Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Regnum Galliae Regnum Mariae

XIème Dimanche après la Pentecôte

13 Août 2023 , Rédigé par Ludovicus

XIème Dimanche après la Pentecôte

Introït

Dieu est dans son lieu saint, Dieu qui fait habiter dans sa maison des hommes d’une seule âme : il donnera la vertu et la force à son peuple. Que Dieu se lève et que ses ennemis soient dissipés, et que ceux qui le haïssent fuient de devant sa face.

Collecte

Dieu tout-puissant et éternel, qui dépassez par l’abondance de votre bonté les mérites et les vœux de ceux qui vous prient, répandez sur nous votre miséricorde : pardonnez les fautes qui agitent la conscience, accordez même ce que n’ose formuler la prière.

Épitre 1. Cor. 15, 1-10

Mes Frères, je vous rappelle l’Évangile que je vous ai prêché, que vous avez reçu, dans lequel vous demeurez fermes, et par lequel vous êtes sauvés : voyez si vous l’avez retenu en la manière que je vous l’ai annoncé ; car autrement vous auriez cru en vain. Or l’enseignement principal que je vous ai donné comme je l’ai reçu moi-même, c’est que le Christ est mort pour nos péchés conformément aux Écritures, qu’il a été enseveli et qu’il est ressuscité le troisième jour conformément aux Écritures, qu’il est apparu à Céphas et ensuite aux onze. Après il a été vu en une seule fois par plus de cinq cents frères, dont la plupart vivent encore présentement et quelques-uns sont morts. Ensuite il s’est montré à Jacques, ensuite à tous les Apôtres. Après tous les autres enfin il s’est fait voir à moi-même qui ne suis qu’un avorton. Car je suis, moi, le moindre des Apôtres, je ne suis pas digne d’être appelé apôtre, parce que j’ai persécuté l’Église de Dieu. Mais c’est par la grâce de Dieu que je suis ce que je suis, et sa grâce n’a point été stérile en moi.

Évangile Mc. 7, 31-37

En ce temps-là, Jésus, sortant des confins de Tyr, vint par Sidon vers la mer de Galilée, en passant au milieu de la Décapole. Et voici qu’on lui amena un homme qui était sourd et muet, en le priant de lui imposer les mains. Le prenant donc à part du milieu de la foule, il lui mit ses doigts dans les oreilles et de sa salive sur la langue ; et, levant les yeux au ciel, il soupira et lui dit : Ephphetha, c’est-à-dire, ouvrez-vous. Aussitôt ses oreilles furent ouvertes et sa langue déliée, et il parlait comme il convient. Il leur défendit de le dire à personne. Mais plus il le leur défendait, plus ils le publiaient, et plus ils étaient dans l’admiration, disant : Il a bien fait toutes choses ; il a fait entendre les sourds et parler les muets.

Offertoire

Seigneur, je chanterai vos grandeurs, parce que vous m’avez relevé, et que vous n’avez point donné à mes ennemis sujet de se réjouir contre moi ; Seigneur, j’ai crié vers vous, et vous m’avez guéri.

Postcommunion

Faites, nous vous en supplions, Seigneur, que nous trouvions dans la réception de votre Sacrement le secours de l’âme et du corps, afin que, sauvés dans l’un et l’autre, nous rencontrions notre gloire dans le plein effet du céleste remède.

Office

Au premier nocturne.

Du quatrième Livre des Rois.

Première leçon. Première leçon. — En ces jours-là, Ézéchias fut malade jusqu’à la mort ; alors vint vers lui Isaïe, le Prophète, fils d’Amos, et il lui dit : Voici ce que dit le Seigneur : Donne des ordres à ta maison ; car tu mourras, toi, et tu ne vivras pas. Ézéchias tourna sa face vers la muraille, et pria le Seigneur, disant : Je vous conjure, Seigneur, souvenez-vous, je vous prie, comment j’ai marché devant vous dans la vérité et avec un cœur parfait, et comment j’ai fait ce qui vous est agréable. Et Ézéchias pleura d’un grand pleur.

Deuxième leçon. Et avant qu’Isaïe eût franchi la moitié du vestibule, la parole du Seigneur lui fut adressée, disant : Retourne, et dis à Ézéchias, chef de mon peuple : Voici ce que dit le Seigneur Dieu de David, votre père : J’ai entendu ta prière et j’ai vu tes larmes ; et voilà que je t’ai guéri, dans trois jours tu monteras au temple du Seigneur. Et j’ajouterai quinze années à tes jours ; et même je te délivrerai de la main du roi des Assyriens, toi et cette ville, et je protégerai cette ville, à cause de moi, et à cause de David, mon serviteur. Alors Isaïe dit aux serviteurs du roi : Apportez-moi une panerée de figues. Lorsqu’ils la lui eurent apportée et qu’ils l’eurent mise sur l’ulcère du roi, il fut guéri.

Troisième leçon. Or Ézéchias avait dit à Isaïe : Quel sera le signe que le Seigneur me guérira, et que je monterai dans trois jours au temple du Seigneur ? Isaïe lui répondit : Voici, de la part du Seigneur, le signe que le Seigneur accomplira la parole qu’il a dite : Voulez-vous que l’ombre (du soleil) monte de dix lignes, ou qu’elle rétrograde d’autant de degrés ? Et Ézéchias dit : Il est facile que l’ombre croisse de dix lignes ; et je ne désire pas que cela se fasse ; mais qu’elle retourne en arrière de dix degrés. C’est pourquoi Isaïe, le Prophète, invoqua le Seigneur, et il ramena l’ombre par les lignes par lesquelles déjà elle était descendue dans l’horloge d’Achaz, de dix degrés en arrière.

Au deuxième nocturne.

Du Commentaire de saint Jérôme, Prêtre, sur le Prophète Isaïe.

Quatrième leçon. De crainte que le cœur d’Ézéchias s’enorgueillisse, après d’incroyables triomphes et une victoire qui préservait d’une captivité, la maladie le visite et il lui est déclare qu’il va mourir, afin que, se tournant vers le Seigneur, il lui fasse changer son arrêt. Nous lisons qu’il en fut ainsi, et pour ce que Jonas avait annoncé, et pour les menaces lancées contre David. De ce que ces choses prédites ne sont pas suivies d’effet, il ne faut pas conclure que Dieu change de résolution, mais il amène les hommes à le connaître ; car le Seigneur a le cœur peiné de sévir contre les hommes. Ézéchias tourna son visage du côté de la muraille, parce qu’il ne pouvait se rendre au temple. Il le tourna vers la muraille du temple, près duquel Salomon avait construit le palais ; ou absolument vers la muraille, pour ne point paraître montrer avec affectation ses larmes à ceux qui l’entouraient.

Cinquième leçon. Apprenant qu’il va mourir, il ne demande pas une prolongation de vie et beaucoup d’années : il s’en remet à la volonté de Dieu sur ce qu’il voudra lui accorder, sachant que Salomon avait plu à Dieu pour ne lui avoir point demandé une longue existence. Près d’aller vers le Seigneur, il rappelle ce qu’il a fait, comment il a marché devant lui dans la vérité et avec un cœur parfait. Heureuse la conscience qui, au temps de l’affliction, se souvient de ses bonnes œuvres : « Heureux, en effet, ceux qui ont le cœur pur, parce qu’ils verront Dieu. » Mais comment ; se fait-il qu’il est écrit ailleurs : « Qui pourra se glorifier d’avoir le cœur pur ? » La difficulté se résout ainsi : la perfection du cœur est attribuée ici à Ézéchias, parce qu’il a détruit les idoles, ouvert les portes du temple, brisé le serpent d’airain et accompli les autres actions que rapporte l’Écriture.

Sixième leçon. Il répandit beaucoup de larmes, à cause de la promesse du Seigneur à David, qu’il voyait privée d’effet par sa mort. Ézéchias n’avait pas d’enfants à cette époque, puisqu’après sa mort Manassé commença de régner en Juda, n’étant encore âgé que de douze ans ; ce qui montre avec évidence qu’il ne vint au monde que trois années après la prolongation de vie accordée à Ézéchias. La cause unique de ses larmes est donc qu’il désespérait que le Christ naquît de sa race. D’autres interprètes disent que la mort épouvante les saints eux-mêmes, à cause de l’incertitude du jugement de Dieu et de leur ignorance de la sentence d’où dépendra la demeure qu’ils auront.

Au troisième nocturne.

Homélie de saint Grégoire, pape.

Septième leçon. Quand Dieu, Créateur de toutes choses, a voulu guérir un sourd-muet, il lui mit les doigts dans les oreilles et il prit de la salive et lui toucha la langue. Pourquoi ? Que signifient les doigts du Rédempteur, sinon les dons du Saint-Esprit ? C’est pour cela que, ailleurs, après avoir chassé un démon, il dit : « Si c’est par le doigt de Dieu que je chasse les démons, le Royaume de Dieu est donc venu jusqu’à vous. » Un autre évangéliste exprime cette même parole ainsi : « Si c’est par l’Esprit de Dieu que je chasse les démons, le Royaume de Dieu est donc venu jusqu’à vous. » En mettant ces deux textes ensemble, on voit que l’Esprit est appelé doigt de Dieu. Donc, mettre les doigts dans les oreilles, c’est ouvrir à l’obéissance l’esprit du sourd par les dons du Saint-Esprit.

Huitième leçon. Et que veut dire : « Il prit de la salive et lui toucha la langue » ? Pour nous, la salive de la bouche du Rédempteur c’est la sagesse reçue par le discours divin. En effet, la salive découle de la tête dans la bouche. Ainsi, quand le Rédempteur qui est lui-même la Sagesse, touche notre langue, du coup, il la forme aux paroles de la prédication. « Il leva les yeux vers le ciel, et il gémit. » Non qu’il eût besoin de gémir, lui qui donnait ce qu’il demandait : Mais c’était pour nous apprendre à gémir vers celui qui siège au ciel, car nos oreilles doivent s’ouvrir par les dons du Saint-Esprit ; et la langue doit se délier en vue de la prédication par la salive de la bouche, c’est-à-dire par la science de la divine parole.

Neuvième leçon. « Et au même moment il lui dit : Effétha, c’est-à-dire : Ouvre-toi, ses oreilles s’ouvrirent, et du coup fut dénoué le lien de sa langue. » Notons ici que les mots « ouvre-toi » sont en fonction des oreilles bouchées. Mais dès que les oreilles du cœur sont ouvertes à l’obéissance, il s’en suit tout naturellement que le lien de la langue est dénoué pour dire aux autres d’accomplir les bonnes actions qu’on a soi-même accomplies. Alors on ajoute à bon droit : « Il parlait normalement. » Car celui qui pratique d’abord l’obéissance parle ensuite normalement pour exhorter les autres à exécuter ce qu’ils doivent faire.

ÉPÎTRE

Dimanche dernier, le Publicain nous rappelait l’humilité qui convient au pécheur. Aujourd’hui le Docteur des nations nous montre en sa personne que cette vertu ne sied pas moins à l’homme justifié, qui se souvient d’avoir autrefois offensé le Très-Haut. Le péché du juste, fût-il remis dès longtemps, demeure sans cesse devant ses yeux ; toujours prêt à s’accuser lui-même, il ne voit dans le pardon et l’oubli divins qu’un motif nouveau de ne jamais perdre, quant à lui, le souvenir de ses fautes. Les faveurs célestes qui viennent parfois récompenser la sincérité de son repentir, la manifestation des secrets de la Sagesse éternelle, l’entrée dans les puissances du Seigneur, en le conduisant plus avant dans l’intelligence des droits de la justice infinie, lui révèlent mieux aussi l’énormité des crimes volontaires qui sont venus s’adjoindre aux souillures de son origine Bientôt, dans cette voie, l’humilité n’est plus seulement pour lui une satisfaction donnée à la justice et à la vérité par son intelligence éclairée d’en haut : à mesure qu’il vit avec Dieu d’une union plus étroite et qu’il s’élève par la contemplation dans la lumière et l’amour, la divine charité, qui le presse toujours plus en toutes manières, se fait un aliment du souvenir même de ses fautes. Elle sonde l’abîme d’où la grâce l’a tiré, pour s’élancer de ces profondeurs de l’enfer plus véhémente, plus dominante et plus active. C’est alors que la reconnaissance pour les richesses sans prix qu’il tient aujourd’hui de la libéralité souveraine ne suffit plus au pécheur d’autrefois, et que l’aveu de ses misères passées sort de son âme ravie comme un hymne au Seigneur.

Comme Augustin, à la suite de Paul, « il glorifie le Dieu juste et bon en publiant de soi le bien et le mal, afin de gagner à l’unique objet de sa louange et de son amour l’esprit et le cœur des humains. » Et le converti de Monique et d’Ambroise, l’illustre évêque d’Hippone, plaçait en tête de ses Confessions immortelles la parole des psaumes, qui expliquait son but et sa pensée : Vous êtes grand, Seigneur, et digne de toute louange ; grande est votre puissance, et sans mesure votre sagesse !

« Et c’est vous que l’homme prétend louer ! poursuit-il : l’homme, portion chétive de votre création, promenant partout sa mortalité, et, avec elle, le témoignage de son péché, le témoignage que vous résistez aux superbes ! Et pourtant, cet être infime qui veut vous louer, ô Dieu, vous l’excitez à se complaire en cette louange. Recevez donc l’hommage que vous offre ma langue formée pour louer votre Nom. Que ma chair et tous mes os, guéris par vous, s’écrient : Seigneur, qui est semblable à vous ? Que mon âme vous loue pour vous aimer ; que pour vous louer elle confesse vos miséricordes. Je veux repasser présentement dans ma pensée mes longs égarements, et vous immoler sur ma honte une hostie d’allégresse. Non que j’aime mes fautes ; mais c’est pour vous aimer, vous, mon Dieu, que je les rappelle ; c’est par amour de votre amour que je reviens à ces amertumes pour savourer vos délices, ô douceur qui ne trompez pas, douceur bienheureuse et sans périls, qui rassemblez mes puissances et les rappelez de la dispersion douloureuse où les avait jetées mon éloignement de vous, centre unique de tout être. Que suis-je pour moi sans vous, qu’un guide conduisant aux abîmes ? Lorsqu’en moi tout est bien, que suis-je, que le petit enfant au sein de sa mère, le nourrisson puisant en vous dans la jouissance une nourriture incorruptible ? Qu’est l’homme enfin, quelque homme qu’il soit, puisqu’il est homme ? Qu’ils rient de moi, les puissants, ceux-là, ô mon Dieu, qui n’ont pas encore eu l’heureuse fortune d’être terrassés et brisés par vous ! Nous les petits, en face de ces forts, nous nous confessons et vous louons dans notre misère. Point n’est besoin pour cela de la parole et de la voix, vous entendez les cris de la pensée : quand je suis mauvais, c’est me confesser et vous louer que de me déplaire à moi-même ; quand je suis bon, c’est me confesser et vous louer que de ne pas m’en attribuer la cause. Car si vous bénissez le juste[Psalm. V, 13.[]], ô Seigneur, c’est que vous l’avez d’abord justifié comme impie. »

C’est par la grâce de Dieu que je suis ce que je suis, doit dire en effet le juste avec l’Apôtre ; et lorsque cette vérité fondamentale est affermie dans son âme, il peut sans crainte ajouter avec lui : Sa grâce n’a pas été stérile en moi. Car l’humilité repose sur la vérité, disions-nous Dimanche : on manquerait à la vérité en rapportant à l’homme ce qui, dans l’homme, vient du souverain Être ; mais ce serait aller aussi contre elle, que de ne pas reconnaître avec les saints les œuvres de la grâce où Dieu les a mises. Dans le premier cas, la justice se trouverait blessée non moins que la vérité ; dans le second, la gratitude. L’humilité, dont le but direct est d’éviter ces lésions injustes de la gloire due à Dieu en réfrénant les appétits de la superbe, devient ainsi d’autre part le plus sûr auxiliaire de la reconnaissance, noble vertu, qui, dans les chemins d’ici-bas, n’a pas de plus grand ennemi que l’orgueil.

Aux premiers temps de la conversion, il est bon, il est prudent et nécessaire même généralement, pour les âmes, d’insister plus dans leurs méditations sur la considération de leurs défauts et de leurs fautes que sur la pensée des faveurs divines ; toujours est-il, cependant, qu’alors même il n’est permis à aucun homme d’oublier qu’il doit non seulement pleurer ses crimes passés et veiller sur sa vie présente, mais aussi remercier sans fin l’auteur de son bienheureux changement et de ses progrès dans la vertu. Lorsque le chrétien ne peut voir en lui-même une grâce, un bien quelconque, sans qu’aussitôt il lui faille lutter pour écarter les complaisances de l’amour-propre et la pensée de se préférer à d’autres, il n’a pas à s’en troubler sans doute ; car le péché d’orgueil n’est pas dans la suggestion mauvaise qui peut s’en présenter, mais dans le consentement qu’on lui donne ; toutefois cette hésitation du regard intérieur n’est pas sans inconvénient dans les voies spirituelles, et l’homme qui veut s’élever vers Dieu doit tendre doucement à la faire disparaître. Avec l’aide de la grâce il raffermira peu à peu l’œil de son âme, et guérira, parla pratique des Sacrements, son infirmité de nature. Surtout, qu’en ce point, comme pour tant d’autres, il se confie pleinement à Dieu qui l’appelle ; de lui-même, il serait impuissante se dégager des restes involontaires du péché qui, comme autant d’humeurs viciées, faussent en lui la belle lumière des dons divins ou la font dévier par une réfraction malheureuse.

Si votre œil est simple, nous dit le Seigneur, votre corps tout entier sera lumineux, sans qu’aucune partie soit obscure ; la lumière vous illuminera pleinement et sûrement, parce qu’elle vous arrivera sans altération ni détour. C’est donc à la douce simplicité, fille de l’humilité et son inséparable compagne, qu’il appartient de nous dire comment s’allient dans les âmes, et se complètent mutuellement, la connaissance réfléchie des faveurs qu’elles reçoivent du ciel et la conscience de leur misère ; elle nous apprend, à la clarté des Écritures et à l’école des Saints, que se louer dans le Seigneur, se glorifier en Dieu, c’est louer et glorifier le Seigneur même. Quand Notre-Dame proclamait que toutes les générations l’appelleraient bienheureuse, l’enthousiasme divin qui l’animait n’était pas moins l’extase de son humilité que de son amour. La vie des âmes d’élite présente à chaque pas de ces transports sublimes, Où reprenant pour soi le cantique de leur Reine, elles magnifient le Seigneur en chantant les grandes choses qu’il fait par elles dans sa puissance. Lorsque saint Paul, après l’appréciation si basse qu’il porte de lui-même comparé aux autres Apôtres, ajoute que la grâce a été productive en lui et qu’il a travaillé plus qu’eux tous, ne croyons pas qu’il change de thème, ou que l’Esprit qui le dirige veuille corriger ainsi ses premières expressions ; un seul besoin, un même et unique désir lui inspire ces paroles en apparence diverses et contraires : le désir et le besoin de ne pas frustrer Dieu dans ses dons, soit par l’appropriation de l’orgueil, soit par le silence de l’ingratitude.

Nous nous sommes étendus de préférence sur ces réflexions que suggèrent les dernières lignes de notre Épître ; elles complètent ce que nous avions à dire de l’humilité, vertu indispensable d’où relève tout progrès comme toute sûreté dans la vie chrétienne. Ce que dit saint Paul au sujet de la résurrection du Seigneur, considérée comme fondement de la prédication apostolique et de la foi des nations, n’a pas moins d’importance ; mais le glorieux mystère qui fournit à l’année liturgique dans la Solennité des solennités son pivot et son centre, a été traité durant l’Octave de Pâques avec les développements qu’il mérite. Lors même que le défaut d’espace ne nous y contraindrait pas, nous ne saurions mieux faire que d’y renvoyer le lecteur. Le Graduel nous est donné, dans les ouvrages des pieux interprètes de la Liturgie, comme l’action de grâces des humbles, guéris par Dieu conformément à l’espérance qu’ils avaient mise en lui].

ÉVANGILE.

Jésus n’est plus dans la Judée ; le nom des lieux cités en tête de l’Évangile du jour indique que la gentilité est devenue le théâtre des opérations du salut. Quel est donc cet homme qu’on amène au Sauveur, et dont la misère arrache des soupirs au Verbe divin ? Que signifient les circonstances insolites avec lesquelles s’opère sa guérison ?

Cette guérison, d’un seul mot Jésus pouvait l’accomplir, et sa puissance en eût paru plus éclatante. Mais le miracle qui nous est raconté cache un plus grand mystère ; et l’Homme-Dieu, voulant ici surtout nous instruire, subordonne l’exercice de sa puissance au but d’enseignement qu’il poursuit.

Les saints Docteurs nous apprennent en effet que cet homme représente le genre humain tout entier en dehors du peuple juif. Abandonné depuis quatre mille ans dans les régions de l’aquilon où régnait seul le prince du monde, il a ressenti les effets désastreux de l’oubli dans lequel l’avait mis, semblait-il, son Créateur et Père, par suite du péché d’origine. Satan dont la ruse perfide l’a fait chasser du paradis, s’en étant emparé, s’est surpassé dans le choix du moyen qu’il a pris pour garder sa conquête. La tyrannie savante] de l’oppresseur a réduit son esclave à un état de mutisme et de surdité qui le fixe mieux que des chaînes de diamant sous son empire ; muet pour implorer Dieu, sourd pour entendre sa voix, les deux routes qui pouvaient le conduire à la délivrance sont fermées pour lui. L’adversaire de Dieu et de l’homme, Satan peut s’applaudir. C’en est fait, on peut le croire, de la dernière des créations du Tout-Puissant, c’en est fait du genre humain sans distinction de familles ou de peuples ; car voici qu’elle-même, la nation gardée par le Très-Haut comme sa part de réserve au milieu de la défection des peuples, a profité de ses avantages pour renier plus cruellement qu’eux tous son Seigneur et son Roi !

L’Épouse que le Fils de Dieu était venu chercher sur la terre, la société des saints, doit-elle donc se réduire aux rares individualités qui s’attachèrent à lui durant les jours de sa vie mortelle ? Par le zèle de l’Église naissante et l’ineffable bonté du Seigneur, il n’en sera pas ainsi. Chassée de Jérusalem avec son Époux, l’Église a rencontré au delà des confins de Judée le captif de Satan ; elle le convoite pour le royaume de Dieu, et c’est elle qui, par ses apôtres et leurs disciples, l’amène à Jésus, en le priant d’imposer sur lui sa main divine. Car nulle puissance humaine ne saurait le guérir : non seulement, assourdi comme il l’est par le tumulte des passions, il n’entend plus que d’une manière confuse la voix même de sa conscience, et ne perçoit plus l’écho des traditions, les accents des prophètes, que comme un son lointain et sans force ; mais encore, l’ouïe ainsi éteinte, il a perdu, avec ce sens précieux plus que tous les autres ici-bas, la possibilité même de réparer ses pertes, puisque la foi qui pourrait seule le sauver vient de l’ouïe, nous dit l’Apôtre.

L’Homme-Dieu gémit en présence d’une misère si extrême. Et comment ne l’eût-il pas fait à la vue des ravages exercés par l’ennemi sur cet être d’élite, dans cette œuvre si belle dont lui-même avait fourni le modèle à la Trinité adorable aux premiers jours du monde ? Levant donc au ciel les yeux toujours exaucés de son humanité sainte, il voit l’acquiescement du Père aux intentions de sa compassion miséricordieuse ; et, reprenant l’usage de ce pouvoir créateur qui fit toutes choses par faites à l’origine, il prononce comme Dieu et comme Verbe la parole de restauration toute-puissante :

Ephphetha ! Le néant, ou plutôt, ici, la ruine pire que le néant, obéit à cette voix bien connue ; l’ouïe de l’infortuné se réveille ; elle s’ouvre avec délices aux enseignements que lui prodigue la tendresse triomphante de l’Église, dont les prières maternelles ont obtenu cette délivrance ; et la foi qui pénètre en lui du même coup produisant son effet, sa langue enchaînée reprend le cantique de louange au Seigneur interrompu par le fatal péché depuis des siècles].

Cependant l’Homme-Dieu, disions-nous, veut moins, dans cette guérison, manifester la puissance de sa parole divine qu’instruire les siens ; il veut leur révéler symboliquement les réalités invisibles produites par sa grâce dans le secret des sacrements. C’est pourquoi il emmène l’homme qu’on lui présente à l’écart, à l’écart de cette foule tumultueuse des passions et des vaines pensées qui l’avaient rendu sourd pour le ciel ; à quoi servirait-il en effet de le guérir, si, les causes de sa maladie n’étant pas éloignées, il doit retomber aussitôt ? Jésus, ayant donc garanti l’avenir, met dans les oreilles de chair de l’infirme ses doigts sacrés qui portent l’Esprit-Saint et font pénétrer jusqu’aux oreilles de son cœur la vertu réparatrice de cet Esprit d’amour. Enfin, plus mystérieusement encore, parce que la vérité qu’il s’agit d’exprimer est plus profonde, il touche avec la salive sortie de sa bouche divine cette langue devenue impuissante pour la confession et la louange ; et la Sagesse, car c’est elle qui est ici mystiquement signifiée, la Sagesse qui sort de la bouche du Très-Haut, et découle pour nous comme une onde enivrante de la chair du Sauveur, ouvre la bouche du muet, comme elle rend éloquente la langue des enfants qui ne parlaient pas encore.

Aussi l’Église, pour nous montrer qu’il s’agit figurativement, dans le fait de notre Évangile, non d’un homme isolé, mais de nous tous, a-t-elle voulu que les rites du baptême de chacun de ses enfants reproduisissent les circonstances de la guérison qui nous est racontée. Son ministre doit, avant de plonger dans le bain sacré l’élu qu’elle lui présente, déposer sur sa langue le sel de la Sagesse, et toucher les oreilles du néophyte en répétant la parole du Christ sur le sourd-muet : Ephphetha, c’est-à-dire ouvrez-vous. Il est une instruction d’un autre genre qui ressort également du récit évangélique, et que nous ne devons pas négliger, parce qu’elle arrive opportunément à la suite de ce que nous avons dit sur l’humilité. Jésus-Christ demande le silence aux témoins du miracle qu’il vient d’accomplir, bien qu’il n’ignore pas que leur légitime admiration ne tiendra nul compte de ses recommandations sur ce point. Mais il veut apprendre à ceux qui le suivent que s’il ne leur est pas toujours loisible d’empêcher l’éclat de jaillir de leurs œuvres, que si parfois l’Esprit-Saint lui-même se charge, en dépit de leurs efforts contraires, d’illustrer leur nom ici-bas pour la plus grande gloire du Dieu dont ils sont l’instrument, ils n’en doivent pas moins toujours, quant à eux, fuir l’ostentation, préférer l’abjection ou du moins le silence, et se cacher avec délices dans le secret de la face de leur Dieu, redisant avec une égale vérité à la suite des actions les plus retentissantes aussi bien qu’après les plus ignorées : Nous sommes des serviteurs inutiles, nous n’avons fait que ce que nous devions faire 

 

 

 

Lire la suite

Sainte Claire vierge

12 Août 2023 , Rédigé par Ludovicus

Sainte Claire vierge

Office

Au deuxième nocturne.

Quatrième leçon. La vierge Claire naquit d’une famille illustre, à Assise, en Ombrie. A l’exemple de saint François, qui était de la même ville, elle distribua et convertit tous ses biens en aumônes et secours aux pauvres. Fuyant le tumulte du siècle, elle se rendit dans l’église de la Portioncule, où le même Saint lui coupa les cheveux. Ses parents firent tous leurs efforts pour la ramener dans le monde ; mais elle y opposa une ferme résistance. Conduite par saint François à l’église de Saint-Damien, elle s’associa plusieurs compagnes et institua ainsi elle-même une communauté de religieuses consacrées à Dieu, dont elle n’accepta le gouvernement que pour céder aux saintes importunités du Bienheureux. Elle exerça pendant quarante-deux ans la charge de supérieure, et se montra admirable par sa sollicitude, sa prudence et le soin qu’elle prit de maintenir dans sa communauté la parfaite observance des règles et des statuts de l’Ordre. Sa vie, en effet, était pour ses sœurs un enseignement et un exemple, d’où elles apprirent à régler leur vie.

Cinquième leçon. Afin de fortifier l’esprit en soumettant la chair, elle avait pour lit la terre nue ou des sarments, et pour oreiller un dur morceau de bois. Une seule tunique et un manteau d’étoffe rude et grossière lui suffisaient ; un âpre cilice ne quittait point sa chair. Telle était son abstinence que, pendant un temps assez long, elle ne goûta aucun aliment corporel, trois jours par semaine ; se restreignant les autres jours à une si petite quantité de nourriture, que ses sœurs s’étonnaient qu’elle pût subsister. Avant de tomber malade, elle s’imposait deux carêmes chaque année, sa seule réfection consistant alors en du pain et de l’eau. Adonnée aux veilles et assidue à l’oraison, elle passait dans ce saint exercice la plupart des jours et des nuits. Quand, éprouvée par de longues infirmités, elle ne pouvait se lever d’elle-même pour se livrer au labeur matériel, Claire se soulevait avec l’aide de ses sœurs, puis, le dos appuyé, travaillait des mains pour ne pas demeurer oisive, même dans ses maladies. Son amour passionné de la pauvreté lui fit constamment refuser les biens que Grégoire IX lui offrait pour le soutien de sa communauté.

Sixième leçon. Des miracles nombreux et variés répandirent l’éclat de sa sainteté. A l’une des sœurs de son monastère, elle rendit l’usage de la parole, guérit une seconde de sa surdité, et en délivra d’autres de la fièvre, d’une enflure d’hydropisie, d’une fistule douloureuse et de diverses maladies qui les accablaient. Un frère de l’Ordre des Mineurs lui dut de recouvrer la raison. L’huile étant venue à manquer totalement dans le monastère, Claire prit une cruche, la lava, et tout à coup ce vase se trouva rempli d’huile par un miracle de la divine bonté. Elle multiplia la moitié d’un pain, de manière à ce qu’il y en eût assez pour cinquante sœurs. Les Sarrasins, assiégeant Assise, s’efforçaient d’envahir le couvent de Claire : la Sainte, toute malade qu’elle était, se fit porter à l’entrée de la maison, tenant elle-même le vase où était renfermé le très saint sacrement de l’Eucharistie ; là, elle adressa à Dieu cette prière : « Seigneur, ne livrez pas aux bêtes féroces des âmes qui vous louent ; protégez vos servantes, que vous avez rachetées de votre sang précieux. » Pendant qu’elle priait, on entendit cette parole : « Moi, je vous garderai toujours. » En effet, une partie des Sarrasins prit la fuite, et ceux d’entre eux qui étaient déjà montés sur les murailles furent aveuglés et tombèrent à la renverse. Enfin cette Vierge, à ses derniers moments, fut visitée par un chœur de bienheureuses Vierges vêtues de blanc parmi lesquelles s’en distinguait une surpassant en beauté toutes les autres. Alors, munie de la sainte Eucharistie et enrichie par Innocent IV de l’indulgence plénière, elle rendit son âme à Dieu, la veille des ides d’août. Les nombreux miracles qui la glorifièrent après sa mort, déterminèrent le Pape Alexandre IV à la mettre au nombre des saintes Vierges.

Au troisième nocturne. Du Commun.

Homélie de saint Grégoire, Pape. Homilia 12 in Evang.

Septième leçon. Je vous recommande souvent, mes très chers frères, de fuir le mal et de vous préserver de la corruption du monde ; mais aujourd’hui la lecture du saint Évangile m’oblige à vous dire de veiller avec beaucoup de soin à ne pas perdre le mérite de vos bonnes actions. Prenez garde que vous ne recherchiez dans le bien que vous faites, la faveur ou l’estime des hommes, qu’il ne s’y glisse un désir d’être loué, et que ce qui paraît au dehors ne recouvre un fond vide de mérite et peu digne de récompense. Voici que notre Rédempteur nous parle de dix vierges, il les nomme toutes vierges et cependant toutes ne méritèrent pas d’être admises au séjour de la béatitude, car tandis qu’elles espéraient recueillir de leur virginité une gloire extérieure, elles négligèrent de mettre de l’huile dans leurs vases.

Huitième leçon. Il nous faut d’abord examiner ce qu’est le royaume des cieux, ou pourquoi il est comparé à dix vierges, et encore quelles sont les vierges prudentes et les vierges folles. Puisqu’il est certain qu’aucun réprouvé n’entrera dans le royaume des cieux, pourquoi nous dit-on qu’il est semblable à des vierges parmi lesquelles il y en a de folles ? Mais nous devons savoir que l’Église du temps présent est souvent désignée dans le langage sacré sous le nom de royaume des cieux ; d’où vient que le Seigneur dit en un autre endroit : « Le Fils de l’homme enverra ses anges, et ils enlèveront de son royaume tous les scandales ». Certes, ils ne pourraient trouver aucun scandale à enlever, dans ce royaume de la béatitude, où se trouve la plénitude de la paix.

Neuvième leçon. L’âme humaine subsiste dans un corps doué de cinq sens. Le nombre cinq, multiplié par deux, donne celui de dix. Et parce que la multitude des fidèles comprend l’un et l’autre sexe, la sainte Église est comparée à dix vierges. Comme, dans cette Église, les méchants se trouvent mêlés avec les bons et ceux qui seront réprouvés avec les élus, ce n’est pas sans raison qu’on la dit semblable à des vierges, dont les unes sont sages et les autres insensées. Il y a en effet, beaucoup de personnes chastes qui veillent sur leurs passions quant aux choses extérieures et sont portées par l’espérance vers les biens intérieurs ; elles mortifient leur chair et aspirent de toute l’ardeur de leur désir vers la patrie d’en haut ; elles recherchent les récompenses éternelles, et ne veulent pas recevoir pour leurs travaux de louanges humaines : celles-ci ne mettent assurément pas leur gloire dans les paroles des hommes, mais la cachent au fond de leur conscience. Et il en est aussi plusieurs qui affligent leur corps par l’abstinence, mais attendent de cette abstinence même des applaudissements humains.

 

L’année même où, préalablement à tout projet de réunir des fils, saint Dominique fondait le premier établissement des Sœurs de son Ordre, le compagnon destiné du ciel au père des Prêcheurs recevait du Crucifix de Saint-Damien sa mission par ces mots : « Va, François, réparer ma maison qui tombe en ruines ». Et le nouveau patriarche inaugurait son œuvre en préparant, comme Dominique, à ses futures filles l’asile sacré où leur immolation obtiendrait toute grâce à l’Ordre puissant qu’il devait fonder. Sainte-Marie de la Portioncule, berceau des Mineurs, ne devait qu’après Saint-Damien, maison des Pauvres-Dames, occuper la pensée du séraphin d’Assise. Ainsi une deuxième fois dans ce mois, l’éternelle Sagesse veut-elle nous montrer que tout fruit de salut, qu’il semble provenir de la parole ou de l’action, procède premièrement de la contemplation silencieuse.

Claire fut pour François l’aide semblable à lui-même dont la maternité engendra au Seigneur cette multitude d’héroïques vierges, d’illustres pénitentes, que l’Ordre séraphique compta bientôt sous toutes les latitudes, venant à lui des plus humbles conditions comme des marches du trône.

Dans la nouvelle chevalerie du Christ, la Pauvreté, que le père des Mineurs avait choisie pour Dame, était aussi la souveraine de celle que Dieu lui avait donnée pour émule et pour fille. Suivant jusqu’aux dernières extrémités l’Homme-Dieu humilié et dénué pour nous, elle-même pourtant déjà se sentait reine avec ses sœurs au royaume des cieux. Dans le petit nid de son dénuement, répétait-elle avec amour, quel joyau d’épouse égalerait jamais la conformité avec le Dieu sans nul bien que la plus pauvre des mères enserra tout petit de vils langes en une crèche étroite ! Aussi la vit-on défendre intrépidement, contre les plus hautes interventions, ce privilège de la pauvreté absolue dont la demande avait fait tressaillir le grand Pape Innocent III, dont la confirmation définitive, obtenue l’avant-veille de la mort delà sainte, apparut comme la récompense ambitionnée de quarante années de prières et de souffrances pour l’Église de Dieu.

La noble fille d’Assise avait justifié la prophétie qui, soixante ans plus tôt, l’annonçait à sa pieuse mère Hortulana comme devant éclairer le monde ; bien inspiré avait été le choix du nom qu’on lui donnait à sa naissance. « Oh ! comme puissante fut cette clarté de la vierge, s’écrie dans la bulle de sa canonisation le Pontife suprême ! comme pénétrants furent ses rayons ! Elle se cachait au plus profond du cloître, et son éclat, transperçant tout, remplissait la maison de Dieu ». De sa pauvre solitude qu’elle ne quitta jamais, le nom seul de Claire semblait porter partout la grâce avec la lumière, et fécondait au loin pour Dieu et son père saint François les cités.

Vaste comme le monde, où se multipliait l’admirable lignée de sa virginité, son cœur de mère débordait d’ineffable tendresse pour ces filles qu’elle n’avait jamais vues. A ceux qui croient que l’austérité embrassée pour Dieu dessèche l’âme, citons ces lignes de sa correspondance avec la Bienheureuse Agnès de Bohême. Fille d’Ottocare Ier, Agnès avait répudié pour la bure d’impériales fiançailles et renouvelait à Prague les merveilles de Saint-Damien : « O ma Mère et ma fille, lui disait notre sainte, si je ne vous ai pas écrit aussi souvent que l’eût désiré mon âme et la vôtre, n’en soyez point surprise : comme vous aimaient les entrailles de votre mère, ainsi je vous chéris ; mais rares sont les messagers, grands les périls des routes. Aujourd’hui que l’occasion m’en est présentée, mon allégresse est entière, et je me conjouis avec vous dans la joie du Saint-Esprit. Comme la première Agnès s’unit à l’Agneau immaculé, ainsi donc vous est-il donné, ô fortunée, de jouir de cette union, étonnement des cieux, avec Celui dont le désir ravit toute âme, dont la bonté est toute douceur, dont la vision fait les bienheureux, lui la lumière de l’éternelle lumière, le miroir sans nulle tache ! Regardez-vous dans ce miroir, ô Reine, ô Épouse ! Sans cesse, à son reflet, relevez vos charmes ; au dehors, au dedans, ornez-vous des vertus, parez comme il convient la fille et l’épouse du Roi suprême : ô bien-aimée, les yeux sur ce miroir, de quelles délices il vous sera donné de jouir en la divine grâce !... Souvenez-vous cependant de votre pauvre Mère, et sachez que pour moi j’ai gravé à jamais votre bienheureux souvenir en mon cœur ». La famille franciscaine n’était pas seule à bénéficier d’une charité qui s’étendait à tous les nobles intérêts de ce monde. Assise, délivrée des lieutenants de Frédéric II et de la horde sarrasine à la solde de l’excommunié, comprenait quel rempart est une sainte pour sa patrie de la terre. Mais c’étaient surtout les princes de la sainte Église, c’était le Vicaire du Christ, que le ciel aimait à voir éprouver la puissance toute d’humilité, l’ascendant mystérieux dont il plaisait au Seigneur de douer son élue. François, le premier, ne lui avait-il pas, dans un jour de crise comme en connaissent les saints, demandé direction et lumière pour son âme séraphique ? De la part des anciens d’Israël arrivaient à la vierge, qui n’avait pas trente ans alors, des messages de cette sorte : « A sa très chère sœur en Jésus-Christ, à sa mère, Dame Claire servante du Christ, Hugolin d’Ostie, évêque indigne et pécheur. Depuis l’heure où il a fallu me priver de vos saints entretiens, m’arracher à cette joie du ciel, une telle amertume de cœur fait couler mes larmes que, si je ne trouvais aux pieds de Jésus la consolation que ne refuse jamais son amour, mon esprit en arriverait à défaillir et mon âme à se fondre. Où est la glorieuse allégresse de cette Pâque célébrée en votre compagnie et en celle des autres servantes du Christ ?... Je me savais pécheur ; mais au souvenir de la suréminence de votre vertu, ma misère m’accable, et je me crois indigne de retrouver jamais cette conversation des saints, si vos larmes et vos prières n’obtiennent grâce pour mes péchés. Je vous remets donc mon âme ; à vous je confie mon esprit, pour que vous m’en répondiez au jour du jugement. Le Seigneur Pape doit venir prochainement à Assise ; puissé-je l’accompagner et vous revoir ! Saluez ma sœur Agnès (c’était la sœur même de Claire et sa première fille en Dieu) ; saluez toutes vos sœurs dans le Christ »

Le grand cardinal Hugolin, âgé de plus de quatre-vingts ans, devenait peu après Grégoire IX. Durant son pontificat de quatorze années, qui fut l’un des plus glorieux et des plus laborieux du XIIIe siècle, il ne cessa point d’intéresser Claire aux périls de l’Église et aux immenses soucis dont la charge menaçait d’écraser sa faiblesse. Car, dit l’historien contemporain de notre sainte, « il savait pertinemment ce que peut l’amour, et que l’accès du palais sacré est toujours libre aux vierges : à qui le Roi des cieux se donne lui-même, quelle demande pourrait être refusée ? »

L’exil, qui après la mort de François s’était prolongé vingt-sept ans pour la sainte, devait pourtant finir enfin. Des ailes de feu, aperçues par ses filles au-dessus de sa tête et couvrant ses épaules, indiquaient qu’en elle aussi la formation séraphique était à son terme. A la nouvelle de l’imminence d’un tel départ intéressant toute l’Église, le Souverain Pontife d’alors, Innocent IV, était venu de Pérouse avec les cardinaux de sa suite. Il imposa une dernière épreuve à l’humilité de la sainte, en lui ordonnant de bénir devant lui les pains qu’on avait présentés à la bénédiction du Pontife suprême) ; le ciel, ratifiant l’invitation du Pontife et l’obéissance de Claire au sujet de ces pains, fit qu’à la bénédiction de la vierge, ils parurent tous marqués d’une croix.

La prédiction que Claire ne devait pas mourir sans avoir reçu la visite du Seigneur entouré de ses disciples, était accomplie. Le Vicaire de Jésus-Christ présida les solennelles funérailles qu’Assise voulut faire à celle qui était sa seconde gloire devant les hommes et devant Dieu. Déjà on commençait les chants ordinaires pour les morts, lorsqu’Innocent voulut prescrire qu’on substituât à l’Office des défunts celui des saintes vierges ; sur l’observation cependant qu’une canonisation semblable, avant que le corps n’eût même été confié à la terre, courrait risque de sembler prématurée, le Pontife laissa reprendre les chants accoutumés. L’insertion de la vierge au catalogue des Saints ne fut au reste différée que de deux ans.

O Claire, le reflet de l’Époux dont l’Église se pare en ce monde ne vous suffit plus ; c’est directement que vous vient la lumière. La clarté du Seigneur se joue avec délices dans le cristal de votre âme si pure, accroissant l’allégresse du ciel, donnant joie en ce jour à la vallée d’exil. Céleste phare dont l’éclat est si doux, éclairez nos ténèbres. Puissions nous avec vous, par la netteté du cœur, parla droiture de la pensée, par la simplicité du regard, affermir sur nous le rayon divin qui vacille dans l’âme hésitante et s’obscurcit de nos troubles, qu’écarte ou brise la duplicité d’une vie partagée entre Dieu et la terre.

Votre vie, ô vierge, ne fut pas ainsi divisée. La très haute pauvreté, que vous eûtes pour maîtresse et pour guide, préservait votre esprit de cette fascination de la frivolité qui ternit l’éclat des vrais biens pour nous mortels. Le détachement de tout ce qui passe maintenait votre œil fixé vers les éternelles réalités ; il ouvrait votre âme aux ardeurs séraphiques qui devaient achever de faire de vous l’émule de François votre père. Aussi, comme celle des Séraphins qui n’ont que pour Dieu de regards, votre action sur terre était immense ; et Saint-Damien, tandis que vous vécûtes, fut une des fermes bases sur lesquelles le monde vieilli put étayer ses ruines.

Daignez nous continuer votre secours. Multipliez vos filles, et maintenez-les fidèles à suivre les exemples qui feront d’elles, comme de leur mère, le soutien puissant de l’Église. Que la famille franciscaine en ses diverses branches s’échauffe toujours à vos rayons ; que tout l’Ordre religieux s’illumine à leur suave clarté. Brillez enfin sur tous, ô Claire, pour nous montrer ce que valent cette vie qui passe et l’autre qui ne doit pas finir.

Lire la suite

Saint Laurent martyr

10 Août 2023 , Rédigé par Ludovicus

Saint Laurent martyr

Collecte

Nous vous prions, Seigneur, d’éteindre en nous l’ardeur de nos vices, vous qui avez donné au bienheureux Laurent la force de surmonter les flammes de ses tourments.

Office

4e leçon

Sermon de saint Léon, Pape

Alors que les puissances publiques des Gentils poursuivaient dans leur fureur l’élite des membres du Christ, et s’attaquaient de préférence à l’ordre sacerdotal, l’impie persécuteur s’enflamma contre le Diacre Laurent, préposé non seulement au sacré ministère, mais aussi à l’administration du bien de l’Église. Il se promettait une double proie par la prise d’un seul homme, et s’il le faisait traditeur du trésor sacré, il le ferait en même temps apostat de la vraie religion. Cet homme, avide de richesses et ennemi de la vérité, est armé comme de deux torches ardentes : son avarice, pour lui prendre l’or de l’Église ; son impiété, pour lui ravir le Christ. Il demande à ce gardien sans tache du sanctuaire de lui livrer les richesses de l’Église, auxquelles aspire son avidité. Le Diacre très chaste, lui montrant alors le dépôt qu’il en a fait, lui présente les troupes nombreuses des pauvres serviteurs de Dieu. Dans leur nourriture et leur vêtement, il avait comme enseveli ces richesses désormais inamissibles : d’autant mieux à l’abri de toute atteinte, que le saint emploi en avait été plus assuré.

5e leçon

Le magistrat frémit, voleur frustré dans son dessein de rapine, et, dans la haine ardente d’une religion qui a institué un tel emploi des richesses, n’ayant rien trouvé en Laurent des biens terrestres, il entreprend de lui enlever un trésor plus excellent et de lui ravir le dépôt qui était pour lui la plus sacrée des richesses. Il lui ordonne de renoncer au Christ, et il se dispose à attaquer le courage intrépide de ce cœur de Diacre par de cruels supplices. A l’impuissance des premiers, il en fait succéder de plus violents. Il commande que ces membres déchirés et ces chairs où les coups ont ouvert tant de plaies, soient placés sur un feu qui les rôtisse ; sur un gril de fer, qui lui-même a emprunté longuement au feu la vertu de brûler, changeant tour à tour la situation de ce corps que retournent les bourreaux, il veut tout ensemble augmenter la douleur des tortures et prolonger le supplice.

6e leçon

Tu ne peux rien, tu ne gagnes rien, sauvage cruauté. L’élément mortel se dérobe à la fin à tes tortures : Laurent monte au ciel et te laisse tes flammes impuissantes. Les flammes n’ont pu vaincre la charité du Christ : et ce feu qui brûlait au dehors a été plus faible que celui qui, au dedans, embrasait le cœur du Martyr. Tu as exercé, ô persécuteur, ta cruauté sur ce Martyr, tu lui as donné libre cours et tu as grandi la gloire de ses palmes en accumulant les supplices. Toutes tes inventions ne servent-elles pas à glorifier sa victoire, alors que les instruments de son supplice deviennent l’honneur de son triomphe ? Réjouissons-nous donc, mes frères bien-aimés, d’une joie spirituelle : et dans la mort bienheureuse de cet illustre héros, glorifions le Seigneur, qui est admirable dans ses saints, et nous donne en eux tout ensemble le secours et l’exemple : il a fait éclater sa gloire d’une extrémité à l’autre de l’univers, alors que de l’orient jusqu’à l’occident resplendissent les flambeaux du diaconat, et que Rome est autant illustrée par Laurent, que Jérusalem l’a été par Étienne.

7e leçon

Homélie de saint Augustin, Évêque

Le Seigneur Jésus était lui-même ce grain qui devait mourir et se multiplier : mourir victime de l’infidélité des Juifs, se multiplier par la foi des peuples. Or, exhortant déjà à suivre les traces de sa passion : « Celui, dit-il, qui aime son âme, la perdra ». Ces paroles peuvent s’entendre de deux manières. « Celui qui l’aime, la perdra », c’est-à-dire : Si tu l’aimes, perds-la. Si tu désires conserver la vie dans le Christ, ne crains pas de mourir pour le Christ. On peut les entendre également d’une autre façon : « Celui qui aime son âme, la perdra » ; ne l’aime pas, de peur que tu ne la perdes ; ne l’aime pas en cette vie, pour ne pas la perdre dans la vie éternelle.

8e leçon

La dernière explication que j’ai donnée semble être davantage le sens de l’Évangile. Car on y lit ensuite : « Et celui qui hait son âme en ce monde, la conserve pour la vie éternelle ». Donc, quand il est dit plus haut : « Celui qui aime son âme », il faut sous-entendre : en ce monde, celui-là la perdra assurément. Mais celui qui hait son âme en ce monde, celui-là la garde pour la vie éternelle. Grande et étonnante sentence : d’où il ressort que l’homme a pour son âme un amour qui cause sa perte, et une haine qui l’empêche de périr. Si vous l’aimez mal, vous la haïssez ; si vous la haïssez bien, vous l’aimez. Heureux ceux qui haïssent pour conserver, de crainte de perdre en aimant.

9e leçon

Mais veille à ce que ne s’insinue pas dans ton esprit la pensée de vouloir te tuer, en comprenant ainsi le devoir de haïr ton âme en ce monde ; de là vient que certains hommes méchants et pervers, cruels et impies, homicides d’eux-mêmes, se livrent aux flammes, se noient, se jettent dans les précipices, et périssent. Ce n’est pas là ce que le Christ a enseigné : au contraire, il a même répondu au diable qui lui suggérait de se précipiter du haut du temple : « Retire-toi, Satan, car il est écrit : Tu ne tenteras point le Seigneur ton Dieu ». De même le Seigneur dit à Pierre, « indiquant par quelle mort il devait glorifier Dieu : Quand tu étais jeune, tu te ceignais toi-même, et tu allais où tu voulais ; mais quand tu seras vieux, un autre te ceindra et te conduira où tu ne voudras pas ». Paroles qui nous enseignent assez clairement que celui qui marche à la suite de Jésus-Christ doit, non point se donner la mort, mais la recevoir d’un autre.

 

Lire la suite

Vigile de St Laurent martyr mémoire deaint Romain Martyr

9 Août 2023 , Rédigé par Ludovicus

Vigile de St Laurent martyr mémoire deaint Romain Martyr

Collecte

Exaucez nos supplications, Seigneur : et par l’intercession du bienheureux Laurent votre Martyr, dont nous devançons la fête, faites-nous ressentir avec bienveillance les effets de votre miséricorde.

Office

Homélie de Saint Grégoire, Pape. Hom. 32 in Evang.

Première leçon. Notre Seigneur et Rédempteur, l’homme nouveau, étant venu en ce monde, a donné au monde des commandements nouveaux. A notre ancienne vie, toute alimentée de vices, il a imposé le devoir de se transformer en une vie nouvelle. Le vieil homme, l’homme charnel, savait-il faire autre chose que garder pour lui-même ses biens ; s’emparer, s’il le pouvait, de ceux d’autrui ou les convoiter s’il ne pouvait les prendre ? Mais le médecin céleste oppose à chacun de nos vices les remèdes qui lui conviennent. De même que l’art de la médecine guérit le froid par le chaud et le chaud par le froid, ainsi notre Seigneur oppose-t-il à nos péchés des médicaments contraires : par exemple aux impudiques, il prescrit la continence ; aux avares, la libéralité ; aux hommes colères, la douceur ; aux orgueilleux, l’humilité.

Seconde leçon. II est certain qu’en proposant à ceux qui le suivent de nouveaux préceptes, Jésus-Christ a dit : « Quiconque d’entre vous ne renonce point à tout ce qu’il possède, ne peut être mon disciple. » Comme s’il eût dit : Vous qui, durant votre vie passée, convoitiez les biens d’autrui ; si vous avez à cœur de vivre d’une vie nouvelle, donnez vos propres biens. Mais écoutons ce qu’il nous enseigne dans le passage de l’Évangile que nous avons lu aujourd’hui : « Que celui qui veut venir après moi renonce à lui-même. » Ailleurs il est prescrit que nous renoncions à nos biens, et ici que nous renoncions à nous-mêmes. Peut-être n’est-il pas difficile à un homme d’abandonner ses biens ; mais ce qui exige un bien grand travail, c’est de renoncer à soi-même. En effet, c’est peu de chose que de se détacher de ce qu’on possède ; mais c’est beaucoup de faire abnégation de ce que l’on est.

Troisième leçon. Notre Seigneur nous commande, à nous qui venons à lui, de renoncer à ce que nous avons, parce que tous ceux qui entrent dans la lice de la foi chrétienne, entreprennent de combattre les malins esprits. Or, les malins esprits n’ont en ce monde rien qu’ils possèdent en propre : c’est donc dépouillés de tout, que nous devons lutter contre ceux qui sont dénués de tout. Si quelqu’un, sans ôter ses vêtements engage une lutte avec un ennemi qui n’en ait point, il est bientôt jeté à terre parce qu’il donne prise à son adversaire. Tous les biens terrestres ne sont-ils pas, en effet, comme une sorte de vêtements superflus de notre corps ? Que celui qui entreprend de combattre le diable, s’en dépouille donc pour ne point succomber.

Mon serviteur, ne crains pas ; car je suis avec toi, dit le Seigneur. Si tu passes par le feu, sa flamme ne te sera point funeste et son odeur ne laissera en toi nulle trace. Je te délivrerai de la main des méchants, je t’arracherai aux mains des forts ». C’est l’heure du combat où la Sagesse, plus puissante que le feu et la flamme, appelle Laurent à conquérir le laurier de victoire dont son nom même était l’annonce.

Les trois jours sont enfin passés pour le diacre de Sixte, et pour lui aussi l’exil va finir ; rejoignant son Pontife à l’autel des cieux, il n’en sera plus désormais séparé. Mais, avant d’aller prendre au Sacrifice éternel la part glorieuse qui lui revient par le droit de son Ordre, il faut que sur cette terre, où se jettent dans le temps qui passe les semences de l’immuable éternité, il justifie de la fidélité vaillante qui sied au lévite de l’éternelle loi d’amour.

Laurent est prêt. « Éprouvez le ministre auquel vous avez confié la dispensation du sang du Seigneur ». C’était sa parole à Sixte II. Selon la recommandation du Pontife, il a distribué aux pauvres les trésors de l’Église ; dès ce matin, par deux fois la sainte Liturgie le constate en ses chants. Mais il sait que livrer toute la substance de sa maison pour l’amour, ce n’est donner rien qui vaille, et il aspire à se livrer lui-même. Dans l’allégresse de sa générosité débordante, il salue l’holocauste dont on dirait qu’il sent s’élever déjà le parfum suave et fort. Aussi peut-il chanter à l’Offertoire de cette Messe de Vigile qui célèbre sa fidélité, son espérance, sa propre oblation en abordant l’arène : « Ma prière est pure, et c’est pourquoi je demande que ma voix soit entendue au ciel ; car là est mon juge, mon témoin est dans les hauteurs des cieux : que ma supplication s’élève au Seigneur ».

Prière sublime, dont les accents pénètrent en effet la nue ! Dès maintenant nous pouvons le dire avec l’Église, sa race sera puissante sur la terre, cette race de nouveaux chrétiens nés du sang du martyr. Car dans la personne de Romain, le néophyte gagné par ses premiers tourments et qui le précède au ciel, nous en saluons aujourd’hui même les prémices fortunées. Réunissons, comme fait l’Église, le soldat et le diacre en notre prière.

 

Lire la suite

Saint Jean-Marie Vianney confesseur mémoire des Saints Cyriaque Large et Smaragde

8 Août 2023 , Rédigé par Ludovicus

Saint Jean-Marie Vianney confesseur mémoire des Saints Cyriaque Large et Smaragde

Collecte

Dieu tout-puissant et miséricordieux, vous avez rendu saint Jean-Marie admirable par son zèle pastoral et son ardeur soutenue pour la prière et la pénitence : faites, nous vous en prions, qu’à son exemple et par son intercession, nous puissions gagner au Christ les âmes de nos frères et obtenir avec eux la gloire éternelle.

Office

Au deuxième nocturne.

Quatrième leçon. Jean-Marie Vianney, né au bourg de Dardilly dans le diocèse de Lyon d’une famille de pieux cultivateurs, donna, dès son enfance, de nombreux indices de sainteté. Quand, âgé de huit ans il gardait les brebis, il avait coutume, tantôt d’apprendre à d’autres enfants par sa parole et son exemple à réciter le Rosaire agenouillés devant l’image de la Mère de Dieu, tantôt de confier le troupeau à sa sœur ou à quelque autre et de se rendre dans un lieu solitaire où il vaquait plus librement à l’oraison devant une statue de la sainte Vierge. Chérissant les pauvres, il faisait ses délices de les amener par groupes dans la maison de son père et de les aider en toutes manières. Il fut confié au curé du bourg d’Écully pour recevoir l’enseignement littéraire ; mais comme ses dispositions pour l’étude étaient encore peu développées, il y rencontra des difficultés presque insurmontables. Implorant le secours divin dans le jeûne et l’oraison, il se rendit en mendiant au tombeau de saint François Régis pour demander plus de facilité à s’instruire. Après avoir suivi avec effort et peine le cours de théologie, il fut trouvé suffisamment capable pour recevoir les saints ordres.

Cinquième leçon. Nommé vicaire du bourg d’Écully, Jean-Marie s’appliqua de toutes ses forces sous la direction et à l’exemple de son curé, à atteindre les degrés les plus élevés de la perfection pastorale. Trois ans plus tard il fut envoyé au village d’Ars qui devait être rattaché peu de temps après au diocèse de Belley et, comme un ange venu du ciel, il renouvela la face de sa paroisse, la rendant florissante de toute négligée et abandonnée qu’elle était devenue. Assidu de nombreuses heures chaque jour au saint tribunal et à la direction des consciences, il établit l’usage fréquent de la sainte Communion, fonda de pieuses associations et inculqua d’une manière admirable aux âmes une tendre piété envers la Vierge Immaculée. Convaincu qu’un devoir du pasteur est d’expier les fautes du peuple à lui confié, il n’épargnait à cette fin ni prières, ni veilles, ni macérations et jeûnait continuellement. Comme Satan ne pouvait souffrir une si grande vertu de l’homme de Dieu, il le tourmenta d’abord par diverses vexations et le combattit ensuite ouvertement ; mais Jean-Marie souffrait patiemment les afflictions les plus pénibles.

Sixième leçon. Souvent invité par les curés voisins à venir, comme le font les missionnaires, pourvoir au salut des âmes en prêchant et en entendant les confessions, il était toujours prêt à rendre service à tous. Enflammé de zèle pour la gloire de Dieu, il réussit à établir les missions avec les exercices pieux qu’elles comportent, en plus de cent paroisses et à les assurer par des fondations. Entretemps Dieu faisait éclater le mérite de son serviteur par des miracles et des dons surnaturels. Telle fut l’origine de ce célèbre pèlerinage qui durant vingt ans fit affluer à Ars près de cent mille hommes de toute condition et de tout âge venus, non seulement de la France et de l’Europe mais même des régions les plus éloignées de l’Amérique. Épuisé moins par la vieillesse que par les labeurs, il mourut au jour qu’il avait prédit, le 4 août de l’an mil huit cent cinquante - neuf, dans le baiser du Seigneur étant âgé de soixante-treize ans. Beaucoup de miracles l’ayant signalé, il fut béatifié par Pie X et canonisé par Pie XI en l’année jubilaire mil neuf cent vingt-cinq. Le même Pape étendit sa fête à l’Église universelle.

Au troisième nocturne. Du Commun.

Homélie de saint Grégoire, Pape.. Homelia 13 in Evang.

Septième leçon. Mes très chers frères, le sens de la lecture du saint Évangile que vous venez d’entendre est très clair. Mais de crainte qu’elle ne paraisse, à cause de sa simplicité même, trop élevée à quelques-uns, nous la parcourrons brièvement, afin d’en exposer la signification à ceux qui l’ignorent, sans cependant être à charge à ceux qui la connaissent. Le Seigneur dit : « Que vos reins soient ceints ». Nous ceignons nos reins lorsque nous réprimons les penchants de la chair par la continence. Mais parce que c’est peu de chose de s’abstenir du mal, si l’on ne s’applique également, et par des efforts assidus, à faire du bien, notre Seigneur ajoute aussitôt : « Ayez en vos mains des lampes allumées ». Nous tenons en nos mains des lampes allumées, lorsque nous donnons à notre prochain, par nos bonnes œuvres, des exemples qui l’éclairent. Le Maître désigne assurément ces œuvres-là, quand il dit : « Que votre lumière luise devant les hommes, afin qu’ils voient vos bonnes œuvres, et qu’ils glorifient votre Père qui est dans les cieux ».

Huitième leçon. Voilà donc les deux choses commandées : ceindre ses reins, et tenir des lampes ; ce qui signifie que la chasteté doit parer notre corps, et la lumière de la vérité briller dans nos œuvres. L’une de ces vertus n’est nullement capable de plaire à notre Rédempteur si l’autre ne l’accompagne. Celui qui fait des bonnes actions ne peut lui être agréable s’il n’a renoncé à se souiller par la luxure, ni celui qui garde une chasteté parfaite, s’il ne s’exerce à la pratique des bonnes œuvres. La chasteté n’est donc point une grande vertu sans les bonnes œuvres, et les bonnes œuvres ne sont rien sans la chasteté. Mais si quelqu’un observe les deux préceptes, il lui reste le devoir de tendre par l’espérance à la patrie céleste, et de prendre garde qu’en s’éloignant des vices, il ne le fasse pour l’honneur de ce monde.

Neuvième leçon. « Et vous, soyez semblables à des hommes qui attendent que leur maître revienne des noces, afin que lorsqu’il viendra et frappera à la porte, ils lui ouvrent aussitôt ». Le Seigneur vient en effet quand il se prépare à nous juger ; et il frappe à la porte, lorsque, par les peines de la maladie, il nous annonce une mort prochaine. Nous lui ouvrons aussitôt, si nous l’accueillons avec amour. Il ne veut pas ouvrir à son juge lorsqu’il frappe, celui qui tremble de quitter son corps, et redoute de voir ce juge qu’il se souvient avoir méprisé ; mais celui qui se sent rassuré, et par son espérance et par ses œuvres, ouvre aussitôt au Seigneur lorsqu’il frappe à la porte, car il reçoit son Juge avec joie. Et quand le moment de la mort arrive, sa joie redouble à la pensée d’une glorieuse récompense.

Saint François de Sales disait qu’on peut être martyr, non seulement en confessant Dieu devant les hommes, mais aussi en confessant les hommes devant Dieu. On évoque volontiers cette parole en considérant le saint curé d’Ars, inlassablement assidu à son confessionnal où, de toute la France, les âmes inquiètes venaient chercher la paix.

A ce long supplice, qui dura des journées entières pendant un grand nombre d’années, le saint ajouta celui des jeûnes, des veilles et une continuelle oraison ; aussi, devenu hostie avec le Christ, il mérita d’abord la conversion de son apathique paroisse, puis celle de nombreux pécheurs accourus à lui des lieux les plus éloignés.

Simple, extrêmement pauvre et détaché des choses de ce monde, autant il semblait dépourvu de grandes richesses intellectuelles, autant il était débordant de foi et de zèle, aussi devint-il l’idéal et le modèle des bons curés ; en un mot : le saint curé d’Ars.

Dieu le glorifia par le don des miracles ; et quand, usé par les fatigues et par les austérités, saint Jean-Baptiste Vianney eut fermé les yeux pour toujours, le prodige le plus grand et le plus durable opéré ensuite par lui est l’influence salutaire et décisive qu’il exerça sur le clergé paroissial, spécialement en France, pour le renouvellement de l’esprit pastoral. C’est la raison pour laquelle Pie XI introduisit la fête du saint curé d’Ars dans le Calendrier de l’Église universelle en 1928 et, l’année suivante, le proclama céleste Patron de tous les curés et de tous les prêtres ayant charge d’âmes, dans la Ville et le monde.

Prière. — « O Dieu tout-puissant et miséricordieux, qui avez voulu enrichir le bienheureux Jean-Marie de la grâce d’un zèle pastoral ardent, d’une prière continuelle et d’une constante mortification, faites que, par ses mérites et à son exemple, nous nous efforcions nous aussi de gagner les âmes de nos frères, afin d’obtenir avec eux la couronne éternelle dans le ciel ». Travailler au salut des âmes, comme le dit saint Jean Chrysostome, est la plus divine des occupations, qui nous vaut en outre de vivre dans l’amour de Dieu et d’assurer notre salut éternel.

Lire la suite

Saint Gaétan de Thienne confesseur mémoire de Saint Donat Évêque et Martyr

7 Août 2023 , Rédigé par Ludovicus

Saint Gaétan de Thienne confesseur mémoire de Saint Donat Évêque et Martyr

Collecte

Dieu, vous avez donné au bienheureux Gaétan, votre Confesseur, d’imiter le genre de vie des Apôtres : accordez-nous, par son intercession et à son exemple, de mettre toujours en vous notre confiance et de ne désirer que les biens du ciel.

Office

Au deuxième nocturne.

Quatrième leçon. Gaétan naquit à Vicence, de la noble famille de Thienne. Aussitôt qu’elle lui eut donné le jour, sa mère l’offrit à la sainte Vierge, Mère de Dieu. L’innocence brilla tellement en lui dès ses tendres années, que tout le monde le nommait le Saint. Après avoir obtenu à Padoue le grade de docteur dans l’un et l’autre droit, il partit pour Rome, où le Pape Jules II le mit au rang des Prélats. Ordonné Prêtre, il fut si ardemment embrasé de l’amour de Dieu que, se dérobant à la cour, il se voua tout entier à Dieu. Ayant fondé des hôpitaux à ses propres frais, il y servait lui-même les pauvres pestiférés. Le zèle qu’il ne cessa de déployer pour le salut du prochain le fit surnommer le Chasseur d’âmes.

Cinquième leçon. Les mœurs du clergé étaient alors devenues moins régulières ; voulant les ramener à la forme de vie apostolique, il institua un ordre de Clercs réguliers, qui, se déchargeant de toute préoccupation quant aux biens terrestres, devaient ne posséder aucun revenu, ni demander aux fidèles de quoi subsister, mais se contenter, pour vivre, d’aumônes spontanément offertes. Ayant obtenu l’approbation de Clément VII, Gaétan, accompagné de Jean-Pierre Caraffa, Évêque de Chiéti depuis souverain Pontife sous le nom de Paul IV, et de deux autres personnages d’une grande piété, émit solennellement ses vœux devant l’autel majeur de la basilique du Vatican. Lors du sac de Rome, des soldats le brutalisèrent afin de lui extorquer l’argent qu’il avait déjà placé dans les trésors célestes par la main des pauvres. Les coups, les tortures, la prison, il supporta tout avec une patience invincible. Se confiant à la seule providence de Dieu, qui ne lui fit jamais défaut, ainsi que l’attestent plusieurs prodiges, il persévéra avec une constance inébranlable dans la règle de vie qu’il avait embrassée.

Sixième leçon. L’amour du culte divin, le zèle pour entretenir la maison de Dieu, l’observance des rites sacrés, une participation plus fréquente à l’adorable Eucharistie, furent les choses qu’il s’appliqua le plus à encourager. Plus d’une fois il découvrit et confondit à néant les embûches et les erreurs de l’hérésie. Il prolongeait son oraison pendant huit heures environ, et l’accompagnait de larmes, souvent ravi en extase. Le don de prophétie l’a rendu célèbre. Étant, la nuit de Noël, près de la crèche du Seigneur, à Rome, il mérita de recevoir dans ses bras l’enfant Jésus, des mains de la Vierge Mère. Quelquefois Gaétan passait des nuits entières à châtier son corps à coups de discipline ; jamais on ne put l’amener à adoucir l’austérité de sa vie, et il témoigna souvent le désir qu’il avait de mourir couché sur la cendre et revêtu d’un cilice. Enfin la douleur qu’il ressentit de voir le peuple offenser Dieu par une sédition le fit tomber malade et, réconforté par une vision céleste, son âme passa de la terre au ciel. C’est à Naples qu’il mourut, et l’on y conserve très religieusement son corps dans l’église de Saint-Paul. Les miracles qu’il opéra pendant sa vie et après sa mort l’ont rendu glorieux, et le souverain Pontife Clément X l’a inscrit au nombre des Saints.

Au troisième nocturne.

Homélie de saint Augustin, Évêque. Liber 2 de Sermone Domini in monte, cap. 14

Septième leçon. « Nul ne peut servir deux maîtres ». A cette même intention (bonne ou mauvaise), se rapporte ce que notre Seigneur expose en conséquence de son assertion, disant : « Ou il haïra l’un et il aimera l’autre, ou il s’attachera à l’un et méprisera l’autre ». Il faut examiner attentivement ce passage ; le Seigneur lui-même indique quels sont ces deux maîtres, en ajoutant : « Vous ne pouvez servir Dieu et mammon ». Les Hébreux donnent, dit-on, aux richesses, le nom de mammon. En langue punique, ce mot a le même sens ; car mammon signifie gain.

Huitième leçon. Servir mammon, c’est être l’esclave de celui que sa perversité a préposé aux choses terrestres, et que le Seigneur appelle « prince de ce monde ». Donc : « ou l’homme le haïra et aimera l’autre », c’est-à-dire Dieu, « ou il s’attachera à l’un et méprisera l’autre ». En effet, quiconque est esclave des richesses, s’attache à un maître dur et a une domination funeste ; enchaîné par sa cupidité, il subit la tyrannie du démon, et certes il ne l’aime pas ; car, qui peut aimer le démon ? Mais cependant il le supporte.

Neuvième leçon. « C’est pourquoi, continue le Sauveur, je vous dis : Ne vous inquiétez point pour votre vie de ce que vous mangerez, ni pour votre corps de quoi vous vous vêtirez ». Il ne veut pas que notre cœur se partage à la recherche, non seulement du superflu, mais même du nécessaire, et que, pour nous le procurer, notre intention se détourne de sa véritable fin, dans les actions que nous paraissons faire par un motif de miséricorde. C’est-à-dire qu’il ne veut pas que, tout en paraissant nous dévouer aux intérêts du prochain, nous ayons moins en vue son utilité que notre avantage personnel, et que nous nous regardions comme exempts de fautes, parce que nous ne voulons obtenir que le nécessaire et non le superflu.

Gaétan apparut comme le zélateur du sanctuaire, à l’heure où la fausse réforme lançait par le monde ses manifestes de révoltée. La grande cause du péril d’alors avait été l’insuffisance des gardiens de la cité sainte, leur connivence par complicité de cœur ou d’esprit avec les doctrines et les mœurs païennes, qu’une renaissance mal entendue avait ramenées. Ravagée par le sanglier de la forêt, la vigne du Dieu des armées retrouverait-elle jamais sa fertilité des beaux jours? Gaétan reçut de l’éternelle Sagesse la révélation du nouveau mode de culture qui convenait à cette fin pour une terre épuisée.

L’urgent besoin de ces jours néfastes était le relèvement du clergé par la dignité de la vie, le zèle et la science. Il fallait à cette œuvre des hommes qui, clercs eux-mêmes dans l’acception entière du mot et la variété des obligations qu’il comporte, fussent pour les membres de la sainte hiérarchie un modèle permanent de la perfection primitive, un supplément à leurs impuissances, un levain qui peu à peu régénérerait et soulèverait la masse entière. Mais où trouver ailleurs que dans la vie des conseils et la stabilité des trois vœux qui en forment l’essence, l’impulsion, la puissance, la durée nécessaires aux éléments d’une telle entreprise ? L’inépuisable fécondité de l’Ordre religieux ne fit pas plus défaut à l’Église en ces temps de décadence qu’aux époques de sa gloire. Après les moines tournés vers Dieu dans leurs solitudes, et attirant sur la terre qu’ils semblaient oublier la lumière et l’amour ; après les familles des religieux mendiants, gardant par le monde leurs habitudes claustrales et l’austère parfum du désert : les clercs réguliers faisaient leur entrée sur le champ de bataille, où leur poste de combat, leur genre extérieur de vie, leur costume même, allaient confondre leurs rangs avec ceux de la milice séculière ; ainsi on fortifie les cadres d’une troupe hésitante en y versant des soldats éprouvés de mêmes armes, qui agissent par la parole, l’exemple et l’entraînement sur les faibles.

Comme d’autres avaient été les initiateurs des grandes formes antérieures de la vie religieuse, Gaétan fut le patriarche des Clercs réguliers. Le 24 juin 1524, un bref de Clément VII approuvait sous ce nom l’institut qu’il fondait cette année même avec l’évêque de Théate, d’où vint aussi aux nouveaux religieux l’appellation de Théatins. Bientôt, Barnabites, compagnie de Jésus, Somasques de saint Jérôme Émilien, clercs réguliers Mineurs de saint François Carracciolo, clercs réguliers Ministres des infirmes, clercs réguliers des Écoles pies, clercs réguliers de la Mère de Dieu, d’autres encore, se pressaient dans la voie ouverte et montraient l’Église toujours seule belle, toujours digne de l’Époux, laissant retomber de son poids sur l’hérésie l’accusation d’impuissance qu’elle lui avait lancée.

Ce fut sur le terrain du détachement des richesses, dont l’amour avait causé mille maux dans l’Église, que Gaétan voulut commencer et qu’il mena le plus avant la réforme. On vit les Théatins présenter au monde un spectacle inconnu depuis les Apôtres, pousser le zèle du dénuement jusqu’à s’interdire la faculté de mendier, et attendre toutes choses de l’initiative spontanée des fidèles. Héroïque hommage rendu à la Providence de Dieu, à l’heure même où Luther en niait l’existence, et que maintes fois le Seigneur se plut à reconnaître par des prodiges.

Qui comme vous, ô grand Saint, fit honneur à la parole de l’Évangile : Ne vous inquiétez du manger, ni du boire, ni du vêtement ? Vous connaissiez aussi l’autre parole, également divine : Celui qui travaille mérite qu’on le nourrisse ; vous saviez qu’elle s’appliquait principalement aux ouvriers de la doctrine ; vous n’ignoriez point que d’autres semeurs du Verbe avaient avant vous fondé sur elle l’incontestable droit de leur pauvreté, embrassée pour Dieu, à revendiquer du moins le pain de l’aumône. Sublime revendication d’âmes affamées d’opprobres à la suite de Jésus, et rassasiant en elles ainsi surtout l’amour ! Mais la Sagesse qui plie les aspirations des saints aux circonstances du temps où elle place leur vie mortelle, fit prédominer en vous sur la soif des humiliations l’ambition d’exalter dans votre pauvreté la sainte Providence ; n’était-ce pas ce qu’il fallait à un siècle dont le néo-paganisme semblait, avant même d’avoir écouté l’hérésie, ne plus compter sur Dieu ? Hélas ! de ceux même à qui le Seigneur s’était donné pour possession au milieu des enfants d’Israël, on pouvait trop justement dire : Ils recherchent comme des païens les biens de ce monde. Vous eûtes à cœur, ô Gaétan, de justifier le Père qui est aux cieux, de montrer qu’il était toujours prêt à tenir la promesse faite pour lui par son Fils adoré : Cherchez premièrement le royaume de Dieu et sa justice, et toutes ces choses vous seront données par surcroît.

C’était bien ainsi que, par le fait, il s’imposait de commencer la réforme du sanctuaire à laquelle vous aviez résolu de dévouer votre vie. Il fallait tout d’abord rappeler les membres de la sainte milice à l’esprit de la formule sacrée qui fait les clercs, au jour béni où, déposant l’esprit du siècle avec ses livrées, ils disent dans la joie de leur cœur : Le Seigneur est la part de mon héritage et de mon calice ; c’est vous, à Dieu, qui me rendrez mon héritage.

Le Seigneur, ô Gaétan, reconnut alors votre zèle et bénit vos efforts. Gardez en nous le fruit de votre labeur. La science des rites sacrés reste grandement redevable à vos fils ; puissent-ils prospérer, dans une fidélité renouvelée aux traditions de leur père. Que votre bénédiction de patriarche accompagne toujours les nombreuses familles des Clercs réguliers marchant à la suite de la vôtre. Que tous les ministres de la sainte Église éprouvent qu’au ciel vous restez puissant pour les maintenir, et, au besoin, les ramener dans la voie de leur saint état, comme vous l’étiez sur la terre. Que l’exemple de votre confiance sublime en Dieu apprenne à tous les chrétiens qu’ils ont au ciel un Père dont la Providence n’est jamais en défaut pour ses fils.

Lire la suite

Transfiguration de Notre-Seigneur mémoire de Saint Sixte Pape, et des Saints Félicissime et Agapit Martyr

6 Août 2023 , Rédigé par Ludovicus

Transfiguration de Notre-Seigneur mémoire de Saint Sixte Pape, et des Saints Félicissime et Agapit Martyr

Introït

Vos éclairs ont illuminé le monde : la terre a tremblé et fut bouleversée. Que vos tabernacles sont aimables, Seigneur des armées ! Mon âme soupire et languit après les parvis du Seigneur.

Collecte

Dieu, vous avez affermi les mystères de la foi dans la glorieuse Transfiguration de votre Fils unique, par le témoignage des anciens pères, et, par la voix que vous avez fait entendre dans la nuée lumineuse, vous nous avez marqués de la grâce de la parfaite adoption : faites-nous, au moyen de votre miséricorde, cohéritiers de ce même Roi de gloire et participants de cette même gloire.

Épitre 2. P 1, 16-19

Mes bien-aimés : Ce n’est pas, en effet, sur la foi de fables ingénieusement imaginées que nous vous avons fait connaître la puissance et l’avènement de Notre Seigneur Jésus-Christ, mais en témoins oculaires de sa majesté. En effet, il reçut honneur et gloire de Dieu le Père, lorsque de la gloire magnifique une voix se fit entendre qui disait : "Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui j’ai mis toutes mes complaisances, écoutez-le". Et nous, nous entendîmes cette voix venue du ciel, lorsque nous étions avec lui sur la montagne sainte. Et ainsi a été confirmée pour nous l’Écriture prophétique, à laquelle vous faites bien de prêter attention, comme à une lampe qui brille dans un lieu obscur, jusqu’à ce que le jour vienne à poindre et que l’étoile du matin se lève dans vos cœurs.

Évangile Mt, 17, 1-9

En ce temps-là : Jésus prit avec lui Pierre, Jacques, et Jean son frère, et les conduisit à l’écart sur une haute montagne. Et il fut transfiguré devant eux : son visage resplendit comme le soleil, et ses vêtements devinrent blancs comme la neige. Et voici que Moïse et Élie leur apparurent, s’entretenant avec lui. Alors Pierre prenant la parole, dit à Jésus : Seigneur, il nous est bon d’être ici ; si vous le voulez, faisons-y trois tentes, une pour vous, une pour Moïse, et une pour Élie. Comme il parlait encore, voici qu’une nuée lumineuse les couvrit ; et voici qu’une voix sortit de la nuée, disant : Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j’ai mis toutes mes complaisances ; écoutez-le. Les disciples, l’entendant, tombèrent le visage contre terre, et furent saisis d’une grande crainte. Mais Jésus, s’approchant, les toucha, et leur dit : Levez-vous, et ne craignez point. Alors, levant les yeux, ils ne virent plus que Jésus seul. Lorsqu’ils descendaient de la montagne, Jésus leur donna cet ordre : Ne parlez à personne de ce que vous avez vu, jusqu’à ce que le Fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts.

Postcommunion

Faites, nous vous le demandons, Dieu tout-puissant : que nous parvenions l’âme purifiées à l’intelligence des mystères sacrés de la Transfiguration de votre Fils ; mystères que nous célébrons dans cet office solennel.

Office

4e leçon

Sermon de saint Léon, Pape

Le Seigneur découvre sa gloire devant les témoins qu’il a choisis ; et cette forme corporelle, qui lui est commune avec le reste des hommes, il la fait briller d’une telle splendeur, que « son visage est éblouissant comme le soleil, et son vêtement aussi blanc que la neige ». Dans cette transfiguration, il avait sans doute pour but principal d’ôter du cœur de ses disciples le scandale de la croix, et de faire que l’ignominie volontaire de sa mort ne pût déconcerter ceux devant qui se serait découverte l’excellence de sa dignité cachée. Mais il n’avait pas moins en vue de fonder l’espérance de la sainte Église : en sorte que le corps entier du Christ, ayant connu quelle transformation lui était réservée, chacun des membres pût se promettre de partager la gloire dont le chef aurait brillé par avance.

5e leçon

Mais voulant affermir les Apôtres et les élever à une science parfaite, le Seigneur renferma encore une autre instruction dans ce miracle. Car Moïse et Élie, autrement la Loi et les Prophètes, apparurent s’entretenant avec lui. Cette réunion de cinq personnes accomplissait très exactement ce que dit l’Écriture : « Sur la parole de deux ou trois témoins, tout est avéré ». Quoi de mieux établi, quoi de plus certain qu’une chose que la trompette de l’ancien Testament et celle du nouveau annoncent de concert, qu’une chose au sujet de laquelle les instruments des témoignages antiques s’accordent avec la doctrine évangélique ? En effet, les livres des deux alliances s’accordent parfaitement ensemble : et celui qu’autrefois les figures avaient annoncé sous le voile de leurs mystères, se montre aujourd’hui à découvert dans la splendeur de sa gloire.

6e leçon

Animé donc par ces révélations de choses mystérieuses, l’Apôtre Pierre, tout au mépris du monde et au dégoût de la terre, se laisse emporter hors de lui-même jusqu’au ravissement des désirs éternels ; et rempli de joie par tout ce qu’il a devant lui, il ne demande plus qu’à demeurer avec Jésus en ce lieu où le délecte la manifestation de sa gloire. C’est ce qui lui fait dire : « Seigneur, il nous est bon d’être ici ; si vous voulez, dressons-y trois tentes, une pour vous, une pour Moïse, une pour Élie ». Mais le Seigneur ne répondit pas à cette proposition de Pierre, lui marquant ainsi que son souhait, sans être mauvais, n’était pas dans l’ordre, puisque le monde ne pouvait être sauvé que par la mort du Christ. C’était aussi pour amener la foi des croyants à comprendre qu’au milieu des tentations de cette vie, si l’on ne doit jamais douter des promesses de la béatitude, il faut néanmoins demander la patience plutôt que la gloire.

7e leçon

Homélie de saint Jean Chrysostome.

Le Seigneur avait beaucoup parlé de périls à ses disciples, beaucoup aussi de sa passion et de sa mort : il leur avait souvent prédit qu’on les ferait mourir eux-mêmes, et leur avait enjoint bien des choses austères et difficiles. Or ces maux étaient pour la vie présente, et pour un temps déjà tout proche ; tandis qu’au contraire, ce qu’il leur annonçait d’heureux, à savoir, qu’en perdant leur vie ils sauveraient leurs âmes ; que lui-même viendrait en la gloire de son Père leur décerner des récompenses : tout cela n’était qu’en espérance et en expectative. Voulant donc affermir leur certitude au moyen de la vue, et leur montrer ce qu’est la gloire avec laquelle il doit revenir, il leur découvre et leur manifeste cette gloire, autant qu’ils sont capables de la contempler en ce monde, de manière à les empêcher, tous, et surtout Pierre, de s’attrister trop de leur mort et de celle de leur Maître.

8e leçon

Et voyez comment procède notre Seigneur, en parlant aux siens du royaume et de la géhenne. Par ces mots : « Celui qui trouve son âme la perdra, et quiconque la perd à cause de moi la trouvera » ; et par ceux-ci : « Il rendra à chacun selon ses œuvres » ; Jésus-Christ a fait allusion, et au royaume et à la géhenne. Après donc avoir ainsi parlé de l’un et de l’autre, il permet de jeter les yeux sur le royaume, mais il ne fait point voir la géhenne, parce que cela n’eût été nécessaire qu’à l’égard des hommes très grossiers et des plus ignorants ; tandis que pour les Apôtres qui étaient vertueux et perspicaces, il suffisait de les affermir par la vue de choses meilleures. Cela convenait aussi beaucoup mieux au Seigneur lui-même. Toutefois il n’a pas absolument écarté l’autre moyen, et quelquefois il met, on peut dire, devant les yeux, l’horrible tableau de la géhenne, comme en retraçant l’histoire de Lazare, et en nous parlant du créancier qui réclame cent deniers.

9e leçon

Quant à vous, remarquez la philosophie de saint Matthieu, qui n’a point passé sous silence les noms des Apôtres qui lui furent préférés. Saint Jean a agi de même ; car très souvent, il raconte avec beaucoup de fidélité et de soin ce qui est spécialement à la gloire de Pierre. C’est que, dans cette communauté des Apôtres, la jalousie et la vaine gloire n’avaient aucune place. Jésus donc prit à part les premiers d’entre les Apôtres. Pourquoi n’emmena-t-il qu’eux seuls ? Apparemment parce qu’ils se distinguaient de tous les autres. Et pourquoi n’a-t-il fait cela qu’au bout de six jours et non point sur-le-champ ? Afin que les autres disciples ne fussent pas agités de sentiments humains ; c’est pourquoi il n’a pas non plus nommé ceux qu’il devait prendre avec lui.

« O Dieu qui, dans la glorieuse Transfiguration de votre Fils unique, avez confirmé par le témoignage des pères les mystères de la foi, et par la voix sortie de la nuée lumineuse avez admirablement signifié d’avance l’adoption parfaite des enfants ; rendez-nous dans votre miséricordieuse bonté les cohéritiers effectifs de ce Roi de gloire, en nous faisant participants de la même gloire qui resplendit en lui ». Noble formule, qui résume la prière de l’Église et nous donne sa pensée en cette fête de témoignage et d’espérance.

Or, il convient d’observer tout d’abord que la mémoire de la glorieuse Transfiguration s’est vue déjà représentée au Cycle sacré ; par deux fois, au deuxième dimanche de Carême et au samedi précédent, le récit en a passé sous nos yeux. Qu’est-ce à dire, sinon que la solennité présente a pour objet moins le fait historique déjà connu que le mystère permanent qui s’y rattache, moins la faveur personnelle qui honora Simon Pierre et les fils de Zébédée que l’accomplissement du message auguste dont ils furent alors chargés pour l’Église ? Ne parlez à personne de cette vision, jusqu’à ce que le Fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts. L’Église, née du côté ouvert de l’Homme-Dieu sur la croix, ne devait point se rencontrer avec lui face à face ici-bas ; lorsque, ressuscité des morts, il aurait scellé son alliance avec elle dans l’Esprit-Saint envoyé pour cela des cieux, c’est de la foi seule que devait s’alimenter son amour. Mais, par le témoignage suppléant la vue, rien ne devait manquer à ses légitimes aspirations de connaître.

A cause de cela, c’est pour elle qu’un jour de sa vie mortelle encore, faisant trêve à la commune loi de souffrance et d’obscurité qu’il s’était imposée pour sauver le monde, il laissa son naturel écoulement à la gloire qui remplissait en lui l’âme bienheureuse. Le Roi des Juifs et des Gentils se révélait sur la montagne où sa calme splendeur éclipsait pour jamais les foudres du Sinaï ; le Testament de l’alliance éternelle se déclarait, non plus dans la promulgation d’une loi de servitude gravée sur la pierre, mais dans la manifestation du Législateur lui-même, venant sous les traits de l’Époux régner par la grâce et la beauté sur les cœurs. La prophétie et la loi, qui préparèrent ses voies dans les siècles d’attente, Élie et Moïse, partis de points différents, se rencontraient près de lui comme des courriers fidèles au point d’arrivée ; faisant hommage au Maître commun de leur mission conduite à son terme, ils s’effaçaient devant lui à la voix du Père disant : Celui-ci est mon Fils bien-aimés ! Trois témoins, autorisés plus que tous autres, assistaient à cette scène solennelle : le disciple de la foi, celui de l’amour, et l’autre fils du tonnerre qui devait le premier sceller dans le sang la foi et l’amour apostoliques. Conformément à l’ordre donné et à toute convenance, ils gardèrent religieusement le secret du Roi, jusqu’au jour où celle qu’il concernait pût la première en recevoir communication de leurs bouches prédestinées.

Le six août fut-il ce jour à jamais précieux pour l’Église ? Plus d’un docteur des rites sacrés l’affirme. Du moins convenait-il que le fortuné souvenir en fût de préférence célébré au mois de l’éternelle Sagesse, éclat de la lumière incréée, miroir sans tache de l’infinie bonté, c’est elle qui, répandant la grâce sur les lèvres du Fils de l’homme, en fait aujourd’hui le plus beau de ses frères, et dicte plus mélodieux que jamais au chantre inspiré les accents de l’épithalame : Mon cœur a proféré une parole excellente, c’est au Roi que je dédie mes chants.

Aujourd’hui, sept mois écoulés depuis l’Épiphanie manifestent pleinement le mystère dont la première annonce illumina de si doux rayons le Cycle à ses débuts ; par la vertu du septénaire ici à nouveau révélée, les commencements de la bienheureuse espérance] que nous célébrions alors, enfants nous-mêmes avec Jésus enfant, ont grandi comme l’Homme-Dieu et l’Église ; et celle-ci, établie dans l’inénarrable paix de la pleine croissance qui la donne à l’Époux, appelle tous ses fils à croître comme elle par la contemplation du Fils de Dieu jusqu’à la mesure de l’âge parfait du Christ. Comprenons donc la reprise en ce jour, dans la Liturgie sainte, des formules et des chants de la glorieuse Théophanie. Lève-toi, Jérusalem ! sois illuminée ; car ta lumière est venue, et la gloire du Seigneur s’est levée sur toi. C’est qu’en effet, sur la montagne, avec le Seigneur est glorifiée aussi l’Épouse, resplendissante elle-même de la clarté de Dieu.

Car tandis que « sa face resplendissait comme le soleil, dit de Jésus l’Évangile, ses vêtements devinrent blancs comme la neige ». Or ces vêtements, d’un tel éclat de neige, observe saint Marc, qu’il n’y a point de foulon qui puisse en faire d’aussi blancs sur la terre, que sont-ils sinon les justes, inséparables de l’Homme-Dieu et son royal ornement, sinon la robe sans couture qui est l’Église, et que la douce souveraine célébrée hier continue de tisser à son Fils de la plus pure laine, du plus beau lin qu’ait trouvés la femme forte ? Aussi, bien que le Seigneur, ayant traversé le torrent de la souffrance, soit personnellement entré déjà sans retour dans sa gloire, le mystère de la radieuse Transfiguration ne sera complet qu’à l’heure où le dernier des élus, ayant lui-même passé par la préparation laborieuse du foulon divin et goûté la mort, aura rejoint dans sa résurrection le chef adoré. Face du Sauveur, ravissement des cieux, c’est alors qu’en vous brilleront toute gloire, toute beauté, tout amour. Exprimant Dieu dans la directe ressemblance du Fils par nature, vous étendrez les complaisances du Père au reflet de son Verbe constituant les fils d’adoption, et se jouant dans l’Esprit-Saint jusqu’aux dernières franges du manteau qui remplit au-dessous de lui le temple.

D’après la doctrine de l’Ange de l’école, en effet, l’adoption des enfants de Dieu, qui consiste en une conformité d’image avec le Fils de Dieu par nature, s’opère en une double manière : d’abord par la grâce de cette vie, et c’est la conformité imparfaite ; ensuite par la gloire de la patrie, et c’est la conformité parfaite, selon cette parole de saint Jean : « Nous sommes dès maintenant les enfants de Dieu, et cependant ce que nous serons ne paraît pas encore ; nous savons que lorsque Jésus apparaîtra, nous lui serons semblables, parce que nous le verrons comme il est ».

La parole éternelle : Vous êtes mon Fils Je vous ai engendré aujourd’hui, a eu deux échos dans le temps, au Jourdain et sur le Thabor ; et Dieu, qui ne se répète jamais, n’a point en cela fait exception à la règle de ne dire qu’une fois ce qu’il dit. Car, bien que les termes employés dans les deux circonstances soient identiques, ils ne tendent pas au même but, dit toujours saint Thomas, mais à montrer cette manière différente dont l’homme participe à la ressemblance de la filiation éternelle. Au baptême du Seigneur, où fut déclaré le mystère de la première régénération, comme dans sa Transfiguration qui nous manifeste la seconde, la Trinité apparut tout entière : le Père dans la voix entendue, le Fils dans son humanité, le Saint-Esprit, d’abord en forme de colombe, ensuite dans la nuée éclatante ; car si, au baptême, il confère l’innocence qui est désignée par la simplicité de la colombe, dans la résurrection il donnera aux élus la clarté de la gloire et le rafraîchissement de tout mal, qui sont signifiés par la nuée lumineuse.

Mais, sans attendre le jour où notre désiré Sauveur renouvellera nos corps eux-mêmes conformément à la clarté glorieuse de son divin corps, ici-bas même déjà, le mystère de la radieuse Transfiguration s’opère en nos âmes. C’est de la vie présente qu’il a été écrit, et qu’aujourd’hui l’Église chante : Le Dieu qui fait briller la lumière au sein des ténèbres a resplendi dans nos cœurs, pour les éclairer de la science de la clarté de Dieu par la face du Christ Jésus. Thabor, saint et divin mont qui rivalises avec les cieux, comment ne pas redire avec Pierre : il nous est bon d’habiter ton sommet ! Car ton sommet c’est l’amour, la charité, qui domine au milieu des vertus comme tu l’emportes en grâce, en hauteur, en parfums, sur les autres montagnes de Galilée qui virent aussi Jésus passer, parler, prier, accomplir des prodiges, mais ne le connurent pas dans l’intimité des parfaits. C’est après six jours, observe l’Évangile, et dès lors dans le repos du septième, qui déjà confine au huitième de la résurrection, que Jésus s’y révèle aux privilégiés répondant à son amour. Le royaume de Dieu est en nous ; lorsque, laissant endormi tout souvenir des sens, nous nous élevons par l’oraison au-dessus des œuvres et soucis de la terre, il nous est donné d’entrer avec l’Homme-Dieu dans la nuée : là, contemplant directement sa gloire, autant que le comporte l’exil, nous sommes transformés de clarté en clarté par la puissance de son Esprit dans sa propre image.

« Donc, s’écrie saint Ambroise, gravissons la montagne ; supplions le Verbe de Dieu de se montrer à nous dans sa splendeur, dans sa beauté ; qu’il se fortifie, qu’il progresse heureusement, qu’il règne en nos âmes. Car, mystère profond ! sur ta mesure, le Verbe décroît ou grandit en toi. Si tu ne gagnes ce sommet plus élevé que l’humaine pensée, la Sagesse ne t’apparaît pas ; le Verbe se montre à toi comme dans un corps sans éclat et sans gloire ».

Si la vocation qui se révèle pour toi en ce jour est à ce point grande et sainte, « révère l’appel de Dieu, reprend à son tour André de Crète : ne t’ignore pas toi-même, ne dédaigne pas un don si grand, ne te montre pas indigne de la grâce, ne sois pas si lâche en ta vie que de perdre ce trésor des cieux. Laisse la terre à la terre, et les morts ensevelir leurs morts ; méprisant tout ce qui passe, tout ce qui s’éteint avec le siècle et la chair, suis jusqu’au ciel inséparablement le Christ qui fait route en ce monde pour toi. Aide-toi de la crainte et du désir, pour écarter la défaillance et garder l’amour. Donne toi tout entier ; sois souple au Verbe dans l’Esprit-Saint, pour la poursuite de cette fin bienheureuse et pure : ta déification, avec la jouissance d’inénarrables biens. Par le zèle des vertus, par la contemplation de la vérité, par la sagesse, arrive à la Sagesse, principe de tout et en laquelle subsistent toutes choses ».

 

 

Lire la suite

Dédicace de Sainte Marie aux Neiges

5 Août 2023 , Rédigé par Ludovicus

Dédicace de Sainte Marie aux Neiges

Office

Au deuxième nocturne.

Quatrième leçon. Sous le pontificat de Libère, le patricien romain Jean et sa noble épouse, n’ayant point d’enfants pour hériter de leurs biens, vouèrent leurs possessions à la très sainte Vierge Mère de Dieu, et ils lui demandèrent instamment, par des prières multipliées, de leur faire connaître, d’une manière ou d’une autre, à quelle œuvre pie elle voulait que ces richesses fussent employées. La bienheureuse Vierge Marie écouta favorablement des supplications et des vœux si sincères et y répondit par un miracle.

Cinquième leçon. Aux nones d’août, époque où les chaleurs sont très grandes à Rome, une partie du mont Esquilin fut couverte de neige pendant la nuit. Cette nuit même, tandis que Jean et son épouse dormaient, la Mère de Dieu les avertit séparément d’élever une église à l’endroit qu’ils verraient couvert de neige, et de dédier cette église sous le nom de la Vierge Marie ; c’est ainsi qu’elle voulait être instituée leur héritière. Jean rapporta la chose au Pontife Libère, qui affirma avoir eu la même vision pendant son sommeil.

Sixième leçon. En conséquence, Libère, accompagné de son clergé et de son peuple, vint, au chant des litanies, à la colline couverte de neige, et il y marqua l’emplacement de l’église, qui fut construite aux frais de Jean et de son épouse. Sixte III restaura plus tard cette église. On la désigna d’abord sous divers noms : basilique de Libère, Sainte-Marie-de-la Crèche. Mais comme il existait déjà à Rome beaucoup d’églises consacrées à la sainte Vierge, on finit par l’appeler église de Sainte-Marie-Majeure, pour que, venant s’ajouter à la nouveauté du miracle et à l’importance de la basilique, cette qualification même de majeure la mît au-dessus de toutes les autres ayant le même vocable. L’anniversaire de la dédicace de cette église, rappelant la neige qui tomba miraculeusement en ce jour, est célébré solennellement chaque année.

Au troisième nocturne. Du Commun.

Homélie de saint Bède le Vénérable. Lib. 4, cap. 49 in Luc. 11

Septième leçon. Cette femme fit bien voir la grandeur de sa dévotion et de sa foi. Tandis que les Scribes et les Pharisiens tentent le Seigneur et blasphèment contre lui, elle reconnaît avec tant de sincérité son incarnation, elle la proclame avec tant d’assurance qu’elle confond tout à la fois la calomnie dont les principaux d’entre les Juifs tâchaient alors de noircir le Fils de Dieu, et la perfidie des hérétiques qui devaient s’élever dans la suite des temps. De même qu’à cette époque les Juifs, blasphémant contre l’ouvrage du Saint-Esprit, niaient que Jésus-Christ fût le vrai Fils de Dieu, consubstantiel au Père ; ainsi les hérétiques devaient-ils plus tard, en niant que Marie, toujours Vierge, eût par l’opération du Saint-Esprit, fourni de sa propre chair au Fils de Dieu la matière de ses membres humains, prétendre qu’il ne faut pas le reconnaître pour le vrai fils de l’homme et de la même substance que sa mère.

Huitième leçon. Mais si la chair que le Verbe de Dieu a prise en s’incarnant, n’est pas formée de celle de la Vierge sa Mère, c’est sans motif qu’on appelle heureux le sein qui l’a porté et les mamelles qui l’ont allaité. L’Apôtre a dit : « Dieu a envoyé son Fils, formé d’une femme soumise à la loi ». Il ne faut pas écouter ceux qui pensent qu’il faut lire : Né d’une femme assujettie à la loi ; mais on doit lire : « Formé d’une femme », parce qu’ayant été conçu dans le sein d’une Vierge, il n’a pas tiré sa chair de rien ; mais de la chair de sa mère. Autrement il ne serait pas appelé avec vérité, fils de l’homme puisqu’il ne tirerait pas son origine de l’humanité. Élevons donc, nous aussi, la voix contre Eutychès, avec l’Église catholique, dont cette femme était la figure, élevons aussi notre esprit au-dessus de la foule, et disons au Sauveur : « Heureux le sein qui vous a porté, et les mamelles que vous avez sucées ». Car elle est vraiment une Mère heureuse, celle qui, selon l’expression d’un auteur, « a enfanté le Roi qui gouverne dans tous les siècles le ciel et la terre ».

Neuvième leçon. « Heureux plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui la gardent ! » Le Sauveur approuve éminemment ce qu’avait dit cette femme, quand il affirme que non seulement celle qui a mérité d’engendrer corporellement le Verbe de Dieu, mais aussi tous ceux qui s’efforcent de concevoir spirituellement le même Verbe par l’audition de la foi, de l’enfanter et de le nourrir par la pratique des bonnes œuvres, soit dans leur cœur, soit en celui de leur prochain, sont véritablement heureux. Certes, la Mère de Dieu est bienheureuse d’avoir servi dans le temps, et contribué à l’incarnation du Verbe ; mais elle est encore plus heureuse d’avoir mérité, en l’aimant toujours, de le garder en elle éternellement.

Rome, que Pierre, au premier de ce mois, a délivrée de la servitude, offre un spectacle admirable au monde. Sagesse, qui depuis la glorieuse Pentecôte avez parcouru la terre, en quel lieu fut-il vrai à ce point de chanter que vous avez foulé de vos pieds victorieux les hauteurs superbes ? Rome idolâtre avait sur sept collines étalé son faste et bâti les temples de ses faux dieux ; sept églises apparaissent comme les points culminants sur lesquels Rome purifiée appuie sa base désormais véritablement éternelle.

Or cependant, par leur site même, les basiliques de Pierre et de Paul, celles de Laurent et de Sébastien, placées aux quatre angles extérieurs de la cité des Césars, rappellent le long siège poursuivi trois siècles autour de l’ancienne Rome et durant lequel la nouvelle fut fondée. Hélène et son fils Constantin, reprenant le travail des fondations de la Ville sainte, en ont conduit plus avant les tranchées ; toutefois l’église de Sainte-Croix-en-Jérusalem, celle du Sauveur au Latran, qui furent leur œuvre plus spéciale, n’en restent pas moins encore au seuil de la ville forte du paganisme, près de ses portes et s’appuyant aux remparts : tel le soldat qui, prenant pied dans une forteresse redoutable, investie longtemps, n’avance qu’à pas comptés , surveillant et la brèche qui vient de lui donner passage, et le dédale des voies inconnues qui s’ouvrent devant lui.

Qui plantera le drapeau de Sion au centre de Babylone ? Qui forcera l’ennemi dans ses dernières retraites, et chassant les idoles vaincues, fera son palais de leurs temples ? O vous à qui fut dite la parole du Très-Haut : Vous êtes mon Fils, je vous donnerai les nations en héritage ; ô très puissant, aux flèches aiguës renversant les phalanges, écoutez l’appel que tous les échos de la terre rachetée vous renvoient eux-mêmes : Dans votre beauté, marchez au triomphe, et régnez. Mais le Fils du Très-Haut a aussi une mère ici-bas ; le chant du Psalmiste, en l’appelant au triomphe, exalte aussi la reine qui se tient à sa droite en son vêtement d’or : si de son Père il tient toute puissance de son unique mère il entend recevoir sa couronne, et lui laisse en retour les dépouilles des forts. Filles de la nouvelle Sion, sortez donc, et voyez le roi Salomon sous le diadème dont l’a couronné sa mère au jour joyeux où, prenant par elle possession de la capitale du monde, il épousa la gentilité

Jour, en effet, plein d’allégresse que celui où Marie pour Jésus revendiqua son droit de souveraine et d’héritière du sol romain ! A l’orient, au plus haut sommet de la Ville éternelle, elle apparut littéralement en ce matin béni comme l’aurore qui se lève, belle comme la lune illuminant les nuits, plus puissante que le soleil d’août surpris de la voir à la fois tempérer ses ardeurs et doubler l’éclat de ses feux par son manteau de neige, terrible aussi plus qu’une armée ; car, à dater de ce jour, osant ce que n’avaient tenté apôtres ni martyrs, ce dont Jésus même n’avait point voulu sans elle prendre pour lui l’honneur, elle dépossède de leurs trônes usurpés les divinités de l’Olympe. Comme il convenait, l’altière Junon, dont l’autel déshonorait l’Esquilin, la fausse reine de ces dieux du mensonge fuit la première à l’aspect de Marie, cédant les splendides colonnes de son sanctuaire souillé à la seule vraie impératrice de la terre et des deux.

Quarante années avaient passé depuis ces temps de Silvestre où « l’image du Sauveur, tracée sur les murs du Latran, apparut pour la première fois, dit l’Église, au peuple romain ». Rome, encore à demi païenne, voit aujourd’hui se manifester la Mère du Sauveur ; sous la vertu du très pur symbole qui frappe au dehors ses yeux surpris, elle sent s’apaiser les ardeurs funestes qui firent d’elle le fléau des nations dont maintenant elle aussi doit être la mère, et c’est dans l’émotion d’une jeunesse renouvelée qu’elle voit les souillures d’autrefois céder la place sur ses collines au blanc vêtement qui révèle l’Épouse.

Déjà, et dès les temps de la prédication apostolique, les élus que le Seigneur, malgré sa résistance homicide, recueillait nombreux dans son sein, connaissaient Marie, et lui rendaient à cet âge du martyre des hommages qu’aucune autre créature ne reçut jamais : témoin, aux catacombes, ces fresques primitives où Notre-Dame, soit seule, soit portant l’Enfant-Dieu, toujours assise, reçoit de son siège d’honneur, la louange, les messages, la prière ou lès dons des prophètes, des archanges et des rois. Déjà dans la région transtibérine, au lieu où sous Auguste avait jailli l’huile mystérieuse annonçant la venue de l’oint du Seigneur, Calliste élevait vers l’an 222 une église à celle qui demeure à jamais la véritable fons olei, la source d’où sort le Christ et s’écoule avec lui toute onction et toute grâce. La basilique que Libère, aimé de Notre-Dame, eut la gloire d’élever sur l’Esquilin, ne fut donc pas le plus ancien monument dédié par les chrétiens de Rome à la Mère de Dieu ; la primauté qu’elle prit dès l’abord, et conserva entre les églises de la Ville et du monde consacrées à Marie, lui fut acquise par les circonstances aussi solennelles que prodigieuses de ses origines.

Es-tu entré dans les trésors de la neige, dans mes réserves contre l’ennemi pour le jour du combat ? disait à Job le Seigneur. Au cinq août donc, pour continuer d’emprunter leur langage aux Écritures, à l’ordre d’en haut, les trésors s’ouvrirent, et la neige s envolant comme l’oiseau précipita son arrivée, et sa venue fut le signal soudain des jugements du ciel contre les dieux des nations. La tour de David domine maintenant les tours de la cité terrestre ; inexpugnable en la position qu’elle a conquise, elle n’arrêtera qu’avec la prise du dernier fort ennemi ses sorties victorieuses. Qu’ils seront beaux vos pas dans ces expéditions guerrières, ô fille du prince, ô reine dont l’étendard, par la volonté de votre Fils adoré, doit flotter sur toute terre enlevée à la puissance du serpent maudit ! L’ignominieuse déesse qu’un seul de vos regards a renversée de son piédestal impur, laisse Rome encore déshonorée par la présence de trop de vains simulacres. O notre blanche triomphatrice, aux acclamations des nations délivrées, prenez la voie fameuse qu’ont suivie tant de triomphateurs aux mains rougies du sang des peuples ; traînant à votre char les démons démasqués enfin, montez à la citadelle du polythéisme, et que la douce église de Sainte-Marie in Ara cœli remplace au Capitole le temple odieux de Jupiter. Vesta, Minerve, Cérès, Proserpine, voient leurs sanctuaires et leurs bois sacrés prendre à l’envi le titre et les livrées de la libératrice dont leur fabuleuse histoire offrit au monde d’informes traits, mêlés à trop de souillures. Le Panthéon, devenu désert, aspire au jour où toute noblesse et toute magnificence seront pour lui dépassées par le nom nouveau qui lui sera donné de Sainte-Marie-des-Martyrs. Au triomphe de votre Assomption dans les cieux, quel préambule, ô notre souveraine, que ce triomphe sur terre dont le présent jour ouvre pour vous la marche glorieuse !

La basilique de Sainte-Marie-des-Neiges, appelée aussi de Libère son fondateur, ou de Sixte troisième du nom qui la restaura, dut à ce dernier de devenir le monument de la divine maternité proclamée à Éphèse ; le nom de Sainte-Marie-Mère, qu’elle reçut à cette occasion, fut complété sous Théodore Ier, qui l’enrichit de sa relique la plus insigne, par celui de Sainte-Marie de la Crèche : nobles appellations que résume toutes celle de Sainte-Marie Majeure, amplement justifiée par les faits que nous avons rapportés, la dévotion universelle, et la prééminence effective que lui maintinrent toujours les Pontifes romains. La dernière dans l’ordre du temps parmi les sept églises sur lesquelles Rome chrétienne est fondée, elle ne cédait le pas au moyen âge qu’à celle du Sauveur ; dans la procession de la grande Litanie au 25 avril, les anciens Ordres romains assignent à la Croix de Sainte-Marie sa place entre la Croix de Saint-Pierre au-dessous d’elle et celle de Latran qui la suit. Les importantes et nombreuses Stations liturgiques indiquées à la basilique de l’Esquilin, témoignent assez de la piété romaine et catholique à son endroit. Elle eut l’honneur de voir célébrer des conciles en ses murs et élire les vicaires de Jésus-Christ ; durant un temps ceux-ci l’habitèrent, et c’était la coutume qu’aux mercredis des Quatre-Temps, où la Station reste toujours fixée dans son enceinte, ils y publiassent les noms des Cardinaux Diacres ou Prêtres qu’ils avaient résolu de créer.

Quant à la solennité anniversaire de sa Dédicace, objet de la fête présente, on ne peut douter qu’elle n’ait été célébrée de bonne heure sur l’Esquilin. Elle n’était pas encore universelle en l’Église, au XIIIe siècle ; Grégoire IX en effet, dans la bulle de canonisation de saint Dominique qui était passé le six août de la terre au ciel, anticipe sa fête au cinq de ce mois comme étant libre encore, à la différence du six occupé déjà, comme nous le verrons demain, par un autre objet. Ce fut seulement Paul IV qui, en 1558, fixa définitivement au quatre août la fête du fondateur des Frères Prêcheurs ; or la raison qu’il en donne est que la fête de Sainte-Marie-des-Neiges, s’étant depuis généralisée et prenant le pas sur la première, aurait pu nuire dans la religion des fidèles à l’honneur dû au saint patriarche, si la fête de celui-ci continuait d’être assignée au même jour. Le bréviaire de saint Pie V promulguait peu après pour le monde entier l’Office.

Quels souvenirs, ô Marie, ravive en nous cette fête de votre basilique Majeure ! Et quelle plus digne louange, quelle meilleure prière pourrions-nous vous offrir aujourd’hui que de rappeler, en vous suppliant de les renouveler et de les confirmer à jamais, les grâces reçues par nous dans son enceinte bénie ? N’est-ce pas à son ombre, qu’unis à notre mère l’Église en dépit des distances, nous avons goûté les plus douces et les plus triomphantes émotions du Cycle inclinant maintenant vers son terme ?

C’est là qu’au premier dimanche de l’Avent a commencé l’année, comme dans « le lieu le plus convenable pour saluer l’approche du divin Enfantement qui devait réjouir le ciel et la terre, et montrer le sublime prodige de la fécondité d’une Vierge ». Débordantes de désir étaient nos âmes en la Vigile sainte qui, dès le matin, nous conviait dans la radieuse basilique « où la Rose mystique allait s’épanouir enfin et répandre son divin parfum. Reine de toutes les nombreuses églises que la dévotion romaine a dédiées à la Mère de Dieu, elle s’élevait devant nous resplendissante de marbre et d’or, mais surtout heureuse de posséder en son sein, avec le portrait de la Vierge Mère peint par saint Luc, l’humble et glorieuse Crèche que les impénétrables décrets du Seigneur ont enlevée à Bethléhem pour la confier à sa garde. Durant la nuit fortunée, un peuple immense se pressait dans ses murs, attendant l’heureux instant où ce touchant monument de l’amour et des abaissements d’un Dieu apparaîtrait porté sur les épaules des ministres sacrés, comme une arche de nouvelle alliance, dont la vue rassure le pécheur et fait palpiter le cœur du juste ».

Hélas ! quelques mois écoulés à peine nous retrouvaient dans le noble sanctuaire, « compatissant cette fois aux douleurs de notre Mère dans l’attente du sacrifice qui se préparait ». Mais bientôt, quelles allégresses nouvelles dans l’auguste basilique ! « Rome faisait hommage delà solennité pascale à celle qui, plus que toute créature, eut droit d’en ressentir les joies, et pour les angoisses que son cœur maternel avait endurées, et pour sa fidélité à conserver la foi de la résurrection durant les cruelles heures que son divin Fils dut passer dans l’humiliation du tombeau ». Éclatant comme la neige qui vint du ciel marquer le lieu de votre prédilection sur terre, ô Marie, un blanc troupeau de nouveau-nés sortis des eaux formait votre cour gracieuse et rehaussait le triomphe de ce grand jour. Faites qu’en eux comme en nous tous, ô Mère, les affections soient toujours pures comme le marbre blanc des colonnes de votre église aimée, la charité resplendissante comme l’or qui brille à ses lambris, les œuvres lumineuses comme le cierge de la Pâque, symbole du Christ vainqueur de la mort et vous faisant hommage de ses premiers feux.

Dédicace de Sainte Marie aux Neiges
Lire la suite

Saint Dominique confesseur

4 Août 2023 , Rédigé par Ludovicus

Saint Dominique confesseur

Collecte

Dieu, vous avez daigné éclairer votre Église par les mérites et les leçons du bienheureux Dominique, votre Confesseur : faites que, par son intercession, elle ne soit pas privée des secours temporels, et qu’elle fasse toujours de nouveaux progrès dans les voies spirituelles.

Office

Au deuxième nocturne.

Quatrième leçon. Dominique naquit à Calahorra en Espagne, de la noble famille des Gusman. Il s’appliqua à Palencia à l’étude de la littérature et de la théologie ; et les grands succès qu’il y obtint lui valurent un bénéfice de Chanoine régulier de l’église d’Osma. Plus tard, il fonda l’Ordre des Frères Prêcheurs. Sa mère avait eu un songe pendant sa grossesse : il lui semblait porter en elle un petit chien tenant dans sa gueule une torche allumée avec laquelle, une fois sorti de son sein, il embraserait tout l’univers. Ce songe présageait que la sainteté et la doctrine éclatantes de Dominique enflammeraient les populations d’une grande ardeur pour la pratique de la piété chrétienne. Ce qui arriva dans la suite vérifia le présage ; lui-même en a commencé la réalisation, et il l’a continuée par les membres de son Ordre.

Cinquième leçon. Ce en quoi son talent et sa vigueur se signalèrent le plus, ce fut à combattre les hérétiques, qui essayaient de pervertir les Toulousains par de pernicieuses erreurs. Il employa sept ans à cette œuvre ; après quoi il se rendit à Rome, au concile de Latran, avec l’Évêque de Toulouse, pour obtenir d’Innocent III la confirmation de l’Ordre qu’il avait institué. Pendant qu’on en délibérait, Dominique retourna vers ses disciples, sur le conseil des Pontifes, afin de choisir une règle. Quand il revint à Rome, Honorius III, successeur immédiat d’Innocent, lui accorda la confirmation de l’Ordre des Prêcheurs. Il établit à Rome deux couvents, l’un d’hommes, l’autre de femmes. Il rappela trois morts à la vie et fit beaucoup d’autres miracles qui contribuèrent singulièrement à propager son Ordre.

Sixième leçon. Grâce à lui, des couvents s’étaient élevés partout, et un très grand nombre de personnes réglaient leur vie selon la religion et la piété, lorsqu’il fut pris de la fièvre à Bologne, l’an du Christ mil deux cent vingt et un. Comprenant qu’il allait mourir, il appela ses frères et ceux qui se formaient sous sa direction ; il les exhorta à l’innocence et à l’intégrité des mœurs. Enfin il leur laissa en testament, comme patrimoine assuré, la chanté, l’humilité et la pauvreté. Au moment où tous les frères en prières dirent ces mots ; « Saints de Dieu, venez à son secours ; Anges, venez à sa rencontre » il s’endormit dans le Seigneur, le huitième jour des ides d’août. Dans la suite, le Pape Grégoire IX le mit au nombre des Saints.

Au troisième nocturne.

Homélie de saint Grégoire, Pape. Homilia 13 in Evang.

Septième leçon. Mes très chers frères, le sens de la lecture du saint Évangile que vous venez d’entendre est très clair. Mais de crainte qu’elle ne paraisse, à cause de sa simplicité même, trop élevée à quelques-uns, nous la parcourrons brièvement, afin d’en exposer la signification à ceux qui l’ignorent, sans cependant être à charge à ceux qui la connaissent. Le Seigneur dit : « Que vos reins soient ceints ». Nous ceignons nos reins lorsque nous réprimons les penchants de la chair par la continence. Mais parce que c’est peu de chose de s’abstenir du mal, si l’on ne s’applique également, et par des efforts assidus, à faire du bien, notre Seigneur ajoute aussitôt : « Ayez en vos mains des lampes allumées ». Nous tenons en nos mains des lampes allumées, lorsque nous donnons à notre prochain, par nos bonnes œuvres, des exemples qui l’éclairent. Le Maître désigne assurément ces œuvres-là, quand il dit : « Que votre lumière luise devant les hommes, afin qu’ils voient vos bonnes œuvres, et qu’ils glorifient votre Père qui est dans les cieux ».

Huitième leçon. Voilà donc les deux choses commandées : ceindre ses reins, et tenir des lampes ; ce qui signifie que la chasteté doit parer notre corps, et la lumière de la vérité briller dans nos œuvres. L’une de ces vertus n’est nullement capable de plaire à notre Rédempteur si l’autre ne l’accompagne. Celui qui fait des bonnes actions ne peut lui être agréable s’il n’a renoncé à se souiller par la luxure, ni celui qui garde une chasteté parfaite, s’il ne s’exerce à la pratique des bonnes œuvres. La chasteté n’est donc point une grande vertu sans les bonnes œuvres, et les bonnes œuvres ne sont rien sans la chasteté. Mais si quelqu’un observe les deux préceptes, il lui reste le devoir de tendre par l’espérance à la patrie céleste, et de prendre garde qu’en s’éloignant des vices, il ne le fasse pour l’honneur de ce monde.

Neuvième leçon. « Et vous, soyez semblables à des hommes qui attendent que leur maître revienne des noces, afin que lorsqu’il viendra et frappera à la porte, ils lui ouvrent aussitôt ». Le Seigneur vient en effet quand il se prépare à nous juger ; et il frappe à la porte, lorsque, par les peines de la maladie, il nous annonce une mort prochaine. Nous lui ouvrons aussitôt, si nous l’accueillons avec amour. Il ne veut pas ouvrir à son juge lorsqu’il frappe, celui qui tremble de quitter son corps, et redoute de voir ce juge qu’il se souvient avoir méprisé ; mais celui qui se sent rassuré, et par son espérance et par ses œuvres, ouvre aussitôt au Seigneur lorsqu’il frappe à la porte, car il reçoit son Juge avec joie. Et quand le moment de la mort arrive, sa joie redouble à la pensée d’une glorieuse récompense.

Aux lieux où protégée par le Lion de Castille est assise l’heureuse Callaroga, naquit l’amant passionné de la foi chrétienne, le saint athlète, doux aux siens et dur aux ennemis. A peine créée, son âme fut remplie d’une vertu si vive que, dans sa mère encore, il prophétisa. Quand sur les fonts sacrés furent conclues entre lui et la foi les fiançailles, la répondante qui pour lui donna consentement vit en songe le fruit merveilleux qui devait sortir de lui et de sa race. Dominique il fut appelé, étant tout au Seigneur ; ô bien nommé aussi son père Félix, ô bien nommée Jeanne sa mère, si ces noms signifient ce qu’on dit ! Plein de doctrine et aussi d’énergie, sous l’impulsion apostolique, il fut le torrent qui s’échappe d’une veine profonde ; plus impétueux là où plus forte était la résistance, il s’élançait déracinant les hérésies ; puis il se partagea en plusieurs ruisseaux qui arrosent le jardin catholique et ravivent ses plantes ».

Éloge vraiment digne des cieux, placé par Dante, au paradis, sur les lèvres du plus illustre fils du pauvre d’Assise. Dans le voyage du grand poète à travers l’empyrée, il convenait que Bonaventure exaltât le patriarche des Prêcheurs, comme, au chant précédent, Thomas d’Aquin, fils de Dominique, avait célébré le père de la famille à l’humble cordon. François et Dominique donnés pour guides au monde « afin que s’approchât du Bien-Aimé, plus confiante et plus fidèle, l’Épouse de celui qui, jetant un grand cri vers son Père, s’unit à elle dans son sang béni ! parler de l’un, c’est célébrer les deux, tant leurs œuvres allèrent à même fin ; l’un fut tout séraphique en son ardeur, l’autre parut un rayonnement de la lumière des chérubins ». Sagesse du Père, vous fûtes à tous deux leur amour ; pauvreté de François, vrai trésor de l’âme, foi de Dominique, incomparable splendeur de l’exil : deux aspects d’ici-bas traduisant, pour le temps de l’épreuve et de l’ombre, votre adorable unité.

En effet, dit avec non moins de profondeur et une autorité plus grande l’immortel Pontife Grégoire IX, « la source de la Sagesse, le Verbe du Père, notre Seigneur Jésus-Christ, dont la nature est bonté, dont l’œuvre est miséricorde, n’abandonne point dans la traversée des siècles la vigne qu’il a tirée de l’Égypte ; il subvient par des signes nouveaux à l’instabilité des âmes, il adapte ses merveilles aux défaillances de l’incrédulité. Lors donc que le jour penchait déjà vers le soir et que, l’abondance du mal glaçant la charité, le rayon de la justice inclinait au couchant, le Père de famille voulut rassembler les ouvriers propres aux travaux de la onzième heure ; pour dégager sa vigne des ronces qui l’avaient envahie et en chasser la multitude funeste des petits renards qui travaillaient à la détruire, il suscita les bataillons des Frères Prêcheurs et Mineurs avec leurs chefs armés pour le combat ».

Or, dans cette expédition du Dieu des armées, Dominique fut « le coursier de sa gloire, poussant intrépide, dans le feu de la foi, le hennissement de la divine prédication ». Octobre dira la très large part qu’eut au combat le compagnon que lui donna le ciel, apparaissant comme l’étendard vivant du Christ en croix, au milieu d’une société où la triple concupiscence prêtait la main à toute erreur pour battre en brèche sur tous les points le christianisme même.

Comme François, Dominique, rencontrant partout cette complicité de la cupidité avec l’hérésie qui sera désormais la principale force des faux prédicants, prescrivit aux siens la plus absolue désappropriation des biens de ce monde et se fit lui aussi mendiant pour le Christ. Le temps n’était plus où les peuples, acclamant toutes les conséquences de la divine Incarnation, constituaient à l’Homme-Dieu le plus immense domaine territorial qui fut jamais, en même temps qu’ils plaçaient son vicaire à la tête des rois. Après avoir tenté vainement d’humilier l’Épouse en soumettant le sacerdoce à l’empire, les descendants indignes des fiers chrétiens d’autrefois reprochaient à l’Église la possession de ces biens dont elle n’était que la dépositaire au nom du Seigneur ; pour la Colombe du saint Cantique, l’heure avait sonné de commencer par l’abandon du sol son mouvement de retraite vers les cieux.

Mais si les deux princes de la lutte mémorable qui enraya un temps le progrès de l’ennemi se rencontrèrent dans l’accueil fait par eux à la sainte pauvreté, celle-ci pourtant resta plus spécialement la souveraine aimée du patriarche d’Assise, Dominique, qui comme lui n’avait en vue que l’honneur de Dieu et le salut des âmes, reçut à cette fin en partage plus direct la science ; partage excellent plus fertile que celui de la fille de Caleb : moins de cinquante ans après que Dominique en eut transmis l’héritage à sa descendance, l’irrigation sagement combinée des eaux inférieures et supérieures de la raison et de la foi y amenait à plein développement l’arbre de la science théologique, aux racines puissantes, aux rameaux plus élevés que tout nuage montant de la terre, où les oiseaux de toutes les tribus qui sont sous le ciel aiment à venir se poser sans crainte et fixer le soleil.

Ce fut bien « sur la lumière », dit Dieu à sainte Catherine de Sienne, « que le père des Prêcheurs établit son principe, en en faisant son objet propre et son arme de combat ; il prit pour lui l’office du Verbe mon Fils, semant ma parole, dissipant les ténèbres, éclairant la terre ; Marie, par qui je le présentai au monde, en fit l’extirpateur des hérésies » Ainsi, nous l’avons vu, disait de son côté un demi-siècle plus tôt le poète florentin ; l’Ordre appelé à devenir le principal appui du Pontife suprême dans la poursuite des doctrines subversives devait, s’il se peut, justifier l’expression mieux encore que son patriarche : le premier des tribunaux de la sainte Église, la sainte Inquisition romaine universelle, le Saint-Office, investi en toute vérité de l’office du Verbe au glaive à deux tranchants) pour convertir ou châtier, n’eut pas d’instrument plus fidèle et plus sûr.

Pas plus que la vierge de Sienne, l’illustre auteur de la Divine Comédie n’eût soupçonné qu’un temps dût venir, où le premier titre de la famille dominicaine à l’amour reconnaissant des peuples serait discuté en certaine école apologétique, et là écarté comme une insulte ou dissimulé comme une gêne. Le siècle présent met sa gloire dans un libéralisme qui a fait ses preuves en multipliant les ruines et, philosophiquement, ne repose que sur l’étrange confusion de la licence avec la liberté ; il ne fallait rien moins que cet affaissement intellectuel de nos tristes temps, pour ne plus comprendre que, dans une société où la foi est la base des institutions comme elle est le principe du salut de tous, nul crime n’égale celui d’ébranler le fondement sur lequel repose ainsi avec l’intérêt social le bien le plus précieux des particuliers. Ni l’idéal de la justice, ni davantage celui de la liberté, ne consiste à laisser à la merci du mal ou du mauvais le faible qui ne peut se garder lui-même : la chevalerie fit de cette vérité son axiome, et ce fut sa gloire ; les frères de Pierre Martyr dévouèrent leur vie à protéger contre les surprises du fort armé et la contagion qui se glisse dans la nuit la sécurité des enfants de Dieu : ce fut l’honneur « de la troupe sainte que Dominique conduit par un chemin où l’on profite, si l’on ne s’égare pas ».

Et quels plus vrais chevaliers que ces athlètes de la foi, prenant leur engagement sacré sous forme d’hommage lige, et choisissant pour Dame celle qui, puissante comme une armée, extermine seule les hérésies dans le monde entier ? Au bouclier de la vérité, au glaive de la parole, celle qui garde en Sion les armures des forts joignait pour ses dévoués féaux le Rosaire, signe plus spécial de sa propre milice ; elle leur assignait l’habit de son choix comme étant leur vrai chef de guerre, et les oignait de ses mains pour la lutte dans la personne du Bienheureux Réginald. Elle-même encore veillait au recrutement de la sainte phalange, prélevant pour elle dans la jeunesse d’élite des universités les âmes les plus pures, les plus généreux dévouements, les plus nobles intelligences ; Paris, la capitale de la théologie, Bologne, celle de la jurisprudence et du droit, voyaient maîtres, écoliers, disciples de toute science, poursuivis et atteints par la douce souveraine au milieu d’incidents plus du ciel que de la terre.

Que de grâce dans ces origines où la sérénité virginale de Dominique semblait entourer tous ses fils ! C’était bien dans cet Ordre de la lumière qu’apparaissait la vérité de la parole évangélique : Heureux les purs de cœur, car ils verront Dieu. Des yeux éclairés d’en haut apercevaient sous la figure de champs de lis les fondations des Prêcheurs ; aussi Marie, par qui nous est venue la splendeur de la lumière éternelle, se faisait leur céleste maîtresse et, de toute science, les conduisait à la Sagesse, amie des cœurs non souillés.

En la compagnie de Cécile et de Catherine, elle descendait pour bénir leur repos de la nuit, mais ne partageait avec aucune de ses nobles suivantes le soin de les couvrir de son royal manteau près du trône du Seigneur. Comment dès lors s’étonner de la limpidité suave qui après Dominique, et durant les généralats des Jourdain de Saxe, Raymond de Pegnafort, Jean le Teutonique, Humbert de Romans, continue de régner dans ces Vies des Frères et ces Vies des Sœurs dont des plumes heureuses ont transmis jusqu’à nous les récits d’une exquise fraîcheur ? Discrète leçon, en même temps que secours puissant pour les Frères : dans la famille dominicaine vouée à l’apostolat par essence, les Sœurs furent de dix ans les aînées, comme pour marquer que, dans l’Église de Dieu, l’action ne peut être féconde, si elle n’est précédée et ne demeure accompagnée de la contemplation qui lui vaut bénédiction et toute grâce.

Notre-Dame de Prouille, au pied des Pyrénées, ne fut pas seulement par ce droit de primogéniture le principe de tout l’Ordre ; c’est à son ombre protectrice que les premiers compagnons de Dominique arrêtèrent avec lui le choix de leur Règle et se partagèrent le monde, allant de là fonder Saint-Romain de Toulouse, puis Saint-Jacques de Paris, Saint-Nicolas de Bologne, Saint-Sixte et Sainte-Sabine dans la Ville éternelle. Vers la même époque, l’établissement de la Milice de Jésus-Christ plaçait sous la direction des Prêcheurs les séculiers qui, en face de l’hérésie militante, s’engageaient à défendre par tous les moyens en leur pouvoir les biens de l’Église et sa liberté ; quand les sectaires eurent posé les armes, laissant la paix au monde pour un temps, l’association ne disparut pas : elle porta le combat sur le terrain de la lutte spirituelle, et changea son nom en celui de Tiers-Ordre des Frères et Sœurs de la Pénitence de saint Dominique.

Quel cortège est celui que vous forment vos fils et vos filles sur le Cycle sacré ! Accompagné en ce mois même de Rose de Lima et d’Hyacinthe, voilà que dès longtemps vous annonçaient au ciel de la Liturgie les Raymond de Pegnafort, les Thomas d’Aquin, les Vincent Ferrier, les Pierre Martyr, les Catherine de Sienne, les Pie V, les Antonin. Enfin brille au firmament l’astre nouveau dont la splendeur écarte l’ignorance, confond l’hérésie, accroît la foi des croyants. O Dominique, votre bienheureuse mère d’ici-bas, qui vous a devancé dans les cieux, pénètre maintenant dans sa plénitude le sens fortuné de la vision mystérieuse qui jadis excitait ses craintes ; et cet autre Dominique, gloire de l’antique Silos, au tombeau duquel elle reçut la promesse de votre bénie naissance, applaudit à l’éclat décuplé dont ce beau nom qu’il vous transmit resplendira par vous dans les siècles éternels. Mais quel accueil surtout vous est fait par la Mère de toute grâce, elle qui naguère, embrassant les pieds du Seigneur irrité, se portait garante que vous ramèneriez le monde à son Sauveur ! à peine quelques années ont passé : et partout l’erreur en déroute pressent qu’une lutte à mort est engagée entre elle et les vôtres ; et l’Église du Latran, maîtresse et mère, a vu ses murs menaçant ruine raffermis pour un temps ; et les deux princes des Apôtres, qui vous avaient dit Va et prêche, applaudissent à la Parole qui de nouveau parcourt la terre et retentit sur toute plage.

Frappées déjà de stérilité, les nations, que l’Apocalypse assimile aux grandes eaux, semblaient se corrompre pour toujours ; la prostituée de Babylone, devançant l’heure, y dressait son trône : lorsqu’à l’imitation d’Élisée, mettant le sel de la Sagesse dans le vase neuf de l’Ordre par vous fondé, vous avez répandu dans les eaux malades ce sel divin, neutralisé les poisons de la bête de blasphème si tôt reparue, et, en dépit d’embûches qui ne cesseront plus, rendu de nouveau la terre habitable. Mais comme, une fois de plus, votre exemple nous montre que ceux-là seuls sont puissants pour Dieu sur les peuples, qui se livrent à lui sans chercher rien autre et ne donnent à autrui que de leur plénitude ! Dédaignant toute rencontre et toute science où ne se montrait pas l’éternelle Sagesse, nous disent vos historiens, ce fut d’elle uniquement que s’éprit votre adolescence ; elle qui prévient ceux qui la désirent vous inonda dès ces premiers ans de la lumière et des suavités anticipées de la patrie. C’était d’elle que s’écoulait sur vous la sérénité radieuse qui frappait vos contemporains et qu’aucun événement n’altéra jamais. Dans une paix des cieux, vous buviez à longs traits l’eau de ce puits sans fond qui rejaillit à la vie éternelle ; mais en même temps qu’au plus intime secret de l’âme vous abreuvait ainsi son amour, une fécondité merveilleuse se déclarait dans la source divine, et ses ruisseaux devenus vôtres s’échappaient au dehors et les places publiques bénéficiaient des flots de votre surabondance].

Vous aviez accueilli la Sagesse, et elle vous exaltait ; non contente d’orner votre front des rayons de l’étoile mystérieuse, elle vous donnait la gloire des patriarches et multipliait de toutes celles de vos fils vos années et vos œuvres. Vous n’avez point cessé d’être en eux l’un des puissants contreforts de l’Église. La science a rendu leur nom illustre parmi les peuples, et à cause d’elle leur jeunesse fut honorée des vieillards : qu’elle soit toujours pour eux, comme elle le fut pour leurs aînés, et le fruit de la Sagesse, et le chemin qui y conduit ; qu’elle s’alimente à la prière, dont la part est demeurée si belle en votre saint Ordre, que plus qu’aucun autre il se rapproche par ce côté des anciens Ordres monastiques Louer, bénir et prêcher sera jusqu’à la fin sa devise aimée, l’apostolat devant être chez lui, selon le mot du Psaume, l’effusion débordante du souvenir des suavités goûtées dans le commerce divin. Ainsi affermie en Sion, ainsi bénie dans son glorieux rôle de propagatrice et de gardienne de la vérité, votre noble descendance méritera d’entendre toujours de la bouche de Notre-Dame même cet encouragement au-dessus de toute louange : « Fortiter, fortiter, viri fortes ! Courage, courage, hommes courageux ! »

Lire la suite

Invention de Saint Etienne protomartyr

3 Août 2023 , Rédigé par Ludovicus

Invention de Saint Etienne protomartyr

« Un prêtre de Jérusalem du nom de Lucien déclara avoir découvert les restes de saint Étienne à Caphargamala le 18 décembre 415. On en fit la translation solennelle à Jérusalem dans la Sainte-Sion le 26 décembre suivant. Les reliques du Protomartyr se répandirent aussitôt à travers tout le monde. Au temps de saint Augustin, qui en avait reçu à Hippone, on les vénérait spécialement à Ancône (Italie), où la basilique Saint-Étienne attirait les foules.

Le martyrologe hiéronymien mentionne l’inventio corporis beatissimi Stephani le 3 août. Le martyrologe lyonnais du IXe siècle reproduit cette notice, suivi par Florus et les autres martyrologes. Ceux-ci suscitèrent le culte liturgique. Dès le IXe et le Xe siècle, puis surtout au XIe, il se répandit en France et en Angleterre. On le trouve à Cluny et à Saint-Gall au Xe siècle. Au XIe, le sacramentaire de Vich ainsi que le Rossianum donnent des formulaires pour la messe de la fête. A Rome, si le martyrologe de Saint-Cyriaque en fait état, on n’en trouve pas d’autre mention parmi nos témoins du XIe siècle. Au XIIe, où l’on érigea onze églises sous le vocable de saint Étienne, le collectaire de Saint-Pierre lui attribue une oraison : Deus qui nos hodierna die concedis reliquiarum, tandis que le passionnaire du Latran donne pour titre à sa lecture : Translatio sci Stephani protomartyris. Le missel du Latran, qui mentionne dans son intitulé l’inventio de Gamaliel avec celle d’Étienne, contient le formulaire appelé à passer ensuite dans le missel de la Curie.

 

Collecte

Nous vous en prions, Seigneur, donnez-nous d’imiter celui que nous célébrons : nous apprendrons ainsi à aimer nos ennemis puisque nous fêtons l’Invention de celui qui a su prier notre Seigneur Jésus-Christ votre Fils même pour ses bourreaux.

Office

4e leçon

Les corps des saints Étienne, premier Martyr, de Gamaliel, de Nicodème et d’Abibos restèrent longtemps cachés dans un lieu obscur et indigne d’eux. Sur une indication céleste donnée au Prêtre Lucien, ils furent enfin trouvés près de Jérusalem, sous l’empereur Honorius. Gamaliel apparut en songe au Prêtre Lucien, sous la figure d’un vieillard à l’aspect grave et majestueux, et lui montrant où gisaient les corps, il lui ordonna d’aller trouver Jean, Évêque de Jérusalem, et de traiter avec lui des moyens de donner une sépulture plus honorable à leurs dépouilles.

5e leçon

A cette information, l’Évêque de Jérusalem convoqua les Évêques et les Prêtres des villes voisines et se rendit sur les lieux. Il découvrit et fit ouvrir les sépulcres, d’où s’exhala une odeur très suave. Le bruit de cet événement s’étant répandu, une grande foule se rassembla, et beaucoup des assistants, qui étaient affligés de diverses maladies, retournèrent chez eux complètement guéris. Le corps sacré de saint Étienne fut alors déposé avec la plus grande pompe dans la sainte église de Sion, d’où on le transporta à Constantinople, sous Théodose le Jeune. Apporté à Rome, au temps du souverain Pontife Pelage Ier, il fut placé dans le sépulcre de saint Laurent, Martyr, dans l’Agro Verano.

6e leçon

Du livre de saint Augustin, Évêque : De la cité de Dieu.

Lorsque l’Évêque Project apportait à Tibilis des reliques du très glorieux Martyr Étienne, il y eut un grand concours de peuple sur le passage de la châsse. C’est alors qu’une femme aveugle, ayant demandé qu’on la fît approcher de l’Évêque qui portait les restes sacrés, donna des fleurs qu’elle tenait à la main, pour les faire toucher aux reliques ; et quand on les lui eut rendues, elle se les appliqua sur les yeux, et aussitôt elle recouvra la vue. A la stupéfaction de ceux qui étaient présents, elle se mit à marcher toute joyeuse en avant du cortège, alerte et n’ayant plus besoin de guide. Une autre châsse renfermant des reliques du même Martyr était en vénération tout près d’Hippone, au bourg de Sinite ; Lucillus, Évêque de ce lieu, qui la portait solennellement, précédé et suivi de la population, fut soudainement guéri, par la vertu de ce précieux fardeau, d’une fistule dont il était incommodé depuis longtemps et qu’il était prêt à faire ouvrir par un médecin de ses amis.

7e leçon

Homélie de saint Jérôme, Prêtre

Ces paroles : « comblez la nature de vos pères », que nous disons se rapporter à la personne du Seigneur, puisqu’il allait, par les Juifs, être mis à mort, se peuvent aussi rapporter à ses disciples, desquels il est dit maintenant : « Voici que moi-même je vous envoie des Prophètes, des sages et des Docteurs ». Observez en même temps que, selon la remarque de l’Apôtre dans son Épître aux Corinthiens, des dons différents sont attribués aux disciples du Christ : les uns sont Prophètes et annoncent l’avenir ; d’autres ont le don de sagesse et discernent le moment propice pour parler ; il y a enfin des Docteurs, très versés dans la science de la loi. De ce nombre Étienne a été lapidé, Paul tué (par le glaive), Pierre crucifié, les disciples, comme on le voit dans les Actes des Apôtres, furent flagellés.

8e leçon

Cherchons quel est ce Zacharie, fils de Barachie, car nous trouvons dans les Livres saints plusieurs Zacharie. Mais, comme si le Sauveur avait voulu nous empêcher de nous égarer dans nos recherches, il a ajouté : « Que vous avez tué entre le temple et l’autel ». J’ai lu dans les auteurs, divers sentiments par rapport à ce personnage, et je dois, ce me semble, les exposer tous. Les uns voient dans ce Zacharie, fils de Barachie, le onzième des douze Prophètes, et, en effet, le nom de son père est bien celui que l’Évangile cite ; mais on ne voit nulle part dans les Écritures qu’il ait été tué entre le temple et l’autel, ce qui eût été d’ailleurs difficile, puisqu’à ce moment, c’est à peine si du temple, il restait des ruines. D’autres, s’appuyant sur certaines rêveries des apocryphes, font de ce Zacharie le père de Jean-Baptiste, prétendant qu’il aurait été tué pour avoir prêché l’avènement du Sauveur.

9e leçon

D’autres enfin prétendent que ce Zacharie est celui qui fut mis à mort par Joas, roi de Juda, entre le temple et l’autel, comme le racontent les livres des Rois. Mais il faut observer que le Zacharie en question n’est point fils de Barachie, mais du grand prêtre Joïada. Aussi l’Écriture dit-elle : « Joas ne se souvint pas que son père Joäda lui avait fait du bien ». Comme donc d’un côté, nous avons Zacharie, et comme d’autre part, l’endroit où il fut mis à mort est bien celui indiqué plus haut, cherchons pour quelle raison on le dit fils de Barachie et non de Joïada. « Barachie » se traduit, en notre langue, « le béni du Seigneur, » et ce serait donc la justice du grand prêtre Joïada qui indiquerait l’emploi de ce nom hébreu de Barachie, nom attestant les bénédictions divines. Nous trouvons dans l’Évangile dont se servent les Nazaréens : « fils de Joïada », au lieu de « fils de Barachie ».

Sollicité par l’approche du triomphe de Laurent, Étienne se lève pour assister à ses combats ; rencontre toute de grâce et de force, où l’éternelle Sagesse se révèle dans la disposition du Cycle sacré. Mais la fête présente nous réserve aussi d’autres enseignements.

La première résurrection, dont nous parlions naguère, se poursuit pour les Saints. A la suite de Nazaire et de Celse, après tous les Martyrs que la victoire du Christ a montrés selon la divine promesse participants de sa gloire, le porte-enseigne de la blanche armée sort lui-même glorieux du tombeau pour la conduire à de nouveaux triomphes. Les farouches auxiliaires de la colère du Tout-Puissant contre Rome idolâtre, après avoir réduit en poudre les faux dieux, doivent être domptés à leur tour ; et cette seconde victoire sera l’œuvre des Martyrs assistant l’Église de leurs miracles, comme la première fut celle de leur foi méprisant la mort et les tourments. La manière reçue en nos jours d’écrire l’histoire ignore cet ordre de considérations ; ce ne peut être une raison pour nous de sacrifier à l’idole : l’exactitude dont se targue en ses données la science de ce siècle, n’est qu’une preuve de plus que le faux s’alimente d’omissions souvent mieux que d’affirmations directement contraires au vrai. Or, autant le silence est profond aujourd’hui sur ce point, autant pourtant il est assuré que les années qui virent les Barbares s’implanter dans l’empire, et bientôt le renverser, furent signalées par une effusion de la vertu d’en haut comparable de plus d’un côté à celle qui avait marqué le temps de la prédication des Apôtres. Il ne fallait rien moins, d’une part pour rassurer les croyants, de l’autre pour imposer le respect de l’Église à la brutalité de ces envahisseurs qui ne connaissaient que le droit de la force, et n’éprouvaient que mépris pour la race qu’ils avaient vaincue.

L’intention providentielle qui multiplia autour du grand fait de la chute de Rome, en 410, les découvertes des corps saints, se manifeste pleinement dans la plus importante, objet de la fête de ce jour. L’année 415 avait sonné déjà. L’Italie, les Gaules, l’Espagne, dont l’Afrique allait bientôt partager le désastre, étaient en pleine invasion. Dans l’universelle ruine, les chrétiens, qui seuls gardaient avec eux l’espérance du monde, s’adressaient à tous les sanctuaires pour obtenir qu’au moins, selon l’expression du prêtre espagnol Avitus, « le Seigneur donnât mansuétude à ceux qu’il laissait prévaloir ». C’est alors qu’eut lieu la révélation merveilleuse où la sévère critique de Tillemont, convaincue par le témoignage de toutes les chroniques et histoires, lettres et discours du temps, reconnaît « l’un des plus célèbres événements du Ve siècle ». L’évêque Jean de Jérusalem recevait, par l’intermédiaire du prêtre Lucien, un message d’Étienne premier martyr et de ses compagnons de sépulture, ainsi conçu : « Ouvre en hâte notre tombe, pour que par nous Dieu ouvre au monde la porte de sa clémence, et qu’il prenne son peuple en pitié dans la tribulation qui est partout ». Et la découverte, accomplie au milieu de prodiges, était notifiée au monde entier comme le signe de salut ; et la poussière du corps d’Étienne, répandue en tous lieux comme un gage de sécurité et de paix, produisait d’étonnantes conversions, d’innombrables miracles en tout semblables « à ceux des temps anciens », rendant témoignage à cette même foi du Christ que le protomartyr avait quatre siècles plus tôt confessée dans la mort.

Tel était le caractère de cette manifestation extraordinaire, où les résurrections elles-mêmes se produisaient en nombre stupéfiant, que saint Augustin, parlant à son peuple, estimait prudent d’élever sa pensée d’Étienne simple serviteur au Christ seul Maître. « Mort, il rend les morts vivants, disait-il, parce qu’en effet il n’est pas vraiment mort. Mais, comme autrefois durant sa vie mortelle, c’est uniquement par le nom du Christ qu’il agit maintenant : tout ce que vous voyez se faire ainsi par la mémoire d’Étienne se fait en ce seul nom, pour que le Christ soit exalté, pour que le Christ soit adoré, pour que le Christ soit attendu comme juge des vivants et des morts ».

Terminons par cette louange qu’adressait, quelques années plus tard, à Étienne Basile de Séleucie, et qui résume si bien la raison de la fête : « Il n’est pas de lieu, de territoire, de nation, de lointaine frontière, qui n’ait obtenu le secours de vos bienfaits. Il n’est personne, étranger, citoyen, Barbare ou Scythe, qui n’éprouve par votre intercession le sentiment des réalités supérieures ».

Quel complément précieux du récit des saints Livres nous fournit cette histoire de votre Invention, ô Protomartyr ! Nous savons maintenant quels étaient « ces hommes craignant Dieu qui ensevelirent Étienne, et firent ses funérailles avec un grand deuil ». Gamaliel, le maître du Docteur des nations, avait été, comme son disciple et avant lui, la conquête du Seigneur ; inspiré par Jésus à qui en mourant vous remettiez votre âme, il honora dans le trépas l’humble athlète du Christ des mêmes soins que Joseph d’Arimathie, le noble décurion , avait prodigués à l’Homme-Dieu, et fit placer votre corps dans le tombeau neuf qu’il s’était aussi préparé pour lui-même. Bientôt le compagnon du pieux labeur de Joseph au grand Vendredi, Nicodème, poursuivi par les Juifs dans cette persécution où vous parcourûtes le premier l’arène, trouvait asile près de vos restes vénérés, en attendant d’y goûter le repos de la mort des saints. Le grand nom de Gamaliel en imposait aux fureurs de la synagogue ; tandis qu’Anne et Caïphe maintenaient par la faveur précaire de Rome le pouvoir sacerdotal aux mains de leurs proches, le petit-fils d’Hillel gardait pour les siens la primauté de la science et voyait sa descendance aînée rester, quatre siècles durant, dépositaire de la seule autorité morale qu’Israël dispersé reconnût encore. Mais pourtant plus heureux fut-il d’avoir, en écoutant les Apôtres et vous-même, ô Étienne, passé de la science des ombres à la lumière des réalités, de la Loi à l’Évangile, de Moïse à celui que Moïse annonçait ; plus heureux que son aîné fut le fils de sa tendresse, Abibas, baptisé avec lui dans sa vingtième année, et qui, passant à Dieu, remplit la tombe qui le reçut près de la vôtre de la très suave odeur d’une pureté digne des cieux : combien touchante n’apparut pas la dernière volonté de l’illustre père, lorsque, son heure venue, il donna ordre qu’on rouvrît pour lui le tombeau d’Abibas et qu’on ne vît plus dans le père et l’enfant que deux frères jumeaux engendrés ensemble à la seule vraie lumière !

La munificence du Seigneur Christ vous avait dignement, ô Étienne, entouré dans la mort. Nous rendons grâces au noble personnage qui vous donna l’hospitalité du dernier repos ; nous le remercions d’avoir lui-même, au temps voulu, rompu le silence gardé alors à son sujet par la délicate réserve des Écritures. C’est bien littéralement qu’ici encore nous constatons l’efficacité de la volonté par laquelle l’Homme-Dieu entend partager avec les siens tout honneur. Votre sépulcre lui aussi fut glorieux ; et quand il s’ouvrit, comme pour celui du Fils de l’homme, la terre aussi trembla, les assistants crurent que le ciel était descendu, le monde délivré d’une sécheresse désolante et de mille maux se reprit à espérer parmi les ruines. Aujourd’hui que notre Occident vous possède, que Gamaliel cède à Laurent ses droits d’hospitalité, levez-vous encore , ô Étienne ; et, de concert avec le grand diacre romain, délivrez-nous des Barbares nouveaux, en faisant qu’ils se convertissent ou disparaissent de la terre donnée par Dieu à son Christ

Lire la suite
<< < 1 2 3 4 > >>