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Regnum Galliae Regnum Mariae

REVENIR AUX FONDAMENTAUX

17 Avril 2018 , Rédigé par Ludovicus

REVENIR AUX FONDAMENTAUX

 

Dans la liberté par laquelle le Christ nous a affranchis, tenez ferme, et ne vous laissez pas mettre de nouveau sous le joug de la servitude.

C'est moi, Paul, qui vous le dis: Si vous vous faites circoncire, le Christ ne vous servira de rien. Au contraire, je déclare encore une fois à tout homme qui se fait circoncire, qu'il est tenu d'accomplir la Loi tout entière.

Vous n'avez plus rien de commun avec le Christ, vous tous qui cherchez la justification dans la Loi; vous êtes déchus de la grâce.

Nous, c'est de la foi, par l'Esprit, que nous attendons l'espérance de la justice.

Car dans le Christ Jésus ni circoncision ni incirconcision n'ont de valeur, mais la foi qui est agissante par la charité.

Vous couriez si bien: qui vous a arrêtés, pour vous empêcher d'obéir à la vérité?

Cette persuasion ne vient pas de celui qui vous appelle.

Un peu de levain fait fermenter toute la pâte.

J'ai cette confiance en vous dans le Seigneur, que vous ne penserez pas autrement; mais celui qui met le trouble parmi vous, en portera la peine, quel qu'il soit.

Pour moi, mes frères, s'il est vrai que je prêche encore la circoncision, pourquoi suis-je encore persécuté?

Le scandale de la croix a donc été levé!

 Ah! qu'ils se fassent plutôt mutiler complètement ceux qui vous troublent!

 Pour vous, mes frères, vous avez été appelés à la liberté; seulement ne faites pas de cette liberté un prétexte pour vivre selon la chair; mais, rendez-vous par la charité, serviteurs les uns des autres. Car toute la Loi est contenue dans un seul mot: " Tu aimeras ton prochain comme toi-même. "

Mais si vous vous mordez et vous dévorez les uns les autres, prenez garde que vous ne soyez détruits les uns par les autres.

Je dis donc: " Marchez selon l'esprit; et vous n'accomplirez pas les convoitises de la chair.

Car la chair a des désirs contraires à ceux de l'esprit, et l'esprit en a de contraires à ceux de la chair; ils sont opposés l'un à l'autre, de telle sorte que vous ne faites pas ce que vous voulez.

Mais si vous êtes conduits par l'esprit, vous n'êtes plus sous la Loi.

Or les œuvres de la chair sont manifestes: ce sont l'impudicité, l'impureté, le libertinage, l'idolâtrie, les maléfices, les inimitiés, les contentions, les jalousies, les emportements, les disputes, les dissensions, les sectes, l'envie, les meurtres, l'ivrognerie, les excès de table, et autres choses semblables.

Je vous préviens, comme je l'ai déjà fait, que ceux qui commettent de telles choses n'hériteront pas du royaume de Dieu.

Le fruit de l'Esprit, au contraire, c'est la charité, la joie, la paix, la patience, la mansuétude, la bonté, la fidélité, 23 la douceur, la tempérance.

Contre de pareils fruits, il n'y a pas de loi.

Ceux qui sont à Jésus-Christ ont crucifié la chair avec ses passions et ses convoitises.

Si nous vivons par l'esprit, marchons aussi par l'esprit. Ne cherchons pas une vaine gloire en nous provoquant les uns les autres, en nous portant mutuellement envie.

Frères, lors même qu'un homme se serait laissé surprendre à quelque faute, vous qui êtes spirituels, redressez-le avec un esprit de douceur, prenant garde à vous-mêmes, de peur que vous ne tombiez aussi en tentation.

Portez les fardeaux les uns des autres, et vous accomplirez ainsi la parole du Christ; car si quelqu'un croit être quelque chose, alors qu'il n'est rien, il s'abuse lui-même.

Que chacun examine ses propres oeuvres, et alors il aura sujet de se glorifier pour lui seul, et non en se comparant à autrui; 5 car chacun aura son propre fardeau à porter.

Que celui à qui on enseigne la parole fasse part de tous ses biens à celui qui l'enseigne.

Ne vous y trompez pas: on ne se rit pas de Dieu. Ce qu'on aura semé, on le moissonnera.

Celui qui sème dans sa chair moissonnera, de la chair, la corruption; celui qui sème dans l'esprit moissonnera, de l'esprit, la vie éternelle.

Ne nous lassons point de faire le bien; car nous moissonnerons en son temps, si nous ne nous relâchons pas.

Ainsi donc, pendant que nous en avons le temps, faisons le bien envers tous, et surtout envers les frères dans la foi. (Ga 5, 1-25 ; 6, 1-10)

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IIème Dimanche après Pâques

15 Avril 2018 , Rédigé par Ludovicus

IIème Dimanche après Pâques

Introït

La terre est remplie de la miséricorde du Seigneur, alléluia ; les cieux ont été affermis par la parole du Seigneur, alléluia, alléluia. Justes, réjouissez-vous dans le Seigneur ; c’est aux hommes droits que sied la louange.

Collecte

Dieu, qui, par l’humilité de votre Fils, avez relevé le monde abattu : accordez à vos fidèles une allégresse constante, et faites jouir des joies éternelles ceux que vous avez arrachés aux dangers d’une mort sans fin.

Épitre 1 P 2, 21-25

Mes bien-aimés, le Christ a souffert pour nous, vous laissant un exemple, afin que vous suiviez ses traces :

Lui qui n’a pas commis de péché, et dans la bouche duquel ne s’est pas trouvé de fraude ;

Lui qui, injurié, ne rendait point d’injures, et, maltraité, ne faisait point de menaces, mais se livrait à celui qui le jugeait injustement ;

Lui qui a porté lui-même nos péchés dans son corps sur le bois, afin qu’étant morts au péché, nous vivions à la justice ;

Lui par les meurtrissures duquel vous avez été guéris.

Car vous étiez comme des brebis errantes ; mais vous êtes retournés maintenant au Pasteur et au Gardien de vos âmes.

Évangile Jn. 10, 11-16

En ce temps-là, Jésus dit aux pharisiens :

Je suis le bon pasteur. Le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis. Mais le mercenaire, et celui qui n’est point pasteur, à qui les brebis n’appartiennent pas, voit venir le loup, et abandonne les brebis, et s’enfuit ; et le loup ravit et disperse les brebis. Le mercenaire s’enfuit, parce qu’il est mercenaire, et qu’il ne se met point en peine des brebis.

Je suis le bon pasteur, et je connais mes brebis, et mes brebis me connaissent, comme le Père me connaît et que je connais le Père ; et je donne ma vie pour mes brebis.

J’ai encore d’autres brebis, qui ne sont pas de cette bergerie ; celles-là aussi, il faut que je les amène, et elles écouteront ma voix, et il n’y aura qu’une seule bergerie et qu’un seul pasteur.

Secrète

Que cette oblation sacrée attire toujours sur nous, Seigneur, votre bénédiction salutaire ; en sorte que ce qu’elle opère en ce mystère, elle l’achève par sa vertu

Office

4e leçon

Sermon de saint Léon, Pape.

Mes bien-aimés, les jours qui se sont écoulés entre la résurrection du Seigneur et son ascension, n’ont point passé d’un cours infructueux et inutile pour nous ; mais en ces jours, de grands sacrements ont été confirmés, de grands mystères révélés. En ces jours, la crainte d’une mort funeste nous a été enlevée, et non seulement l’immortalité de l’âme, mais aussi la résurrection de la chair nous a été manifestée. C’est en ces jours que le Saint-Esprit s’est répandu dans tous les Apôtres par l’insufflation du Seigneur, et que le bienheureux Apôtre Pierre, élevé au-dessus de tous, s’est vu confier, après les clefs du royaume, le soin du troupeau du Seigneur.

5e leçon

C’est pendant ces jours que le Seigneur se joint, comme troisième compagnon de voyage, à deux disciples qui font route ensemble, et qu’afin de dissiper toutes les ténèbres de nos doutes, il reproche à ces hommes craintifs et tremblants leur lenteur à croire. Leurs cœurs, alors, sont éclairés, la flamme de la foi s’y allume, et, de tièdes qu’ils étaient, ils deviennent pleins d’ardeur, tandis que le Seigneur leur découvre le sens des Écritures. Pendant qu’ils sont à table, leurs yeux s’ouvrent aussi, et c’est au moment de la fraction du pain. Combien plus heureusement furent alors ouverts les yeux de ces disciples, auxquels le Seigneur manifestait en sa personne la glorification de leur propre nature, que ne l’avaient été ceux de nos premiers parents, pour sentir la confusion qu’ils avaient méritée par leur désobéissance.

6e leçon

Cependant malgré ces faits et d’autres miracles, les disciples demeuraient agités de pensées de crainte, bien que le Seigneur eût apparu au milieu d’eux et qu’il leur eût dit : Paix à vous ! Pour ne pas laisser se fixer dans leur esprit le doute qui s’élevait dans leur cœur (car ils croyaient voir un esprit et non un corps), le Sauveur leur montre la fausseté de ces pensées si peu conformes à la vérité ; il met sous les yeux des disciples qui doutaient encore les marques de son crucifiement demeurées dans ses mains et dans ses pieds ; il les invite à les examiner attentivement et à les toucher. Les vestiges des blessures faites par la lance et par les clous étaient conservés pour guérir les plaies des cœurs infidèles, et pour que l’on crût, non d’une foi chancelante, mais comme l’objet d’une connaissance très certaine, que cette même nature qui avait été gisante dans le tombeau, devait s’asseoir avec le Fils de Dieu sur le trône de son Père.

7e leçon

Homélie de saint Grégoire, Pape

Vous avez entendu, mes très chers frères, dans la lecture du saint Évangile, un enseignement qui vous concerne ; vous y avez appris aussi à quelle épreuve nous sommes mis, (nous, vos pasteurs). Celui qui est bon, non par une grâce accidentelle, mais par l’essence de sa nature, vous dit : « Moi je suis le bon pasteur. » Et nous donnant le modèle de cette même bonté à imiter, il ajoute : « Le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis. » Il a fait ce qu’il a enseigné ; il nous a donné l’exemple de ce qu’il a commandé. Le bon pasteur a donné sa vie pour ses brebis, afin de convertir, dans notre sacrement, son corps et son sang, et d’en rassasier tous ceux qu’il avait rachetés.

8e leçon

La voie que nous devons suivre, au mépris de la mort, nous a été montrée ; l’exemple auquel nous devons nous conformer a été mis sous nos yeux. Notre premier devoir est d’employer charitablement nos biens extérieurs en faveur des brebis du Christ ; mais il nous faut encore, s’il est nécessaire, donner notre vie pour elles. De ce premier degré de sacrifice, qui est le moindre, on arrive jusqu’au dernier, qui est plus grand. Comme la vie l’emporte beaucoup en excellence sur les biens terrestres qui nous sont extérieurs, celui qui ne donne pas ses biens pour ses brebis, donnera-t-il jamais pour elles sa propre vie ?

9e leçon

Il en est qui, aimant davantage les biens de la terre que leurs brebis, ne méritent plus le nom de pasteurs ; de ceux-là l’Évangile ajoute aussitôt : « Mais le mercenaire, et celui qui n’est point pasteur, celui dont les brebis ne sont pas le bien propre, voyant le loup venir, laisse là les brebis et s’enfuit. » On n’appelle point pasteur, mais mercenaire, celui qui fait paître les brebis du Seigneur dans l’espoir de récompenses temporelles, et non par le motif d’un amour sincère. C’est un mercenaire qui tient la place de pasteur, mais ne cherche pas le bien des âmes, celui qui désire avec avidité les commodités de la vie présente, se complaît en l’honneur attaché à sa charge, se nourrit de gains temporels, et se réjouit des égards que les hommes ont pour lui.

....Pesons ces paroles du Fils de Dieu : « Je bâtirai mon Église. » Il a donc un projet : celui de bâtir une Église. Cette Église, ce n’est pas maintenant qu’il la bâtira ; cette œuvre est encore différée ; mais ce que nous savons déjà avec certitude, c’est que cette Église sera bâtie sur Pierre. Pierre en sera le fondement, et quiconque ne posera pas sur Pierre ne fera pas partie de l’Église. Écoutons encore : « Et les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre mon Église. » Dans le style des Juifs les portes signifient les puissances ; ainsi l’Église de Jésus sera indestructible, malgré tous les efforts de l’enfer. Pourquoi ? Parce que le fondement que Jésus lui aura donné sera inébranlable. Le Fils de Dieu continue : « Et je te donnerai les clefs du Royaume des cieux. » Dans le langage des Juifs, les clefs signifient le pouvoir de gouvernement, et dans les paraboles de l’Évangile le Royaume de Dieu signifie l’Église qui doit être bâtie par le Christ. En disant à Pierre, qui ne s’appellera plus Simon : « Je te donnerai les clefs du Royaume des cieux, » Jésus s’exprimait comme s’il lui eût dit : « Je te ferai le Roi de cette Église, dont tu seras en même temps le fondement. » Rien n’est plus évident ; mais ne perdons pas de vue que toutes ces magnifiques promesses regardaient l’avenir.

Or, cet avenir est devenu le présent. Nous voici arrivés aux dernières heures du séjour de Jésus ici-bas. Le moment est venu où il va remplir sa promesse, et fonder ce Royaume de Dieu, cette Église qu’il devait bâtir sur la terre. Fidèles aux ordres que leur avaient transmis les Anges, les Apôtres se sont rendus en Galilée. Le Seigneur se manifeste à eux sur le bord du lac de Tibériade, et après un repas mystérieux qu’il leur a préparé, pendant qu’ils sont tous attentifs à ses paroles, il interpelle tout à coup son disciple : « Simon, fils de Jean, lui dit-il, m’aimes-tu ? » Remarquons qu’il ne lui donne pas en ce moment le nom de Pierre ; il se replace au moment où il lui dit autrefois : « Simon, fils de Jonas, tu es Pierre ; » il veut que les disciples sentent le lien qui unit la promesse et l’accomplissement. Pierre, avec son empressement accoutumé, répondu l’interrogation de son Maître : « Oui, Seigneur ; vous savez que je vous aime. » Jésus reprend la parole avec autorité : « Pais mes agneaux, » dit-il au disciple. Puis réitérant la demande, il dit encore : « Simon fils de Jean, m’aimes-tu ? » Pierre s’étonne de l’insistance avec laquelle son Maître semble le poursuivre ; toutefois il répond avec la même simplicité : « Oui, Seigneur ; vous savez que je vous aime. » Après cette réponse, Jésus répète les mêmes paroles d’investiture : « Pais mes agneaux. »

Les disciples écoutaient ce dialogue avec respect ; ils comprenaient que Pierre était encore une fois mis à part, qu’il recevait en ce moment quelque chose qu’ils ne recevraient pas eux-mêmes. Les souvenirs de Césarée de Philippe leur revenaient à l’esprit, et ils se rappelaient les égards particuliers que leur Maître avait toujours eus pour Pierre depuis ce jour. Cependant, tout n’était pas terminé encore. Une troisième fois Jésus interpelle Pierre : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ? » A ce coup l’Apôtre n’y tient plus. Ces trois appels que fait Jésus à son amour ont réveillé en lui le triste souvenir des trois reniements qu’il eut le malheur de prononcer devant la servante de Caïphe. Il sent une allusion à son infidélité encore si récente, et c’est en demandant grâce qu’il répond cette fois avec plus de componction encore que d’assurance : « Seigneur, dit-il, tout vous est connu ; vous savez que je vous aime. » Alors le Seigneur mettant le dernier sceau à l’autorité de Pierre, prononce ces paroles imposantes : « Pais mes brebis ».

Voilà donc Pierre établi Pasteur par celui-là même qui nous a dit : « Je suis le bon Pasteur. » D’abord le Seigneur a donné à son disciple et par deux fois le soin des agneaux ; ce n’était pas encore l’établir Pasteur ; mais quand il le charge de paître aussi les brebis, le troupeau tout entier est placé sous son autorité. Que l’Église paraisse donc maintenant, qu’elle s’élève, qu’elle s’étende ; Simon fils de Jean en est proclamé le Chef visible. Est-elle un édifice, cette Église ? Il en est la Pierre fondamentale. Est-elle un Royaume ? Il en tient les Clefs, c’est-à-dire le sceptre. Est-elle une bergerie ? Il en est le Pasteur.

Oui, elle sera une bergerie, cette Église que Jésus organise en ce moment, et qui se révélera au jour de la Pentecôte. Le Verbe de Dieu est descendu du ciel « pour réunir en un les enfants de Dieu qui auparavant étaient dispersés », et le moment approche où il n’y aura plus « qu’une « seule bergerie et un seul Pasteur ». Nous vous bénissons, nous vous rendons grâces, ô notre divin Pasteur ! C’est par vous qu’elle subsiste et qu’elle traverse les siècles, recueillant et sauvant toutes les âmes qui se confient à elle, cette Église que vous fondez en ces jours. Sa légitimité, sa force, son unité, lui viennent de vous, son Pasteur tout-puissant et tout miséricordieux. Nous vous bénissons aussi et nous vous rendons grâces, ô Jésus, pour la prévoyance avec laquelle vous avez pourvu au maintien de cette légitimité, de cette force, de cette unité, en nous donnant Pierre votre vicaire, Pierre notre Pasteur en vous et par vous, Pierre à qui brebis et agneaux doivent obéissance, Pierre en qui vous demeurez visible, ô notre divin Chef, jusqu’à la consommation des siècles.

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Saint Justin martyr mémoire des saints Tiburce, Valérien et Maxime martyrs

14 Avril 2018 , Rédigé par Ludovicus

Saint Justin martyr mémoire des saints Tiburce, Valérien et Maxime martyrs

Collecte

O Dieu, qui, par la folie de la croix, avez, d’une manière admirable, enseigné au bienheureux Justin, Martyr, l’éminente science de Jésus-Christ, accordez-nous, par son intercession, qu’après avoir vu repousser la foule des erreurs qui nous entourent, nous obtenions la fermeté dans la foi.

Épitre 1. Cor. 1, 18-25 et 30

Mes Frères : la parole de la Croix est une folie pour ceux qui périssent ; mais pour ceux qui sont sauvés, c’est-à-dire pour nous, elle est la puissance de Dieu. Aussi est-il écrit : Je détruirai la sagesse des sages, et Je réprouverai la prudence des prudents. Où est le sage ? Où est le scribe ? Où est le disputeur de ce siècle ? Dieu n’a-t-Il pas frappé de folie la sagesse de ce monde ? Car parce que le monde, avec sa sagesse, n’a pas connu Dieu dans la sagesse de Dieu, il a plu à Dieu de sauver les croyants par la folie de la prédication. En effet, les Juifs demandent des miracles, et les Grecs cherchent la sagesse ; mais nous, nous prêchons le Christ crucifié, scandale pour les Juifs, et folie pour les païens, mais pour ceux qui sont appelés, soit Juifs, soit Grecs, le Christ puissance de Dieu et sagesse de Dieu. Car ce qui est folie en Dieu est plus sage que les hommes, et ce qui est faiblesse en Dieu est plus fort que les hommes. C’est par Lui que vous êtes dans le Christ Jésus, qui est devenu pour nous, de la part de Dieu, sagesse, justice, sanctification et rédemption.

Évangile Lc. 12, 1-8

En ce temps-là, Jésus dit à ses disciples : Il n’y a rien de secret qui ne doive être découvert, ni rien de caché qui ne doive être connu. Car, ce que vous avez dit dans les ténèbres, on le dira dans la lumière ; et ce que vous avez dit à l’oreille, dans les chambres, sera prêché sur les toits. Je vous dis donc à vous, qui êtes mes amis : ne craignez point ceux qui tuent le corps, et qui, après cela, ne peuvent rien faire de plus. Mais je vous montrerai qui vous devez craindre : craignez celui qui, après avoir tué, a le pouvoir de jeter dans la géhenne. Oui, je vous le dis, celui-là, craignez-le. Cinq passereaux ne se vendent-ils pas deux as ? Et pas un d’eux n’est en oubli devant Dieu. Les cheveux même de votre tête sont tous comptés. Ne craignez donc point ; vous valez plus que beaucoup de passereaux. Or, je vous le dis, quiconque me confessera devant les hommes, le Fils de l’homme le confessera aussi devant les anges de Dieu.

Office

Au deuxième nocturne.

Quatrième leçon. Justin, fils de Priscus, grec de nation, né à Flavia Néapolis, dans la Syrie Palestine, passa son adolescence dans l’étude assidue des belles-lettres. Arrivé à l’âge d’homme, il fut pris d’un tel amour pour la philosophie qu’il voulut, pour parvenir à la vérité, s’attacher à toutes les sectes de philosophes qu’il pût connaître et approfondir leur enseignement. Ne trouvant en toutes ces sectes qu’erreur et fausse sagesse, il fut éclairé d’en haut à la parole d’un vieillard inconnu et d’aspect vénérable, et embrassa la philosophie véritable de la foi chrétienne. Dès lors, il eut jour et nuit dans les mains les livres de la sainte Écriture, et son âme, à la méditation des paroles sacrées, devint si brûlante du feu divin, qu’appliquant fa force de son génie à acquérir la science éminente de Jésus-Christ, il composa plusieurs livres pour exposer et propager la foi chrétienne.

Cinquième leçon. Parmi les écrits les plus célèbres de saint Justin se distinguent les deux Apologies que, devant le sénat, il présenta aux empereurs Antonin le Pieux et ses fils, ainsi qu’à Marc-Antonin Vérus et Lucius Aurélius Commode, qui persécutaient cruellement les chrétiens et dont il obtint, après avoir éloquemment défendu cette même foi devant eux, un édit qui apaisa la persécution. Toutefois Justin ne fut point épargné ; accusé frauduleusement par le philosophe cynique Crescent, qu’il avait repris au sujet de sa vie et de ses mauvaises mœurs, il fut arrêté par des satellites. Amené au préfet de Rome, Rusticus, comme celui-ci lui demandait quelle était la loi chrétienne, il fit en présence d’un grand nombre de témoins cette belle confession de foi : « La doctrine véritable que nous, Chrétiens, nous gardons pieusement, est celle-ci : Nous croyons à un seul Dieu, qui a fait et créé tout ce qui se voit et tout ce que les yeux corporels ne peuvent apercevoir, et nous confessons le Seigneur Jésus-Christ Fils de Dieu, annoncé autrefois par les Prophètes, et qui doit venir juger le genre humain ».

Sixième leçon. Comme Justin dans sa première Apologie, afin de repousser les calomnies des Païens, avait exposé comment les Chrétiens s’assemblaient religieusement, et quels étaient les mystères de ces saintes assemblées, le président lui demanda quel était le lieu où lui-même et les Chrétiens de la ville se réunissaient. Justin ne voulut point découvrir les lieux des assemblées, pour ne point livrer aux chiens les saints mystères, ni trahir ses frères. Il se contenta d’indiquer sa propre demeure où il avait coutume d’instruire ses disciples, auprès du Titre célèbre du Pasteur, dans le palais de Pudens. A la fin, le préfet lui donna le choix de sacrifier aux dieux ou d’être flagellé par tout le corps. L’invincible défenseur de la foi déclara qu’il avait toujours désiré souffrir des tourments pour le Seigneur Jésus-Christ, dont il attendait au ciel une grande récompense, et le préfet prononça contre lui la sentence capitale. Ainsi, cet admirable philosophe, ne cessant de louer Dieu, après avoir été battu de verges, répandit son sang pour le Christ, et fut couronné par un glorieux martyre. Les fidèles enlevèrent secrètement son corps et l’ensevelirent dans un lieu convenable. Le souverain Pontife Léon XIII a ordonné de célébrer dans l’Église universelle l’Office et la Messe de sa Fête.

Au troisième nocturne.

Homélie de S. Jean Chrysostome.

Septième leçon. « Il n’y a rien de caché qui ne sera révélé, rien de secret qui ne sera su ». Jésus leur dit par là : il doit vous suffire pour vous consoler, que moi, votre Seigneur et votre Maître, j’aie subi les mêmes injures. S’il vous en coûte de les entendre, songez d’autre part que vous ne tarderez pas à être délivrés de ces soupçons calomnieux. Pourquoi êtes-vous affligés ? Parce qu’on vous traite de séducteurs et d’imposteurs ? Attendez quelque temps, et toutes les bouches vous nommeront les sauveurs et les bienfaiteurs de l’univers. Le temps fera \la lumière sur ces points obscurs, confondra les calomnies, et montrera votre vertu dans tout son éclat. Or, quand l’expérience elle-même aura prouvé que vous êtes les sauveurs, les bienfaiteurs véritables de l’humanité, que vous avez mis en pratique toutes les vertus, alors les hommes, oubliant les propos de vos ennemis ; n’auront égard qu’à la vérité des choses ; et, tandis que ces derniers apparaîtront comme des sycophantes, des menteurs, des calomniateurs, vous resplendirez plus vivement que le soleil ; ainsi le temps vous fera connaître, proclamera vos mérites et, d’une voix plus éclatante que celle de la trompette, appellera tous les hommes à rendre témoignage à votre vertu. Ne vous laissez donc pas abattre par ce que vous entendez maintenant ; que l’espérance des biens qui vous sont réservés ranime votre âme ; car impossible de tenir caché ce qui vous concerne.

Huitième leçon. Après avoir délivré ses disciples de toute anxiété, de toute crainte, de toute sollicitude, et les avoir rendus même supérieurs à tous les outrages, le Sauveur saisit cette occasion pour les entretenir de la liberté dont ils doivent user dans leurs prédications. « Ce que je vous dis dans les les ténèbres, dites-le dans la lumière, leur dit-il, et ce qui vous est dit à l’oreille, prêchez-le sur les toits ». Certainement il n’y avait point de ténèbres quand il leur parlait, et il ne leur disait rien à l’oreille : Jésus s’exprime ainsi par hyperbole. Parce qu’il parlait à eux seuls et dans un petit coin de la Palestine, il emploie cette figure : « Ce que je vous dis à l’oreille », comparant cette façon de les instruire à la hardiesse de langage dont ils devront user plus tard. Ne prêchez pas seulement à une, deux ou trois cités, leur dit-il ; prêchez dans tout l’univers, parcourez les mers et la terre, les contrées habitées et celles qui ne le sont pas ; dites toutes ces choses aux tyrans et aux multitudes, aux philosophes et aux orateurs, avec une grande assurance. Telle est la signification de ces mots : « Prêchez sur les toits, dites-le à la lumière », sans recourir à aucun subterfuge, avec la plus complète liberté.

Neuvième leçon. Après avoir élevé de la sorte leurs sentiments, le Sauveur revient de nouveau sur les épreuves qui les attendent, et il leur inspire un si grand courage, qu’il met leur âme au-dessus de tous les maux. « Ne craignez point, leur dit-il, ceux qui tuent le corps et ne peuvent tuer l’âme ». Voyez-vous comment il les rend supérieurs à tous les maux, aux sollicitudes, aux calomnies, aux dangers, aux pièges, enfin à la plus terrible des choses, à la mort même ? Et non seulement il leur inspire le mépris d’une mort ordinaire, mais encore d’une mort .violente. Il ne leur dit pas : Vous serez mis à mort ; s’exprimant avec la dignité qui lui convenait : « Ne craignez point, leur dit-il, ceux qui tuent le corps et ne peuvent tuer l’âme ; mais craignez plutôt celui qui peut précipiter l’âme et le corps dans la géhenne ». Comme il le fait toujours, il dirige son discours vers un but tout opposé. Craignez-vous la mort veut-il leur dire, est-ce bien cette raison qui vous fait hésiter devant le ministère de la prédication ? Voilà pourquoi précisément vous devez l’embrasser : parce que la mort vous épouvante. C’est ainsi que vous serez préservés de la mort véritable. Les hommes, dussent-ils vous tuer, quels que soient leurs efforts, ils ne tueront pas la meilleure partie de vous-mêmes. Aussi le Sauveur ne s’exprime-t-il pas de cette manière : Ils ne tueront pas l’âme ; mais de celle-ci : « ils ne peuvent tuer l’âme ». Quand même ils le voudraient, ils n’y réussiront pas. Si donc les supplices vous effraient, craignez ce supplice beaucoup plus épouvantable. Vous le voyez, au lieu de leur promettre de les délivrer de la mort, il permet qu’ils la subissent, sauf à les combler de biens plus considérables que s’il les en eût délivrés. Certes, il est plus grand d’inspirer le mépris de la mort que de délivrer de la mort.

L’Ibérie députait hier un de ses princes à la cour du vainqueur de la mort. Avec non moins d’honneur, le Christ admet aujourd’hui dans le cortège de son triomphe un représentant de la science mise au service des intérêts surnaturels. Le manteau des philosophes égale en éclat, sur les épaules de Justin, la pourpre d’Herménégilde ; car tous deux, philosophe et prince, ont teint de leur sang, mêlé à celui de l’Agneau, les vêtements devenus l’insigne de la gloire dont ils jouissent près de lui pour jamais.

Mais ce n’est pas seulement au ciel qu’il nous faut contempler le résultat du combat de ces témoins du Christ ; la propriété du sang des martyrs est de féconder la terre même. Contre le gré de l’hérésie, du sang royal d’Herménégilde est née la catholique Espagne ; le paganisme, en immolant Justin à sa haine, raviva dans le sol Romain la vigueur de la féconde semence que Pierre et Paul y avaient déposée. Nous en avons la preuve en ce jour même, où le Cycle sacré ramène également la mémoire des saints Valérien, Tiburce et Maxime : triumvirat glorieux, conquis au Christ par l’immortelle Cécile qui fut, en ces temps, la plus noble expression de la foi romaine défendue par Justin avec tant de science et d’amour ! Quand Cécile naquit, les conférences publiques de Justin avec les adversaires du christianisme remplissaient Rome du bruit de leurs réfutations victorieuses ; ses écrits, qu’il faisait parvenir intrépidement jusqu’au trône impérial, portaient la lumière là même où sa parole n’atteignait pas. Bientôt la hache du licteur, en s’abattant sur la tète de l’apologiste, donna plus de force encore à ses démonstrations que n’avait fait sa logique puissante, lorsqu’une première fois, il avait arrêté la persécution furieuse et dompté l’enfer.

Le monde, en effet, sollicité en sens contraire dans mille écoles célèbres qui semblent prendre à tâche, par leurs contradictions, de rendre la découverte du vrai impossible, le monde, du moins, est en mesure maintenant de savoir où se trouve la sincérité. Marc-Aurèle, qui vient de succéder à Antonin le Pieux, prétend établir la philosophie avec lui sur le trône ; plaçant l’idéal de toute perfection dans la satisfaction de soi et le dédain pour autrui, il part du scepticisme dogmatique pour établir la loi morale, et livre ses Pensées à l’admiration de quelques courtisans, sans se soucier de réformer les mœurs mêmes de son entourage. Justin, dès son adolescence, a cherché le vrai pour trouver la justice ; sans se laisser décourager par l’inutilité de ses premiers efforts, il n’a point pris prétexte, pour nier la lumière, de ce qu’elle tardait à se montrer ; lorsqu’à l’heure marquée par Dieu la nuit tombe, il dévoue sa vie à la sagesse enfin rencontrée, brûlant de la communiquer à tous, petits et grands, ne comptant pour rien les travaux, les supplices même, qui lui permettront de l’affirmer solennellement à la face de l’univers. Entre le héros chrétien et le sophiste couronné qui l’envoie à la mort, quel homme de bonne foi pourrait hésiter ? Qui, comme Cécile dans son admirable confession, ne déverserait le mépris sur les prétentions de ces faux philosophes devenus les maîtres du monde, et ne donnant d’autre preuve de leur amour pour la sagesse que le parti-pris d’étouffer la voix de ceux qui la prêchent ?

La philosophie, baptisée dans le sang du converti de Naplouse, est chrétienne pour jamais. Sa désolante stérilité cesse en ce grand jour. Le témoignage du martyre que, servante fidèle enfin, elle rend à la vérité, redresse d’un seul coup les écarts monstrueux de ses premiers âges. Sans se confondre avec la foi, elle sera désormais la noble auxiliaire de cette fille des cieux. La raison humaine verra ses forces décuplées par cette alliance illustre, et produira maintenant des fruits assurés. Malheur à elle toutefois, si, oubliant la consécration sublime qui la voue au Christ, elle en vient un jour à ne plus tenir compte de la divine Incarnation, et prétend se suffire avec les enseignements de la seule nature sur l’origine de l’homme, la fin de toutes choses et la règle des mœurs ! Cette lumière naturelle qui éclaire tout homme venant en ce monde est, elle aussi, sans doute, un rayonnement du Verbe  ; et c’est là sa grandeur. Mais depuis que ce Verbe divin, dépassant l’honneur fait à la seule raison, a gratifié l’humanité d’une manifestation de lui-même plus directe et plus haute, il n’entend pas que l’homme fasse deux parts en ses dons, qu’il laisse de côté la foi préparant la vision même, et se contente de la lointaine lueur qui eût suffi à la pure nature. Le Verbe est un, comme l’homme même, à qui il se manifeste en même temps, quoique si diversement, par la raison et la foi ; quand l’humanité voudra se soustraire à l’illumination surnaturelle, sa punition trop méritée sera de voir le Verbe divin retirer à lui par degrés cette lumière même de nature qu’elle s’assurait posséder en propre, et laisser le monde s’abîmer dans la déraison.

Nous saluons en vous, ô Justin, l’une des plus nobles conquêtes de notre divin Ressuscité sur l’empire de la mort. Né dans la région des ténèbres, vous avez cherché de bonne heure à briser les liens du mensonge qui vous enserraient comme tant d’autres. La Sagesse, que vous aimiez sans la connaître encore, vous avait, elle aussi, choisi entre tous. Or elle n’entre point dans une âme fausse, elle n’habite point dans un corps soumis au péché. Bien différent des hommes chez qui le beau nom de la philosophie ne recouvrait que l’amour d’eux-mêmes et la prétention de justifier tous les vices, la recherche de la science partait chez vous d’un cœur désireux de savoir, uniquement pour aimer la vérité connue et observer ses lois. Cette pureté de l’intelligence et du cœur vous rapprochait de Dieu ; elle vous rendait digne de rencontrer sur le chemin la Sagesse vivante, qui se donne maintenant à vous pour jamais dans la pleine lumière. L’Église tout à l’heure, ô Justin, vous décorait à bon droit du nom de philosophe admirable ; car, le premier, vous avez compris que la philosophie vraiment digne de ce nom, le véritable amour de la sagesse, ne pouvait arrêter ses poursuites au domaine abstrait de la simple raison, depuis que la raison n’est plus qu’une introductrice aux régions supérieures où la Sagesse se révèle en personne à l’amour qui la cherche sans feinte.

Il est écrit de ceux qui vous ressemblent : La multitude des sages est le salut du monde. Mais qu’ils sont rares aujourd’hui les vrais philosophes, ceux qui, comme vous, comprennent que le but du sage est d’arriver jusqu’à la vue de Dieu par la voie de l’obéissance à ce Dieu très saint! L’indépendance de la raison est le seul dogme sur lequel s’accordent les sophistes du jour ; le procédé dont ils font le cachet de leur secte est un faux éclectisme, qu’ils entendent comme la faculté laissée à tous de se faire un système : à chacun de choisir ce qui, dans les affirmations des diverses écoles, des religions elles-mêmes, peut sourire davantage. Ainsi proclament-ils que cette raison qu’ils prétendent souveraine n’a pu jusqu’à eux rien produire d’assuré ; et, pour eux-mêmes, le doute sur tout, le scepticisme, comme l’avouent leurs chefs, est le dernier mot de la science. Vraiment, après cela, sont-ils mal venus pour reprocher à l’Église d’abaisser la raison, elle qui naguère encore, au concile du Vatican, exaltait le secours mutuel que se rendent la raison et la foi pour conduire l’homme à Dieu leur commun auteur ! elle qui rejette de son sein ceux qui dénient à la raison humaine le pouvoir de donner par elle-même la certitude sur l’existence de ce Dieu Créateur et Seigneur ! Et pour définir ainsi dans nos temps la valeur respective de la raison et de la foi, sans les séparer et encore moins les confondre, l’Église n’a eu qu’à écouter le témoignage de tous les siècles chrétiens, en remontant jusqu’à vous dont les ouvrages, complétés l’un par l’autre, n’expriment pas une autre doctrine.

Vous avez été un témoin fidèle autant que courageux, vaillant martyr. En des jours où les besoins de la lutte contre l’hérésie n’avaient point encore suggéré à l’Église les termes nouveaux dont la précision allait bientôt devenir indispensable, vos écrits nous montrent combien alors pourtant la doctrine était la même sous l’infirmité du langage. Béni soyez-vous par tous les enfants de la sainte Église, ô Justin, pour cette démonstration précieuse de l’identité de notre croyance avec la foi du second siècle ! Béni soyez-vous d’avoir, à cette fin, distingué scrupuleusement entre ce qui pour tous alors était le dogme même, et les opinions privées auxquelles l’Église, comme elle l’a toujours fait, laissait la liberté sur des points de moindre importance !

Ne faites pas défaut à la confiance que met en vous la Mère commune. Si loin déjà du temps où vous vécûtes, elle veut que ses fils vous honorent plus qu’ils n’avaient fait dans les siècles antérieurs. C’est qu’en effet, après avoir été reconnue comme la reine des nations, la situation pour elle est redevenue la même qu’à l’époque où vous la défendiez contre les assauts d’un pouvoir hostile. Suscitez-lui des apologistes nouveaux. Apprenez-leur comment parfois, à force de zèle, de fermeté, d’éloquence, on arrive à faire reculer l’enfer. Mais que surtout ils aient garde de se méprendre sur la nature de la lutte confiée par l’Église à leur honneur ! C’est une reine qu’ils ont à défendre ; l’Épouse du Fils de Dieu ne saurait consentir à laisser quémander pour elle la protection qu’on donne à une esclave. La vérité a des droits par elle seule ; ou, plutôt, seule elle mérite la liberté. Comme vous donc, ô Justin, ils s’appliqueront sans doute à faire rougir le pouvoir civil de ne pas même reconnaître à l’Église les facultés qu’il accorde à toute secte ; mais l’argumentation d’un chrétien ne saurait s’arrêter à réclamer une tolérance commune à Satan et au Christ ; comme vous encore, et jusque sous la menace d’un redoublement de violences, ils devront ajouter : Notre cause est juste, parce que nous, et nous seuls, disons la vérité.

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Saint Herménégilde martyr

13 Avril 2018 , Rédigé par Ludovicus

Saint Herménégilde martyr

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Dieu, qui avez appris au bienheureux Herménégilde, votre Martyr, à mettre la royauté terrestre au-dessous de la royauté du ciel, accordez-nous, nous vous en supplions, de mépriser à son exemple les biens périssables, et de rechercher les biens éternels.

Lecture Sg. 5, 1-5

Les justes se lèveront avec une grande assurance contre ceux qui les auront mis dans l’angoisse, et qui auront ravi le fruit de leurs travaux. A cette vue les méchants seront troublés par une horrible frayeur, et ils seront stupéfaits en voyant tout à coup ceux dont ils n’attendaient pas le salut ; ils diront en eux-mêmes, saisis de remords, et gémissant dans l’angoisse de leur cœur : Voici ceux dont nous avons fait autrefois un objet de risée, et un thème d’outrages. Insensés que nous étions, nous regardions leur vie comme une folie, et leur mort comme une honte ; et voilà qu’ils sont comptés parmi les fils de Dieu, et que leur partage est avec les saints.

Évangile Lc. 14, 26-33

En ce temps-là, Jésus dit à la foule : Si quelqu’un vient à moi, et ne hait pas son père, et sa mère, et sa femme, et ses enfants, et ses frères, et ses sœurs, et même sa propre vie, il ne peut être mon disciple. Et celui qui ne porte pas sa croix, et ne me suit pas, ne peut être mon disciple. Car quel est celui de vous qui, voulant bâtir une tour, ne s’assied d’abord, et ne suppute les dépenses qui sont nécessaires, afin de voir s’il aura de quoi l’achever ; de peur qu’après avoir posé les fondements, il ne puisse l’achever, et que tous ceux qui verront cela ne se mettent à se moquer de lui, en disant : Cet homme a commencé à bâtir, et il n’a pu achever ? Ou quel roi, sur le point de faire la guerre à un autre roi, ne s’assied d’abord, afin d’examiner s’il pourra, avec dix mille hommes, marcher contre celui qui s’avance sur lui avec vingt mille ? Autrement, tandis que l’autre roi est encore loin, il lui envoie une ambassade, et lui fait des propositions de paix. Ainsi donc, quiconque d’entre vous ne renonce pas à tout ce qu’il possède ne peut être mon disciple.

Office

Du Livre des Dialogues de saint Grégoire.

Quatrième leçon. Fils de Léovigilde, roi des Visigoths, le roi Herménégilde, fut converti de l’hérésie arienne à la foi catholique par les prédications du vénérable Léandre, Évêque de Séville, avec lequel il était lié depuis longtemps d’une étroite amitié. Son père, demeuré arien, s’efforça, et de le gagner par des promesses, et de l’effrayer par des menaces, pour le ramener à l’hérésie. Comme Herménégilde répondait avec une constance inébranlable qu’il ne pourrait jamais quitter la vraie foi après l’avoir connue, son père irrité le priva de ses droits au trône et le dépouilla de tous ses biens. Un traitement si dur n’ayant pu abattre son courage,- Léovigilde le fit jeter dans une étroite prison et charger de fers au cou et aux mains. Le jeune roi commença alors à mépriser les royaumes de la terre, et à rechercher par les plus ardents désirs le royaume du ciel. Couvert d’un cilice, et gisant à terre accablé par ses liens, il adressait des prières au Dieu tout-puissant, pour qu’il le fortifiât ; et plus il reconnaissait par sa captivité même le néant des biens qui avaient pu lui être ravis, plus il regardait avec dédain la gloire de ce monde qui passe.

Cinquième leçon. La fête de Pâques étant survenue, son perfide père lui envoya durant le silence d’une nuit profonde un Évêque arien, afin qu’il reçût la communion eucharistique de cette main sacrilège, et qu’il rentrât par ce moyen en grâce auprès de son père. Mais Herménégilde, tout dévoué à Dieu, adressa à l’Évêque arien, quand il l’aborda, les reproches qu’il était de son devoir de lui faire, et repoussa avec une juste indignation ses propositions insidieuses ; car, s’il gisait corporellement sous le poids de ses chaînes, intérieurement il se tenait dans une sécurité profonde et conservait toute l’élévation de son âme. Mais quand l’Évêque revint auprès de Léovigilde, ce prince arien frémit de rage et envoya aussitôt ses appariteurs pour tuer dans sa prison le très courageux confesseur de la foi ; ces ordres s’exécutèrent. Dès que les satellites furent entrés, ils lui fendirent la tête d’un coup de hache, mais en lui ôtant ainsi la vie du corps, ils ne purent lui enlever que ce que l’héroïque victime avait constamment méprisé en sa personne. Les miracles ne manquèrent pas pour manifester la véritable gloire dont il jouissait ; dans le silence de la nuit on entendit tout à coup le chant des Psaumes qui retentissait près du corps de ce roi martyr, d’autant plus véritablement roi qu’il avait obtenu la couronne du martyre.

Sixième leçon. Quelques-uns rapportent aussi que des flambeaux allumés parurent la nuit autour de son corps, ce qui porta tous les fidèles à le révérer comme celui d’un Martyr, ainsi qu’ils le devaient. Le père, plein de perfidie et souillé du sang de son fils, se sentit enfin touché de repentir ; il déplora ce qu’il avait fait, mais ce regret n’alla pas jusqu’à lui obtenir le salut. Tout en reconnaissant la vérité de la foi catholique, il fut retenu par la crainte que lui inspirait son peuple, et n’eut pas le courage de se convertir. Une maladie l’ayant réduit à l’extrémité, il recommanda à l’Évêque Léandre, qu’il avait auparavant persécuté avec tant de rigueur, le roi Récarède. son fils, qu’il laissait plongé dans l’hérésie, afin que les exhortations du saint Prélat opérassent en lui l’heureux changement qu’elles avaient produit en son frère. Après avoir fait cette recommandation, Léovigilde mourut. Le roi Récarède, suivant alors, non les traces de son coupable père, mais l’exemple de son frère le Martyr, renonça aux erreurs de l’hérésie arienne, amena à la vraie foi toute la nation des Visigoths, et refusa de recevoir sous ses étendards, dans tout son royaume, ceux qui ne craindraient pas de se constituer les ennemis de Dieu en restant infectés d’hérésie. Il ne faut pas s’étonner que le frère d’un Martyr soit devenu le prédicateur de la vraie foi : les mérites du second aident le premier à ramener un grand nombre d’âmes au sein [de l’Église] du Dieu tout-puissant.

Le mystère de la Pâque nous apparaît aujourd’hui à travers les palmes d’un Martyr. Herménégilde , jeune prince visigoth, est immolé par l’ordre d’un père que l’hérésie aveugle ; et la cause de son trépas est la constance avec laquelle il a repoussé la communion pascale qu’un évoque arien voulait le contraindre à recevoir de ses mains. Le martyr savait que la divine Eucharistie est le signe auguste de l’unité catholique, et qu’il n’est pas permis de participer à la chair de notre Agneau pascal avec ceux qui ne sont pas dans la véritable Église. Une consécration sacrilège peut mettre les hérétiques en possession du divin Mystère, si le caractère sacerdotal existe en celui qui a osé franchir la barrière de l’autel du Dieu qu’il blasphème ; mais le catholique qui sait qu’il ne lui est pas même permis de prier avec les hérétiques, tremble à la vue du Mystère profané, et s’éloigne pour ne pas faire outrage au Rédempteur jusque dans le Mystère qu’il n’a établi que pour s’unir à ses fidèles.

Le sang du martyr fut fécond. L’Espagne asservie à l’erreur secoua ses chaînes ; un concile tenu à Tolède consomma la réconciliation que la sainte victime avait commencée. Ce fut un spectacle sublime et rare dans les siècles de voir une nation entière se lever pour abjurer l’hérésie ; mais cette nation a été bénie du ciel. Soumise bientôt à la terrible épreuve de l’invasion sarrasine, elle sut en triompher par ses armes, et sa foi toujours pure depuis lui a mérité le plus beau des titres pour un peuple, celui de Catholique.

Le Pape Urbain VIII a composé les deux Hymnes pour l’Office du saint Martyr.

Courageux témoin de la vérité du Symbole de la foi, Herménégilde, nous vous offrons aujourd’hui nos hommages et nos actions de grâces.

Votre mort courageuse a montré l’amour que vous aviez pour le Christ, et votre mépris des honneurs de la terre nous apprend à les mépriser. Né pour le trône, un cachot est devenu votre séjour ici-bas ; et c’est de là que vous êtes parti pour le ciel, le front ceint des palmes du martyre, couronne mille fois plus éclatante que celle qui vous était offerte pour prix d’une honteuse apostasie. Priez maintenant pour nous ; l’Église, en inscrivant votre nom sur le Cycle sacré, vous y convie en ces jours. La Pâque fut le jour de votre triomphe ; obtenez qu’elle soit pour nous une véritable Pâque, une complète résurrection qui nous conduise sur vos traces jusqu’à l’heureux séjour où vos yeux contemplent Jésus ressuscité. Rendez-nous fermes dans la foi, dociles à l’enseignement de la sainte Église, opposés à toute erreur et à toute nouveauté. Veillez sur l’Espagne votre patrie, qui doit à votre sang versé en témoignage de la vraie foi tant de siècles de pure orthodoxie ; préservez-la de toute défection, afin qu’elle ne cesse jamais de mériter le beau titre qui fait sa gloire.

 

 

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Saint Léon Ier le Grand pape confesseur et docteur

11 Avril 2018 , Rédigé par Ludovicus

Saint Léon Ier le Grand pape confesseur et docteur

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Nous vous supplions, Seigneur, d’exaucer les prières que nous vous adressons en la solennité du bienheureux Léon, votre Confesseur et Pontife, et de nous accorder, grâce aux mérites et à l’intercession de celui qui vous a si dignement servi, le pardon de tous nos péchés

Lecture Ec. 39, 6-14

Le juste appliquera son cœur à veiller dès le matin auprès du Seigneur qui l’a créé, et il priera en présence du Très-Haut. Il ouvrira sa bouche pour la prière, et il demandera pardon pour ses péchés. Car si le souverain Seigneur le veut, il le remplira de l’esprit d’intelligence, et alors il répandra comme la pluie les paroles de sa sagesse, et il glorifiera le Seigneur dans la prière. Il réglera ses conseils et sa doctrine, et il méditera les secrets de Dieu. Il publiera les instructions de sa doctrine, et il mettra sa gloire dans la loi de l’alliance du Seigneur. Beaucoup loueront sa sagesse, et il ne sera jamais oublié. Sa mémoire ne s’effacera point ;, et son nom sera honoré de génération en génération. Les nations publieront sa sagesse, et l’assemblée célébrera ses louanges.

Évangile Mt. 16, 13-19.

En ce temps-là, Jésus vint aux environs de Césarée de Philippe, et il interrogeait ses disciples, en disant : Que disent les hommes touchant le Fils de l’homme ? Ils lui répondirent : Les uns, qu’il est Jean-Baptiste ; les autres, Elie ; les autres, Jérémie, ou quelqu’un des prophètes. Jésus leur dit : Et vous, qui dites-vous que je suis. Simon-Pierre, prenant la parole, dit : Vous êtes le Christ, le Fils du Dieu vivant. Jésus lui répondit : Tu es bienheureux, Simon, fils de Jonas, parce que ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est dans les cieux. Et moi, je te dis que tu es Pierre, et que sur cette pierre je bâtirai mon église, et les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle. Et je te donnerai les clefs du royaume des cieux ; et tout ce que tu lieras sur la terre sera lié aussi dans les cieux, et tout ce que tu délieras sur la terre sera délié dans les cieux.

Office

Au deuxième nocturne.

Quatrième leçon. Léon naquit en Toscane. Il gouverna l’Église au temps où Attila, roi des Huns, surnommé le fléau de Dieu, envahissant l’Italie, prit la ville d’Aquilée après un siège de trois jours, la pilla et l’incendia. Entraîné de là vers Rome par une ardente fureur, le prince barbare se préparait déjà à faire traverser le Mincio à ses troupes, près de l’endroit où il se jette dans le Pô, lorsque Léon, ému de compassion en voyant les maux qui menaçaient l’Italie, vint à sa rencontre, et par une éloquence divine sut persuader Attila de revenir sur ses pas. Les barbares demandèrent à leur chef pourquoi, contre sa coutume, il avait montré tant de respect à ce Pontife romain, au point de faire tout ce qu’il lui avait commandé. Il répondit qu’il avait agi par crainte d’un autre personnage, revêtu d’habits sacerdotaux, qui se tenait debout près du Pape pendant qu’il lui parlait et qui, l’épée nue, menaçait de lui donner la mort s’il n’obéissait à Léon. C’est pourquoi Attila retourna en Pannonie.

Cinquième leçon. Léon fut reçu à Rome avec une joie singulière par toute la population. Peu après, Genséric ayant envahi la Ville, il lui persuada avec la même force d’éloquence, et grâce à l’estime qu’inspirait sa sainteté, d’empêcher l’incendie, les ignominies et les meurtres. Le saint Pape, voyant l’Église attaquée par beaucoup d’hérésies et troublée surtout par les Nestoriens et les Eutychiens, convoqua un concile à Chalcédoine. Six cent trente Évêques s’y trouvèrent réunis, on y condamna Eutychès, Dioscore, et, pour la seconde fois, Nestorius ; puis Léon confirma par son autorité les décrets de ce concile.

Sixième leçon. Le saint Pontife s’occupa ensuite de faire réparer et construire des églises ; ce fut par son conseil qu’une pieuse femme, nommée Démétria, bâtit dans sa propriété l’église de Saint-Etienne sur la voie Latine, à trois milles de Rome ; lui-même en éleva une sur la voie Appienne sous le nom de saint Corneille ; de plus il répara beaucoup d’autres édifices religieux et les pourvut de nouveau de vases sacrés. Il fit construire des voûtes dans les trois basiliques de Saint-Pierre, de Saint-Paul et Constantinienne ; il édifia un monastère près de la basilique de Saint-Pierre, et il établit au tombeau des Apôtres des gardiens qu’il appela Cubiculaires. Il statua qu’au Canon de la Messe, on ajouterait ces mots : Sanctum sacrificium, immaculatum hostiam : sacrifice saint, hostie immaculée. Il ordonna que les religieuses ne recevraient le voile bénit qu’après avoir fait preuve jusqu’à quarante ans de virginité. Illustre par ces actions et par d’autres encore, auteur de beaucoup d’écrits pleins de sainteté et d’éloquence, Léon s’endormit dans le Seigneur, le trois des ides d’avril. Il tint le siège pontifical vingt ans, dix mois et vingt-huit jours.

Au troisième nocturne.

Homélie de saint Léon, Pape.

Septième leçon. Ainsi que nous l’avons appris par la lecture de l’Évangile, le Seigneur avait interrogé ses disciples, leur demandant ce qu’ils pensaient de lui-même au milieu des opinions diverses des hommes, et le bienheureux Apôtre Pierre avait répondu : « Vous êtes le Christ, Fils du Dieu vivant ». Le Seigneur dit alors : « Tu es heureux, Simon, fils de Jean, car la chair ni le sang ne t’ont révélé ceci, mais mon Père, qui est dans les cieux. Aussi moi je te dis que tu es Pierre, et sur cette pierre, je bâtirai mon Église, et les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle. Et je te donnerai les clefs du royaume des cieux ; et tout ce que tu lieras sur la terre, sera lié aussi dans les cieux ; et tout ce que tu délieras sur la terre, sera aussi délié dans les cieux ». Ce que la Vérité a établi demeure donc ; et le bienheureux Pierre, gardant la solidité de pierre qu’il a reçue, ne cesse de tenir le gouvernail de l’Église, à lui confié.

Huitième leçon. Dans l’Église universelle, Pierre répète chaque jour : « Vous êtes le Christ, le fils du Dieu vivant, » et toute langue qui confesse le Seigneur est instruite par le magistère de cette voix. C’est cette foi qui triomphe du démon et brise les liens de ceux qu’il avait rendus captifs. C’est cette foi qui, après les avoir arrachés au monde, les introduit dans le ciel, et les portes de l’enfer ne peuvent prévaloir contre elle. Il lui a été donné par Dieu une telle fermeté que jamais la perversité de l’hérésie n’a pu la corrompre, ni la perfidie du paganisme la vaincre. C’est donc aussi, mes bien-aimés, dans ces sentiments que la fête d’aujourd’hui est célébrée par un culte raisonnable, en sorte qu’en mon humble personne l’on considère et l’on honore celui en qui se perpétue sa sollicitude de tous les pasteurs, et qui conserve toujours la garde des brebis, à lui confiées ; celui dont la dignité ne diminue ni ne décline, même en un indigne héritier.

Neuvième leçon. Quand donc nous faisons entendre nos exhortations à votre sainte assemblée croyez que celui-là même vous parle dont nous tenons la place. C’est, animé de son affection pour vous, que nous vous avertissons, et nous ne vous prêchons rien qu’il n’ait enseigné, vous conjurant de ceindre spirituellement vos reins et de mener une vie chaste et sobre dans la crainte de Dieu. Vous êtes, comme le dit l’Apôtre, « ma couronne et ma joie », si votre foi qui, dès le commencement de l’Évangile, a été célébrée dans le monde entier, persévère en toute sainteté et dilection. Toute l’Église, répandue dans l’univers entier, doit sans doute fleurir en toutes les vertus, mais il convient qu’entre tous les peuples vous vous distinguiez par le mérite d’une piété plus excellente, vous qui, établis au sommet de la religion chrétienne et sur la pierre même de l’apostolat, avez été, avec tous les hommes, rachetés par Jésus-Christ notre Seigneur, et de préférence à tous les hommes, instruits par le bienheureux Apôtre Pierre.

L’un des plus grands noms des fastes de l’Église apparaît aujourd’hui sur le Cycle. Léon, Pontife et Docteur, se lève à l’horizon pascal, et vient attirer notre admiration et notre amour. Son nom seul appelle déjà l’enthousiasme. Il est le Lion, selon la signification de son nom, le Lion de la sainte Église, reproduisant ainsi en sa personne l’un des plus nobles titres de notre divin Ressuscité. Déjà, dans la suite des siècles, treize pontifes ont porté ce même nom, et cinq d’entre eux sont inscrits au catalogue des Saints ; mais nul ne l’a rendu plus glorieux que l’illustre personnage que nous fêtons aujourd’hui : aussi est-il appelé Léon le Grand.

Il a mérité ce titre par ses nobles travaux pour éclairer la foi des peuples sur le sublime mystère de l’Incarnation du Fils de Dieu. La sainte Église avait triomphé des hérésies qui s’étaient attaquées au dogme de la Trinité ; les efforts de l’enfer se portèrent alors contre le dogme du Dieu fait homme. Un évêque de Constantinople, Nestorius, osa nier l’unité de personne en Jésus-Christ, et séparer en lui le Dieu de l’homme. Le concile d’Ephèse foudroya cette erreur qui anéantissait la Rédemption. Une nouvelle hérésie, opposée à la première, mais non moins destructive du christianisme, ne tarda pas à s’élever. Le moine Eutychès soutint que dans l’Incarnation la nature humaine avait été absorbée par la nature divine, et cette erreur s’étendait avec une effrayante rapidité. L’Église sentit le besoin d’un docteur qui résumât avec précision et autorité le dogme qui fait le fondement de nos espérances. Léon se leva alors, et du haut de la chaire apostolique où l’Esprit-Saint l’avait fait asseoir et proclama avec une éloquence et une clarté sans égales la formule de la foi antique, toujours la même, mais resplendissante d’un éclat nouveau. Un cri d’admiration partit du sein même du Concile œcuménique de Chalcédoine, rassemblé pour condamner le système impie d’Eutychès. « Pierre a parlé par la bouche de Léon ! » s’écrièrent les Pères ; et quatorze siècles n’ont pas effacé dans l’Église d’Orient, comme nous le verrons tout à l’heure, l’enthousiasme qu’excitèrent les enseignements préparés par Léon pour l’Église entière.

L’Occident, en proie à toutes les calamités de l’invasion des barbares, voyait s’écrouler les derniers débris de l’empire, et Attila, le Fléau de Dieu, était déjà aux portes de Rome. La barbarie recula devant la majesté de Léon, comme l’hérésie se dissipait devant l’autorité de sa parole. Le chef des Huns, qui avait fait céder les plus formidables remparts, conféra avec le Pontife sur les bords du Mincio, et il prit l’engagement de ne pas entrer dans Rome. Le calme et la dignité de Léon, qui affrontait sans défense le plus redoutable des vainqueurs de l’Empire, et exposait sa vie pour son troupeau, avaient ébranlé le barbare. En même temps son œil apercevait dans les airs l’apôtre Pierre, sous les traits d’un auguste personnage qui protégeait l’intercesseur de Rome. Dans le cœur d’Attila la terreur vint en aide à l’admiration. Moment sublime, où tout un monde nouveau se révèle ! Le Pontife désarmé affrontant les violences du barbare, le barbare ému à la vue d’un dévouement qu’il ne comprend pas encore, le ciel intervenant pour aider cette nature féroce à s’incliner devant la force morale. L’acte de dévouement accompli par Léon exprime dans un seul trait ce que plusieurs siècles virent s’opérer dans l’Europe entière ; mais l’auréole du Pontife n’en est que plus éclatante.

Afin qu’aucun genre de gloire ne manquât à Léon, l’Esprit-Saint l’avait doué d’une éloquence que l’on pourrait appeler papale, tant elle est empreinte de majesté et de plénitude. La langue latine expirante y retrouve des accents et un tour qui rappellent parfois l’âge de sa vigueur ; et le dogme chrétien, formulé dans un style pompeux et nourri de la plus pure sève apostolique, y resplendit d’un merveilleux éclat. Léon a célébré, dans ses mémorables discours, le Christ sortant du tombeau, et conviant ses fidèles à ressusciter avec lui. Il a caractérisé entre autres la période de l’Année liturgique que nous parcourons en ce moment, quand il a dit : « Les jours qui s’écoulèrent entre la résurrection du Seigneur et son Ascension, ne furent pas des jours oisifs ; car c’est alors que furent confirmés les Sacrements et révélés les grands mystères. »

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Annonciation de la Bienheureuse Vierge Marie

9 Avril 2018 , Rédigé par Ludovicus

Annonciation de la Bienheureuse Vierge Marie

Collecte

O Dieu, qui avez voulu que votre Verbe prît un corps humain à la parole de l’Ange dans le sein de la bienheureuse Vierge Marie ; accordez à ceux qui vous en supplient que, nous qui la croyons véritablement Mère de Dieu, nous soyons secourus auprès de vous grâce à son intercession.

Lecture Is. 7, 10-15

En ces jours-là : Le Seigneur parla à Achaz et lui dit : Demande pour toi un signe au Seigneur ton Dieu, soit au fond de la terre, soit au plus haut du ciel. Et Achaz lui répondit : Je ne demanderai rien, et je ne tenterai pas le Seigneur. Et Isaïe dit : Écoutez donc, maison de David. Ne vous suffit-il pas de lasser la patience des hommes, que vous lassiez encore celle de mon Dieu ? C’est pourquoi le Seigneur lui-même vous donnera un signe : Une vierge concevra,et elle enfantera un fils, auquel on donnera le nom d’Emmanuel. Il mangera du beurre et du miel, en sorte qu’il sache rejeter le mal et choisir le bien

Évangile Lc. 1, 26-38

En ce temps-là, l’Ange Gabriel fut envoyé de Dieu dans une ville de Galilée, appelée Nazareth, auprès d’une vierge fiancée à un homme de la maison de David, nommé Joseph ; et le nom de la vierge était Marie. L’ange, étant entré auprès d’elle, lui dit : Je vous salue, pleine de grâce ; le Seigneur est avec vous, vous êtes bénie entre les femmes. Elle, l’ayant entendu, fut troublée de ses paroles, et elle se demandait quelle pouvait être cette salutation. Et l’ange lui dit : Ne craignez point, Marie, car vous avez trouvé grâce devant Dieu. Voici que vous concevrez dans votre sein, et vous enfanterez un fils, et vous lui donnerez le nom de Jésus. Il sera grand, et sera appelé le Fils du Très-Haut ; et le Seigneur Dieu 1ui donnera le trône de David son père, et il régnera éternellement sur la maison de Jacob ; et son règne n’aura pas de fin. Alors Marie dit à l’ange : Comment cela se fera-t-il ? Car je ne connais point d’homme. L’ange lui répondit : L’Esprit-Saint surviendra en vous, et la vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre ; c’est pourquoi le fruit saint qui naîtra de vous sera appelé le Fils de Dieu. Et voici qu’Élisabeth, votre parente, a conçu, elle aussi, un fils dans sa vieillesse, et ce mois est le sixième de celle qui est appelée stérile ; car il n’y a rien d’impossible à Dieu. Et Marie dit : Voici la servante du Seigneur ; qu’il me soit fait selon votre parole.

Secrète

Affermissez en nos âmes, Seigneur, la foi à la vérité de vos mystères, afin que nous qui reconnaissons qu’un Homme-Dieu véritable a été conçu d’une Vierge, nous méritions, par la vertu de sa résurrection.

Postcommunion

Répandez, s’il vous plaît, Seigneur, votre grâce dans nos âmes, afin que nous, qui avons connu l’incarnation du Christ, votre Fils, qui s’est accomplie à la suite d’un message angélique, nous arrivions, par sa passion et sa croix, à la gloire de la résurrection.

Office

Sermon de saint Léon, Pape.

Quatrième leçon. Dès que la méchanceté du démon nous eut empoisonnés du venin mortel de son envie, le Dieu tout-puissant et clément, dont la nature est bonté, la volonté, puissance, et l’action, miséricorde, indiqua d’avance le remède que sa pitié destinait à guérir les humains ; et cela, dans les premiers temps du monde, quand il déclara au serpent que de la femme naîtrait quelqu’un d’assez fort pour écraser sa tète pleine d’orgueil et de malice : il annonçait par laque le Christ viendrait en notre chair, à la fois Dieu et homme, et que, né d’une vierge, sa naissance condamnerait celui par qui la race humaine avait été souillée.
Cinquième leçon. Après avoir trompé l’homme par sa fourberie, le démon se réjouissait de le voir privé des dons célestes, dépouillé du privilège de l’immortalité, et soumis à un terrible arrêt de mort ; il se réjouissait d’avoir trouvé quelque consolation dans ses maux par la compagnie du prévaricateur, et d’avoir été cause que Dieu, ayant créé l’homme dans un état si honorable, avait changé ses dispositions à son égard, pour obéir aux exigences d’une juste sévérité. Il a donc fallu, bien-aimés frères, la merveilleuse économie d’un profond dessein, pour qu’un Dieu immuable et dont la volonté ne peut cesser d’être bonne, accomplît, au moyen d’un mystère plus caché, les premières vues de son amour, et pour que l’homme, entraîné au mal par l’astuce et la méchanceté du démon, rie vînt pas à périr, contrairement au but que Dieu s’était proposé.
Sixième leçon. Lors donc, bien-aimés frères, qu’arrivent les temps, marqués d’avance pour la rédemption des hommes, notre Seigneur Jésus-Christ descend du ciel et vient ici-bas, sans quitter la gloire de son Père : c’est un prodige nouveau que sa génération, un prodige nouveau que sa nativité. Prodige nouveau : lui qui est invisible de sa nature, il s’est rendu visible dans la nôtre ; lui qui est immense et insaisissable, il a voulu être saisi et limité ; lui qui subsiste ayant les siècles, il a commencé d’être au cours des siècles ; lui, souverain maître de l’univers, il a voilé l’éclat de sa majesté et revêtu la forme d’un esclave ; lui, Dieu impassible et immortel, il n’a point dédaigné de se faire homme passible, de s’assujettir aux lois de la mortalité !
 

Au troisième nocturne.

Homélie de saint Ambroise, Évêque.

Septième leçon. A la vérité, les secrets et les mystères de Dieu sont cachés, et, selon la parole d’un Prophète, il n’est pas facile aux hommes de pénétrer ses desseins ; cependant, par les autres actions et instructions du Sauveur, nous pouvons comprendre que ce n’est pas sans un dessein particulier que celle-là a été choisie pour enfanter le Seigneur, qui était l’épouse d’un homme. Mais pourquoi n’a-t-elle pas été mère avant d’être épousée ? De crainte, peut-être, qu’on ne l’accusât d’adultère.

Huitième leçon. Or l’Ange vint vers elle. Reconnaissez la Vierge à ses actes, reconnaissez la Vierge à sa modestie ; apprenez à la connaître par l’oracle qui lui est annoncé, par le mystère qui s’opère en elle. C’est le propre des vierges de trembler, de s’effrayer à l’approche d’un homme, et de craindre tous ses discours. Que les femmes apprennent à imiter cet exemple de modestie. Marie vit seule dans sa maison, se dérobant aux regards des hommes ; un Ange seul trouve accès auprès d’elle. Elle est seule, sans compagnie ; seule, sans témoin, de crainte d’être corrompue par un entretien profane, et l’Ange la salue.

Neuvième leçon. Ce n’était pas la bouche d’un homme, mais celle d’un Ange, qui devait exposer le mystère d’un tel message. Aujourd’hui pour la première fois l’on entend : « L’Esprit Saint surviendra en vous ». On entend et on croit. « Voici, dit Marie, la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon votre parole ». Voyez son humilité, voyez son dévouement. Elle se dit la servante du Seigneur, elle qui est choisie pour sa mère ; et elle ne s’enorgueillit pas de cette promesse inattendue.

 

Cette journée est grande dans les annales de l’humanité ; elle est grande aux yeux même de Dieu : car elle est l’anniversaire du plus solennel événement qui se soit accompli dans le temps. Aujourd’hui, le Verbe divin, par lequel le Père a créé le monde, s’est fait chair au sein d’une Vierge, et il a habité parmi nous. Suspendons en ce jour nos saintes tristesses ; et en adorant les grandeurs du Fils de Dieu qui s’abaisse, rendons grâces au Père qui a aimé le monde jusqu’à lui donner son Fils unique, et au Saint-Esprit dont la vertu toute-puissante opère un si profond mystère Au sein même de l’austère Quarantaine, voici que nous préludons aux joies ineffables de la fête de Noël ; encore neuf mois, et notre Emmanuel conçu en ce jour naîtra dans Bethléhem, et les concerts des Anges nous convieront à venir saluer sa naissance fortunée.

Dans la semaine de la Septuagésime, nous avons contemplé avec terreur la chute de nos premiers parents ; nous avons entendu la voix de Dieu dénonçant la triple sentence, contre le serpent, contre la femme, et enfin contre l’homme. Nos cœurs ont été glacés d’effroi au bruit de cette malédiction dont les effets sont arrives sur nous, et doivent se taire sentir jusqu’au dernier jour du monde. Cependant, une espérance s’est fait jour dans notre âme ; du milieu des anathèmes, une promesse divine a brillé tout à coup comme une lueur de salut. Notre oreille a entendu le Seigneur irrite dire au serpent infernal qu’un jour sa tête altière serait brisée, et que le pied d’une femme lui porterait ce coup terrible.

Le moment est venu où le Seigneur va remplir l’antique promesse. Durant quatre mille ans, le monde en attendit l’effet ; malgré ses ténèbres et ses crimes, cette espérance ne s’éteignit pas dans son sein. Dans le cours des siècles, la divine miséricorde a multiplié les miracles, les prophéties, les figures, pour rappeler l’engagement qu’elle daigna prendre avec l’homme. Le sang du Messie a passé d’Adam à Noé ; de Sem à Abraham, Isaac et Jacob ; de David et Salomon à Joachim ; il coule maintenant dans les veines de Marie, tille de Joachim. Marie est cette femme par qui doit être levée la malédiction qui pèse sur notre race. Le Seigneur, en la décrétant immaculée, a constitué une irréconciliable inimitié entre elle et le serpent ; et c’est aujourd’hui que cette tille d’Ève va réparer la chute de sa mère, relever son sexe de l’abaissement dans lequel il était plongé, et coopérer directement et efficacement à la victoire que le Fils de Dieu vient remporter en personne sur l’ennemi de sa gloire et du genre humain.

La tradition apostolique a signalé à la sainte Église le vingt-cinq mars, comme le jour qui vit s’accomplir l’auguste mystère. Ce fut à l’heure de minuit que la très pure Marie, seule, et dans le recueillement de la prière, vit apparaître devant elle le radieux Archange descendu du ciel pour venir recevoir son consentement, au nom de la glorieuse Trinité. Assistons à l’entrevue de l’Ange et de la Vierge, et reportons en même temps notre pensée aux premiers jours du monde. Un saint Évêque martyr du IIe siècle, fidèle écho de l’enseignement des Apôtres, saint Irénée, nous a appris à rapprocher cette grande scène de celle qui eut lieu sous les ombrages d’Éden.

Dans le jardin des délices, c’est une vierge qui se trouve en présence d’un ange, et un colloque s’établit entre l’ange et la vierge. A Nazareth, une vierge est aussi interpellée par un ange, et un dialogue s’établit entre eux ; mais l’ange du Paradis terrestre est un esprit de ténèbres, et celui de Nazareth est un esprit de lumière Dans les deux rencontres, c’est l’ange qui prend le premier la parole. « Pourquoi, dit l’esprit maudit à la première femme, pourquoi Dieu vous a-t-il commandé de ne pas manger du fruit de tous les arbres de ce jardin ? » On sent déjà dans cette demande impatiente la provocation au mal, le mépris, la haine envers la faible créature dans laquelle Satan poursuit l’image de Dieu.

Voyez au contraire l’ange de lumière avec quelle douceur, quelle paix, il approche de la nouvelle Ève ! Avec quel respect il s’incline devant cette fille des hommes ! « Salut, ô pleine de grâce ! Le Seigneur est avec vous ; vous êtes bénie entre les femmes » Qui ne reconnaît l’accent céleste dans ces paroles où tout respire la dignité et la paix ! Mais continuons de suivre le mystérieux parallèle.

La femme d’Éden, dans son imprudence, écoute la voix du séducteur ; elle s’empresse de répondre. Sa curiosité l’engage dans une conversation avec celui qui l’invite à scruter les décrets de Dieu. Elle n’a pas de défiance à l’égard du serpent qui lui parle, tout à l’heure, elle se défiera de Dieu même.

Marie a entendu les paroles de Gabriel ; mais cette Vierge très prudente, comme parle l’Église, demeure dans le silence. Elle se demande d’où peuvent venir ces éloges dont elle est l’objet. La plus pure, la plus humble des vierges craint la flatterie ; et l’envoyé céleste n’obtiendra pas d’elle une parole qu’il n’ait éclairci sa mission par la suite de son discours. « Ne craignez pas, ô Marie, dit-il à la nouvelle Ève : car vous avez trouvé grâce devant le Seigneur. Voici que vous concevrez et enfanterez un fils, et vous l’appellerez Jésus. Il sera grand, et il sera appelé le Fils du Très-Haut ; et le Seigneur lui donnera le trône de David son père ; il régnera sur la maison de Jacob à jamais, et son règne n’aura pas de fin. »

Quelles magnifiques promesses descendues du ciel, de la part de Dieu ! Quel objet plus digne de la noble ambition d’une fille de Juda, qui sait de quelle gloire doit être entourée l’heureuse mère du Messie ? Cependant, Marie n’est pas tentée par tant d’honneur. Elle a pour jamais consacré sa virginité au Seigneur, afin de lui être plus étroitement unie par l’amour ; la destinée la plus glorieuse qu’elle ne pourrait obtenir qu’en violant ce pacte sacré, ne saurait émouvoir son âme. « Comment cela pourrait-il se faire, répond-elle à l’Ange, puisque je ne connais pas d’homme ? »

La première Ève ne montre pas ce calme, ce désintéressement. A peine l’ange pervers lui a-t-il assuré qu’elle peut violer, sans crainte de mourir, le commandement de son divin bienfaiteur, que le prix de sa désobéissance sera d’entrer par la science en participation de la divinité même : tout aussitôt, elle est subjuguée. L’amour d’elle-même lui a fait oublier en un instant le devoir et la reconnaissance ; elle est heureuse de se voir affranchie au plus tôt de ce double lien qui lui pèse.

Telle se montre cette femme qui nous a perdus ; mais combien différente nous apparaît cette autre femme qui devait nous sauver ! La première, cruelle à sa postérité, se préoccupe uniquement d’elle-même ; la seconde s’oublie, pour ne songer qu’aux droits de Dieu sur elle. L’Ange, ravi de cette sublime fidélité, achève de lui dévoiler le plan divin « L’Esprit-Saint, lui dit-il, surviendra en vous ; la Vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre ; et c’est pour cela que ce qui naîtra de vous sera appelé le Fils de Dieu. Élisabeth votre cousine a conçu un fils, malgré sa vieillesse ; celle qui fut stérile est arrivée déjà à son sixième mois : car rien n’est impossible à Dieu. » L’Ange arrête ici son discours, et il attend dans le silence la résolution de la vierge de Nazareth.

Reportons nos regards sur la vierge d’Éden. A peine l’esprit infernal a-t-il cessé de parler, qu’elle jette un œil de convoitise sur le fruit défendu ; elle aspire à l’indépendance dont ce fruit si délectable va la mettre en possession. Sa main désobéissante s’avance pour le cueillir ; elle le saisit, elle le porte avidement à sa bouche, et au même instant la mort prend possession d’elle : mort de l’âme par le péché qui éteint la lumière de vie ; mort du corps qui séparé du principe d’immortalité, devient désormais un objet de honte et de confusion, en attendant qu’il tombe en poussière.

Mais détournons nos yeux de ce triste spectacle, et revenons a Nazareth. Marie a recueilli les dernières paroles de l’Ange ; la volonté du ciel est manifeste pour elle. Cette volonté lui est glorieuse et fortunée : elle l’assure que l’ineffable bonheur de se sentir Mère d’un Dieu lui est réservé, à elle humble fille de l’homme, et que la fleur de virginité lui sera conservée. En présence de cette volonté souveraine, Marie s’incline dans une parfaite obéissance, et dit au céleste envoyé : « Voici la servante du Seigneur ; qu’il me soit fait selon votre parole ».

Ainsi, selon la remarque de notre grand saint Irénée, répétée par toute la tradition chrétienne, l’obéissance de la seconde femme répare la désobéissance de la première ; car la Vierge de Nazareth n’a pas plus tôt dit : Qu’il me soit fait, Fiat, que le Fils éternel de Dieu qui, selon le décret divin, attendait cette parole, se rend présent, par l’opération de l’Esprit-Saint, dans le chaste sein de Marie, et vient y commencer une vie humaine. Une Vierge devient Mère, et la Mère d’un Dieu ; et c’est l’acquiescement de cette Vierge à la souveraine volonté qui la rend féconde, par l’ineffable vertu de l’Esprit-Saint. Mystère sublime qui établit des relations de fils et de mère entre le Verbe éternel et une simple femme ; qui fournit au Tout-Puissant un moyen digne de lui d’assurer son triomphe contre L’esprit infernal, dont l’audace et la perfidie semblaient avoir prévalu jusqu’alors contre le plan divin !

Jamais défaite ne fut plus humiliante et plus complète que celle de Satan, en ce jour Le pied de la femme, de cette humble créature qui lui offrit une victoire si facile, ce pied vainqueur, il le sent maintenant peser de tout son poids sur sa tête orgueilleuse qui en est brisée. Ève se relève dans son heureuse fille pour écraser le serpent. Dieu n’a pas choisi l’homme pour cette vengeance : l’humiliation de Satan n’eût pas été assez profonde. C’est la première proie de l’enfer, sa victime la plus faible, la plus désarmée, que le Seigneur dirige contre cet ennemi. Pour prix d’un si haut triomphe, une femme dominera désormais non seulement sur les anges rebelles, mais sur toute la race humaine ; bien plus, sur toutes les hiérarchies des Esprits célestes. Du haut de son trône sublime, Marie Mère de Dieu plane au-dessus de toute la création. Au fond des abîmes infernaux Satan rugira d’un désespoir éternel, en songeant au malheur qu’il eut de diriger ses premières attaques contre un être fragile et crédule que Dieu a si magnifiquement vengé ; et dans les hauteurs du ciel, les Chérubins et les Séraphins lèveront timidement leurs regards éblouis vers Marie, ambitionneront son sourire, et se feront gloire d’exécuter les moindres désirs de cette femme, la Mère du grand Dieu et la sœur des hommes.

C’est pourquoi nous, enfants de la race humaine, arrachés à la dent du serpent infernal par l’obéissance de Marie, nous saluons aujourd’hui l’aurore de notre délivrance. Empruntant les paroles du cantique de Debbora, où cette femme, type de Marie victorieuse, chante son triomphe sur les ennemis du peuple saint, nous disons : « La race des forts avait disparu d’Israël, jusqu’au jour où s’éleva Debbora, où parut celle qui est la mère dans Israël. Le Seigneur a inauguré un nouveau genre de combat ; il a forcé les portes de son ennemi. » Prêtons l’oreille, et entendons encore, à travers les siècles, cette autre femme victorieuse, Judith. Elle chante à son tour : « Célébrez le Seigneur notre Dieu, qui n’abandonne pas ceux qui espèrent en lui. C’est en moi, sa servante, qu’il a accompli la miséricorde promise à la maison d’Israël ; c’est par ma main qu’il a immolé, cette nuit même, l’ennemi de son peuple. Le Seigneur tout-puissant a frappé cet ennemi ; il l’a livré aux mains d’une femme, et il l’a percé de son glaive. »

 

 

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Dimanche in Albis

8 Avril 2018 , Rédigé par Ludovicus

Dimanche in Albis

Introït

Comme des enfants nouveau-nés, alléluia ; désirez ardemment le lait spirituel, alléluia, alléluia, alléluia. Tressaillez d’allégresse en Dieu notre protecteur ; chantez avec transport en l’honneur du Dieu de Jacob.

Collecte

Nous vous supplions, ô Dieu tout-puissant, de faire qu’après avoir achevé la célébration des fêtes pascales, nous retenions, au moyen de votre grâce, l’esprit de ces fêtes dans nos habitudes et dans notre vie.

Épitre 1. Jn. 5, 4-10.

Mes bien-aimés, tout ce qui est né de Dieu est vainqueur du monde ; et ce qui remporte la victoire sur le monde, c’est notre foi. Quel est celui qui est vainqueur du monde, sinon celui qui croit que Jésus est le Fils de Dieu ? C’est lui qui est venu par l’eau et par le sang, Jésus-Christ ; non par l’eau seulement, mais par l’eau et par le sang. Et c’est l’Esprit qui rend témoignage que le Christ est la vérité. Car il y en a trois qui rendent témoignage dans le ciel : le Père, le Verbe et le Saint-Esprit ; et ces trois sont un. Et il y en a trois qui rendent témoignage sur la terre : l’esprit, l’eau, et le sang ; et ces trois sont un. Si nous recevons le témoignage des hommes, le témoignage de Dieu est plus grand ; or, ce témoignage de Dieu qui est plus grand, est celui qu’il a rendu au sujet de son Fils. Celui qui croit au Fils de Dieu a le témoignage de Dieu en lui-même.

Évangile Jn. 20, 19-31.

En ce temps-là, le soir de ce même jour, qui était le premier de la semaine, comme les portes du lieu où les disciples étaient assemblés étaient fermées, par crainte des Juifs, Jésus vint, et se tint au milieu d’eux, et leur dit : La paix soit avec vous ! Et après avoir dit cela, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples se réjouirent donc, en voyant le Seigneur. Et il leur dit de nouveau : La paix soit avec vous ! Comme mon Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie. Ayant dit ces mots, il souffla sur eux, et leur dit : Recevez l’Esprit-Saint. Les péchés seront remis à ceux auxquels vous les remettrez, et ils seront retenus à ceux auxquels vous les retiendrez. Or Thomas, l’un des douze, appelé Didyme, n’était pas avec eux lorsque Jésus vint. Les autres disciples lui dirent donc : Nous avons vu le Seigneur. Mais il leur dit : Si je ne vois dans ses mains le trou des clous, et si je ne mets mon doigt à la place des clous, et si je ne mets ma main dans son côté, je ne croirai point. Huit jours après, les disciples étaient enfermés de nouveau, et Thomas avec eux. Jésus vint, les portes étant fermées ; et il se tint au milieu d’eux, et dit : La paix soit avec vous ! Ensuite il dit à Thomas : Introduis ton doigt ici, et vois mes mains ; approche aussi ta main, et mets-la dans mon côté ; et ne sois pas incrédule, mais fidèle. Thomas répondit, et lui dit : Mon Seigneur et mon Dieu ! Jésus lui dit : Parce que tu m’as vu, Thomas, tu as cru ; heureux ceux qui n’ont pas vu, et qui ont cru ! Jésus fit encore, en présence de ses disciples, beaucoup d’autres miracles, qui ne sont point écrits dans ce livre. Ceux-ci ont été écrits, afin que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et que, le croyant, vous ayez la vie en son nom.

Secrète

Agréez, nous vous en supplions, Seigneur, les dons de votre Église qui est dans l’exaltation, et, à celle à qui vous avez donné le motif d’une si vive allégresse, accordez le fruit de l’éternelle félicité.

Postcommunion

Faites, nous vous en prions, ô Seigneur notre Dieu, que ces mystères sacro-saints que vous avez donnés pour nous fortifier dans la grâce de notre régénération, nous soient un remède dans le présent et l’avenir.

Office

4e leçon

Sermon de saint Augustin, Évêque.

La solennité pascale se termine par la fête de ce jour ; c’est pourquoi les néophytes changent aujourd’hui de vêtements, de telle sorte cependant que leur cœur garde toujours la blancheur de la robe qu’ils quittent. Puisque c’est le temps pascal, c’est-à-dire un temps d’indulgence et de pardon, notre premier devoir est, en cette sainte journée, comme il l’a été pendant toutes les autres de la même solennité, de ne pas permettre que la relâche accordée au corps ternisse la pureté de l’âme. Abstenons-nous de toute mollesse, de toute intempérance, de toute licence. Veillons à nous délasser avec modération, et à garder une sainte pureté, afin d’obtenir par cette pureté d’âme ce que nous n’acquérons pas en ce moment par l’abstinence corporelle.

5e leçon

Nos paroles s’adressent, il est vrai, à tous ceux qu’embrasse notre sollicitude ; mais aujourd’hui toutefois, en terminant la célébration des mystères de Pâques, c’est à vous surtout que nous nous adressons, jeunes rejetons de sainteté, régénérés dans l’eau et dans le Saint-Esprit, germe pieux, essaim nouveau, fleur de notre honneur et fruit de nos peines, ma joie et ma couronne, vous tous qui êtes affermis dans le Seigneur. Je vous adresse ces paroles de l’Apôtre : La nuit est déjà fort avancée et le jour approche, rejetez les œuvres des ténèbres, et revêtez-vous des armes de la lumière. Comme durant le jour, marchons honnêtement, non dans les excès de table et les ivrogneries, non dans les dissolutions et les impudicités ; non dans l’esprit de contention et l’envie ; mais revêtez-vous du Seigneur Jésus-Christ.

6e leçon

« Nous avons, dit saint Pierre, la parole très certaine des Prophètes, à laquelle vous faites bien d’être attentifs, comme à une lampe qui luit dans un lieu obscur, jusqu’à ce que le jour brille, et que l’étoile du matin se lève dans vos cœurs ». « Ceignez vos reins ; et ayez en vos mains des lampes allumées, soyez semblables à des hommes qui attendent que leur maître revienne des noces ». Ils approchent, ces jours desquels le Seigneur parle en ces termes : « Un peu de temps, et vous ne me verrez plus ; et encore un peu de temps, et vous me verrez ». C’est de cette heure qu’il a dit : « Vous serez tristes, mais le monde se réjouira » ; parole qui se rapporte à cette vie pleine de tentations, durant laquelle « nous voyageons loin du Seigneur ». « Mais je vous reverrai, ajoute-t-il, et votre cœur se réjouira, et personne ne vous ravira votre joie »

7e leçon

Homélie de saint Grégoire, Pape

Lorsque nous entendons cette lecture de l’Évangile, une première question frappe notre esprit : comment le corps du Seigneur, après sa résurrection, était-il un véritable corps, ayant pu entrer dans le lieu où se trouvaient les disciples, quoique les portes fussent fermées ? Mais nous devons savoir que l’opération divine serait moins admirable si elle était comprise par la raison, et que la foi n’a pas de mérite, si c’est la raison humaine qui lui fournit la preuve de ce qu’elle croit. Il faut comparer ces œuvres de notre Rédempteur, qui d’elles-mêmes sont absolument incompréhensibles, à ce qu’il opéra en d’autres circonstances, afin d’augmenter notre foi en ces choses admirables, par le souvenir de faits plus merveilleux encore. Ainsi, ce corps du Seigneur, qui entra dans le lieu où les disciples se trouvaient rassemblés en laissant les portes closes, c’est le même corps qui, dans sa nativité, vint au monde sans ouvrir le sein de la Vierge, sa mère. Quoi donc d’étonnant, si, après être ressuscité pour vivre éternellement, il entra les portes closes, lui qui, venant pour mourir, était sorti du sein fermé de la Vierge ?

8e leçon

Mais la foi de ceux qui contemplaient ce corps rendu visible à leurs yeux, restant indécise, Jésus leur montra aussitôt les plaies de ses mains et de son côté ; il leur accorda de palper cette chair avec laquelle il était entré, portes closes. En cela le Seigneur a fait voir deux choses merveilleuses, qui, selon la raison humaine, paraissent contraires l’une à l’autre : son corps ressuscité, il nous l’a montré incorruptible et néanmoins palpable. Car ce qu’on peut toucher est sujet à se corrompre, et ce qui ne se peut corrompre ne se peut toucher. Mais chose admirable et incompréhensible, notre Rédempteur a fait voir à ses disciples après sa résurrection, son corps à la fois incorruptible et palpable. En le montrant incorruptible, il voulait nous inviter à la récompense, et en accordant de le toucher, il voulait affermir notre foi. Le Sauveur s’est donc montré et incorruptible et palpable, afin de prouver qu’après sa résurrection son corps était de la même nature qu’auparavant, mais bien autrement glorieux.

9e leçon

Jésus dit à ses disciples : « Paix à vous ! Comme mon Père m’a envoyé, ainsi moi je vous envoie. » C’est-à-dire, comme Dieu mon Père m’a envoyé, moi qui suis Dieu ; de même, moi qui suis homme, je vous envoie, vous qui êtes hommes. Le Père a envoyé son Fils, dont il a résolu l’incarnation pour la rédemption du genre humain. Il a voulu qu’il vînt au monde pour souffrir, et cependant il aimait ce Fils qu’il envoyait à la passion. Or le Seigneur, après avoir choisi ses Apôtres, les envoie dans le monde, non pour goûter les joies du monde, mais il les envoie, comme il a été envoyé lui-même, pour souffrir. Le Fils est aimé par le Père, et cependant envoyé pour souffrir ; de même les disciples sont chéris du Seigneur, qui les envoie dans le monde pour y trouver la souffrance. C’est donc avec raison que Jésus leur dit : « Comme mon Père m’a envoyé, ainsi moi je vous envoie. » Ce qui signifie : L’amour dont je vous aime, quand je vous envoie parmi les pièges des persécuteurs, c’est cet amour dont mon Père m’a aimé, lui qui a voulu que je vienne pour endurer la passion.

Jésus dit à Thomas : « Tu as cru, parce que tu as vu ; heureux ceux qui n’ont pas vu et qui néanmoins ont cru ! » Paroles remplies d’une divine autorité, conseil salutaire donné non seulement à Thomas, mais à tous les hommes qui veulent entrer en rapport avec Dieu et sauver leurs âmes ! Que voulait donc Jésus de son disciple ? Ne venait-il pas de l’entendre confesser la foi dont il était désormais pénétré ? Thomas, d’ailleurs, était-il si coupable d’avoir désiré l’expérience personnelle, avant de donner son adhésion au plus étonnant des prodiges ? Était-il tenu de s’en rapportera Pierre et aux autres, au point d’avoir à craindre de manquer à son Maître, en ne déférant pas à leur témoignage ? Ne faisait-il pas preuve de prudence en suspendant sa conviction, jusqu’à ce que d’autres arguments lui eussent révélé à lui-même que le fait était tel que ses frères le lui racontaient ? Oui, Thomas était un homme sage, un homme prudent, qui ne se confiait pas outre mesure ; il était digne de servir de modèle à beaucoup de chrétiens qui jugent et raisonnent comme lui dans les choses de la foi. Cependant, combien est accablant, dans sa douceur si pénétrante, le reproche de Jésus ! Il a daigné se prêter, avec une condescendance inexplicable, à l’insolente vérification que Thomas avait osé demander ; maintenant que le disciple tremble devant le divin ressuscite, et qu’il s’écrie dans l’émotion la plus sincère : « Oh ! vous êtes bien mon Seigneur et mon Dieu ! » Jésus ne lui fait pas grâce de la leçon qu’il avait méritée. Il faut un châtiment à cette hardiesse, à cette incrédulité ; et ce châtiment consisterai s’entendre dire : « Tu as cru, Thomas, parce que tu as vu. »

Mais Thomas était-il donc obligé de croire avant d’avoir vu ?— Et qui peut en douter ? Non seulement Thomas, mais tous les Apôtres étaient tenus de croire à la résurrection de leur maître, avant même qu’il se fût montré à eux. N’avaient-ils pas vécu trois années dans sa compagnie ? Ne l’avaient-ils pas vu confirmer par les plus divins prodiges sa qualité de Messie et de Fils de Dieu ? Ne leur avait-il pas annoncé sa résurrection pour le troisième jour après sa mort ? Et quant aux humiliations et aux douleurs de sa Passion, ne leur avait-il pas dit, peu de temps auparavant, sur la route de Jérusalem, qu’il allait être saisi par les Juifs qui le livreraient aux gentils ; qu’il serait flagellé, couvert de crachats et mis à mort ? Des cœurs droits et disposés à la foi n’auraient eu aucune peine à se rendre, dès le premier bruit de la disparition du corps. Jean ne fit qu’entrer dans le sépulcre, que voir les linceuls, et aussitôt il comprit tout et commença à croire. Mais l’homme est rarement aussi sincère ; il s’arrête sur le chemin, comme s’il voulait obliger Dieu à faire de nouvelles avances. Ces avances, Jésus daigna les faire. Il se montra à Madeleine et à ses compagnes qui n’étaient pas incrédules, mais seulement distraites par l’exaltation d’un amour trop naturel. Au jugement des Apôtres, leur témoignage n’était que le langage de quelques femmes que l’imagination avait égarées. Il fallut que Jésus vînt en personne se montrer à ces hommes rebelles, à qui leur orgueil faisait perdre la mémoire de tout un passé qui eût suffi à lui seul pour les éclairer sur le présent. Nous disons leur orgueil ; car la foi n’a pas d’autre obstacle que ce vice. Si l’homme était humble, il s’élèverait jusqu’à la foi qui transporte les montagnes.

Or Thomas a entendu Madeleine, et il a dédaigné son témoignage ; il a entendu Pierre, et il a décliné son autorité ; il a entendu ses autres frères et les disciples d’Emmaüs, et rien de tout cela ne l’a dépris de sa raison personnelle. La parole d’autrui qui, lorsqu’elle est grave et désintéressée, produit la certitude dans un esprit sensé, n’a plus cette efficacité chez beaucoup de gens, dès qu’elle a pour objet d’attester le surnaturel. C’est là une profonde plaie de notre nature lésée par le péché. Trop souvent nous voudrions, comme Thomas, avoir expérimenté nous-mêmes ; et il n’en faut pas davantage pour nous priver de la plénitude de la lumière. Nous nous consolons comme Thomas parce que nous sommes toujours du nombre des disciples ; car cet Apôtre n’avait pas rompu avec ses frères ; seulement il n’entrait pas en part de leur bonheur. Ce bonheur, dont il était témoin, ne réveillait en lui que l’idée de faiblesse ; et il se savait un certain gré de ne le pas partager.

Tel est de nos jours encore le chrétien entaché de rationalisme. Il croit, mais c’est parce que sa raison lui fait comme une nécessité de croire ; c’est de l’esprit et non du cœur qu’il croit. Sa foi est une conclusion scientifique, et non une aspiration vers Dieu et la vérité surnaturelle. Aussi cette foi, comme elle est froide et impuissante ! Comme elle est restreinte et embarrassée ! Comme elle craint de s’avancer, en croyant trop ! A la voir se contenter si aisément de vérités diminuées, pesées dans la balance de la raison, au lieu de voler à pleines ailes comme la foi des saints, on dirait qu’elle est honteuse d’elle-même. Elle parle bas, elle craint de se compromettre ; quand elle se montre, c’est sous le couvert d’idées humaines qui lui servent de passeport. Ce n’est pas elle qui s’exposera à un affront pour des miracles qu’elle juge inutiles, et qu’elle n’eût jamais conseillé à Dieu d’opérer. Dans le passé comme dans le présent, le merveilleux l’effraie ; n’a-t-elle pas eu déjà assez d’effort à faire pour admettre celui dont l’acceptation lui est strictement nécessaire ? La vie des saints, leurs vertus héroïques, leurs sacrifices sublimes, tout cela l’inquiète. L’action du christianisme dans la société, dans la législation, lui semble léser les droits de ceux qui ne croient pas ; elle entend réserver la liberté de l’erreur et la liberté du mal ; et elle ne s’aperçoit même pas que la marche du monde est entravée depuis que Jésus-Christ n’est plus Roi sur la terre.

Or c’est pour ceux dont la foi est si faible et si près du rationalisme, que Jésus ajoute aux paroles de reproche qu’il adressa à Thomas, cette sentence qui ne le regardait pas seul, mais qui avait en vue tous les hommes et tous les siècles : « Heureux ceux qui n’ont pas vu, et qui ont cru ! » Thomas pécha, pour n’avoir pas eu la disposition à croire. Nous nous exposons à pécher comme lui, si nous n’entretenons pas dans notre foi cette expansion qui la mêlerait à tout, et lui ferait faire ce progrès que Dieu récompense par des flots de lumière et de joie au cœur. Une fois entrés dans l’Église, le devoir pour nous est de considérer désormais toute chose au point de vue surnaturel ; et ne craignons pas que ce point de vue, réglé par les enseignements de l’autorité sacrée, nous entraîne trop loin. « Le juste vit de la foi » ; c’est sa nourriture continuelle. La vie naturelle est transformée en lui pour jamais, s’il demeure fidèle à son baptême.

Croyons-nous donc que l’Église avait pris tant de soins dans l’instruction de ses néophytes, qu’elle les avait initiés partant de rites qui ne respirent que les idées et les sentiments de la vie surnaturelle, pour les abandonner sans remords dès le lendemain à l’action de ce dangereux système qui place la foi dans un recoin de l’intelligence, du cœur et de la conduite, afin de laisser plus librement agir l’homme naturel ? Non, il n’en est pas ainsi. Reconnaissons donc notre erreur avec Thomas ; confessons avec lui que jusqu’ici nous n’avons pas cru encore d’une foi assez parfaite. Comme lui, disons à Jésus : « Vous êtes mon Seigneur et mon Dieu ; et j’ai souvent pensé et agi comme si vous n’étiez pas en tout mon Seigneur et mon Dieu. Désormais je croirai sans avoir vu ; car je veux être du nombre de ceux que vous avez appelés heureux. »

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Samedi in Albis

7 Avril 2018 , Rédigé par Ludovicus

Samedi in Albis

Épitre 1. Pi 2, 1-10

Mes bien-aimés, ayant donc dépouillé toute malice, toute ruse, dissimulation et envie, et toute médisance, comme des enfants nouveau-nés, désirez ardemment le lait spirituel et pur, afin que par lui vous croissiez pour le salut, si toutefois vous avez goûté que le Seigneur est doux. Approchez-vous de lui, pierre vivante, rejetée par les hommes, mais choisie et mise en honneur par Dieu ; et vous-mêmes, comme des pierres vivantes, soyez posés sur lui pour former une maison spirituelle, et un sacerdoce saint qui offre des sacrifices spirituels, agréables à Dieu par Jésus-Christ. C’est pourquoi il est dit dans l’Écriture : Voici, je mets dans Sion la pierre angulaire choisie, précieuse ; et celui qui aura confiance en elle ne sera pas confondu. Ainsi donc, à vous qui croyez, l’honneur ; mais, pour les incrédules, la pierre qu’ont rejetée ceux qui bâtissaient, est devenue la tête de l’angle, et une pierre d’achoppement, et une pierre de scandale pour ceux qui se heurtent contre la parole et qui ne croient pas ; ce à quoi ils ont été destinés. Mais vous, vous êtes ta race choisie, le sacerdoce royal, la nation sainte, un peuple acquis, afin que vous annonciez les vertus de celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière : vous qui autrefois n’étiez pas un peuple, mais qui maintenant êtes le peuple de Dieu ; vous qui n’aviez pas reçu miséricorde, mais qui maintenant avez reçu miséricorde.

Évangile Jn. 20, 1-9

En ce temps-là : le premier jour de la semaine, Marie-Madeleine vint au sépulcre dès le matin, comme les ténèbres régnaient encore ; et elle vit que la pierre avait été ôtée du sépulcre. Elle courut donc, et vint auprès de Simon-Pierre, et de l’autre disciple que Jésus aimait. Et elle leur dit : Ils ont enlevé le Seigneur du sépulcre, et nous ne savons où ils t’ont mis. Pierre sortit donc avec cet autre disciple, et ils allèrent au sépulcre. Ils couraient tous deux ensemble ; mais cet autre disciple courut plus vite que Pierre, et arriva le premier au sépulcre. Et s’étant baissé, il vit les linceuls posés à terre ; cependant, il n’entra pas. Simon-Pierre qui le suivait, vint aussi et entra dans le sépulcre ; et il vît les linceuls posés à terre, et le suaire, qu’on avait mis sur sa tête, non pas posé avec les linceuls, mais roulé à part, dans un autre endroit. Alors l’autre disciple, qui était arrivé le premier au sépulcre, entra aussi ; et il vit, et il crut. Car ils ne savaient pas encore, d’après l’Écriture, qu’il fallait qu’il ressuscitât d’entre les morts.

Secrète

Accordez-nous, nous vous en supplions, Seigneur, d’être toujours comblés de biens par ces mystères de Pâques, afin que l’œuvre continuelle de notre réparation soit pour nous le sujet d’une joie sans fin.

Postcommunion

Animés d’une vie nouvelle, grâce au bienfait de notre rédemption, nous vous demandons instamment, Seigneur, qu’en raison des moyens de salut qui nous sont perpétuellement offerts, la vraie foi se développe toujours davantage.

1ère leçon

Homélie de saint Grégoire, Pape.

La lecture du saint Évangile que vous venez d’entendre, mes frères, est bien facile à comprendre, si l’on s’arrête à la surface, en ne considérant que le sens historique ; mais il nous faut rechercher brièvement les mystères qu’elle renferme. « Marie-Madeleine vint au sépulcre quand les ténèbres duraient encore. » L’heure est marquée selon l’histoire, mais au sens mystique elle indique où en était l’entendement de celle qui cherchait. Marie cherchait dans le sépulcre l’auteur de toutes choses, celui qu’elle avait vu mort selon la chair ; comme elle ne l’y trouva pas, elle crut qu’il avait été dérobé. Les ténèbres duraient encore lorsqu’elle vint au sépulcre. Elle courut promptement et annonça aux disciples : et ceux-là coururent plus vite que les autres, qui aimaient plus que les autres, c’est-à-dire Pierre et Jean.

2e leçon

« Ils couraient tous deux ensemble ; mais Jean courut plus vite que Pierre, il arriva le premier au sépulcre. » Cependant il n’osa pas entrer. « Pierre, qui le suivait, vint aussi, et entra. » Que signifie, mes frères, que signifie cette course ? Est-il à croire qu’un fait décrit avec tant de détails par l’Évangéliste soit sans mystère ? Non, sans doute. Saint Jean n’aurait pas dit, ni qu’il était arrivé le premier ni qu’il n’était point entré, s’il eût cru vide de mystère l’hésitation même qu’il éprouva. De qui saint Jean est-il donc la figure, sinon de la Synagogue ; que représente saint Pierre, sinon l’Église ?

3e leçon

Qu’il ne nous semble pas étrange d’entendre dire que la Synagogue est figurée par le plus jeune des deux Apôtres, et l’Église par le plus âgé. Bien qu’en ce qui concerne le culte de Dieu, la Synagogue ait précédé l’Église où sont entrés les Gentils, néanmoins la multitude des Gentils est plus ancienne que la Synagogue en ce qui concerne l’usage des choses du siècle, et saint Paul l’atteste, lui qui dit : « Non d’abord ce qui est spirituel mais ce qui est animal ». L’Église des Gentils est donc désignée par Pierre qui était le plus âgé, et la Synagogue des Juifs par Jean qui était le plus jeune. Ils courent tous deux ensemble, parce que depuis leur origine jusqu’à la fin, la Gentilité et la Synagogue qui diffèrent de pensée, et de sentiment, courent dans une même et commune voie. La Synagogue est arrivée la première au sépulcre, mais elle n’est point entrée ; car, bien qu’elle ait reçu les préceptes de la loi et entendu les prophéties annoncer l’incarnation et la passion du Seigneur, le sachant mort, elle n’a pas voulu croire en lui.

Dom Guéranger, l’Année Liturgique

Le septième jour de la plus joyeuse des semaines s’est levé, apportant avec lui le souvenir du repos du Seigneur, après son œuvre de six jours. Il nous retrace en même temps ce second repos que le même Seigneur voulut prendre, comme un guerrier assuré de la victoire, avant de livrer le combat décisif à son adversaire. Repos dans un sépulcre, sommeil d’un Dieu qui ne s’était laissé vaincre par la mort que pour rendre son réveil plus funeste à cette cruelle ennemie. Aujourd’hui que ce sépulcre n’a plus rien à rendre, qu’il a vu sortir de ses flancs le vainqueur qu’il ne pouvait retenir, il convenait que nous nous arrêtions à le contempler, à lui rendre nos hommages ; car ce sépulcre est saint, et sa vue ne peut qu’accroître notre amour envers celui qui daigna dormir quelques heures a son ombre.

Isaïe avait dit : « Le rejeton de Jessé sera comme l’étendard autour duquel se rallieront les peuples ; les nations l’entoureront de leurs hommages ; et son sépulcre deviendra glorieux ». L’oracle est accompli ; il n’est pas une nation sur la terre qui ne renferme des adorateurs de Jésus ; et tandis que les tombeaux des autres hommes, quand le temps ne les a pas détruits et égales au sol, restent comme un trophée de la mort, celui de Jésus est toujours debout et proclame la vie.

Quel tombeau que celui qui réveille des pensées de gloire, et dont les grandeurs avaient été prédites tant de siècles à l’avance ! Quand les temps sont accomplis. Dieu suscite dans Jérusalem un homme pieux, Joseph d’Arimathie, qui secrètement, mais d’un cœur sincère, devient le disciple de Jésus. Ce magistrat songe à se faire creuser un tombeau ; et c’est à l’ombre des remparts de la ville, sur le versant de la colline du Calvaire, qu’il fait tailler dans la roche vive deux chambres sépulcrales, dont l’une sert de vestibule à l’autre. Joseph pensait travailler pour lui-même ; et c’était pour la dépouille d’un Dieu qu’il préparait ce funèbre asile ; il songeait à la fin commune de toute créature humaine depuis le péché ; et les décrets divins portaient que Joseph ne reposerait pas dans ce tombeau, et que ce tombeau deviendrait pour les hommes le titre de l’immortalité. Jésus expire sur la croix, au milieu des insultes de son peuple ; toute la ville est soulevée contre le fils de David, qu’elle avait accueilli peu de jours auparavant au cri de l’Hosannah ; c’est à ce moment même que, bravant les fureurs de la cité déicide, Joseph se rend chez le gouverneur romain pour réclamer l’honneur d’ensevelir le corps du supplicié. Il ne tarde pas d’arriver avec Nicodème sur le Calvaire ; et lorsqu’il a détaché de la croix les membres de la divine victime, il a la gloire de déposer ce corps sacré sur la table de pierre qu’il avait fait préparer pour lui-même : heureux d’en faire hommage au maître pour lequel il venait de confesser son attachement jusque dans le Prétoire de Ponce-Pilate. O homme véritablement digne des respects de l’humanité tout entière dont vous teniez la place dans ces augustes funérailles, nous ne doutons pas qu’un regard reconnaissant de la Mère des douleurs ne vous ait récompensé du sacrifice que vous faisiez si volontiers pour son Fils !

Les Évangélistes insistent avec une intention marquée sur les conditions du sépulcre. Saint Matthieu, saint Luc, saint Jean, nous disent qu’il était neuf, et qu’aucun corps mort n’y avait encore été déposé. Les saints Pères sont venus ensuite, et nous ont expliqué le mystère, à la gloire du saint tombeau. Ils nous ont enseigné la relation que ce sépulcre, qui rendit l’Homme-Dieu à la vie immortelle, devait avoir avec le sein virginal qui l’enfanta pour être la victime du monde ; et ils en ont tiré cette conséquence, que le Seigneur notre Dieu, quand il se choisit un asile dans sa créature, tient à le trouver libre et digne de sa souveraine sainteté. Honneur donc au tombeau de notre Rédempteur d’avoir présenté, dans son être matériel, un rapport mystérieux avec l’incomparable et vivante pureté de la Mère de Jésus !

Durant les heures qu’il conserva son précieux dépôt, quelle gloire égalait alors la sienne sur la terre ! Quel trésor fut confié à sa garde ! Sous sa voûte silencieuse reposait dans ses linceuls, mouillés des larmes de Marie, le corps qui avait été la rançon du monde. Dans son étroite enceinte, les saints Anges se pressaient, faisant la garde auprès de la dépouille de leur créateur, adorant son divin repos, et aspirant à l’heure où l’Agneau égorgé allait se lever Lion redoutable. Mais quel prodige inouï éclata sous la voûte de l’humble caverne, lorsque l’instant décrété éternellement étant arrivé, Jésus plein de vie pénétra, plus prompt que l’éclair, les veines de la roche, et s’élança au grand jour. Bientôt, c’est la main de l’Ange qui vient arracher la pierre de l’entrée, afin de révéler le départ du céleste prisonnier ; ce sont ensuite d’autres Anges qui attendent Madeleine et ses compagnes. Elles arrivent et font retentir cette voûte de leurs sanglots ; Pierre et Jean y pénètrent à leur tour. Vraiment ce lieu est saint entre tous ; le Fils de Dieu a daigné l’habiter ; sa Mère y a été vue en pleurs ; il a été le rendez-vous des Esprits célestes ; les plus saintes âmes de la terre l’ont consacré par leurs visites empressées, l’ont rendu le théâtre de leurs plus dévots sentiments. O sépulcre du Fils de Jessé, vous êtes véritablement glorieux !

L’enfer la voit, cette gloire ! Et il voudrait l’effacer de la terre. Ce tombeau désespère son orgueil ; car il rappelle d’une manière trop éclatante la défaite qu’a essuyée la mort, fille du péché. Satan croit avoir accompli son odieux dessein, lorsque Jérusalem avant succombé sous les coups des Romains, une ville nouvelle et toute païenne s’élève sur les ruines avec le nom d’Ælia. Mais le nom de Jérusalem ne périra pas plus que la gloire du saint tombeau. En vain des ordres impies prescrivent d’amonceler la terre autour du monument, et d’élever sur ce monticule un temple à Jupiter, en même temps que sur le Calvaire lui-même un sanctuaire à l’impure Vénus, et sur la grotte de la Nativité un autel à Adonis ; ces constructions sacrilèges ne feront que désigner d’une manière plus précise les lieux sacrés à l’attention des chrétiens. On a voulu tendre un piège, et tourner au profit des faux dieux les hommages dont les disciples du Christ avaient coutume d’entourer ces lieux : vain espoir ! Les chrétiens ne les visiteront plus, tant qu’ils seront souillés par la présence des infâmes idoles ; mais ils tiendront l’œil fixé sur ces vestiges d’un Dieu, vestiges ineffaçables pour eux ; et ils attendront en patience qu’il plaise au Père de glorifier encore son Fils.

Lorsque l’heure a sonné, Dieu envoie à Jérusalem une impératrice chrétienne, mère d’un empereur chrétien, pour rendre visibles de nouveau les traces adorables du passage de notre Rédempteur. Émule de Madeleine et de ses compagnes, Hélène s’avance sur le lieu où fut le tombeau. Il fallait une femme pour continuer les grandes scènes du matin de la Résurrection. Madeleine et ses compagnes cherchaient Jésus ; Hélène qui l’adore ressuscité ne cherche que son tombeau ; mais un même amour les transporte. Par les ordres de la pieuse impératrice, l’impie sanctuaire de Jupiter s’écroule, la terre amoncelée est écartée ; et bientôt le soleil éclaire de nouveau le trophée de la victoire de Jésus. La défaite de la mort était donc une seconde fois proclamée par cette réapparition du sépulcre glorieux. Bientôt un temple magnifique s’élève aux dépens du trésor impérial, et porte le nom de Basilique de la Résurrection. Le monde entier s’émeut à la nouvelle d’un tel triomphe ; le paganisme déjà croulant en ressent un ébranlement auquel il ne résiste plus ; et les pieuses pérégrinations des chrétiens vers le sépulcre glorifié commencent pour ne plus s’arrêter qu’au dernier jour du monde.

Durant trois siècles, Jérusalem demeura la ville sainte et libre, éclairée des splendeurs du saint tombeau ; mais les conseils de la justice divine avaient arrêté que l’Orient, foyer inépuisable de toutes les hérésies, serait châtié et soumis à l’esclavage. Le Sarrasin vient inonder de ses hordes enthousiastes la terre des prodiges ; et les eaux de ce déluge honteux n’ont reculé un moment que pour se répandre avec une nouvelle impétuosité sur cette terre qui leur semble abandonnée pour longtemps encore. Mais ne craignons pas pour la tombe sacrée ; elle demeurera toujours debout. Le Sarrasin aussi la révère ; car à ses veux elle est le sépulcre d’un grand prophète. Pour approcher d’elle, le chrétien devra payer un tribut ; mais elle est en sûreté ; on verra même un calife offrir en hommage à notre Charlemagne les clefs de cet auguste sanctuaire, montrant par cet acte de courtoisie la vénération que lui inspire à lui-même la grotte sacrée, autant que le respect dont il est pénétré envers le plus grand des princes chrétiens. Ainsi le sépulcre continuait d’apparaître glorieux à travers même les tribulations qui, à penser humainement, auraient dû l’effacer de la terre.

Sa gloire parut avec plus d’éclat encore, lorsque, à la voix du Père de la chrétienté, l’Occident tout entier se leva soudain en armes, et marcha, sous la bannière de la croix, à la délivrance de Jérusalem. L’amour du saint tombeau était dans tous les cœurs, son nom sur toutes les lèvres ; et dès le premier choc, le Sarrasin, contraint de reculer à son tour, laissa la place aux croisés. La Basilique d’Hélène vit alors un sublime spectacle : le pieux Godefroi de Bouillon sacré avec l’huile sainte roi de Jérusalem, à l’ombre du sépulcre du Christ, et les saints mystères célèbres pour la première fois, avec la langue et les rites de Rome, sous les lambris orientaux de la Basilique constantinienne. Mais ce règne de Japhet sous les tentes de Sem ne se perpétua pas. D’un côté, l’étroite politique de nos princes d’Occident n’avait pas su comprendre le prix d’une telle conquête ; de l’autre, la perfidie de l’empire grec ne se donna pas de relâche qu’elle n’eût amené, par ses noires trahisons, le retour du Sarrasin dans les murs sans défense de Jérusalem. Cette période n’en fut pas moins l’une des gloires prédites par Isaïe au saint tombeau ; elle ne sera pas la dernière.

Aujourd’hui, profané par les sacrifices offerts dans son enceinte par les mains sacrilèges du schisme et de l’hérésie ; confié, à des heures rares et comptées, aux hommages légitimes de l’unique Épouse de celui qui daigna se reposer dans son sein, le divin sépulcre attend le jour où son honneur sera encore une fois vengé. Sera-ce que l’Occident, redevenu docile à la foi, viendra renouer sur cette terre les grands souvenirs qu’y a laisses sa chevalerie ? Sera-ce que l’Orient lui-même, renonçant à une scission qui ne lui a valu que la servitude, tendra la main à la Mère et à la Maîtresse de toutes les Églises, et scellera sur le roc immortel de la Résurrection une réconciliation qui serait la ruine de l’islamisme ? Dieu seul le sait ; mais nous avons appris de sa divine et infaillible parole qu’avant la fin des temps, l’antique Israël doit revenir au Dieu qu’il a méconnu et crucifié ; que Jérusalem sera relevée par la main des Juifs devenus chrétiens. Alors la gloire du sépulcre du fils de Jessé s’élèvera au-dessus de tout ; mais le fils de Jessé lui-même ne tardera pas à paraître ; la terre sera au moment de rendre nos corps pour la résurrection générale ; et le dernier accomplissement de la Pâque se trouvera lié ainsi avec le dernier et suprême honneur qu’aura reçu la tombe sacrée. En nous éveillant de nos sépulcres, nous la chercherons du regard ; et il nous sera doux de la contempler alors comme le point de départ et comme le principe de cette immortalité dont nous serons déjà en possession. En attendant l’heure où nous devrons entrer dans l’habitation passagère qui gardera nos corps, vivons dans l’amour du sépulcre du Christ ; que son honneur soit le nôtre ; et héritiers de cette foi sincère et ardente qui animait nos pères et les arma pour venger son injure, remplissons ce devoir particulier de la Pâque, qui consiste à comprendre et à goûter les magnificences du Sépulcre glorieux.

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Vendredi de Pâques

6 Avril 2018 , Rédigé par Ludovicus

Vendredi de Pâques

Collecte

Dieu tout-puissant et éternel, qui, par le mystère pascal, avez formé un pacte de réconciliation avec l’humanité : donnez à nos âmes de reproduire dans nos actes les vérités que nous professons en célébrant ce mystère.

Épitre 1. P 3, 18-22

Mes bien-aimés, le Christ est mort une fois pour nos péchés, lui juste pour des injustes, afin de nous offrir à Dieu, ayant été mis à mort quant à la chair, mais rendu à la vie quant à l’esprit ; par lequel aussi il est allé prêcher aux esprits qui étaient en prison, qui autrefois avaient été incrédules, lorsqu’au temps de Noé ils s’attendaient à la patience de Dieu, pendant qu’était préparée l’arche, dans laquelle peu de personnes, savoir huit seulement, jurent sauvées à travers l’eau. Figure à laquelle correspond le baptême, qui nous sauve maintenant, non pas en enlevant tes souillures de la chair, mais par l’engagement d’une bonne conscience envers Dieu, grâce à la résurrection de Jésus-Christ, qui est assis à la droite de Dieu

Évangile Mt. 28, 16-20

En ce temps-là : les onze disciples s’en allèrent en Galilée, sur la montagne que Jésus leur avait indiquée. Et le voyant, ils L’adorèrent. Cependant, quelques-uns eurent des doutes. Et Jésus s’approchant, leur parla ainsi : Toute puissance m’a été donnée dans le ciel et sur la terre. Allez donc, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, et leur enseignant à observer tout ce que je vous ai commandé. Et voici que je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la consommation des siècles.

Postcommunion

Regardez, nous vous en supplions, Seigneur, votre peuple, et comme vous avez daigné le renouveler par des mystères préparés dès l’éternité, daignez l’absoudre avec bonté des fautes que l’on commet dans le temps.

Office

1ère leçon

Homélie de saint Jérôme, Prêtre.

Après sa résurrection, Jésus se fait voir sur une montagne de la Galilée, et il y est adoré, bien que quelques-uns doutent encore, mais leur doute augmente notre foi. C’est alors qu’il montre très manifestement à Thomas et lui présente son côté ouvert par la lance, et ses mains percées par les clous. « Jésus, s’approchant, leur parla, disant : Toute puissance m’a été donnée dans le ciel et sur la terre. » La puissance a été donnée à celui qui, peu auparavant, était attaché à la croix, déposé dans le sépulcre ; à celui qui reposait mort dans le tombeau, et qui ensuite ressuscita. Et la puissance lui a été donnée dans le ciel et sur la terre, afin que régnant déjà dans le ciel, il régnât aussi sur la terre par la foi de ceux qui croiraient en lui.

2e leçon

« Allez donc, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. » Les Apôtres instruisent d’abord toutes les nations, puis lorsqu’elles sont instruites, ils les baptisent dans l’eau. Il ne se peut faire, en effet, que le corps reçoive le sacrement de baptême, si l’âme n’a d’abord embrassé les vérités de la foi. Elles sont baptisées au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, pour rappeler que la grâce du baptême est à la fois le don des trois personnes dont la divinité est une, et dont le nom est un seul Dieu.

3e leçon

« Leur apprenant à garder tout ce que je vous ai commandé. » Enchaînement remarquable : le Sauveur a ordonné à ses Apôtres d’instruire d’abord toutes les nations, puis de leur donner le baptême qui est le sacrement de la foi, et lorsqu’elles auraient reçu la foi et le baptême, de leur prescrire tout ce qu’il faut observer. Et pour que nous ne regardions pas comme peu importantes et peu nombreuses les choses qui nous sont ordonnées, il a ajouté : « Tout ce que je vous ai commandé. » Ainsi, quels que soient ceux qui auront cru, et auront été baptisés au nom des trois personnes de la sainte Trinité, ils doivent accomplir tous les préceptes. « Et voici que je suis avec vous jusqu’à la consommation du siècle. » Celui qui promet à ses disciples d’être avec eux jusqu’à la consommation du siècle, leur montre à la fois qu’ils seront toujours victorieux, et que lui-même ne se séparera jamais des fidèles.

La brève lecture évangélique qui suit contient en abrégé toute l’histoire de l’Église, la somme de ses droits, sa mission dans le monde. Euntes docete : c’est l’affirmation de sa libre puissance d’enseigner partout la loi évangélique, indépendamment du pouvoir civil ; baptizantes : c’est l’autorité de paître les fidèles avec les divins Sacrements, dont le baptême est comme la porte ; docentes servare omnia quæcumque mandavi : c’est la puissance législative et judiciaire de l’Église, sans laquelle il n’y a pas d’autorité véritable ; ego vobiscum sum usque ad consummationem sæculi : c’est l’assurance de l’indéfectible assistance de la vertu divine jusqu’à la fin des siècles. (Mt., XXVIII, 16-20.)

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Jeudi de Pâques

5 Avril 2018 , Rédigé par Ludovicus

Jeudi de Pâques

Collecte

Dieu, qui avez réuni la diversité des nations dans la confession de votre nom : faites que, pour ceux qui ont eu la grâce de renaître dans la fontaine baptismale, la foi de l’esprit et la piété des œuvres soient une même chose.

Epître

En ce temps-là, un Ange du Seigneur parla à Philippe, et lui dit : Lève-toi et va vers le midi, sur la route qui descend de Jérusalem à Gaza ; cette route est déserte. Et se levant, il partit. Et voici qu’un Éthiopien, eunuque, officier de Candace, reine d’Éthiopie, et intendant de tous ses trésors, était venu adorer à Jérusalem. Il s’en retournait, assis sur son char, et lisait le prophète Isaïe. Alors l’Esprit dit à Philippe : Approche-toi et rejoins ce char. Et Philippe, accourant, l’entendit lire le prophète Isaïe, et lui dit : Crois-tu comprendre ce que tu lis ? Il répondit : Et comment le pourrais-je, si quelqu’un ne me dirige ? Et il pria Philippe de monter et de s’asseoir auprès de lui. Or le passage de l’Écriture qu’il lisait était celui-ci : Comme une brebis il a été mené à la boucherie, et comme un agneau muet devant celui qui le tond, il n’a point ouvert la bouche. Dans son abaissement son jugement a été aboli. Qui racontera sa génération, car sa vie sera retranchée de la terre ? L’eunuque, répondant à Philippe, lui dit : Je t’en prie, de qui le prophète dit-il cela ? de lui-même ou de quelque autre ? Alors Philippe, ouvrant la bouche et commençant par ce passage de l’Écriture, lui annonça Jésus. Et chemin faisant, ils rencontrèrent de l’eau ; et l’eunuque dit : Voici de l’eau ; qu’est-ce qui empêche que je sois baptisé ? Philippe dit : Si tu crois de tout ton cœur, cela est possible. Il répondit : Je crois que Jésus-Christ est le Fils de Dieu. Il fit arrêter le char, et ils descendirent tous deux dans l’eau, et Philippe baptisa l’eunuque. Lorsqu’ils furent remontés hors de l’eau, l’Esprit du Seigneur enleva Philippe, et l’eunuque ne le vit plus ; mais il continua son chemin, plein de joie. Quant à Philippe, il se trouva dans Azot, et il annonçait la bonne nouvelle au nom de Jésus-Christ à toutes les villes par où il passait, (jusqu’à ce qu’il fût arrivé à Césarée).

Evangile

En ce temps-là : Marie se tenait dehors, près du sépulcre, pleurant. Et tout en pleurant elle se baissa, et regarda dans le sépulcre. Et elle vit deux anges vêtus de blanc, assis l’un à la tête, et l’autre aux pieds, à l’endroit où avait été déposé le corps du Christ. Ils lui dirent : Femme, pourquoi pleures-tu ? Elle leur dit : Parce qu’ils ont enlevé mon Seigneur, et que je ne sais où ils l’ont mis. Ayant dit cela, elle se retourna, et vit Jésus debout ; mais elle ne savait pas que ce fut Jésus. Jésus lui dit : Femme, pourquoi pleures-tu ? qui cherches-tu ? Pensant que c’était le jardinier, elle lui dit ; Seigneur, si c’est toi qui l’as enlevé, dis-moi où tu l’as mis, et je l’emporterai. Jésus lui dit : Marie ! Elle se retourna, et lui dit : Rabboni (c’est-à-dire, Maître) ! Jésus lui dit : Ne me touche pas, car je ne suis pas encore monté vers mon Père. Mais va vers mes frères, et dis-leur : Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu. Marie-Madeleine vint annoncer aux disciples : J’ai vu te Seigneur, et voici ce qu’il m’a dit

Communion

Peuple que Dieu s’est acquis, annonce les grandeurs, alléluia : de Celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière, alléluia

Office

1ère leçon

Homélie de saint Grégoire, Pape

Marie-Madeleine qui avait été « connue dans la ville pour une pécheresse », a lavé de ses larmes les taches de ses iniquités en aimant la vérité, et elle est accomplie, cette parole de la Vérité, disant : « Beaucoup de péchés lui sont remis, parce qu’elle a beaucoup aimé ». Madeleine, qui auparavant était demeurée dans la froideur en péchant, brûlait dans la suite d’une véhémente ardeur en aimant. Quand elle vint au sépulcre et n’y trouva point le corps du Seigneur, elle crut qu’il avait été enlevé, et l’annonça aux disciples. Ceux-ci vinrent, regardèrent, et pensèrent qu’il en était comme cette femme l’avait dit. C’est d’eux qu’il est écrit immédiatement après : « Les disciples donc s’en retournèrent chez eux. » Et aussitôt l’Évangile ajoute : « Mais Marie se tenait dehors, près du sépulcre, pleurant. »

2e leçon

Il faut considérer à ce sujet avec quelle force l’amour divin s’était allumé dans l’âme de cette femme, qui ne quittait point le sépulcre du Seigneur bien que les disciples se retirassent. Elle cherchait avec soin celui qu’elle n’avait pas trouvé, elle pleurait en le cherchant, et, embrasée du feu de son amour, elle brûlait du désir de retrouver celui qu’elle croyait enlevé. Aussi arriva-t-il que Madeleine seule le vit alors, elle qui était restée pour le chercher ; car, ce qui donne de l’efficacité aux bonnes œuvres, c’est la persévérance, et la Vérité a dit. « Celui qui aura persévéré jusqu’à la fin, celui-là sera sauvé »

3e leçon

« Or, tout en pleurant, Marie se pencha, et regarda dans le sépulcre. » Elle avait déjà vu le sépulcre vide, et déjà elle avait annoncé que le corps du Seigneur était enlevé ; pourquoi s’incline-t-elle de nouveau, et désire-t-elle voir encore ? C’est qu’il ne suffit pas à celui qui aime d’avoir regardé une seule fois, car la force de l’amour multiplie les soins et l’attention de la recherche. Elle le chercha donc d’abord et ne le trouva pas ; elle persévéra à le chercher, et c’est ainsi qu’elle obtint de le trouver. Il arriva que ses désirs augmentèrent d’autant plus que leur réalisation fut différée, et que, dans leur accroissement, ils purent jouir du bien qu’ils avaient obtenu.

ÉPÎTRE.

Ce passage des Actes des Apôtres était destiné à rappeler aux néophytes la sublimité de la grâce qu’ils avaient reçue dans le baptême, et la condition à laquelle ils avaient été régénérés. Dieu avait placé sur leur chemin l’occasion du salut, comme il envoya Philippe sur la route que devait parcourir l’eunuque. Il leur avait inspiré le désir de connaître la vérité, comme il mit dans le cœur de cet officier de la reine d’Éthiopie l’heureuse curiosité qui le conduisit à entendre parler de Jésus-Christ. Mais tout n’était pas consommé encore. Ce païen aurait pu n’écouter qu’avec défiance et sécheresse d’âme les explications de l’envoyé de Dieu, et fermer la porte à cette grâce qui le cherchait ; loin de là, il ouvrait son cœur, et la foi le remplissait. De même ont fait nos néophytes ; ils ont été dociles, et la parole de Dieu les a éclairés ; d’une lumière ils sont montés à une autre, jusqu’à ce que l’Église ait reconnu en eux de véritables disciples de la foi. Alors sont venus les jours de la Pâque, et cette mère des âmes s’est dit à elle-même : « Voici de l’eau, l’eau qui purifie, l’eau qui est sortie du côté de l’Époux ouvert par la lance sur la croix ; qui empêche de les baptiser ? » Et quand ils ont eu confessé que Jésus-Christ est le Fils de Dieu, ils ont été plongés, comme notre Éthiopien, dans la fontaine du salut ; maintenant, à son exemple, ils vont continuer à marcher dans le chemin de la vie, tout remplis de joie ; car ils sont ressuscités avec le Christ, qui a daigné associer les joies de leur nouvelle naissance à celles de son propre triomphe.

ÉVANGILE.

Nous sommes dans la Basilique des Apôtres ; et la sainte Église, au lieu de nous faire entendre aujourd’hui quelqu’un des récits du saint Évangile où sont rapportées les diverses apparitions du Sauveur ressuscité à ses Apôtres, nous lit celui dans lequel est relatée la faveur que Jésus fit à Madeleine. Pourquoi cet oubli apparent du caractère et de la mission qui furent conférés à ces ambassadeurs de la nouvelle loi ? La raison en est aisée à saisir. En honorant aujourd’hui dans ce Sanctuaire la mémoire de celle que Jésus-Christ choisit pour être l’Apôtre de ses Apôtres, l’Église achève d’exprimer dans toute leur adorable vérité les circonstances du jour de la Résurrection. C’est par Madeleine et ses compagnes qu’a commencé l’Apostolat du plus grand des mystères du Rédempteur ; elles ont donc un droit véritable à recevoir aujourd’hui l’honneur dans cette Basilique dédiée aux saints Apôtres.

Comme il est tout-puissant, Dieu aime à se manifester dans ce qu’il y a de plus faible ; de même que, dans sa bonté, il se fait gloire de reconnaître l’amour dont il est l’objet : voilà pourquoi le Rédempteur prodigua d’abord toutes les preuves de sa résurrection et tous les trésors de sa tendresse à Madeleine et à ses compagnes. Elles étaient plus faibles encore que les bergers de Bethléhem : elles eurent donc la préférence ; les Apôtres eux-mêmes étaient plus faibles que la moindre des puissances du monde qu’ils devaient soumettre : voilà pourquoi ils furent initiés à leur tour. Mais Madeleine et ses compagnes avaient aimé leur Maître jusqu’à la croix et jusqu’au tombeau, tandis que les Apôtres l’avaient abandonné : c’était donc aux premières, et non aux seconds, que Jésus devait les premières faveurs de sa bonté.

Sublime spectacle de l’Église, à ce moment où elle s’élève sur la foi de la Résurrection qui est sa base ! Après Marie, la Mère de Dieu, en qui la lumière ne vacilla jamais, et à qui était due, comme Mère et comme toute parfaite, la première manifestation, qui voyons-nous illuminées de cette foi par laquelle vit et respire l’Église ? Madeleine et ses compagnes. Pendant plusieurs heures, Jésus se complaît à la vue de son œuvre, si faible à l’œil humain, mais en réalité si grande. Encore un peu de temps, et ce petit troupeau d’âmes choisies va s’assimiler les Apôtres eux-mêmes ; que dis-je ? Le monde entier viendra à elles. Par toute la terre, en ces jours, l’Église chante ces paroles : « Qu’avez-vous vu au tombeau, Marie ? Dites-le-nous. » Et Marie Madeleine répond à la sainte Église : « J’ai vu le tombeau du Christ qui était vivant ; j’ai vu la gloire du Christ ressuscité. »

Et ne nous étonnons pas que des femmes aient seules formé autour du Fils de Dieu ce premier groupe de croyants, cette Église véritablement primitive qui resplendit des premiers rayons de la résurrection ; car c’est ici la continuation de l’œuvre divine sur le plan irrévocable et sublime dont nous avons déjà reconnu le début. Par la prévarication de la femme, l’œuvre de Dieu fut renversée au commencement ; c’est dans la femme qu’elle sera d’abord relevée. Au jour de l’Annonciation, nous nous sommes inclinés devant la nouvelle Ève qui réparait par son obéissance la désobéissance de la première ; mais dans la crainte que Satan ne s’y trompât, et ne voulût voir en Marie que l’exaltation de la personne, et non la réhabilitation du sexe, Dieu veut qu’aujourd’hui les faits mêmes déclarent sa suprême volonté. « La femme, nous dit saint Ambroise, avait goûté la première le breuvage de la mort ; ce sera donc elle qui, la première, contemplera la résurrection. En prêchant ce mystère, elle compensera sa faute ; et c’est avec raison qu’elle est envoyée pour annoncer aux hommes la nouvelle du salut, pour manifester la grâce qui vient du Seigneur, celle qui autrefois avait annoncé le péché à l’homme. » Les autres Pères relèvent avec non moins d’éloquence ce plan divin qui donne à la femme la primauté dans la distribution des dons de la grâce, et ils nous y font reconnaître non seulement un acte du pouvoir du maître souverain, mais en même temps la légitime récompense de l’amour que Jésus trouva dans le cœur de ces humbles créatures, et qu’il n’avait pas rencontré dans celui de ses Apôtres, auxquels, durant trois ans, il avait prodigué les plus tendres soins, et de la part desquels il était en droit d’attendre un plus mâle courage.

Au milieu de ses heureuses compagnes, Madeleine s’élève comme une reine dont les autres forment la cour. Elle est la bien-aimée de Jésus, celle qui aime le plus, celle dont le cœur a été le plus brisé par la douloureuse Passion, celle qui insiste avec plus de force pour revoir et embaumer de ses larmes et de ses parfums le corps de son cher maître. Quel délire dans ses paroles, tant qu’elle le cherche ! Quel élan de tendresse, quand elle le reconnaît vivant et toujours rempli d’amour pour Madeleine ! Jésus cependant se dérobe aux démonstrations d’une joie trop terrestre : « Ne me touche pas, lui dit-il ; car je ne suis pas monté encore vers mon Père ».

Jésus n’est plus dans les conditions de la vie mortelle ; en lui l’humanité demeurera éternellement unie à la divinité ; mais sa résurrection avertit l’âme fidèle que les relations qu’elle aura désormais avec lui ne sont plus les mêmes. Dans la première période, on l’approchait comme on approche un homme ; sa divinité paraissait à peine ; maintenant c’est le Fils de Dieu, dont l’éclat éternel se révèle, et dont les rayons jaillissent à travers même son humanité. C’est donc le cœur qui doit le chercher désormais plus que l’œil, l’affection respectueuse plus que la tendresse sensible. Il s’est laissé toucher à Madeleine, lorsqu’elle était faible et que lui-même était encore mortel ; il faut maintenant qu’elle aspire à ce souverain bien spirituel qui est la vie de l’âme, Jésus au sein du Père. Madeleine, dans le premier état, a fait assez pour servir de modèle à l’âme qui commence à chercher Jésus ; mais qui ne voit que son amour a besoin d’une transformation ? A force d’être ardent, il la rend aveugle ; elle s’obstine à « chercher parmi les morts celui qui est vivant ».

Le moment est venu où elle doit s’élever à une voie supérieure, et chercher enfin par l’esprit celui qui est esprit.

« Je ne suis pas monté encore vers mon Père », dit le Sauveur à cette heureuse femme ; comme s’il lui disait : « Retiens pour le moment ces caresses trop sensibles qui t’arrêteraient à mon humanité. Laisse-moi d’abord monter dans ma gloire ; un jour tu y seras admise près de moi ; alors il te sera donné de me prodiguer toutes les marques de ton amour, parce qu’alors il ne sera plus possible que mon humanité te dérobe la vue de ma nature divine. » Madeleine a compris la leçon de son maître tant aimé ; un renouvellement s’opère en elle ; et bientôt, sur les rochers arides de la Sainte-Baume, seule avec ses souvenirs qui s’étendent depuis la première parole de Jésus qui fondit son cœur et l’enleva aux amours terrestres, jusqu’à la faveur dont il l’honore aujourd’hui en la préférant aux Apôtres, elle s’élancera chaque jour vers son souverain bien, jusqu’à ce que, épurée par l’attente, devenue l’émule des Anges qui la visitent et consolent son exil, elle monte enfin pour toujours vers Jésus, et saisisse dans un embrassement éternel ces pieds sacrés où elle retrouve la trace ineffaçable de ses premiers baisers.

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