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Regnum Galliae Regnum Mariae

Saint Vincent de Paul confesseur

19 Juillet 2017 , Rédigé par Ludovicus

Saint Vincent de Paul confesseur

Au deuxième nocturne.

Quatrième leçon. Vincent de Paul, français de nation, naquit à Pouy, non loin de Dax, en Aquitaine, et manifesta dès son enfance une grande charité pour les pauvres. Étant passé de la garde du troupeau paternel à la culture des lettres, il étudia la littérature à Aix, et la théologie à Toulouse et à Saragosse. Ordonné Prêtre et reçu bachelier en théologie, il tomba aux mains des Turcs qui l’emmenèrent captif en Afrique. Pendant sa captivité, il gagna son maître lui-même à Jésus-Christ ; grâce au secours de la Mère de Dieu, il put s’échapper avec lui de ces pays barbares, et prit le chemin de Rome. De retour en France, il gouverna très saintement les paroisses de Clichy et de Châtillon. Nommé par le roi grand aumônier des galères de France, il apporta dans cette fonction un zèle merveilleux pour le salut des officiers et des rameurs ; saint François de Sales le donna comme supérieur aux religieuses de la Visitation, et, pendant près de quarante ans, il remplit cette charge avec tant de prudence, qu’il justifia de tout point le jugement du saint Prélat, qui déclarait ne pas connaître de Prêtre plus digne que Vincent.

Cinquième leçon. Il s’appliqua avec une ardeur infatigable jusqu’à un âge très avancé à évangéliser les pauvres, et surtout les paysans, et astreignit spécialement à cette œuvre apostolique, par un vœu perpétuel que le Saint-Siège a confirmé, et lui-même et les membres de la congrégation qu’il avait instituée, sous le titre de Prêtres séculiers de la Mission. Combien Vincent eut à cœur de favoriser la discipline ecclésiastique, on en a la preuve par les séminaires qu’il érigea pour les Clercs aspirant aux Ordres, par le soin qu’il mit à rendre fréquentes les réunions où les Prêtres conféraient entre eux sur les sciences sacrées, et à faire précéder la sainte ordination d’exercices préparatoires. Pour ces exercices et ces réunions, comme aussi pour les retraites des laïques, il voulut que les maisons de son institut s’ouvrissent facilement. De plus, afin de développer la foi et la piété, il envoya des ouvriers évangéliques, non seulement dans les provinces de la France, mais en Italie, en Pologne, en Écosse, en Irlande, et même chez les Barbares et les Indiens. Quant à lui, après avoir assisté Louis XIII à ses derniers moments, il fut appelé par la reine Anne d’Autriche, mère de Louis XIV, à faire partie d’un conseil ecclésiastique. Il apporta tout son zèle à ne laisser placer que les plus dignes à la tête des Églises et des monastères, à mettre fin aux discordes civiles, aux duels, aux erreurs naissantes, aussitôt détestées de lui que découvertes ; enfin, à ce que les jugements apostoliques fussent reçus de tous avec l’obéissance qui leur est due.

Sixième leçon. Il n’y avait aucun genre d’infortune qu’il ne secourût paternellement. Les Chrétiens gémissant sous le joug des Turcs, les enfants abandonnés, les jeunes gens indisciplinés, les jeunes filles dont la vertu était exposée, les religieuses dispersées, les femmes tombées, les hommes condamnés aux galères, les étrangers malades, les artisans invalides, les fous même et d’innombrables mendiants, furent secourus par lui, reçus et charitablement soignés dans des établissements hospitaliers qui subsistent encore. Il vint largement en aide à la Lorraine et à la Champagne, à la Picardie et à d’autres régions ravagées par la peste, la famine et la guerre. Pour rechercher et soulager les malheureux, il fonda plusieurs congrégations, entre autres celles des Dames et des Filles de la Charité, que l’on connaît et qui sont répandues partout ; il institua aussi les Filles de la Croix, de la Providence, de sainte Geneviève, pour l’éducation des jeunes filles. Au milieu de ces importantes affaires et d’autres encore il était continuellement occupé de Dieu, affable envers tous, toujours semblable à lui-même, simple, droit et humble : son éloignement pour les honneurs, les richesses, les plaisirs, ne se démentit jamais, et on l’a entendu dire que rien ne lui plaisait, si ce n’est dans le Christ Jésus, qu’il s’étudiait à imiter en toutes choses. Enfin, âgé de quatre vingt-cinq ans et usé par les mortifications, les fatigues et la vieillesse, il s’endormit paisiblement, le vingt-septième jour de septembre, l’an du salut mil six cent soixante. C’est à Paris qu’il mourut, dans la maison de Saint-Lazare, qui est la maison-mère de la congrégation de la Mission. L’éclat de ses vertus, de ses mérites et de ses miracles ont porté Clément XII à le mettre au nombre des Saints, en fixant sa Fête annuelle au dix-neuvième jour du mois de juillet. Sur les instances de plusieurs Évêques, Léon XIII a déclaré et constitué cet illustre héros de la divine charité, qui a si bien mérité de tout le genre humain, le patron spécial auprès de Dieu de toutes les associations de charité existant dans l’univers catholique et lui devant en quelque manière leur origine.

Au troisième nocturne.

Homélie de saint Grégoire, Pape. Homilía 17 in Evangelia

Septième leçon. Notre Seigneur et Sauveur nous instruit, mes bien-aimés frères, tantôt par ses paroles, et tantôt par ses œuvres. Ses œuvres elles-mêmes sont des préceptes, et quand il agit, même sans rien dire, il nous apprend ce que nous avons à faire. Voilà donc que le Seigneur envoie ses disciples prêcher ; il les envoie deux à deux, parce qu’il y a deux préceptes de la charité : l’amour de Dieu et l’amour du prochain, et qu’il faut être au moins deux pour qu’il y ait lieu de pratiquer la charité. Car, à proprement parler, on n’exerce pas la chanté envers soi-même ; mais l’amour, pour devenir charité, doit avoir pour objet une autre personne.

Huitième leçon. Voilà donc que le Seigneur envoie ses disciples deux à deux pour prêcher ; il nous fait ainsi tacitement comprendre que celui qui n’a point de charité envers le prochain ne doit en aucune manière se charger du ministère de la prédication. C’est avec raison que le Seigneur dit qu’il a envoyé ses disciples devant lui, dans toutes les villes et tous les lieux où il devait venir lui-même. Le Seigneur suit ceux qui l’annoncent. La prédication a lieu d’abord ; et le Seigneur vient établir sa demeure dans nos âmes, quand les paroles de ceux qui nous exhortent l’ont devancé, et qu’ainsi la vérité a été reçue par notre esprit.

Neuvième leçon. Voilà pourquoi Isaïe a dit aux mêmes prédicateurs : « Préparez la voie du Seigneur ; rendez droits les sentiers de notre Dieu ». A son tour le Psalmiste dit aux enfants de Dieu : « Faites un chemin à celui qui monte au-dessus du couchant ». Le Seigneur est en effet monté au-dessus du couchant ; car plus il s’est abaissé dans sa passion, plus il a manifesté sa gloire en sa résurrection. Il est vraiment monté au-dessus du couchant : car, en ressuscitant, il a foulé aux pieds la mort qu’il avait endurée. Nous préparons donc le chemin à Celui qui est monté au-dessus du couchant quand nous vous prêchons sa gloire, afin que lui-même, venant ensuite, éclaire vos âmes par sa présence et son amour.

Vincent fut l’homme de la foi qui opère par la charité. Venu au monde sur la fin du siècle où naquit Calvin, il trouvait l’Église en deuil de nombreuses nations que l’erreur avait récemment séparées de la catholicité. Sur toutes les côtes de la Méditerranée, le Turc, ennemi perpétuel du nom chrétien, redoublait ses brigandages. La France, épuisée par quarante années de guerres religieuses, n’échappait à la domination de l’hérésie au dedans que pour bientôt lui prêter main forte à l’extérieur par le contraste d’une politique insensée. Sur ses frontières de l’Est et du Nord d’effroyables dévastations promenaient la ruine, et gagnaient jusqu’aux provinces de l’Ouest et du Centre à la faveur des luttes intestines qu’entretenait l’anarchie. Plus lamentable que toute situation matérielle était dans cette confusion l’état des âmes. Les villes seules gardaient encore, avec un reste de tranquillité précaire, quelque loisir de prier Dieu. Le peuple des campagnes, oublié, sacrifié, disputant sa vie à tous les fléaux, n’avait pour le relever dans tant de misères qu’un clergé le plus souvent abandonné comme lui de ses chefs, indigne en trop de lieux, rivalisant presque toujours avec lui d’ignorance.

Ce fut alors que pour conjurer ces maux et, du même coup, mille autres anciens et nouveaux, l’Esprit-Saint suscita Vincent dans une immense simplicité de foi, fondement unique d’une charité que le monde, ignorant du rôle de la foi, ne saurait comprendre. Le monde admire les œuvres qui remplirent la vie de l’ancien pâtre de Buglose ; mais le ressort secret de cette vie lui échappe. Il voudrait lui aussi reproduire ces œuvres ; et comme les enfants qui s’évertuent dans leurs jeux à élever des palais, il s’étonne de trouver en ruines au matin les constructions de la veille : le ciment de sa philanthropie ne vaut pas l’eau bourbeuse dont les enfants s’essaient à lier les matériaux de leurs maisons d’un jour ; et l’édifice qu’il prétendait remplacer est toujours debout, défiant la sape, répondant seul aux multiples besoins de l’humanité souffrante. C’est que la foi connaît seule en effet le mystère de la souffrance, que seule elle peut sonder ces profondeurs sacrées dont le Fils de Dieu même a parcouru les abîmes, qu’elle seule encore, associant l’homme aux conseils du Très-Haut, l’associe tout ensemble à sa force et à son amour. De là viennent aux œuvres bienfaisantes qui procèdent de la foi leur puissance et leur durée. La solidarité tant prônée de nos utopistes modernes n’a point ce secret ; et pourtant elle descend aussi de Dieu, quoi qu’ils veuillent ; mais elle enchaîne plus qu’elle ne lie : elle regarde plus la justice que l’amour ; et à ce titre, dans l’opposition qu’on en fait à la divine charité venue du ciel, elle semble une lugubre ironie montant du séjour des châtiments.

Vincent aima les pauvres d’un amour de prédilection, parce qu’il aimait Dieu et que la foi lui révélait en eux le Seigneur. « O Dieu, disait-il, qu’il fait beau voir les pauvres, si nous les considérons en Dieu et dans l’estime que Jésus-Christ en a faite ! Bien souvent ils n’ont pas presque la figure ni l’esprit de personnes raisonnables, tant ils sont grossiers et terrestres. Mais tournez la médaille, et vous verrez, par les lumières de la foi, que le Fils de Dieu, qui a voulu être pauvre, nous est représenté par ces pauvres ; qu’il n’avait presque pas la figure d’un homme en sa passion, et qu’il passait pour fou dans l’esprit des Gentils, et pour pierre de scandale dans celui des Juifs ; et avec tout cela il se qualifie l’évangéliste des pauvres, evangelizare pauperibus misit me ».

Ce titre d’évangéliste des pauvres est l’unique que Vincent ambitionna pour lui-même, le point de départ, l’explication de tout ce qu’il accomplit dans l’Église. Assurer le ciel aux malheureux, travailler au salut des abandonnés de ce monde, en commençant par les pauvres gens des champs si délaissés : tout le reste pour lui, déclarait-il, « n’était qu’accessoire ». Et il ajoutait, parlant à ses fils de Saint-Lazare : « Nous n’eussions jamais travaillé aux ordinands ni aux séminaires des ecclésiastiques, si nous n’eussions jugé qu’il était nécessaire, pour maintenir les peuples en bon état, et conserver les fruits des missions, de faire en sorte qu’il y eût de bons ecclésiastiques parmi eux ». C’est afin de lui donner l’occasion d’affermir son œuvre à tous les degrés, que Dieu conduisit l’apôtre des humbles au conseil royal de conscience, où Anne d’Autriche remettait en ses mains l’extirpation des abus du haut clergé et le choix des chefs des Églises de France. Pour mettre un terme aux maux causés par le délaissement si funeste des peuples, il fallait à la tête du troupeau des pasteurs qui entendissent reprendre pour eux la parole du chef divin : « Je connais mes brebis, et mes brebis me connaissent ».

Nous ne pourrions, on le comprend, raconter dans ces pages l’histoire de l’homme en qui la plus universelle charité fut comme personnifiée. Mais du reste, il n’eut point non plus d’autre inspiration que celle de l’apostolat dans ces immortelles campagnes où, depuis le bagne de Tunis où il fut esclave jusqu’aux provinces ruinées pour lesquelles il trouva des millions, on le vit s’attaquer à tous les aspects de la souffrance physique et faire reculer sur tous les points la misère ; il voulait, par les soins donnés aux corps, arriver à conquérir l’âme de ceux pour lesquels le Christ a voulu lui aussi embrasser l’amertume et l’angoisse. On ne peut que sourire de l’effort par lequel, dans un temps où l’on rejetait l’Évangile en retenant ses bienfaits, certains sages prétendirent faire honneur de pareilles entreprises à la philosophie de leur auteur. Les camps aujourd’hui sont plus tranchés ; et l’on ne craint plus de renier parfois jusqu’à l’œuvre, pour renier logiquement l’ouvrier. Mais aux tenants d’un philosophisme attardé, s’il en est encore, il sera bon de méditer ces mots, où celui dont ils font un chef d’école déduisait les principes qui devaient gouverner les actes de ses disciples et leurs pensées : « Ce qui se fait pour la charité se fait pour Dieu. Il ne nous suffit pas d’aimer Dieu, si notre prochain ne l’aime aussi ; et nous ne saurions aimer notre prochain comme nous-mêmes, si nous ne lui procurons le bien que nous sommes obligés de nous vouloir a nous-mêmes, c’est à savoir, l’amour divin, qui nous unit à celui qui est notre souverain bien. Nous devons aimer notre prochain comme l’image de Dieu et l’objet de son amour, et faire en sorte que réciproquement les hommes aiment leur très aimable Créateur, et qu’ils s’entr’aiment les uns les autres d’une charité mutuelle pour l’amour de Dieu, qui les a tant aimés que de livrer son propre Fils à la mort pour eux. Mais regardons, je vous prie, ce divin Sauveur comme le parfait exemplaire de la charité que nous devons avoir pour notre prochain ».

On le voit : pas plus que la philosophie déiste ou athée, la théophilanthropie qui apporta plus tard à la déraison du siècle dernier l’appoint de ses fêtes burlesques, n’eut de titre à ranger Vincent, comme elle fit, parmi les grands hommes de son calendrier. Ce n’est point la nature, ni aucune des vaines divinités de la fausse science, mais le Dieu des chrétiens, le Dieu fait homme pour nous sauver en prenant sur lui nos misères, qui fut l’unique guide du plus grand des bienfaiteurs de l’humanité dans nos temps. Rien ne me plaît qu’en Jésus-Christ, aimait-il à dire. Non seulement, fidèle comme tous les Saints à l’ordre de la divine charité, il voulait voir régner en lui ce Maître adoré avant de songer à le faire régner dans les autres ; mais, plutôt que de rien entreprendre de lui-même par les données de la seule raison, il se fût réfugié à tout jamais dans le secret de la face du Seigneur, pour ne laisser de lui qu’un nom ignoré.

« Honorons, écrivait-il, l’état inconnu du Fils de Dieu. C’est là notre centre, et c’est ce qu’il demande de nous pour le présent et pour l’avenir, et pour toujours, si sa divine majesté ne nous fait connaître, en sa manière qui ne peut tromper, qu’il veuille autre chose de nous. Honorons particulièrement ce divin Maître dans la modération de son agir. Il n’a pas voulu faire toujours tout ce qu’il a pu, pour nous apprendre à nous contenter, lorsqu’il n’est pas expédient de faire tout ce que nous pourrions faire, mais seulement ce qui est convenable à la charité, et conforme, aux ordres de la divine volonté... Que ceux-là honorent souverainement notre Seigneur qui suivent la sainte Providence, et qui n’enjambent pas sur elle ! N’est-il pas vrai que vous voulez, comme il est bien raisonnable, que votre serviteur n’entreprenne rien sans vous et sans votre ordre ? Et si cela est raisonnable d’un homme à un autre, à combien plus forte raison du Créateur à la créature ? »

Vincent s’attachait donc, selon son expression, à côtoyer la Providence, n’ayant point de plus grand souci que de ne jamais la devancer. Ainsi fut-il sept années avant d’accepter pour lui les avances de la Générale de Gondi et de fonder son établissement de la Mission. Ainsi éprouva-t-il longuement sa fidèle coadjutrice, Mademoiselle Le Gras, quand elle se crut appelée à se dévouer au service spirituel des premières Filles de la Charité, sans lien entre elles jusque-là ni vie commune, simples aides suppléantes des dames de condition que l’homme de Dieu avait assemblées dans ses Confréries. « Quant à cet emploi, lui mandait-il après instances réitérées de sa part, je vous prie une fois pour toutes de n’y point penser, jusqu’à ce que notre Seigneur fasse paraître ce qu’il veut. Vous cherchez à devenir la servante de ces pauvres filles, et Dieu veut que vous soyez la sienne. Pour Dieu, Mademoiselle, que votre cœur honore la tranquillité de celui de notre Seigneur, et il sera en état de le servir. Le royaume de Dieu est la paix au Saint-Esprit ; il régnera en vous, si vous êtes en paix. Soyez-y donc, s’il vous plaît, et honorez souverainement le Dieu de paix et de dilection ».

Grande leçon donnée au zèle fiévreux d’un siècle comme le nôtre par cet homme dont la vie fut si pleine ! Que de fois, dans ce qu’on nomme aujourd’hui les œuvres, l’humaine prétention stérilise la grâce en froissant l’Esprit-Saint ! Tandis que, « pauvre ver rampant sur la terre et ne sachant où il va, cherchant seulement à se cacher en vous, ô mon Dieu ! Qui êtes tout son désir », Vincent de Paul voit l’inertie apparente de son humilité fécondée plus que l’initiative de mille autres, sans que pour ainsi dire il en ait conscience. « C’est la sainte Providence qui a mis votre Compagnie sur le pied où elle est, disait-il vers la fin de son long pèlerinage à ses filles. Car qui a-ce été, je vous supplie ? Je ne saurais me le représenter. Nous n’en eûmes jamais le dessein. J’y pensais encore aujourd’hui, et je me disais : Est-ce toi qui as pensé à faire une Compagnie de Filles de la Charité ? Oh ! Nenni. Est-ce Mademoiselle Le Gras ? Aussi peu. Oh ! Mes filles, je n’y pensais pas, votre sœur servante n’y pensait pas, aussi peu Monsieur Portail (le premier et plus fidèle compagnon de Vincent dans les missions) : c’est donc Dieu qui y pensait pour vous ; c’est donc lui que nous pouvons dire être l’auteur de votre Compagnie, puisque véritablement nous ne saurions en reconnaître un autre ».

Mais autant son incomparable délicatesse à l’égard de Dieu lui faisait un devoir de ne le jamais prévenir plus qu’un instrument ne le fait pour la main qui le porte ; autant, l’impulsion divine une fois donnée, il ne pouvait supporter qu’on hésitât à la suivre, ou qu’il y eût place dans l’âme pour un autre sentiment que celui de la plus absolue confiance. Il écrivait encore, avec sa simplicité si pleine de charmes, à la coopératrice que Dieu lui avait donnée : « Je vous vois toujours un peu dans les sentiments humains, pensant que tout est perdu dès lors que vous me voyez malade. O femme de peu de foi, que n’avez-vous plus de confiance et d’acquiescement à la conduite et à l’exemple de Jésus-Christ ! Ce Sauveur du monde se rapportait à Dieu son Père pour l’état de toute l’Église ; et vous, pour une poignée de filles que sa Providence a notoirement suscitées et assemblées, vous pensez qu’il vous manquera ! Allez, Mademoiselle, humiliez-vous beaucoup devant Dieu ».

Faut-il s’étonner que la foi, seule inspiratrice d’une telle vie, inébranlable fondement de ce qu’il était pour le prochain et pour lui-même, fût aux yeux de Vincent de Paul le premier des trésors ? Lui qu’aucune souffrance même méritée ne laissait indifférent, qu’on vit un jour par une fraude héroïque remplacer un forçat dans ses fers, devenait impitoyable en face de l’hérésie, et n’avait de repos qu’il n’eût obtenu le bannissement des sectaires ou leur châtiment. C’est le témoignage que lui rend dans la bulle de sa canonisation Clément XII, parlant de cette funeste erreur du jansénisme que notre saint dénonça des premiers et poursuivit plus que personne. Jamais peut-être autant qu’en cette rencontre, ne se vérifia le mot des saints Livres : La simplicité des justes les guidera sûrement, et l’astuce des méchants sera leur perte. La secte qui, plus tard, affectait un si profond dédain pour Monsieur Vincent, n’en avait pas jugé toujours de même. « Je suis, déclarait-il dans l’intimité, obligé très particulièrement de bénir Dieu et de le remercier de ce qu’il n’a pas permis que les premiers et les plus considérables d’entre ceux qui professent cette doctrine, que j’ai connus particulièrement, et qui étaient de mes amis, aient pu me persuader leurs sentiments. Je ne vous saurais exprimer la peine qu’ils y ont prise, et les raisons qu’ils m’ont proposées pour cela ; mais je leur opposais entre autres choses l’autorité du concile de Trente, qui leur est manifestement contraire ; et voyant qu’ils continuaient toujours, au lieu de leur répondre je récitais tout bas mon Credo : et voilà comme je suis demeuré ferme en la créance catholique ».

L’année 1883, cinquantième anniversaire de la fondation des Conférences de Saint-Vincent-de-Paul à Paris, voyait notre Saint proclamé le Patron de toutes les sociétés de charité de France ; ce patronage fut, deux ans plus tard, étendu aux sociétés de charité de l’Église entière.

Quelle gerbe, ô Vincent, vous emportez au ciel ! Quelles bénédictions vous accompagnent, montant de cette terre à la vraie patrie ! O le plus simple des hommes qui furent en un siècle tant célébré pour ses grandeurs, vous dépassez maintenant les renommées dont l’éclat bruyant fascinait vos contemporains. La vraie gloire de ce siècle, la seule qui restera de lui quand le temps ne sera plus, est d’avoir eu dans sa première partie des saints d’une pareille puissance de loi et d’amour, arrêtant les triomphes de Satan, rendant au sol de France stérilisé par l’hérésie la fécondité des beaux jours. Et voici que deux siècles et plus après vos travaux, la moisson qui n’a point cessé continue par les soins de vos fils et de vos filles, aidés d’auxiliaires nouveaux qui vous reconnaissent eux aussi pour leur inspirateur et leur père. Dans ce royaume du ciel qui ne connaît plus la souffrance et les larmes , chaque jour pourtant comme autrefois voit monter vers vous l’action de grâces de ceux qui souffrent et qui pleurent.

Reconnaissez par des bienfaits nouveaux la confiance de la terre. Il n’est point de nom qui impose autant que le vôtre le respect de l’Église, en nos temps de blasphème. Et pourtant déjà les négateurs du Christ en viennent, par haine de sa divine domination, à vouloir étouffer le témoignage que le pauvre à cause de vous lui rendait toujours. Contre ces hommes en qui s’est incarné l’enfer, usez du glaive à deux tranchants remis aux saints pour venger Dieu au milieu des nations : comme jadis les hérétiques en votre présence, qu’ils méritent le pardon ou connaissent la colère ; qu’ils changent, ou soient réduits d’en haut à l’impuissance de nuire. Gardez surtout les malheureux que leur rage satanique s’applaudit de priver du secours suprême au moment du trépas ; eussent-ils un pied déjà dans les flammes, ces infortunés, vous pouvez les sauver encore. Élevez vos filles à la hauteur des circonstances douloureuses où l’on voudrait que leur dévouement reniât son origine céleste ou dissimulât sa divine livrée ; si la force brutale des ennemis du pauvre arrache de son chevet le signe du salut, il n’est règlements ni lois, puissance de ce monde ou de l’autre, qui puissent expulser Jésus de l’âme d’une Fille de chanté, ou l’empêcher de passer de son cœur à ses lèvres : ni la mort, ni l’enfer, ni le feu, ni le débordement des grandes eaux, dit le Cantique, ne sauraient l’arrêter.

Vos fils aussi poursuivent votre œuvre d’évangélisation ; jusqu’en nos temps leur apostolat se voit couronné du diadème de la sainteté et du martyre. Maintenez leur zèle ; développez en eux votre esprit d’inaltérable dévouement à l’Église et de soumission au Pasteur suprême. Assistez toutes ces œuvres nouvelles de charité qui sont nées de vous dans nos jours, et dont, pour cette cause, Rome vous défère le patronage et l’honneur ; qu’elles s’alimentent toujours à l’authentique foyer que vous avez ravivé sur la terre ; qu’elles cherchent avant tout le royaume de Dieu et sa justice , ne se départant jamais, pour le choix des moyens, du principe que vous leur donnez de « juger, parler et opérer, comme la Sagesse éternelle de Dieu, revêtue de notre faible chair, a jugé, parlé et opéré ».

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Saint Camille de Lellis confesseur

18 Juillet 2017 , Rédigé par Ludovicus

Saint Camille de Lellis confesseur

Au deuxième nocturne.

Quatrième leçon. Camille naquit à Bucchianico au diocèse de Chieti, de la noble famille des Lellis et d’une mère sexagénaire qui, tandis qu’elle le portait encore dans son sein, crut voir, durant son sommeil, qu’elle avait donné le jour à un petit enfant, muni du signe de la croix sur la poitrine et précédant une troupe d’enfants qui portaient le même signe. Camille ayant embrassé dans son adolescence la carrière militaire, se laissa pendant quelque temps gagner par les vices du siècle. Mais dans sa vingt-cinquième année, il fut soudain éclairé d’une telle lumière surnaturelle et saisi d’une si profonde douleur d’avoir offensé Dieu, qu’ayant versé des larmes abondantes, il prit la ferme résolution d’effacer sans retard les souillures de sa vie passée et de revêtir l’homme nouveau. Le jour même où ceci arriva, c’est-à-dire en la fête de la Purification de la très sainte Vierge, il s’empressa d’aller trouver les Frères Mineurs, appelés Capucins, et les pria très instamment de l’admettre parmi eux. On lui accorda ce qu’il désirait, une première fois, puis une deuxième, mais un horrible ulcère, dont il avait autrefois souffert à la jambe, s’étant ouvert de nouveau, Camille, humblement soumis à la divine Providence qui le réservait pour de plus grandes choses, et vainqueur de lui-même, quitta deux fois l’habit de cet Ordre, qu’à deux reprises il avait sollicité et reçu.

Cinquième leçon. Il partit pour Rome et fut admis dans l’hôpital dit des incurables, dont on lui confia l’administration, à cause de sa vertu éprouvée. Il s’acquitta de cette charge avec la plus grande intégrité et une sollicitude vraiment paternelle. Se regardant comme le serviteur de tous les malades, il avait coutume de préparer leurs lits, de nettoyer les salles, de panser les ulcères, de secourir les mourants à l’heure du suprême combat, par de pieuses prières et des exhortations, et il donna dans ces fonctions, des exemples d’admirable patience, de force invincible et d’héroïque charité. Mais ayant compris que la connaissance des lettres l’aiderait beaucoup à atteindre son but unique qui était de venir en aide aux âmes des agonisants, il ne rougit pas, à l’âge de trente-deux ans, de se mêler aux enfants pour étudier les premiers éléments de la grammaire. Initié dans la suite au sacerdoce, il jeta, de concert avec quelques amis associés à lui pour cette œuvre, les fondements de la congrégation des Clercs réguliers consacrés au service des infirmes ; et cela, malgré l’opposition et les efforts irrités de l’ennemi du genre humain. Miraculeusement encouragé par une voix céleste partant d’une mage du Christ en croix, qui, par un prodige admirable, tendait vers lui ses mains détachées du bois, Camille obtint du Siège apostolique l’approbation de son Ordre, où, par un quatrième vœu très méritoire, les religieux s’engagent à assister les malades, même atteints de la peste. Il parut que cet institut était singulièrement agréable à Dieu et profitable au salut des âmes ; car saint Philippe de Néri, confesseur de Camille, attesta avoir assez souvent vu les Anges suggérer des paroles aux disciples de ce dernier, lorsqu’ils portaient secours aux mourants.

Sixième leçon. Attaché par des liens si étroits au service des malades, et s’y dévouant jour et nuit jusqu’à son dernier soupir, Camille déploya un zèle admirable à veiller à tous leurs besoins, sans se laisser rebuter par aucune fatigue, sans s’alarmer du péril que courait sa vie. Il se faisait tout à tous et embrassait les fonctions les plus basses d’un cœur joyeux et résolu, avec la plus humble condescendance ; le plus souvent il les remplissait à genoux, considérant Jésus-Christ lui-même dans la personne des infirmes. Afin de se trouver prêt à secourir toutes les misères, il abandonna de lui-même le gouvernement général de son Ordre et renonça aux délices célestes dont il était inondé dans la contemplation. Son amour paternel à l’égard des pauvres éclata surtout pendant que les habitants de Rome eurent à souffrir d’une maladie contagieuse, puis d’une extrême famine, et aussi lorsqu’une peste affreuse ravagea Nole en Campanie. Enfin il brûlait d’une si grande charité pour Dieu et pour le prochain, qu’il mérita d’être appelé un ange et d’être secouru par des Anges au milieu des dangers divers courus dans ses voyages. Il était doué du don de prophétie et de guérison, et découvrait les secrets des cœurs grâce à ses prières, tantôt les vivres se multipliaient, tantôt l’eau se changeait en vin. Épuisé par les veilles, les jeûnes, les fatigues continuelles, et semblant ne plus avoir que la peau et les os, il supporta courageusement cinq maladies longues et fâcheuses, qu’il appelait des miséricordes du Seigneur. A l’âge de soixante cinq ans, au moment où il prononçait les noms si suaves de Jésus et de Marie, et ces paroles : « Que le visage du Christ Jésus t’apparaisse doux et joyeux » il s’endormit dans le Seigneur, muni des sacrements de l’Église, à Rome, à l’heure qu’il avait prédite, la veille des ides de juillet, l’an du salut mil six cent quatorze. De nombreux miracles l’ont rendu illustre, et Benoît XIV l’a inscrit solennellement dans les fastes des Saints. Léon XIII, se rendant au vœu des saints Évêques de l’Univers catholique, après avoir consulté la Congrégation des rites, l’a déclaré le céleste Patron de tous les hospitaliers et des malades du monde entier, et il a ordonné que l’on invoquât son nom dans les Litanies des agonisants.

Au troisième nocturne.

Homélie de saint Augustin, Évêque. Tract. 83 in Joannem

Septième leçon. Que pensons-nous, mes frères ? Est-ce que le précepte qui veut qu’on s’entr’aime est le seul ? Et n’y en a-t-il pas un autre plus grand, celui d’aimer Dieu ? Ou plutôt Dieu ne nous a-t-il rien commandé de plus que la dilection, en sorte que nous n’ayons aucun souci du reste ? Évidemment l’Apôtre recommande trois choses, quand il dit : « La foi, l’espérance, la charité demeurent ; elles sont trois, mais la plus grande des trois, c’est la charité ». Et si la charité ou dilection, parce qu’elle renferme ces deux préceptes, est donnée comme étant plus grande, elle n’est pas donnée comme étant seule. Ainsi au sujet de la foi, quel nombre de commandements y a-t-il ? Quel nombre aussi en ce qui touche l’espérance ? Qui peut les rassembler tous ? Qui peut suffire à les énumérer ? Mais étudions cette parole du même Apôtre : « La charité est la plénitude de la loi ».

Huitième leçon. Là où se trouve la charité, que peut-il donc manquer ? et où elle n’existe pas, que peut-il y avoir de profitable ? Le démon croit, mais il n’aime pas, l’homme qui ne croit pas, n’aime pas non plus. De même l’homme qui n’aime pas, quoique l’espérance du pardon ne lui soit pas enlevée, l’espère en vain ; mais celui qui aime, ne peut désespérer. Ainsi où est la dilection, se trouvent la foi et l’espérance ; et là où est l’amour du prochain se trouve nécessairement aussi l’amour de Dieu. En effet, comment celui qui n’aime pas Dieu aimerait-il le prochain comme lui-même ; puisqu’il ne s’aime pas soi-même, impie qu’il est et ami de l’iniquité ? Or celui qui aime l’iniquité, celui-là, à coup sûr, n’aime pas son âme, il la hait au contraire.

Neuvième leçon. Observons donc le précepte d’aimer le Seigneur afin de nous entr’aimer, et par là nous accomplirons tout le reste, puisque tout le reste y est compris. Car l’amour de Dieu se distingue de l’amour du prochain, et le Sauveur a marqué cette distinction en ajoutant : « Comme je vous ai aimés » ; or à quelle fin le Christ nous aime-t-il, si ce n’est pour que nous puissions régner avec lui ? Aimons-nous donc les uns les autres de manière à nous distinguer du reste des hommes, qui ne peuvent aimer les autres, par la raison qu’ils ne s’aiment pas eux-mêmes. Quant à ceux qui s’aiment en vue de posséder Dieu, ils s’aiment véritablement. Ainsi donc, qu’ils aiment Dieu pour s’aimer. Un tel amour n’existe pas chez tous les hommes ; il en est peu qui s’aiment afin que Dieu soit tout en tous.

La gloire et l’importance historique de saint Camille de Lellis proviennent de ce qu’il appartient à ce groupe choisi d’apôtres doués d’une charité sublime et héroïque, humblement soumis à l’Église, et qui, en son nom, réalisèrent dans son sein cette réforme générale dont, au XVIe siècle, on sentait partout le besoin, et dont on parlait parfois dans un sens fort peu catholique.

Saint Camille, après une vie laborieusement dépensée à assister les malades dans les hôpitaux publics de Saint-Jacques des Incurables et du Saint-Esprit, mourut à Rome le 14 juillet 1614. Saint Philippe Néri, qui fut son confesseur, avait vu les anges eux-mêmes mettre sur les lèvres des religieux institués par saint Camille les paroles les plus aptes à réconforter les mourants, et Léon XIII le proclama céleste Patron des agonisants.

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VI ème dimanche après la Pentecôte

16 Juillet 2017 , Rédigé par Ludovicus

VI ème dimanche après la Pentecôte

Introït

Le Seigneur est la force de son peuple et le protecteur salutaire de son Messie : sauvez votre peuple, Seigneur, et bénissez votre héritage, régissez-les jusqu’aux siècles sans fin. Je crierai vers vous, Seigneur, mon Dieu, ne gardez pas le silence à mon égard : de peur que, si vous ne répondez pas, je ne sois semblable à ceux qui descende dans la fosse.

Collecte

Dieu des vertus, unique auteur de tout ce qui est très bon : imprimez dans nos cœurs l’amour de votre nom, et augmentez en nous l’esprit de religion ; afin que vous y nourrissiez tout ce qu’il y a de bien, et que par l’amour de la piété vous conserviez ce que vous avez nourri.

Epitre

Mes Frères : nous tous qui avons été baptisés en Jésus-Christ, c’est en sa mort que nous avons été baptisés. Nous avons donc été ensevelis avec lui par le baptême en sa mort, afin que, comme le Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, nous aussi nous marchions dans une vie nouvelle. Si, en effet, nous avons été greffés sur lui, par la ressemblance de sa mort, nous le serons aussi par celle de sa résurrection : sachant que notre vieil homme a été crucifié avec lui, afin que le corps du péché fût détruit, pour que nous ne soyons plus les esclaves du péché ; car celui qui est mort est affranchi du péché. Mais si nous sommes morts avec le Christ, nous croyons que nous vivrons avec lui, sachant que le Christ ressuscité des morts ne meurt plus ; la mort n’a plus sur lui d’empire. Car sa mort fut une mort au péché une fois pour toutes, et sa vie est une vie pour Dieu. Ainsi vous-mêmes regardez-vous comme morts au péché, et comme vivants pour Dieu en Jésus-Christ Notre-Seigneur.

Evangile

En ce temps-là : Comme il y avait avec Jésus une nombreuse foule qui n’avait pas de quoi manger, il appela ses disciples et leur dit : « J’ai compassion de cette foule, car voilà trois jours déjà qu’ils restent près de moi, et ils n’ont rien à manger. Si je les renvoie chez eux à jeun, les forces leur manqueront en chemin ; or plusieurs d’entre eux sont venus de loin. » Ses disciples lui répondirent : « Comment pourrait-on ici, dans un désert, rassasier de pain ces gens ? » Et il leur demanda : « Combien de pains avez-vous ? » Ils dirent : « Sept ». Alors il fit asseoir la foule par terre, prit les sept pains, et, après avoir rendu grâces, il les rompit et les donna à ses disciples pour les servir ; et ils les servirent à la foule. Ils avaient (en outre) quelques petits poissons ; après avoir prononcé la bénédiction sur eux, il dit de les servir aussi. Ils mangèrent et furent rassasiés, et l’on emporta sept corbeilles des morceaux qui restaient. Or ils étaient environ quatre mille. Et il les renvoya.

Offertoire

Affermissez mes pas dans vos sentiers, afin que mes pieds ne soient point ébranlés : inclinez votre oreille et exaucez mes paroles : Seigneur, faites éclater vos miséricordes, vous qui sauvez ceux qui espèrent en vous.

Secrète

Laissez-vous fléchir, Seigneur, par nos supplications, et recevez avec bonté ces offrandes de votre peuple : et pour que les vœux d’aucun de vos fidèles ne restent sans fruit, faites que nul ne vous adresse de vaines demandes, en sorte que nous obtenions l’effet de ce que nous demandons avec foi.

Communion

J’entourerai l’autel et j’immolerai dans son tabernacle une victime avec des cris de joie : je chanterai et je dirai une hymne au Seigneur.

Office

4e leçon

Du livre de saint Ambroise, Évêque, sur l’Apologie de David.

Que de fautes chacun de nous ne commet-il pas à toute heure ! Et cependant aucun de nous, qui formons le peuple, ne pense à l’obligation de les confesser. David, ce roi si glorieux et si puissant, ne peut garder en lui, même un temps assez court, le péché qui pèse sur sa conscience : mais, par une prompte confession, accompagnée d’un regret sans mesure, il s’en décharge aux pieds du Seigneur. Me trouveriez-vous facilement aujourd’hui quelqu’un de riche et d’honoré, qui souffre sans peine d’être repris pour une faute qu’il aurait commise ? Et David, dans l’éclat de la puissance royale, David, loué si souvent par les saintes Écritures, lorsqu’un particulier lui reproche un grand crime, ne frémit point d’indignation, mais au contraire avoue sa faute et en gémit avec douleur.

5e leçon

Aussi le Seigneur fut-il touché de cette immense douleur, si bien que Nathan dit à David : Parce que tu t’es repenti, le Seigneur a mis à l’écart ton péché. La promptitude du pardon fait voir que le repentir du prince était bien profond, pour écarter ainsi l’offense d’un tel égarement. Le reste des hommes, lorsque les Prêtres ont lieu de les reprendre, aggravent leur péché, en cherchant soit à le nier, soit à l’excuser ; et il y a pour eux chute plus grande, là même où l’on espérait les voir se relever. Mais les saints du Seigneur, qui brûlent de continuer le pieux combat et de fournir en entier la carrière du salut, si parfois, hommes qu’ils sont, ils viennent à faillir, moins par détermination de pécher que par fragilité naturelle, ils se relèvent plus ardents à la course, et, stimulés par la honte de la chute, ils la compensent par de plus rudes combats. De sorte que leur chute, au lieu de leur avoir causé quelque retard, n’a servi qu’à les aiguillonner et à les faire avancer plus vite.

6e leçon

David pèche, ce qui arrive aux rois trop souvent ; mais il fait pénitence, il pleure, il gémit : ce qui est assez rare chez les rois. Il reconnaît sa faute, il en demande pardon, le front dans la poussière ; il déplore sa misérable fragilité ; il jeûne, il prie, et, manifestant ainsi sa douleur, fait parvenir aux siècles futurs le témoignage de sa confession. L’aveu qui fait rougir de honte les particuliers, ce prince n’en rougit pas. Ceux que les lois atteignent osent nier leur péché, ou ne veulent pas demander ce pardon que sollicite un souverain, qui n’est soumis aux lois d’aucun homme. En péchant, il a donné un signe de sa fragile condition ; en suppliant, il donne une marque d’amendement.

7e leçon

Homélie de saint Ambroise, Évêque.

C’est après que cette femme qui figurait l’Église, eut été guérie d’un flux de sang ; c’est après que les Apôtres eurent été choisis pour prêcher l’Évangile du royaume de Dieu, que Jésus-Christ distribua l’aliment de la grâce céleste. Et remarquez à qui il le dispense : ce n’est point à ceux qui demeurent oisifs, à ceux qui restent dans la ville, c’est-à-dire à ceux qui s’attardent dans la synagogue ou se complaisent dans les honneurs du siècle ; mais c’est à ceux qui, pour chercher le Christ, pénètrent jusqu’au désert. Ceux qui surmontent toute répugnance, ceux-là sont accueillis par le Christ, c’est avec eux que le Verbe de Dieu s’entretient, non des affaires de ce monde, mais du royaume de Dieu. Et si parmi eux il en est qui soient affligés de quelque infirmité corporelle, il leur accorde d’abord le bienfait de la guérison.

8e leçon

Il était naturel qu’il tint en réserve un aliment spirituel, pour faire cesser le jeûne de ceux dont il venait de guérir les blessures. Personne donc ne reçoit la nourriture du Christ, s’il n’a d’abord été guéri, et tous ceux qui sont appelés au banquet, sont auparavant guéris par l’appel divin. Celui qui était boiteux a reçu, pour venir, la faculté de marcher ; celui qui était privé de la vue n’a pu entrer dans la maison du Seigneur, qu’après que la lumière lui a été rendue.

9e leçon

C’est donc un ordre mystérieux toujours observé : d’abord la rémission des péchés guérit les blessures spirituelles, ensuite la céleste nourriture est accordée avec largesse. Et cependant, cette foule n’est pas encore appelée à se nourrir des aliments les plus substantiels : ces cœurs, vides d’une foi solide, ne sont pas restaurés par le corps et le sang du Christ. « Je ne vous ai donné que du lait, dit l’Apôtre, vous ne pouviez encore supporter autre chose, et d’ailleurs vous en êtes encore incapables ». Ici, les cinq pains rappellent le lait : la nourriture plus substantielle, c’est le corps du Christ ; le breuvage plus fortifiant, c’est le sang du Seigneur.

La série des lectures de saint Paul, momentanément interrompue à cause de la fête des Princes des Apôtres, se poursuit aujourd’hui avec l’épître aux Romains. Ensuite viendront celles aux Corinthiens, aux Galâtes, aux Éphésiens, aux Philippiens et aux Colossiens, en sorte que, durant tout le cycle de la Pentecôte à l’Avent, ce sera toujours Paul qui, dans la station dominicale, prendra la parole pour instruire les fidèles de Rome. Cette préférence, donnée à saint Paul, dans l’attribution de l’enseignement, n’est pas sans une profonde signification.

Pierre et Paul, les princes du collège apostolique, ont été appelés à accomplir une mission durable, qui ne peut se terminer à leur mort. Pierre transmet la puissance des clefs à Lin, à Clet, à Clément, et, aujourd’hui encore dans la personne de Pie XI, il continue d’être la pierre fondamentale sur laquelle s’appuie toute l’Église. Paul, comme l’observe fort bien saint Jean Chrysostome, a reçu de son côté du Seigneur les clefs de la sagesse, et, parmi les gentils, a été constitué le Docteur, l’Apôtre par excellence et le Prédicateur de la vérité jusqu’aux extrêmes confins du monde.

En cette qualité précisément d’Apôtre et de Docteur du monde, il écrit des lettres, des dissertations théologiques, lesquelles, après les saints Évangiles, constituent la portion la plus importante du dépôt de la divine révélation dans la grâce du Nouveau Testament. L’Église ne saurait donc renoncer à nourrir continuellement son esprit de la céleste doctrine de Paul ; si bien que chaque jour, presque régulièrement, à la sainte Messe, un passage des écrits de l’apôtre Paul précède la lecture des Évangiles.

 

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Saint Henri empereur et confesseur

15 Juillet 2017 , Rédigé par Ludovicus

Saint Henri empereur et confesseur

Au deuxième nocturne.

Quatrième leçon. Henri, surnommé le Pieux, duc de Bavière, puis roi de Germanie, et enfin empereur des Romains, ne se contenta point des bornes étroites d’une domination temporelle. Aussi pour obtenir la couronne de l’immortalité, se montra-t-il le serviteur dévoué du Roi Éternel. Une -fois maître de l’empire, il mit son application et ses soins à étendre la religion, réparant avec beaucoup de magnificence les églises détruites par les infidèles et les enrichissant de largesses et de propriétés considérables, érigeant lui-même des monastères et d’autres établissements religieux, ou augmentant leurs revenus. L’évêché de Bamberg, fondé avec ses ressources patrimoniales, fut rendu par lui tributaire de Saint-Pierre et du Pontife romain. Benoît VIII étant fugitif, il le recueillit et le rétablit sur son Siège. C’est de ce Pape qu’il avait reçu la couronne impériale.

Cinquième leçon. Retenu au Mont-Cassin par une grave maladie, il en fut guéri d’une manière toute miraculeuse, grâce à l’intercession de saint Benoît. Il publia une charte importante spécifiant de grandes libéralités en faveur de l’Église romaine, entreprit pour la défendre une guerre contre les Grecs, et recouvra la Pouille, qu’ils avaient longtemps possédée. Ayant coutume de ne rien entreprendre sans avoir prié, il vit plus d’une fois l’Ange du Seigneur et les saints combattre aux premières lignes, pour sa cause. Avec le secours divin, il triompha des nations barbares plus par les prières que par les armes. La Pannonie était encore infidèle ; il sut l’amener à la foi de Jésus-Christ, en donnant sa sœur comme épouse au roi Etienne, qui demanda le baptême. Exemple rare : il unit l’état de virginité à l’état du mariage et sur le point de mourir, il remit sainte Cunégonde, son épouse, entre les mains de ses proches, dans son intégrité virginale.

Sixième leçon. Enfin après avoir disposé avec la plus grande prudence tout ce qui se rapportait à l’honneur et à l’utilité de l’empire, laissé ça et là, en Gaule, en Italie et en Germanie, des marques éclatantes de sa religieuse munificence, répandu au loin la plus suave odeur d’une vertu héroïque, et consommé les labeurs de cette vie, il fut appelé par le Seigneur à la récompense du royaume céleste, l’an du salut mil vingt-quatre. Sa sainteté l’a rendu plus célèbre que le sceptre qu’il a porté. Son corps fut déposé à Bamberg, dans l’église des saints Apôtres Pierre et Paul. Dieu le glorifia bientôt après par de nombreux miracles opérés auprès de son tombeau ; ces prodiges ayant été canoniquement prouvés, Eugène III l’a inscrit au catalogue des Saints.

Au troisième nocturne.

Homélie de saint Grégoire, Pape. Homelia 13 in Evang.

Septième leçon. Mes très chers frères, le sens de la lecture du saint Évangile que vous venez d’entendre est très clair. Mais de crainte qu’elle ne paraisse, à cause de sa simplicité même, trop élevée à quelques-uns, nous la parcourrons brièvement, afin d’en exposer la signification à ceux qui l’ignorent, sans cependant être à charge à ceux qui la connaissent. Le Seigneur dit : « Que vos reins soient ceints ». Nous ceignons nos reins lorsque nous réprimons les penchants de la chair par la continence. Mais parce que c’est peu de chose de s’abstenir du mal, si l’on ne s’applique également, et par des efforts assidus, à faire du bien, notre Seigneur ajoute aussitôt : « Ayez en vos mains des lampes allumées ». Nous tenons en nos mains des lampes allumées, lorsque nous donnons à notre prochain, par nos bonnes œuvres, des exemples qui l’éclairent. Le Maître désigne assurément ces œuvres-là, quand il dit : « Que votre lumière luise devant les hommes, afin qu’ils voient vos bonnes œuvres, et qu’ils glorifient votre Père qui est dans les cieux ».

Huitième leçon. Voilà donc les deux choses commandées : ceindre ses reins, et tenir des lampes ; ce qui signifie que la chasteté doit parer notre corps, et la lumière de la vérité briller dans nos œuvres. L’une de ces vertus n’est nullement capable de plaire à notre Rédempteur si l’autre ne l’accompagne. Celui qui fait des bonnes actions ne peut lui être agréable s’il n’a renoncé à se souiller par la luxure, ni celui qui garde une chasteté parfaite, s’il ne s’exerce à la pratique des bonnes œuvres. La chasteté n’est donc point une grande vertu sans les bonnes œuvres, et les bonnes œuvres ne sont rien sans la chasteté. Mais si quelqu’un observe les deux préceptes, il lui reste le devoir de tendre par l’espérance à la patrie céleste, et de prendre garde qu’en s’éloignant des vices, il ne le fasse pour l’honneur de ce monde.

Neuvième leçon. « Et vous, soyez semblables à des hommes qui attendent que leur maître revienne des noces, afin que lorsqu’il viendra et frappera à la porte, ils lui ouvrent aussitôt ». Le Seigneur vient en effet quand il se prépare à nous juger ; et il frappe à la porte, lorsque, par les peines de la maladie, il nous annonce une mort prochaine. Nous lui ouvrons aussitôt, si nous l’accueillons avec amour. Il ne veut pas ouvrir à son juge lorsqu’il frappe, celui qui tremble de quitter son corps, et redoute de voir ce juge qu’il se souvient avoir méprisé ; mais celui qui se sent rassuré, et par son espérance et par ses œuvres, ouvre aussitôt au Seigneur lorsqu’il frappe à la porte, car il reçoit son Juge avec joie. Et quand le moment de la mort arrive, sa joie redouble à la pensée d’une glorieuse récompense.

 

Henri de Germanie, deuxième du nom quant à la royauté, premier quant à l’empire, fut le dernier représentant couronné de cette maison de Saxe issue d’Henri l’Oiseleur, à laquelle Dieu, au dixième siècle, confia la mission de relever l’œuvre de Charlemagne et de saint Léon III. Noble tige, où l’éclat des fleurs de sainteté qui brillent en ses rameaux l’emporte encore sur la puissance dont elle parut douée, quand elle implanta dans le sol allemand les racines des fortes institutions qui lui donnèrent consistance pour de longs siècles.

L’Esprit-Saint, qui divise comme il veut ses dons, appelait alors aux plus hautes destinées la terre où, plus que nulle part, s’était montrée l’énergie de son action divine dans la transformation des peuples. Acquise au Christ par saint Boniface et les continuateurs de son œuvre, la vaste contrée qui s’étend au delà du Rhin et du Danube était devenue le boulevard de l’Occident, sur lequel durant tant d’années elle avait versé la dévastation et la ruine. Loin de songer à soumettre à ses lois les redoutables tribus qui l’habitaient, Rome païenne, au plus haut point de sa puissance, avait eu pour suprême ambition la pensée d’élever entre elles et l’Empire un mur de séparation éternelle ; Rome chrétienne, plus véritablement souveraine du monde, plaçait dans ces régions le siège même du Saint-Empire Romain reconstitué par ses Pontifes. Au nouvel Empire de défendre les droits de la Mère commune, de protéger la chrétienté contre les barbares nouveaux, de conquérir à l’Évangile ou de briser les hordes hongroises et slaves, mongoles, tartares et ottomanes qui successivement viendront heurter ses frontières. Heureuse l’Allemagne, si toujours elle avait su comprendre sa vraie gloire, si surtout la fidélité de ses princes au vicaire de l’Homme-Dieu était restée à la hauteur de la foi de leurs peuples !

Dieu, en ce qui était de lui, avait soutenu magnifiquement les avances qu’il faisait à la Germanie. La fête présente marque le couronnement de la période d’élaboration féconde où l’Esprit-Saint, l’ayant créée comme à nouveau dans les eaux de la fontaine sacrée, voulut la conduire au plein développement de l’âge parfait qui convient aux nations. C’est dans cette période de formation véritablement créatrice que l’historien doit s’attacher principalement à étudier les peuples, s’il veut savoir ce qu’attend d’eux la Providence. Quand Dieu crée en effet, dans l’ordre de la vocation surnaturelle des hommes ou des sociétés coin nie dans celui de la nature elle-même, il dépose dès l’abord en son œuvre le principe de la vie plus ou moins supérieure qui doit être la sienne : germe précieux dont le développement, s’il n’est contrarié, doit lui faire atteindre sa fin ; dont par suite aussi la connaissance, pour qui sait l’observer avant toute déviation, manifeste clairement à l’endroit de l’œuvre en question la pensée divine. Or, maintes fois déjà nous l’avons constaté depuis l’avènement de l’Esprit sanctificateur, le principe de vie des nations chrétiennes est la sainteté de leurs origines : sainteté multiple, aussi variée que la multiforme Sagesse de Dieu dont elles doivent être l’instrument, aussi distincte pour chacune d’elles que le seront leurs destinées ; sainteté le plus souvent descendant du trône, et douée par là du caractère social que trop de fois plus tard revêtiront aussi les crimes des princes, en raison même de ce titre de princes qui les fait devant Dieu représentants de leurs peuples. Déjà aussi nous l’avons vu : au nom de Marie, devenue dans sa divine maternité le canal de toute vie pour le monde, c’est à la femme qu’est dévolue la mission d’enfanter devant Dieu les familles des nations qui seront l’objet de ses prédilections les plus chères ; tandis que les princes, fondateurs apparents des empires, occupent par leurs hauts faits l’avant-scène de l’histoire, c’est elle qui, dans le douloureux secret de ses larmes et de ses prières, féconde leurs œuvres, élève leurs desseins au-dessus de la terre et leur obtient la durée.

L’Esprit ne craint point de se répéter dans cette glorification de la divine Mère ; aux Clotilde, Radegonde et Bathilde, qui pour elles donnèrent en des temps laborieux les Francs à l’Église, répondent sous des cieux différents, et toujours à l’honneur de la bienheureuse Trinité, Mathilde, Adélaïde et Cunégonde, joignant sur leurs fronts la couronne des saints au diadème de la Germanie. Sur le chaos du dixième siècle, d’où l’Allemagne devait sortir, plane sans interruption leur douce figure, plus forte contre l’anarchie que le glaive des Othon, rassérénant dans la nuit de ces temps l’Église et le monde. Au commencement enfin de ce siècle onzième qui devait si longtemps encore attendre son Hildebrand, lorsque les anges du sanctuaire pleuraient partout sur des autels souillés, quel spectacle que celui de l’union virginale dans laquelle s’épanouit cette glorieuse succession qui, comme lasse de donner seulement des héros à la terre, ne veut plus fructifier qu’au ciel ! Pour la patrie allemande, un tel dénouement n’était pas abandon, mais prudence suprême ; car il engageait Dieu miséricordieusement au pays qui, du sein de l’universelle corruption, faisait monter vers lui ce parfum d’holocauste : ainsi, à l’encontre des revendications futures de sa justice, étaient par avance comme neutralisées les iniquités des maisons de Franconie el de Souabe, qui succédèrent à la maison de Saxe et n’imitèrent pas ses vertus.

Que la terre donc s’unisse au ciel pour célébrer aujourd’hui l’homme qui donna leur consécration dernière aux desseins de l’éternelle Sagesse à cette heure de l’histoire ; il résume en lui l’héroïsme et la sainteté de la race illustre dont la principale gloire est de l’avoir, tout un siècle, préparé dignement pour les hommes et pour Dieu. Il fut grand pour les hommes, qui, durant un long règne, ne surent qu’admirer le plus de la bravoure ou de l’active énergie grâce auxquelles, présent à la fois sur tous les points de son vaste empire, toujours heureux, il sut comprimer les révoltes du dedans, dompter les Slaves à sa frontière du Nord, châtier l’insolence grecque au midi de la péninsule italique ; pendant que, politique profond, il aidait la Hongrie à sortir par le christianisme de la barbarie, et tendait au delà de la Meuse à notre Robert le Pieux une main amie qui eût voulu sceller, pour le bonheur des siècles à venir, une alliance éternelle entre l’Empire et la fille aînée de la sainte Église.

Époux vierge de la vierge Cunégonde, Henri fut grand aussi pour Dieu qui n’eut jamais de plus fidèle lieutenant sur la terre. Dieu dans son Christ était à ses yeux l’unique Roi, l’intérêt du Christ et de l’Église la seule inspiration de son gouvernement, le service de l’Homme-Dieu dans ce qu’il a de plus parfait sa suprême ambition. Il comprenait que la vraie noblesse, aussi bien que le salut du monde, se cachait dans ces cloîtres où les âmes d’élite accouraient pour éviter l’universelle ignominie et conjurer tant de ruines. C’était la pensée qui, au lendemain de son couronnement impérial, l’amenait à Cluny, et lui faisait remettre à la garde de l’insigne abbaye le globe d’or, image du monde dont la défense venait de lui être confiée comme soldat du vicaire de Dieu ; c’était l’ambition qui le jetait aux genoux de l’Abbé de Saint-Vannes de Verdun, implorant la grâce d’être admis au nombre de ses moines, et faisait qu’il ne revenait qu’en gémissant et contraint par l’obéissance au fardeau de l’Empire.

Par moi règnent les rois, par moi les princes exercent l’empire. Cette parole descendue des cieux, vous l’avez comprise, ô Henri ! En des temps pleins de crimes, vous avez su où étaient pour vous le conseil et la force. Comme Salomon vous ne vouliez que la Sagesse, et comme lui vous avez expérimenté qu’avec elle se trouvaient aussi les richesses et la gloire et la magnificence ; mais plus heureux que le fils de David, vous ne vous êtes point laissé détourner de la Sagesse vivante par ces dons inférieurs qui, dans sa divine pensée, étaient plus l’épreuve de votre amour que le témoignage de celui qu’elle-même vous portait. L’épreuve, ô Henri, a été convaincante : c’est jusqu’au bout que vous avez marché dans les voies bonnes, n’excluant dans votre âme loyale aucune des conséquences de l’enseignement divin ; peu content de choisir comme tant d’autres des meilleurs les pentes plus adoucies du chemin qui mène au ciel, c’est par le milieu des sentiers de la justice que, suivant de plus près l’adorable Sagesse, vous avez fourni la carrière en compagnie des parfaits.

Qui donc pourrait trouver mauvais ce qu’approuve Dieu, ce que conseille le Christ, ce que l’Église a canonisé en vous et dans votre noble épouse ? La condition des royautés de la terre n’est pas lamentable à ce point que l’appel de l’Homme-Dieu ne puisse parvenir à leurs trônes ; l’égalité chrétienne veut que les princes ne soient pas moins libres que leurs sujets de porter leur ambition au delà de ce monde. Une fois de plus, au reste, les faits ont montré dans votre personne, que pour le monde même la science des saints est la vraie prudence. En revendiquant votre droit d’aspirer aux premières places dans la maison du Père qui est aux cieux, droit fondé pour tous les enfants de ce Père souverain sur la commune noblesse qui leur vient du baptême, vous avez brillé comme un phare éclatant sous le ciel le plus sombre qui eût encore pesé sur l’Église, vous avez relevé les âmes que le sel de la terre, affadi, foulé aux pieds, ne préservait plus de la corruption. Ce n’était pas à vous sans doute qu’il appartenait de réformer directement le sanctuaire ; mais, premier serviteur de la Mère commune, vous saviez faire respecter intrépidement ses anciennes lois, ses décrets nouveaux toujours dignes de l’Époux, toujours saints comme l’Esprit qui les dicte à tous les âges : en attendant la lutte formidable que l’Épouse allait engager bientôt, votre règne interrompit la prescription odieuse que déjà Satan invoquait contre elle.

En cherchant premièrement pour vous le royaume de Dieu et sa justice, vous étiez loin également de frustrer votre patrie d’origine et le pays qui vous avait appelé à sa tête. C’est bien à vous entre tous que l’Allemagne doit l’affermissement chez elle de cet Empire qui fut sa gloire parmi les peuples, jusqu’à ce qu’il tombât dans nos temps pour ne plus se relever nulle part. Vos œuvres saintes eurent assez de poids dans la balance des divines justices pour l’emporter, lorsque depuis longtemps déjà vous aviez quitté la terre, sur les crimes d’un Henri IV et d’un Frédéric II, bien faits pour compromettre à tout jamais l’avenir de la Germanie. Du trône que vous occupez dans les cieux, jetez un regard de commisération sur ce vaste domaine du Saint-Empire, qui vous dut de si beaux accroissements, et que l’hérésie a désagrégé pour toujours ; confondez les constructeurs nouveaux venus d’au delà de l’Oder, que l’Allemagne des beaux temps ne connut pas, et qui voudraient sans le ciment de l’antique foi relever à leur profit les grandeurs du passé ; préservez d’un affaissement plus douloureux encore que celui dont nous sommes les témoins attristés, les nobles parties de l’ancien édifice restées à grand-peine debout parmi les ruines. Revenez, ô empereur des grands âges, combattre pour l’Église ; ralliez les débris de la chrétienté sur le terrain traditionnel des intérêts communs à toute nation catholique : et cette alliance, que votre haute politique avait autrefois conclue, rendra au monde la sécurité, la paix, la prospérité que ne lui donnera point l’instable équilibre avec lequel il reste à la merci de tous les coups de la force.

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Saint Bonaventure évêque, confesseur et docteur

14 Juillet 2017 , Rédigé par Ludovicus

Saint Bonaventure évêque, confesseur et docteur

Au deuxième nocturne.

Quatrième leçon. Bonaventure, né à Bagnorea, en Étrurie, fut arraché, dans son enfance à une maladie mortelle, par les prières du bienheureux François, à l’ordre duquel sa mère avait fait vœu de le consacrer s’il se rétablissait. Aussi, parvenu à l’adolescence, résolut-il d’entrer dans l’ordre des Frères Mineurs ; il y parvint, sous la direction d’Alexandre de Hales, à un tel degré de science que, sept ans plus tard, après avoir remporté à Paris les palmes de « Maître », il expliqua publiquement avec le plus grand succès les livres des Sentences, que, dans la suite, il illustra aussi de commentaires célèbres. Mais ce ne fut pas seulement par la profondeur de sa science, ce fut encore par la pureté de ses mœurs, l’innocence de sa vie, son humilité, sa douceur, son mépris des choses terrestres et son désir des biens célestes, qu’il excella merveilleusement : bien digne, en vérité, d’être considéré comme un modèle de perfection et d’être appelé saint par le bienheureux Thomas d’Aquin, son ami intime. En effet, celui-ci le trouvant à écrire la vie de saint François : « Laissons, dit-il, un saint travailler pour un saint. »

Cinquième leçon. Embrasé du feu de l’amour divin, il était porté par un sentiment tout particulier de piété à honorer la passion de notre Seigneur Jésus-Christ, qui faisait l’objet constant de sa méditation, et la Vierge Mère de Dieu, à laquelle il s’était consacré tout entier ; et cette même dévotion, il s’appliqua de toutes ses forces à l’exciter en d’autres par ses paroles et ses exemples, puis à la développer par des ouvrages et des opuscules. De sa piété provenaient la suavité de ses rapports avec le prochain, la grâce qui s’attachait à sa parole, et cette charité débordante par laquelle il s’attachait étroitement tous les cœurs. Ces vertus firent, qu’à peine âgé de trente-cinq ans, on l’élut à Rome, du commun consentement de tous, ministre général de l’Ordre, et pendant vingt-deux ans, Bonaventure s’acquitta de cette fonction avec une admirable prudence et une grande réputation de sainteté. Il prit plusieurs mesures utiles à la discipline régulière et au développement de son Ordre, qu’il défendit avec succès, en même temps que les autres Ordres mendiants, contre les calomnies de leurs détracteurs.

Sixième leçon. Mandé au concile de Lyon par le bienheureux Grégoire X, et créé cardinal-évêque d’Albano, le saint déploya, dans les affaires ardues du concile, une remarquable activité. Par ses soins, les discordes schismatiques furent apaisées et les dogmes de l’Église triomphèrent. C’est au milieu même de ces labeurs, la cinquante-troisième année de son âge, l’an du salut douze cent soixante-quatorze, que la mort l’atteignit, causant de profonds et unanimes regrets. La présence de tout le concile et celle du Pontife Romain lui-même, rehaussa ses funérailles. De nombreux et éclatants miracles l’ayant rendu célèbre, Bonaventure fut mis au nombre des saints par Sixte IV. Il a écrit beaucoup d’ouvrages, où son ardente piété, jointe à une érudition profonde, émeut le lecteur tout en l’instruisant. Aussi Sixte-Quint lui a-t-il décerné à bon droit le nom de Docteur Séraphique.

Au troisième nocturne.

Homélie de saint Jean Chrysostome. Homil. 15 in Matth., sub med.

Septième leçon. Remarquez ce que dit Jésus-Christ : « Vous êtes le sel de la terre ». Il montre par là combien il est nécessaire qu’il donne ces préceptes à ses Apôtres. Car, ce n’est pas seulement, leur dit-il, de votre propre vie, mais de l’univers entier que vous aurez à rendre compte. Je ne vous envoie pas comme j’envoyais les Prophètes, à deux, à dix, ou à vingt villes ni à une seule nation, mais à toute la terre, à la mer, et au monde entier, à ce monde accablé sous le poids de crimes divers.

Huitième leçon. En disant : « Vous êtes le sel de la terre », il montre que l’universalité des hommes était comme affadie et corrompue par une masse de péchés ; et c’est pourquoi il demande d’eux les vertus qui sont surtout nécessaires et utiles pour procurer le salut d’un grand nombre. Celui qui est doux, modeste, miséricordieux et juste, ne peut justement se borner à renfermer ces vertus en son âme, mais il doit avoir soin que ces sources excellentes coulent aussi pour l’avantage des autres. Ainsi celui qui a le cœur pur, qui est pacifique et qui souffre persécution pour la vérité, dirige-sa vie d’une manière utile à tous.

Neuvième leçon. Ne croyez donc point, dit-il, que ce soit à de légers combats que vous serez conduits, et que ce soient des choses de peu d’importance dont il vous faudra prendre soin et rendre compte, « vous êtes le sel de la terre ». Quoi donc ? Est-ce que les Apôtres ont guéri ce qui était déjà entièrement gâté ? Non certes ; car il ne se peut faire que ce qui tombe déjà en putréfaction soit rétabli dans son premier état par l’application du sel. Ce n’est donc pas cela qu’ils ont fait, mais ce qui était auparavant renouvelé et à eux confié, ce qui était délivré déjà de cette pourriture, ils y répandaient le sel et le conservaient dans cet état de rénovation qui est une grâce reçue du Seigneur. Délivrer de la corruption du péché, c’est l’effet de la puissance du Christ ; empêcher que les hommes ne retournent au péché, voilà ce qui réclame les soins et les labeurs des Apôtres.

Quatre mois après l’Ange de l’École, voici qu’à son tour Bonaventure paraît au ciel comme un astre éclatant réfléchissant les feux du Soleil de justice. Inséparables au pied du trône de Dieu comme ils le furent ici-bas dans la doctrine et l’amour, la terre les honore de litres glorieux empruntés au monde des célestes esprits. Écoutons le Docteur séraphique justifier à l’avance, pour son compagnon de gloire et pour lui, ces appellations de la reconnaissante admiration des peuples.

Aux trois célestes hiérarchies comprenant les neuf chœurs des Anges, correspondent sur la terre trois ordres d’élus. Les Séraphins, les Chérubins, les Trônes, qui se divisent la première hiérarchie, sont en ce monde ceux que rapproche dans la divine contemplation la meilleure part, et que distinguent entre eux plus spécialement l’intensité de l’amour, la plénitude de la science, la fermeté de la justice ; aux Dominations, Vertus et Puissances répondent les prélats et les princes, aux derniers chœurs enfin les divers rangs des sujets de la sainte Église adonnés à la vie active. C’est le triple partage indiqué parmi les hommes en saint Luc au dernier des jours : Deux seront dans le repos, deux au champ, deux à la meule à savoir le repos des divines suavités, le champ du gouvernement, la meule du labeur de la vie Quant à l’association mutuelle ici marquée, on doit savoir en effet que les Séraphins eux-mêmes, unis à Dieu plus immédiatement que tous autres, s’acquittent à deux en Isaïe du ministère du sacrifice et de la louange ; car pour l’ange aussi bien que pour l’homme, la plénitude de l’amour, part plus spéciale du Séraphin, ne saurait exister sans l’accomplissement du double précepte de la charité embrassant Dieu et son semblable. Aussi est-il observé du Seigneur qu’il envoie ses disciples deux à deux devant sa face, et voyons-nous également Dieu dans la Genèse envoyer deux anges là où un seul pouvait suffire. Il vaut donc mieux être deux ensemble qu’un seul, dit l’Ecclésiaste ; car ils tirent avantage de leur société[Eccle. IV, 9.]].

Nous venons d’entendre l’enseignement de Bonaventure en son livre de la Hiérarchie ; il nous donne le secret des procédés divins où l’éternelle Sagesse s’est complue souvent, dans la poursuite du salut du monde et de la sanctification des élus. Au XIIIe siècle en particulier, l’historien qui recherche les causes des événements déroulés sous ses yeux n’arrivera point à les connaître pleinement, s’il oublie la vision prophétique où Notre-Dame nous est montrée, au commencement de ce siècle, présentant à son Fils irrité ses deux serviteurs Dominique et François pour lui ramener par leur union puissante l’humanité dévoyée. Quel spectacle plus digne des Séraphins que la rencontre de ces deux anges de la terre, au lendemain de l’apparition mystérieuse ! « Tu es mon compagnon, tu courras avec moi d’un même pas, dit dans une étreinte du ciel le descendant des Guzman au pauvre d’Assise ; tenons-nous ensemble, et nul ne prévaudra contre nous ». Mais ne doit-ce pas être aussi la devise, n’est-ce pas, sur le terrain delà doctrine sacrée, l’histoire de leurs deux nobles fils Thomas et Bonaventure ? L’étoile qui brille au front de Dominique a dirigé vers Thomas ses rayons ; le Séraphin qui imprima sur la chair de François les stigmates divins touche de son aile de feu l’âme de Bonaventure ; mais, de même que leurs incomparables pères, tous deux n’ont qu’un but : amener les hommes par la science et l’amour à cette vie éternelle qui consiste à connaître le seul vrai Dieu et celui qu’il a envoyé, Jésus-Christ.

Lampes ardentes et luisantes combinant leur flamme dans les cieux en des proportions que nul œil mortel ne saurait spécifier d’ici-bas, la Sagesse éternelle a voulu pourtant que l’Église de la terre empruntât plus particulièrement à Thomas sa lumière, et à Bonaventure ses feux. Que ne pouvons-nous ici montrer à l’œuvre en chacun d’eux cette Sagesse, unique lien dès ce monde de leur commune pensée, et dont il est écrit que, toujours immuable en son adorable unité, elle ne se répète jamais dans les âmes qu’elle choisit parmi les nations pour en faire les prophètes et les amis de Dieu ! Mais nous ne devons parler aujourd’hui que de Bonaventure.

Voué tout enfant par sa pieuse mère à saint François qui l’avait sauvé d’une mort imminente, ce fut dès le berceau et sous les traits de la divine pauvreté, compagne aimée du patriarche séraphique, que l’éternelle Sagesse voulut prévenir notre saint et se montrer à lui la première. Promis dès lors à l’Ordre des Frères Mineurs, c’était donc bien littéralement qu’au premier éveil de ses facultés, il la trouvait assise aux portes de son âme, attendant l’ouverture de ces portes qui sont, nous dit-il lui-même, l’intelligence et l’amour. La très douce âme de l’enfant, prévenue de tous les dons de nature et de grâce, ne pouvait hésiter entre les tumultueuses vanités de ce monde et l’auguste amie qui s’offrait à lui dans le calme rayonnement de sa sublime noblesse et de ses charmes divins. De ce premier instant, sans lutte aucune, elle fut sa lumière ; aussi tranquillement que le rayon de soleil entrant par une fenêtre jusque-là close, la Sagesse remplit cette demeure devenue sienne, comme l’épouse au jour des noces prend possession de la maison de son époux et y apporte toute joie, en pleine communauté de biens et surtout d’amour.

Pour sa part de contribution à la table nuptiale, elle apportait les substantielles clartés des cieux ; Bonaventure lui servait en retour les lis de la pureté, qu’elle recherche, assure-t-il, pour premier aliment. Le festin ne devait plus cesser dans cette âme ; et la lumière et les parfums s’en échappant, allaient au loin tout attirer, éclairer et nourrir. Presque encore un enfant, lorsqu’au sortir des premières années de sa vie religieuse, il fut selon l’usage envoyé aux cours de la célèbre Université de Paris, tous les cœurs furent gagnés à cet ange de la terre dans lequel il semblait, disait-on, qu’Adam n’eût point péché : parole d’admiration que n’avait pu retenir, à la vue de tant de qualités rassemblées, le grand Alexandre de Halès. Comme ces montagnes dont la cime se perd au delà des nues, dont la base envoie au loin les eaux fécondantes, Frère Alexandre, selon l’expression du Pontife suprême, semblait alors contenir en soi la source vive du paradis, d’où le fleuve de la science du salut s’échappait à flots pressés sur la terre. Bien peu de temps néanmoins allait s’écouler avant que celui qu’on nommait le Docteur irréfragable et le Docteur des docteurs, cédât la place au nouveau venu qui devait être sa plus pure gloire en l’appelant son Père et son Maître. Si jeune encore investi d’un pareil héritage, Bonaventure cependant pouvait dire de la Sagesse divine plus justement que de l’illustre Maître qui n’avait eu qu’à assister au développement prodigieux de cette âme : « C’est elle qui m’a tout appris ; elle m’a enseigné la science de Dieu et de ses ouvrages, et la justice et les vertus, et les subtilités du discours et le nœud des plus forts arguments ».

Tel est bien tout l’objet de ces Commentaires sur les quatre Livres des Sentences, qui nous ont conservé les leçons de Bonaventure en cette chaire de Paris où sa parole gracieuse, animée d’un souffle divin, tenait captives les plus nobles intelligences : inépuisable mine, que la famille franciscaine se doit à elle-même d’exploiter toujours plus comme son vrai trésor ; monument impérissable de la science de ce Docteur de vingt-sept ans, qui, distrait bientôt de l’enseignement par les soins du gouvernement d’un grand Ordre, n’en partagera pas moins toujours, à cause de cette exposition magistrale, l’honneur du principat de la Théologie sacrée avec son illustre ami Thomas d’Aquin, plus heureux et plus libre de poursuivre ses études saintes.

Mais combien déjà le jeune Maître répondait à son titre prédestiné de Docteur séraphique, en ne voyant dès ce temps dans la science qu’un moyen de l’amour, en répétant sans fin que la lumière qui illumine l’intelligence reste stérile et vaine si elle ne pénètre jusqu’au cœur, où seulement la Sagesse se repose et festoie ! Aussi, nous dit saint Antonin, toute vérité perçue par l’intellect en lui passait par les affections, devenant ainsi prière et divine louange. Son but était, dit un autre historien, d’arriver à l’incendie de l’amour, de s’embraser lui-même au divin foyer et d’enflammer ensuite les autres ; indifférent aux louanges comme à la renommée, uniquement soucieux de régler ses mœurs et sa vie, il entendait brûler d’abord et non seulement luire, être feu pour ainsi approcher de Dieu davantage étant plus conforme à celui qui est feu : toutefois, comme le feu ne va pas sans lumière, ainsi fut-il du même coup un luisant flambeau dans la maison de Dieu ; mais son titre spécial de louange, est que tout ce qu’il put rassembler de lumière il en fit l’aliment de sa flamme et de la divine charité.

On sut à quoi s’en tenir au sujet de cette direction unique de ses pensées, lorsqu’inaugurant son enseignement public, il dut prendre parti sur la question qui divisait l’École touchant la fin de la Théologie : science spéculative pour les uns, pratique au jugement des autres, selon que les uns et les autres étaient frappés davantage du caractère théorique ou moral des notions qu’elle a pour objet. Bonaventure, cherchant à unir les deux sentiments dans le principe qui était à ses yeux l’universelle et seule loi, concluait que « la Théologie est une science affective, dont la conte naissance procède par contemplation spéculative, mais tend principalement à nous rendre bons ». La Sagesse de la doctrine en effet, disait-il, doit être ce que l’indique son nom, savoureuse à l’âme ; et, ajoutait-il, non sans quelque pointe de suave ironie comme en connaissent les saints, il y a différence dans l’impression produite par cette proposition : Le Christ est mort pour nous, et semblables, ou cette autre, je suppose : La diagonale et le coté d’un carré sont incommensurables entre eux.

En même temps, de quelle ineffable modestie n’étaient pas relevés dans notre saint le charme du discours et la profondeur de la science ! « Soit dit sans préjudice du sentiment d’autrui, concluait-il dans les questions obscures. Si quelqu’un pense autrement ou mieux, ainsi qu’il est possible, sur ce point comme sur tous les autres, je n’en suis point envieux ; mais s’il se rencontre quelque chose digne d’approbation dans ce petit ouvrage, qu’on en rende grâces à Dieu auteur des bonnes choses : pour le faux, le douteux ou l’obscur qui peut s’y trouver en d’autres endroits, que la bienveillance du lecteur le pardonne à l’insuffisance de l’écrivain, auquel sa conscience rend témoignage à coup sûr d’avoir désiré ne rien dire que de vrai, de clair et de reçu communément ». Dans une circonstance pourtant, l’inaltérable dévouement de Bonaventure à la Reine des vierges tempère l’expression de son humilité avec une grâce non moins remplie de force que de douceur : « Que si quelqu’un, dit-il, préfère s’exprimer autrement, pourvu que ce ne soit pas au détriment de la Vierge vénérée, je ne lutterai guère à l’encontre ; mais il faut éviter diligemment que l’honneur de Notre-Dame soit en rien diminué par personne, dût-il en coûter la tête ». Enfin, terminant le troisième Livre de cette admirable exposition des Sentences : « Mieux vaut la charité que toute science, déclare-t-il. Il suffit dans le doute de savoir ce qu’ont pensé les sages ; la dispute sert de peu. Nombreuses sont nos paroles, et les mots nous trahissent et nous manquent. Grâces immenses à celui qui parfait tout discours, à notre Seigneur Jésus-Christ dont l’aide m’a donné de parvenir à l’achèvement de cette œuvre médiocre, ayant pris en pitié ma pauvreté de science et de génie ! Je lui demande qu’il en provienne pour moi le mérite de l’obéissance et profit pour mes Frères, double but dans la pensée duquel ce travail a été entrepris ». Cependant le temps était venu où le mérite de l’obéissance allait faire place pour notre saint à un autre moins envié de lui, mais non moins profitable aux Frères. A trente-cinq ans il fut élu Ministre Général. Thomas d’Aquin, plus jeune de quelques années, montait comme un soleil puissant à l’horizon. Bonaventure, contraint d’abandonner le champ de l’enseignement scolastique, laissait à son ami le soin de le féconder plus complètement et plus longuement qu’il n’avait pu faire. L’Église ne devait donc rien perdre ; et, fortement et suavement comme toujours, l’éternelle Sagesse poursuivait en cela sa pensée : ainsi prétendait-elle obtenir que ces deux incomparables génies se complétassent ineffablement l’un par l’autre, en nous donnant, réunis, la plénitude de la vraie science qui non seulement révèle Dieu, mais conduit à lui.

Donnez au sage l’occasion, et la sagesse croîtra en lui. Bonaventure devait justifier cette parole placée par lui en tête du traité des six ailes du Séraphin, où il expose les qualités requises dans l’homme appelé à porter la charge des âmes. L’espace nous manque, on le comprendra, pour suivre le détail infini et parfois les difficultés da ce gouvernement immense, que les missions franciscaines si répandues étendaient pour ainsi dire à l’Église entière. Le traité même que nous venons de citer, fruit de son expérience, et que le Père Claude Aquaviva tenait en si haute estime qu’il en avait fait comme un guide obligé des supérieurs de la Compagnie de Jésus, dit assez ce que fut notre saint dans cette dernière partie de son existence.

Son âme était arrivée à ce point qui n’est autre que le sommet de la vie spirituelle, où le plus vertigineux tourbillon du dehors ne trouble en rien le repos du dedans ; où l’union divine s’affirme dans la mystérieuse fécondité qui en résulte pour les saints, et qui se manifeste à la face du monde, quand il plaît à Dieu, par des œuvres parfaites dont la multiplicité reste inexplicable pour les profanes. Si nous voulons comprendre Bonaventure à cette heure de sa vie, méditons ce portrait tracé par lui-même : Les Séraphins influent sur ceux qui sont au-dessous d’eux pour les amener vers les hauteurs ; ainsi l’amour de l’homme spirituel se porte au prochain et à Dieu, à Dieu pour s’y reposer lui-même, au prochain pour l’y ramener avec lui. Non seulement donc ils embrasent ; ils donnent aussi la forme du parfait amour, chassant toutes ténèbres, montrant la manière de s’élever progressivement et d’aller à Dieu par les sommets.

Tel est le secret de la composition de toute cette série d’admirables opuscules où, n’ayant pour livre que son crucifix, comme il l’avouait à saint Thomas, sans plan préconçu, mais prenant occasion des demandes ou du besoin des frères et des sœurs de sa grande famille, d’autres fois ne voulant qu’épancher son âme, Bonaventure se trouve avoir traité tout ensemble et des premiers éléments de l’ascèse et des sujets les plus élevés de la vie mystique, avec une plénitude, une sûreté, une clarté, une force divine de persuasion, qui font dire au Souverain Pontife Sixte IV que l’Esprit-Saint lui-même semble parler en lui. Écrit au sommet de l’Alverne, et comme sous l’influence plus immédiate des Séraphins du ciel, l’Itinéraire de l’âme à Dieu ravissait à tel point le chancelier Gerson, qu’il déclarait « cet opuscule, ou plutôt, disait-il, cette œuvre immense, au-dessus de la louange d’une bouche mortelle » ; il eût voulu qu’en le joignant au Breviloquium, abrégé merveilleux de la science sacrée, on l’imposât comme manuel indispensable aux théologiens. C’est qu’en effet, dit pour l’Ordre bénédictin le grand Abbé Trithème, par ses paroles de feu l’auteur de tous ces profonds et dévots opuscules n’embrase pas moins la volonté du lecteur qu’il n’éclaire son intelligence. Pour qui considère l’esprit de l’amour divin et de la dévotion chrétienne qui s’exprime en lui, il surpasse sans peine tous les docteurs de son temps quant à l’utilité de ses ouvrages. Beaucoup exposent la doctrine, beaucoup prêchent la dévotion, peu dans leurs livres enseignent les deux ; Bonaventure surpasse et ce grand et ce petit nombre, parce que chez lui la science forme à la dévotion, et la dévotion à la science. Si donc vous voulez être et savant et dévot, pratiquez ses œuvres.

Mais, mieux que personne, Bonaventure nous révélera dans quelles dispositions il convient de le lire pour le faire avec fruit. En tête de son Incendium amoris, où il enseigne le triple chemin qui conduit par la purification, l’illumination et l’union à la véritable sagesse : « J’offre, dit-il, ce livre, non aux philosophes, non aux sages du monde, non aux grands théologiens embarrassés de questions infinies, mais aux simples, aux ignorants qui s’efforcent plus d’aimer Dieu que de beaucoup savoir. Ce n’est point en discutant, mais en agissant qu’on apprend à aimer. Pour ces hommes pleins de questions, supérieurs en toute science, mais inférieurs dans l’amour du Christ, j’estime qu’ils ne sauraient comprendre le contenu de ce livre ; à moins que laissant de côté la vainc ostentation du savoir, ils ne s’appliquent, dans un très profond renoncement, dans la prière et la méditation, à faire jaillir en eux l’étincelle divine qui, échauffant leur cœur et dissipant toute obscurité, les guidera par delà les choses du temps jusqu’au trône de la paix. Car par cela même pourtant qu’ils savent plus, ils sont plus aptes, ou ils le seraient, à aimer, s’ils se méprisaient véritablement eux-mêmes et avaient joie d’être méprisés par autrui ».

Si longues que soient déjà ces pages, nous ne résistons pas au désir de citer les dernières paroles qu’on nous ait conservées de Bonaventure. De même que l’Ange de l’École allait bientôt, à Fosse-Neuve, terminer ses œuvres et sa vie par l’explication du divin Cantique, le Séraphin son émule et son frère exhalait avec ces mots de l’épithalame sacré la dernière note de ses chants : « Le roi Salomon s’est fait un trône en bois du Liban ; les colonnes en sont d’argent, le siège en est d’or, les degrés tout de pourpre. Le siège d’or, ajoutait notre saint, est la sagesse contemplative : elle n’appartient qu’à quiconque possède aussi les colonnes d’argent, à savoir les vertus affermissant l’âme ; les degrés de pourpre sont la charité par où l’on monte vers les hauteurs et l’on descend dans les vallées ».

Conclusion digne de Bonaventure ; fin d’un ouvrage sublime et pourtant inachevé, que déjà il n’avait pu rédiger lui-même ! « Hélas ! hélas ! hélas ! s’écrie plein de larmes le pieux disciple à qui nous devons ce dernier trésor, une dignité plus haute, et bientôt le départ de cette vie de notre seigneur et Maître ont arrêté la continuation de cette œuvre ». Et nous révélant d’une façon touchante les précautions prises par les fils pour ne rien laisser perdre des conférences que faisait le père : « Ce que je donne ici, déclare-t-il, est ce que j’ai pu d’une plume rapide dérober tandis qu’il parlait. Deux autres avec moi pendant ce temps recueillaient des notes, mais leurs cahiers sont restés difficilement lisibles pour autrui ; au lieu que quelques-uns des auditeurs ont pu relire mon exemplaire, et que le Maître lui-même et beaucoup d’autres en ont fait usage, ce dont m’est due reconnaissance. Et maintenant, après bien des jours, la permission et le temps m’en étant accordés, j’ai revu ces notes, ayant toujours dans l’oreille et devant les yeux la voix et les gestes du Maître ; je les ai mises en ordre, sans rien ajouter toutefois qu’il n’eût dit, sauf l’indication de quelques autorités ».

La dignité rappelée par le fidèle secrétaire est celle de cardinal évoque d’Albano, que Grégoire X, élu pour succéder à Clément IV après trois ans qu’avait duré le veuvage de l’Église, imposa en vertu de l’obéissance à notre Saint dont le crédit près du sacré Collège avait obtenu cette élection. Chargé de préparer les travaux du concile indiqué à Lyon pour le printemps de l’année 1274, il eut la joie d’assister à la réunion des deux Églises latine et grecque que plus que personne il avait procurée. Mais Dieu voulut lui épargner l’amertume de constater combien peu devait durer un rapprochement qui eût été le salut de cet Orient qu’il aimait, et où le nom de Bonaventure, transformé en celui d’Eutychius, gardait encore son ascendant, deux siècles plus tard, au temps du concile de Florence. Le 15 juillet de cette année 1274, en plein concile et sous la présidence du Pontife suprême, eurent lieu les plus solennelles funérailles que la terre eût jamais contemplées : J’ai grande douleur à ton sujet, mon frère Jonathas, s’écriait, devant l’Occident et l’Orient rassemblés dans une commune lamentation, le cardinal Pierre de Tarentaise, de l’Ordre de saint Dominique. Le séraphin avait rejeté son manteau de chair, et déployant ses ailes, après cinquante-trois ans donnés au monde, il rejoignait Thomas d’Aquin qui venait à peine de le précéder dans les cieux.

Vous êtes entré dans la joie de votre Seigneur, ô Bonaventure ; quelles ne doivent pas être maintenant vos délices puisque, selon la règle que vous avez rappelée, « autant quelqu’un aime Dieu ici-bas, autant là-haut il se réjouit en lui ! » Si le grand saint Anselme, auquel vous empruntiez cette parole, ajoutait que l’amour se mesure à la connaissance, ô vous qui fûtes l’un des princes de la science sacrée en même temps que le Docteur de l’amour, montrez-nous qu’en effet toute lumière, dans l’ordre de grâce et dans celui de nature, n’a pour but que d’amener à aimer. En toute chose se cache Dieu ; et toutes les sciences ont son Christ pour centre ; et Je fruit de chacune est d’édifier la foi, d’honorer Dieu, de régler les mœurs, de conduire à l’union divine par la charité sans laquelle toute notion reste vaine. Car, disiez-vous, toutes ces sciences ont leurs règles certaines et infaillibles, qui descendent comme autant de rayons de la loi éternelle en notre âme ; et notre âme, entourée, pénétrée de tant de splendeurs, est par elle-même amenée, si elle n’est aveugle, à contempler cette lumière éternelle. Irradiation merveilleuse des montagnes de la patrie jusqu’aux plus lointaines vallées de l’exil ! Noblesse véritable du monde aux yeux de François votre séraphique père, et qui lui faisait appeler du nom de frères et de sœurs, comme vous le racontez, les moindres créatures ; dans toute beauté il découvrait la Beauté suprême, et aux traces laissées dans la création par son auteur il poursuivait partout le Bien-Aimé, se faisant de toute chose un échelon pour monter jusqu’à lui.

Ouvre donc toi aussi les yeux, ô mon âme ! Prête l’oreille, délie tes lèvres, dispose ton cœur, pour qu’en toute créature tu voies ton Dieu, tu l’entendes, tu le loues, tu l’aimes et l’honores, de peur que tout entier l’univers ne se lève contre toi pour ne t’être point réjouie dans les œuvres de ses mains. Du monde ensuite qui est au-dessous de toi, qui n’a de Dieu que des vestiges] et sa présence en tant qu’il est partout, passe en toi-même, son image de nature, réformée dans le Christ-Époux ; puis de l’image monte à la vérité du premier principe dans l’unité de l’essence] et la trinité des personnes, pour arriver au repos de la nuit sacrée où s’oublient, dans l’amour absorbant tout, le vestige et l’image. Mais tout d’abord sache bien que le miroir de ce monde extérieur te servira de peu, si le miroir intérieur de l’âme n’est purifié et brillant, si le désir ne s’aide en toi de la prière et de la contemplation pour aviver l’amour. Sache que ne suffisent point ici la lecture sans l’onction, la spéculation sans la dévotion, le travail sans la piété, la science sans la charité, l’intelligence sans l’humilité, l’étude sans la grâce ; et lorsqu’enfin t’élevant graduellement par l’oraison, la sainteté de la vie, les spectacles de la vérité, tu seras parvenue à la montagne où se révèle le Dieu des dieux : avertie par l’impuissance de ta vue d’ici-bas à porter des splendeurs dont la trop faible création n’a pu te révéler nulle trace, laisse assoupie ton intelligence aveuglée, passe par delà dans le Christ qui est la porte et la voie, interroge non plus le Maître mais l’Époux, non l’homme mais Dieu, non la lumière mais le feu totalement consumant. Passé de ce monde avec le Christ au Père qui te sera montré, dis alors comme Philippe : Il nous suffit.

Docteur séraphique, conduisez-nous par cette montée sublime dont chaque ligne de vos œuvres nous manifeste les secrets, les labeurs, les beautés, les périls. Dans la poursuite de cette divine Sagesse que, même en ses reflets les plus lointains, personne n’aperçoit sans extase, préservez-nous de la tromperie qui nous ferait prendre pour le but la satisfaction trouvée dans les rayons épars descendus vers nous pour nous ramener des confins du néant jusqu’à elle. Car ces rayons qui par eux-mêmes procèdent de l’éternelle beauté, séparés du foyer, détournés de leur fin, ne seraient plus qu’illusion, déception, occasion de vaine science ou de faux plaisirs. Plus élevée même est la science, plus elle se rapproche de Dieu en tant qu’objet de théorie spéculative, plus en un sens l’égarement reste à craindre ; si elle distrait l’homme dans ses ascensions vers la Sagesse possédée et goûtée pour elle seule, si elle l’arrête à ses propres charmes, vous ne craignez pas de la comparer à la vile séductrice qui supplanterait dans les affections d’un fils de roi la très noble fiancée qui l’attend. Et certes un tel affront, qu’il provienne de la servante ou de la dame d’honneur, en est-il moins sanglant pour une auguste souveraine ? C’est pourquoi vous déclarez que « dangereux est le passage de la science à la Sagesse, si l’on ne place au milieu la sainteté ». Aidez-nous à franchir le périlleux défilé ; faites que toute science ne soit jamais pour nous qu’un moyen de la sainteté pour parvenir à plus d’amour.

Telle est bien toujours votre pensée dans la lumière de Dieu, ô Bonaventure. S’il en était besoin, nous en aurions comme preuve vos séraphiques prédilections plus d’une fois manifestées dans nos temps pour les milieux où, en dépit de la fièvre qui précipite à l’action toutes les forces vives de ce siècle, la divine contemplation reste appréciée comme la meilleure part, comme le premier but et l’unique fin de toute connaissance. Daignez continuer à vos dévots et obligés clients une protection qu’ils estiment à son prix. Défendez comme autrefois, dans ses prérogatives et sa vie, tout l’Ordre religieux plus que jamais battu en brèche de nos jours. Que la famille franciscaine vous doive encore de croître en sainteté et en nombre ; bénissez les travaux entrepris dans son sein, aux applaudissements du monde, pour illustrer comme elles le méritent votre histoire et vos œuvres. Une troisième fois, et pour jamais s’il se peut enfin, ramenez l’Orient à l’unité et à la vie. Que toute l’Église s’échauffe à vos rayons ; que le feu divin si puissamment alimenté par vous embrase de nouveau la terre.

 

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Saint Jean Gualbert abbé mémoire de Saints Nabor et Félix martyrs

12 Juillet 2017 , Rédigé par Ludovicus

Saint Jean Gualbert abbé mémoire de Saints Nabor et Félix martyrs

Au deuxième nocturne.

Quatrième leçon. Jean Gualbert, né à Florence de parents nobles, obéissait à son père en suivant la carrière militaire, lorsque Hugues, son unique frère, fut tué par un de ses parents. Le vendredi saint, Jean, tout armé et escorté de soldats, rencontra le meurtrier, seul et sans armes, dans un lieu où ni l’un ni l’autre ne pouvaient s’éviter ; il lui fit grâce de la vie par respect pour la sainte croix, que l’homicide suppliant représentait en étendant les bras au moment où il allait subir la mort. Après avoir traité son ennemi en frère, Jean entra pour prier dans l’église voisine de San-Miniato, et pendant qu’il adorait l’image du Christ en croix, il la vit incliner la tête vers lui. Troublé par ce fait surnaturel, il quitta malgré son père, la carrière des armes, coupa sa chevelure de ses propres mains et revêtit l’habit monastique. Il se distingua bientôt en piété et en vertus religieuses, au point de servir à beaucoup d’autres d’exemple et de règle de perfection ; aussi l’Abbé du Monastère étant mort, fut-il choisi à l’unanimité comme supérieur. Mais aimant mieux obéir que commander, et réservé par la volonté divine pour de plus grandes choses, le serviteur de Dieu alla trouver Romuald, qui vivait au désert de Camaldoli, et apprit de lui une prédiction venue du ciel relative à son institut : c’est alors qu’il fonda son ordre, sous la règle de saint Benoît, dans la vallée de Vallombreuse.

Cinquième leçon. Dans la suite, sa renommée de sainteté lui amena beaucoup de disciples. Il s’appliqua soigneusement et de concert avec ceux qui s’étaient associés à lui, à extirper les faux principes de l’hérésie et de la simonie ainsi qu’à propager la foi apostolique ; c’est pourquoi lui et les siens rencontrèrent des difficultés sans nombre. Pour le perdre, lui et ses disciples, ses adversaires envahirent soudain pendant la nuit le monastère de Saint-Salvien, incendièrent l’église, démolirent les bâtiments et blessèrent mortellement tous les moines, mais l’homme de Dieu rendit ceux-ci à la santé sur-le-champ, par un seul signe de croix. Il arriva aussi qu’un de ses religieux, du nom de Pierre, passa miraculeusement sans en éprouver aucune atteinte, au milieu d’un feu très étendu et très ardent ; Jean obtint ainsi pour lui-même et pour ses frères la tranquillité tant souhaitée. Il parvint en conséquence à bannir de l’Étrurie le fléau de la simonie et à ramener la foi à sa première intégrité dans toute l’Italie.

Sixième leçon. Il jeta les premiers fondements de nombreux monastères, et affermit par de saintes lois ces mêmes fondations et d’autres, dont il avait restauré les édifices et la régulière observance. Pour nourrir les pauvres, il vendit le mobilier sacré ; pour châtier les méchants, il trouva les éléments dociles ; pour réprimer les démons, la croix lui servit de glaive. Accablé par les abstinences, les veilles, les jeûnes, les prières, les mortifications de la chair et la vieillesse, Jean répétait souvent au cours de sa maladie ces paroles de David : « Mon âme a eu soif du Dieu fort et vivant : quand viendrai-je et paraîtrai-je devant la face de Dieu ? » Sur le point de mourir, il convoqua ses disciples, les exhorta à l’union fraternelle, et fit écrire sur un billet, avec lequel il voulut qu’on l’ensevelît, les paroles suivantes : « Moi, Jean, je crois et je professe la foi que les saints Apôtres ont prêchée et que les saints Pères ont confirmée en quatre conciles. » Enfin, après avoir été honoré pendant trois jours de la présence des Anges, il s’en alla vers le Seigneur, âgé de soixante-dix-huit ans, l’an du salut mil soixante-treize, le quatre des ides de juillet. C’était à Passignano, où il est honoré avec la plus grande vénération. De nombreux miracles l’ayant illustré, Célestin III l’a mis au nombre des Saints.

Au troisième nocturne.

Homélie de saint Jérôme, Prêtre. Liber I Comm. in cap. 5 Matth.

Septième leçon. « Mais moi je vous dis : Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent ». Bien des personnes, mesurant les divins préceptes à leur lâcheté et non au courage des saints, croient impossible ce qui est ordonné ici, et disent que c’est assez pour nos forces de ne point haïr nos ennemis, et que le commandement de les aimer dépasse ce dont la nature humaine est capable. Il faut donc bien savoir que le Christ n’ordonne pas des choses impossibles, mais des choses parfaites. C’est ce qu’ont pratiqué David envers Saül et Absalom, le Martyr Etienne priant pour ceux qui le lapidaient, Paul souhaitant d’être anathème pour ses persécuteurs. C’est ce que Jésus lui-même a enseigné et pratiqué, disant : « Mon Père, pardonnez-leur, car ils ne savent ce qu’ils font ».

Huitième leçon. En ce qui concerne les autres bonnes œuvres, on peut alléguer parfois un obstacle quelconque. Mais quand il s’agit de la charité qu’il faut avoir, personne ne peut s’excuser. Quelqu’un me dira peut-être : il m’est impossible de jeûner ; est-ce qu’il pourra dire : il m’est impossible d’aimer ? Quelqu’un dira peut-être : il m’est impossible de garder la virginité ; je ne puis vendre tous mes biens pour en donner le prix aux pauvres ; est-ce qu’il pourra dire : il m’est impossible d’aimer mes ennemis ?

Neuvième leçon. Car, en il ceci, les pieds ne se fatiguent point à courir, ni les oreilles à écouter, ni les mains à force de travailler, de sorte qu’il ne faut point chercher à nous en exempter au moyen d’une excuse. On ne nous dit pas : Allez en Orient et cherchez-y la charité ; rendez-vous par mer en Occident et vous y trouverez la dilection. Elle est au fond de notre cœur, où le Prophète nous invite à rentrer, quand il dit : « Prévaricateurs, rentrez dans votre cœur ». Car ce n’est point dans les pays éloignés que se trouve ce qui est exigé de nous.

Depuis le jour où Simon le Mage se fit baptiser à Samarie, jamais l’enfer ne s’était vu si près d’être maître dans l’Église qu’au temps où nous ramène à l’occasion de la fête présente le Cycle sacré. Repoussé par Pierre avec malédiction, Simon, s’adressant aux princes, leur avait dit comme autrefois aux Apôtres : « Donnez-moi pour argent ce pouvoir qu’à quiconque j’imposerai les mains, celui-là ait le Saint-Esprit ». Et les princes, heureux à la fois de supplanter Pierre et d’augmenter leurs trésors, s’étaient arrogé le droit d’investir les élus de leur choix du gouvernement des Églises ; et les évêques à leur tour avaient vendu au plus offrant les divers ordres de la sainte hiérarchie ; et s’introduisant à la suite de la concupiscence des yeux, la concupiscence de la chair avait rempli le sanctuaire d’opprobres sans nom.

Le dixième siècle avait assisté à l’humiliation même du pontificat souverain ; le onzième, au tiers de son cours, voyait le débordement du fleuve maudit changer en marais les derniers pâturages encore saufs des brebis du Seigneur. L’œuvre du salut s’élaborait à l’ombre du cloître ; mais l’éloquence de Pierre Damien n’avait point jusque-là franchi le désert, et la rencontre d’Hugues de Cluny, de Léon IX et d’Hildebrand devait se faire attendre plus encore. Or voici que dans le silence de mort qui planait sur la chrétienté, un cri d’alarme a retenti soudain, secouant la léthargie des peuples : cri d’un moine, vaillant homme d’armes jadis, vers qui s’est penchée la tête du Christ en croix pour reconnaître l’héroïsme avec lequel un jour il sut épargner un ennemi. Chassé par le flot montant de la simonie qui vient d’atteindre son monastère de San-Miniato, Jean Gualbert est entré dans Florence, et trouvant là encore le bâton pastoral aux mains d’un mercenaire, il a senti le zèle de la maison de Dieu dévorer son cœur ; en pleine place publique, il a dénoncé l’ignominie de l’évêque et de son propre abbé, voulant ainsi du moins délivrer son âme.

A la vue de ce moine qui, dans son isolement, se dressait ainsi contre la honte universelle, il y eut un moment de stupeur au sein de la foule assemblée. Bientôt les multiples complicités qui trouvaient leur compte au présent état de choses regimbèrent sous l’attaque, et se retournèrent furieuses contre le censeur importun qui se permettait de troubler la bonne foi des simples. Jean n’échappa qu’à grand-peine à la mort ; mais, dès ce jour, sa vocation spéciale était fixée : les justes qui n’avaient point cessé d’espérer, saluèrent en lui le vengeur d’Israël ; leur attente ne devait pas être confondue.

Comme toujours cependant pour les œuvres authentiquement marquées du sceau divin, l’Esprit-Saint devra mettre un long temps à former l’élu de sa droite. L’athlète a jeté le gant aux puissances de ce monde ; la guerre sainte est ouverte : ne semble-t-il pas que dès lors il faille avant tout donner suite à la déclaration des hostilités, tenir campagne sans trêve ni repos jusqu’à pleine défaite de l’ennemi ? Et néanmoins le soldat des combats du Seigneur, allant au plus pressé, se retirera dans la solitude pour y améliorer sa vie, selon l’expression si fortement chrétienne de la charte même qui fonda Vallombreuse. Les tenants du désordre, un instant effrayés de la soudaineté de l’attaque et voyant sitôt disparaître l’agresseur, se riront de ce qui ne sera plus à leurs yeux qu’une fausse entrée dans l’arène ; quoi qu’il en coûte au brillant cavalier d’autrefois, il attendra humble et soumis, pour reprendre l’assaut, ce que le Psalmiste appelle le temps du bon plaisir de Dieu.

Peu à peu, de toutes les âmes que révolte la pourriture de cet ordre social en décomposition qu’il a démasqué, se recrute autour de lui l’armée de la prière et de la pénitence. Des gorges des Apennins elle étend ses positions dans la Toscane entière, en attendant qu’elle couvre l’Italie et passe les monts. Septime à sept milles de Florence, Saint-Sauve aux portes de la ville, forment les postes avancés où, en 1063, reprend l’effort de la guerre sainte. Un autre simoniaque, Pierre de Pavie, vient d’occuper par droit d’achat le siège des pontifes. Jean et ses moines ont résolu de plutôt mourir que de porter en silence l’affront nouveau fait à l’Église de Dieu. Mais le temps n’est plus où la violence et les huées d’une foule séduite accueillaient seules la protestation courageuse du moine fugitif de San-Miniato. Le fondateur de Vallombreuse est devenu, par le crédit que donnent les miracles et la sainteté, l’oracle des peuples. A sa voix retentissant de nouveau dans Florence, une telle émotion s’empare du troupeau, que l’indigne pasteur, sentant qu’il n’a plus à dissimuler, rejette au loin sa peau de brebis et montre en lui le voleur qui n’est venu que pour voler, pour égorger et pour perdre. Une troupe armée à ses ordres fond sur Saint-Sauve ; elle met le feu au monastère, et se jette sur les moines qui, surpris au milieu de l’Office de la nuit, tombent sous le glaive, sans interrompre la psalmodie jusqu’au coup qui les frappe. De Vallombreuse, à la nouvelle du martyre ennoblissant ses fils, Jean Gualbert entonne un chant de triomphe. Florence, saisie d’horreur, rejette la communion de l’évêque assassin, Pourtant quatre années encore séparaient ce peuple de la délivrance, et les grandes douleurs pour Jean n’étaient pas commencées.

L’illustre ennemi de tous les désordres de son temps, saint Pierre Damien, venait d’arriver de la Ville éternelle. Investi de l’autorité du Pontife suprême, on était assuré d’avance qu’il ne pactiserait point avec la simonie, et l’on pouvait croire qu’il ramènerait la paix dans cette Église désolée. Ce fut le contraire qui eut lieu. Les plus grands saints peuvent se tromper, et, dans leurs erreurs, devenir les uns pour les autres un sujet d’épreuve d’autant plus acerbe que leur volonté, moins sujette aux changements capricieux des autres hommes, reste plus ferme dans la voie qu’ils se sont une fois tracée en vue des intérêts de Dieu et de son Église. Peut-être le grand évêque d’Ostie ne se rendit pas assez compte de la situation toute d’exception que faisaient aux victimes de Pierre de Pavie sa simonie notoire, et la violence avec laquelle il massacrait lui-même sans autre forme de procès les contradicteurs. Partant de l’incontestable principe que ce n’est point aux inférieurs à déposer leurs chefs, le légat réprouva la conduite de ceux qui s’étaient séparés de l’évêque ; et, arguant de certaines paroles extrêmes échappées à quelques-uns dans une indignation trop peu contenue, il retourna sur ceux qu’il appelait « ses confrères les moines » l’accusation d’hérésie portée par eux contre le prélat simoniaque.

L’accès du Siège apostolique restait ouvert aux accusés ; ils y portèrent intrépidement leur cause. Cette fois du moins, on ne pouvait soulever d’argument d’exception contre la canonicité de leur procédure. Mais là, dit l’historien, beaucoup craignant pour eux-mêmes se mirent à s’élever contre eux ; et lorsque presque tous, exhalant leur fureur, jugeaient dignes de mort ces moines dont la témérité osait faire la guerre aux prélats de l’Église, alors derechef, en plein concile romain, Pierre Damien prenant la parole alla jusqu’à dire au Pontife suprême : « Seigneur et Père saint, ce sont là les sauterelles qui dévorent la verdure de la sainte Église ; que le vent du midi se lève et les emporte à la mer Rouge ! » Mais le saint et très glorieux Pape Alexandre II, répondant avec douceur à ces excès de langage, prenait les moines en sa défense et rendait hommage à la droiture de leurs intentions. Cependant il n’osa donner suite à leur demande dépasser outre, parce que la plus grande partie des évêques favorisait Pierre de Pavie, et que seul l’archidiacre Hildebrand soutenait en tout l’abbé de Vallombreuse.

L’heure néanmoins allait venir où Dieu même prononcerait ce jugement qu’on ne pouvait obtenir de la terre. Assaillis de menaces, traités comme des agneaux au milieu des loups, Jean Gualbert et ses fils criaient au ciel avec le Psalmiste : « Levez-vous, Seigneur, aidez-nous ; levez-vous, pourquoi dormez-vous, Seigneur ? Levez-vous, ô Dieu : jugez votre cause ». A Florence, les sévices continuaient. Saint-Sauveur de Septime était devenu le refuge des clercs que la persécution bannissait de la ville ; le fondateur de Vallombreuse, qui résidait alors en ce lieu, multipliait pour eux les ressources de sa charité. Mais la situation devint telle enfin, qu’un jour du Carême de l’année 1067, le reste du clergé et la ville entière, laissant le simoniaque à la solitude de son palais désert, accourut à Septime. Ni la longueur du chemin détrempé par les pluies, ni la rigueur du jeûne observé par tous, dit la relation adressée dans les jours mêmes au Pontife souverain par le peuple et le clergé de Florence, ne purent arrêter les matrones les plus délicates, les femmes prêtes d’être mères ou les enfants. L’Esprit-Saint planait visiblement sur cette foule ; elle demandait le jugement de Dieu. Jean Gualbert, sous l’impulsion du même Esprit divin, permit l’épreuve ; et en témoignage de la vérité de l’accusation portée par lui contre l’évêque de Florence, Pierre, un de ses moines, nommé depuis Pierre Ignée, traversa lentement sous les yeux de la multitude un brasier immense qui ne lui fit aucun mal. Le ciel avait parlé ; l’évêque fut déposé par Rome, et termina ses jours, heureux pénitent, dans ce même monastère de Septime.

En 1073, année de l’élévation d’Hildebrand son ami au Siège apostolique, Jean s’en allait à Dieu. Son action contre la simonie s’était étendue bien au delà de la Toscane. La république Florentine ordonna de chômer le jour de sa fête ; et l’on grava sur la pierre qui protégeait ses reliques sacrées : A JEAN GUALBERT, CITOYEN DE FLORENCE, LIBÉRATEUR DE L’ITALIE.

Vous avez été un vrai disciple de la loi nouvelle, ô vous qui sûtes épargner un ennemi en considération de la Croix sainte. Apprenez-nous à conformer comme vous nos actes aux leçons que nous donne l’instrument du salut ; et il deviendra pour nous, comme il le fut pour vous, une arme toujours victorieuse contre l’enfer. Pourrions-nous, à sa vue, refuser d’oublier une injure venant de nos frères, quand c’est un Dieu qui, non content d’oublier nos offenses autrement criminelles à sa souveraine Majesté, se dévoue sur ce bois pour les expier lui-même ? Si généreux qu’il puisse être jamais, le pardon de la créature n’est qu’une ombre lointaine de celui que nous octroie chaque jour le Père qui est aux deux. A bon droit pourtant l’Évangile que l’Église chante à votre honneur nous montre, dans l’amour des ennemis, le caractère de ressemblance qui nous rapproche le plus de la perfection de ce Père céleste, et le signe même de la filiation divine en nos âmes.

Vous l’avez eu, ô Jean, ce caractère de ressemblance auguste ; Celui qui en vertu de sa génération éternelle est le propre Fils de Dieu par nature, a reconnu en vous ce cachet d’une incomparable noblesse qui vous faisait son frère. En inclinant vers vous sa tête sacrée, il saluait la race divine qui venait de se déclarer dans ce fils de la terre et allait éclipser mille fois l’illustration que vous teniez des aïeux d’ici-bas. Quel germe puissant l’Esprit-Saint alors déposait en vous ; et combien Dieu parfois récompense la générosité d’un seul acte ! Votre sainteté, la part glorieuse qui fut la vôtre dans la victoire de l’Église, et cette fécondité qui vous donne de revivre jusqu’à nos jours dans l’Ordre illustre qui plonge en vous ses racines : toutes ces grâces de choix pour votre âme et tant d’autres âmes, ont dépendu de l’accueil que vous alliez faire au malheureux que sa fatalité ou la justice du ciel, auraient dit vos contemporains, jetait sur vos pas. Il était digne de mort ; et dans ces temps où chacun plus ou moins se taisait justice lui-même, votre bonne renommée n’aurait point souffert, elle n’eût fait que grandir, en lui infligeant le châtiment qu’il avait mérité. Mais si l’estime de vos contemporains vous restait acquise, la seule gloire qui compte devant Dieu, la seule qui dure devant les hommes eux-mêmes, n’eût point été votre partage. Qui maintenant vous connaîtrait ? qui surtout prononcerait votre nom avec l’admiration et la reconnaissance qu’il excite aujourd’hui parmi les enfants de l’Église ?

Le Fils de Dieu, voyant vos dispositions conformes aux sentiments de son cœur sacré, a versé dans le vôtre son amour jaloux pour la cité sainte au rachat de laquelle il a voué tout son sang. O zélateur de la beauté de l’Épouse, veillez sur elle toujours ; éloignez d’elle les mercenaires qui prétendraient tenir de l’homme le droit de représenter l’Époux à la tête des Églises. Que l’odieuse vénalité de vos temps ne se transforme point dans les nôtres en compromissions d’aucune sorte à l’égard des pouvoirs de la terre. La simonie la plus dangereuse n’est point celle qui s’escompte à prix d’or ; il est des obséquiosités, des hommages, des avances, des engagements implicites, qui ne tombent pas moins sous l’anathème des saints canons que les transactions pécuniaires : et qu’importerait, de fait, l’objet ou la forme adoucie du contrat simoniaque, si la complicité achetée du pastorat laissait les princes charger l’Église à nouveau des chaînes que vous avez tant contribué à briser ? Ne permettez pas, ô Jean Gualbert, un tel malheur qui serait l’annonce de désastres terribles. Que la Mère commune continue de sentir l’appui de votre bras puissant. Sauvez une seconde fois en dépit d’elle-même votre patrie de la terre. Protégez, dans nos temps malheureux, le saint Ordre dont vous êtes la gloire et le père ; que sa vitalité résiste aux confiscations, aux violences de cette même Italie qui vous proclama autrefois son libérateur. Obtenez aux chrétiens de toute condition Je courage nécessaire pour soutenir la lutte qui s’offre à tout homme ici-bas.

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Solennité de Saint Benoît

11 Juillet 2017 , Rédigé par Ludovicus

Solennité de Saint Benoît
Biographie

La fête de saint Benoît, célébrée le 11 juillet, est celle de la translation de ses reliques. Le corps de saint Benoît reposa d’abord au Mont Cassin qui, après le passage des Lombards, resta vide de moines. En 672, l’abbé de Fleury, Mummolus, envoya au Mont Cassin une troupe de moines, sous la conduite d’Aigulphe, pour récupérer les reliques de saint Benoît. Petronax ayant restauré le Mont Cassin, le pape Zacharie, en 750, demanda la restitution du corps de saint Benoît dont l’abbé de Fleury ne rendit qu’une part, entre 755 et 757.

La naissance de saint Benoît ne devrait pas être pour nous un simple fait d'une histoire fort ancienne, tant l’esprit de saint Benoît est toujours présent et à l'œuvre dans l'Eglise. La Règle qu'il nous a laissée et dont on a pu dire qu'elle nous donnait un reflet particulièrement pur de l'Evangile, comme le témoignage de sa vie sont pleinement actuels non seulement pour ses fils et ses filles, les moines et les moniales, mais aussi pour tous les fidèles. C'est, pour chacun d'entre nous une invitation à la prière, à la médiation des textes saints et à la charité fraternelle.

Plutôt que sur la naissance de Benoît à Nursie (vers 480), attardons-nous sur sa mort, c'est-à-dire sur sa naissance à la vie qui ne finit pas, et transportons-nous en esprit en l'an 547, sur le Mont-Cassin où Benoît s'était établi près de vingt ans auparavant après avoir été contraint de quitter ses fondations de Subiaco.

Ecoutons le saint pape Grégoire-le-Grand : Six jours avant son trépas, il ordonna d'ouvrir sa tombe, et bientôt il fut pris d'une fièvre qui l'épuisa. Le mal s'aggravant de jour en jour, le sixième il se fit porter à l'oratoire par ses disciples, et là il reçut le corps et le sang du Seigneur pour en munir son départ. Puis, appuyant ses membres affaiblis sur les bras de ses disciples, il se mit debout, les mains levées au ciel, et dans son dernier souffle murmurait des prières. Ce jour-là, deux frères, l'un en cellule, l'autre plus loin, eurent la même apparition d'une vision identique. ils virent une voie jonchée de tapis et brillant d'innombrables feux, qui, droit vers l'Orient, allait de la cellule de Benoît jusqu'au ciel. Un homme d'aspect surnaturel s'y tenait, étincelant, et leur demanda quel était ce chemin. Les disciples avouèrent ne pas le savoir ; alors il leur dit : « C'est la voie par laquelle Benoît, précieux au Seigneur, est monté au ciel. » (Dialogue, XXXVII.)

Saint Benoît a donc vécu sa mort comme une célébration de la venue et de la rencontre du Seigneur, résumé et couronnement de sa vie. Lui, qui avait fait don de toute sa vie, va recevoir la couronne de vie (Ap II 10). Dans l'Office divin, Benoît avaient, chaque semaine, repris ce verset du psalmiste : Je veux te bénir en ma vie, à ton Nom élever les mains (Ps LXIII), parole qu'il vivait en plénitude ; corps et âme tendus vers son Seigneur, au moment de la Rencontre, il incarnait le dernier des psaumes des montées qui accompagnaient le pèlerinage à Jérusalem, figure de la vie terrestre : Voici maintenant le moment de bénir le Seigneur, vous tous, les serviteurs du Seigneur, vous qui vous tenez dans la Maison du Seigneur, dans les parvis de la Maison de notre Dieu. Au long des nuits, levez vos mains vers le Sanctuaire et bénissez le Seigneur (Psaume 134).Voilà le terme de la route où Benoît attend la parole que le Seigneur avait jadis dite à Moïse : Voici une place près de moi (Ex XXXIII, 21)

Benoît meurt les bras levés et soutenus par ses disciples, attitude qui rappelle ce passage du Livre de l'Exode où Moïse sur la montagne intercédait pour Josué et tout le peuple combattant dans la plaine contre les Amlécites : Moïse, Aaron et Hur étaient montés sur le sommet de la colline. Or, tant que Moïse tenait ses bras levés, Israël était le plus fort. Quand il les laissait retomber, Amalek avait l'avantage. Comme les bras de Moïse étaient engourdis, ils prirent une pierre et la déposèrent sous lui. Il s'assit dessus tandis qu'Aaron et Hur lui soutenaient les bras, l'un d'un côté, l'autre de l'autre. Ainsi les bras de Moïse ne fléchirent plus juqu'au coucher du soleil. Josué décima Amalek et ses gens par le fil de l'épée (Exode XVII 10-13).

Ce texte, traditionnellement, sert de référence lorsqu'on veut évoquer le rôle des contemplatifs, et ce n'est pas un hasard si saint Grégoire a retenu le récit du miracle de la source jaillie de la montagne : trois monastères perchés sur la montagne n’avaient pas de source, Benoît qui, après avoir longuement prié, avait disposé trois pierres et dit aux frères : Allez ; vous trouverez sur un rocher trois pierres superposées. Creusez un peu, et vous verrez que le Dieu Tou-Puissant sait tirer de l'eau, même au sommet de la montagne, pour vous épargner ce chemin difficile. Nul doute que, pour saint Grégoire, saint Benoît soit un nouveau Moïse. Moïse, guidé par Dieu, n'avait-il pas fait jaillir, dans le désert, l'eau du rocher (Nombres, XX, I sq.) ?Or Benoît n’est un nouveau Moïse, que parce que, disciple du Christ, il possède en plénitude l’Esprit Saint qui avait animé Moïse et tous les prophètes.

Ce geste coutumier des orants qui fut celui de saint Benoît au moment de sa mort est aussi un rappel de la croix qui nous sauve. C'est le geste du Christ qui étendit les mains à l'heure de sa passion, afin que soit brisée la mort, et que la Résurrection soit manifestée.

Ce dernier épisode de la vie terrestre de saint Benoît est riche de plusieurs enseignements. Il nous apprend tout d'abord, que c'est à chaque instant que nous avons à préparer, amoureusement, notre rencontre avec le Seigneur et que, pour ce faire, il nous faut prier sans cesse, comme nous y invite saint Paul, pour être dans la joie et dans la paix. Cependant, saint Benoît, Sachons que nous serons exaucés non dans un flot de paroles, mais dans la pureté du cœur... (Règle, XX) et encore : Hâtons-nous de faire maintenant ce qui doit nous avancer pour l'éternité. Saint Benoît, par sa mort, nous enseigne aussi à ne pas être pleins de tristesse comme ceux qui n'ont pas d'espérance (1 Thessaloniciens IV, 13). Le Seigneur est affranchit de la mort, et dans le mystère de sa Résurrection, chaun de nous est déjà ressuscité.

Saint Benoît combat le mal et aime le Bien.

Lorsque Saint Benoît se rendit au Mont Cassin, il avait déjà toute une expérience spirituelle et monastique derrière lui.  Installé d’abord comme ermite à Subiaco, Benoît avait eu amplement le temps de faire la connaissance du Malin, en reprenant la dénomination que Jésus utilisait.  Une des spécificités des ermites en effet, et cela depuis la fondation de la vie monastique, est de se retirer dans le désert pour affronter le démon sur son territoire.
Rappelons-nous les premiers moines qui s’installèrent dans les déserts d’Égypte.  La paix de Constantin en 325 avait interrompu les persécutions contre les Juifs et les chrétiens.  Jusqu’à cette date, suivre le Christ de manière radicale consistait à accepter d’être condamné à mort à cause de sa foi.  Les chrétiens ne pouvant plus donner leur vie de manière violente, décidèrent de donner leur vie dans la solitude, en un lieu où il leur était loisible de se mesurer dans le combat singulier contre le démon.
Lorsque Saint Benoît se rendit au Mont Cassin, c’était à l’invitation de l’évêque du lieu et pour combattre le diable.  Au sommet du mont il y avait deux temples païens et Benoît s’empressa de les détruire.  À la place du premier, il construisit un oratoire en l’honneur de Saint Jean Baptiste, à la place du second un oratoire en l’honneur de Saint Martin de Tours.  C’est ce que nous rapporte Saint Grégoire le Grand (Vie de Saint Benoît, VIII,10).  La tradition de détruire les temples et les statues des dieux païens a déjà commencé du temps de Saint Paul. Rappelons-nous ce que Paul disait concernant les viandes immolées aux idoles (1Co 8,4-6) :
Bien qu’il y ait en effet, au ciel et sur la terre, ce qu’on appelle des dieux– et il y a une quantité de « dieux » et de « seigneurs » –,pour nous, au contraire, il n’y a qu’un seul Dieu, le Père, de qui tout vient et vers qui nous allons ; et un seul Seigneur, Jésus Christ, par qui tout vient et par qui nous vivons.
Pour montrer la suprématie de la foi en Jésus-Christ, les missionnaires, qu’ils soient moines, prêtres ou évêques, durant les premiers siècles de notre ère, ont souvent abattu les temples, les statues, les arbres sacrés.  Les dieux païens ne répondant pas, preuve que notre Dieu est le seul Dieu.  Ils pouvaient conclure, avec Saint Paul, que le culte des idoles est un culte aux démons, et que Jésus est vainqueur des puissances du mal… Saint Benoît réitérait l’action que mena Saint Martin de Tours lorsqu’il évangélisa les contrées dont il avait la charge pastorale.
Lorsque Saint Benoît se rendit au Mont Cassin, fort de son expérience spirituelle et monastique, il mit la dernière main à ce qu’il appela lui-même « cette petite Règle pour débutants ».  Par rapport aux ermites il précise :
Longuement aguerris au monastère, ils ont appris à combattre contre le diable. Alors, bien entraînés, ils passent des rangs de leurs frères au combat singulier du désert ; fermes désormais sans le secours d’autrui, ils sont en mesure, avec l’aide de Dieu, de combattre seuls, de leur propre force, les vices de la chair et des pensées.
Pour Benoît la norme de la vie monastique est la vie cénobitique d’une communauté vivant « sous une règle et un abbé ».
Lorsque Saint Benoît se rendit au Mont Cassin, il ne pouvait se douter que sa petite Règle serait encore le texte normatif des moines 15 siècles plus tard.  Aujourd’hui la vie érémitique est assez peu pratiquée dans le monde bénédictin.  Aujourd’hui nous ne justifions plus la vie érémitique comme une vie d’identification avec Jésus qui, « conduit au désert, fut tenté par Satan » (Mt 4,1).  La vie de la société tel que nous la connaissons n’est pas moins, n’est pas davantage, un monde où s’affrontent le bien et le mal qu’elle ne le fut du temps de Saint Benoît.  Mais aujourd’hui d’autres expressions de la Règle nous interpellent davantage que le combat cosmique entre le bien et le mal.
L’équilibre entre travail – prière – lectio divina est aujourd’hui davantage mis en avant.
De même que la vie fraternelle d’une communauté « sous une Règle et un abbé ».
Le cadre de la vie monastique que nous propose Saint Benoît est favorable à l’éclosion d’une vraie intimité du moine avec Dieu.  C’est ce que Benoît appelle en cette phrase-choc : Ne rien préférer à l’amour du Christ.
Lorsque Saint Benoît était au Mont Cassin, vers la fin de sa vie, il eut la vision du monde entier, comme rassemblé sous un seul rayon de soleil.  Saint Grégoire dans ses Dialogues, explique ce prodige réservé aux grands saints : Pour l’âme qui voit le Créateur, toute créature paraît bien exiguë. En effet bien que cette âme n’ait contemplé qu’un faible rayonnement de la lumière du Créateur, tout le créé se réduit pour elle à de petites proportions, car par la lumière elle-même de cette vision intime, le sein de son esprit s’élargit et son cœur grandit tellement en Dieu qu’il se tient élevé au-dessus du monde.  (Vie de Saint Benoît, XXXV,4-6)
C’est à cela que nous aspirons tous, moines et non-moines… Mais pour nous, c’est en espérance, et nous le découvrirons au terme de notre vie terrestre, lorsque nous verrons Dieu face à face pour l’éternité.  Demandons au Seigneur, par l’intercession de Saint Benoît, de toujours mieux conformer notre vie à notre vocation et à trouver dans cette Eucharistie la grâce de la persévérance afin de pouvoir nous aussi toujours davantage, ne rien préférer à l’amour du Christ. Frère Bernard-Marie

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Vème dimanche après la Pentecôte

9 Juillet 2017 , Rédigé par Ludovicus

Vème dimanche après la Pentecôte

Introït

Exaucez, Seigneur, ma voix qui a crié vers vous : soyez mon aide, ne m’abandonnez pas, et ne me méprisez pas, ô Dieu, qui opérez mon Salut. Le Seigneur est ma lumière et mon salut, qui craindrais-je ?

Collecte

Dieu, vous avez préparé des biens invisibles à ceux qui vous aiment : répandez dans nos cœurs le sentiment de votre amour ; afin que, vous aimant en toutes choses et par dessus toutes choses, nous obtenions un jour ces biens que vous nous avez promis et qui surpassent tous nos désirs.

Epitre

Mes bien-aimés : soyez tous unis dans la prière, compatissants, vous aimant en frères, miséricordieux, modestes, humbles : ne rendant point mal pour mal, ni malédiction pour malédiction ; mais au contraire, bénissant parce que c’est à cela que vous avez été appelés, afin de posséder la bénédiction en héritage. Que celui donc qui veut aimer la vie, et voir des jours bons, défende la langue du mal, et que ses lèvres ne profèrent point les paroles de tromperie. Qu’il se détourne du mal et fasse le bien ; qu’il cherche la paix et la poursuive ; parce que les yeux du Seigneur sont sur les justes, et ses oreilles à leurs prières ; mais la face du Seigneur est sur ceux qui font le mal. Et qui est-ce qui vous nuira, si vous avez le zèle du bien ? Et si même vous souffrez pour la justice, vous serez bienheureux. N’ayez donc aucune crainte d’eux : et ne vous en troublez point. Mais glorifiez dans vos cœurs la sainteté du Seigneur Jésus-Christ 

Evangile

En ce temps-là : Jésus dit à ses disciples : si votre justice ne surpasse celle des Scribes et des Pharisiens, vous n’entrerez point dans le royaume des cieux. Vous avez appris qu’il a été dit aux anciens : Tu ne tueras point ; mais qui tuera sera justiciable du tribunal. Et moi, je vous dis : Quiconque se met en colère contre son frère à la légère sera justiciable du tribunal ; et qui dira à son frère : Raca ! sera justiciable du Sanhédrin ; et qui lui dira : Fou ! sera justiciable pour la géhenne du feu. Si donc tu viens présenter ton offrande à l’autel et que là tu te souviennes que ton frère a quelque chose contre toi, laisse là ton offrande, devant l’autel, et va d’abord te réconcilier avec ton frère ; et alors viens présenter ton offrande.

Offertoire

Je bénirai le Seigneur qui m’a donné l’intelligence : je prenais soin d’avoir toujours le Seigneur devant mes yeux : car il est à ma droite, pour que je ne sois pas ébranlé.

Secrète

Laissez-vous fléchir, Seigneur, par nos supplications : et recevez avec bonté ces offrandes de vos serviteurs et de vos servantes ; afin que, ce que chacun a offert en l’honneur de votre nom, profite à tous pour le salut.

Communion

Il est une chose que j’ai demandé au Seigneur, et je la rechercherai uniquement : c’est d’habiter dans la maison du Seigneur tous les jours de ma vie.

Office

4e leçon

Du livre des Morales, de saint Grégoire, Pape

Pourquoi David, qui n’a pas même rendu le mal pour le mal, apprenant que Saül et Jonathas avaient succombé dans le combat, proféra-t-il contre les montagnes de Gelboé ces paroles de malédiction : « Montagnes de Gelboé, que ni pluie ni rosée ne viennent sur vous : qu’il n’y ait point de champs de prémices, parce que là a été jeté un bouclier de forts, le bouclier de Saül, comme s’il n’avait pas été oint avec l’huile ? » Et pourquoi Jérémie, voyant sa prédication se heurter aux mauvaises dispositions des auditeurs, laissa-t-il échapper cette imprécation : « Maudit l’homme qui a annoncé (ma naissance) à mon père, disant : Un enfant mâle t’est né ?

5e leçon

En quoi les collines de Gelboé ont-elles donc été coupables de la mort de Saül, pour que, ne recevant plus ni rosée ni pluie, toute leur verdoyante végétation devienne aridité, conformément au souhait de malheur ? Mais Gelboé signifiant cours d’eau, et Saül, que l’onction n’empêche point de mourir, étant la figure de notre Médiateur en son trépas, les monts de Gelboé ne représentent pas mal ces Juifs aux cœurs superbes, qui, s’écoulant en un flux de convoitises terrestres, sont venus se mêler à la mort du Christ, l’Oint par excellence. Le Roi, l’Oint véritable, a perdu la vie du corps au milieu d’eux ; et c’est pour cela que, privés de toute rosée de grâce, ils sont dans la stérilité.

6e leçon

C’est d’eux qu’on a raison de dire qu’ils ne sauraient plus être des terres de prémices. Et de fait, ces âmes superbes ne donnent pas de fruits nouveaux, étant demeurées dans l’infidélité à la venue du Rédempteur, et n’ayant pas voulu suivre les premiers enseignements de la foi. Et tandis que la sainte Église, dès le début, s’est montrée précocement féconde par la multitude des Nations qu’elle a engendrées, c’est à peine si, dans les derniers temps, elle recueillera quelques Juifs qu’elle pourra trouver encore, les ramassant comme une tardive récolte et les servant comme des fruits d’arrière-saison.

7e leçon

Homélie de saint Augustin, Évêque

La justice des Pharisiens consistait à ne pas tuer ; la justice de ceux qui doivent entrer dans le royaume des cieux est de ne point se fâcher sans raison. C’est donc peu de chose que de ne pas tuer ; et celui qui aura violé ce commandement sera appelé très petit dans le royaume des cieux ; mais celui qui l’aura observé, en ne se rendant point coupable d’homicide, ne sera pas pour cela réputé grand devant Dieu et digne du royaume des cieux, quoiqu’il soit déjà monté d’un degré ; il se perfectionnera s’il ne se met pas non plus en colère sans sujet ; et s’il se perfectionne, il sera beaucoup plus éloigné de l’homicide. C’est pourquoi le législateur qui nous défend de nous mettre en colère, ne détruit nullement la loi, nous interdisant de tuer ; mais il la complète plutôt, afin que nous gardions l’innocence, et extérieurement, en ne tuant point, et au fond de notre cœur, en ne nous mettant pas en colère.

8e leçon

Dans ces péchés de colère, il y a aussi des degrés. Au premier, l’on s’irrite, mais en retenant dans son cœur l’émotion conçue. Si le trouble ressenti arrache à celui qui éprouve de l’indignation un jet de voix, ne signifiant rien par lui-même mais attestant cette émotion d’âme, par l’exclamation même qui échappe à l’homme irrité : la faute est plus grande assurément que si la colère naissante était silencieusement comprimée. Fait-on entendre non seulement un cri d’indignation, mais encore une parole, marquant et rendant notoire le blâme que l’on inflige à celui contre lequel s’élève notre colère, qui pourra douter que ce ne soit là un péché plus grave que de manifester par le seul son de sa voix, son mécontentement ?

9e leçon

Remarquez à présent trois degrés aussi dans l’instruction et la solution de la cause : jugement, conseil, géhenne du feu. En la séance de jugement, il y a encore place pour la défense. Le conseil se confond d’ordinaire avec le jugement ; cependant, parce que la distinction même que nous établissons nous oblige à reconnaître ici quelque différence entre ces deux degrés, il nous semble que la promulgation de la sentence appartient au conseil ; car alors, il ne s’agit plus d’examiner si le coupable doit être condamné ; mais les juges délibèrent entre eux sur le supplice à infliger à celui qui mérite certainement la condamnation. Dans la géhenne du feu, il n’y a plus de doute quant à la condamnation, comme dans le jugement, ni d’incertitude quant à la peine du condamné, comme dans le conseil ; car dans le feu de l’enfer, certaine est la condamnation et fixée la peine du coupable.

ÉPÎTRE.

L’Évangile nous faisait assister, il y a huit jours, au travail apostolique amenant du sein des eaux les pierres vivantes dont le Christ Jésus bâtit son Église. Aujourd’hui c’est le chef de la pêche mystérieuse, Simon fils de Jean, qui, prenant la parole dans notre Épître, s’adresse aux éléments divers qui doivent former la cité sainte, matériaux sacrés rassemblés du fond des abîmes pour resplendir désormais comme autant de perles brillantes à l’admirable lumière du Sauveur des saints. Le Fils de Dieu, en effet, n’est point venu des cieux dans un autre but que de fonder sur terre une ville merveilleuse où Dieu lui-même pût habiter dignement, que d’élever à son Père un temple incomparable où la louange et l’amour, s’exhalant sans fin des pierres mêmes qui composeraient ses murs, désignassent noblement l’enceinte du grand Sacrifice. Lui-même s’est fait le fondement de l’édifice trois fois saint où doit brûler l’holocauste éternel ; et cette qualité de fondement du nouveau temple, il l’a communiquée à Simon son vicaire, voulant que ce titre de Pierre, devenu le nom unique de son représentant ici-bas, rappelât jusqu’au dernier jour à tous les siens l’unique but de ses divins travaux. Écoutons avec une reconnaissance respectueuse, de la bouche même du vicaire de l’Homme-Dieu, les avis pratiques qui découlent pour nous de cette grande vérité ; et suivons pieusement la sainte Église qui, en cette saison dominée sur le Cycle sacré par l’astre radieux du prince des Apôtres, ramène sans cesse ses fils vers le pasteur et l’évêque de leurs âmes.

L’union d’une vraie charité, la concorde et la paix à maintenir à tout prix comme condition de leur félicité présente et future : tel est l’objet des recommandations adressées par Simon devenu Pierre à ces autres pierres choisies qui s’appuient sur lui, et forment les assises du temple élevé par le Fils de l’homme à la gloire du Très-Haut. La solidité et la durée des palais de la terre eux-mêmes ne dépendent-elles pas, en effet, de l’union plus ou moins persistante et intime des matériaux qui les composent ? C’est l’union encore qui fait la force et la splendeur des mondes ; vienne à cesser l’attraction mutuelle qui harmonise leurs mouvements dans un vaste concert, vienne à se briser pour chacun d’eux la cohésion qui lie leurs atomes, et l’univers ne sera plus qu’une poussière ténébreuse, impalpable et sans nom. Le Créateur a fait régner dans les célestes sphères une concorde admirable, et lui-même il s’écrie : « Qui donc endormira le concert des cieux ? » Et cependant, de même que la terre périra dans sa forme présente, les cieux aussi passeront comme un vêtement usé. Quel sera donc l’élément de stabilité, le ciment sans pareil du palais préparé pour demeure au Dieu dont les mondes se déclareront impuissants à porter la durée ? Car l’Église alors même restera stable, embaumant sans fin des parfums de l’Époux le trône de la Trinité souveraine établi dans ses murs.

C’est à l’Esprit sanctificateur qu’ici encore il appartient de nous expliquer le mystère de cette union qui fait la cité sainte, et dont la persévérance défie les siècles. La charité versée dans nos cœurs au sortir des eaux est empruntée à l’amour même qui règne au sein de l’adorable Trinité ; car les opérations de l’Esprit dans les saints n’ont point d’autre but que de les faire entrer en participation des divines énergies. Devenu la vie de l’âme régénérée, le feu divin la pénètre de Dieu tout entière ; il communique à son amour créé et fini la direction et la puissance de la flamme éternelle. Le chrétien doit donc aimer comme Dieu désormais ; la charité n’est vraie en lui qu’autant qu’elle atteint, dans la simplicité de sa flamme divine, l’objet complet de l’amour infini. Or tel est l’ineffable commerce d’amitié véritable établi par l’ordre surnaturel entre Dieu et ses créatures intelligentes, qu’il daigne les aimer de l’amour dont il s’aime lui-même ; la charité doit donc embrasser elle aussi, dans l’unité de ses actes d’amour, non seulement Dieu, mais tous les êtres appelés par lui en participation de sa vie bienheureuse. Comprenons maintenant l’incomparable puissance de l’union dans laquelle l’Esprit-Saint établit l’Église : rien d’étonnant que ses liens soient plus forts que la mort, sa cohésion plus résistante que l’enfer ; car le ciment qui joint les pierres vivantes de ses murailles possède la force de Dieu même et la stabilité de son amour éternel. L’Église est bien cette tour bâtie sur les eaux, qui apparut à Hermas formée de pierres resplendissantes et si intimement assemblées, que l’œil ne découvrait point leurs jointures.

Mais comprenons aussi l’importance pour tous les chrétiens de l’union mutuelle, de cet amour des frères, si fréquemment, si fortement recommandé par la voix des Apôtres, ces coopérateurs de l’Esprit dans l’édification de la sainte Église. L’abstention du schisme et de l’hérésie, dont l’Évangile rappelait, il y a huit jours, les excès désastreux, la répression même des passions haineuses ou des aigreurs jalouses, ne suffiraient point à faire de nous des pierres utiles dans ce grand œuvre ; il y faut un amour effectif, dévoué, persévérant, qui joigne véritablement et harmonise comme il convient les âmes et les cœurs ; il y faut cette charité débordante et seule digne de ce nom qui, nous montrant Dieu même en nos frères, fait vraiment nôtres leur bonheur et leurs maux. Loin de nous la somnolence égoïste où se complaît l’âme paresseuse, où trop souvent des âmes faussées croient satisfaire d’autant mieux à la première des vertus qu’elles se désintéressent plus complètement de ce qui les entoure. Sur de telles âmes le ciment divin ne peut avoir prise : pierres impropres à toute construction, que rejette le céleste ouvrier, ou qu’il laisse sans emploi au pied des murailles, parce qu’elles ne s’adaptent pas à l’ensemble et ne sauraient s’appareiller. Malheur à elles cependant, si l’édifice s’achève sans qu’elles aient mérité de trouver place en ses murs ! Elles comprendraient alors, mais trop tard, que la charité est une, que celui-là n’aime pas Dieu qui n’aime pas son frère, et que celui qui n’aime pas demeure dans la mort. Plaçons donc, avec saint Jean, la perfection de notre amour pour Dieu dans l’amour de nos frères : alors seulement nous aurons Dieu en nous ; alors seulement nous pourrons jouir des ineffables mystères de l’union divine avec Celui qui ne s’unit aux siens que pour faire de tous et de lui-même un temple auguste à la gloire de son Père.

ÉVANGILE.

Les jours s’écoulent rapidement pour l’ancienne Jérusalem ; dans moins d’un mois, la ruine affreuse de la cité qui ne connut point le temps de la visite de son Seigneur, aura passé sous nos yeux. C’est au neuvième Dimanche après la Pentecôte, dans ces mois de juillet et d’août qui virent sous Vespasien les dernières convulsions du peuple déicide, que la sainte Liturgie a placé la mémoire de ce terrible accomplissement des prophéties du Sauveur. En attendant, l’ancien temple, toujours debout, continue de fermer aux nations ses portes intérieures, et prétend retenir encore la Divinité sous les voiles du vieux Testament, dans son sanctuaire impénétrable aux fils mêmes d’Israël. Depuis cinq semaines déjà cependant, l’Église a commencé d’élever en Sion ses immortelles assises. En face du monument de l’alliance restreinte et imparfaite du Sinaï, l’Esprit-Saint l’a fondée comme le rendez-vous de l’allégresse de la terre entière, comme la ville du grand Roi, où tous désormais connaîtront Dieu ; aussi n’a-t-elle cessé de se montrer à nous, depuis le commencement, comme le lieu des délices de la Sagesse éternelle et le vrai sanctuaire de l’union divine.

La loi de crainte et de servitude est donc définitivement abrogée par la loi d’amour. Un reste d’égards pour l’institution autrefois agréée, qui fut la dépositaire des oracles divins, laisse encore à la première génération des convertis de Juda la libre observation des coutumes de leurs pères ; mais cette tolérance doit elle-même disparaître avec le temple, dont la chute prochaine scellera pour jamais le tombeau de la synagogue. Dès maintenant, les prescriptions du code mosaïque ne suffisent plus à justifier devant Dieu les enfants de Jacob. Les ordonnances rituelles, qui avaient pour but d’entretenir par un ensemble de représentations figuratives l’attente du Sacrifice à venir, ont perdu leur objet depuis l’accomplissement des mystères qu’elles annonçaient. Les commandements eux-mêmes du décalogue, ces lois nécessaires qui sont de tous les temps et ne peuvent changer, parce qu’elles tiennent à l’essence des rapports existants entre les créatures et leur auteur, ont brillé d’un éclat si nouveau sous les feux du Soleil de justice, que leur portée s’en est trouvée, pour la conscience humaine, immensément agrandie.

Indépendamment du précepte positif concernant le fruit de l’arbre de la science, l’homme, dans Éden, avait reçu de Dieu, en même temps que la vie, la connaissance de ces lois éternelles. Cette connaissance depuis lors, il n’aurait pu s’en dégager ou la perdre entièrement, sans cesser d’être homme ; car elle lui avait été donnée comme son être lui-même, comme la règle naturelle de ses jugements pratiques, et elle formait ainsi, pour une part, sa raison même. Mais la raison de l’homme s’étant obscurcie grandement par le fait de la chute, l’ombre désastreuse gagna dans son âme jusqu’à la notion, d’abord si complète et si claire, des obligations morales résultant pour lui de sa propre nature. La malice de la volonté dépravée, mettant à profit d’autre part cet affaiblissement originel de la raison, accrut bientôt en d’effrayantes proportions des ténèbres qui favorisaient ses excès. On vit les peuples, victimes volontaires ou insouciantes d’aberrations étranges, régler leurs mœurs sur des maximes faussées, tellement contraires parfois aux principes de la plus élémentaire morale, que nos générations redressées par la foi se refusent à y croire. Les descendants des patriarches, préservés plus que d’autres par la bénédiction donnée à leurs pères, furent loin toutefois d’échapper entièrement à l’universelle déviation. Lorsque Moïse, envoyé par Dieu, les constitua en corps de nation sur la base même de la fidélité à cette loi écrite qui venait restaurer la loi de nature, plus d’un point que le libre essor de cette dernière eût réclamé dut rester dans l’ombre ; le Seigneur nous l’apprend, Moïse fut obligé d’accorder quelque chose à la dureté de leur cœur. Il ne put faire surtout qu’après sa mort, les docteurs privés et les sectes particulières qui s’élevèrent dans la nation n’arrivassent à corrompre, sous l’effort de vaines traditions et d’interprétations erronées, l’esprit, sinon toujours la lettre même de la loi du Sinaï.

La loi de Dieu, revêtant pour le Juif le caractère d’une charte nationale, était placée en cette qualité sous la sauvegarde du pouvoir public ; des tribunaux, plus ou moins élevés suivant l’importance des causes qui leur étaient déférées, jugeaient les infractions commises ou les crimes accomplis contre elle. Mais, en dehors du tribunal sacré de la loi de grâce où Dieu même agit et parle en la personne du prêtre, tout jugement exercé par des hommes, si imposante que soit leur autorité, ne saurait avoir pour objet que des faits extérieurs ; Moïse, dans sa législation, n’avait donc point assigné de sanction pénale pour ces fautes intimes de la conscience, qui, toutes graves qu’elles puissent être, échappent néanmoins, par leur nature, à l’appréciation comme à la connaissance des sociétés et des pouvoirs humains qui les régissent. C’est ainsi qu’aujourd’hui, l’Église elle-même n’applique point ses censures aux crimes de l’âme qui ne se manifestent pas dans un acte quelconque tombant sous les sens ; comme Moïse l’avait fait, sans mettre en doute la culpabilité des pensées ou désirs criminels, elle laisse à Dieu le jugement de causes dont lui seul peut connaître.

Mais s’il n’est personne aujourd’hui, parmi les enfants de l’Église, qu’une distinction si simple et si conforme à la nature de tout droit social puisse induire en erreur, il n’en fut pas de la sorte au sein du peuple hébreu. Longtemps la voix des prophètes s’évertua sans relâche à porter au delà du monde présent la pensée alourdie de cette race si gratuitement privilégiée ; mais alors même l’esprit étroit, exclusif, de la nation ne put jamais se faire à l’idée que les principes divinement inspirés de sa constitution politique et la forme extérieure de sa législation recouvrissent une réalité immatérielle, bien autrement vivante et profonde. Aussi lorsque, peu après le retour de la captivité, les derniers représentants du ministère prophétique, disparaissant, laissèrent le champ libre à l’éclosion de systèmes en rapport avec ces tendances mesquines, les casuistes Juifs eurent bientôt trouvé la formule de cette morale étrange des circoncis, dont saint Paul nous apprend qu’elle faisait le scandale des nations. Confondant le domaine intime de la conscience avec le théâtre forcément restreint de la justice publique, ils apprécièrent les obligations du for intérieur à la mesure des règles établies pour guider cette dernière, et s’habituèrent promptement, dans cette voie, à n’estimer que ce qui était vu des hommes, à négliger tout ce qui ne tombe pas sous les yeux. L’Évangile est rempli des malédictions du Sauveur contre ces guides aveugles étouffant sous l’écorce de la lettre, dans les âmes qu’ils prétendent conduire, la loi, la justice et l’amour ; l’Homme-Dieu dénonce en toute occasion, il flagelle, il flétrit sans pitié ces Scribes et ces Pharisiens hypocrites purifiant sans fin le dehors du vase, et pleins au dedans d’impureté, d’homicide et de rapine.

Le Verbe divin descendu pour sanctifier les hommes dans la vérité, c’est-à-dire en lui-même, devait en effet rendre avant tout leur splendeur première, ternie par le temps, aux immuables principes de justice et de droit qui reposent en lui comme en leur centre. C’est ce qu’il fit tout d’abord et avec une solennité incomparable, après l’appel de ses disciples et l’élection des douze, dans le passage du Sermon sur la montagne où l’Église a choisi l’Évangile de ce jour. En cela il venait, déclarait-il, non point condamner ou détruire la loi, mais rétablir contre les Scribes et les Pharisiens son vrai sens, et lui donner cette plénitude que les anciens du temps de Moïse eux-mêmes n’avaient pu porter. Il faut lire en entier, dans saint Matthieu, cet important passage dont les explications qui précèdent suffiront à donner l’intelligence.

Dans les quelques lignes que l’Église en a empruntées, la pensée du Sauveur est qu’on ne doit point estimer à la mesure des tribunaux d’ici-bas le degré de justice nécessaire à l’entrée du royaume des cieux. La loi juive déférait l’homicide au tribunal criminel dit du jugement ; et lui, le Maître et l’auteur de la loi, il déclare que la colère, ce premier pas vers l’homicide, fût-elle restée dans les replis les plus secrets de la conscience, peut amener à elle seule la mort de l’âme, encourant ainsi véritablement, dans l’ordre spirituel, la peine capitale réservée dans l’ordre social de la vie présente à l’homicide accompli. Si, sans même en venir aux coups, cette colère s’échappe en paroles méprisantes, comme l’expression syriaque de raca, homme de rien, la faute devient si grave, qu’appréciée à sa valeur réelle devant Dieu, elle dépasserait la juridiction criminelle ordinaire pour ne relever que du conseil suprême de la nation. Si du mépris on passe à l’injure, il n’est plus rien dans la gradation des procédures humaines qui puisse donner une idée de l’énormité du péché commis. Mais les pouvoirs du juge souverain ne s’arrêtent point, comme ceux des hommes, à une limite donnée : la charité fraternelle, foulée aux pieds, trouvera toujours au delà du temps son vengeur. Tant est grand le précepte de la sainte dilection qui unit les âmes ! Tant s’oppose directement à l’œuvre divine la faute qui, de près ou de loin, vient compromettre ou troubler l’harmonie des pierres vivantes de l’édifice qui s’élève ici-bas, dans la concorde et l’amour, à la gloire de l’indivisible et pacifique Trinité !

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IVème Dimanche après la Pentecôte

2 Juillet 2017 , Rédigé par Ludovicus

IVème Dimanche après la Pentecôte

Introït

Le Seigneur est ma lumière et mon salut, qui craindrai-je ? Le Seigneur est le défenseur de ma vie, de quoi tremblerai-je ? Mes ennemis qui me suscitent des maux, ce sont eux qui se sont affaiblis et sont tombés. Si des armées rangées en bataille s’élèvent contre moi : mon cœur n’aura pas de frayeur.

Collecte

Donnez-nous, nous vous en prions, Seigneur : que le cours du monde soit pour nous paisible sous la conduite de votre providence ; et que votre Église vous serve avec joie dans la tranquillité.

Epître

Mes frères : J’estime que les souffrances du temps présent n’ont pas de proportion avec la gloire à venir qui sera manifestée en nous. Aussi la créature attend-elle d’une vive attente la manifestation des enfants de Dieu. Car la créature a été assujettie à la vanité, non pas volontairement, mais à cause de celui qui l’a assujettie avec espérance ; en effet, la créature aussi sera elle-même délivrée de cet asservissement à la corruption, pour participer à la glorieuse liberté des enfants de Dieu. Car nous savons que toute créature gémit et est dans le travail de l’enfantement jusqu’à cette heure ; et non seulement elle, mais nous aussi, qui avons les prémices de l’Esprit, nous aussi nous gémissons en nous-mêmes, attendant l’adoption des enfants de Dieu, la rédemption de notre corps, en Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Evangile

En ce temps-là : Jésus, pressé par la foule qui voulait entendre la parole de Dieu, se tenait sur le bord du lac de Génésareth. Et il vit deux barques arrêtées au bord du lac ; les pêcheurs étaient descendus, et lavaient leurs filets. Et montant dans l’une de ces barques, qui appartenait à Simon, il le pria de s’éloigner un peu de la terre ; et s’étant assis, il enseignait les foules de dessus la barque. Lorsqu’il eut cessé de parler, il dit à Simon : Pousse au large, et jetez vos filets pour pêcher. Simon, lui répondant, dit : Maître, nous avons travaillé toute la nuit sans rien prendre ; mais, sur votre parole, je jetterai le filet. Lorsqu’ils l’eurent fait, ils prirent une si grande quantité de poissons, que leur filet se rompait. Et ils firent signe à leurs compagnons, qui étaient dans l’autre barque, de venir les aider. Ils vinrent, et ils remplirent les deux barques, au point qu’elles étaient presque submergées. Quand Simon Pierre vit cela, il tomba aux pieds de Jésus, en disant : Seigneur, retirez-vous de moi, car je suis un pécheur. Car l’épouvante l’avait saisi, et aussi tous ceux qui étaient avec lui, à cause de la pêche des poissons qu’ils avaient faite ; et de même Jacques et Jean, fils de Zébédée qui étaient compagnons de Simon. Alors Jésus dit à Simon : Ne crains point ; désormais ce sont des hommes que tu prendras. Et ayant ramené les barques à terre, ils quittèrent tout, et le suivirent.

Offertoire

Éclairez mes yeux, en sorte que jamais je ne m’endorme dans la mort, et que mon ennemi ne dise pas : J’ai prévalu contre lui.

Communion

Le Seigneur est mon ferme appui, mon refuge et mon libérateur ; mon Dieu est celui qui m’aide.

Postcommunion

Faites, nous vous en supplions, Seigneur, que les mystères par nous reçus, nous purifient, et qu’en leur vertu bienfaisante, ils nous soient une protection.

4e leçon

Sermon de saint Augustin, Évêque.

Les enfants d’Israël se trouvaient depuis quarante jours devant l’ennemi. Les quarante jours, à cause des quatre saisons et des quatre parties du monde, signifient la vie présente durant laquelle le peuple chrétien ne cesse d’avoir à combattre un Goliath et son armée, c’est-à-dire le diable et ses anges. Et toutefois ce peuple ne pourrait vaincre si le véritable David, le Christ, n’était pas descendu avec son bâton, je veux dire avec le mystère de sa croix. Car, mes très chers frères, avant l’arrivée du Christ, le diable était sans entraves ; mais le Christ, en venant, a fait de lui ce qui est dit dans l’Évangile : « Nul ne peut entrer dans la maison du fort et ravir ce qu’il possède, s’il ne l’a lié auparavant ». Le Christ est donc venu et il a enchaîné le démon.

5e leçon

Mais, dira quelqu’un, s’il a été enchaîné, pourquoi a-t-il encore tant de puissance ? Il est vrai, mes très chers frères, qu’il en a beaucoup, mais sur les tièdes, les négligents, ceux qui ne craignent pas Dieu véritablement. Retenu comme un chien qui est à la chaîne, il ne peut mordre personne, excepté l’imprudent qui se lie avec lui par une funeste confiance. Jugez alors, mes frères, de la folie de l’homme qui se fait mordre par ce chien enchaîné ! Toi, évite de te lier avec lui par les désirs et les cupidités, du siècle, et lui, n’osera point s’approcher. Il peut aboyer, il peut provoquer, il ne peut mordre que si on le veut bien. Car il fait du mal, non par la violence, mais par la persuasion : il n’extorque point notre consentement, il le sollicite.

6e leçon

David survint donc et trouva le peuple des Hébreux en face de l’ennemi ; et comme il n’y avait personne qui osât engager un combat singulier, lui, qui était la figure du Christ, il sortit des rangs, prit en main son bâton et marcha contre le géant ; on vit alors figuré dans sa personne ce qui plus tard s’accomplit en notre Seigneur Jésus-Christ. Le Christ, en effet, le vrai David, venu combattre le Goliath spirituel, c’est-à-dire le diable, a lui-même porté sa croix. Remarquez, mes frères, à quel endroit David a frappé Goliath : c’est juste au front, où il n’avait pas le signe de la croix. C’est que, de même que le bâton représentait la croix, de même aussi la pierre qui frappa Goliath figurait le Christ, notre Seigneur.

7e leçon

Homélie de saint Ambroise, Évêque

Du moment que le Seigneur, par des miracles divers, eut rendu la santé à beaucoup de malades, la foule de ceux qui désiraient ardemment des guérisons ne se laissa plus arrêter par les difficultés de temps et de lieux. La soirée s’avançait et ils le suivaient encore ; près du lac, la foule accourt, le presse ; si bien qu’il se voit obligé de monter dans la barque de Pierre. Cette barque, saint Matthieu nous la représente battue des flots, et saint Luc nous la montre remplie de poissons ; ce qui vous dépeint les fluctuations de l’Église à son berceau, et sa prodigieuse fécondité dans la suite. Les poissons figurent ceux qui naviguent sur l’océan de cette vie. Dans le premier cas, le Christ sommeille encore pour ses disciples ; dans le second, il commande en maître : Jésus dort en effet dans les âmes tièdes, et il veille dans les âmes parfaites.

8e leçon

Elle ne court aucun danger, la barque qui porte la sagesse, d’où l’a trahison est absente et qui vogue au souffle de la foi. Et que pourrait-elle craindre, ayant pour pilote celui en qui l’Église est affermie ? Le péril se rencontre où il y a peu de foi : ici, sécurité, car l’amour est parfait. Et pendant que les autres disciples ont ordre de jeter leurs filets, à Pierre seul il est dit : « Avance en pleine mer » ; c’est-à-dire, pénètre au profond de la doctrine. En effet, quoi de plus profond que de découvrir l’abîme des richesses célestes, de connaître le Fils de Dieu et de confesser sa génération divine ? Génération que l’esprit humain ne peut sans doute pleinement comprendre par les investigations de sa raison, mais que la plénitude étreint cependant.

9e leçon

Car bien qu’il ne me soit pas donné de savoir comment il est engendré de Dieu, néanmoins il ne m’est pas permis d’ignorer qu’il est engendré de Dieu. J’ignore le mode de sa génération, mais j’en connais le principe. Nous n’étions pas là, lorsque le Fils de Dieu était engendré du Père ; mais nous étions là, lorsque le Père l’appelait Fils de Dieu. Si nous ne croyons pas même à Dieu, à qui croirons-nous ? Car tout ce que nous croyons, c’est par la vue ou par l’ouïe que nous le croyons. La vue est parfois trompée ; l’ouïe est sûre en matière de foi.

 

 

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Le Précieux Sang

1 Juillet 2017 , Rédigé par Ludovicus

Le Précieux Sang

Introït

Vous nous avez rachetés, Seigneur, par votre Sang, de toute tribu, de toute langue, de tout peuple et de toute nation : et vous nous avez fait royaume pour notre Dieu. Je chanterai éternellement les miséricordes du Seigneur : de génération en génération ma bouche annoncera votre vérité.

Collecte

Dieu tout-puissant et éternel, vous avez établi votre Fils unique rédempteur du monde, et vous avez voulu que votre justice soit apaisée par son sang : faites-nous la grâce, nous vous en prions, de vénérer d’un culte solennel ce prix de notre salut, et d’être ici-bas préservés par sa vertu des maux de la vie présente ; de manière à jouir éternellement de ses fruits dans les cieux. Par le même.

Epitre

Mes Frères : le Christ ayant paru comme grand prêtre des biens à venir, c’est en passant par un tabernacle plus excellent et plus parfait, qui n’est pas construit de main d’homme, c’est-à-dire, qui n’appartient pas à cette création-ci et ce n’est pas avec le sang des boucs et des taureaux, mais avec son propre sang, qu’il est entré une fois pour toutes dans le saint des Saints, après avoir acquis une rédemption éternelle. Car si le sang des boucs et des taureaux, si la cendre d’une génisse, dont on asperge ceux qui sont souillés, sanctifient de manière à procurer la pureté de la chair, combien plus le sang du Christ qui, par l’Esprit-Saint, s’est offert lui-même sans tache à Dieu, purifiera-t-il notre conscience des œuvres mortes, pour servir le Dieu vivant ? Et c’est pour cela qu’il est médiateur d’une nouvelle alliance, afin que, sa mort ayant eu lieu pour le pardon des transgressions commises sous la première alliance, ceux qui ont été appelés reçoivent l’héritage éternel qui leur a été promis, en Jésus-Christ Notre-Seigneur.

Evangile

En ce temps-là : Quand Jésus eut pris le vinaigre, il dit : "Tout est consommé", et inclinant la tête il rendit l’esprit. Or, comme c’était la Préparation, de peur que les corps ne restassent sur la croix pendant le sabbat, car le jour de ce sabbat était très solennel, les Juifs demandèrent à Pilate qu’on rompît les jambes aux crucifiés et qu’on les détachât. Les soldats vinrent donc, et ils rompirent les jambes du premier, puis de l’autre qui avait été crucifié avec lui. Mais quand ils vinrent à Jésus, le voyant déjà mort, ils ne lui rompirent pas les jambes. Mais un des soldats lui transperça le côté avec sa lance, et aussitôt il en sortit du sang et de l’eau. Et celui qui l’a vu en rend témoignage, et son témoignage est vrai.

Offertoire

Le Calice de bénédiction, que nous bénissons, n’est-il pas la communion au sang du Christ ? et le pain que nous rompons n’est-il pas la communion au corps du Seigneur ?

Communion

Le Christ s’est offert une fois, pour effacer les péchés de beaucoup ; une seconde fois il apparaîtra sans péché pour donner le salut à ceux qui l’attendent.

Postcommunion

Admis à la table sacrée, nous avons puisé avec joie des eaux aux fontaines du Sauveur ; faites, nous vous en supplions, Seigneur, que son Sang devienne pour nous une source d’eau vive jaillissant jusqu’à la vie éternelle.

4e leçon

Sermon de saint Jean Chrysostome.

Veux-tu  apprendre la vertu du sang du Christ ? Remontons à ce qui l’a figuré et rappelons-nous sa première image, en puisant aux récits de l’Écriture ancienne. C’était en Égypte, Dieu menaçait les Égyptiens d’une dixième plaie, il avait résolu de faire périr leurs premiers-nés, parce qu’ils retenaient son peuple premier-né. Mais afin que le peuple juif qu’il aimait ne risquât pas d’être frappé avec eux (car ils habitaient tous un même pays), le Seigneur lui indiqua un remède qui devait servir au discernement des Israélites et des Gentils. C’est un exemple admirable et propre à vous faire véritablement connaître la vertu du sang de Jésus-Christ. Les effets de la colère divine étaient attendus, et le messager de la mort allait de maison en maison. Que fait donc Moïse ? « Tuez, dit-il, un agneau d’un an, et de son sang, marquez vos portes ». Que dis-tu, Moïse ? Le sang d’un agneau peut-il donc préserver l’homme doué de raison ? Certainement, nous répond-il ; non parce que c’est du sang, mais parce que le sang du Seigneur y est représenté

5e leçon

Comme les statues des rois, inertes et muettes, protègent d’ordinaire les hommes doués d’une âme et de raison qui se réfugient près d’elles, non parce qu’elles sont d’airain, mais parce qu’elles sont l’image du prince ; ainsi ce sang privé de raison délivra des hommes ayant une âme, non parce que c’était du sang, mais parce qu’il annonçait pour l’avenir le sang du Christ. Et alors l’Ange destructeur, en voyant les portes teintes, passa plus loin et n’osa pas entrer. Si donc aujourd’hui, au lieu de voir des portes teintes du sang d’un agneau figuratif, l’ennemi voit les lèvres des fidèles, portes des temples de Jésus-Christ, reluire du sang de l’Agneau véritable, cet ennemi s’éloignera bien plus. Car si l’Ange se retira devant la figure, à combien plus forte raison l’ennemi sera-t-il saisi de frayeur s’il aperçoit la réalité elle-même ? Voulez-vous sonder encore une autre vertu de ce sang ? Je le veux bien. Voyez d’où il s’est d’abord répandu, et de quelle source il est sorti. C’est de la croix même qu’il commença à couler ; le côté du Seigneur fut sa source. Car, est-il dit, Jésus étant mort et encore suspendu à la croix, un soldat s’approche, lui frappe le côté avec sa lance, et il en sort de l’eau et du sang : l’une, symbole du baptême ; l’autre, du Sacrement. C’est pourquoi l’Évangile ne dit pas : Il en sortit du sang et de l’eau, mais de l’eau d’abord, et puis du sang ; parce que nous sommes d’abord lavés dans l’eau baptismale, et consacrés ensuite par le très saint Mystère. Un soldat ouvre le côté, il fait une ouverture dans la muraille du temple saint. Et moi j’ai trouvé un trésor précieux, et je me félicite de découvrir de grandes richesses.

6e leçon

Ainsi a-t-il été fait de cet Agneau. Les Juifs ont tué l’Agneau, et moi j’ai connu le fruit du Sacrement. Du côté coulèrent le sang et l’eau. Je ne veux pas, mon auditeur, passer si rapidement sur les secrets d’un si grand mystère, car il me reste encore à vous dire des choses mystiques et profondes. J’ai dit que cette eau et ce sang étaient le symbole du baptême et des Mystères. D’eux, en effet, a été fondée l’Église, par la régénération du bain et la rénovation du Saint-Esprit : je dis par le baptême et les Mystères, qui paraissent être sortis du côté. De son côté donc le Christ a édifié l’Église, comme du côté d’Adam fut tirée Ève, son épouse. Saint Paul atteste aussi cette origine, lorsqu’il dit : « Nous sommes les membres de son corps, formés de ses os », faisant allusion au côté du Christ. Oui, ainsi que Dieu fit la femme du côté d’Adam, de même le Christ nous donna de son côté l’eau et le sang, destinés à l’Église comme éléments réparateurs. – A l’occasion du dix-neuvième centenaire de la rédemption du genre humain, le pape Pie XI a promulgué un jubilé solennel pour commémorer un bienfait si ineffable. Voulant multiplier les grâces du précieux sang par lequel nous avons été rachetés dans le sang du Christ, l’agneau sans tache, et recommander plus intensément son souvenir aux fidèles, le Souverain Pontife a élevé au rang de première classe la fête du Précieux Sang de notre Seigneur Jésus Christ, que l’Église célèbre tous les ans

7e leçon

Homélie de saint Augustin, Évêque

L’Évangéliste s’est servi d’une expression choisie à dessein, il ne dit pas : Il frappa son côté, ou : Il le blessa, ou, toute autre chose, mais : « Il ouvrit », pour nous apprendre qu’elle fut en quelque sorte ouverte au Calvaire, la porte de la vie d’où sont sortis les sacrements de l’Église, sans lesquels on ne peut avoir d’accès à la vie qui est la seule véritable vie. Ce sang qui a été répandu, a été versé pour la rémission des péchés ; cette eau vient se mêler pour nous au breuvage du salut ; elle est à la fois un bain qui purifie et une boisson rafraîchissante. Nous voyons une figure de ce mystère dans l’ordre donné à Noé d’ouvrir, sur un côté de l’arche, une porte par où pussent entrer les animaux qui devaient échapper au déluge et qui représentaient l’Église. C’est en vue de ce même mystère que la première femme a été faite d’une des côtes d’Adam pendant son sommeil, et qu’elle fut appelée vie et mère des vivants. Elle était la figure d’un grand bien, avant le grand mal de la prévarication. Nous voyons ici le second Adam s’endormir sur la croix, après avoir incliné la tête, pour qu’une épouse lui fût formée par ce sang et cette eau qui coulèrent de son côté pendant son sommeil. O mort qui devient pour les morts un principe de résurrection et de vie ! Quoi de plus pur que ce sang ? Quoi de plus salutaire que cette blessure ?

8e leçon

Les hommes servaient le démon et étaient ses esclaves, mais ils ont été rachetés de la captivité. Car ils ont pu se vendre, mais non se racheter. Le Rédempteur est venu et il a donné la rançon ; il a répandu son sang et il a racheté le monde entier. Vous demandez ce qu’il a acheté ? Voyez ce qu’il a donné et vous verrez ce qu’il a acheté. Le sang de Jésus-Christ est le prix. Que vaut-il, si ce n’est l’univers entier ? Que vaut-il, si ce n’est toutes les nations ? Ils sont très ingrats et n’apprécient pas son prix, ou sont démesurément superbes, ceux qui disent qu’il valait si peu qu’il n’a acheté que les Africains, ou qu’ils sont eux-mêmes si grands, que tout le prix leur a été consacré. Qu’ils ne s’élèvent pas, qu’ils ne s’enorgueillissent pas. Il a donné pour tous, tout ce qu’il a donné.

9e leçon

Il eut, lui, du sang au prix duquel il pouvait nous sauver ; et c’est pour ceci qu’il l’a pris ; afin que ce sang fût celui qu’il répandrait pour notre rédemption. Le sang du Seigneur, si vous le voulez, il est donné pour vous ; si vous ne voulez pas qu’il en soit ainsi, il n’est pas donné pour vous. Car vous dites peut-être : Mon Dieu eut du sang qui pouvait me sauver ; mais maintenant qu’il a souffert déjà, il l’a donné tout entier. Que lui en est-il resté, qu’il pût encore donner pour moi ? Mais voici ce qui est grand : c’est qu’il l’a donné une fois et qu’en même temps, il l’a donné pour tous. Le sang du Christ est le salut pour qui l’accepte et le supplice pour qui le refuse. Pourquoi donc hésitez-vous, vous qui ne voulez pas mourir et ne voulez-vous pas plutôt être délivré d’une seconde mort ? Et vous en êtes délivré si vous voulez porter votre croix et suivre le Seigneur ; car il a porté, lui, la sienne, et a cherché un serviteur.

Le Précieux Sang

Litanies du Très Précieux Sang

Seigneur, ayez pitié de nous. Seigneur, ayez pitié de nous.
O Christ, ayez pitié de nous. O Christ, ayez pitié de nous.
Seigneur, ayez pitié de nous. Seigneur, ayez pitié de nous.

Jésus-Christ, écoutez-nous. Jésus-Christ, écoutez-nous.
Jésus-Christ, exaucez-nous. Jésus-Christ, exaucez-nous.

Père céleste qui êtes Dieu, ayez pitié de nous.
Fils, Rédempteur du monde, qui êtes Dieu, ayez pitié de nous.
Esprit Saint qui êtes Dieu, ayez pitié de nous.
Trinité Sainte qui êtes un seul Dieu, ayez pitié de nous.

Sang du Christ, fils unique du Père Eternel, sauvez-nous.
Sang du Christ, Verbe incarné, sauvez-nous.
Sang du Christ, nouveau et ancien Testament, sauvez-nous.
Sang du Christ, répandu sur la terre pendant son agonie, sauvez-nous.
Sang du Christ, versé dans la flagellation, sauvez-nous.
Sang du Christ, émanant de la couronne d’épines, sauvez-nous.
Sang du Christ, répandu sur la Croix, sauvez-nous.
Sang du Christ, prix de notre salut, sauvez-nous.
Sang du Christ, sans lequel il ne peut y avoir de rémission, sauvez-nous.
Sang du Christ, nourriture eucharistisque et purification des âmes, sauvez-nous.
Sang du Christ,fleuve de Miséricorde, sauvez-nous.
Sang du Christ, victoire sur les démons, sauvez-nous.
Sang du Christ, force des martyrs, sauvez-nous.
Sang du Christ, vertu des confesseurs, sauvez-nous.
Sang du Christ, source de virginité, sauvez-nous.
Sang du Christ, soutien de ceux qui sont dans le danger, sauvez-nous.
Sang du Christ, soulagement de ceux qui peinent, sauvez-nous.
Sang du Christ, espoir des pénitents, sauvez-nous.
Sang du Christ, secours des mourants, sauvez-nous.
Sang du Christ, paix et douceur des coeurs, sauvez-nous.
Sang du Christ, gage de vie éternelle, sauvez-nous.
Sang du Christ, qui délivre les âmes du Purgatoire, sauvez-nous.
Sang du Christ, digne de tout honneur et de toute gloire, sauvez-nous.

Agneau de Dieu, qui effacez les péchés du monde, pardonnez-nous, Seigneur.
Agneau de Dieu, qui effacez les péchés du monde, exaucez-nous, Seigneur.
Agneau de Dieu, qui effacez les péchés du monde, ayez pitié de nous.

V.: Vous nous avez rachetés, Seigneur, par votre Sang.
R.: Et vous avez fait de nous un royaume pour notre Dieu.

Prions.

Dieu éternel et tout-puissant qui avez constitué Votre Fils unique, Rédempteur du monde, et avez voulu être apaisé par Son Sang, faîtes, nous Vous en prions, que, vénérant le prix de notre salut et étant par lui protégés sur la terre contre les maux de cette vie, nous recueillions la récompense éternelle dans le Ciel. Par le même Jésus-Christ Notre-Seigneur.
Ainsi-soit-il.

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