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Regnum Galliae Regnum Mariae

Saint Martin évêque et confesseur mémoire de Saint Menne Martyr

11 Novembre 2021 , Rédigé par Ludovicus

Saint Martin évêque et confesseur mémoire de Saint Menne Martyr

Introït

Le Seigneur fit avec lui une alliance de paix et l’établit prince, afin que la dignité sacerdotale lui appartînt toujours. Souvenez-vous, Seigneur, de David et de toute sa douceur.

Collecte

O Dieu, qui voyez que nous ne saurions nullement subsister par nos propres forces ; faites, dans votre bonté, que l’intercession du bienheureux Martin, votre Pontife et Confesseur, nous fortifie contre tous les maux.

Épitre Ec. 44, 16-27 ; 45, 3-20

Voici le grand pontife, qui pendant les jours de sa vie fut agréable à Dieu, et est devenu, au temps de sa colère, la réconciliation des hommes. Nul ne l’a égalé dans l’observation des lois du Très-Haut. C’est pourquoi le Seigneur a jure de le rendre père de son peuple. Le Seigneur a béni en lui toutes les nations et a confirmé en lui son alliance. Il a versé sur lui ses bénédictions ; il lui a continué sa miséricorde ; et cet homme a trouve grâce aux yeux du Seigneur. Celui-là l’a rendu grand devant les rois, et il lui a donné une couronne de gloire. Il a fait avec lui une alliance éternelle ; il lui a donné le suprême sacerdoce, et il l’a rendu heureux dans la gloire, pour exercer le sacerdoce, louer son nom et lui offrir dignement un encens d’agréable odeur.

Évangile Lc. 11, 33-36

En ce temps-là, Jésus dit à ses disciples : Personne n’allume une lampe pour la mettre dans un lieu caché, ou sous le boisseau ; mais on la met sur le candélabre, afin que ceux qui entrent voient la lumière. La lampe de ton corps, c’est ton œil. Si ton œil est simple, tout ton corps sera lumineux ; mais s’il est mauvais, ton corps sera aussi ténébreux. Prends donc garde que la lumière qui est en toi ne soit ténèbres. Si donc tout ton corps est éclairé, n’ayant aucune partie ténébreuse, il sera tout lumineux, et tu seras éclairé comme par une lampe brillante.

Secrète

Rendez saints, nous vous en supplions, Seigneur Dieu, les présents que nous vous offrons en la solennité de votre saint Évêque Martin, afin que par le moyen de ces dons consacrés, notre vie, qui se poursuit entre des adversités et des prospérités, soit partout dirigée droit vers son but.

Office

Au premier nocturne.

De la 1ère Épître de saint Paul Apôtre à Timothée. Cap. 3, 1-7.

Première leçon. Cette parole est certaine : si quelqu’un désire l’épiscopat, il désire une œuvre excellente. Il faut donc que l’évêque soit irréprochable, mari d’une seule femme, sobre, prudent, grave, chaste, hospitalier, capable d’instruire ; qu’il ne soit ni adonné au vin, ni violent, mais modéré, éloigné des querelles, désintéressé ; qu’il gouverne bien sa propre maison, qu’il maintienne ses fils dans la soumission et dans une parfaite honnêteté. Car si quelqu’un ne sait pas gouverner sa propre maison, comment prendra-t-il soin de l’Église de Dieu ? Qu’il ne soit pas un néophyte, de peur qu’enflé d’orgueil, il ne tombe dans la même condamnation que le diable. Il faut encore qu’il ait un bon témoignage de ceux du dehors, afin de ne pas tomber dans l’opprobre et dans le piège du diable.
 

De l’Épître à Tite. Cap. 1, 7-11 ; 2, 1-8.

Deuxième leçon. Il faut que l’évêque soit irréprochable, comme étant l’intendant de Dieu ; pas orgueilleux, ni colère, ni adonné au vin, ni prompt à frapper, ni porté à un gain honteux, mais hospitalier, affable, sobre, juste, saint, tempérant, fortement attaché à la parole authentique, telle qu’elle a été enseignée, afin qu’il soit capable d’exhorter selon la saine doctrine, et de confondre ceux qui la contredisent. Car il y en a beaucoup, surtout parmi ceux de la circoncision, qui sont insoumis, vains parleurs, et séducteurs des âmes, auxquels il faut fermer la bouche, car ils bouleversent des maisons entières, enseignant ce qu’il ne faut pas, en vue d’un gain honteux.
Troisième leçon. Pour toi, enseigne ce qui convient à la saine doctrine : aux vieillards à être sobres, pudiques, sages, sains dans la foi, dans la charité, dans la patience ; pareillement, aux femmes âgées, à avoir une sainte modestie dans leur tenue, à n’être pas médisantes, pas adonnées aux excès du vin, à bien instruire, pour enseigner la sagesse aux jeunes femmes, leur apprenant à aimer leurs maris, à chérir leurs enfants, à être sages, chastes, sobres, appliquées au soin de leur maison, bonnes, soumises à leurs maris, afin que la parole de Dieu ne soit pas décriée. Exhorte pareillement les jeunes hommes à être sobres. En toutes choses montre-toi toi-même un modèle de bonnes œuvres, dans la doctrine, dans l’intégrité, dans la gravité ; que la parole soit saine, irrépréhensible, afin que l’adversaire soit confondu, n’ayant aucun mal à dire de vous.
 

Au deuxième nocturne.

Quatrième leçon. Martin, né à Sabarie en Pannonie, s’enfuit à l’église, malgré ses parents, quand il eut atteint sa dixième année, et se fit inscrire au nombre des catéchumènes. Enrôlé à quinze ans dans les armées romaines, il servit d’abord sous Constantin, puis sous Julien. Tandis qu’il n’avait pas autre chose que ses armes et le vêtement dont il était couvert, un pauvre lui demanda, près d’Amiens, l’aumône au nom du Christ, et Martin lui donna une partie de sa chlamyde. La nuit suivante, le Christ lui apparut revêtu de cette moitié de manteau, faisant entendre ces paroles : « Martin, simple catéchumène, m’a couvert de ce vêtement. »
Cinquième leçon. A l’âge de dix-huit ans, il reçut le baptême. Aussi, ayant abandonné la vie militaire, se rendit-il auprès d’Hilaire, Évêque de Poitiers, qui le mit au nombre des Acolytes. Devenu plus tard Évêque de Tours, Martin bâtit un monastère, où il vécut quelque ; temps de la manière la plus sainte, avec quatre-vingts moines. Étant tombé gravement malade de la fièvre, à Candes, bourg de son diocèse, il priait instamment Dieu de le délivrer de la prison de ce corps mortel. Ses disciples qui l’écoutaient, lui dirent : « Père, pourquoi nous quitter ? à qui abandonnez-vous vos pauvres enfants ? » Et Martin, touché de leurs accents, priait Dieu ainsi : « O Seigneur, si je suis encore nécessaire à votre peuple, je ne refuse point le travail. »
Sixième leçon. Ses disciples voyant que, malgré la force de la fièvre, il restait couché sur le dos et ne cessait de prier, le supplièrent de prendre une autre position, et de se reposer en s’inclinant un peu, jusqu’à ce que la violence du mal diminuât. Mais Martin leur dit : « Laissez-moi regarder le ciel plutôt que la terre, pour que mon âme, sur le point d’aller au Seigneur, soit déjà dirigée vers la route qu’elle doit prendre. » La mort étant proche, il vit l’ennemi du genre humain et lui dit : « Que fais-tu là, bête cruelle ? esprit du mal, tu ne trouveras rien en moi qui t’appartienne. » Et, en prononçant ces paroles, le Saint rendit son âme à Dieu, étant âgé de quatre-vingt un ans. Une troupe d’Anges le reçut au ciel, et plusieurs personnes, entre autres saint Séverin, Évêque de Cologne, les entendirent chanter les louanges de Dieu.
 

Au troisième nocturne.

Homélie de saint Ambroise, Évêque.

Septième leçon. Ayant mis, par ce qui précède, l’Église au-dessus de la Synagogue, le Sauveur nous invite à porter plutôt notre foi de cette dernière à l’Église. La lampe, (dont parle) l’Évangile est la foi, conformément à ce qui est écrit : « c’est une lampe (éclairant) mes pieds que votre parole, Seigneur. » La parole de Dieu est l’objet de notre foi ; et la parole de Dieu est lumière. La foi est une lampe. « Il était la vraie lumière qui éclaire tout homme venant en ce monde. » Or une lampe ne peut luire, si elle ne reçoit d’ailleurs la lumière.
Huitième leçon. La puissance de notre âme et de nos sentiments est cette lampe qu’on allume, afin de pouvoir retrouver cette drachme perdue. Que personne donc ne mette la foi sous la loi ; car la loi est contenue dans une étroite mesure, la grâce dépasse la mesure ; la loi couvre de son ombre, la grâce éclaire. Que nul, par conséquent, ne renferme sa foi dans la mesure étroite de la loi ; mais que (chacun de nous) la donne à l’Église, en qui (brille la lumière) des sept dons du Saint-Esprit ; à cette Église que Jésus-Christ, vrai prince des Prêtres, illumine des splendeurs de sa divinité suprême ; qu’il la lui donne, de peur que l’ombre de la loi ne prive sa lampe de lumière.
Neuvième leçon. Ainsi, la lampe que le grand-prêtre, sous l’ancien rite des Juifs, avait coutume d’allumer tous les matins et tous les soirs, a cessé de luire, comme étouffée sous le boisseau de la loi ; et la Jérusalem terrestre, cette cité « qui a tué les Prophètes, » est cachée et comme enfouie dans la vallée des larmes. Mais la Jérusalem céleste, en laquelle notre foi combat, étant établie sur la plus haute de toutes les montagnes, qui est Jésus-Christ, .ne peut être cachée par les ténèbres et les ruines de ce monde ; au contraire, toute brillante de la splendeur du soleil éternel, elle éclaire nos âmes des lumières spirituelles de la grâce.

 

SÉQUENCE.
Sion, sois dans la joie en célébrant le jour où Martin, l’égal des Apôtres,triomphant du monde, est couronné parmi les habitants des cieux.
C’est lui Martin, l’humble et le pauvre, le serviteur prudent, le fidèle économe : au ciel, à lui la richesse et la gloire, devenu qu’il est concitoyen des Anges.
C’est lui Martin, qui catéchumène revêt un pauvre, et le Seigneur, dès la nuit suivante, a revêtu le manteau.
C’est lui Martin, qui dédaignant les armes, offre d’aller sans nulle défense au-devant des ennemis ; car il est baptisé.
C’est lui Martin, qui offrant l’hostie sainte, s’embrase au dedans par la divine grâce, tandis qu’un globe de feu apparaît sur sa tête.
C’est lui Martin, qui ouvre le ciel, commande à l’océan, donne des ordres à la terre, guérit les maladies, chasse les monstres, ô l’homme incomparable !
C’est lui Martin, qui ne craignit point de mourir, qui ne refusa point le labeur de vivre, et de la sorte à la divine volonté s’abandonna tout entier.
C’est lui Martin, qui ne nuisit à personne ; c’est lui Martin, qui fit du bien à tous ; c’est lui Martin, qui plut à la trine Majesté.
C’est lui Martin, qui renverse les temples, lui qui instruit dans la foi les gentils, et de ce qu’il enseigne leur donne en ses œuvres l’exemple.
C’est lui Martin, qui sans pareil en mérites, rend la vie à trois morts ; maintenant il voit Dieu pour toujours.
O Martin, pasteur excellent, ô vous qui faites partie de la céleste milice, défendez-nous contre la rage du loup furieux.
O Martin, faites maintenant comme autrefois : offrez pour nous à Dieu vos prières ; souvenez-vous, pour ne jamais l’abandonner, de cette nation qui est vôtre.
Amen.

Trois mille six cent soixante églises dédiées à saint Martin au seul pays de France, presque autant dans le reste du monde, attestent l’immense popularité du grand thaumaturge. Dans les campagnes, sur les montagnes, au fond des forêts, arbres, rochers, fontaines, objets d’un culte superstitieux quand l’idolâtrie décevait nos pères, reçurent en maints endroits et gardent toujours le nom de celui qui les arracha au domaine des puissances de l’abîme pour les rendre au vrai Dieu. Aux fausses divinités, romaines, celtiques ou germaniques, enfin dépossédées, le Christ, seul adoré par tous désormais, substituait dans la mémoire reconnaissante des peuples l’humble soldat qui les avait vaincues.

C’est qu’en effet, la mission de Martin fut d’achever la déroute du paganisme, chassé des villes par les Martyrs, mais jusqu’à lui resté maître des vastes territoires où ne pénétrait pas l’influence des cités.

Aussi, à l’encontre des divines complaisances, quelle haine n’essuya-t-il point de la part de l’enfer ! Dès le début, Satan et Martin s’étaient rencontrés : « Tu me trouveras partout sur ta route, » avait dit Satan ; et il tint parole. Il l’a tenue jusqu’à nos jours : de siècle en siècle, accumulant les ruines sur le glorieux tombeau qui attirait vers Tours le monde entier ; dans le XVIe, livrant aux flammes, par la main des huguenots, les restes vénérés du protecteur de la France ; au XIXe enfin, amenant des hommes à ce degré de folie que de détruire eux-mêmes, en pleine paix, la splendide basilique qui faisait la richesse et l’honneur de leur ville.

Reconnaissance du Christ roi, rage de Satan, se révélant à de tels signes, nous disent assez les incomparables travaux du Pontife apôtre et moine que fut saint Martin.

Moine, il le fut d’aspiration et de fait jusqu’à son dernier jour. « Dès sa première enfance, il ne soupire qu’après le service de Dieu. Catéchumène à dix ans, il veut à douze s’en aller au désert ; toutes ses pensées sont portées vers les monastères et les églises. Soldat à quinze ans, il vit de telle sorte qu’on le prendrait déjà pour un moine. Après un premier essai en Italie de la vie religieuse, Martin est enfin amené par Hilaire dans cette solitude de Ligugé qui fut, grâce à lui, le berceau de la vie monastique dans les Gaules. Et, à vrai dire, Martin, durant tout le cours de sa carrière mortelle, se sentit étranger partout hormis à Ligugé. Moine paraîtrait, il n’avait été soldat que par force ; il ne devint évêque que par violence ; et alors, il ne quitta point ses habitudes monastiques. Il satisfaisait à la dignité de l’évêque, nous dit son historien, sans abandonner la règle et la vie du moine ; s’étant fait tout d’abord une cellule auprès de son église de Tours ; bientôt se créant à quelque distance de la ville un second Ligugé sous le nom de Marmoutier ou de grand monastère. »

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Saint André Avellin confesseur mémoire des Saints Tryphon Respice et Nymphe Vierge Martyrs

10 Novembre 2021 , Rédigé par Ludovicus

Saint André Avellin confesseur  mémoire des Saints Tryphon Respice et Nymphe Vierge Martyrs

Collecte

O Dieu, qui, par le vœu héroïque de faire chaque jour des progrès dans la vertu, avez disposé dans le cœur de votre Confesseur, le bienheureux André, des degrés admirables pour s’élever à vous ; accordez-nous, par ses mérites et son intercession, de participer à cette même grâce, de sorte que, tendant toujours au plus parfait, nous parvenions heureusement au faîte de votre gloire.

Office

Quatrième leçon. André Avellin, auparavant nommé Lancelot, naquit dans un bourg de Lucanie appelé Castronuovo, et donna dès son enfance des marques non équivoques de sa future sainteté. Arrivé à l’adolescence, il-dut s’éloigner de la maison paternelle pour étudier les lettres ; mais il traversa cette phase dangereuse de la vie en s’appliquant, au milieu de ses études, à ne perdre jamais de vue « la crainte de Dieu qui est le commencement de la sagesse. » Joignant à une rare beauté un amour de la chasteté qui lui fit éviter les embûches de femmes impudiques, il les repoussa même quelquefois par la force ouverte. Enrôlé dans la milice cléricale, il se rendit à Naples pour étudier le droit, et y obtint le titre de docteur ; mais ayant été élevé à la dignité sacerdotale, il plaida seulement au for ecclésiastique et pour quelques particuliers, suivant les règles des saints canons. Mais un léger mensonge lui ayant un jour échappé dans sa plaidoirie, ouvrant ensuite comme par hasard la sainte Écriture, il y tomba sur ce passage : « La bouche menteuse tue l’âme, » et fut saisi d’une telle douleur de sa faute, d’un tel repentir, qu’il résolut aussitôt de quitter son genre de vie. Abandonnant donc le barreau, il se consacra entièrement au culte divin et au saint ministère. Ses éminents exemples de toutes les vertus ecclésiastiques portèrent l’Archevêque de Naples à lui confier la direction d’une maison de religieuses. Ayant éprouvé dans cet emploi la haine d’hommes pervers, il put échapper à un premier attentat contre sa vie ; mais, peu après, un assassin lui fit trois blessures au visage, sans que cette cruelle injure troublât son égalité d’âme. Le vif désir de mener une vie plus parfaite lui fit solliciter avec instance d’être admis parmi les Clercs réguliers, et, son vœu ayant été exaucé, il obtint, à cause du grand amour de la croix qui l’embrasait, qu’on lui imposât le nom d’André.

Cinquième leçon. Entré avec une joyeuse ardeur dans la carrière d’une vie plus austère, il s’appliqua surtout à des exercices de vertu, auxquels il s’astreignit même par des vœux très difficiles à garder, à savoir : l’un, de combattre constamment sa propre volonté, l’autre, d’avancer toujours plus avant dans le chemin de la perfection chrétienne. Fidèle observateur de la discipline religieuse, André eut très grand soin de la faire observer par les autres, quand il fut à leur tête. Tout le temps que lui laissaient la charge de son institut et l’accomplissement de sa règle, il le donnait à l’oraison et au salut des âmes. Dans l’audition des confessions, son admirable piété et sa prudence parurent avec éclat. Il parcourait fréquemment les villes et les villages des environs de Naples en ministre de l’Évangile, au grand profit des âmes. Le Seigneur se plut à illustrer, même par des prodiges, cette ardente charité du saint homme envers le prochain. Comme il revenait chez lui pendant une nuit d’orage, après avoir entendu la confession d’un malade, la pluie et la violence du vent éteignirent le flambeau qui éclairait sa marche ; or, non seulement ses compagnons et lui ne furent aucunement mouillés, malgré cette pluie torrentielle, mais son corps projeta miraculeusement une clarté extraordinaire, qui servit à guider ses compagnons au milieu des ténèbres les plus épaisses. André pratiqua l’abstinence, la patience, le mépris et la haine de soi avec le plus grand soin et excella dans l’exercice de ces vertus. Il supporta, sans qu’aucun trouble agitât son âme, le meurtre dont le fils de son frère fut victime, réprimant chez les siens tout désir de vengeance, allant même jusqu’à implorer pour les meurtriers la clémence et l’assistance des juges.

Sixième leçon. Il propagea dans beaucoup d’endroits l’Ordre des Clercs réguliers et leur fonda des maisons à Plaisance et à Milan. Deux Cardinaux, saint Charles Borromée et Paul d’Arezzo, Clerc régulier, qui l’avaient en très grande affection, recoururent à ses services dans les soins de la charge pastorale. André aimait et honorait singulièrement la Vierge, Mère de Dieu ; il mérita de jouir de la conversation des Anges, et attesta les avoir entendus chanter au ciel, pendant que lui-même célébrait les louanges divines. Enfin, après avoir donné d’héroïques exemples de vertus ; après s’être rendu célèbre par le don de prophétie, qui lui faisait voir clairement des faits éloignés ou futurs, comme par celui de pénétration des cœurs, déjà chargé d’années et épuisé par les fatigues, il fut frappé d’apoplexie, au moment où, après avoir répété pour la troisième fois le verset : « Je m’approcherai de l’autel de Dieu, » il allait monter à l’autel pour célébrer. Ayant été aussitôt muni des sacrements, André expira de la manière la plus douce, au milieu des siens. Son corps est vénéré jusqu’en ces temps-ci, dans l’église de Saint-Paul, à Naples, par un aussi grand concours de peuple qu’au moment où on l’inhuma. En raison des miracles éclatants opérés par lui durant sa vie et après sa mort, le souverain Pontife Clément XI l’inscrivit au catalogue des Saints avec les solennités accoutumées.

On sait quelle moisson l’Esprit-Saint fit germer du sol de l’Église au XVIe siècle, en réponse au reproche d’épuisement formulé contre elle. André fut l’un des plus méritants coopérateurs de l’Esprit dans l’œuvre de sainte réformation, de renaissance surnaturelle, qui s’accomplit alors. L’éternelle Sagesse avait comme, toujours laissé l’enfer s’essayer le premier, mais pour sa honte, à se parer de ces grands noms de renaissance et de réforme.

Depuis neuf ans saint Gaétan avait quitté la terre, la laissant réconfortée déjà par ses œuvres, tout embaumée de ses vertus ; l’ancien évêque de Théate, son auxiliaire et compagnon dans la fondation des premiers Clercs réguliers, avait ceint la tiare et gouvernait l’Église sous le nom de Paul IV : c’était l’heure où une nouvelle faveur du ciel donnait aux Théatins, dans la personne de notre bienheureux, un héritier des dons surnaturels et de l’héroïque sainteté qui avaient fait de Gaétan le zélateur du sanctuaire. Il fut l’ami et l’appui du grand évêque de Milan, Charles Borromée, qu’il rejoint aujourd’hui dans la gloire. Ses pieux écrits continuent de servir l’Église. Lui-même sut se former d’admirables disciples, comme ce Laurent Scupoli qui fut l’auteur du Combat spirituel, si grandement apprécié par l’Évêque de Genève.

Combien furent suaves et fortes à votre endroit les voies de l’éternelle Sagesse, ô bienheureux André, quand de la légère faute où vous étiez tombé par surprise en cette vallée des larmes, elle fit le point de départ de la sainteté qui resplendit en vous ! La bouche qui ment tue l’âme, disait-elle ; et comme elle ajoutait : Ne mettez pas votre zèle en cette vie par une erreur funeste à poursuivre la mort, n’employez pas vos œuvres à acquérir la perdition, elle fut pleinement comprise ; le but de la vie vous apparut tout autre, ainsi que le montrèrent les vœux qu’elle-même vous inspira pour sans cesse vous éloigner de vous-même, et sans cesse vous rapprocher du souverain Bien. Avec l’Église, nous glorifions le Seigneur qui disposa de si admirables ascensions dans votre âme. Comme l’annonçait le Psaume, cette marche toujours progressive de vertu en vertu vous amène aujourd’hui dans Sion, où vous voyez le Dieu des dieux.

Votre cœur, votre chair, tressaillaient pour le Dieu vivant ; votre âme, absorbée dans l’amour des parvis sacrés, défaillait à leur pensée. Quoi d’étonnant qu’une suprême défaillance au pied des autels du Seigneur des armées, vous donne entrée dans sa maison bienheureuse ? Avec quelle joie vos angéliques associés de ce monde en la divine louange vous accueillent dans les chœurs éternels !

Ayez égard aux hommages de la terre. Daignez répondre à la confiance de Naples et de la Sicile, qui se recommandent de votre puissant patronage auprès du Seigneur. Unissez-vous, pour bénir la pieuse famille des Clercs réguliers Théatins, à saint Gaétan, son père et le vôtre. Pour nous tous, implorez une part dans les bénédictions qui vous furent si abondamment départies. Puissent les vains plaisirs que Ton goûte sous les tentes des pécheurs ne nous séduire jamais, l’humilité de la maison de Dieu avoir nos préférences sur toute grandeur mondaine. Si comme vous nous aimons la miséricorde et la vérité, le Seigneur nous donnera comme à vous la grâce et la gloire. Au souvenir des circonstances où s’accomplit votre fin bienheureuse, le peuple chrétien honore en vous un protecteur contre la mort subite et imprévue : gardez-nous dans le dernier passage ; que l’innocence de notre vie ou la pénitence en préparent l’issue fortunée ; que notre soupir final s’exhale, pareil au vôtre, dans l’espérance et l’amour 

 

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XXIVème Dimanche après la Pentecôte

7 Novembre 2021 , Rédigé par Ludovicus

XXIVème Dimanche après la Pentecôte

Introït

Moi, j’ai des pensées de paix et non d’affliction, dit le Seigneur ; vous m’invoquerez et je vous exaucerai, et je ramènerai vos captifs de tous les lieux. Vous avez béni, Seigneur, votre terre, vous ayez délivré Jacob de la captivité.

Collecte

Nous vous en supplions, Seigneur, gardez votre famille avec une constante bonté afin que celle qui s’appuie sur l’unique espérance de votre grâce céleste, soit toujours munie de votre protection.

Épitre Col. 3, 12-17

Mes frères : comme élus de Dieu, saints et bien-aimés, revêtez-vous d’entrailles de miséricorde, de bonté, d’humilité, de douceur, et patience, vous supportant les uns les autres et vous pardonnant réciproquement, si l’un a sujet de se plaindre de l’autre. Comme le Seigneur vous a pardonné, pardonnez-vous aussi. Mais surtout revêtez-vous de la charité, qui est le lien de la perfection. Et que la paix du Christ, à laquelle vous avez été appelés de manière à former un seul corps, règne dans vos cœurs ; soyez reconnaissants. Que la parole du Christ demeure en vous avec abondance, de telle sorte que vous vous instruisiez et vous avertissiez les uns les autres en toute sagesse : sous l’inspiration de la grâce que vos cœurs s’épanchent vers Dieu en chants, par des psaumes, par des hymnes, par des cantiques spirituels. Et quoi que ce soit que vous fassiez, en parole ou en œuvre, faites tout au nom du Seigneur Jésus, en rendant par lui des actions de grâces à Dieu le Père.

Évangile Mt. 13, 24-30

En ce temps là : Jésus proposa aux foules cette parabole : "Le royaume des cieux est semblable à un homme qui avait semé de bonne semence dans son champ. Or, pendant que les hommes dormaient, son ennemi vint et sema de l’ivraie au milieu du froment par dessus, et il s’en alla. Quand l’herbe eut poussé et donné son fruit, alors apparut aussi l’ivraie. Et les serviteurs du maître de maison vinrent lui dire : "Maître, n’avez-vous pas semé de bonne semence dans votre champ ? D’où (vient) donc qu’il s’y trouve de l’ivraie ?" Il leur dit : "C’est l'ennemi qui a fait cela." Les serviteurs lui disent : "Voulez-vous que nous allions la ramasser ?" Et il leur dit : "Non, de peur qu’en ramassant l’ivraie vous n’arrachiez aussi le froment. Laissez croître ensemble l’un et l’autre jusqu’à la moisson, et au temps de la moisson je dirai aux moissonneurs : Ramassez d’abord l’ivraie, et liez-la en bottes pour la brûler ; quant au froment, amassez-le dans mon grenier."

Secrète

Nous vous offrons, Seigneur, ces hosties de propitiation, afin que, dans votre miséricorde, vous nous pardonniez nos fautes et que vous dirigiez nos cœurs chancelants.

Communion

En vérité, je vous le dis, tout ce que vous demandez en priant, croyez que vous le recevrez et cela vous sera donné.

Postcommunion

Nous vous en supplions, Dieu tout-puissant, accordez-nous les faveurs dont, par ces mystères, nous avons reçu le gage.

Office

Au troisième nocturne.

Homélie de saint Augustin, évêque.

Septième leçon. Tandis que les chefs de l’Église se montraient négligents ou bien, si l’on préfère, lorsque les Apôtres se furent endormis du sommeil de la mort, le diable vint et il sema ceux que le Seigneur appelle les mauvais fils. Mais qui sont-ils ? Il y a lieu de le rechercher. Des hérétiques ou bien des mauvais catholiques ? Les hérétiques peuvent bien être dits aussi de mauvais fils, car nés de la même semence de l’Évangile, et procréés au nom du Christ, ils se sont laissé détourner par des opinions erronées vers de fausses doctrines.

Huitième leçon. Mais comme le Seigneur nous dit qu’ils ont été semés au milieu du blé, il semblerait bien qu’ils signifient ceux qui appartiennent à une même communion. D’autre part, le Seigneur interprète le champ comme étant non pas l’Église mais ce monde ; on peut aussi comprendre qu’il s’agit d’hérétiques car en ce monde, ils sont mêlés aux bons non pas dans la société d’une même Église ou dans celle d’une même foi, mais dans la société du seul nom chrétien. Quant à ceux qui, au sein d’une même foi, sont mauvais, il faut les regarder comme de la paille, plutôt que comme de l’ivraie, car la paille a la même souche que le blé et une racine commune.

Neuvième leçon. Dans ce filet également, où se trouvent capturés ensemble mauvais et bons poissons, il n’est pas absurde de reconnaître les mauvais catholiques. Autre chose est la mer qui signifie plutôt ce monde, autre chose le filet qui semble symboliser la communion d’une même foi, d’une même Église. Entre les hérétiques et les mauvais catholiques, il y a cette différence : les hérétiques croient des erreurs tandis que les autres, tout en croyant la vérité, ne vivent pas selon leur foi.

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Saint Charles Borromée évêque et confesseur mémoire des Saints Vital et Agricola Martyrs

4 Novembre 2021 , Rédigé par Ludovicus

Saint Charles Borromée évêque et confesseur mémoire des Saints Vital et Agricola Martyrs

Collecte

Daignez, Seigneur, garder continuellement votre Église sous la protection de saint Charles, votre Pontife et Confesseur ; et comme sa sollicitude pastorale l’a rendu glorieux, que son intercession nous obtienne d’être toujours fervents dans votre amour.

Office

Quatrième leçon. Charles naquit à Milan, de la noble famille des Borromée. Une lumière divine, qui brilla la nuit de sa naissance sur la chambre de sa mère, fit présager combien sa sainteté serait éclatante. Enrôlé dès son enfance dans la milice cléricale et pourvu quelque temps après d’une abbaye, il avertit son père de ne pas employer pour sa maison les revenus de ce’ bénéfice ; et lorsque l’administration lui en fut dévolue, il en distribua aux pauvres tout le superflu. La chasteté lui fut si chère, qu’il repoussa avec une invincible constance les femmes impudiques plusieurs fois envoyées pour lui faire perdre sa pureté. A vingt-trois ans, son oncle le Pape Pie IV l’ayant agrégé au Sacré Collège des Cardinaux, il s’y distingua par une piété insigne et par l’éclat de toutes les vertus. Bientôt après, le même Pape l’ayant fait Archevêque de Milan, il s’appliqua avec beaucoup de sollicitude à gouverner l’Église qui lui était confiée, selon les règles du concile de Trente, qui venait d’être terminé, grâce à lui surtout ; et pour réformer les mœurs déréglées de son peuple, outre qu’il assembla maintes fois des synodes, il montra dans sa personne un modèle d’éminente sainteté. Il travailla par-dessus tout à extirper l’hérésie du pays des Rhètes et des Suisses, dont il convertit un grand nombre à la foi chrétienne.

Cinquième leçon. La charité de cet homme de Dieu brilla tout particulièrement lorsqu’ayant vendu sa principauté d’Oria, il en donna aux pauvres, en un seul jour, tout le prix, qui était de quarante mille pièces d’or. Ce fut avec la même charité qu’il en distribua vingt mille qu’on lui avait léguées. Il renonça aux amples revenus ecclésiastiques dont il avait été comblé par son oncle, et n’en retint que ce qui lui était nécessaire pour lui-même et pour assister les indigents. Pour les nourrir pendant la peste qui ravagea Milan, il vendit tout le mobilier de sa maison, sans même se réserver un lit ; de sorte que, depuis, il coucha sur le plancher. Empressé à visiter ceux que le fléau atteignait, il les soulageait avec une affection de père, et, leur administrant lui-même les sacrements de l’Église, les consolait d’une façon merveilleuse. Pendant ce temps, pour se faire médiateur auprès de Dieu par de très humbles prières et pour détourner sa colère, il ordonna une procession publique : il y marcha la corde au cou, les pieds nus et ensanglantés par les pierres contre lesquelles il se heurtait, portant une croix et s’offrant lui-même comme victime pour les péchés de son peuple. Il fut un très énergique défenseur de la liberté de l’Église. Mais, comme il avait à cœur de rétablir la discipline, des séditieux lâchèrent contre lui, pendant qu’il était en prières, la roue d’une arquebuse ; le projectile l’ayant frappé, il ne dut qu’à la protection divine d’être préservé de tout mal.

Sixième leçon. Il était d’une abstinence étonnante ; jeûnait très souvent au pain et à l’eau, et, d’autres fois, se contentait de légumes. Il domptait son corps par les veilles, un cilice très dur, de fréquentes disciplines. L’humilité et la douceur lui étaient on ne peut plus chères. Il ne manqua jamais de se livrer à la prière et à la prédication de la parole de Dieu, quelque grandes occupations qu’il eût. Il bâtit beaucoup d’églises, des monastères et des collèges. Il a écrit plusieurs ouvrages très utiles, surtout pour l’instruction des Évêques, et c’est par ses soins que le catéchisme des curés a paru. Enfin, il se retira dans une solitude du mont Varale, où se trouvent des tableaux représentant au vif la passion de notre Seigneur. C’est là que, menant pendant quelques jours une vie rude par la mortification volontaire, mais douce par la méditation des souffrances de Jésus-Christ, il fut pris de la fièvre, et comme la maladie s’aggravait, il revint à Milan, où, sous la cendre et le cilice, les yeux attachés sur un crucifix, il partit pour le ciel, âgé de quarante-sept ans, le troisième jour des nones de novembre de l’année mil cinq cent quatre-vingt-quatre. Des miracles l’ayant illustré, le Souverain Pontife Paul V le mit au nombre des Saints.

 

Humilitas. A sa naissance au château d’Arona, Charles trouvait inscrit en chef de l’écu de famille ce mot couronné d’or. Parmi les pièces nombreuses du blason des Borromées, on disait de celle-ci qu’ils ne connaissaient l’humilité que dans leurs armes. Le temps était venu où l’énigmatique devise de la noble maison se justifierait dans son membre le plus illustre ; où, au faîte des grandeurs, un Borromée saurait vider de soi son cœur pour le remplir de Dieu : en sorte pourtant que, loin de renier la fierté de sa race, plus intrépide qu’aucun, cet humble éclipserait dans ses entreprises les hauts faits d’une longue suite d’aïeux. Nouvelle preuve que l’humilité ne déprime jamais. Charles atteignait à peine sa vingt-deuxième année, quand Pie IV, dont sa mère était la sœur, l’appelait au poste difficile qu’on nomme aujourd’hui la Secrétairerie d’État, et bientôt le créait cardinal, archevêque de Milan, semblait se complaire à entasser honneurs et responsabilités sur ses jeunes épaules. On était au lendemain du règne de Paul IV, si mal servi par une confiance pareille, que ses neveux, les Caraffa, y méritèrent le dernier supplice. Mais l’événement devait montrer que son doux successeur recevait en cela ses inspirations de l’Esprit-Saint, non de la chair et du sang.

Soixante ans déjà s’étaient écoulés de ce siècle de Luther qui fut si fatal au monde, et les ruines s’amoncelaient sans fin, tandis que chaque jour menaçait l’Église d’un danger nouveau. Les Protestants venaient d’imposer aux catholiques d’Allemagne le traité de Passau qui consacrait leur triomphe, et octroyait aux dissidents l’égalité avec la liberté. L’abdication de Charles-Quint découragé donnait l’empire à son frère Ferdinand, tandis que l’Espagne et ses immenses domaines des deux mondes allaient à Philippe II son fils ; or Ferdinand Ier inaugurait la coutume de se passer de Rome, en ceignant le diadème mis au front de Charlemagne par saint Léon III ; et Philippe, enserrant l’Italie par la possession de Naples au Sud, du Milanais au Nord, semblait à plusieurs une menace pour l’indépendance de Rome elle-même. L’Angleterre, un instant réconciliée sous Marie Tudor, était replongée par Élisabeth dans le schisme où elle demeure jusqu’à nos jours. Des rois enfants se succédaient sur le trône de saint Louis, et la régence de Catherine de Médicis livrait la France aux guerres de religion.

Telle était la situation politique que le ministre d’État de Pie IV avait mission d’enrayer, d’utiliser au mieux des intérêts du Siège apostolique et de l’Église. Charles n’hésita pas. Appelant la foi au secours de son inexpérience, il comprit qu’au déluge d’erreurs sous lequel le monde menaçait de périr, Rome se devait avant tout d’opposer comme digue l’intégrale vérité dont elle est la gardienne ; il se dit qu’en face d’une hérésie se parant du grand nom de Réforme et déchaînant toutes les passions, l’Église, qui sans cesse renouvelle sa jeunesse, aurait beau jeu de prendre occasion de l’attaque pour fortifier sa discipline, élever les mœurs de ses fils, manifester à tous les yeux son indéfectible sainteté. C’était la pensée qui déjà, sous Paul III et Jules III, avait amené la convocation du concile de Trente, inspiré ses décrets de définitions dogmatiques et de réformation. Mais le concile, deux fois interrompu, n’avait point achevé son œuvre, qui restait contestée. Depuis huit ans qu’elle demeurait suspendue, les difficultés d’une reprise ne faisaient que s’accroître, en raison des prétentions discordantes qu’affichaient à son sujet les princes. Tous les efforts du cardinal neveu se tournèrent à vaincre l’obstacle. Il y consacra ses jours et ses nuits, pénétrant de ses vues le Pontife suprême, inspirant son zèle aux nonces accrédités près des cours, rivalisant d’habileté autant que de fermeté avec les diplomates de carrière pour triompher des préjugés ou du mauvais vouloir des rois. Et quand, après deux ans donnés à ces négociations épineuses, les Pères de Trente se réunirent enfin, Charles apparut comme la providence et l’ange tutélaire de l’auguste assemblée ; elle lui dut son organisation matérielle, sa sécurité politique, la pleine indépendance de ses délibérations, leur continuité désormais ininterrompue. Retenu à Rome, il est l’intermédiaire du Pape et du concile. La confiance des légats présidents lui est vite acquise ; les archives pontificales en gardent la preuve : c’est à lui qu’ils recourent journellement, dans leurs sollicitudes et parfois leurs angoisses, comme au meilleur conseil, à l’appui le plus sûr.

Le Sage disait de la Sagesse : « A cause d’elle, ma jeunesse sera honorée des vieillards ; les princes admireront mes avis : si je me tais, ils attendront que je parle ; quand j’ouvrirai la bouche, ils m’écouteront attentifs, les mains sur leurs lèvres. » Ainsi en fut-il de Charles Borromée, à ce moment critique de l’histoire du monde ; et l’on comprend que la Sagesse divine qu’il écoutait si docilement, qui l’inspirait si pleinement, ait rendu son nom immortel dans la mémoire reconnaissante des peuples.

C’est de ce concile de Trente dont l’achèvement lui est dû, que Bossuet reconnaît, en sa. Défense de la trop fameuse Déclaration, qu’il ramena l’Église à la pureté de ses origines autant que le permettait l’iniquité des temps. Écoutons ce qu’à l’heure où les assises œcuméniques du Vatican venaient de s’ouvrir, l’évêque de Poitiers, le futur cardinal Pie, disait « de ce concile de Trente, qui, à meilleur titre que celui même de Nicée, a mérité d’être appelé le grand concile ; de ce concile dont il est juste d’affirmer que, depuis la création du monde, aucune assemblée d’hommes n’a réussi à introduire parmi les hommes une aussi grande perfection ; de ce concile dont on a pu dire que, comme un arbre de vie, il a pour toujours rendu à l’Église la vigueur de sa jeunesse. Plus de trois siècles se sont écoulés depuis qu’il termina ses travaux, et sa vertu curative et fortifiante n’a point cessé de se faire sentir. »

« Le concile de Trente est demeuré comme en permanence dans l’Église au moyen des congrégations romaines chargées d’en perpétuer l’application, ainsi que de procurer l’obéissance aux constitutions pontificales qui l’ont suivi et complété. » Charles inspira les mesures adoptées dans ce but par Pie IV, et au développement desquelles les Pontifes qui suivirent attachèrent leurs noms. La révision des livres liturgiques, la rédaction du Catéchisme romain l’eurent pour promoteur. Avant tout, et sur toutes choses, il fut l’exemplaire vivant delà discipline renouvelée, acquérant ainsi le droit de s’en montrer envers et contre tous l’infatigable zélateur. Rome, initiée par lui à la réforme salutaire où il convenait qu’elle précédât l’armée entière des chrétiens, se transforma en quelques mois. Les trois églises dédiées à saint Charles en ses murs, les nombreux autels qui portent son nom dans les autres sanctuaires de la cité reine, témoignent de la gratitude persévérante qu’elle lui a vouée.

Son administration cependant et son séjour n’y dépassèrent pas les six années du pontificat de Pie IV. A la mort de celui-ci, malgré les instances de saint Pie V, qu’il contribua plus que personne à lui donner pour successeur, Charles quitta Rome pour Milan où l’appelait son titre d’archevêque de cette ville. Depuis près d’un siècle, la grande cité lombarde ne connaissait guère que de nom ses pasteurs, et cet abandon l’avait, comme tant d’autres en ces temps, livrée au loup qui ravit et disperse le troupeau Notre Saint comprenait autrement le devoir de la charge des âmes. Il s’y donnera tout entier, sans ménagement de lui-même, sans nul souci des jugements humains, sans crainte des puissants. Traiter dans l’esprit de Jésus-Christ les intérêts de Jésus-Christ sera sa maxime, son programmées ordonnances édictées à Trente. L’épiscopat de saint Charles fut la mise en action du grand concile ; il resta comme sa forme vécue, son modèle d’application pratique en toute Église, la preuve aussi de son efficacité , la démonstration effective qu’il suffisait à toute réforme, qu’il pouvait sanctifier à lui seul pasteur et troupeau.

Nous eussions voulu donner mieux qu’un souvenir à ces Acta Ecclesiae Mediolanensis, pieusement rassemblés par des mains fidèles, et où notre Saint paraît si grand ! C’est là qu’à la suite des six conciles de sa province et des onze synodes diocésains qu’il présida, se déroule l’inépuisable série des mandements généraux ou spéciaux que lui dicta son zèle ; lettres pastorales, où brille le Mémorial sublime qui suivit la peste de Milan ; instructions sur la sainte Liturgie, la tenue des Églises, la prédication, l’administration des divers Sacrements, et entre lesquelles se détache l’instruction célèbre aux Confesseurs ; ordonnances concernant le for archiépiscopal, la chancellerie, les visites canoniques ; règlements pour la famille domestique de l’archevêque et ses vicaires ou officiers de tous rangs, pour les prêtres des paroisses et leurs réunions dans les conférences dont il introduisit l’usage, pour les Oblats qu’il avait fondés, les séminaires, les écoles, les confréries ; édits et décrets, tableaux enfin et formulaire universels. Véritable encyclopédie pastorale, dont l’ampleur grandiose ne laisse guère soupçonner la brièveté de cette existence terminée à quarante-six ans, ni les épreuves et les combats qui, semble-t-il, auraient dû l’absorber tout entière.

Successeur d’Ambroise, vous fûtes l’héritier de son zèle pour la maison de Dieu ; votre action fut puissante aussi dans l’Église ; et vos deux noms, à plus de mille ans d’intervalle, s’unissent dans une commune gloire. Puissent de même s’unir au pied du trône de Dieu vos prières, en faveur de nos temps amoindris ; puisse votre crédit au ciel nous obtenir des chefs dignes de continuer, de reprendre au besoin, votre œuvre sur terre ! Elle éclata de vos jours en pleine évidence, cette parole des saints Livres : Tel le chef de la cité, tels sent les habitants. Et cette autre non moins : J’enivrerai de grâce les âmes sacerdotales, et mon peuple sera rempli de mes biens, dit le Seigneur.

Combien justement vous disiez, ô Charles : « Jamais Israël n’entendit pire menace que celle-ci : Lex peribit a sacerdote. Prêtres, instruments divins, desquels dépend le bonheur du monde : leur abondance est la richesse de tous ; leur nullité, le malheur des nations. » Et lorsque, du milieu de vos prêtres convoqués en synode, vous passiez à l’auguste assemblée des dix-sept pontifes, vos suffragants ; réunis en concile, votre voix se faisait, s’il se peut, plus forte encore : « Craignons que le Juge irrité ne nous dise : Si vous étiez les éclaireurs de mon Église, pourquoi donc fermiez-vous les yeux ? Si vous vous prétendiez les pasteurs du troupeau, pourquoi l’avez-vous laissé s’égarer ? Sel de la terre, vous vous êtes affadis. Lumière du monde, ceux qui étaient assis dans les ténèbres et dans l’ombre de la mort n’ont point vu vos rayons. Vous étiez Apôtres ; mais qui donc éprouva votre vigueur apostolique, vous qui jamais n’avez rien fait que pour complaire aux hommes ? Vous étiez la bouche du Seigneur, et l’avez rendue muette. Si votre excuse doit être que le fardeau dépassait vos forces, pourquoi fut-il l’objet de vos brigues ambitieuses ? »

Mais, par la grâce du Seigneur Dieu bénissant votre zèle pour l’amendement des brebis comme des agneaux, vous pouviez ajouter, ô Charles : « Province de Milan, reprends espoir. Voici que, venus à toi, tes pères se sont rassemblés dans le but de guérir tes maux ; ils n’ont plus d’autre souci que de te voir porter des fruits de salut, multipliant à cette fin leurs efforts communs. »

Mes petits enfants que j’enfante de nouveau, jusqu’à ce que le Christ soit formé en vous ! C’est l’aspiration de l’Épouse, le cri qui ne cessera qu’au ciel : et synodes, visites, réformation, décrets concernant prédication, gouvernement, ministère, ne sont à vos yeux que la manifestation de cet unique désir de l’Église, la traduction du cri de la Mère en travail de ses fils.

Daignez, bienheureux Pontife, ranimer en tous lieux l’amour de cette discipline sainte, où la sollicitude pastorale qui vous rendit glorieux trouva le secret de sa fécondité merveilleuse. Il peut suffire aux simples fidèles de n’ignorer point que parmi les trésors de l’Église leur Mère existe, à côté de la doctrine et des Sacrements, un corps de droit incomparable, œuvre des siècles, objet de légitime fierté pour tous ses fils dont il protège les privilèges divins ; mais le clerc, qui se voue à l’Église, ne saurait la servir utilement sans l’étude approfondie, persévérante, qui lui donnera l’intelligence du détail de ses lois ; mais fidèles et clercs doivent supplier Dieu que le malheur des temps ne mette plus obstacle à la tenue par nos chefs vénérés de ces assemblées conciliaires et synodales prescrites à Trente, magnifiquement observées par vous, ô Charles, qui fîtes l’expérience de leur vertu pour sauver la terre. Veuille le ciel exaucer en votre considération notre prière, et nous pourrons redire avec vous à l’Église : « O bénigne Mère, ne pleurez plus ; vos peines seront récompensées, vos fils vous reviendront de la contrée ennemie. Et moi, dit le Seigneur, j’enivrerai de grâce les âmes sacerdotales, et mon peuple sera rempli de mes biens. »

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Commémoraison de tous les Fidèles défunts

2 Novembre 2021 , Rédigé par Ludovicus

Commémoraison de tous les Fidèles défunts

Collecte

O Dieu, Créateur et Rédempteur de tous les fidèles, accordez aux âmes de vos serviteurs et de vos servantes la rémission de tous leurs péchés, afin qu’elles obtiennent, par nos humbles prières, le pardon qu’elles ont toujours désiré. Vous qui vivez.

Séquence

Dies iræ, dies illa,
Solvet sæclum in favílla :
Teste David cum Sibýlla.
Jour de colère que ce jour-là,
qui réduira en cendre le monde,
selon l’oracle de David et de la Sibylle.
Quantus tremor est futúrus,
Quando iudex est ventúrus,
Cuncta stricte discussúrus.
Quelle terreur,
quand le juge viendra
pour tout examiner avec rigueur !
Tuba mirum spargens sonum
Per sepúlcra regiónum,
Coget omnes ante thronum.
La trompette jetant ses notes stupéfiantes
parmi les tombeaux
assemblera tous les hommes devant le trône.
Mors stupébit et natúra,
Cum resúrget creatúra,
Iudicánti responsúra.
La mort et la nature seront stupéfaites,
quand surgira la créature,
pour répondre au jugement.
Liber scriptus proferétur,
In quo totum continétur,
Unde mundus iudicétur.
On présentera le livre
où est écrit et renfermé
tout l’objet du jugement.
Iudex ergo cum sedébit.
Quidquid latet apparébit :
Nil inúltum remanébit.
Quand le juge siégera,
tout ce qui est caché apparaîtra,
rien ne restera impuni.
Quid sum miser tunc dictúrus ?
Quem patrónum rogatúrus,
Cum vix iustus sit secúrus ?
Malheureux, que dirai-je alors ?
Quel avocat vais-je implorer,
quand le juste à peine sera en sûreté ?
Rex treméndæ maiestátis,
Qui salvándos salvas gratis,
Salva me, fons pietátis.
Roi d’une majesté redoutable,
qui sauvez gratuitement vos élus,
sauvez-moi, Source de bonté.
Recordáre, Iesu pie,
Quod sum causa tuæ viæ :
Ne me perdas illa die.
Souvenez-vous, ô bon Jésus,
que vous êtes venu pour moi,
ne me perdez pas en ce jour.
Quærens me, sedésti lassus :
Redemísti crucem passus :
Tantus labor non sit cassus.
À me chercher, vous vous êtes fatigué.
Vous m’avez racheté, en souffrant la Croix.
Que tant d’efforts ne soient pas vains.
Iuste iudex ultiónis,
Donum fac remissiónis
Ante diem ratiónis.
Juge juste, en vos vengeances,
accordez-moi grâce et pardon
avant le jour des comptes.
Ingemísco, tamquam reus :
Culpa rubet vultus meus :
supplicánti parce, Deus.
Je gémis comme un coupable :
Mes fautes font rougir mon front,
je vous supplie, épargnez-moi.
Qui Maríam absolvísti,
Et latrónem exaudísti,
Mihi quoque spem dedísti.
Vous avez absous Marie-Madeleine,
et exaucé le larron,
à moi aussi, donnez l’espérance.
Preces meæ non sunt dignæ :
Sed tu bonus fac benigne,
Ne perénni cremer igne.
Mes prières ne sont pas dignes.
Mais vous qui êtes bon, faites, de grâce,
que je ne brûle pas au feu éternel.
Inter oves locum præsta,
Et ab hædis me sequéstra,
Státuens in parte dextra.
Placez-moi parmi les brebis,
séparez-moi des béliers,
en me mettant à droite.
Confutátis maledictis,
Flammis ácribus addíctis :
Voca me cum benedictis.
En confondant les maudits,
voués aux flammes éternelles,
appelez-moi avec les bénis.
Oro supplex et acclínis,
Cor contrítum quasi cinis :
Gere curam mei finis.
Je prie suppliant et prosterné,
le cœur broyé comme cendre,
prenez soin de ma destinée.
Lacrimósa dies illa,
Qua resúrget ex favílla.
Iudicándus homo reus :
Huic ergo parce Deus :
O jour de larmes,
où l’homme coupable ressuscitera
de la poussière pour être jugé.
Mais vous, ô Dieu, pardonnez-lui.
Pie Iesu Dómine,
Dona eis réquiem. Amen.
Doux Jésus, Seigneur,
donnez-leur le repos. Ainsi soit-il.

Offertoire

Seigneur Jésus-Christ, Roi de gloire, délivrez les âmes de tous les fidèles défunts des peines de l’enfer, et du lac profond ; délivrez-les de la gueule du lion ; que l’abîme ne les engloutisse pas, qu’elles ne tombent pas dans les ténèbres, mais que le porte-enseigne saint Michel les introduise dans la sainte lumière, Qu’autrefois à Abraham vous avez promise et à sa postérité.

Secrète

Considérez, nous vous en supplions, Seigneur, en agréant ce sacrifice propitiatoire, les hosties que nous vous offrons pour les âmes de vos serviteurs et de vos servantes ; afin qu’après leur avoir accordé le mérite de la foi chrétienne, vous leur en donniez la récompense.

Office

AU PREMIER NOCTURNE.
Job 7, 16-21.
Première leçon. Épargnez-moi, Seigneur ; car mes jours ne sont rien. Qu’est-ce qu’un homme pour que vous fassiez un si grand cas de lui ? ou pourquoi mettez-vous sur lui votre cœur ? Vous le visitez au point du jour, et aussitôt vous l’éprouvez ; jusques à quand ne m’épargnerez-vous point, et ne me laisserez-vous pas avaler ma salive ? J’ai péché, que ferai-je pour vous, ô gardien des hommes ? Pourquoi m’avez-vous mis en opposition avec vous et suis-je à charge à moi-même ? Pourquoi n’ôtez-vous point mon péché, et pourquoi n’enlevez-vous pas mon iniquité ? Voilà que maintenant je dormirai dans la poussière, et, si vous me cherchez dès le matin, je ne serai plus.
Job 14, 1-6.
Deuxième leçon. L’homme né d’une femme, vivant peu de temps, est rempli de beaucoup de misères. Comme une fleur, il s’élève et il est brisé ; et il fuit comme l’ombre, et jamais il ne demeure dans un même état. Et vous croyez, ô Dieu, qu’il soit digne de vous d’ouvrir les yeux sur un tel être, et de l’appeler avec vous en jugement ? Qui peut rendre pur celui qui a été conçu d’un sang impur ? N’est-ce pas vous, qui seul êtes pur ? Les jours de l’homme sont courts ; le nombre de ses mois est en vos mains-vous avez marqué son terme, lequel ne pourra être dépassé. Retirez-vous un peu de lui, afin qu’il se repose, jusqu’à ce que vienne, comme pour un mercenaire, son jour désiré.

Job 19, 20-27.
Troisième leçon. A ma peau, après que ma chair a été consumée.se sont collés mes os, et il n’est resté seulement que les lèvres autour de mes dents. Ayez pitié de moi, ayez pitié de moi, vous du moins, mes amis, parce que la main du Seigneur m’a touché. Pourquoi me persécutez-vous comme Dieu.et vous rassasiez-vous de ma chair ? Qui m’accordera que mes paroles soient écrites ?Qui me donnera qu’elles soient tracées dans un livre avec un stylet de fer et sur une lame de plomb, ou qu’elles soient gravées au burin sur la pierre ? Car je sais que mon Rédempteur est vivant, et qu’au dernier jour, je ressusciterai de la terre ; et que de nouveau je serai environné de ma peau, et que dans ma chair je verrai mon Dieu. Je dois le voir moi-même, et non un autre, et mes yeux doivent le contempler : c’est là mon espérance, elle repose dans mon sein.
 

AU DEUXIÈME NOCTURNE.

Du livre de Saint Augustin, évêque : « Des devoirs à rendre aux morts ».
Quatrième leçon. Le soin des funérailles, les conditions honorables de la sépulture, la pompe des obsèques, sont plutôt une consolation pour les vivants qu’un secours pour les morts. Toutefois, ce n’est point là un motif de mépriser et de dédaigner les corps des défunts, surtout ceux des justes et des fidèles, qui ont été comme les instruments et les vases dont l’âme s’est saintement servie pour toutes sortes de bonnes œuvres. Si le vêtement et l’anneau d’un père, si quelque autre souvenir de ce genre, reste d’autant plus cher à des enfants que leur affection envers leurs parents est plus grande.il ne faut en aucune manière traiter sans respect le corps lui-même, que nous portons plus intimement et plus étroitement uni à nous que n’importe quel vêtement. Nos corps, en effet, ne nous sont pas un simple ornement ou un instrument mis extérieurement à notre usage, mais ils appartiennent à la nature même de l’homme. De là vient qu’une piété légitime s’est empressée de rendre aux anciens justes les soins funèbres, de célébrer leurs obsèques et de pourvoir à leur sépulture, et qu’eux-mêmes ont souvent, pendant leur vie, fait des recommandations à leurs fils au sujet de la sépulture ou même de la translation de leur corps.
Cinquième leçon. Quand les fidèles témoignent aux défunts l’affection d’un cœur qui se souvient et qui prie, leur action est sans nul doute profitable à ceux qui ont mérité, quand ils vivaient en leur corps, que de semblables suffrages leur soient utiles après cette vie. Mais lors même qu’en raison de quelque nécessité, l’on ne trouve point moyen, soit d’inhumer des corps, soit de les inhumer en quelque lieu saint, encore faut-il ne pas omettre d’offrir des supplications pour les âmes des morts. C’est ce que l’Église a entrepris de faire à l’intention de tous les chrétiens décèdes dans la communion de la société chrétienne, et même sans citer leurs noms, par une commémoraison générale, en sorte que ceux auxquels font défaut les prières de parents, d’enfants, de proches ou d’amis, reçoivent ce secours de cette pieuse mère, qui est une et commune à tous les-fidèles. Si ces supplications qui se font pour les morts avec foi droite et piété venaient à manquer, je pense qu’il n’y aurait pour les âmes aucune utilité à ce que leurs corps privés de vie fussent placés en n’importe quel lieu saint.
Sixième leçon. Cela étant, soyons bien persuadés que, dans les solennités funéraires, nous ne pouvons faire parvenir du soulagement aux morts auxquels nous nous intéressons, que si nous offrons pour eux au Seigneur le sacrifice de l’autel, celui de la prière ou de l’aumône. Il est vrai que ces supplications ne sont pas utiles à tous ceux pour lesquels elles se font, mais seulement à ceux qui, au temps de leur vie, ont mérité de se les voir appliquées. Mais il vaut mieux offrir des suffrages superflus pour des défunts à qui ils ne peuvent ni nuire ni profiter, que d’en laisser manquer ceux auxquels ils sont utiles. Chacun cependant s’empresse de s’acquitter avec ferveur de ce tribut de prières pour ses parents et ses amis, afin que les siens en fassent autant pour lui-même. Quant à ce qu’on fait pour le corps qui doit être inhumé, il n’en résulte point de secours pour le salut du défunt, mais c’est un témoignage humain de respect ou d’affection, conforme au sentiment selon lequel personne ne hait sa propre chair. Il faut donc prendre lesoin que l’on peut de l’enveloppe de chair laissée par un de nos proches, quand lui-même, qui en prenait soin, l’aura quittée. Et si ceux qui ne croient pas à la résurrection de la chair agissent ainsi, combien ceux qui croient ne doivent-ils pas faire davantage, afin que les derniers devoirs soient rendus de telle manière à ce corps mort, mais destiné à ressusciter et à demeurer éternellement, qu’on y trouve même, en quelque sorte, un témoignage de cette foi.
 

AU TROISIÈME NOCTURNE.
De l’Épitre de l’Apôtre S. Paul aux Corinthiens.
Septième leçon. Si on prêche que le Christ est ressuscité d’entre les morts, comment quelques-uns disent-ils parmi vous qu’il n’y a point de résurrection des morts ? Or, s’il n’y a point de résurrection des morts, le Christ n’est pas ressuscité. Et si le Christ n’est point ressuscité, notre prédication est donc vaine, et vaine est aussi votre foi. Nous nous trouvons même être de faux témoins à l’égard de Dieu, puisque nous rendons ce témoignage contre Dieu, qu’il a ressuscité le Christ, qu’il n’a pourtant pas ressuscité, si les morts ne ressuscitent point. Car, si les morts ne ressuscitent point, le Christ non plus n’est pas ressuscité. Que si le Christ n’est pas ressuscité, votre foi est vaine ; vous êtes encore dans vos péchés. Donc ceux aussi qui se sont endormis dans le Christ ont péri. Si c’est pour cette vie seulement que nous espérons dans le Christ, nous sommes les plus malheureux de tous les hommes. Mais très certainement le Christ est ressuscité d’entre les morts, comme prémices de ceux qui dorment ; car par un homme est venue la mort, et par un homme la résurrection des morts. Et comme tous meurent en Adam, tous revivront aussi dans le Christ.
Huitième leçon. Mais, dira quelqu’un, comment les morts ressuscitent-ils ? Ou avec quel corps reviendront-ils ? Insensé, ce que tu sèmes n’est point vivifié, si auparavant il ne meurt. Et ce que tu sèmes n’est pas le corps même qui doit venir, mais une simple graine, comme de blé, ou de quelque autre chose. Mais Dieu lui donne un corps, comme il veut, de même qu’il donne à chaque semence son corps propre. Toute chair n’est pas la même chair ; mais autre est celle des hommes, autre celle des brebis, autre celle des oiseaux, autre celle des poissons. Il y a aussi des corps célestes et des corps terrestres ; mais autre est la gloire des célestes, autre celle des terrestres. Autre est la clarté du soleil, autre la clarté de la lune, autre la clarté des étoiles. Une étoile même diffère d’une autre étoile en clarté. Ainsi est la résurrection des morts. Le corps est semé dans la corruption, il ressuscitera dans l’incorruptibilité. Il est semé dans l’abjection, il ressuscitera dans la gloire ; il est semé dans la faiblesse, il ressuscitera dans la force. Il est semé corps animal, il ressuscitera corps spirituel.
Neuvième leçon. Voici que je vais vous dire un mystère. Nous ressusciterons bien tous, mais nous ne serons pas tous changés. En un moment, en un clin d’œil, au son de la dernière trompette ; car la trompette sonnera, et les morts ressusciteront incorruptibles, et nous, nous serons changés. Puisqu’il faut que ce corps corruptible revête l’incorruptibilité, et que ce corps mortel revête l’immortalité. Et quand ce corps mortel aura revêtu l’immortalité, alors sera accomplie cette parole qui est écrite : La mort a été absorbée dans sa victoire. O mort, où est ta victoire ? Où est, ô mort, ton aiguillon ? Or l’aiguillon de la mort, c’est le péché ; et la force du péché, la loi. Ainsi, grâces à Dieu qui nous a donné la victoire par notre Seigneur Jésus-Christ ! C’est pourquoi, mes frères bien-aimés, soyez fermes et inébranlables, vous appliquant toujours de plus en plus à l’œuvre du Seigneur, sachant que votre travail n’est pas vain dans le Seigneur.
 

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Fête de Tous les Saints

1 Novembre 2021 , Rédigé par Ludovicus

 Fête de Tous les Saints

Introït

Réjouissons-nous ensemble dans le Seigneur, car la fête que nous célébrons aujourd’hui est celle de tous les Saints. Cette solennité réjouit les Anges et tous en chœur louent le Fils de Dieu. Justes, exultez dans le Seigneur : aux cœurs droits convient sa louange. Alléluia.

Collecte

Dieu tout-puissant et éternel, qui nous avez accordé de célébrer dans une même solennité les mérites de tous vos Saints ; faites, nous vous en prions, que nos intercesseurs étant multipliés, une abondante effusion de vos miséricordes, objet de nos désirs, nous vienne de votre munificence.

Épitre Ap. 7, 2-12

En ces jours-là : Voici que moi, Jean, je vis un autre Ange, qui montait du côté du soleil levant, ayant le sceau du Dieu vivant ; et il cria d’une voix forte aux quatre anges auxquels il avait été donné de nuire à la terre et à la mer ; et il dit : Ne nuisez point à la terre, ni à la mer, ni aux arbres, jusqu’à ce que nous ayons marqué du sceau le front des serviteurs de notre Dieu. Et j’entendis le nombre de ceux qui avaient été marqués du sceau : cent quarante-quatre mille, de toutes les tribus des enfants d’Israël, étaient marqués du sceau. De la tribu de Juda, douze mille étaient marqués du sceau ; de la tribu de Ruben, douze mille ; de la tribu de Gad, douze mille ; de la tribu d’Azer, douze mille ; de la tribu de Nephthali, douze mille ; de la tribu de Manassé, douze mille ; de la tribu de Siméon, douze mille ; de la tribu de Lévi, douze mille ; de la tribu d’Issachar, douze mille ; de la tribu de Zabulon, douze mille ; de la tribu de Joseph, douze mille ; de la tribu de Benjamin, douze mille étaient marqués du sceau. Après cela, je vis une grande multitude, que personne ne pouvait compter, de toute nation, de toute tribu, de tout peuple, et de toute langue ; ils se tenaient devant le trône et en face de l’Agneau, vêtus de robes blanches, et ils avaient des palmes dans leurs mains. Et ils criaient d’une voix forte, et disaient : Le salut est à notre Dieu, qui est assis sur le trône, et à l’Agneau. Et tous les Anges se tenaient autour du trône, et des vieillards, et des quatre animaux ; et ils se prosternèrent devant le trône sur leurs visages, et adorèrent Dieu, en disant : Amen. Bénédiction, gloire, sagesse, action de grâces, honneur, puissance et force à notre Dieu dans tous les siècles des siècles. Amen.

Évangile Mt. 5, 1-12

En ce temps-là : Jésus, voyant les foules, monta sur la montagne, et lorsqu’il se fut assis, ses disciples s’approchèrent de lui. Alors, prenant la parole, il se mit à les enseigner, en disant : "Heureux les pauvres en esprit, car le royaume des cieux est à eux ! Heureux ceux qui sont affligés, car ils seront consolés !

Heureux ceux qui sont doux, car ils posséderont la terre !

Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés !

Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde !

Heureux ceux qui ont le cœur pur, car ils verront Dieu ! Heureux les pacifiques, car ils seront appelés enfants de Dieu !

Heureux ceux qui souffrent persécution pour la justice, car le royaume des cieux est à eux !

Heureux serez-vous, lorsqu’on vous insultera, qu’on vous persécutera, et qu’on dira faussement toute sorte de mal contre vous, à cause de moi.

Réjouissez-vous et soyez dans l’allégresse, parce que votre récompense est grande dans les cieux.

Offertoire

Les âmes des Justes sont dans la main de Dieu, et le tourment de la mort ne les touchera pas ; aux yeux des insensés, ils ont paru mourir, cependant ils sont en paix, alléluia.

Postcommunion

Donnez, nous vous en supplions, Seigneur, au peuple des fidèles, d’avoir toujours la joie d’honorer vos Saints et la protection qui résulte de leur incessante prière.

Office

AU PREMIER NOCTURNE.

Du livre de l’Apocalypse de l’Apôtre saint Jean.

Première leçon. 4, 2-8. Je vis un trône placé dans le ciel, et quelqu’un assis sur le trône. Celui qui était assis paraissait semblable à une pierre de jaspe et de sardoine ; et il y avait autour du trône un arc-en-ciel semblable à une émeraude. Autour du trône étaient encore vingt-quatre trônes, et sur les trônes vingt-quatre vieillards assis, revêtus d’habits blancs, et sur leurs têtes des couronnes d’or. Et du trône sortaient des éclairs, des voix et des tonnerres ; et il y avait devant le trône sept lampes ardentes, qui sont les sept esprits de Dieu. Et devant le trône, comme une mer de verre semblable à du cristal; et au milieu du trône, et autour du trône, quatre animaux pleins d’yeux devant et derrière. Le premier animal ressemblait à un lion, le second à un veau, le troisième avait un visage comme celui d’un homme, et le quatrième était semblable à un aigle qui vole. Ces quatre animaux avaient chacun six ailes, et autour et au dedans ils étaient pleins d’yeux ; et ils ne se donnaient du repos ni jour ni nuit, disant : Saint, saint, saint est le Seigneur, Dieu tout-puissant, qui était, qui est, et qui doit venir.
Deuxième leçon. 5, 1-8. Je vis ensuite, dans la main droite de celui qui était assis sur le trône, un livre écrit dedans et dehors, scellé de sept sceaux. Je vis encore un Ange fort, qui criait d’une voix forte : Qui est digne d’ouvrir le livre, et d’en délier les sceaux ? Et nul ne pouvait ni dans le ciel, ni sur la terre, ni sous la terre, ouvrir le livre, ni le regarder. Et moi je pleurais beaucoup, de ce que personne ne s’était trouvé digne d’ouvrir le livre ni de le regarder. Mais l’un des vieillards me dit : Ne pleure point ; voici le lion de la tribu de Juda, la racine de David, qui a obtenu par sa victoire d’ouvrir le livre et d’en délier les sept sceaux. Et je regardai, et voilà au milieu des vieillards, un Agneau debout, comme immolé, ayant sept cornes et sept yeux, qui sont les sept esprits de Dieu envoyés par toute la terre. Et il vint, et prit le livre de la main droite de celui qui était assis sur le trône. Et lorsqu’il eut ouvert le livre, les quatre animaux et les vingt-quatre vieillards tombèrent devant l’Agneau, ayant chacun des harpes et des coupes pleines de parfums, qui sont les prières des saints.
Troisième leçon. 5, 9-14. Ils chantaient un cantique nouveau, disant : Vous êtes digne, Seigneur, de recevoir le livre et d’en ouvrir les sceaux, parce que vous avez été mis à mort, et que vous nous avez rachetés pour Dieu par votre sang, de toute tribu, de toute langue, de tout peuple et de toute nation. Et vous avez fait de nous un royaume et des prêtres pour notre Dieu ; et nous régnerons sur la terre. Je regardai encore, et j’entendis autour du trône, et des animaux, et des vieillards, la voix de beaucoup d’Anges ; leur nombre était des milliers de milliers qui disaient d’une voix forte : II est digne, l’Agneau qui a été immolé de recevoir la vertu, la divinité, la sagesse, la force, l’honneur, la gloire et la bénédiction. Et j’entendis toutes les créatures qui sont dans le ciel, sur la terre, sous la terre, et celles qui sont sur la mer et en elle ; je les entendis tous disant : A celui qui est assis sur le trône et à l’Agneau, bénédiction, honneur, gloire et puissance dans les siècles des siècles ! Et les quatre animaux disaient : Amen. Et les vingt-quatre vieillards tombèrent sur leurs faces, et adorèrent celui qui vit dans les siècles.

AU DEUXIÈME NOCTURNE.

Sermon de saint Béde le Vénérable, Prêtre.

Quatrième leçon. Aujourd’hui, bien-aimés frères, nous célébrons, dans l’allégresse d’une solennité commune, la fête de tous les Saints. Leur société réjouit les cieux, leur protection console la terre, leur triomphe couronne la sainte Église. Plus 1a profession de leur foi a été ferme dans les tourments, plus ils ont d’éclat dans la gloire. Car la violence du combat s’augmentant, l’honneur des combattants s’est aussi accru. Les diverses tortures du martyre rehaussent le triomphe, et des souffrances plus affreuses ont procuré de plus délicieuses récompenses. Notre mère l’Église catholique, répandue au loin dans tout l’univers, à qui Jésus-Christ, son chef, apprit par son exemple à ne craindre ni les outrages, ni les croix, ni la mort, s’est de plus en plus fortifiée, non par la résistance, mais par la patience. Pour encourager toutes ces légions d’illustres athlètes, jetés en prison comme des criminels, et pour les animer tous à soutenir le combat avec la même ardeur et un courage égal, elle leur a inspiré la sainte ambition d’un glorieux triomphe.
Cinquième leçon. Heureuse en vérité, l’Église notre mère, d’être ainsi honorée des marques éclatantes de la miséricorde divine, empourprée du noble sang des Martyrs victorieux, parée du vêtement blanc de l’inviolable fidélité des Vierges ! Ni les roses, ni les lis ne manquent parmi ses fleurs. Et maintenant, très chers frères, que chacun de nous s’efforce d’acquérir la plus ample provision de titres à ces deux sortes d’honneurs, et de mériter, ou la couronne blanche de la virginité ou la couronne pourpre du martyre. Car, dans la milice des cieux, le repos et la lutte ont leurs fleurs pour couronner les soldats du Christ.
Sixième leçon. L’immense et ineffable bonté de Dieu a même eu soin de ne pas prolonger le temps des travaux et du combat, et de ne le faire ni long, ni éternel, mais court, et pour ainsi dire, d’un moment. Elle a voulu que les combats et les travaux fussent pour cette vie passagère et vite écoulée ; les couronnes et les récompenses du mérite, pour la vie éternelle ; que les travaux finissent promptement, que la récompense des mérites durât toujours ; qu’après les ténèbres de ce monde, il fût donné aux Saints de jouir de la plus resplendissante lumière, et de posséder une béatitude plus grande que le cruel excès de toutes les souffrances. Et voilà ce qu’attesté l’Apôtre quand il dit : « Les souffrances du temps n’ont aucune proportion avec la gloire qui doit un jour éclater en nous. »
 

AU TROISIÈME NOCTURNE.

Homélie de saint Augustin, Évêque.

Septième leçon. Si l’on demande ce que signifie la montagne, on peut bien dire qu’elle signifie des préceptes de justice plus élevés, parce que ceux qui avaient été donnés aux Juifs étaient inférieurs. C’est toutefois le même Dieu qui, réglant avec un ordre admirable l’économie des temps, a donné, par ses saints Prophètes et par ses autres serviteurs, des préceptes moins parfaits à un peuple qu’il fallait encore contenir au moyen de la crainte, et, par son Fils, des préceptes plus parfaits, à un peuple qu’il convenait d’affranchir au moyen de la charité. Si de moindres commandements sont donnés à des âmes moins parfaites, et de plus grands à de plus parfaites ils sont toujours donnés par Celui qui est le seul à bien savoir fournir au genre humain le remède approprié à la diversité de ses besoins.
Huitième leçon. Et il ne faut pas s’étonner que le même Dieu, créateur du ciel et de la terre, donne, en vue du royaume des cieux, de plus grands préceptes, après en avoir donné de moindres pour celui de la terre. C’est de cette justice plus grande, que le Prophète a dit : « Votre justice est comme les montagnes de Dieu. » Et c’est ce que figure très bien la montagne où cette justice est enseignée par l’unique et seul Maître capable d’enseigner des choses si sublimes. Or il enseigne étant assis, ce qui appartient à la dignité du magistère. Et ses disciples s’approchent de lui : rapprochés de Jésus par la volonté d’accomplir ses préceptes, il fallait bien qu’ils fussent aussi plus près pour entendre ses paroles. « Et ouvrant sa bouche, il les instruisait, disant. » Cette périphrase de l’écrivain sacré : « Et ouvrant sa bouche, » semble avertir, en retardant son début, que le discours doit avoir une certaine étendue. A moins encore que ce ne soit pour rappeler que celui qui ouvre en ce moment la bouche, a lui-même ouvert, dans l’ancien Testament, .la bouche des Prophètes.
Neuvième leçon. Or, que dit-il ? « Bienheureux les pauvres d’esprit, parce qu’à eux appartient le royaume des cieux. » Nous lisons dans l’Écriture, au sujet de la convoitise des biens temporels : « Tout est vanité et présomption d’esprit. » Présomption d’esprit veut dire orgueil et arrogance. On dit même vulgairement des superbes qu’ils ont de l’enflure d’esprit, et avec raison, puisque le vent est aussi appelé esprit ou souffle, comme nous le voyons dans ce verset d’un Psaume : « Feu, grêle, neige, glace, souffles des tempêtes. » Qui ne sait qu’on appelle les orgueilleux des gens bouffis, comme qui dirait gonflés de vent ? De là encore ce mot de l’Apôtre : « La science enfle, mais la charité édifie. » C’est pourquoi par ces pauvres en esprit, sont justement désignés ceux qui sont humbles et qui craignent Dieu, c’est-à-dire qui n’ont point en eux cet esprit d’enflure.

ÉPÎTRE.

Une première fois, aux jours de son premier avènement, l’Homme-Dieu, se servant pour cela de César Auguste, avait dénombré la terre : il convenait qu’au début de la rédemption, fût relevé officiellement l’état du monde. Et maintenant, l’heure a sonné d’un autre recensement, qui doit consigner au livre de vie le résultat des opérations du salut. « Pourquoi ce dénombrement du monde au moment de la naissance du Seigneur, dit saint Grégoire en l’une des Homélies de Noël, si ce n’est pour nous faire comprendre que dans la chair apparaissait Celui qui devait enregistrer les élus dans l’éternité ? » Mais plusieurs s’étant soustraits par leur faute au bénéfice du premier recensement, qui comprenait tous les hommes dans le rachat du Dieu Sauveur, il en fallait un deuxième et définitif, qui retranchât de l’universalité du précédent les coupables. Qu’ils soient rayés du livre des vivants ; leur place n’est point avec les justes : c’est la parole du Prophète-roi que rappelle au même lieu le saint Pape.

Toute à l’allégresse cependant, l’Église en ce jour ne considère que les élus ; comme c’est d’eux seuls qu’il est question dans le relevé solennel où nous venons de voir aboutir les annales de l’humanité. Eux seuls, par le fait, comptent devant Dieu ; les réprouvés ne sont que le déchet d’un monde où seule la sainteté répond aux avances du Créateur, aux mises de l’amour infini. Sachons prêter nos âmes à la frappe divine qui doit les conformer à l’effigie du Fils unique, et nous marquer pour le trésor de Dieu. Quiconque se dérobe à l’empreinte sacrée, n’évitera point celle de la bête ; au jour où les Anges arrêteront le règlement de compte éternel, toute pièce non susceptible d’être portée à l’actif divin ira d’elle-même à la fournaise, où brûleront sans fin les scories.

ÉVANGILE.

Si proche du ciel est aujourd’hui la terre, qu’une même pensée de félicité emplit les cœurs. L’Ami, l’Époux, le divin Frère des fils d’Adam revient lui-même s’asseoir au milieu d’eux et parler de bonheur. Venez à moi, vous tous qui peinez et souffrez, chantait tout à l’heure le Verset de l’Alléluia, cet écho fortuné de la patrie, qui pourtant nous rappelait notre exil. Et aussitôt, en l’Évangile, est apparue la grâce et la bénignité de notre Dieu Sauveur. Écoutons-le nous enseigner les voies de la bienheureuse espérance, les délices saintes, à la fois garantie, avant-goût, du bonheur absolu des cieux.

Au Sinaï, Jéhovah, tenant le Juif à distance, n’avait pour lui que préceptes et menaces de mort. Au sommet de cette autre montagne où s’est assis le Fils de Dieu, combien différemment se promulgue la loi d’amour ! Les huit Béatitudes ont pris en tête du Testament nouveau la place qu’occupait, comme préface de l’ancien, le Décalogue gravé sur la pierre.

Non qu’elles suppriment les commandements ; mais leur justice surabondante va plus loin que toutes prescriptions. C’est de son Cœur que Jésus les produit, pour les imprimer, mieux que sur le roc, au cœur de son peuple. Elles sont tout le portrait du Fils de l’homme, le résumé de sa vie rédemptrice. Regardez donc, et agissez selon le modèle qui se révèle à vous sur la montagne.

La pauvreté fut bien le premier trait du Dieu de Bethléem ; et qui donc apparut plus doux que l’enfant de Marie ? qui pleura pour plus nobles causes, dans la crèche où déjà il expiait nos crimes apaisait son Père ? Les affamés de justice, les miséricordieux, les purs de cœur, les pacifiques : où trouveront-ils qu’en lui l’incomparable exemplaire, jamais atteint, imitable toujours ? Jusqu’à cette mort, qui fait de lui l’auguste coryphée des persécutés pour la justice ! suprême béatitude d’ici-bas, en laquelle plus qu’en toutes se complaît la Sagesse incarnée, y revenant, la détaillant, pour finir avec elle aujourd’hui comme en un chant d’extase !

L’Église n’eut point d’autre idéal ; à la suite de l’Époux, son histoire aux divers âges ne fut que l’écho prolongé des Béatitudes. Comprenons, nous aussi ; pour la félicité de notre vie sur terre, en attendant l’éternel bonheur, suivons le Seigneur et l’Église.

 

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