui nous est offerte, nous aimons, misérables que nous sommes, la faim qui nous consume au dehors.

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La subversion ou l'art de la relecture

20 Juin 2017 , Rédigé par Ludovicus

LE PLAN DE "RÉINTERPRÉTATION" D'HUMANAE VITAE, PAR ROBERTO DE MATTEI


http://laportelatine.org/vatican/sanctions_indults_discussions/026_01_02_2017/humanae_vitae_mattei_170620.jpg

Ce sera Mgr Gilfredo Marengo, professeur à l’Institut Pontifical Jean-Paul II, qui sera coordinateur de la commission nommée par le pape François pour “réinterpréter”, à la lumière d’Amoris laetitia, l'encyclique Humanae Vitae de Paul VI, à l’occasion du cinquantième anniversaire de sa promulgation, l’an prochain. Les premières indiscrétions sur l’existence de cette commission, encore “secrète”, rapportées par le vaticaniste Marco Tosatti, étaient de source sûre. Nous pouvons confirmer que cette commission existe bien. Elle est composée de Mgr Pierangelo Sequeri, président de l’Institut Pontifical Jean-Paul II, du professeur Philippe Chenaux, enseignant d’Histoire de l’Eglise à l’Université Pontificale du Latran et de Mgr Angelo Maffeis, président de l’Institut Paul VI de Brescia. Le coordinateur est Mgr Gilfredo Marengo, professeur d’anthropologie théologique de l’Institut Pontifical Jean-Paul II et membre du Comité de direction de la revue CVII-Centro Vaticano II Studi e ricerche.

La commission nommée par le pape François est chargée de retrouver dans les archives du Vatican la documentation relative au travail préparatoire d’Humanae Vitae, qui se déroula sur une période de trois ans, pendant et après le Concile Vatican II. Le premier groupe d’étude sur le problème de la “régulation des naissances” fut mis en place par Jean XXIII en mars 1963 et élargi à 75 membres par Paul VI. En 1966, les “experts” remirent leurs conclusions au pape Montini, en suggérant d’accepter la contraception artificielle. En avril 1967, le document réservé de la commission – celui duquel devrait partir aujourd’hui la “révision” de l’encyclique – parut en même temps dans le journal Le Monde, en Grande-Bretagne dans The Tablet, et aux Etats-Unis dans le National Catholic Reporter. Mais Paul VI, après deux ans de remous, publia le 25 juillet 1968 l’encyclique Humanae Vitae, par laquelle il réaffirma la position traditionnelle de l’Eglise, qui a toujours interdit la limitation artificielle des naissances. Il s’agit, selon le philosophe Romano Amerio, de l’acte le plus important de son pontificat.[disons l’acte le plus catholique]

L'Humanae Vitae fut l’objet d’une contestation sans précédents, non seulement de la part de théologiens et de prêtres, mais aussi de certains épiscopats, à commencer par l’épiscopat belge, dirigé par le cardinal primat Léo Suenens qui, au Concile, s’était exclamé sur un ton véhément : « Suivons le processus de la science. Je vous en conjure, mes frères, évitons un nouveau procès Galilée. Un seul procès a suffi à l’Eglise”. Le cardinal Michele Pellegrino, archevêque de Turin, qualifia cette encyclique de l’«une des tragédies de l‘histoire pontificale ».

En 1969, neuf évêques hollandais, parmi lesquels le cardinal Alfrink, votèrent la fameuse Déclaration d’indépendance où ils invitaient les fidèles à refuser l’enseignement de l’encyclique Humanae Vitae. A cette même occasion, le Conseil pastoral Hollandais se prononça en faveur du Nouveau Catéchisme en refusant les corrections suggérées par Rome et demandant que l’Eglise reste ouverte à de « nouvelles approches radicales » sur les sujets moraux, qui n’étaient pas cités dans la motion finale, mais ressortaient des travaux du Conseil, comme les rapports avant le mariage, les unions homosexuelles, l’avortement et l’euthanasie. « En 1968, rappelle le cardinal Francis J. Stafford, advint quelque chose de terrible dans l’Eglise. Au sein du sacerdoce ministériel, entre amis, se vérifièrent partout des fractures qui ne se recomposeraient plus jamais, ces blessures qui continuent à affliger l’Eglise toute entière » (1968, l’anno della prova, dans L’Osservatore Romano, 25 juillet 2008).

Sur le sujet de la contraception, Paul VI s’est exprimé dans Humanae Vitae d’une manière que les théologiens jugent infaillible et donc non modifiable, non que le document réunisse en lui-même les conditions de l’infaillibité, mais parce qu’il réaffirme une doctrine proposée depuis toujours par le magistère pérenne de l’Eglise. Les théologiens jésuites Marcelino Zalba, John Ford et Gerald Kelly, les philosophes Arnaldo Xavier da Silveira et Germain Grisez, et bien d’autres auteurs, expliquent que la doctrine d’Humanae Vitae doit être considérée comme infaillible, non en vertu de son acte de promulgation, mais parce qu’elle confirme le magistère ordinaire universel des papes et des évêques du monde entier.

Mgr Gilfredo Marengo, le prélat à qui le pape François a confié la tâche de relire Humanae Vitae, fait partie au contraire de cette catégorie de prélats convaincus de pouvoir concilier l’inconciliable.

Dès septembre 2015, commentant sur Vaticaninsider les travaux du Synode sur la Famille, il invitait à « cesser de concevoir le patrimoine doctrinal de l’Eglise comme un système fermé, imperméable aux demandes et aux provocations de l’ici et maintenant où la communauté chrétienne est appelée à donner raison de sa foi, comme annonce et témoignage ». Dans un article plus récent du même journal, au titre significatif : Humanae Vitae et Amoris laetitia : des histoires parallèles(Vaticaninsider, 23 mars 2017), Mgr Marengo se demande si « le jeu polémique ‘pillule oui – pillule non’, tout comme l’actuel ‘communion aux divorcés oui – communion aux divorcés non’, n’est que l’apparence d’un malaise et d’une fatigue, bien plus crucial dans le tissu de la vie ecclésiale”. En effet, « chaque fois que la communauté chrétienne tombe dans l’erreur de proposer des modèles de vie dérivés d’idéaux théologiques trop abstraits et construits de façon artificielle, elle conçoit son action pastorale comme l’application schématique d’un paradigme doctrinal ». « Une certaine façon de concevoir et recevoir l’enseignement de Paul VI – ajoute-t-il– fut probablement l’un des facteurs pour lesquels – et il cite ici le pape François– nous avons présenté un idéal du mariage trop abstrait, presqu’artificiellement bâti, éloigné de la situation concrète et des possibilités effectives des familles telles qu’elles sont. Cette idéalisation excessive, surtout quand nous n’avons pas réveillé la confiance dans la grâce, n’a pas rendu le mariage plus désirable et attractif, mais ce fut tout le contraire » (François).

Pourtant, si l’antithèse « pillule oui – pillule non », tout comme l’actuelle « communion aux divorcés oui – communion aux divorcés non », n’est qu’« un jeu polémique», ce même principe pourra s’appliquer à tous les grands sujets de la foi et de la morale : “avortement oui – avortement non”, mais aussi “résurrection oui – résurrection non”, “péché originel oui – péché originel non” et ainsi de suite. L’opposition même entre vérité et erreur et bien et mal en vient à devenir « un jeu polémique ».

Remarquons que Mgr Marengo ne propose pas de lire Amoris laetitia dans la ligne de l’herméneutique de la continuité. Il ne nie pas qu’il y a une contradiction entre ces deux documents : il admet qu’Amoris laetitia autorise ce qu’Humanae Vitae interdit. Mais il estime que toute antithèse théologique et doctrinale doit être relativisée et dépassée dans une synthèse qui parvienne à concilier les opposés [Gnose talmudique]. La dichotomie est entre abstrait et concret, vérité et vie. Ce qui compte, pour Mgr Marengo, c’est de s’immerger dans la pratique pastorale, sans se plier à « des idéaux théologiques trop abstraits et artificiellement construits”. Ce sera la pratique et non la doctrine, qui définira les lignes d’action [approche typiquement marxiste et révolutionnaire]. Le comportement naît en somme du comportement. Et aucun comportement ne peut être soumis à d’abstraites évaluations théologiques et morales.

Il n’y a pas de “modèles de vie”, mais uniquement le flux de la vie, qui accueille tout, justifie tout, sanctifie tout. [Large est la voie de la perdition] Le principe d’immanence, fustigé par saint Pie X dans l’encyclique Pascendi(1907), est reproposé d’une façon exemplaire.

Y aura-t-il quelque pasteur ou théologien qui face à un tel programme de “réinterprétation” d’Humanae Vitae, ait le courage de prononcé le mot d’”hérésie” ?

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Sainte Julienne Falconieri vierge mémoire de Saint Gervais et Saint Protais martyrs

19 Juin 2017 , Rédigé par Ludovicus

Sainte Julienne Falconieri vierge mémoire de Saint Gervais et Saint Protais martyrs

Collecte

Dieu, vous avez daigné réconforter admirablement par le Corps précieux de votre Fils la bienheureuse Julienne, votre Vierge, peinant sous le poids de sa dernière maladie : accordez-nous, nous vous en prions, par l’intercession de ses mérites, d’être nous aussi nourris et fortifiés dans l’agonie de la mort et ainsi de parvenir à la patrie céleste.

Office

Quatrième leçon. Julienne, de la noble famille des Falconiéri, eut pour père l’illustre fondateur de l’église dédiée à la Mère de Dieu saluée par l’Ange, monument splendide dont il fit tous les frais et qui se voit encore à Florence. Il était déjà avancé en âge, ainsi que Reguardata, son épouse, jusque-là stérile, lorsqu’on l’année mil deux cent soixante-dix, leur naquit cette enfant. Au berceau, elle donna un signe non ordinaire de sa sainteté future, car on l’entendit prononcer spontanément de ses lèvres vagissantes les très doux noms de Jésus et de Marie. Dès l’enfance, elle s’adonna tout entière aux vertus chrétiennes et y excella de telle sorte que saint Alexis, son oncle paternel, dont elle suivait les instructions et les exemples, n’hésitait pas à dire à sa mère qu’elle avait enfanté un ange et non pas une femme. Son visage, en effet, était si modeste, son cœur resta si pur de la plus légère tache, que jamais, dans tout le cours de sa vie, elle ne leva les yeux pour considérer le visage d’un homme, que le seul mot de péché la faisait trembler et qu’il advint un jour qu’au récit d’un crime, elle tomba soudain presque inanimée. Elle n’avait pas encore achevé sa quinzième année, que, renonçant aux biens considérables qui lui venaient de sa famille et dédaignant les alliances d’ici-bas, elle voua solennellement à Dieu sa virginité entre les mains de saint Philippe Béniti, et la première reçut de lui, l’habit dit des Mantellates.

Cinquième leçon. L’exemple de Julienne fut suivi par beaucoup de nobles femmes, et l’on vit sa mère elle-même se ranger sous la direction de sa fille. Aussi, leur nombre augmentant peu à peu, elle établit ces Mantellates en Ordre religieux, leur donnant pour vivre pieusement, des règles qui révèlent sa sainteté et sa haute prudence. Saint Philippe Béniti connaissait si bien ses vertus que, sur le point de mourir, il ne crut pouvoir recommander à personne mieux qu’à Julienne non seulement les religieuses, mais l’Ordre entier des Servîtes, dont il avait été le propagateur et le chef. Cependant elle n’avait sans cesse que de bas sentiments d’elle-même ; maîtresse des autres, elle servait ses sœurs dans toutes les occupations domestiques même les plus viles. Passant des jours entiers à prier, elle était très souvent ravie en extase. Elle employait le temps qui lui restait, à apaiser les discordes des citoyens, à retirer les pécheurs de leurs voies mauvaises et à soigner les malades, auxquels, plus d’une fois, elle rendit la santé en exprimant avec ses lèvres le pus qui découlait de leurs ulcères. Meurtrir son corps par les fouets, les cordes à nœuds, les ceintures de fer, prolonger ses veilles ou coucher sur la terre nue lui était habituel. Chaque semaine, pendant deux jours, elle n’avait pour seule nourriture que le pain des Anges ; le samedi, elle ne prenait que du pain et de l’eau, et, les quatre autres jours, elle se contentait d’une petite quantité d’aliments grossiers.

Sixième leçon. Cette vie si dure lui occasionna une maladie d’estomac qui s’aggrava et la réduisit à l’extrémité alors qu’elle était dans sa soixante-dixième année. Elle supporta d’un visage joyeux et d’une âme ferme les souffrances de cette longue maladie ; la seule chose dont elle se plaignit, c’était que, ne pouvant retenir aucune nourriture, le respect dû au divin Sacrement la tint éloignée de la table eucharistique. Dans son angoisse, elle pria le Prêtre de consentir au moins à lui apporter ce pain divin que sa bouche ne pouvait recevoir et à l’approcher de sa poitrine. Le Prêtre, ayant acquiescé à son désir, à l’instant même, ô prodige ! Le pain sacré disparut et Julienne expira, le visage plein de sérénité et le sourire aux lèvres. On connut le miracle lorsque le corps de la Vierge dut être préparé selon l’usage pour la sépulture : on trouva, en effet, au côté gauche de la poitrine, imprimée sur la chair comme un sceau, la forme d’une hostie représentant l’image de Jésus crucifié. Le bruit de cette merveille et de ses autres miracles lui attira la vénération non seulement des habitants de Florence, mais de tout l’univers chrétien ; et cette vénération s’accrut tellement pendant près de quatre siècles entiers, qu’enfin le Pape Benoît XIII ordonna qu’au jour de sa Fête il y eût un Office propre dans tout l’Ordre des servites de la Bienheureuse Vierge Marie. Sa gloire éclatant de jour en jour par de nouveaux miracles, Clément XII, protecteur généreux du même Ordre, inscrivit Julienne au catalogue des saintes Vierges.

Miraculeusement munie du viatique sacré, Julienne achève aujourd’hui son pèlerinage ; elle se présente aux portes du ciel, montrant sur son cœur l’empreinte laissée par l’Hostie. Florence, où elle naquit, voit briller d’un éclat nouveau le lis qui resplendit sur ses armes ; d’autres sont déjà venus, d’autres viendront encore manifester, par les sublimes vertus pratiquées en ses murs, que l’Esprit d’amour se complaît dans la ville des fleurs. Qui dira la gloire des montagnes formant à la noble cité cette couronne que les hommes admirent, et que les anges trouvent plus splendide encore ? Vallombreuse, et, par delà, Camaldoli, l’Alverne : forteresses saintes, au pied desquelles tremble l’enfer ; réservoirs sacrés des grâces de choix, gardés par les séraphins ! De là, plus abondantes et plus pures que les flots de l’Arno, s’épanchent sur cette heureuse contrée les eaux vives du salut.

Trente-sept années avant la naissance de Julienne, il sembla que Florence allait devenir, sous l’influence d’un tel voisinage, un paradis nouveau : tant la sainteté y parut commune, tant les prodiges s’y vulgarisèrent. Sous les yeux de l’enfer en furie, la Mère de la divine grâce, aimée, chantée par ses dévots clients, multipliait ses dons. Au jour de son Assomption, sept personnages des plus en vue par la noblesse, la fortune et les charges publiques, avaient été soudain remplis d’une flamme céleste qui les portait à se consacrer sans partage au culte de Notre-Dame ; bientôt, sur le passage de ces hommes disant adieu au monde, les enfants à la mamelle s’écriaient tout d’une voix dans la ville entière : « Voici les serviteurs de la Vierge Marie ! » Parmi les innocents dont la langue se déliait ainsi pour annoncer les mystères divins, était un nouveau-né de l’illustre famille des Benizi ; on le nommait Philippe, et il avait vu le jour en cette fête même de l’Assomption où Marie venait de fonder, pour sa louange et celle de son Fils, le très pieux Ordre des Servîtes.

Nous aurons à revenir sur cet enfant, qui fut le propagateur principal du nouvel Ordre ; car l’Église célèbre sa naissance dans le ciel au lendemain de l’Octave de la grande fête qui le vit naître ici-bas. Il devait être devant Dieu le père de Julienne. En attendant, les sept conviés de Marie au festin de la pénitence, tous fidèles jusqu’à la mort, tous inscrits eux-mêmes au catalogue des Saints, s’étaient retirés à trois lieues de Florence au désert du mont Senario. Là, Notre-Dame mit sept années à les former au grand dessein dont ils étaient, à leur insu, les instruments prédestinés. Durant un si long temps, selon le procédé divin tant de fois relevé par nous en ces jours, l’Esprit-Saint commença par éloigner d’eux toute autre pensée que celle de leur propre sanctification, les employant à la mortification des sens et de l’esprit dans l’exclusive contemplation des souffrances du Seigneur et de sa divine Mère. Deux d’entre eux descendaient chaque jour à la ville, pour y mendier leur pain et celui de leurs compagnons. L’un de ces mendiants illustres était Alexis Falconiéri, le plus avide d’humiliations parmi les sept. Son frère, qui continuait d’occuper un des principaux rangs parmi les citoyens, était digne du bienheureux et s’honorait de ces héroïques abaissements. Aussi le vit-on, avec le concours de la religieuse cité sans distinction de classes, doter d’une magnifique église la pauvre retraite que les solitaires du mont Senario avaient fini par accepter, comme pied-à-terre, aux portes de Florence.

Pour honorer le mystère où leur auguste Souveraine s’était elle-même déclarée la servante du Seigneur, les Servites de Marie voulurent qu’on y représentât sur la muraille la scène où Gabriel salua pleine de grâce dans son humilité l’impératrice de la terre et des cieux. L’Annonciade fut le nom du nouveau monastère, qui devint le plus considérable de l’Ordre. Entre les merveilles que la richesse et l’art des siècles suivants ont réunies dans son enceinte, le principal trésor reste toujours cette fresque primitive dont le peintre, moins habile que dévot à Marie, mérita d’être aidé par les anges. D’insignes faveurs, descendant sans interruption de l’image bénie, amènent jusqu’en nos temps la foule à ses pieds ; si la ville des Médicis et des grands-ducs, englobée dans le brigandage universel de la maison de Savoie, a gardé mieux que plusieurs autres l’ardente piété des beaux temps de son histoire, elle le doit à son antique madone, et à ses saints qui semblent composer à Notre-Dame un cortège d’honneur.

Ces détails étaient nécessaires pour faire mieux comprendre le récit abrégé où l’Église renferme la vie de notre Sainte. Née d’une mère stérile et d’un père avancé en âge, Julienne fut la récompense du zèle que ce père, Carissimo Falconiéri, avait déployé pour l’Annonciade. C’est près de la sainte image qu’elle devait vivre et mourir ; c’est près d’elle encore que reposent aujourd’hui ses reliques sacrées. Élevée par saint Alexis, son oncle, dans l’amour de Marie et de l’humilité, elle se dévoua dès son plus jeune âge à l’Ordre qu’avait fondé Notre-Dame, n’ambitionnant qu’un titre d’oblate, qui lui permît de servir au dernier rang les serviteurs et servantes de la Mère de Dieu ; c’est ainsi que, plus tard, elle fut reconnue comme institutrice du tiers-ordre des Servites, et se vit à la tête de la première communauté des Mantelées ou tertiaires de son sexe. Mais son influence auprès de Dieu s’étendit bien plus, et l’Ordre entier la salue comme sa mère ; car ce fut elle qui véritablement acheva l’œuvre de sa fondation, et lui donna stabilité pour les siècles à venir.

L’Ordre, en effet, que quarante années de miraculeuse existence et le gouvernement de saint Philippe Benizi avaient merveilleusement étendu, traversait alors une crise suprême, d’autant plus redoutable que de Rome même partait la tempête. Il s’agissait d’appliquer partout les canons des conciles de Latran et de Lyon, qui prohibaient l’introduction d’Ordres nouveaux dans l’Église ; l’établissement des Servites étant postérieur au premier de ces conciles, Innocent V résolut leur suppression. Déjà défense avait été faite aux supérieurs de recevoir aucun novice à la profession ou à la vêture ; et, en attendant la sentence définitive, les biens de l’Ordre étaient considérés d’avance comme dévolus au Saint-Siège. Philippe Benizi allait mourir, et Julienne n’avait pas quinze ans. Toutefois, éclairé d’en haut, le saint n’hésita pas : il confia l’Ordre à Julienne, et s’endormit dans la paix du Seigneur. L’événement justifia sa confiance : à la suite de péripéties qu’il serait long de rapporter, Benoît XI, en 1304, donnait aux Servîtes la sanction définitive de l’Église. Tant il est vrai que dans les conseils de la Providence ne comptent ni le rang, ni le sexe, ni l’âge ! La simplicité d’une âme qui a blessé le cœur de l’Époux, est plus forte en son humble soumission que l’autorité la plus haute, et sa prière ignorée prévaut sur les puissances même établies de Dieu.

Servir Marie était, ô Julienne, la seule noblesse qui arrêtât vos pensées ; partager ses douleurs, la récompense unique qu’ambitionnât en ses abaissements votre âme généreuse. Vos vœux furent satisfaits. Mais, du haut de ce trône où elle règne maintenant sur les hommes et les anges, celle qui se confessa la servante du Seigneur et vit Dieu regarder sa bassesse, voulut aussi vous exalter comme elle-même au-dessus des puissants. Trompant l’obscurité silencieuse où vous aviez résolu de faire oublier l’éclat humain de votre naissance, votre gloire sainte éclipsa bientôt l’honneur, pourtant si pur, qui s’attachait dans Florence au nom de vos pères ; c’est à vous, humble tertiaire, servante des serviteurs de Notre-Dame, que le nom des Falconiéri doit d’être aujourd’hui connu dans le monde entier. Bien mieux : au pays des vraies grandeurs, dans la cité céleste où l’Agneau, par ses rayons inégalement distribués sur le front des élus, constitue les rangs de la noblesse éternelle, vous brillez d’une auréole qui n’est rien moins qu’une participation de la gloire de Marie. Comme elle fit en effet pour l’Église après l’Ascension du Seigneur, vous-même, en ce qui touche l’Ordre glorieux des Servîtes, laissant à d’autres l’action qui paraît au dehors et l’autorité qui régit les âmes, n’en fûtes pas moins dans votre humilité la maîtresse et la mère de la famille nouvelle que Dieu s’était choisie. Plus d’une fois dans le cours des âges la divine Mère voulut ainsi glorifier ses imitatrices, en faisant d’elles jusque-là, contre leur attente, ses copies très fidèles. Dans la famille confiée à Pierre par son divin Fils, Notre-Dame était la plus soumise au gouvernement du vicaire de l’Homme-Dieu et des autres Apôtres ; tous cependant savaient qu’elle était leur reine, et la source des grâces d’affermissement et d’accroissement répandues sur l’Église. De même, ô Julienne, la faiblesse du sexe et de l’âge n’empêcha point un Ordre puissant de vous proclamer sa lumière et sa gloire, parce que le Très-Haut, libre en ses dons, voulut accorder à votre jeunesse les résultats refusés à la maturité, au génie, à la sainteté de Philippe Benizi votre père.

Continuez votre aide à la famille pieuse des Servîtes de Marie. Étendez votre assistance bénie à tout l’Ordre religieux si éprouvé de nos jours. Que Florence garde par vos soins, comme son souvenir le plus précieux, celui des faveurs de Notre-Dame et des saints qu’a produits en elle la foi des vieux âges. Que toujours l’Église ait à chanter, pour des bienfaits nouveaux, la puissance que l’Époux divin daigna vous octroyer sur son Cœur. En retour de la faveur insigne par laquelle il voulut couronner votre vie et consommer en vous son amour, soyez propice à nos derniers combats ; obtenez-nous de ne point mourir sans être munis du viatique sacré. L’Hostie sainte, proposée par une autre Julienne à nos adorations plus spéciales en ces jours, illumine de ses feux toute cette partie du Cycle. Qu’elle soit l’amour de notre vie entière ; qu’elle nous fortifie dans la lutte suprême. Puisse notre mort être aussi le passage heureux du banquet divin d’ici-bas aux délices de l’union éternelle.

 

Sainte Julienne Falconieri vierge mémoire de Saint Gervais et Saint Protais martyrs
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Messe du 1er Dimanche après la Pentecôte

16 Juin 2017 , Rédigé par Ludovicus

Messe du 1er Dimanche après la Pentecôte

Collecte

Dieu, vous êtes la force de ceux qui espèrent en vous, soyez propice à nos demandes : et puisque la faiblesse de l’homme ne peut rien sans vous, donnez-nous le secours de votre grâce ; afin que fidèles à observer vos commandements, nous puissions vous plaire de volonté et d’action.

Epître

Mes bien-aimés, Dieu est amour. L’amour de Dieu s’est manifesté parmi nous en ceci : Dieu a envoyé son Fils unique dans le monde, afin que nous vivions par lui.

L’amour consiste en ce que ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, mais que c’est lui qui nous a aimés le premier, et qui a envoyé son Fils comme une propitiation pour nos péchés.

Bien-aimés, si c’est ainsi que Dieu nous a aimés, nous aussi nous devons nous aimer les uns les autres.

Personne n’a jamais vu Dieu.

Si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous, et son amour est parfait en nous.

A ceci nous connaissons que nous demeurons en lui, et lui en nous : à ce qu’il nous a donné de son Esprit. Et nous, nous avons vu et nous attestons que le Père a envoyé son Fils comme sauveur du monde.

Tout homme qui confessera que Jésus est le Fils de Dieu, Dieu demeure en lui, et lui en Dieu.

Et nous, nous avons connu l’amour que Dieu a pour nous, et nous y avons cru.

Dieu est amour, et celui qui demeure dans l’amour demeure en Dieu, et Dieu en lui.

La perfection de l’amour de Dieu en nous, c’est que nous ayons de l’assurance au jour du jugement, parce que tel il est, lui, tels aussi nous sommes en ce monde.

La crainte n’est point dans l’amour ; mais l’amour parfait bannit la crainte ; car la crainte suppose une peine, et celui qui craint n’est point parfait dans l’amour.

Nous donc, aimons Dieu, puisque Dieu nous a aimés le premier.

Si quelqu’un dit : J’aime Dieu, et qu’il haïsse son frère, c’est un menteur. Car comment celui qui n’aime pas son frère qu’il voit, peut-il aimer Dieu qu’il ne voit pas ? Et c’est là le commandement que nous tenons de Dieu : Que celui qui aime Dieu aime aussi son frère.

Evangile

En ce temps-là : Jésus dit à ses disciples : Soyez miséricordieux, comme votre Père est miséricordieux.

Ne jugez point, et vous ne serez pas jugés ; ne condamnez point, et vous ne serez pas condamnés ; pardonnez, et on vous pardonnera.

Donnez, et on vous donnera : on versera dans votre sein une bonne mesure, pressée, et secouée, et qui débordera. Car la même mesure avec laquelle vous aurez mesuré servira de mesure pour vous.

Il leur proposait aussi cette comparaison : Est-ce qu’un aveugle peut conduire un aveugle ? Ne tomberont-ils pas tous deux dans la fosse ?

Le disciple n’est pas au-dessus du maître ; mais tout disciple sera parfait, s’il est comme son maître.

Pourquoi vois-tu le fétu dans l’oeil de ton frère, sans apercevoir la poutre qui est dans ton œil ? Ou comment peux-tu dire à ton frère : Frère, laisse-moi ôter le fétu qui est dans ton œil, toi qui ne vois pas la poutre qui est dans le tien ? Hypocrite, ôte d’abord la poutre qui est dans ton œil, et ensuite tu verras comment tu pourras ôter le fétu de l’œil de ton frère.

Secrète

Nos hosties vous sont offertes, recevez-les favorablement, Seigneur : et faites qu’elles nous servent à obtenir un secours perpétuel.

Postcommunion

Nous sommes nourris, Seigneur, de si grands biens : faites, nous vous en supplions, que nous profitions de ces dons salutaires et que nous ne cessions jamais de vous louer.

Office

Homélie de saint Augustin, Évêque.

Il y a deux œuvres de miséricorde qui délivrent les âmes et que le Seigneur nous propose brièvement dans l’Évangile : « Remettez et il vous sera remis, donnez et il vous sera donné. » Cette parole, « remettez et il vous sera remis » regarde le pardon des offenses ; cette autre, « donnez et il vous sera donné » regarde l’obligation de faire du bien au prochain. Pour ce qui concerne le pardon, d’une part, tu désires que ton péché te soit pardonné, et d’une autre part, tu as à pardonner à ton prochain. Et pour ce qui regarde le devoir de la bienfaisance, un mendiant te demande l’aumône, et tu es toi-même le mendiant de Dieu. Tous en effet, nous sommes, lorsque nous prions, les mendiants de Dieu ; nous nous tenons à la porte de ce père de famille grand et puissant, nous nous y prosternons, nous gémissons dans nos supplications, nous voulons recevoir un don : et ce don, c’est Dieu lui-même. Que te demande le mendiant ? Du pain. Et toi, que demandes-tu à Dieu, sinon le Christ qui a dit : « Je suis le pain vivant, qui suis descendu du ciel ». Voulez-vous qu’il vous soit pardonné ? Remettez et il vous sera remis. Voulez-vous recevoir ? Donnez et l’on vous donnera.

 

 

 

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FÊTE-DIEU

15 Juin 2017 , Rédigé par Ludovicus

FÊTE-DIEU

Introït

Il les a nourris de la fleur du froment, et il les a rassasiés du miel sorti du rocher, alléluia, alléluia, alléluia. Exultez en Dieu notre protecteur : jubilez en l’honneur du Dieu de Jacob.

Collecte

Dieu, vous nous avez laissé sous un Sacrement admirable le mémorial de votre passion : accordez-nous, nous vous en prions, de vénérer les mystères sacrés de votre Corps et de votre Sang ; de manière à ressentir toujours en nous le fruit de votre rédemption.

Epître

Mes frères : j’ai appris du Seigneur ce que je vous ai moi-même transmis : que le Seigneur Jésus, la nuit où il était livré, prit du pain, et après avoir rendu grâces, le rompit, et dit : Prenez et mangez ; ceci est mon corps, qui sera livré pour vous ; faites ceci en mémoire de moi. Il prit de même le calice, après avoir soupé, en disant : Ce calice est la nouvelle alliance en mon sang ; faites ceci en mémoire de moi, toutes les fois que vous en boirez. Car toutes les fois que vous mangerez ce pain, et que vous boirez ce calice, vous annoncerez la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne.

C’est pourquoi quiconque mangera ce pain ou boira le calice du Seigneur indignement, sera coupable envers le corps et le sang du Seigneur. Que l’homme s’éprouve donc lui-même, et qu’ainsi il mange de ce pain et boive de ce calice. Car celui qui mange et boit indignement, mange et boit sa condamnation, ne discernant pas le corps du Seigneur.

Graduel

Les yeux de tous, Seigneur, espèrent tournés vers vous : et vous leur donnez leur nourriture, en son temps.

Vous ouvrez votre main : et vous comblez de bénédiction tout ce qui a vie. Alléluia, alleluia.

Ma chair est vraiment une nourriture, et mon sang est vraiment un breuvage ; celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui.

Evangile

En ce temps-là : Jésus, dit aux Juifs : Ma chair est vraiment une nourriture, et mon sang est vraiment un breuvage. Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en Moi, et Moi en lui.

Comme le Père qui m’a envoyé est vivant, et que moi je vis par le Père, de même celui qui me mange vivra aussi par Moi.

C’est ici le pain qui est descendu du ciel. Ce n’est pas comme la manne que vos pères ont mangée, après quoi ils sont morts. Celui qui mange ce pain vivra éternellement.

Secrète

Nous vous en supplions, Seigneur, accordez dans votre bonté à votre Église les dons de l’unité et de la paix : que figurent mystiquement les matières offertes en ce sacrifice.

Postcommunion

Nous vous en supplions, Seigneur, faites que nous soyons rassasiés par la jouissance éternelle de votre divinité : jouissance dont la réception dans le temps, de votre précieux Corps et de votre Sang, nous est une figure à l’avance.

Chante, ô ma langue, le mystère
du corps glorieux
et du sang précieux
que pour la rançon du monde,
le fruit d’un sein généreux,
le Roi des nations a versé.

Il nous fut donné ; pour nous il est né
de la Vierge sans tache ;
il vécut dans le monde,
il y a jeté la semence de sa parole,
il acheva son séjour ici-bas
par une admirable institution.

Dans la nuit de la dernière cène,
attablé avec ses frères,
ayant pleinement observé la loi
avec les nourritures légales,
au groupe des douze il se donne
en aliment de ses propres mains.

Le Verbe fait chair, par son Verbe,
fait de sa chair le vrai pain ;
et le vin devient le sang du Christ ;
si la raison défaille ici,
pour rassurer le cœur pur
la foi seule suffit.

Un si grand Sacrement
adorons donc, prosternés :
que l’ancienne alliance cède la place
à ce rite nouveau :
et que la foi supplée
à la défaillance des sens.

Au Père et au Fils
louange et acclamation,
salut et honneur et puissance
en même temps que bénédiction :
à Celui qui procède des deux
soit un hommage égal.
Amen.

 

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Saint Basile le Grand évêque confesseur et docteur

14 Juin 2017 , Rédigé par Ludovicus

Saint Basile le Grand évêque confesseur et docteur

AU DEUXIÈME NOCTURNE.

Quatrième leçon. Basile, noble Cappadocien, après avoir étudié à Athènes les lettres profanes en compagnie de son intime ami Grégoire de Nazianze, acquit dans un monastère une connaissance admirable des sciences sacrées ; en peu de temps sa doctrine et sa sainteté furent telles, qu’on lui donna le surnom de Grand. Appelé à prêcher l’Évangile de Jésus-Christ dans le Pont, il ramena dans la voie du salut cette province qui s’était éloignée des habitudes chrétiennes. Eusèbe, Évêque de Césarée, se l’adjoignit bientôt pour instruire le peuple de cette ville, et Basile lui succéda sur ce siège. Il se montra l’ardent défenseur de la consubstantialité du Père et du Fils ; l’empereur Valens, irrité contre lui, fut vaincu par de tels miracles, qu’en dépit de sa volonté bien arrêtée de l’envoyer en exil, il dut abandonner son projet.

Cinquième leçon. Étant sur le point de porter le décret de bannissement contre Basile, le siège où il voulait s’asseoir se brisa ; de trois roseaux qu’il prit pour écrire ce décret, aucun ne laissa couler l’encre ; et comme il n’en persistait pas moins dans la résolution de rédiger ce décret impie, sa main droite, énervée et toute tremblante, refusa d’obéir. Valens effrayé mit en pièces de ses deux mains le papier fatal. Pendant la nuit qu’on avait donnée à Basile pour délibérer, l’impératrice fut torturée de douleurs d’entrailles et son fils unique tomba gravement malade. L’empereur terrifié, reconnaissant son injustice, appela Basile ; en sa présence, l’enfant commença d’aller mieux, mais Valens ayant invité ensuite les hérétiques à voir le petit malade, il mourut peu après.

Sixième leçon. Basile était d’une abstinence et d’une continence admirables ; il se contentait d’une seule tunique et gardait un jeûne rigoureux. Assidu à la prière, il y employait souvent toute la nuit. Il garda une virginité perpétuelle. Dans les monastères qu’il fonda, la vie des moines fut réglée de telle sorte qu’elle réunit on ne peut mieux les avantages de la solitude et de l’action. Ses nombreux écrits sont pleins de science, et personne, au témoignage de Grégoire de Nazianze, n’expliqua les Livres saints avec plus d’abondance et de vérité. Sa mort arriva le premier janvier ; n’ayant vécu que par l’esprit, il semblait ne garder de son corps que les os et la peau.

AU TROISIÈME NOCTURNE.

Homélie de saint Basile, Évêque.

Septième leçon. Le parfait renoncement consiste à en venir à ne pas être porté à aimer la vie pour elle-même, et à comprendre la leçon de la mort qui nous avertit de ne pas nous fier en nos propres forces. Ce renoncement commence par le dépouillement des choses extérieures, comme des biens, de la vaine gloire, des habitudes de la vie, de l’amour des choses inutiles. Ils nous l’ont montré, à l’imitation de notre Seigneur, ses saints disciples Jacques et Jean, par exemple, quand ils ont laissé leur père Zébédée et jusqu’à leur barque, dont dépendait leur subsistance. Matthieu l’a pratiqué aussi, lorsqu’il se leva de son bureau et suivit le divin Maître.

Huitième leçon. Mais qu’est-il besoin de nos raisons ou des exemples des saints pour appuyer nos paroles, puisque nous pouvons produire les propres enseignements du Seigneur, enseignements bien capables d’émouvoir une âme religieuse et craignant Dieu ? Voici ce que le Seigneur déclare nettement et sans laisser place au doute : « Ainsi donc quiconque d’entre vous ne renonce point à tout ce qu’il possède, ne peut être mon disciple. » Et ailleurs, après avoir dit : « Si tu veux être parfait, va, vends tout ce que tu as et donne-le aux pauvres ; » il ajoute : « Viens, suis-moi. »

Neuvième leçon. Le renoncement est donc, comme nous l’avons enseigné, le dégagement des liens qui nous attachent à cette vie terrestre et temporelle ; c’est la délivrance des affaires humaines, délivrance dont l’effet est de nous rendre dociles et prompts à suivre le chemin qui conduit à Dieu : c’est le moyen qui nous facilite l’acquisition et l’usage des biens mille fois préférables à l’or et aux pierres précieuses. C’est ce qui porte le cœur humain si haut, qu’il peut habiter dans le ciel et dire : « Notre vie est dans les deux. » C’est enfin, et surtout, ce par quoi nous commençons à ressembler à Jésus-Christ « qui pour nous s’est fait pauvre, de riche qu’il était. »

 

Parler brièvement des mérites de Basile est difficile, et au-dessus de nos forces. Que parle donc, et mieux que nous, saint Éphrem, qui fit son éloge quand le grand évêque vivait encore.

Le saint diacre d’Édesse reçut, en une vision, l’ordre du Seigneur d’aller à Césarée trouver Basile : Ecce in domo mea vas splendidum est ac magnificum, quod tibi suppeditabit cibum. — Il se met donc en route, part d’Édesse de Syrie, et va à Césarée, où il trouve Basile prêchant dans l’église, avec l’Esprit Saint sous la forme d’une colombe, sur son épaule. Voici comment Ephrem nous décrit l’impression qu’il en éprouva :

Vidi in Sanctis Sanctorum Vas Electionis, coram armento ovium præclare extensum, verbisque maiestate plenis exornatum atque distinctum, omniumque oculos in illud defixos.
Vidi templum ab eo spiritu vegetatum, eiusque in viduas ac orphanos potissimum commiserationes.
Vidi... ipsum Pastorem pennis Spiritus sursum pro nobis preces tollentem, filumque orationis deducentem.
Vidi ab ipso ecclesiam ornatam et dilectam aptissime compositam.
Prospexi ab ipso manare doctrinam Pauli, legem Evangeliorum, et timorem Mysteriorum.

L’histoire de la primauté pontificale trouve en Basile l’un de ses défenseurs les plus convaincus. Quand, du fait des abus de pouvoir des Ariens, toutes les Églises d’Orient étaient bouleversées, le Saint juge que l’unique remède est l’intervention du Pape, et il écrit dans ce but au grand saint Athanase : Visum est autem mihi consentaneum ut scribatur episcopo Romæ, ut quæ hic geruntur consideret et sententiam suam exponat. Et quoniam difficile est ut communi ac synodico decreta aliqui illinc mittantur, ipse sua auctoritate in ista causa usus, viros eligat... omnia secum habentes necessaria, ad ea rescindenda, quæ Arimini per vim et violentiam gesta sunt.

C’est aussi dans ce sens que Basile écrivit à Damase, lui dépeignant l’état misérable de l’Orient : Universusquidem prope modum Oriens, Pater colendissime, hoc est quidquid ab Illyrico ad Ægyptum usque protenditur, vehementi tempestate et fluctuum exagitatione percellitur... Horum carte malorum remedium esse unicum arbitramur, miserationis tuæ visitationem sollicitudinemque.

Non moins que le monachisme oriental, le monachisme bénédictin considère saint Basile comme son patriarche et son législateur. En effet, saint Benoît, en de nombreux passages de sa Règle, dépend du saint évêque de Césarée, à la Règle duquel il renvoie directement ses disciples avides d’une nourriture spirituelle plus forte. Dans le haut moyen âge, de nombreux monastères d’Europe suivaient simultanément les Règles de Saint Basile et de Saint Benoît ; et en Italie surtout, les monastères grecs, gouvernés conformément aux canons monastiques basiliens, se maintinrent nombreux et florissants jusqu’au XVIIe siècle.

Sous l’influence de ces éléments, le culte liturgique de saint Basile fut relativement répandu, et nous trouvons jusque dans la Ville éternelle un antique monastère portant son nom. Saint-Basile in scala mortuorum, près du Forum de Nerva, fut jadis une des principales abbayes romaines et il en est question dans un document d’Agapit II. Sa destruction est toute récente.

A saint Basile était également dédiée l’église monastique de Sainte-Marie-Aventine, érigée par Albéric dans sa propre demeure, du temps de saint Odon. Là Hildebrand, le futur Grégoire VII, professa la vie monastique sous la Règle du patriarche du Mont-Cassin.

Il existe encore à Rome une troisième petite église consacrée à saint Basile. Elle se trouve non loin du titulus Susannæ, et au XVIIe siècle on y ouvrit un collège de moines basiliens italo-grecs.

Dans la basilique vaticane se trouve un autel dédié à saint Basile, et le tableau qui le surmonte représente le Saint célébrant les divins mystères avec tant de dévotion et de majesté, que l’empereur arien Valens, entrant dans l’église le jour de l’Epiphanie, faillit s’évanouir de terreur.

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Saint Antoine de Padoue confesseur et docteur

13 Juin 2017 , Rédigé par Ludovicus

Saint Antoine de Padoue confesseur et docteur

Office

Quatrième leçon. Antoine naquit à Lisbonne en Portugal, de parents nobles qui l’élevèrent pieusement. Jeune homme, il embrassa la vie des Chanoines réguliers. Comme on transportait à Coïmbre les corps de cinq bienheureux Martyrs, Frères mineurs qui avaient récemment souffert pour la foi au Maroc, leur vue embrasa Antoine du désir d’être aussi martyrisé, et il passa dans l’Ordre des Franciscains. Sous l’impulsion de ce désir, il se dirigea vers le pays des Sarrasins ; mais une maladie le réduisit à l’impuissance et le força de revenir. Or, bien que le navire qui le portait fît voile pour l’Espagne, les vents le poussèrent en Sicile.

Cinquième leçon. De la Sicile, il se rendit au chapitre général qui se tenait à Assise. Puis, retiré dans l’ermitage du mont Saint-Paul en Toscane, il y vaqua longtemps à la divine contemplation, aux jeûnes et aux veilles. Élevé plus tard aux saints Ordres, il reçut la mission de prêcher l’Évangile. La sagesse et la facilité de sa parole lui obtinrent tant de succès et excitèrent une telle admiration que, prêchant un jour devant le souverain Pontife, il fut appelé par lui l’arche du Testament. Il poursuivit les hérésies avec une extrême rigueur, et les coups qu’il leur porta lui valurent le nom de perpétuel marteau des hérétiques.

Sixième leçon. Le premier de son ordre, à cause de l’éclat de sa science, il expliqua les saintes lettres à Bologne et ailleurs, et dirigea les études de ses frères. Après avoir parcouru nombre de provinces, il vint, un an avant sa mort, à Padoue, où il laissa d’insignes monuments de sa sainteté. Enfin, ayant accompli de grands travaux pour la gloire de Dieu, chargé de mérites, illustré par ses miracles, il s’endormit dans le Seigneur aux ides de juin, l’an du salut mil deux cent trente et un. Le souverain Pontife Grégoire IX l’a inscrit au nombre des saints Confesseurs. Il fut déclaré Docteur de l’Église Universelle par le Pape Pie XII.

Réjouis-toi, heureuse Padoue, riche d’un trésor sans prix ! Antoine, en te léguant son corps, a plus fait pour ta gloire que les héros qui te fondèrent en ton site fortuné, que les docteurs de ton université fameuse. Cité chérie du Fils de Dieu, dans le siècle même qui le vit prendre chair au sein de la Vierge bénie, il envoyait Prosdocime t’annoncer sa venue ; et tout aussitôt, répondant aux soins de ce disciple de Pierre, ton sol fertile offrait au Seigneur Jésus la plus belle fleur de l’Italie dans ces premiers jours, la noble Justine, joignant aux parfums de sa virginité la pourpre du martyre : mère illustre, à qui tu devras de voir se reformer dans tes murs les phalanges monastiques présentement dispersées ; nouvelle Debbora, qui bientôt étendra sur Venise ta rivale son patronage glorieux, et, unissant sa force suppliante à la puissance du lion de saint Marc, obtiendra du Dieu des armées le salut de la chrétienté dans les eaux de Lépante. Aujourd’hui, comme si, ô Padoue, tes gloires natives ne suffisaient pas aux ambitions pour toi de l’éternelle Sagesse, voici que du fond de l’antique Ibérie, Lisbonne est contrainte de te céder sa perle la plus précieuse. Au milieu des troubles qui agitent l’Église et l’empire, dans la confusion qu’amène l’anarchie au sein des villes italiennes, Antoine et Justine partageront le soin de ta défense contre les tyrans ; l’Occident tout entier bénéficiera de cette alliance redoutable sur terre et sur mer aux ennemis de la paix et du nom chrétien. Combats nouveaux, qu’aime le Seigneur ! Quand cessent de se montrer les forts en Israël, Dieu se lève et triomphe par les petits et les faibles. L’Église alors en paraît plus divine.

Le temps de Charlemagne n’est plus. L’œuvre de saint Léon III subsiste toujours ; mais les césars allemands ont trahi Rome, dont ils tenaient l’empire. L’homme ennemi, laissé libre, a semé l’ivraie dans le champ du Père de famille ; l’hérésie germe en divers lieux, le vice pullule ; et si les papes, aidés des moines, sont parvenus, en d’héroïques combats, à rejeter le désordre en dehors du sanctuaire, les peuples, exploités trop longtemps par des pasteurs vendus, restent sur la défiance, et se détachent maintenant de l’Église. Qui les ramènera ? Qui fera sur Satan cette nouvelle conquête du monde ? C’est alors que, toujours présent et vivant dans l’Église, l’Esprit de la Pentecôte suscite les fils de Dominique et de François. Milice nouvelle organisée pour des besoins nouveaux, ils se jettent dans l’arène, poursuivant l’hérésie dans ses repaires les plus secrets comme au grand jour, tonnant contre les vices des petits et des grands, combattant l’ignorance ; partout dans les campagnes et les villes ils se font écouter, déconcertant les faux docteurs tout à la fois par les arguments de la science et du miracle, se mêlant au peuple qu’ils subjuguent par la vue de leur héroïque détachement donné en spectacle au monde, et qu’ils rendent au Seigneur repentant et affermi, en l’enrôlant par foules compactes dans leurs tiers-ordres devenus en ces temps le refuge assuré de la vie chrétienne. Or, de tous les fils du patriarche d’Assise, le plus connu, le plus puissant devant les hommes et devant Dieu, est Antoine, que nous fêtons en ce jour.

Sa vie fut courte : à trente-cinq ans, il s’envolait au ciel. Mais ce petit nombre d’années n’avait pas empêché le Seigneur de préparer longuement son élu au ministère merveilleux qu’il devait remplir : tant il est vrai que, dans les hommes apostoliques, ce qui importe pour Dieu et doit faire d’eux l’instrument du salut d’un plus grand nombre d’âmes, est moins la durée du temps qu’ils pourront consacrer aux œuvres extérieures, que le degré de leur sanctification personnelle et leur docile abandon aux voies de la Providence. On dirait, pour Antoine, que l’éternelle Sagesse se plaît, jusqu’aux derniers temps de son existence, à déconcerter ses pensées. De ses vingt années de vie religieuse, il en passe dix chez les Chanoines réguliers, où, à quinze ans, l’appel divin a convié sa gracieuse innocence ; où, tout entière captivée par les splendeurs de la Liturgie, l’étude des saintes Lettres et le silence du cloître, son âme séraphique s’élève à des hauteurs qui le retiennent, pour jamais, semble-t-il, dans le secret de la face de Dieu. Soudain l’Esprit divin l’invite au martyre : et nous le voyons, laissant son cloître aimé, suivre les Frères Mineurs aux rivages où plusieurs d’entre eux ont déjà conquis la palme glorieuse. Mais le martyre qui l’attend est celui de l’amour ; malade, réduit à l’impuissance avant que son zèle ait pu rien tenter sur le sol africain, l’obéissance le rappelle en Espagne, et voici qu’une tempête le jette sur les côtes d’Italie.

On était dans les jours où, pour la troisième fois depuis la fondation de l’Ordre des Mineurs, François d’Assise réunissait autour de lui son admirable famille. Antoine, inconnu, perdu dans l’immense assemblée, vit les Frères à la fin du Chapitre recevoir chacun leur destination, sans que personne songeât à lui ; le descendant de l’illustre famille de Bouillon et des rois d’Asturies restait oublié dans ces assises de la sainte pauvreté. Au moment du départ, le ministre de la province de Bologne, remarquant l’isolement du jeune religieux dont personne ne semblait vouloir, l’admit par charité dans sa compagnie. A l’ermitage du Mont Saint-Paul, devenu sa résidence, on lui confia le soin d’aider à la cuisine et de balayer la maison, comme l’emploi qui semblait répondre le mieux à ses aptitudes. Durant ce temps, les chanoines de Saint-Augustin pleuraient toujours celui dont la noblesse, la science et la sainteté faisaient naguère la gloire de leur Ordre.

L’heure arriva pourtant, où la Providence s’était réservé de manifester Antoine au monde ; aussitôt, comme on l’avait dit du Sauveur lui-même, le monde entier se précipita sur ses pas. Autour des chaires où prêchait l’humble Frère, ce ne furent que prodiges dans l’ordre de la nature et dans l’ordre de la grâce. A Rome il méritait le noble titre d’arche du Testament, en France celui de marteau des hérétiques. Il nous est impossible de suivre en tout sa trace lumineuse ; mais nous ne devons pas oublier qu’en effet, une part principale revient à notre patrie dans les quelques années de son puissant ministère.

Saint François avait grandement désiré évangéliser lui-même le beau pays de France, ravagé par l’odieuse hérésie ; il lui envoya du moins le plus cher de ses fils, sa vivante image. Ce que saint Dominique avait été dans la première croisade contre les Albigeois, Antoine le fut dans la seconde. C’est à Toulouse qu’a lieu le miracle de la mule affamée, qui laisse sa nourriture pour se prosterner devant l’Hostie sainte. De la Provence au Berry, les diverses provinces entendent sa parole ardente ; tandis que le ciel réconforte par de délicieuses faveurs son âme restée celle d’un enfant, au milieu de ses triomphes et de l’enivrement des multitudes. Dans une maison solitaire du Limousin, sous le regard de son hôte, c’est le saint Enfant Jésus, rayonnant d’une admirable beauté, qui descend dans ses bras et lui prodigue ses caresses en réclamant les siennes. Un jour d’Assomption qu’il était tout triste, au sujet de certain passage de l’Office d’alors peu favorable à l’entrée de la divine Mère au ciel en corps et en âme, Notre-Dame vient le consoler dans sa pauvre cellule, l’assure de la véritable doctrine, et le laisse ravi des charmes de son doux visage et de sa voix mélodieuse. A Montpellier, comme il prêchait dans une église de la ville au milieu d’un immense concours, il se rappelle qu’il est désigné pour chanter à l’heure même dans son couvent l’Alléluia de la Messe conventuelle ; il avait oublié de se faire remplacer ; profondément chagrin de cette omission involontaire, il incline la tête ; or, tandis que, penché sur le bord de la chaire, il semble dormir, ses Frères le voient paraître au chœur, et remplir son office ; après quoi, reprenant vie devant son auditoire, il achève avec éloquence le sermon commencé.

C’est dans cette même ville de Montpellier où il enseignait la théologie aux Frères, que son Commentaire des Psaumes ayant disparu, le voleur fut contraint par Satan lui-même à rapporter l’objet dont la perte causait au Saint les plus vifs regrets. Plusieurs voient dans ce fait l’origine de la dévotion qui reconnaît Antoine comme le patron des choses perdues : dévotion appuyée dès l’origine sur les miracles les plus éclatants, et que des grâces incessantes ont confirmée jusqu’à nos jours.

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Saint Jean de Saint-Facond confesseur mémoire des Sts Basilide, Cyrin, Nabor et Nazaire, Martyrs

12 Juin 2017 , Rédigé par Ludovicus

Saint Jean de Saint-Facond confesseur mémoire des Sts Basilide, Cyrin, Nabor et Nazaire, Martyrs

Collecte

Dieu, auteur de la paix, et amant de la charité, vous avez orné le bienheureux Jean, votre Confesseur, d’un merveilleux don du ciel pour apaiser les différends : accordez-nous, par ses mérites et son intercession, d’être tellement affermis dans votre amour, que nous ne soyons plus séparés de vous par aucune tentation.

Office

Quatrième leçon. Jean, issu d’une noble famille de Sahagun (Saint-Facond) en Espagne, fut obtenu de Dieu par les prières et les bonnes œuvres de ses pieux parents, restés longtemps sans enfant. Dès son jeune âge, il donna des signes remarquables de sa future sainteté. On le vit souvent adresser, d’un lieu élevé où il avait pris place, la parole aux autres enfants, pour les exhorter à la vertu et au culte de Dieu, ou pour apaiser leurs querelles. Confié, dans son pays même, aux moines bénédictins de Saint-Facond, il fut initié par eux aux premiers éléments des belles-lettres. Pendant qu’il s’appliquait à ces études, son père lui procura le bénéfice d’une paroisse ; mais le jeune homme ne voulut à aucun prix conserver les avantages de cette charge. Admis parmi les familiers de l’Évêque de Burgos, il devint son intime conseiller à cause de sa remarquable intégrité ; l’Évêque le fit prêtre et chanoine et lui donna de nombreux bénéfices. Mais Jean quitta le palais épiscopal pour servir Dieu plus paisiblement, et, renonçant à tous ses revenus ecclésiastiques, s’attacha à une petite chapelle, où tous les jours il célébrait la messe et parlait souvent des choses de Dieu, à la grande édification de ses auditeurs.

Cinquième leçon. S’étant rendu plus tard à Salamanque pour y étudier, et ayant été reçu au célèbre collège de Saint-Barthélemy, il exerça le ministère sacerdotal de telle sorte que, tout en se livrant à ses chères études, il n’en était pas moins assidu aux pieuses assemblées. Tombé gravement malade, il fit vœu de s’imposer une discipline plus sévère ; et, pour accomplir ce vœu, donna d’abord à un pauvre presque nu le meilleur des deux seuls vêtements qu’il possédait, puis se rendit au monastère de Saint-Augustin, alors très florissant par sa sévère observance. Admis dans ce couvent, il surpassa les plus avancés par son obéissance, son abnégation, ses veilles et ses prières. On lui confia le soin de la cave, et il lui suffit de toucher un petit fût de vin pour en tirer pendant une année entière ce qui était nécessaire à tous les religieux. Au bout d’une année de noviciat, il reprit, sur l’ordre du préfet du couvent, le ministère de la prédication. Salamanque était alors déchirée à ce point par les factions, que toutes les lois divines et humaines y étaient confondues ; des massacres avaient lieu presque à chaque heure, les rues et les places, et même les églises, regorgeaient du sang de personnes de toutes conditions et principalement de la noblesse.

Sixième leçon. Tant par ses prédications que par des entretiens particuliers, Jean parvint à calmer les esprits, et ramena la tranquillité dans la ville. Ayant vivement blessé un haut personnage en lui reprochant sa cruauté envers ses inférieurs, celui-ci envoya pour ce motif deux cavaliers sur son passage pour le mettre à mort. Déjà ils s’approchaient de lui, quand Dieu permit qu’ils fussent saisis de stupeur et immobilisés ainsi que leurs chevaux, jusqu’à ce que, prosternés aux pieds du saint homme, ils eussent demandé grâce pour leur crime. Ce seigneur, frappé lui-même d’une terreur subite, désespérait déjà de survivre ; mais, ayant rappelé Jean et s’étant repenti de ce qu’il avait fait, il fut rendu à la santé. Une autre fois, des factieux qui poursuivaient Jean avec des bâtons eurent les bras paralysés et ne recouvrèrent leurs forces qu’après avoir imploré leur pardon. Pendant sa Messe, Jean voyait notre Seigneur présent, et s’abreuvait des célestes mystères à la source même de la divinité. Souvent il pénétrait les secrets des cœurs, et prédisait l’avenir avec une rare sagacité. La fille de son frère étant morte à l’âge de sept ans, il la ressuscita. Enfin, après avoir prédit le jour de sa mort et avoir reçu avec une grande dévotion les sacrements de l’Église, il rendit le dernier soupir. Après comme avant sa mort, de nombreux miracles firent éclater sa gloire. Ces miracles furent constatés selon les rites de l’Église, et Alexandre VIII l’inscrivit au nombre des Saints.

Le règne que les Apôtres ont pour mission d’établir dans le monde est le règne de la paix. C’était elle que les cieux promettaient à la terre en la glorieuse nuit qui nous donna l’Emmanuel ; et dans cette autre nuit qui vit les adieux du Seigneur, au banquet de la Cène, l’Homme-Dieu fonda le Testament nouveau sur le double legs qu’il fit à l’Église de son corps sacré et de cette paix que les anges avaient annoncée : paix que le monde n’avait point connue jusque-là, disait le Sauveur ; paix toute sienne parce qu’elle procède de lui sans être lui-même, don substantiel et divin qui n’est autre que l’Esprit-Saint dans sa propre personne. Les jours de la Pentecôte ont répandu cette paix comme un levain sacré dans la race humaine. Hommes et peuples ont senti son intime influence. L’homme, en lutte avec le ciel et divisé contre lui-même, justement puni de son insoumission à Dieu par le triomphe des sens dans sa chair révoltée, a vu l’harmonie rentrer dans son être, et Dieu satisfait traiter en fils le rebelle obstiné des anciens jours. Les fils du Très-Haut formeront dans le monde un peuple nouveau, le peuple de Dieu, reculant ses confins jusqu’aux extrémités de la terre. Assis dans la beauté de la paix, selon l’expression du Prophète, il verra venir à lui tous les peuples, et attirera ici-bas les complaisances du ciel qui doit trouver en lui son image.

Autrefois sans cesse aux prises en d’atroces combats qui ne trouvaient fin qu’avec l’extermination du vaincu, les nations baptisées se reconnaîtront pour sœurs dans la filiation du Père qui est aux cieux. Sujettes fidèles du Roi pacifique, elles laisseront l’Esprit-Saint adoucir leurs mœurs ; et si la guerre, suite du péché, vient encore trop souvent rappeler au monde les désastreuses conséquences de la première chute, l’inévitable fléau connaîtra du moins désormais d’autres lois que la force. Le droit des gens, droit tout chrétien que n’admit point l’antiquité païenne, la foi des traités, l’arbitrage du vicaire de l’Homme-Dieu modérateur suprême de la conscience des rois, éloigneront les occasions de discordes sanglantes. En certains siècles, la paix de Dieu, la trêve de Dieu, mille industries de la Mère commune, restreindront les années et les jours où le glaive qui tue les corps aura licence de sortir du fourreau ; s’il outrepasse les bornes posées, il sera brisé par la puissance du glaive spirituel, plus redoutable à tous les points de vue dans ces temps que le fer du guerrier. Telle apparaîtra la force de l’Évangile, qu’en nos temps mêmes d’universelle décroissance, le respect de l’ennemi désarmé s’imposera aux plus fougueux adversaires, et qu’après la bataille vainqueurs et vaincus, se retrouvant frères, prodigueront les mêmes soins du corps et de l’âme aux blessés des deux camps : énergie persévérante du ferment surnaturel qui transforme progressivement l’humanité depuis dix-huit siècles, et agit à la fin sur ceux-là même qui continuent de nier sa puissance !

Or c’est un serviteur de cette conduite merveilleuse de la Providence, et l’un des plus glorieux, que nous fêtons en ce jour. La paix, fille du ciel, mêle ses reflets divins à l’auréole brillante qui rayonne sur son front. Noble enfant de la catholique Espagne, il prépara les grandeurs de sa patrie, non moins que ne le firent les héros des combats où le Maure succombait sans retour. Au moment où s’achevait la croisade huit fois séculaire qui chassa le Croissant du sol ibérique, lorsque les multiples royaumes de cette terre magnanime se rassemblaient dans l’unité d’un seul sceptre, l’humble ermite de Saint-Augustin fondait dans les cœurs cette unité puissante inaugurant déjà les gloires du XVIe siècle. Quand il parut, les rivalités qu’un faux point d’honneur excite trop facilement dans une nation armée, souillaient l’Espagne du sang de ses fils versé par des mains chrétiennes ; la discorde, abattue par ses mains désarmées, forme le piédestal où il reçoit maintenant les hommages de l’Église.

Vous méritiez, bienheureux Saint, d’apparaître au ciel de l’Église en ces semaines qui relèvent immédiatement de la glorieuse Pentecôte. Longtemps à l’avance, Isaïe, contemplant le monde au lendemain de l’avènement du Paraclet, décrivait ainsi le spectacle offert à ses yeux prophétiques : « Qu’ils sont beaux sur les montagnes les pieds des messagers de la paix, des porteurs du salut disant à Sion : Ton Dieu va régner ! » C’étaient les Apôtres, prenant pour Dieu possession du monde, qu’admirait ainsi le Prophète ; mais leur mission, telle qu’il la définit dans son enthousiasme inspiré, ne fut-elle pas aussi la vôtre ? Le même Esprit qui les animait dirigea vos voies ; le Roi pacifique vit par vous son sceptre affermi dans une des plus illustres nations formant son empire. Au ciel où vous régnez avec lui, la paix qui fut l’objet de vos travaux est aujourd’hui votre récompense. Vous éprouvez la vérité de cette parole que le Maître avait dite en pensant à ceux qui vous ressemblent, à tous ceux qui, apôtres ou non, établissent du moins la paix dans la terre de leurs cœurs : « Bienheureux les pacifiques ; car ils seront appelés fils de Dieu ! » Vous êtes entré en possession de l’héritage du Père ; le béatifiant repos de la Trinité sainte remplit votre âme, et s’épanche d’elle jusqu’à nos froides régions en ce jour.

Continuez à l’Espagne, votre patrie, le secours qui lui fut si précieux. Elle n’occupe plus dans la chrétienté cette place éminente qui fut la sienne après votre mort glorieuse. Persuadez-la que ce n’est pas en prêtant l’oreille toujours plus aux accents d’une fausse liberté, qu’elle retrouvera sa grandeur. Ce qui l’a faite dans le passé puissante et forte, peut toujours attirer sur elle les bénédictions de Celui par qui règnent les rois. Le dévouement au Christ fut sa gloire, l’attachement à la vérité son trésor. La vérité révélée met seule les hommes dans la vraie liberté ; seule encore, elle peut garder indissolublement uni dans une nation le faisceau des intelligences et des volontés : lien puissant, qui assure la force d’un pays en dehors de ses frontières, et au dedans la paix. Apôtre de la paix, rappelez donc à votre peuple, apprenez à tous, que la fidélité absolue aux enseignements de l’Église est le seul terrain où des chrétiens puissent chercher et trouver la concorde.

 

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