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Regnum Galliae Regnum Mariae
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Quarante-Heures

13 Février 2024 , Rédigé par Ludovicus

Quarante-Heures

La dévotion des Quarante-Heures remonte au XVIe siècle. Elle consiste à jeûner, faire pénitence et adorer le Saint-Sacrement. Mais sans saint Philippe Néri (1515-1595) et les capucins, elle serait sans doute restée cantonnée à la Lombardie (Italie). Pourtant, c’est une dévotion répandue dans toute l’Église aujourd’hui.

Rome, 1550. En un dimanche de début d’année, dans les rues peuplées de la ville éternelle, un homme en soutane se fraye un chemin dans la foule. Celle-ci s’écarte pour le laisser passer. On connaît bien Philippe Néri ici. Ce jeune séminariste au cœur d’enfant et à l’humour décapant est connu pour ses évangélisations spontanées qui en ont converti plus d’un. 

On lui demande où il court comme cela. Philippe, sans s’arrêter, répond qu’il a trouvé un nouveau moyen de sauver les âmes et honorer Jésus. Quelle merveilleuse prière que cette dévotion des Quarante-Heures ! Ce temps prolongé de jeûne et d’adoration ne peut que servir la cause du Christ. Il doit absolument en parler à son ami, Ignace de Loyola

De Milan à Rome

La dévotion des Quarante-Heures fait son apparition en Lombardie au début du XVIe siècle. À l’origine, il s’agit simplement d’une période de jeûne et d’abstinence de quarante heures qui a lieu pendant le triduum pascal. Elle s’achevait par une procession le matin de Pâques

En 1527, un certain Antonio Bellotti décide d’exposer pendant ces quarante heures le Saint-Sacrement. L’adoration devient alors partie intégrante et centrale de la dévotion. Pourquoi cet ajout ? À cette époque, les guerres d’Italie font rage. L’adoration est toute indiquée pour implorer le Seigneur pour la paix dans le monde. Elle prend place au début de chaque trimestre.

Dix ans plus tard, un capucin du nom de Giuseppe da Ferno transforme les Quarante-Heures en chaînes de prières solennelles avec procession eucharistique. Et lorsqu’une paroisse termine ses Quarante-Heures, une autre prend la suite. C’est là l’une des origines possibles de l’adoration perpétuelle. Les capucins répandent par la suite la pratique dans toute l’Italie. C’est ainsi que cette dévotion parvient à Rome jusqu’aux oreilles de Philippe Néri. 

La proposition de ce dernier enchante l’Église de Rome. Avec son ordre, la congrégation de l’Oratoire, il organise les Quarante-Heures au début de chaque mois. En ce siècle de tensions politiques constantes, elles deviennent un rituel nécessaire pour demander la paix au Seigneur.  

De Rome aux monde entier

Quant aux jésuites, également enthousiasmés par cette dévotion, ils décident de la développer pour lutter contre les coutumes païennes. Et à partir de 1556, la prière des Quarante-Heures se fait du dimanche au mardi précédant les Cendres. Ceci pour expier les péchés commis durant le carnaval. Philippe Néri n’est pas le seul saint à influencer la propagation de la dévotion. Saint Charles Borromé, évêque de Milan, ordonne en 1575 que l’adoration dure les trois jours précédant le carême. Durant ces trois jours, les fidèles et les consacrés se relaient pour qu’il y ait toujours quelqu’un devant le Saint-Sacrement. 

C’est finalement à la fin du XVIe siècle et grâce au pape Clément VIII que les prières de Quarante-Heures sont propagées dans le monde. Il ne s’agit plus alors d’une simple prière intérieure. Après une messe d’ouverture, les fidèles sont guidés par des prédicateurs. Chacun fait pénitence et pardonne, puis il s’ensuit une procession à la lueur de cierges. Les pénitents, pieds nus ou vêtus de sac, suivent le Saint-Sacrement. Puis prend place l’adoration. On pardonne et on demande pardon. On promet d’œuvrer pour la paix. Et durant la messe de clôture, on prie pour la fin des guerres et la paix dans le monde. Cette forme demeure pratiquement la même jusqu’au XIXe siècle. 

Traditionnellement, la dévotion aux Quarante-Heures prend place juste avant ou au début du carême. Mais elles peuvent être célébrées à tout moment de l’année. Elle existe aujourd’hui sous des formes variées, telle l’adoration perpétuelle au Sacré-Cœur  de Montmartre.

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Les Sept Saints Fondateurs de l’ordre des Servites

12 Février 2024 , Rédigé par Ludovicus

Les Sept Saints Fondateurs de l’ordre des Servites

Collecte

O Seigneur Jésus-Christ, qui, dans le but de faire honorer la mémoire des douleurs de votre très sainte Mère, avez, par l’entremise de sept Bienheureux, doté l’Église de la nouvelle famille de ses Serviteurs, daignez nous accorder de nous associer à leurs larmes, de manière à. être admis à partager aussi leurs joies.

Office

Au deuxième nocturne.

Quatrième leçon. Au XIIIe siècle, alors que les parties les plus florissantes de l’Italie étaient déchirées par le schisme funeste de Frédéric II et par de cruelles factions, la Providence miséricordieuse de Dieu suscita, parmi tant d’autres hommes illustres par leur sainteté, sept nobles Florentins qui, unis par la charité, offrirent un exemple remarquable d’amour fraternel. Ces hommes, à savoir Bonfilio Monaldi, Bonajuncta Manetto, Manetto d’Antelles, Am-dée de Amidéis, Uguccio Uguccioni, Sostène de Sos-teneis et Alexis Falconiéri, au jour de l’Assomption de l’année 1233, priaient avec ferveur dans rassemblée d’une pieuse confrérie appelée des Laudantes, lorsque la Mère de Dieu, apparaissant à chacun d’eux, les invita à embrasser un genre de vie plus saint et plus parfait. Ayant donc pris conseil de l’Évêque de Florence, et renonçant aux honneurs de leur rang comme à leurs richesses, portant un cilice sous des vêtements pauvres et usés, ils se retirèrent à la campagne dans une humble demeure, le huitième jour de septembre, afin de débuter dans une vie plus sainte au jour même où la Mère de Dieu avait commencé sa vie très sainte parmi les mortels.

Cinquième leçon. Dieu montra par un miracle combien cette résolution, lui était agréable. Peu de temps après, comme ces sept hommes parcouraient la ville de Florence, en demandant l’aumône aux portes des maisons, il arriva tout à coup qu’ils furent acclamés Serviteurs de la bienheureuse Vierge Marie par la voix de petits enfants, et entre autres de saint Philippe Beniti à peine âgé de quatre mois. Ce nom leur fut désormais toujours conservé. Voulant éviter le concours du peuple et pressés par l’amour de la solitude, ils se retirèrent tous au mont Sénar. Ils y commencèrent un genre de vie vraiment céleste. Habitant des cavernes, vivant d’eau et d’herbes sauvages, ils mortifiaient leur corps par des veilles et d’autres austérités. La passion du Christ et les douleurs de sa Mère affligée étaient l’objet de leurs continuelles méditations. Comme ils s’y livraient avec plus d’ardeur un jour de vendredi saint, la bienheureuse Vierge elle-même leur apparut à deux reprises, leur montrant l’habit sombre qu’ils devaient revêtir, et leur fit connaître qu’elle aurait pour très agréable qu’ils établissent dans l’Église un nouvel Ordre religieux, destiné à garder perpétuellement et à propager parmi les peuples la dévotion aux douleurs qu’elle a souffertes pour nous au pied de la croix du Seigneur. Saint Pierre, illustre Martyr de l’Ordre des Frères Prêcheurs, ayant appris ces choses, par les relations familières qu’il entretenait avec ces saints hommes et par une apparition particulière de la Mère de Dieu, les engagea à instituer un Ordre religieux sous le nom de Serviteurs de la bienheureuse Vierge, Ordre qui fut ensuite approuvé par le pape Innocent IV.

Sixième leçon. Ces bienheureux Pères, auxquels de nombreux compagnons Ces bienheureux Pères, auxquels de nombreux compagnons vinrent bientôt s’adjoindre, commencèrent alors à parcourir les villes et les bourgades de l’Italie, principalement celles de l’Étrurie ; ils prêchèrent partout Jésus crucifié, apaisant les discordes civiles et rappelant au sentier de la vertu une multitude presque infinie de pauvres égarés. La France, l’Allemagne et la Pologne, aussi bien que l’Italie, eurent part à leurs travaux évangéliques. Enfin, après avoir répandu au loin la bonne odeur du Christ et s’être rendus illustres par des miracles, ils quittèrent cette terre pour s’en aller au Seigneur. Comme la religion et la vraie fraternité les avaient réunis dans un seul et même amour pendant leur vie, ainsi, après leur mort, furent-ils ensevelis dans le même tombeau et entourés de la même vénération parmi les peuples. Les souverains Pontifes Clément XI et Benoît XIII confirmèrent de leur autorité suprême le culte qui leur était constamment rendu depuis plusieurs siècles. Léon XIII ayant approuvé les miracles que Dieu avait opérés par leur intercession, après que, déclarés Vénérables, il eut été permis de les invoquer en commun, les inscrivit au catalogue des Saints dans la cinquantième année de son sacerdoce et régla qu’à l’avenir, un Office et une Messe seraient célébrés chaque année en leur honneur dans l’Église universelle.

Le ciel de l’Église s’assombrit. Tout nous annonce déjà les jours où l’Emmanuel apparaîtra dans l’état lamentable où l’auront mis nos crimes. Bethléhem appelait-elle donc si tôt le Calvaire ! Au pied de la Croix comme en Ephrata, nous retrouverons la Mère de la divine grâce ; alors Marie enfantera dans ses larmes les frères du premier-né dont la naissance fut toute de douceur. Comme nous avons goûté ses joies, nous saurons avec elle pleurer et souffrir.

Prenons modèle des bienheureux honorés en ce jour. Leur vie se consuma dans la contemplation des souffrances de Notre-Dame ; l’Ordre qu’ils établirent eut pour mission de propager le culte de ces inénarrables douleurs. C’était le temps où saint François d’Assise venait d’arborer comme à nouveau sur un monde refroidi le signe du divin Crucifié ; dans cette reprise de l’œuvre du salut, pas plus qu’au Vendredi de la grande semaine, Jésus ne pouvait se montrer à la terre sans Marie : les Servîtes complétèrent par ce côté l’œuvre du patriarche des Mineurs ; l’humanité désemparée retrouva confiance en méditant sur la passion du Fils et la compassion de la Mère.

Quelle place occupent dans l’économie de la rédemption les douleurs de la Vierge très sainte, c’est ce que doivent nous dire en leur temps deux fêtes diverses appelées à en consacrer le mystère. Les complaisances de la souveraine des cieux pour l’Ordre qui s’en fit l’apôtre, apparurent dans la multiple effusion de sainteté dont son origine fut marquée. L’épanouissement simultané des sept lis que les Anges cueillent aujourd’hui sur terre offre un spectacle inusité au ciel Pierre de Vérone en eut la vision, au temps où leurs tiges implantaient sur la cime du Senario leurs racines fécondes ; et le futur Martyr vit la Vierge bénie sourire à la montagne d’où d’autres fleurs sans nombre, nées à l’entour, envoyaient aussi leurs parfums sur l’Église. Jamais Florence, la ville des fleurs, n’avait encore à ce point fructifié pour Dieu. Aussi l’enfer, qui à l’heure même multipliait ses entreprises sur la noble cité, ne put prévaloir contre Marie dans ses murs. Les fêtes de Julienne Falconiéri, de Philippe Benizi, qui précédèrent au Cycle sacré celle de ce jour, nous ramèneront à ces pensées. Mais dès maintenant, unissons notre gratitude à celle de l’Église pour la famille religieuse des Servites ; le monde lui doit d’avoir avancé dans la connaissance et l’amour de la Mère de Dieu, devenue notre mère au prix de souffrances que nul autre enfantement ne connut.

Le récit consacré par l’Église à la mémoire des saints fondateurs nous dira leurs mérites, et les bénédictions dont leur fidélité à Marie fut récompensée. Le 11 février, choisi d’abord pour la célébration de leur commune fête, ne rappelle la mort d’aucun des sept bienheureux ; mais c’est à pareil jour qu’en 1304, après des vicissitudes infinies, l’Ordre sorti d’eux obtint l’approbation définitive de l’Église.

Comme vous avez fait des douleurs de Marie vos propres douleurs, elle partage avec vous maintenant ses joies éternelles. Cependant la vigne dont les grappes, mûrissant avant l’heure, présageaient votre fécondité sur une terre glacée, exhale encore ses suaves parfums dans le séjour de notre exil. Le peuple fidèle apprécie grandement les fruits qu’elle produit toujours ; depuis longtemps il honorait, à titre de rameaux du cep béni, les Philippe, les Julienne ; mais aujourd’hui ses hommages remontent à la septuple racine d’où leur sève est tirée. Vous vous complûtes dans l’obscurité où la Reine des Saints passa elle-même sa vie mortelle. Mais en ce siècle où la gloire de Marie perce tous les nuages, il n’est point d’ombre qui puisse soustraire plus longtemps les serviteurs à l’éclat dont resplendit leur auguste Maîtresse.

Que vos bienfaits vous manifestent toujours plus ! Ne cessez point de réchauffer le cœur du monde vieilli au foyer où le vôtre puisa la vigueur d’amour qui le fit triompher du siècle et s’immoler pour Dieu. Cœur de Marie, dont le glaive de douleur a fait jaillir des flammes où les Séraphins alimenteront éternellement leurs feux, soyez pour nous modèle, refuge et réconfort, en attendant le moment fortuné qui terminera l’exil de cette terre des souffrances et des larmes.

 

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Dimanche de la Quinquagésime

11 Février 2024 , Rédigé par Ludovicus

Dimanche de la Quinquagésime

Introït

Soyez-moi un Dieu protecteur et une maison de refuge, afin que vous me sauviez. Car vous êtes ma force et mon refuge, et à cause de votre nom, vous serez mon guide et vous me nourrirez. J’ai espéré en vous, Seigneur : que je ne sois jamais confondu, dans votre justice, délivrez-moi et sauvez-moi.

Collecte

Nous vous supplions, Seigneur, d’exaucer nos prières avec clémence, et après nous avoir dégagés des liens de nos péchés, gardez-nous de toute adversité.

Épitre 1 Cor. 13, 1-13

Mes Frères : Quand je parlerais les langues des hommes et des anges, si je n’ai pas la charité, je suis un airain qui résonne ou une cymbale qui retentit. Quand j’aurais le don de prophétie, que je connaîtrais tous les mystères, et que je posséderais toute science ; quand j’aurais même toute la foi, jusqu’à transporter des montagnes, si je n’ai pas la charité, je ne suis rien. Quand je distribuerais tous mes biens pour la nourriture des pauvres, quand je livrerais mon corps aux flammes, si je n’ai pas la charité, tout cela ne me sert de rien La charité est patiente, elle est bonne ; la charité n’est pas envieuse, la charité n’est point inconsidérée, elle ne s’enfle point d’orgueil ; elle ne fait rien d’inconvenant, elle ne cherche point son intérêt, elle ne s’irrite point, elle ne tient pas compte du mal ; elle ne prend pas plaisir à l’injustice, mais elle se réjouit de la vérité ; elle excuse tout, elle croit tout, elle espère tout, elle supporte tout. La charité ne passera jamais. S’agit-il des prophéties, elles prendront fin ; des langues, elles cesseront ; de la science, elle aura son terme. Car nous ne connaissons qu’en partie, et nous ne prophétisons qu’en partie ; or, quand sera venu ce qui est parfait, ce qui est partiel prendra fin. Lorsque j’étais enfant, je parlais comme un enfant, je pensais comme un enfant, je raisonnais comme un enfant ; lorsque je suis devenu homme, j’ai laissé là ce qui était de l’enfant. Maintenant nous voyons dans un miroir, d’une manière obscure, mais alors nous verrons face à face ; aujourd’hui je connais en partie, mais alors je connaîtrai comme je suis connu. Maintenant ces trois choses demeurent : la foi, l’espérance, la charité ; mais la plus grande des trois c’est la charité.

Évangile Lc. 18, 31-43

En ce temps là : Prenant auprès de lui les Douze, il leur dit : "Voici que nous montons à Jérusalem et que va s’accomplir pour le Fils de l’homme tout ce qui a été écrit par les prophètes. En effet, il sera livré aux Gentils, sera bafoué, sera outragé, et sera couvert de crachats ; et, après l’avoir flagellé, on le fera mourir, et il ressuscitera le troisième jour." Et eux ne comprirent rien à cela ; c’était pour eux un langage caché et ils ne savaient pas ce qui (leur) était dit. Comme il approchait de Jéricho, il se trouva qu’un aveugle était assis sur le bord du chemin, qui mendiait. Entendant passer la foule, il demanda ce que c’était. On l’informa que c’était Jésus de Nazareth qui passait. Et il s’écria : "Jésus, fils de David, ayez pitié de moi !" Ceux qui marchaient devant lui commandèrent avec force de faire silence ; mais il criait beaucoup plus fort : "Fils de David, ayez pitié de moi !" Jésus, s’étant arrêté, ordonna qu’on le lui amenât ; et quand il se fut approché, il lui demanda : "Que veux-tu que je te fasse ?" Il dit : "Seigneur, que je voie !" Et Jésus lui dit : "Vois ! Ta foi t’a sauvé." Et à l’instant il vit, et il le suivait en glorifiant Dieu. Et tout le peuple, à cette vue donna louange à Dieu.

Secrète

Nous vous en supplions, Seigneur, faites que cette hostie nous purifie de nos fautes et qu’elle sanctifie les âmes et les corps de vos serviteurs pour célébrer ce sacrifice.

Communion

Ils mangèrent et furent rassasiés à l’excès, et le Seigneur leur accorda ce qu’ils désiraient : ils ne furent point frustrés de leur désir.

Postcommunion

Nous vous en supplions, Dieu tout puissant, faites que nous soyons munis contre toute adversité grâce aux célestes aliments que nous avons reçus.

Office

2e Nocturne

4e leçon

Du livre de saint Ambroise, évêque, sur le Patriarche Abraham

Abraham est un grand homme, en vérité, et décoré des marques insignes de nombreuses vertus. La philosophie a beau élever ses aspirations, elle ne peut égaler sa grandeur. En somme, tout ce qu’elle a jamais pu imaginer est bien inférieur à ce que lui, il a fait et la foi toute simple en la vérité vaut bien mieux que l’enflure mensongère du beau parler. Voyons donc de quelle qualité fut en cet homme la soumission à Dieu. Cette vertu vient la première en ordre d’importance, car elle est le fondement de toutes les autres et c’est à bon droit que Dieu l’a exigée tout d’abord en disant : « Quitte ton pays, ta parenté et la maison de ton père. » Il suffisait de dire « pays », car cela implique le fait de quitter la parenté et la maison paternelle.

5e leçon

Toutefois, le Seigneur détaille son ordre pour éprouver le cœur d’Abraham ; ainsi, ce dernier ne paraîtra pas s’être engagé à la légère, ou avoir médité quelque fraude dans l’exécution des ordres célestes. Comme il convenait d’accumuler les préceptes pour que rien n’en échappe, ainsi fallait-il présenter les récompenses pour prévenir le désespoir. La tentation d’Abraham est mesurée à sa vaillance, l’ordre à sa foi, l’appel à sa justice. Et il a raison de partir comme le Seigneur le lui a enjoint. « Et Lot partit avec lui. » Voilà donc, ce précepte qu’on tient en honneur parmi les sentences des sept Sages : « suivre Dieu. » Abraham l’a observé et, par son acte, il a devancé la parole des Sages : il a suivi Dieu, il a quitté sa terre.

6e leçon

Mais auparavant, Abraham avait vécu dans un autre pays, la terre des Chaldéens, d’où était parti Térah, son père, pour s’établir à Haran, et lui-même, qui avait reçu cet ordre : « Quitte ta parenté », avait emmené avec lui son neveu. Voyons donc si « quitter son pays » ne signifie pas, en quelque sorte, quitter la demeure de cette terre, c’est-à-dire, de notre corps, comme l’a fait Paul qui a dit : « Mais nous, nous sommes citoyens des cieux. »

3e Nocturne

7e leçon

Lecture du saint Évangile selon saint Luc

Homélie de saint Grégoire, pape

Notre Rédempteur, prévoyant que sa Passion jetterait le trouble dans l’âme de ses apôtres, leur prédit bien à l’avance, et les souffrances de cette Passion, et la gloire de sa Résurrection. Ainsi, en le voyant mourir comme il le leur avait annoncé, ils ne douteraient pas qu’il dût également ressusciter. Mais parce que ses disciples encore charnels ne pouvaient rien comprendre au mystère dont il leur parlait, il eut recours à un miracle. Sous leurs yeux, un aveugle s’ouvre à la lumière, en sorte qu’une action céleste affermisse dans la foi ceux qui ne comprenaient pas les paroles du mystère céleste.

8e leçon

Or il faut, frères très chers, reconnaître dans les miracles du Seigneur, notre Sauveur, des faits dont on doit croire qu’ils se sont véritablement accomplis, mais qui cependant, en tant que signes, nous instruisent de quelque chose. Car tout en témoignant par leur puissance de certaines vérités, les œuvres du Seigneur nous en affirment d’autres par leur mystère. Remarquez-le en effet, à nous en tenir au sens littéral, nous ignorons qui fut l’aveugle dont parle notre évangile, mais nous savons pourtant qui il symbolise dans l’ordre du mystère. L’aveugle, c’est le genre humain : exclu des joies du paradis en la personne de son premier père, privé des clartés de la lumière d’en haut, il subit les ténèbres de sa condamnation ; mais retrouvant la lumière grâce à la présence de son Rédempteur, il en vient à apercevoir, en les désirant, les joies de la lumière intérieure, et il pose le pas de ses bonnes œuvres sur le chemin de la vie.

9e leçon

Il faut remarquer que c’est au moment où, selon le récit, Jésus approche de Jéricho que l’aveugle retrouve la lumière. Jéricho signifie « lune », et la lune, dans l’Ecriture Sainte, marque la faiblesse de la chair, car elle connaît en chacun de ses cycles mensuels un déclin, qui symbolise notre faiblesse de mortels. Ainsi, c’est lorsque notre Créateur approche de Jéricho que l’aveugle revient à la lumière, puisque c’est quand Dieu a assumé la faiblesse de notre chair que le genre humain a recouvré la lumière qu’il avait perdue. C’est parce que Dieu subit la condition humaine que l’homme est élevé à la condition divine. C’est avec raison que cet aveugle nous est représenté à la fois assis au bord du chemin et en train de mendier, car la Vérité en personne a dit : « Je suis le Chemin. »

 

Tota pulchra es, Maria ! Et macula originalis non est in te.

Tota pulchra es, Maria ! Et macula originalis non est in te.

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Sainte Scholastique vierge

10 Février 2024 , Rédigé par Ludovicus

Sainte Scholastique vierge

Collecte

O Dieu, qui, pour faire connaître la vie innocente de la bienheureuse Vierge Scholastique, avez fait entrer au ciel son âme sous la forme d’une colombe, accordez-nous, par ses mérites et ses prières, de vivre dans l’innocence, de telle sorte que nous méritions d’arriver aux joies éternelles.

Office

Du second livre des Dialogues de saint Grégoire, Pape.

Quatrième leçon. Scholastique, sœur du vénérable Père Benoît, se consacra au Seigneur dès sa plus tendre enfance. Elle avait’ coutume de venir visiter son frère une fois chaque année, et l’homme de Dieu descendait pour la recevoir dans une propriété qui dépendait du monastère, et en était peu éloignée. Un jour, Scholastique étant venue selon sa coutume, son vénérable frère descendit vers elle avec quelques disciples ; ils passèrent tout le jour dans les louanges de Dieu et de pieux entretiens, et lorsque les ténèbres de la nuit commencèrent à couvrir la terre, ils prirent leur repas. Ils étaient encore à table où ils avaient prolongé leurs saints colloques, et comme il se faisait tard, la vierge consacrée au Seigneur adressa cette demande à son frère : « Je vous prie de ne pas m’abandonner cette nuit, afin que nous nous entretenions jusqu’au matin des joies de la vie céleste ». Le Saint lui répondit : « Que dites-vous, ma sœur ? Je ne puis en aucune façon demeurer hors du monastère ». Le ciel était alors si serein qu’aucun nuage n’apparaissait dans l’atmosphère. Quand la servante de Dieu entendit le refus de son frère, elle appuya sur la table ses mains jointes, et cacha son visage dans ses mains pour prier le Seigneur tout-puissant. Au moment où elle releva la tête, les éclairs brillèrent, le tonnerre éclata avec violence, la pluie tomba par torrents, au point que, ni le vénérable Benoît ni les frères qui étaient avec lui, ne purent mettre le pied hors du lieu où ils étaient.

Cinquième leçon. La Sainte, penchant sa tête entre ses mains, avait versé sur la table un torrent de larmes qui avait fait succéder la pluie à la sérénité de l’air. L’orage suivit immédiatement sa prière, et la coïncidence de ces deux choses fut si parfaite, que le tonnerre se mit à gronder à l’instant même où Scholastique relevait la tête de dessus la table : en sorte qu’un même instant vit la Sainte faire ce mouvement, et la pluie tomber du ciel. L’homme de Dieu, voyant que ces éclairs, ces coups de tonnerre, cette pluie diluvienne ne lui permettaient pas de rentrer au monastère, en fut contristé et commença à s’en plaindre, disant : « Que le Dieu tout-puissant vous pardonne, ma sœur ; que venez-vous de faire ? » Elle lui répondit : « Je vous ai adressé une demande et vous n’avez pas voulu m’écouter ; j’ai prié mon Dieu et il m’a exaucée. Sortez maintenant, si vous pouvez, laissez-moi et retournez à votre monastère ». Mais le Saint était dans l’impossibilité de sortir de la maison, et lui, qui n’avait pas voulu y rester spontanément, demeura contre son gré. C’est ainsi qu’il advint que les deux Saints veillèrent la nuit entière, et, en de pieux entre-liens sur la vie spirituelle, se rassasièrent à loisir par l’échange des sentiments qu’ils éprouvaient.

Sixième leçon. Le lendemain, la vénérable vierge retourna à son monastère et l’homme de Dieu reprit le chemin de son cloître. Trois jours après, étant dans sa cellule, et ayant levé les yeux au ciel, Benoît vit l’âme de sa sœur, sortie de son corps, pénétrer sous la forme d’une colombe les hauteurs mystérieuses des cieux. Ravi de joie à la vue de la grande gloire de cette âme, il rendit grâces au Dieu tout-puissant par des hymnes et des cantiques, et annonça aux frères la mort de Scholastique. Il les envoya aussitôt chercher le corps de la Sainte, afin qu’ils l’apportassent au monastère et qu’il fût déposé dans le tombeau qu’il s’était préparé pour lui-même. Il arriva ainsi qu’une même tombe réunit les corps de ceux dont les âmes avaient toujours été intimement unies en Dieu.

 La sœur du Patriarche des moines d’Occident vient nous réjouir aujourd’hui de sa douce présence ; la fille du cloître apparaît sur le Cycle à côté de la martyre ! Toutes deux épouses de Jésus, toutes deux couronnées, parce que toutes deux ont combattu et ont remporté la palme. L’une l’a cueillie au milieu des rudes assauts de l’ennemi, dans ces heures formidables où il fallait vaincre ou mourir ; l’autre a dû soutenir durant sa vie entière une lutte de chaque jour, qui s’est prolongée, pour ainsi dire, jusqu’à la dernière heure. Apolline et Scholastique sont sœurs ; elles sont unies à jamais dans le cœur de leur commun Époux.

Il fallait que la grande et austère figure de saint Benoît nous apparût adoucie par les traits angéliques de cette sœur que, dans sa profonde sagesse, la divine Providence avait placée près de lui pour être sa fidèle coopératrice. La vie des saints présente souvent de ces contrastes, comme si le Seigneur voulait nous faire entendre que bien au-dessus des régions de la chair et du sang, il est un lien pour les âmes, qui les unit et les rend fécondes, qui les tempère et les complète. Ainsi, dans la patrie céleste, les Anges des diverses hiérarchies s’unissent d’un amour mutuel dont le souverain Seigneur est le nœud, et goûtent éternellement les douceurs d’une tendresse fraternelle.

La vie de Scholastique s’est écoulée ici-bas, sans laisser d’autre trace que le gracieux souvenir de cette colombe qui, se dirigeant vers le ciel d’un vol innocent et rapide, avertit le frère que la sœur le devançait de quelques jours dans l’asile de l’éternelle félicité. C’est à peu près tout ce qui nous reste sur cette admirable Épouse du Sauveur, avec le touchant récit dans lequel saint Grégoire le Grand nous a retracé l’ineffable débat qui s’éleva entre le frère et la sœur, trois jours avant que celle-ci fût conviée aux noces du ciel. Mais que de merveilles cette scène incomparable ne nous révèle-t-elle pas ! Qui ne comprendra tout aussitôt l’âme de Scholastique à la tendre naïveté de ses désirs, à sa douce et ferme confiance envers Dieu, à l’aimable facilité avec laquelle elle triomphe de son frère, en appelant Dieu même à son secours ? Les anciens vantaient la mélodie des accents du cygne à sa dernière heure ; la colombe du cloître bénédictin, prête à s’envoler de cette terre, ne l’emporte-t-elle pas sur le cygne en charme et en douceur ?

Mais où donc la timide vierge puisa-t-elle cette force qui la rendit capable de résister au vœu de son frère, en qui elle révérait son maître et son oracle ? qui donc l’avertit que sa prière n’était pas téméraire, et qu’il pouvait y avoir en ce moment quelque chose de meilleur que la sévère fidélité de Benoît à la Règle sainte qu’il avait donnée, et qu’il devait soutenir par son exemple ? Saint Grégoire nous répondra. Ne nous étonnons pas, dit ce grand Docteur, qu’une sœur qui désirait voir plus longtemps son frère, ait eu en ce moment plus de pouvoir que lui-même sur le cœur de Dieu ; car, selon la parole de saint Jean, Dieu est amour, et il était juste que celle qui aimait davantage se montrât plus puissante que celui qui se trouva aimer moins. »

Sainte Scholastique sera donc, dans les jours où nous sommes, l’apôtre de la charité fraternelle. Elle nous animera à l’amour de nos semblables, que Dieu veut voir se réveiller en nous, en même temps que nous travaillons à revenir à lui. La solennité pascale nous conviera à un même banquet ; nous nous y nourrirons de la même victime de charité. Préparons d’avance notre robe nuptiale ; car celui qui nous invite veut nous voir habiter unanimes dans sa maison.

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LA FOI EN JÉSUS-CHRIST

9 Février 2024 , Rédigé par Ludovicus

LA FOI EN JÉSUS-CHRIST
VINGT-SIXIÈME TRAITÉ sur l’Évangile de Saint Jean

DEPUIS L’ENDROIT OÙ IL EST ÉCRIT : « LES JUIFS DONC MURMURAIENT CONTRE LUI, PARCE QU’IL AVAIT DIT: JE SUIS LE PAIN VIVANT DESCENDU DU CIEL », JUSQU’À CET AUTRE : « CELUI QUI MANGE DE CE PAIN, VIVRA ÉTERNELLEMENT ». (Jn, VI, 41-59.)

1. Nous venons de l’apprendre par la lecture de l’Évangile Notre-Seigneur Jésus-Christ ayant dit qu’il était le pain descendu du ciel, les Juifs éclatèrent en murmures et s’écrièrent : « N’est-il pas ce Jésus, fils de Joseph, dont nous connaissons le père et la mère? Comment dit-il : Je suis descendu du ciel? » Les Juifs étaient loin de s’occuper du pain du ciel, et ils ne savaient pas en avoir faim. Par faiblesse, leur cœur ne pouvait ni demander ni recevoir aucune nourriture; ils avaient des oreilles, et n’entendaient rien; ils avaient des yeux pour ne rien voir. Car, ce pain de l’homme intérieur exige de l’appétit. Voilà pourquoi il est dit ailleurs : « Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice, parce qu’ils seront rassasiés (Mt. V, 6) ». Or, l’apôtre saint Paul nous dit que le Christ est notre justice (I Cor. I, 30). Par conséquent, celui qui a faim de ce pain, doit avoir faim de la justice, mais de cette justice qui descend du ciel et que Dieu donne, et non pas de celle que l’homme se fait à lui-même. L’homme se fait parfois de lui-même sa propre justice; s’il en était autrement, le même Apôtre ne dirait pas, en parlant des Juifs : « Ne connaissant point la justice de Dieu, et s’efforçant d’établir leur propre justice, ils ne se sont point soumis à la justice de Dieu (Rm. X, 3) ». De ce nombre étaient ces autres Juifs, qui n’avaient aucune idée du pain descendu du ciel, parce que, rassasiés de leur propre justice, ils n’éprouvaient aucun désir de la justice de Dieu. Qu’est-ce donc que la justice de Dieu? Qu’est-ce que celle des hommes? Par justice de Dieu, il faut entendre ici, non pas cette perfection qui constitue la sainteté de Dieu, mais celle qu’il donne à l’homme, afin de l’établir dans la sainteté par sa grâce. Quant aux Juifs, en quoi consistait leur justice? En ce qu’ils présumaient de leurs forces, et prétendaient être, en quelque sorte, les parfaits observateurs de la loi, sans aucun aide venu d’ailleurs : personne ne peut accomplir la loi sans le secours de la grâce, c’est-à-dire du pain descendu du ciel. « Car », dit en deux mots l’Apôtre, « l’amour est la plénitude de la loi (Rm. XIII, 10)». L’amour, non de l’argent, mais de Dieu; non de la terre ou du ciel, mais de Celui qui a fait le ciel et la terre. D’où vient à l’homme cet amour de Dieu? Saint Paul nous le dit. Écoutons-le: « L’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par le Saint-Esprit qui nous a été donné (Id. V, 5) ». Avant de nous donner le Saint-Esprit, le Sauveur s’est donc présenté à nous comme le pain descendu du ciel, et nous a exhortés à croire en lui. Croire en lui, c’est manger le pain vivant. Celui qui croit, mange: il se nourrit invisiblement, parce qu’il renaît d’une manière invisible ; c’est intérieurement un enfant, un homme nouveau : ce qui le renouvelle, le rassasie par là même.

2. Les Juifs murmuraient donc contre Jésus; quelle fut sa réponse? « Ne murmurez pas entre vous » ; ce qui voulait dire: Je le vois bien, vous n’éprouvez aucun désir pour ce pain; vous n’avez nulle idée de ce qu’il est; vous ne cherchez pas à vous le procurer. « Ne murmurez pas entre vous: nul ne peut venir à moi, si le Père, qui l’a envoyé, ne l’attire ». Admirable éloge de la grâce : Nul ne vient sans être attiré. Qui attire-t-il? Qui n’attire-t-il pas? Pourquoi attire-t-il celui-ci ? Pourquoi n’attire-t-il pas celui-là? Autant de questions desquelles tu ne dois pas t’établir juge, si tu ne veux pas te tromper. Je te le dis une fois pour toutes : saisis bien ma pensée. Dieu ne t’attire pas encore? Prie-le de le faire. Mes frères, que disons-nous? Si nous sommes attirés vers le Christ, nous croyons donc en lui malgré nous: on nous fait donc violence, et notre volonté reste étrangère à notre acte de foi? Un homme peut entrer à l’église, s’approcher de l’autel, recevoir le sacrement, sans aucun consentement de sa part; mais, pour croire, il faut nécessairement le libre concours de la volonté. Si la foi venait du corps, elle pourrait se trouver en des hommes qui n’y acquiesceraient nullement; mais elle ne vient pas de là. Écoute l’Apôtre : « On croit par le cœur ». Et il ajoute : « Et l’on confesse par la bouche, pour parvenir au salut (Rm, X, 10) ». Cette confession procède du fond du cœur, Les hommes qui font leur profession de foi ne sont pas rares : Tu as parfois entendu des hommes qui font leur profession de foi; mais tu ne connais pas quel est celui qui ne croit pas réellement, et tu ne peux donner le nom de confesseur de la foi à l’homme que tu reconnais comme incroyant; car la confession consiste à dire ce que pense réellement le cœur: si tu dis le contraire de ce que tu penses intérieurement, tu parles, mais tu ne fais pas de profession de foi. C’est donc par le cœur que l’on croit au Christ : personne ne le fait contre son gré, et, pourtant, il semblerait que celui qui y est attiré, le fait malgré lui, et forcément. Comment résoudre la difficulté que présente ce passage : « Nul ne vient à moi, si le Père, qui m’a envoyé, ne l’attire? »

3. Quiconque est attiré, dira quelqu’un, marche à contre-cœur. S’il marche à contrecœur, il ne croit pas; et s’il ne croit pas, il ne marche pas davantage. Ce n’est pas, en effet, par la marche que nous nous approchons du Christ : c’est par la foi; pour cela, nous n’avons pas de mouvement à imprimer à notre corps: il suffit d’avoir au cœur de la bonne volonté. Voilà pourquoi cette femme, qui toucha la robe du Sauveur, la toucha plus que la foule qui se pressait autour de lui. Aussi Jésus dit-il : « Qui est-ce qui m’a touché ? » Les disciples étonnés lui répondirent : « La multitude vous presse, et vous demandez qui vous a touché? » Et il répéta: « Quelqu’un m’a touché ». La femme le touche, la multitude le presse; que veut donc dire ce mot : « M’a touché », sinon : a cru? De là vient encore que, après sa résurrection, le Christ s’adressa en ces termes à cette autre femme qui voulait se jeter à ses pieds : « Ne me touche pas, car je ne suis pas encore monté vers mon Père (Lc, VIII, 44-46) ». A ton avis, je ne suis que ce que tu me vois; ne me touche pas. Quel est le sens de ces paroles? Selon ton idée, je ne suis pas autre que ce que je te semble être. Ne t’y trompe pas, il n’en est pas ainsi, c’est-à-dire : « Ne me touche pas, car je ne suis point encore remonté vers mon Père ». Pour toi, je ne suis pas monté vers mon Père, car je ne me suis jamais séparé de lui. Elle ne touchait point le Sauveur, quand il était sur la terre; comment le toucherait-elle au moment de son retour vers son Père? C’est ainsi, néanmoins, c’est de cette manière qu’il a voulu être touché; ainsi l’est-il par tous ceux qui le touchent bien, quoiqu’il monte au ciel, qu’il demeure en son Père, et qu’il lui soit égal.

4. Reporte ton attention sur ces paroles: « Nul ne vient à mol, si mon Père ne l’attire». Ne t’imagine pas que tu sois attiré malgré toi; car l’amour entraîne les âmes. Il est des hommes qui pèsent le sens de toutes les paroles, et qui sont loin de comprendre toutes choses, surtout les choses de Dieu; mais nous n’avons nullement à craindre de les voir nous reprocher ce passage des saintes Écritures qui se trouve dans l’Évangile, et nul d’entre eux ne nous dira Si je suis entraîné, comment pourrai-je avoir une foi parfaitement libre? Car je le dis : ce n’est pas assez d’être entraînés volontairement, nous le sommes encore avec plaisir. Qu’est-ce, en effet, qu’être entraîné avec plaisir? « Mets tes délices dans le Seigneur, et il remplira tous les désirs de ton cœur (Ps. XXXVI, 4)». Le cœur qui éprouve la douceur du pain céleste, ressent un véritable plaisir. Or, s’il est vrai de dire avec le poète : « Chacun est conduit par l’attrait de ses propres penchants (Virgile, Églogue, 2)»; non par la nécessité, mais par l’attrait du plaisir; non par le devoir, mais par la jouissance : à plus forte raison devons-nous dire que celui-là est attiré vers le Christ, qui trouve ses délices dans la vérité, la béatitude, la justice, l’éternelle vie ; car le Christ est tout cela. Quand les sens corporels ont leurs plaisirs, les facultés de l’âme en seraient-elles dépourvues? Et si l’âme n’avait point de jouissances à elle, comment le Psalmiste aurait-il pu dire : « Les enfants des hommes espéreront à l’ombre de vos ailes; ils seront enivrés de l’abondance de votre maison; vous des abreuverez au torrent de vos délices; car, en vous est la source de la vie, et dans votre lumière nous verrons la lumière (Ps. XXXV, 8-10)? » Donne-moi un homme qui aime Dieu, et il éprouvera la vérité de ce que je dis: donne-moi un homme rempli du désir et de la faim de ce pain céleste, engagé dans le désert de cette vie et dévoré par la soif de la justice, soupirant après la fontaine de l’éternelle patrie ; donne-moi un tel homme, et il me comprendra. Mais si je m’adresse à un homme glacé par le froid de l’indifférence, il ne saisira pas mes paroles. Tels étaient les murmurateurs dont parle notre évangile. « Celui que mon Père attire vient à moi ».

5. Mais pourquoi dire : « Celui que mon Père attire », puisque le Christ attire aussi? dans quelle intention le Sauveur a-t-il dit : « Celui que mon Père attire? » Si nous devons être entraînés, soyons-le par celui à qui l’épouse animée par l’amour adressait ces paroles : « Nous courrons sur tes pas à l’odeur de tes parfums (Ct. I, 3) ». Remarquons bien, mes frères, et, autant que possible, efforçons-nous de comprendre ce que le Sauveur veut nous faire entendre. Le Père attire à son Fils ceux qui croient au Fils, parce qu’ils reconnaissent Dieu pour son Père; car Dieu le Père s’est engendré un Fils égal à lui; l’homme qui reconnaît dans sa pensée que le Fils est égal au Père, et qui, sous l’empire de sa foi, sent vivement cette vérité, et la rappelle sans cesse à son esprit, le Père l’attire vers son Fils. Arius n’a vu en Jésus qu’une simple créature; aussi le Père ne l’a-t-il pas attiré, car celui-là n’a le Père en aucune estime, qui ne reconnaît pas le Fils comme son égal. Que dis-tu, ô Arius? O hérétique, quel langage tiens-tu? Qu’est-ce que le Christ? — Ce n’est pas le vrai Dieu: il n’en est que la créature.Tu n’es pas attiré par le Père, puisque tu ne reconnais pas son Fils, loin de là; puisque tu dis positivement qu’il n’a pas de Fils: aussi n’es-tu ni attiré par le Père, ni attiré vers le Fils; car autre chose est le Fils, autre chose est ce que tu en dis. Au dire de Photin, le Christ n’est qu’un homme: il n’est pas Dieu. Les partisans de cet hérétique, le Père ne les attire pas. Le Père a attiré celui qui a dit: « Vous êtes le Christ, Fils du Dieu vivant ». Vous n’êtes ni un Prophète, ni saint Jean, ni un grand saint, mais « vous êtes le Christ Fils unique du Dieu vivant », et son égal. Oui, il a été attiré: il l’a été par le Père; tu en trouves la preuve dans ces paroles du Sauveur: « Simon, fils de Jona, tu es heureux, car la chair et le sang ne t’ont pas révélé ceci, mais mon Père qui est dans les cieux (Mt. XVI, 16, 17.) ». Cette révélation du Père n’est autre que son attraction. Tu montres à une brebis une branche de feuillage, et tu l’attires; offre des noix aux regards d’un enfant, et tu l’attireras: et il est attiré à l’endroit où il court, par l’affection, sans dommage pour son corps, sous l’empire des sentiments de son coeur. S’il est vrai qu’un homme se laisse entraîner vers un objet dont les attraits et les délices sollicitent son affection, suivant cet incontestable adage: « Chacun est conduit par l’attrait de ses propres penchants » ; le Père, en faisant connaître le Christ, n’aurait aucun empire sur les coeurs? Mais rien n’a plus de force que la vérité pour exciter dans une âme d’ardents désirs. Pour quelle occurrence avoir un meilleur appétit, pourquoi désirer un palais plus apte à juger des saveurs, sinon pour se nourrir et s’abreuver de la sagesse, de la justice, de la vérité, de l’éternité?

6. Mais où serons-nous rassasiés ? Au ciel, nous le serons mieux, plus véritablement, plus parfaitement que partout ailleurs. Car ici, il nous est plus facile, si nous sommes animés d’une ferme espérance, d’avoir faim que d’être rassasiés; car « bienheureux ceux « qui ont faim et soif de la justice » sur la terre, « parce qu’ils seront rassasiés » au ciel ( Mt. V, 6). Aussi, après avoir dit : « Nul ne vient à moi, si le Père, qui m’a envoyé, ne l’attire », il ajoute : « et je le ressusciterai au dernier jour ». Je le mettrai en possession de ce qu’il aime, de ce qu’il espère : il contemplera ce qu’il a cru ici-bas sans le voir; il se rassasiera de ce dont il a faim, il s’abreuvera de ce dont il a soif. Quand cela ? Au moment de la résurrection des morts, car « je le ressusciterai au dernier jour »

7. Car il est écrit dans les Prophètes: « Tous seront enseignés de Dieu ». O Juifs, pourquoi me suis-je exprimé ainsi? Le Père ne vous a pas encore instruits; comment donc pouvez-vous me reconnaître ? Tous les citoyens de ce royaume seront enseignés de Dieu, et non des hommes. Et si des hommes les instruisent, ce qu’ils comprennent de leurs leçons, leur est donné, leur apparaît, leur est expliqué intérieurement. Que font les hommes en annonçant extérieurement la vérité ? Que fais-je moi-même, en ce moment, en vous adressant la parole ? Je fais retentir à vos oreilles le bruit de mes paroles. Si celui qui se trouve au dedans de vous ne vous les faisait comprendre, à quoi bon vous parler? A quoi bon vous entretenir ? L’action de l’arboriculteur s’exerce au dehors de l’arbre; celle du Créateur se fait sentir à l’intérieur. Celui qui plante et qui arrose, travaille au dehors; c’est ce que nous faisons nous-mêmes; mais a celui qui plante n’est rien, « non plus que celui qui arrose; c’est Dieu seul qui donne l’accroissement (I Cor. III, 7) ». C’est-à-dire : « Tous seront enseignés de Dieu ». Qu’est-ce à dire : Tous? « Quiconque a entendu le Père et a eu l’intelligence, vient à moi ». Remarquez bien la manière dont le Père nous attire : il nous instruit, et, par là, il nous délecte, mais il ne nous force pas. Voilà comme il nous attire « Tous seront enseignés de Dieu » ; il lui appartient de les attirer : « Quiconque a entendu le Père et a eu l’intelligence, vient à moi » : il y est attiré, c’est le fait de Dieu.

8. Eh quoi donc, mes frères? De ce que quiconque a entendu le Père et a eu l’intelligence, vient au Christ, s’ensuit-il que le Christ n’y a contribué en rien par ses instructions? Si les hommes ont eu pour précepteur Dieu le Père, sans néanmoins le voir, à quoi leur a servi de voir le Fils? Le Fils parlait, et le Père enseignait. Moi, qui ne suis qu’un homme, qui est-ce que t’instruis? Qui est-ce, mes frères, sinon l’homme qui entend ma parole? Or, si n’étant qu’un homme, j’instruis celui qui m’entend parler, le Père enseigne donc aussi quiconque entend son Verbe; et puisque l’homme qui entend le Verbe reçoit l’enseignement du Père, cherche à savoir ce qu’est le Christ, et tu apprendras qu’il est le Verbe du Père; car, « au commencement était le Verbe ». On ne peut pas dire : Au commencement, Dieu a créé le Verbe, dans le sens de cette parole: « Au commencement Dieu créa le ciel et la terre (Gn. 1,1) ». Pourquoi? Parce qu’il n’est pas une créature. Apprends à être attiré par le Père vers le Fils : que le Père t’enseigne, et que tu écoutes son Verbe. Mais, diras-tu, quel est ce Verbe du Père que je dois entendre? « Au commencement était le Verbe »; il n’a pas été fait alors, « il était : et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu ». Mais comment, pendant le cours de cette vie terrestre, les hommes peuvent-ils entendre un Verbe de cette nature ? Parce que « le Verbe s’est fait chair, et qu’il a habité parmi nous (Jn, I, 1, 14) ».

9. Le Sauveur explique lui-même ces paroles, et nous montre ce qu’il a voulu nous dire en s’exprimant ainsi : « Quiconque a entendu le Père et a eu l’intelligence, vient à moi ». Car il ajoute aussitôt ce que nous devons en penser : « Non qu’aucun ait vu le Père, si ce n’est celui qui est de Dieu : celui-là a vu le Père ». Que dit-il? Moi, j’ai vu le Père : vous, vous ne l’avez pas vu; et, pourtant, il vous est impossible de venir à moi, si vous n’y êtes attirés par le Père. Mais, qu’est-ce qu’être attiré par le Père, si ce n’est être enseigné de lui ? Etre enseigné de lui, sinon l’entendre ? L’entendre, sinon entendre son Verbe, c’est-à-dire moi ? Toutefois, parce que je vous dis: « Quiconque a entendu le Père et a eu l’intelligence », n’allez pas vous dire à vous-mêmes : Mais nous n’avons jamais vu le Père; comment avons-nous pu recevoir ses instructions ? Car, écoutez-moi, je vais vous le dire : « Non qu’aucun ait vu le Père, si ce n’est celui qui est de Dieu; celui-là a vu le Père ». Je connais le Père, je viens de lui, comme la parole d’un homme vient de cet homme; parole, néanmoins, qui ne résonnerait pas, qui ne passerait pas, mais qui demeurerait avec celui qui parle et attirerait celui qui écoute.

10. Dans ce qui suit, nous trouvons un avertissement : « En vérité, en vérité, je vous de dis: celui qui croit en moi a la vie éternelle ». Il a voulu par là nous faire connaître qui il était; car il aurait pu nous dire en deux mots: Celui qui croit en moi, me possède; car le Christ est, tout à la fois, le vrai Dieu et la vie éternelle. Aussi, dit-il, celui qui croit en moi va en moi, et quiconque va en moi, me possède. Mais, qu’est-ce que me posséder? C’est posséder la vie éternelle. La vie éternelle s’est revêtue de la mort; elle a voulu mourir, et, pour cela faire, elle n’a rien trouvé en elle-même; elle t’en a emprunté le moyen : tu lui as fourni de quoi mourir pour toi. Il s’est revêtu d’un corps humain, mais pas à la manière des autres hommes. Son Père est au ciel : il s’est, ici-bas, choisi une mère; pour être engendré dans le ciel, il n’a pas eu de mère: pour l’être en ce monde, il n’a pas eu de père. La vie s’est donc revêtue de la mort, afin que la mort trouvât sa destruction dans la vie. Car, dit-il, « celui qui croit en moi possède la vie éternelle », non déjà manifestée à nos regards, mais encore cachée à nos yeux. « Le Verbe » est, en effet, la vie éternelle : « au commencement il était en Dieu, et le Verbe était Dieu, et la vie était la lumière des hommes ». Le Christ, vie éternelle, a donné la vie éternelle au corps humain qu’il a pris; il est venu en ce monde pour y mourir. Mais il est ressuscité le troisième jour. La mort a péri, comme étouffée entre le Verbe incarné et son corps rendu à la vie.

11. « Je suis », dit le Sauveur, « le pain de vie». Les interlocuteurs avaient-ils le droit de se montrer si fiers ? « Vos pères ont mangé la manne dans le désert, et ils sont morts ». Pourquoi donc vous enorgueillir? « Ils ont mangé la manne, et ils sont morts ». Pourquoi sont-ils morts, même après avoir mangé la manne ? C’est qu’ils croyaient ce qu’ils voyaient, et ce qu’ils ne voyaient pas, ils ne le comprenaient pas non plus. Ils sont donc réellement vos pères, puisque vous leur ressemblez. Mes frères, nous mangeons le pain descendu du ciel; mais ne mourons-nous pas de la mort visible du corps ? Les Juifs du désert sont donc morts, comme nous mourrons nous mêmes : il s’agit bien ici, vous le comprenez, de la mort visible et temporelle de notre corps. Mais s’il est question de cet autre genre de mort, vraiment à craindre, dont le Sauveur parle ici aux Juifs, et qu’ont subi leurs pères, je vous assure que Moïse, Aaron, Phinéès et beaucoup de personnages précieux aux yeux de Dieu par leur sainteté, n’en ont pas éprouvé l’amertume; et, pourtant, ils ont aussi mangé la manne dans le désert. Mais cette pourriture visible, ils en ont compris la signification toute spirituelle, ils l’ont désirée en esprit et reçue de cœur, et leur âme en a été rassasiée. Nous aussi, nous recevons maintenant un aliment visible; mais autre chose est de recevoir le sacrement, autre chose est d’en recueillir les fruits. Que de chrétiens participent à la victime du sacrifice, sont frappés par la mort, et ne meurent que pour avoir reçu cet aliment céleste ! Voilà pourquoi l’Apôtre ne craint pas de dire: « Il boit et mange sa propre condamnation ». Le corps du Sauveur n’a pas été un poison pour Judas; et cependant il le reçut, et, quand il l’eut reçu, Satan entra en lui, et cela, non point parce qu’il avait reçu un aliment empoisonné, mais parce qu’il était méchant, et qu’il l’avait reçu avec de mauvaises dispositions. Ayez donc soin, nies frères, de manger spirituellement ce pain venu du ciel, et d’apporter à l’autel un coeur innocent : si vous avez tous les jours des fautes à vous reprocher, que, du moins, elles ne soient pas mortelles. Avant de vous approcher de l’autel, faites attention à ce que vous dites « Remettez-nous nos dettes, comme nous les remettons à ceux qui nous doivent (Mt. VI, 12)». Si tu pardonnes, tu seras pardonné; marche en toute sécurité, tu as devant toi du pain, et non du poison; mais vois bien si tu pardonnes, car si tu ne le fais pas, tu mens, et tu mens à celui que tu ne saurais tromper. Tu peux, en effet, mentir à Dieu, mais le tromper, jamais. Il sait ce que tu fais : il est au dedans de toi, et il te voit, il te regarde, il t’examine, il te juge, et, dès lors, il te condamne ou te récompense. Quant aux Juifs du désert, ils étaient vraiment les pères des interlocuteurs du Christ; car s’ils étaient méchants, les seconds ne l’étaient pas moins; s’ils manquaient de foi, les seconds n’en avaient pas davantage; s’ils murmuraient, les seconds murmuraient aussi. Et l’on peut dire que si jamais le peuple d’Israël a offensé son Dieu, ç’a été en murmurant contre lui. Aussi, pour montrer que ceux à qui il parlait étaient bien les fils des Juifs du désert, le Sauveur commence-t-il par leur dire: Murmurateurs, enfants d’un peuple qui a murmuré, « pourquoi murmurer entre vous ? Vos pères ont mangé la manne dans le désert, et ils sont morts », non pas que la manne fût chose mauvaise, mais parce qu’ils l’ont mangée en mauvaises dispositions.

12. « C’est ici le pain qui est descendu du ciel ». Ce pain a été figuré par la manne, et aussi par l’autel du Très-Haut. La manne et l’autel étaient des figures: différents en apparence, ils signifiaient une même chose. Écoute les paroles de l’Apôtre: « Car vous ne devez pas ignorer, mes frères, que nos pères ont tous été sous la nuée, qu’ils ont tous passé la mer Rouge, et qu’ils ont tous été baptisés sous la conduite de Moïse dans la nuée et dans la mer, et qu’ils se sont tous nourris du même aliment spirituel ». En fait de nourriture spirituelle, nous avons tous la même: que s’il s’agit de la nourriture matérielle, ils ont eu la manne, et nous, une autre ; si, au contraire, il est question de la nourriture spirituelle, ils ont eu la même que nous. Mais nos pères se sont montrés bien différents des leurs: nous ressemblons à nos frères, et ils sont animés d’un esprit tout opposé. L’Apôtre ajoute: « Et qu’ils ont bu le même breuvage spirituel ». A eux, un breuvage; à nous, un autre: breuvages d’apparences diverses, mais représentant la même chose par leur vertu mystérieuse. Mais comment était-ce « le même breuvage ? Parce qu’ils buvaient de l’eau de la pierre mystérieuse, eau qui les suivait: et cette pierre était Jésus-Christ (I Cor. X, 1-4) ». En figure, le Christ était Pierre; en réalité, il était Verbe et homme. Et comment ont-ils bu de. cette eau? La pierre a été frappée de deux coups de verge (Nb. XX, 11); ces deux coups de verge ne sont autres que les deux bras de la croix. « C’est donc ici le pain qui est descendu du ciel, afin que si quelqu’un en mange, il ne meure point ». Mais il faut bien le remarquer, il s’agit ici du sacrement comme vertu, et non du sacrement comme chose visible ; de celui qui le reçoit intérieurement, et non de celui qui le reçoit seulement à l’extérieur; du chrétien qui en fait l’aliment de son coeur, et non du chrétien qui se borne à une manducation purement physique.

13. « Je suis le pain vivant qui est descendu du ciel». Il est vivant, précisément parce qu’il est descendu du ciel. La manne était aussi descendue du ciel, mais elle n’était que l’ombre, tandis que le pain est la réalité. « Si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement, et le pain que je donnerai pour la vie du monde, c’est ma chair ». Eh quoi! la chair serait-elle jamais de telle nature qu’on puisse donner à du pain le nom de chair? On appelle chair ce que ne comporte pas la nature de la chair, et elle le comporte d’autant moins, qu’on appelle de ce nom ce qui ne l’est pas. Les Juifs frémirent d’horreur en entendant ces paroles; ils se dirent les uns aux autres que c’était exorbitant; ils prétendirent que c’était impossible. « C’est», dit le Sauveur, « ma chair qui sera donnée pour le salut du monde ». Les fidèles savent ce que c’est que le corps du Christ, s’ils ont soin d’en faire partie. Qu’ils deviennent donc le corps du Christ, s’ils veulent vivre de son Esprit. Il n’y a, pour vivre de l’Esprit du Christ, que son corps. Mes frères, saisissez bien le sens de mes paroles. Dès lors. que tu es un homme, tu as un esprit et un corps. Sous le nom d’esprit, je désigne ce qu’on appelle l’âme, ce qui fait que tu es homme; car tu es composé d’un corps et d’une âme. Dis-moi lequel des deux fait vivre l’autre? Ton esprit puise-t-il sa vie en ton corps? ou ton corps trouve-t-il la sienne en ton esprit? Tout homme vivant répond à une telle question; pour celui qui sent ait incapable d’y répondre, je ne sais, à vrai dire, s’il vit. Tout homme vivant répond donc: Il ne saurait y avoir de doute à cet égard: c’est mon esprit qui fait vivre mon corps. Si, maintenant, tu veux toi-même ; vivre de l’Esprit du Christ, sois l’un de ses membres. Serait-ce, en effet, ton esprit qui ferait vivre mon corps? Certainement non; mon esprit fait vivre mon corps, ton esprit fait vivre le tien. Pour le corps du Christ, il ne peut vivre que de l’esprit du Christ. Voilà pourquoi, en nous parlant de ce pain, l’apôtre saint Paul s’exprime ainsi : « Nous ne sommes tous qu’un seul pain et un seul corps ». O profond mystère de piété ! ô signe d’unité ! ô lien de charité! Celui qui veut vivre, sait où il jouira de la vie, où il la puisera. Qu’il s’approche et qu’il croie, qu’il s’incorpore au Christ, il y trouvera la vie; qu’il ne lui répugne aucunement de s’unir à d’autres membres; qu’il ne soit lui-même ni un membre pourri, que l’on doive retrancher du reste du corps, ni un membre difforme dont on puisse rougir: qu’il boit beau, bien proportionné , parfaitement sain; qu’il ne fasse qu’un avec le corps du Christ; que, puisant sa vie en Dieu, il vive pour Dieu; qu’il travaille sur la terre, pour régner un jour dans le ciel.

14. « Les Juifs disputaient donc entre eux et disaient: Comment celui-ci peut-il nous donner sa chair à manger?» Ils disputaient entre eux, sans aucun doute, parce qu’ils ne comprenaient point que c’était un pain de paix et de concorde, et ne voulaient pas davantage s’en nourrir. Car ceux qui mangent ce pain ne se disputent pas entre eux; la raison en est que « nous sommes tous un même pain et un même corps ». Et, par ce pain, « Dieu unit les hommes et les fait habiter dans une même maison (Ps. LXVII, 7) ».

15. Ils disputent entre eux et se demandent comment le Seigneur peut donner sa chair à manger; néanmoins, le Christ ne le leur apprend point encore; pour le moment, il se contente de leur dire: « En vérité, en vérité, je vous le dis, si vous ne mangez la chair du Fils de l’homme, et si vous ne buvez son sang, vous n’aurez point la vie en vous ». Vous ignorez pourquoi on mange ce pain et comment on le mange : et, pourtant, « si vous ne mangez la chair du Fils de l’homme, et si vous ne buvez son sang, vous n’aurez point la vie en vous ». Certes, il ne s’adressait pas à des cadavres, mais à des hommes vivants. Aussi, pour ne point leur laisser supposer qu’il parlait de cette vie terrestre, et les empêcher d’élever une contestation à ce sujet, il ajouta : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang, a la vie éternelle » ; d’où il suit que celui qui ne mange pas ce pain et ne boit pas ce sang, ne l’a pas; car, si. les hommes peuvent, sans eux, avoir la vie du temps, ils ne peuvent aucunement, sans eux, posséder la vie éternelle. De là, quiconque ne mange point sa chair et ne boit pas son sang, n’a point la vie en soi; et quiconque mange sa chair et boit son sang, possède la vie. Pour l’un et l’autre de ces deux hommes, le Sauveur parle de la vie éternelle. Il n’en est pas de même de la nourriture matérielle que nous prenons pour entretenir en nous la vie du corps. Celui qui n’en prend pas ne peut vivre, et celui qui en prend ne peut se promettre de vivre toujours; car il peut arriver que beaucoup de ceux qui en prennent, meurent accablés par la vieillesse ou la maladie, ou victimes d’un accident quelconque. Bien différents sont la nourriture et le breuvage dont il est ici question, c’est-à-dire le corps et le sang du Seigneur. En effet, si celui qui ne les prend point n’a pas non plus la vie, celui qui les prend possède certainement la vie, et la vie éternelle. Par cet aliment et ce breuvage, le Sauveur veut donc nous désigner l’unité de son corps, l’union de ses membres, qui n’est autre que la sainte Eglise, composée des prédestinés, des appelés, des justifiés, des saints glorifiés et de tous les fidèles. La prédestination a déjà eu lieu; la vocation et la justification se sont déjà faites pour les uns, se font maintenant et se feront plus tard pour les autres quant à la glorification, elle n’existe pour nous aujourd’hui qu’en espérance : au ciel elle se réalisera. Le signe sensible de cette mystérieuse chose, c’est-à-dire le sacrement du corps et du sang de Jésus-Christ réunis ensemble, se trouve préparé sur la table du Seigneur ici tous les jours, ailleurs, à certains intervalles moins rapprochés ; c’est à cette table divine que les chrétiens le reçoivent et y puisent, les uns la vie, les autres la mort. Pour ce dont ce sacrement est le signe, quiconque en devient participant y rencontre non la mort, mais la vie.

16. Les Juifs pouvaient s’imaginer que la vie éternelle étant promise aux hommes qui prendraient cet aliment et ce breuvage, ceux-ci ne subiraient pas même la mort du corps. Le Sauveur daigna prévenir cette erreur. En effet, après ces paroles : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle», il ajoute aussitôt celles-ci: «Et je le ressusciterai au dernier jour». D’abord son âme jouira de la vie éternelle, dans le séjour du repos où se réunissent les âmes des saints; quant à son corps, il entrera aussi en possession de la vie éternelle, car il ressuscitera au dernier jour avec tous les morts.

17. « Car ma chair est vraiment une nourriture, et mon sang est véritablement un breuvage ». Les hommes ne prennent de nourriture et de breuvage que pour apaiser leur faim et étancher leur soif; mais un pareil effet n’est véritablement produit que par cet aliment et ce breuvage où trouvent l’immortalité et l’incorruptibilité ceux qui le reçoivent; il ne peut avoir vraiment lieu que dans la société même des saints, où régneront une paix entière et une parfaite union. C’est pourquoi, suivant l’idée qu’en ont eue déjà avant nous les hommes de Dieu, Notre-Seigneur Jésus-Christ nous a parlé de son corps et de son sang en les désignant par des objets à la confection desquels concourent plusieurs autres réunis ensemble; car le pain se fait par la réunion d’un grand nombre de grains, comme encore le vin se fait avec le jus de plusieurs raisins.

18. Enfin, il indique comment peut se faire ce qu’il dit et ce que c’est que manger son corps et boire son sang. « Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et je demeure en lui ». Prendre cette nourriture et boire ce breuvage n’est donc autre chose que demeurer dans le Christ et le posséder en soi-même à titre permanent. Par là même, et sans aucun doute, quand on ne demeure pas dans le Christ, et qu’on ne lui sert point d’habitation, on ne mange point (spirituellement) sa chair, et on ne boit pas non plus son sang, quoiqu’on tienne d’une manière matérielle et visible sous sa dent le sacrement du corps et du sang du Sauveur; bien plus, en recevant le signe sensible d’une si précieuse chose, il le mange et boit pour sa condamnation, parce qu’il n’a pas craint de s’approcher des sacrements du Christ avec une âme souillée. Celui-là seul, en effet, s’en approche dignement, qui le fait avec une conscience pure, suivant cette parole de l’Evangile: « Bienheureux ceux qui ont le coeur pur, parce qu’ils verront Dieu».

19. « Car», dit-il, « comme mon Père, qui est vivant, m’a envoyé, et que je vis à cause du Père, ainsi celui qui me mange vivra à cause de moi ». Il ne dit pas: Comme je mange mon Père et que je vis à cause de lui, ainsi celui qui me mange vivra à cause de moi. Car, en participant à la nature du Père, le Fils n’en devient point plus parfait, puisqu’il a été engendré son égal; mais nous, nous devenons meilleurs en entrant en participation du Fils, en nous unissant à son corps et à son sang, mystère désigné par la manducation et l’action de boire dont il a parlé plus haut. Nous vivons donc à cause de lui, puisque nous le mangeons, c’est-à-dire puisque nous recevons de lui la vie éternelle, que nous ne pouvions trouver en nous-mêmes; pour lui, il vit à cause de son Père qui l’a envoyé, parce qu’il s’est anéanti lui-même et qu’il est devenu obéissant jusqu’à la mort de la croix. Si nous interprétons ces paroles « Je vis à cause de mon Père», d’après cet autre passage: « Mon Père est plus grand que moi»», il en est du Christ comme de nous; car nous vivons à cause de lui, qui est plus grand que nous; c’est pour lui la conséquence de sa mission. Il a été envoyé, c’est-à-dire il s’est anéanti lui-même en prenant la forme d’esclave: cette interprétation est juste; on peut la soutenir, tout en continuant à reconnaître que le Fils est, par nature, égal au Père. Car le Père est plus grand que son Fils considéré comme homme; mais, en tant que Dieu, le Fils lui est égal; car il est, en même temps, Dieu et homme, Fils de Dieu et Fils de l’homme, dans une seule personne, qui est Jésus-Christ. Si l’on entend bien dans ce sens les paroles du Sauveur : « Comme mon Père, qui est vivant, m’a envoyé, et que je vis à cause de mon Père, ainsi celui qui me mange vivra à cause de moi»; il a voulu dire ceci : L’anéantissement où m’a réduit ma mission a eu pour résultat de me faire vivre à cause de mon Père, c’est-à-dire, de me faire rapporter à lui, comme étant plus grand que moi, toute ma vie; ainsi, chacun de ceux qui me mangeront vivra à cause de moi, par l’effet de cette participation à ma personne. Je me suis humiliés c’est pourquoi je vis à cause du Père; le chrétien qui me mange s’élève, et, par là, il vit à cause de moi. Que si le Christ a dit: « Je vis à cause de mon Père », parce que le Fils vient du Père et que le Père ne vient pas du Fils, ces paroles ne portent aucune atteinte à l’égalité du Fils par rapport à son Père. De là il suit évidemment qu’en disant: « Ainsi celui qui me mange vivra éternellement », le Sauveur n’a voulu, en aucune manière, nous mettre sur un même pied d’égalité avec lui: il n’a fait allusion qu’au bienfait de sa médiation.

20. « C’est ici le pain qui est descendu du ciel» ; afin qu’en le mangeant, nous trouvions la vie en lui, parce que nous ne pouvons trouver en nous-mêmes le principe de la vie éternelle. « Vos pères», dit-il, « ont mangé la manne et sont morts; mais celui qui mange ce pain vivra éternellement ». Leurs pères sont morts, cela veut dire: ils ne vivront pas éternellement; car, évidemment, ceux qui mangent le Christ meurent aussi dans le temps, mais ils vivent pour l’éternité, parce que le Christ est la vie éternelle.

 


 

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Super Psalmo 44

9 Février 2024 , Rédigé par Ludovicus

Super Psalmo 44

Super Psalmo 44

Super Psalmo 44 n. 1 Supra Psalmista proposuit orationem pro adversitate regni et regis; hic quasi proponit gloriam regis et regni, ex divino beneficio. Et primo proponit divinum beneficium. Secundo invitat ex hoc exemplo alias gentes ad serviendum Deo, ibi, omnes gentes. Circa primum duo facit. Primo proponit gloriam regis et magnificentiam regni. Secundo proponit pacem regni, ibi, Ps. 45: Deus noster refugium. Iste Psalmus dicitur epithalamicus. Consuetudo enim erat, quod in nuptiis cantabantur aliqua cantica ad laudem sponsi et sponsae, et illa dicuntur epithalamica. Est ergo materia hujus Psalmi de quibusdam sponsalibus Christi et Ecclesiae, quae quidem primo initiata fuerunt quando filius Dei univit sibi naturam humanam in utero virginali: Ps. 18: et ipse tanquam sponsus procedens de thalamo suo. Unde eadem est materia hujus Psalmi et libri qui dicitur cantica canticorum. Titulus talis est: in finem pro his qui commutabuntur filiis Core ad intellectum canticum pro dilecto. Et potest dupliciter intelligi. Uno modo, ut suppleatur Psalmus, ut sit sensus. Psalmus iste est ducens nos in finem Christum, pro his qui commutabuntur, scilicet de statu infidelitatis ad Christum; unde dicit, pro patribus tuis et cetera. Ita et hic Psalmus convenit passioni Christi, idest credentibus in Christum passum. Et hoc ad intelligendum mysteria Christi et Ecclesiae. Et non solum Psalmus, sed etiam canticum, pro dilecto, scilicet Christo: Mt. 3: hic est Filius meus dilectus. Hieronymus habet sic, victoria pro liliis filiorum Core, canticum pro dilectissimo. Et quod dicit pro liliis, ostendit quod agit hic Psalmus pro deliciis sponsi et sponsae. Et hoc signatur per flores, rosas et lilia: Ct. 2: fulcite me floribus et cetera. Et competit virginibus quae sunt quasi lilia. Iste Psalmus dividitur in tres partes. Primo ponitur prooemium cantici. Secundo ponitur commendatio sponsi, ibi, speciosus. Tertio ponitur commendatio sponsae, ibi, audi filia. Circa primum tria facit. Primo proponit editionem Psalmi. Secundo finem, ibi, divo. Tertio designat autorem, ibi, lingua. Editio designatur cum dicitur, eructavit cor meum verbum bonum. Eructatio ex nimia plenitudine, sive repletione procedit: in quo signatur quod ex abundantia devotionis et sapientiae loquitur: Mt. 12: ex abundantia cordis os loquitur. Et notandum quod hujus editio Psalmi attribuitur cordi, ex cujus magna devotione est compositus: quia non est iste de illis de quibus dicitur Is. 29: populus hic labiis me honorat, cor autem eorum longe est a me; sed corde pronuntiat laudes Christi: 1 Cor. 14: psallam spiritu, psallam et mente. Hoc cor eructavit verbum, scilicet hujus Psalmi: quod est bonum, quia consolatorium; loquitur enim mysteria Christi et Ecclesiae: 1 Tm. 1: fidelis sermo, et nullus sermo melior illo: Za. 1: respondit Dominus Angelo qui loquebatur in me verba bona, verba consolatoria. Dico ego, idest pronuntio, opera mea regi, idest ad honorem regis Christi; Is. 32: ecce in justitia regnabit rex; quasi dicat: canto hunc Psalmum ad honorem Christi, cui opera nostra omnia debemus dicare; Col. 3: omne quodcumque facitis in verbo aut in opere, omnia in nomine Jesu Christi facite lingua mea calamus Scribae. Hic ponitur auctor Psalmi qui est lingua; quasi dicat: non intelligatur quod ex proprio hunc fecerim, sed auxilio Spiritus Sancti, qui utitur lingua mea, sicut scriptor utitur calamo. Et ideo principalis auctor hujus Psalmi est Spiritus Sanctus: 2 R. 23: Spiritus Domini locutus est per me, quasi per instrumentum: 2 P. 1: non voluntate humana allata est sapientia, sed Spiritu Sancto et cetera. Et cujus calamus est? Scribae velociter scribentis, Spiritus Sancti qui velociter scribit in corde hominum. Qui enim per studium quaerunt sapientiam, per partes, et etiam longo tempore student; sed qui habent eam a Spiritu Sancto, velociter accipiunt: Ac. 2: factus est repente de caelo sonus et cetera. Illi qui habent scientiam per revelationem divinam, subito implentur sapientia, sicut illi sunt subito repleti Spiritu Sancto: Ps. 147: velociter currit sermo ejus: Eccl. 11: facile est in oculis Dei subito honestare pauperem. Vel velociter operantis, quia dixit et facta sunt. Ps. 148. Potest autem lingua ad aliud referri, quia, scilicet non solum voluit dicere, sed corde primo cogitavit, secundo dixit ore, et tertio scripsit; quasi dicat: non solum profuit praesentibus qui audiunt, sed etiam futuris: Is. 8: sume tibi librum grandem, et scribe in eo stylo hominis: Ha. 2: scribe visum, et explana eum. Haec ergo expositio est litteralis. Sed aliqui dicunt quod haec verba proponuntur ad commendationem Christi secundum divinitatem, quasi sint verba Dei Patris. Sed hanc expositionem non approbant Augustinus et Hieronymus; tamen Dionysius utitur 2 cap. de divinis Nomin. ubi introducit hoc verbum, eructavit etc. et secundum istam expositionem commendatur a Patre tripliciter. Primo describitur ejus emanatio. Secundo ejus virtus, ibi, dico. Tertio ejus operatio, ibi, lingua. Circa emanationem ejus a Patre ponit quatuor. Primo ejus naturalem processionem, cum dicit, eructavit: quod est quaedam emanatio de plenitudine; unde processus Filii a Patre est divina eructatio, quia procedit ex plenitudine divinae naturae: Jn. 3: Pater diligit Filium et cetera. Secundo ponit modum emanationis, quia non corporaliter, nec de aliqua alia natura emanavit, sed ad modum spiritualis. Cor meum, quasi non ex nullo, nec de alia essentia, sed de corde meo: Ps. 109: ex utero ante Luciferum genui te. Tertio ponitur proprietas procedentis, quia, verbum. Jn. 1: in principio erat verbum. Item ponitur perfectio procedentis: quia, bonum, quasi habens plenam bonitatem divinitatis: Lc 18: nemo bonus nisi et cetera. Virtus ostenditur cum dicit, dico ego, idest per verbum facio, omnia mea opera regi, idest ad honorem regis, scilicet Filii, qui est unus Deus mecum: Jn. 1: omnia per ipsum facta sunt. Propria operatio designatur cum dicit, lingua mea calamus Scribae; quasi dicat, quod ipse est lingua mea, est etiam calamus Scribae. In sacra Scriptura operationes metaphorice designantur per instrumenta vel membra quae sunt operationum principia; et sic per linguam et calamum operatio Dei designatur conveniens linguae et calamo. Operatio linguae est, quod per eam diffunditur sapientia cordis ad alios; per calamum autem designatur quod sapientia quae est in corde, transfunditur in materiam sensibilem, scilicet Pergamenum. Deus autem et loquitur et scribit: loquitur, quando transfundit sapientiam suam in mentes rationales: Ps. 84: audiam quid loquatur in me dominus Deus. Et hoc dicitur verbum, quia per ipsum est omnis illuminatio: Jn. 1: et vita erat lux hominum. Scribit, quia judicia suae sapientiae imprimit in rationabilibus creaturis: Rm. 1: invisibilia Dei et cetera. Ecclesiast. 1: Deus effudit illam super omnia opera sua. Sicut enim respiciens librum cognoscit sapientiam scribentis, ita cum nos videmus creaturas, cognoscimus sapientiam Dei. Calamus igitur est verbum Dei.

Super Psalmo 44 n. 2 Speciosus forma prae filiis hominum. Praemisso prooemio secundum unum sensum, vel Christi divinitatem secundum alium sensum; hic ponitur commendatio Christi secundum humanitatem. Et quia dixit, dico ego opera mea regi, commendat Christum secundum similitudinem regis, scilicet David, a quatuor: scilicet a gratiositate, a bellica virtute, a judiciaria potestate, et a deliciarum multitudine. Secunda pars, ibi, accingere. Tertia, ibi, sedes, quarta, ibi, mirrha. Circa primum duo facit. Primo describit gratiositatem regis. Secundo causam vel effectum, ibi, propterea. Nota quod duo sensus vigent in homine principaliter, scilicet visus et auditus: unde per haec duo aliquis gratiosus apparet; per pulchritudinem visui, per gratiosum verbum auditui. Unde haec duo praecipue fuerunt in Christo: unde Ct. 2: ostende mihi faciem tuam, sonet vox tua in auribus meis: vox enim tua dulcis et facies tua decora. Ipse enim pulcher fuit et eloquens in his quae decuit suam eloquentiam. Quantum ad primum dicit, speciosus forma. Et nota in Christo quadruplicem pulchritudinem. Unam secundum formam divinam. Ph. 2: qui cum in forma Dei esset. Et secundum hanc fuit speciosus prae filiis hominum: nam omnes tantum habent gratiam secundum redundantiam et participationem; sed iste per se et plene: Col. 2: in eo habitat omnis plenitudo divinitatis corporaliter: He. 1: cum sit splendor gloriae et figura substantiae ejus: Sg. 7: candor est lucis aeternae et speculum sine macula Dei majestatis. Alia est pulchritudo justitiae et veritatis: Jr. 31: benedicat tibi Dominus pulchritudo justitiae: Jn. 1: plenum gratiae et veritatis. Alia est pulchritudo conversationis honestae: et de hac 1 P. ult.: forma facti gregis. Et hac forma fuit speciosus prae filiis hominum, quia sua conversatio fuit magis honesta et virtuosa quam alicujus: 1 P. 2: peccatum non fecit, nec inventus est dolus in ore ejus. Augustinus in originali: nobis cernentibus ubique speciosus: pulcher in manibus parentum, pulcher in miraculis, pulcher in flagellis, pulcher deponens animam, pulcher in patibulo, pulcher in ligno, pulcher in caelo. Quarta est pulchritudo corporis: et haec etiam Christo infuit. Ct. 1: ecce tu pulcher es dilecte mi. Sed numquid secundum hanc pulchritudinem fuit speciosus prae filiis hominum? Videtur quod non: quia Is. 53, dicitur: vidimus et non erat in eo species neque decor. Item per rationem probatur quod Christus voluit paupertatem habere, et non uti divitiis, ut doceat eas contemnendas. Sed sicut ista sunt contemnenda, ita pulchritudo corporalis: Pr. ult.: fallax gratia et vana est pulchritudo. Respondeo. Dicendum, quod pulchritudo, sanitas, et hujusmodi, dicuntur quodammodo per respectum ad aliquid: quia aliqua contemperatio humorum facit sanitatem in puero, quae non facit in sene: aliqua est enim sanitas leoni, quae est mors homini. Unde sanitas est proportio humorum in comparatione ad talem naturam. Et similiter pulchritudo consistit in proportione membrorum et colorum. Et ideo alia est pulchritudo unius, alia alterius: et sic hanc pulchritudinem Christus, secundum quod competebat ad statum et reverentiam suae conditionis, habuit. Non est ergo intelligendum, quod Christus habuerit capillos flavos, vel fuerit rubeus, quia hoc non decuisset eum; sed illam pulchritudinem corporalem habuit summe, quae pertinebat ad statum et reverentiam et gratiositatem in aspectu: ita quod quoddam divinum radiabat in vultu ejus, quod omnes eum reverebantur, ut Augustinus dicit. Ad primum dicendum prophetam velle exprimere contemptum Christi in passione, in qua deformata fuit sui corporis forma prae multitudine afflictionum. Ad aliud dicendum, eas divitias et pulchritudines contemnendas, quibus male utamur. Gratiosus etiam fuit in verbo; unde dicit, diffusa est gratia in labiis tuis: Eccl. 6: lingua eucharis in bono homine abundabit. Et gratiosum verbum ejus. Tripliciter propter ea quae aliquis dicit, reputatur verbum ejus gratiosum: quando scilicet dicit ea quae placent et sunt utilia; sic verbum Christi fuit gratiosum, quia levia imponebat et quietem promisit: Mt. 11: venite ad me omnes qui laboratis et onerati estis, et ego reficiam vos: Jn. 6: Domine, ad quem ibimus. Verba vitae aeternae habes. Item aliquis habet gratiosum verbum propter ordinatum modum proferendi, et ferventem; et sic habuit ordinatum et ferventem modum Christus in proferendo: Ps. 118: ignitum eloquium tuum. Item aliquis dicitur habere gratiosum verbum propter efficaciam ad persuadendum: sic etiam habuit Christus: Mt. 7: erat docens in templo sicut potestatem habens. Et ideo dicit Lc. 21, quod omnis populus manicabat ad eum, idest mane veniebat ad eum, in templo audire eum. Et Jn. 7: nunquam sic locutus est homo. Propterea benedixit te, Deus, in aeternum. Hic ponitur vel causa, vel effectus. Sicut dictum est, benedicere Dei signat effectum bonitatis, vel ejus collationem beneficii. Deus itaque homini Christo duplex beneficium contulit. Gloriae sive regni: et hoc est praemium meritorum Christi: Ph. 2: propter quod et Deus exaltavit illum. Et sic ly propterea denotat causam meritoriam: quasi dicat: quia tu es speciosus in forma, gratiosus in doctrina, propterea benedixit te, Deus, in aeternum, benedictione spiritualis regni: Gn. 22: in semine tuo benedicentur omnes gentes. Aliud est beneficium gratiae: et sic est sensus: propterea benedixit te Deus in aeternum, ut tu esses speciosus, et esset diffusa gratia in labiis tuis.

Super Psalmo 44 n. 3 Accingere gladio tuo super femur. Hic describitur virtute potens. Et primo ponitur ejus bellica virtus. Secundo ejus in bello processus, ibi, intende. Tertio effectus, ibi, et deducet te. Virtus bellica consistit in fortitudine naturali, et praeparatione armorum. Primo ergo ponit fortem praeparationem armorum, cum dicit, accingere gladio tuo: secundum aliam litteram dicit, super femur tuum potentissime. Ubi designatur virtus armorum: Ct. 3: uniuscujusque ensis super femur suum. Sed secundum Glossam aliud est accingi, quia qui accinguntur parantur ad bellum, scilicet milites. 1 M. 3: accingimini et estote filii potentes, et estote parati in mane, quoniam melius est nobis mori in bello et cetera. Aliud est praecingi, quia praecinguntur qui parantur ad serviendum: Lc. 12: praecinget se, et faciet illos discumbere et cetera. Aliud est succingi, quia succinguntur qui parantur ad ambulandum: Eccl. 36: latro succinctus exiliens de civitate. Aliud est discingi, quia discinguntur, qui vadunt ad quiescendum: 3 R. 20: non glorietur accinctus aeque ut discinctus. Gladius Christi est doctrina ejus. De hoc gladio habetur Ep. ult. gladius spiritus quod est verbum Dei. Hoc gladio posuit Christus divisionem in hoc mundo, ut bona discernantur a malis: Mt. 10: non veni pacem mittere, sed gladium. Hic gladius est ex utraque parte acutus, ut testatur Ap. 1, quia de aeternis et temporalibus instruxit. Et est super femur, quia organo humanitatis verbo doctrinae usus est: Is. 52: ego ipse qui loquebar, ecce adsum. Potentissime. Ubi ostenditur ejus virtus seu potentia naturalis: 1 R. 2: non est fortis sicut Deus noster: Jb 9: si fortitudo quaeritur, robustissimus est. Specie tua. Secundum Hieronymum et Hebraeos hoc quod dicitur, specie, conjungitur cum hoc, quod dicitur, potentissime, et est totum sub uno versu, et sic uno modo legitur in Glossa; et si sic conjungatur cum potentissime, sic est sensus: tu Christe es potentissimus, specie tua, scilicet humanitatis, secundum quam etiam est maximus virtute: Ct. 5: species ejus ut Libani. Et pulchritudine tua, scilicet divinitatis: Sg. 13: quorum si specie delectati deos putaverunt, sciant quanto his dominator eorum speciosior est. Vel es potentissimus, specie tua, idest speciosa pulchritudine tua. Unde Hieronymus habet, laude tua, quia ex hoc es laudabilis et gloriosus, quia es armatus et fortis.

Super Psalmo 44 n. 4 Intende, prospere procede. Psalmista supra ad commendationem Christi posuit fortitudinem et apparatum regis; hic autem agit de ejus processu: et circa hoc duo facit. Primo proponit processum regis. Secundo ejus causam, ibi, propter veritatem. Circa primum sciendum est quod loco istorum trium quae hic ponuntur, scilicet, intende, prospere procede, et regna, in Psalmo Hieronymi habetur unum tantum, prospere ascende. In ascensu designatur processus: Jr 49: leo ascendit, et superbia Jordanis ad pulchritudinem robustam. Unde manifestum est quod haec pertinent ad quamdam perfectionem et ascensum. In ascensu bellicosi sunt tria; principium, medium et finis. Principium debet esse diligens et discreta consideratio: Pr. 34: cum dispositione initur bellum: et Lc. 4 dicitur, quod rex iturus ad bellum prius et cetera. Unde, intende, idest diligenter considera. In Christo autem intendere designat dispositionem misericordiae ejus qua intendit ad salutem humani generis: Ps. 37: intende in adjutorium meum. Medium est prosper processus. Processus autem Christi intelligitur dupliciter. Uno modo, secundum quod ex utero virginis processit in nativitate: Ps. 18: tamquam sponsus procedens de thalamo suo. Et hic fuit prosper processus, quia sine peccato natus est, et matri non abstulit virginitatem, nec dolorem intulit. Alio modo, secundum quod processit de homine ad hominem convertendum, hunc et illum. Et in hoc fuit prosper, quia tandem pervenit ad conversionem totius mundi: Is. 55: faciet quaecumque volui, et prosperabitur in his ad quae misi illum: Ps. 117: o Domine bene prosperare. Quod dicit, intende, potest conjungi cum hoc quod dicit, specie tua; quasi dicat, ergo speciose virtute humanitatis etc. et pulchritudine divinitatis intende. Finis ejus regnum ejus: Ps. 46: regnabit Deus super omnes gentes. Finis ejus quod regnet per fidem in cordibus omnium: Lc. 1: et regnabit in domo Jacob. Et ideo dicit, et regna. Causa processus est propter veritatem. Et hoc vel causa dispositiva, vel finalis. Si ly propter primo dicatur secundum quod est causa dispositiva, secundum quod in Hieronymo habetur, propter verbum veritatis et mansuetudinem justitiae, notandum quod duo sunt necessaria ut rex prospere agat. Primo scilicet ut ei credatur: quia si nihil ei crederetur, et ipse aliis crederet, non posset plus quam unus homo: Pr. 17: non decent stultum verba composita. Secundo quod diligatur; quia si non diligitur, non potest prosperari in regno nec in negotiis suis: et hoc facit fieri mansuetudo et clementia regis: Eccl. 3: fili in mansuetudine opera tua perfice. Et ita haec duo disponunt ad prosperitatem regis: Pr. 20: misericordia et veritas custodiunt regem: Ps. 36: mansueti hereditabunt terram. Sed secundum litteram nostram, ad hoc ut rex possit prosperari in negotiis suis, debet habere tria: scilicet veritatem, mansuetudinem, et justitiam. Et ista tria fecerunt prosperari Christum: quia fuit verax in docendo, mansuetus in patiendo, justus in operando. De primo Mt. 22: scimus quia verax es et cetera. De secundo 1 P. 2: cum pateretur, non comminabatur: Jr. 11: ego sicut agnus mansuetus et cetera. De tertio, quia in nullo a justitia discessit: Ps. 144: fidelis Dominus in omnibus verbis suis. Si autem ly propter designat causam finalem, sic est sensus: intende, prospere procede, et regna, idest ut facias veritatem. Christus autem fecit veritatem dupliciter: scilicet implendo promissiones, et adimplendo figuras: Rm. 15: dico autem Christum Jesum ministrum fuisse circumcisionis ad confirmandas promissiones patrum: 2 Cor. 1: quotquot promissiones Dei sunt in illo. Et iterum propter mansuetudinem derivandam in discipulos: Mt. 11: discite a me et cetera. Item, regna, propter justitiam: Jn. 5: Pater omne judicium dedit Filio deducet te mirabiliter dextera tua. Hic est modus determinati processus. Procede prospere. Et quomodo? Deducet te dextera tua. Et loquitur ad similitudinem bellicosi, qui si habet hostem contra se, dicitur sibi oportet quod manus tua faciat tibi viam, et sic bellando transibis; quasi dicat: procede, si manus tua dextera faciat tibi viam. Et hoc mirabiliter, quia omnes mirabuntur. Hieronymus habet: docebit te dextera tua, idest dum facies magnifica, manus tua ostendet te mirabilem. Tamen in alio Psalmo habetur, manus tua deducet te. Sed dicendum quod littera ista non est contra illam, quia Christus est Deus et homo. Et ideo secundum quod est Deus, eadem est dextera sua et Patris. Et deduxit Christum dextera sua mirabiliter in oppugnatione hostium: Ex. 15: dextera tua, Domine, magnificata est in fortitudine, dextera tua, Domine, percussit inimicum. Et in operatione miraculorum virtute suae divinitatis. Unde paravit sibi viam in corde hominum: Ps. 117: dextera Domini fecit virtutem. Et si consideremus viam, mirabilis est. Est 13: valde enim mirabilis es Domine. Item dicta est mirabilis: Ps. 138: mirabilia opera tua. Sagittae tuae acutae; quasi dicat: ideo parabit tibi viam, quia sagittae tuae sunt acutae. Et ponitur hic virtus armorum, et effectus eorum. Arma Christi sunt sagittae, quae sunt verba Christi, quae dicuntur sagittae propter tria. Primo, quia sagitta sua acumine usque ad cor penetrat: Os 2: ducam eam in solitudinem, et loquar ad cor ejus; ita verba Christi: He. 4: vivus est sermo Dei et efficax, et penetrabilior omni gladio ancipiti. Item sagitta velociter movetur: Sg. 5: transitus vitae et cetera. Sic verbum Christi subito totum orbem implevit, quia fere per totum mundum ante destructionem Jerusalem sermo Christi fuit diffusus: Ps. 147: velociter currit sermo ejus. Item sagitta ad remota attingit; sic etiam sermo Christi: Ps. 18: in omnem terram exivit sonus eorum. Et sic sermo Dei est gladius, inquantum vulneravit Judaeos, qui conversi sunt ad Christum qui erat prope: propter quod dicitur, accingere gladio tuo: et est sagitta etiam inquantum ad remotos gentiles pervenit, et conversi sunt ad Christum: Ep. 2: evangelizavit pacem vobis qui longe fuistis, et pacem his qui prope. Populi sub te cadent. Hic ponitur effectus verbi divini, qui est conversio populi ad Deum: unde, populi etc. idest omnes ad te current: Ph. 2: in nomine Jesu omne genu flectatur et cetera. Sed quid est quod addit, in corda inimicorum regis? Hoc potest dupliciter intelligi. Uno modo, ut conjungatur cum prima clausula hujus versus, populi sub te cadent, ut sit interpositio: et sic est sensus: sagittae tuae acutae intrant in corda inimicorum regis. Verba tua sunt sicut sagittae quae penetrant corda et cetera. Et ex hoc populi sub te cadent. Alio modo, ut conjungatur cum hac, populi sub te cadent; et hoc in corda, vel in corde inimicorum regis, idest tui qui es rex. Quaedam enim subjiciuntur violenter, sicut modo subjiciuntur inimici. Et de hac subjectione dicit se non loqui, sed de voluntaria; et ideo dicit, in corda; quasi dicat secundum illa corda subjiciantur, secundum quae inimicabantur Christo: Ps. 53: voluntarie sacrificabo tibi. Vel aliter, sagittae tuae acutae sunt, populi sub te cadent in corda inimicorum regis: populi dico, qui erant inimici regis, idest Christi; quasi dicat: illi qui erant contra regem, scilicet Christum, subjicientur ei. Et ad litteram sic factum est: quia gentiles qui conati sunt destruere fidem Christi, nunc serviunt Christo: Is. 55: ecce gentes quas nesciebas vocabis: Ps. 17: populus quem non cognovi servivit mihi.

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Saint Cyrille d’Alexandrie évêque confesseur et docteur mémoire de Sainte Apolline Vierge et Martyre

9 Février 2024 , Rédigé par Ludovicus

Saint Cyrille d’Alexandrie évêque confesseur et docteur mémoire de Sainte Apolline Vierge et Martyre

Collecte

O Dieu, qui avez fait du bienheureux Cyrille, Confesseur et Pontife, le défenseur invincible de la divine maternité de la bienheureuse Vierge Marie, accordez, qu’intercédant pour nous, il nous obtienne, à nous qui la croyons vraiment Mère de Dieu, d’être sauvés par sa protection maternelle.

Office

Quatrième leçon. Cyrille d’Alexandrie, dont l’éloge n’est pas seulement appuyé sur le témoignage de quelques-uns, mais dont les louanges sont même célébrées dans les actes des conciles d’Éphèse et de Chalcédoine, naquit de parents illustres ; ii était neveu de Théophile, Évêque d’Alexandrie. Dès son adolescence, il donna des marques évidentes de son esprit supérieur. Parfaitement instruit des lettres et des sciences, il se rendit auprès de Jean, Évêque de Jérusalem, pour se perfectionner dans la foi chrétienne. Comme il revenait à Alexandrie, Théophile étant mort, il fut élevé à son siège. Dans l’exercice de cette charge, il eut toujours devant lui le type du pasteur accompli, tracé par l’Apôtre, en sorte qu’il acquit à bon droit la réputation glorieuse d’un très saint Prélat.

Cinquième leçon. En flammé de zèle pour le salut des âmes, il mit tous ses soins à maintenir dans la foi et l’intégrité des mœurs, le troupeau qui lui était confié, et à le détourner des pâturages empoisonnés des infidèles et des hérétiques, il s’efforça d’expulser de la ville les sectateurs de Novat, et de punir conformément aux lois les Juifs qui, dans leur frénésie, avaient conspiré le massacre des Chrétiens. Mais le zèle de Cyrille pour l’intégrité de la foi catholique se déploya surtout contre Nestorius, Évêque de Constantinople, lequel prétendait que Jésus-Christ, né de la Vierge Marie, était homme seulement et non Dieu, et que la divinité lui avait été accordée à cause de ses mérites. Ayant vainement tenté d’obtenir l’amendement de l’hérésiarque, il le dénonça au souverain Pontife saint Célestin.

Sixième leçon. Par délégation de Célestin, Cyrille présida au concile d’Éphèse ; l’hérésie nestorienne y fut entièrement proscrite, et Nestorius condamné et déposé de son siège. Le dogme catholique d’une seule et divine personne dans le Christ et de la divine maternité de la glorieuse Vierge Marie, y fut affirmé aux applaudissements du peuple entier, -qui, manifestant une joie indicible, reconduisit les Évêques dans leurs demeures en portant des torches allumées. Ayant eu à subir, à cause de cela des calomnies, des injures et de nombreuses persécutions de la part de Nestorius et de ses partisans, Cyrille les supporta avec fa plus grande patience ; soucieux des seuls intérêts de la foi, il comptait pour rien tout ce que les hérétiques disaient et entreprenaient contre lui. Enfin, ayant accompli les plus grands travaux pour l’Église de Dieu, publié plusieurs écrits, soit pour réfuter les païens et les hérétiques, soit pour expliquer les saintes Écritures et les dogmes catholiques, il entra dans l’éternel repos par une sainte mort, en l’an née quatre cent quarante-quatre, la trente-deuxième de son épiscopat. Le souverain Pontife Léon XIII a étendu à l’Église universelle l’Office et la Messe de cet illustre champion de la foi catholique, qui fut la lumière de l’Orient.

 « Je mettrai une inimitié entre toi et la femme, entre ta race et la sienne ; elle t’écrasera la tête, et tu chercheras à la mordre au talon » Cette parole qui fut dite au serpent dans les jours que l’Église rappelle maintenant à la pensée de ses fils, domine l’histoire entière du monde. La femme, tombée la première par la ruse de Satan, s’est aussi, en Marie, relevée la première. Dans son immaculée Conception, dans son enfantement virginal, dans l’offrande qu’elle fit à Dieu de l’Adam nouveau sur la montagne d’expiation, la nouvelle Ève a montré à l’antique ennemi la puissance de son pied victorieux. Aussi l’ange révolté, devenu le prince du monde autrefois par la complicité de l’homme, a-t-il sans cesse, dès lors, dirigé contre la femme qui triompha de lui les forces réunies de son double empire sur les légions infernales et les fils de ténèbres. Marie, au ciel, poursuit la lutte qu’elle commença sur la terre. Reine des esprits bienheureux et des fils de lumière, elle mène au combat, comme une seule armée, les phalanges célestes et les bataillons de l’Église militante. Le triomphe de ces troupes fidèles est celui de leur souveraine : l’écrasement continu de la tête du père du mensonge, par la défaite de l’erreur et l’exaltation de la vérité révélée, du Verbe divin, fils de Marie et fils de Dieu.

Mais jamais cette exaltation du Verbe divin n’apparut plus intimement liée au triomphe de son auguste mère, que dans le combat mémorable où le pontife proposé en ce jour à nos hommages reconnaissants eut une part si glorieuse. Cyrille d’Alexandrie est le Docteur de la maternité divine, comme son prédécesseur, Athanase, avait été celui de la consubstantialité du Verbe ; l’Incarnation repose sur les deux ineffables mystères qui furent, à un siècle de distance, l’objet de leur confession et de leurs luttes. Comme Fils de Dieu, le Christ devait être consubstantiel à son Père ; car la simplicité infinie de l’essence divine exclut toute idée de division ou de partage : nier en Jésus, Verbe divin, l’unité de substance avec son principe, était nier sa divinité. Comme fils de l’homme en même temps que vrai Dieu de vrai Dieu, Jésus devait naître ici-bas d’une fille d’Adam, et cependant rester dans son humanité une même personne avec le Verbe consubstantiel au Père : nier dans le Christ cette union personnelle des deux natures, était de nouveau méconnaître sa divinité ; c’était proclamer du même coup que la Vierge bénie, vénérée jusque-là comme ayant enfanté Dieu dans la nature qu’il avait prise pour nous sauver, n’était que la mère d’un homme.

Trois siècles de persécution furieuse avaient essayé vainement d’arracher à l’Église le désaveu de la divinité de l’Époux. Le monde cependant venait à peine d’assister au triomphe de l’Homme-Dieu, que déjà l’ennemi exploitait la victoire ; mettant à profit l’état nouveau du christianisme et sa sécurité du côté des bourreaux, il allait s’efforcer d’obtenir désormais sur le terrain de la fausse science le reniement qui lui avait été refusé dans l’arène du martyre. Le zèle amer des hérétiques pour réformer la croyance de l’Église allait servir l’inimitié du serpent, et concourir plus au développement de sa race maudite que n’avaient fait les défaillances des apostats. Bien digne par son orgueil d’être, à l’âge de la paix, le premier de ces docteurs de l’enfer, Arius parut d’abord, portant le débat jusque dans les profondeurs de l’essence divine, et rejetant au nom de textes incompris le consubstantiel. Au bout d’un siècle où sa principale force avait été l’appui des puissances de ce monde, l’arianisme tombait, ne gardant de racine que chez les nations qui, récemment baptisées, n’avaient point eu à verser leur sang pour la divinité du Fils de Dieu. C’est alors que Satan produisit Nestorius.

Habile à se transformer en ange de lumière, l’ancien ennemi revêtit son apôtre d’une double auréole menteuse de sainteté et de science ; l’homme qui devait exprimer plus nettement qu’aucun autre la haine du serpent contre la femme et son fruit, put s’asseoir sur le siège épiscopal de Constantinople aux applaudissements de l’Orient tout entier, qui se promettait de voir revivre en lui l’éloquence et les vertus d’un nouveau Chrysostome. Mais la joie des bons fut de courte durée. En l’année même qui avait vu l’exaltation de l’hypocrite pasteur, le jour de Noël 428, Nestorius, profitant du concours immense des fidèles assemblés pour fêter l’enfantement de la Vierge-mère, laissait tomber du haut de la chaire épiscopale cette parole de blasphème : « Marie n’a point enfanté Dieu ; son fils n’était qu’un homme, instrument de la divinité. » Un frémissement d’horreur parcourut à ces mots la multitude ; interprète de l’indignation générale, le scolastique Eusèbe, simple laïque, se leva du milieu de la foule et protesta contre l’impiété. Bientôt, une protestation plus explicite fut rédigée au nom des membres de cette Église désolée, et répandue à nombreux exemplaires, déclarant anathème à quiconque oserait dire : « Autre est le Fils unique du Père, autre celui de la vierge Marie. » Attitude généreuse, qui fut alors la sauvegarde de Byzance, et lui valut l’éloge des conciles et des papes ! Quand le pasteur se change en loup, c’est au troupeau à se défendre tout d’abord. Régulièrement sans doute la doctrine descend des évêques au peuple fidèle, et les sujets, dans l’ordre de la foi, n’ont point à juger leurs chefs. Mais il est dans le trésor de la révélation des points essentiels, dont tout chrétien, par le fait même de son titre de chrétien, a la connaissance nécessaire et la garde obligée. Le principe ne change pas, qu’il s’agisse de croyance ou de conduite, de morale ou de dogme. Les trahisons pareilles à celle de Nestorius sont rares dans l’Église ; mais il peut arriver que des pasteurs restent silencieux, pour une cause ou pour l’autre, en certaines circonstances où la religion même serait engagée. Les vrais fidèles sont les hommes qui puisent dans leur seul baptême, en de telles conjonctures, l’inspiration d’une ligne de conduite ; non les pusillanimes qui, sous le prétexte spécieux de la soumission aux pouvoirs établis, attendent pour courir à l’ennemi, ou s’opposer à ses entreprises, un programme qui n’est pas nécessaire et qu’on ne doit point leur donner.

Cependant l’émotion produite par les blasphèmes de Nestorius agitait tout l’Orient, et gagna bientôt Alexandrie. Cyrille occupait alors la chaire fondée par Marc au nom de Pierre, et décorée de l’honneur du second siège par la volonté de ce chef des Églises. L’accord d’Athanase et des pontifes romains avait, au siècle précédent, vaincu l’arianisme ; c’était l’union d’Alexandrie avec Rome qui devait, cette fois encore, écraser l’hérésie. Pourtant l’ennemi, instruit par l’expérience, avait mis à prendre les devants une prévoyance tout infernale ; au jour où le futur vendeur de la Mère de Dieu était monté sur le siège de saint Athanase, l’alliance si formidable au démon n’existait plus. Théophile, le dernier patriarche, l’auteur principal de la condamnation de saint Jean Chrysostome au conciliabule du Chêne, avait refusé jusqu’à la fin de souscrire à la réhabilitation de sa victime par le Siège apostolique, et Rome avait dû rompre avec sa fille aînée. Or Cyrille était le neveu de Théophile ; il ne connaissait rien des motifs inavouables de son oncle en cette triste affaire ; habitué dès l’enfance à vénérer en lui son légitime supérieur autant que son bienfaiteur et son maître dans la science sacrée, Cyrille, devenu patriarche à son tour, n’eut même pas la pensée de rien changer aux décisions de celui qu’il regardait comme un père : Alexandrie resta séparée de l’Église romaine. Véritablement pareil au serpent, dont la bave empoisonne tout ce qu’elle touche, Satan avait donc tourné à son profit contre Dieu les plus nobles sentiments. Mais Notre-Dame, amie des cœurs droits, n’abandonna pas son chevalier. Au bout de quelques années dont les traverses apprirent au jeune patriarche à connaître les hommes, un saint moine, Isidore de Péluse, ouvrait pleinement ses yeux à la lumière ; Cyrille, convaincu, n’hésitait pas à rétablir sur les diptyques sacrés le nom de Jean Chrysostome. La trame ourdie par l’enfer était dénouée : pour les nouvelles luttes de la foi qui allaient s’engager en Orient, Rome retrouvait sur les bords du Nil un nouvel Athanase.

Ramené par un moine dans les sentiers de la sainte unité, Cyrille voua aux solitaires une affection pareille à celle dont les avait entourés son illustre prédécesseur. Il les choisit pour confidents de ses angoisses, au premier bruit des impiétés nestoriennes ; dans une lettre devenue célèbre, c’est leur foi qu’il veut éclairer la première sur le danger qui menace les Églises. « Car, leur dit-il, ceux qui ont embrassé dans le Christ l’enviable et noble vie qui est la vôtre, doivent premièrement briller par l’éclat d’une foi sans équivoque et non diminuée, et greffer ensuite sur cette foi la vertu ; cela fait, ils doivent mettre leur opulence à développer en eux la connaissance du mystère du Christ, tendant par tous les efforts à en acquérir l’intelligence la plus parfaite. C’est ainsi que je comprends, ajoute le saint Docteur, la poursuite de l’homme parfait dont parle l’Apôtre, la manière d’arriver à la mesure du Christ et à sa plénitude. »

Le patriarche d’Alexandrie ne devait pas se contenter d’épancher son âme avec ceux dont l’assentiment lui était assuré d’avance. Par des lettres où la mansuétude de l’évêque ne le cède qu’à la force et à l’ampleur de son exposition doctrinale, Cyrille tenta de ramener Nestorius. Mais le sectaire s’opiniâtrait ; à défaut d’arguments, il se plaignit de l’ingérence du patriarche. Comme toujours en pareille circonstance, il se trouva des hommes d’apaisement qui, sans partager son erreur, estimaient que le mieux eût été en effet de ne pas lui répondre, par crainte de l’aigrir, d’augmenter le scandale, de blesser en un mot la charité. A ces hommes dont la vertu singulière avait la propriété de s’effrayer moins des audaces de l’hérésie que de l’affirmation de la foi chrétienne, à ces partisans de la paix quand même, Cyrille répondait : « Eh ! quoi ; Nestorius ose laisser dire en sa présence dans l’assemblée des fidèles : « Anathème à quiconque nomme Marie mère de Dieu ! par la bouche de ses partisans il frappe a ainsi d’anathème nous et les autres évêques de l’univers, et les anciens Pères qui, partout et dans tous les âges, ont reconnu et honoré unanimement la sainte Mère de Dieu ! Et il n’eût pas été dans notre droit de lui retourner sa parole et de dire : Si quelqu’un nie que Marie soit mère de Dieu, qu’il soit anathème ! Cependant cette parole, par égard pour lui, je ne l’ai pas dite encore ».

D’autres hommes, qui sont aussi de tous les temps, découvraient le vrai motif de leurs hésitations, lorsque faisant valoir bien haut les avantages de la concorde et leur vieille amitié pour Nestorius, ils rappelaient timidement le crédit de celui-ci, le danger qu’il pouvait y avoir à contredire un aussi puissant adversaire. « Que ne puis-je en perdant tous mes biens, répondait Cyrille, satisfaire l’évêque de Constantinople, apaiser l’amertume de mon frère ! Mais c’est de la foi qu’il s’agit ; le scandale est dans toutes les Églises ; chacun s’informe au sujet de la doctrine nouvelle. Si nous, qui avons reçu de Dieu la mission d’enseigner, ne portons pas remède à de si grands maux, au jour du jugement y aura-t-il pour nous assez de flammes ? Déjà la calomnie, l’injure, ne m’ont pas manqué ; oubli sur tout cela : que seulement la foi reste sauve, et je ne concéderai à personne d’aimer plus ardemment que moi Nestorius. Mais si, du fait de quelques-uns, la foi vient à souffrir, qu’on n’en doute point : nous ne perdrons pas nos âmes, la mort même fût-elle sur notre tête. Si la crainte de quelque ennui l’emporte en nous sur le zèle de la gloire de Dieu et nous fait taire la vérité, de quel front pourrons-nous célébrer en présence du peuple chrétien les saints martyrs, lorsque ce qui fait leur éloge est uniquement l’accomplissement de cette parole : « Pour la vérité, combats jusqu’à la mort ! »

Lorsqu’enfin, la lutte devenue inévitable, il organise la milice sainte qui devra combattre avec lui, appelant à ses côtés les évêques et les moines, Cyrille ne retient plus l’enthousiasme sacré qui l’anime : « Quant à ce qui est de moi, écrit-il à ses clercs résidant pour lui dans la ville impériale, peiner, vivre et mourir pour la foi de Jésus-Christ est mon plus grand désir. Comme il est écrit, je ne donnerai point de sommeil à mes yeux, je ne clorai point mes paupières, je n’accorderai point de repos à ma tête, que je n’aie livré le combat nécessaire au salut de tous. C’est pourquoi, bien pénétrés de notre pensée, agissez virilement ; surveillez l’ennemi, informez-nous de ses moindres mouvements. Au premier jour je vous enverrai, choisis entre tous, des hommes pieux et prudents, évêques a et moines ; dès maintenant je prépare mes lettres, telles qu’il les faut et pour qui il convient. J’ai résolu pour la foi du Christ et de travail1er sans trêve, et de supporter tous les tourments, même réputés les plus terribles, jusqu’à ce qu’enfin m’arrive de subir la mort qui sera douce pour une telle cause ».

Informé par le patriarche d’Alexandrie de l’agitation des Églises, saint Célestin Ier, qui occupait alors le Siège apostolique, condamna l’hérésie nouvelle, et chargea Cyrille de déposer l’évêque de Constantinople au nom du Pontife romain, s’il ne venait à résipiscence. Mais les intrigues de Nestorius allaient prolonger la lutte. C’est ici qu’à côté de Cyrille, dans ce triomphe de la femme sur l’antique ennemi, nous apparaît l’admirable figure d’une femme, d’une sainte, qui fut, quarante années durant, la terreur de l’enfer et, par deux fois, au nom de la Reine du ciel, écrasa la tête de l’odieux serpent. En un siècle de ruines, chargée à quinze ans des rênes de l’empire, Pulchérie arrêtait par sa prudence dans le conseil et son énergie dans l’exécution les troubles intérieurs, tandis que par la seule force de la divine psalmodie, avec ses sœurs, vierges comme elle, elle contenait les barbares. Lorsque l’Occident s’agitait dans les convulsions d’une dernière agonie, l’Orient retrouvait dans le génie de son impératrice la prospérité des plus beaux jours. En voyant la petite-fille du grand Théodose consacrer ses richesses privées à multiplier dans ses murs les églises de la Mère de Dieu, Byzance apprenait d’elle ce culte de Marie qui devait être sa sauvegarde en tant de mauvais jours, et lui valut du Seigneur fils de Marie mille ans de miséricorde et d’incompréhensible patience. Sainte Pulchérie, saluée par les conciles généraux comme la gardienne de la foi et le boulevard de l’unité, eut, d’après saint Léon, la part principale atout ce qui se fit de son temps contrôles adversaires de la vérité divine. Deux palmes sont en ses mains, deux couronnes sur sa tête, dit ce grand Pape ; car l’Église lui doit la double victoire sur l’impiété de Nestorius et d’Eutychès qui, se divisant l’attaque, allaient au même but de côtés opposés : la négation de la divine Incarnation et du rôle de la Vierge-mère dans le salut du genre humain.

Mais il faut nous borner. Que ne pouvons-nous du moins suivre aujourd’hui les péripéties des luttes glorieuses dont fut témoin la ville d’Éphèse, lorsque Cyrille, appuyé sur Rome, soutenu par Pulchérie, affermit pour jamais au front de Notre-Dame le plus noble diadème qu’il puisse être donné de porter à une simple créature ! Le récit abrégé consacré par l’Église à l’histoire de notre grand pontife, en donnera quelque idée (voir l’Office à Matines)

Saint Pontife, les cieux se réjouissent et la terre tressaille au souvenir du combat où la Reine de la terre et des cieux voulut triompher par vous de l’ancien serpent. L’Orient vous honora toujours comme sa lumière. L’Occident saluait en vous dès longtemps le défenseur de la Mère de Dieu ; et voilà qu’aujourd’hui la solennelle mention qu’il consacrait à votre mémoire, dans les fastes des Saints, ne suffît plus à sa reconnaissance. C’est qu’en effet une fleur nouvelle est apparue, dans nos jours, à la couronne de Marie notre Reine ; et cette fleur radieuse est sortie du sol même que vous arrosiez de vos sueurs. En proclamant au nom de Pierre et de Célestin la maternité divine, vous prépariez à Notre-Dame un autre triomphe, conséquence du premier : la mère d’un Dieu ne pouvait être qu’immaculée. Pie IX, en le définissant, n’a fait que compléter l’œuvre de Célestin et la vôtre ; et c’est pourquoi les dates du 22 juin 431 et du 8 décembre 1854 resplendissent d’un même éclat au ciel, comme elles ont amené sur terre les mêmes manifestations d’allégresse et d’amour.

L’Immaculée embaume le monde de ses parfums, et c’est pourquoi, ô Cyrille, l’Église entière se tourne vers vous à quatorze siècles de distance ; jugeant que votre œuvre est achevée, elle vous proclame Docteur, et ne veut pas que rien manque désormais aux hommages que vous doit la terre. Ainsi, ô Pontife aimé du ciel, le culte qui vous est rendu se complète avec celui de la Mère de Dieu ; votre glorification n’est qu’une extension nouvelle de la gloire de Marie. Heureux êtes-vous ! car nulle illustration ne pouvait valoir un rapprochement pareil de la souveraine du monde et de son chevalier.

Comprenant donc que la meilleure manière de vous honorer, ô Cyrille, est d’exalter celle dont la gloire est devenue la vôtre, nous reprenons les accents enflammés que l’Esprit-Saint vous suggérait pour chanter ses grandeurs, au lendemain du triomphe d’Éphèse : « Nous vous saluons, ô Marie Mère de Dieu, comme le joyau resplendissant de l’univers, la lampe qui ne s’éteint pas, la couronne de virginité, le sceptre de l’orthodoxie, le temple indestructible et le lieu où se renferme l’immense, Mère et Vierge, par qui nous est présenté le béni des saints Évangiles, celui qui vient au nom du Seigneur. Salut, ô vous dont le sein virginal et toujours pur a porté l’Infini, par qui est glorifiée la Trinité, par qui la croix précieuse est honorée et adorée dans toute la terre ; joie du ciel, sérénité des archanges et des anges qui mettez en fuite les démons, par vous le tentateur est tombé du ciel, tandis que la créature tombée se relève par vous jusqu’aux cieux. La folie des idoles enserrait le monde, et vous ouvrez ses yeux à la vérité ; à vous les croyants doivent le saint baptême, à vous ils doivent l’huile d’allégresse ; par toute la terre vous fondez les églises, vous amenez les nations à la pénitence. Que dire encore ? C’est par vous que le Fils unique de Dieu a brillé comme la lumière de ceux qui étaient assis dans les ténèbres et l’ombre de la mort, par vous que les prophètes ont prédit l’avenir, que les apôtres ont annoncé le salut aux nations, que ressuscitent les morts, que règnent les rois par la Trinité sainte. Quel homme jamais pourra célébrer Marie, la toute digne de louange, d’une manière conforme à sa dignité? »

Si la dignité de la Mère de Dieu surpasse en effet toute louange, ô Cyrille, obtenez d’elle pourtant qu’elle suscite parmi nous des hommes capables de célébrer comme vous ses grandeurs. Que la puissance dont elle daigna vous revêtir contre ses ennemis, ne fasse point défaut à ceux qui ont à soutenir, de nos jours, la lutte engagée dès l’origine du monde entre la femme et le serpent. L’adversaire a crû en audace ; notre siècle est allé plus loin dans la négation de Jésus que Nestorius, que Julien lui-même, cet empereur apostat contre lequel vous défendîtes aussi la divinité du Fils de la Vierge-mère. O vous qui portâtes à l’erreur des coups si terribles, montrez aux docteurs de nos temps la manière de vaincre : qu’ils sachent comme vous s’appuyer sur Pierre ; qu’ils ne se désintéressent de rien de ce qui touche à l’Église ; qu’ils regardent toujours comme leurs propres ennemis, et leurs seuls ennemis, ceux du règne de Dieu. Dans vos sublimes écrits, les pasteurs apprendront la vraie science, celle des saintes Lettres, sans laquelle leur zèle serait impuissant.

Les chrétiens comprendront à votre école qu’ils ne peuvent espérer croître dans la vertu, sans grandir dans la foi tout d’abord, sans développer en eux la connaissance du mystère de l’Homme-Dieu. En un temps où le vague des notions suffit à tant d’âmes, répétez à tous que « c’est l’amour du vrai qui conduit à la vie » A l’approche de la sainte Quarantaine, nous nous rappelons ces Lettres pascales qui chaque année, en ces jours mêmes, allaient porter partout, avec l’annonce de la Solennité des solennités, l’exhortation à la pénitence ; pénétrez nos cœurs amollis du sérieux de la vie chrétienne, excitez-les à entrer vaillamment dans la carrière sainte où ils doivent retrouver la paix avec Dieu parle triomphe sur la chair et les sens.

 

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Saint Jean de Matha confesseur

8 Février 2024 , Rédigé par Ludovicus

Saint Jean de Matha confesseur

Collecte

O Dieu, qui, par le moyen de saint Jean, avez daigné établir miraculeusement l’Ordre de la très sainte Trinité pour racheter les captifs du pouvoir des Sarrasins, faites, nous vous en supplions, que par les suffrages de ses mérites et le secours de votre grâce, nous soyons délivrés de la captivité du corps et de l’âme.

Office

Quatrième leçon. Jean de Matha, instituteur de l’Ordre de la très sainte Trinité pour la Rédemption des captifs, naquit à Faucon en Provence, de parents distingués par leur piété et leur noblesse : il se rendit à Aix, puis à Paris, pour ses études. Après y avoir achevé le cours de théologie, il obtint le bonnet de docteur. Sa science et ses vertus déterminèrent l’Évêque de Paris à lui conférer, malgré son humble résistance, l’ordre sacré de la prêtrise, afin que, durant son séjour dans cette ville, l’exemple de sa sagesse et de sa conduite éclairât la jeunesse studieuse. Comme il offrait pour la première fois à Dieu le saint Sacrifice, dans la chapelle de l’Évêque, qui y assistait avec d’autres personnes, il fut réjoui par uni faveur céleste : un Ange lu apparut vêtu d’une robe d’une éclatante blancheur, portant attachée sur sa poitrine une croix rouge et bleue, et tenant les bras croisés et les mains posées sur deux captifs, l’un chrétien et l’autre maure, placés à ses côtés. Ravi en extase par cette vision, l’homme de Dieu comprit aussitôt qu’il était destiné à racheter les captifs du pouvoir des infidèles.

Cinquième leçon. Pour procéder avec plus de maturité dans une chose de cette importance, il se retira dans la solitude, et là, il advint, par la volonté divine, qu’il rencontra Félix de Valois qui habitait déjà le même désert depuis nombre d’années. Pendant l’espace de trois ans, il vécut dans sa société en s’exerçant à la prière, à la contemplation et à la pratique de toutes les vertus. Or il arriva, tandis qu’ils s’entretenaient des choses divines au bord d’une fontaine, qu’un cerf s’approcha d’eux, portant entre ses cornes une croix de couleur rouge et bleue. Comme Félix s’étonnait de la nouveauté de ce spectacle, Jean lui raconta la vision qu’il avait eue à sa première Messe. Après ce miracle, ils s’appliquèrent avec plus de ferveur encore à l’oraison ; puis, en ayant reçu trois fois l’avertissement en songe, ils résolurent de partir pour Rome, afin d’obtenir du souverain Pontife l’institution d’un nouvel Ordre pour le rachat des captifs. Pendant ce temps, Innocent III avait été élu, il les reçut avec bonté, et comme il délibérait sur leur projet, un Ange vêtu de blanc, ayant une croix de deux couleurs, lui apparut sous l’aspect d’un homme qui rachète des captifs : c’était en la seconde fête de sainte Agnès, durant la Messe solennelle, dans l’église de Latran, au moment de l’élévation de la sainte Hostie. Le Pontife approuva donc leur institut, ordonna qu’on l’appelât l’Ordre de la très sainte Trinité de la Rédemption des captifs, et voulut que ceux qui y feraient profession portassent un habit blanc, avec une croix rouge et bleue.

Sixième leçon. L’ordre ainsi institué, les saints fondateurs revinrent en France, et ayant bâti leur premier monastère à Cerfroid, dans le diocèse de Meaux, Félix demeura pour le gouverner, : tandis que Jean repartit avec quelques-uns de leurs compagnons pour Rome, où Innocent III leur donna la maison, l’église et l’hospice de Saint-Thomas de Formis, sur le mont Cœlius, avec plusieurs revenus et propriétés. Il leur remit des lettres pour l’émir qui régnait au Maroc, et t’œuvre de la rédemption commença ainsi sous d’heureux auspices. Alors Jean se dirigea vers l’Espagne, opprimée en grande partie sous le joug des Sarrazins et il excita les cœurs des rois, des princes, et des autres fidèles à la compassion envers les captifs et les pauvres. 11 édifia des monastères, érigea des hospices, et racheta beaucoup de captifs, au grand profit de leurs âmes. Enfin, de retour à Rome et s’y dévouant aux œuvres saintes, usé par des labeurs assidus et affaibli par la maladie, brûlant du plus ardent amour pour Dieu et le prochain, il fut réduit à l’extrémité. Ayant fait assembler tes frères, il les exhorta de la manière la plus persuasive à continuer cette œuvre de la rédemption, que le Ciel même avait indiquée ; puis il s’endormit dans le Seigneur, le seize des calendes de janvier, l’an du salut j mil deux cent treize ; son corps fut enseveli dans l’église même de Saint-Thomas de Formis avec l’honneur dû à ses mérites.

 Naguère, nous célébrions la mémoire de Pierre Nolasque, appelé par la très sainte Mère de Dieu à fonder un Ordre destiné au rachat des chrétiens captifs chez les infidèles ; aujourd’hui, nous avons à honorer l’homme généreux qui fut le premier favorisé de cette sublime pensée, et établit, sous le nom de la très sainte Trinité, une société religieuse dont les membres s’engagèrent à mettre leurs efforts, leurs privations, leur liberté, leur vie, au service des pauvres esclaves qui gémissaient sous le joug des Sarrasins. L’Ordre des Trinitaires et celui de la Merci, quoique distincts, sont frères dans leur but et dans l’intention qui les a produits ; leurs résultats, en six siècles de durée, ont été de rendre à leurs familles et à leur patrie plus d’un million d’hommes, dont ils préservaient en même temps la foi des périls de l’apostasie. C’est en France, près de Meaux, que Jean de Matha, assisté de son fidèle coopérateur Félix de Valois, qui paraîtra à son tour sur le Cycle dans la dernière partie de l’année, établit le centre de son œuvre à jamais bénie. En ces jours de préparation au Carême, où nous avons besoin de raviver en nous la flamme de la charité envers ceux qui souffrent, quel plus admirable modèle que Jean de Matha, que son Ordre tout entier, qui n’a eu d’autre raison d’existence que le désir d’aller arracher aux horreurs de l’esclavage des frères inconnus qui languissent chez les barbares ! Est-il une aumône, si généreuse qu’elle soit, qui ne s’efface, quand on la compare au dévouement de ces hommes qui s’obligent par leurs règles non seulement à parcourir la chrétienté pour y recueillir les deniers à l’aide desquels ils rendront la liberté aux esclaves, mais à prendre tour à tour les fers de quelqu’un de ces infortunés, afin d’accroître le nombre des rachetés ? N’est-ce pas, autant que la faiblesse humaine le peut permettre, imiter à la lettre l’exemple du Fils de Dieu lui-même, descendant du ciel pour être notre Rédempteur ? Animés par de tels modèles, nous entrerons plus volontiers encore dans les intentions de l’Église qui nous recommandera bientôt les œuvres de miséricorde comme l’un des éléments essentiels de la pénitence quadragésimale.

Jouissez maintenant du fruit de votre dévouement pour vos frères, ô Jean de Matha ! Le Rédempteur du monde voit en vous une de ses plus fidèles images, et il se plaît à honorer aux yeux de toute la cour céleste les traits de ressemblance que vous avez avec lui. C’est à nous sur la terre de suivre vos traces, puisque nous espérons arriver au même terme. La charité fraternelle nous y conduira ; car nous savons que les œuvres qu’elle inspire ont la vertu d’arracher l’âme au péché. Vous l’avez comprise telle qu’elle est dans le cœur de Dieu, qui aime nos âmes avant nos corps, et qui cependant ne dédaigne pas de subvenir aux besoins de ceux-ci. Ému des périls que couraient tant d’âmes exposées au danger de l’apostasie, vous êtes accouru à leur aide, et vous leur avez fait comprendre tout le prix d’une religion qui suscite de tels dévouements. Vous avez compati aux souffrances de leurs corps, et votre main généreuse a fait tomber les chaînes sous le poids desquelles ils languissaient. Enseignez-nous à imiter de tels exemples. Que les périls auxquels sont exposées les âmes de nos frères ne nous trouvent plus insensibles. Faites-nous comprendre cette parole d’un Apôtre : « Celui qui aura retiré un pécheur des erreurs de sa voie, en même temps qu’il sauvera l’âme de celui-ci, couvrira la multitude de ses propres péchés » Donnez-nous part aussi à cette tendresse compatissante qui nous rendra généreux et empressés à soulager les maux que nos frères souffrent dans leurs corps, et qui sont trop souvent pour eux l’occasion de blasphémer Dieu et sa Providence. Libérateur des hommes, souvenez-vous en ces jours de tous ceux qui gémissent par le péché sous la captivité de Satan, de ceux surtout qui, dans l’ivresse des illusions mondaines, ne sentent plus le poids de leurs chaînes et dorment tranquillement dans leur esclavage. Convertissez-les au Seigneur leur Dieu, afin qu’ils recouvrent la véritable liberté. Priez pour la France votre patrie, et maintenez-la au rang des nations fidèles. Protégez enfin les restes précieux de l’Ordre que vous avez fondé, afin que, l’objet de son antique dévouement ayant pour ainsi dire cessé aujourd’hui, il puisse encore servir aux besoins de la société chrétienne.

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Super Heb., cap. 12 l. 1

8 Février 2024 , Rédigé par Ludovicus

Super Heb., cap. 12 l. 1

Caput 12

Lectio 1

Super Heb., cap. 12 l. 1 Supra apostolus multipliciter commendavit fidem, per quam membra Christo capiti coniunguntur, hic ponit moralem monitionem, exhortans ut fidem, quam tenent corde, operibus demonstrent, sicut etiam monet Iacobus, cap. II canonicae suae. Et primo docet quomodo se debeant habere circa mala, secundo quomodo debeant se habere circa bona, cap. XIII, ibi charitas fraternitatis. Est autem duplex malum, scilicet poenae et culpae. Primo ergo docet quomodo se debent habere circa mala poenalia toleranda; secundo circa mala culpae vitanda, ibi propter quod remissas, et cetera. Ad tolerandum autem malum poenae, primo inducit exemplo antiquorum; secundo, exemplo Christi, ibi aspicientes in auctorem; tertio auctoritate Scripturae, ibi et obliti estis. Quantum ergo ad primum dicit ideoque nos habentes tantam nubem testium interpositam. Quasi dicat: ita dictum est, quod sancti testimonio fidei probati, nec tamen habuerunt repromissiones, et tamen cum hoc non defecerunt in expectando; ergo nos qui habemus tantam nubem testium interpositam, et cetera. Sancti dicuntur testes Dei, quia verbo et facto glorificabatur Deus per eos. Mt. V, 16: sic luceat lux vestra coram hominibus, ut videant opera vestra bona, et glorificent Patrem vestrum, qui in caelis est. Is. XLIII, 10: vos testes mei, dicit Dominus. Dicuntur autem sancti nubes, primo propter conversationis sublimitatem. Is. LX, 8: qui sunt isti, qui ut nubes volant? Secundo propter doctrinae foecunditatem. Jb XXVI, 8: qui ligat aquas in nubibus suis, ut non erumpant pariter deorsum. Et XXXVI, 28: effundit imbres ad instar gurgitum, qui de nubibus fluunt. Tertio propter spiritualis consolationis utilitatem. Sicut enim nubes praestant refrigerium, sic exempla sanctorum. Is. XVIII, 4: et sicut nubes roris in die messis. Hanc ergo nubem testium habemus impositam, quia ex vita sanctorum quodammodo inducitur nobis necessitas ad imitandum. Jc. V, 10: exemplum accipite, fratres, exitus mali et longanimitatis, laboris, et patientiae prophetas. Augustinus: sicut Spiritus Sanctus loquitur in Scriptura, ita in gestis sanctorum, quae nobis sunt forma et praeceptum vitae. Hoc est ergo exemplum sanctorum, quod inducit. Sed quia ad conformandum se ad aliquod exemplar, interdum ex impedimento superveniente impeditur homo, ideo removet illud quod potissime potest impedire. Illud autem est pondus peccati. Tribulatio autem est quasi quidam agon. I Cor. IX, 25: omnis qui in agone contendit, ab omnibus se abstinet. Sicut autem in cursu et certamine oportet omnia aggravantia deponere, ita et in agone tribulationis. II Tm. IV, 7: bonum certamen certavi, cursum consummavi. Qui ergo in tribulatione vult bene ad Deum currere, oportet impedimenta deponere. Ista impedimenta vocavit ipse apostolus pondus et circumstans peccatum. Per pondus autem potest intelligi peccatum perpetratum; quod dicitur pondus, quia animam deprimit ad infima, et inclinat ad aliud. Ps. XXXVII, 5: sicut onus grave gravatae sunt super me. Gregorius: peccatum quod per poenitentiam non diluitur, mox suo pondere ad aliud trahit. Per circumstans peccatum, potest intelligi occasio peccandi, quae quidem est in omni quod circumstat, scilicet in mundo, carne, proximo, Daemone. Deponentes ergo omne pondus, id est, peccatum perpetratum, quod dicitur pondus, et circumstans nos peccatum, scilicet occasionem peccandi. I P. II, 1: deponentes omnem malitiam et omnem dolum. Vel pondus potest intelligi taedium tribulationis. Sic enim frequenter tribulatio dicitur onus per prophetas, sicut onus Damasci, id est tribulatio; quasi dicat: non sit vobis grave pati pro Christo. Circumstans peccatum dicitur tentatio nobis immissa ex circuitu hostis. I P. V, 8: adversarius vester Diabolus, et cetera. Vel pondus affectio terrena; per circumstans autem peccatum affectio carnalis, quae scilicet causatur in nobis a carne circumstante; quasi dicat: deponatis affectionem tam temporalium, quam carnalium, si vultis libere currere. Unde subdit monitionem, dicens curramus per patientiam ad certamen nobis propositum, non solum illatum, quod tamen sustineamus patienter. Sed nos ipsi voluntarie curramus. Ps. CXVIII, 32: viam mandatorum tuorum cucurri. Hoc autem certamen vobis propositum est cum iustitia. Eccli. IV, 33: usque ad mortem certa pro iustitia. Deinde cum dicit aspicientes, etc., ponit exemplum Christi. Et circa hoc duo facit. Primo enim ostendit quare passio Christi habenda est in exemplum, et quid in ipsa considerandum est; secundo ostendit fructum istius considerationis, ibi recogitate eum. Sicut enim dicitur Ep. II, 8: gratia salvati estis per fidem, Christus autem est auctor fidei, si ergo vis salvari, debes intueri exemplar illud. Unde dicit aspicientes in Iesum passum. Hoc significatum fuit per serpentem aeneum elevatum pro signo, in quem aspicientes curabantur. Nm. XXI, 9, et Jn. III, 14: sicut Moyses exaltavit serpentem in deserto, ita exaltari oportet filium hominis, ut omnis qui credit in ipsum, non pereat, sed habeat vitam aeternam. Si ergo vis salvari, respice in faciem Christi tui. Ipse enim est auctor fidei dupliciter. Primo eam docendo verbo. Supra I, 2: locutus est nobis in filio. Jn. I, 18: unigenitus, qui est in sinu Patris, ipse enarravit. Secundo eam in corde imprimendo. Ph. I, 29: vobis donatum est pro Christo non solum ut in ipsum credatis, et cetera. Item ipse est consummatio fidei dupliciter. Uno modo ipsam miraculis confirmando. Jn. X, 38: si mihi non vultis credere, operibus credite. Item fidem praemiando. Cum enim fides sit imperfecta cognitio, eius praemium consistit in ipsius cognitionis perfectione. Jn. XIV, 21: ego diligam eum, et manifestabo ei meipsum. Hoc autem significatum fuit Za. IV, 9, ubi dicitur: manus Zorobabel fundaverunt domum istam, scilicet Ecclesiam, cuius fundamentum est fides, et manus eius perficient eam. Nam manus Christi, qui de genere Zorobabel descendit, fundat Ecclesiam in fide, et fidem gloria consummat. Videmus enim nunc in speculo, et aenigmate; tunc autem facie ad faciem, I Cor. XIII, 12. Augustinus, I de Trinit. X: contemplatio est merces fidei, cui mercedi per fidem corda mundantur, sicut scriptum est: fide mundans corda eorum. In passione enim Christi tria consideranda sunt. Primo quid contempsit; secundo quid sustinuit; tertio quid promeruit. Quantum ad primum dicit qui proposito sibi gaudio; istud autem gaudium fuit istud gaudium terrenum quo a turba quam paverat quaerebatur, ut facerent eum regem, quo ipse contempsit fugiendo in montem, Jn. VI, 15. Unde Eccle. II, 2: risum reputavi errorem, et gaudio dixi: quid frustra deciperis? Vel proposito sibi gaudio aeternae vitae pro praemio. Sustinuit crucem, hoc est secundum, scilicet quid sustinuit, quia crucem. Ph. II, 8: humiliavit semetipsum factus obediens usque ad mortem, mortem autem crucis. In quo ostenditur et cruciatus acerbitas, quia ibi affixus fuit manibus et pedibus, et mortis vilitas et ignominia, quia hoc erat ignominiosum genus mortis. Sg. II, 20: morte turpissima condemnemus eum. Quantum autem ad tertium, scilicet quod promeruit, quia sessionem ad dexteram Patris. Unde dicit atque in dextera sedis Dei sedet. Exaltatio enim humanitatis Christi fuit praemium passionis eius. He. I, 3: sedet ad dexteram maiestatis in excelsis. Deinde cum dicit recogitate eum, ostendit quis sit fructus huius considerationis. Et primo monet ad diligentem exempli considerationem; secundo ostendit utilitatem, ibi ut non fatigemini; tertio subdit rationem, ibi non enim usque. Dicit ergo: ita dictum est, aspicientes, etc., nec hoc solum, sed etiam recogitate eum, id est iterum cogitate. Pr. III, 6: in omnibus viis tuis cogita illum. Et huius ratio est, quia in quacumque tribulatione invenitur eius remedium in cruce. Ibi enim est obedientia ad Deum. Ph. II, 8: humiliavit semetipsum factus obediens. Item pietatis affectus ad parentes; unde ibi gessit curam de matre sua. Item charitas ad proximum; unde ibi pro transgressoribus oravit. Lc. XXIII, 34: Pater, dimitte illis, non enim sciunt quid faciunt. Ep. V, 2: ambulate in dilectione, sicut Christus dilexit nos, et tradidit semetipsum pro nobis. Item fuit ibi patientia in adversis. Ps.: obmutui et humiliatus sum, et silui a bonis, et dolor meus renovatus est. Is. LIII, 7: sicut ovis ad occisionem ducetur, et quasi agnus coram tondente se obmutescet, et non aperiet os suum. Item in omnibus finalis perseverantia; unde usque ad mortem perseveravit. Lc. XXIII, 46: Pater, in manus tuas commendo spiritum meum. Unde in cruce invenitur exemplum omnis virtutis, Augustinus: crux non solum fuit patibulum patientis; sed etiam cathedra docentis. Recogitate ergo eum qui sustinuit. Sed quid cogitandum? Tria, scilicet genus passionis, unde sustinuit contradictionem, id est, afflictionem in verbis. Unde dicebant: vah qui destruis templum Dei. Ps. XVII, 44: eripies me de contradictionibus populi. Rm. X, 21: expandi manus meas ad populum non credentem, sed contradicentem mihi. Lc. II, 34: et in signum cui contradicetur. Et contradictionem talem, id est, tam gravem et ignominiosam. Thren. I, 12: o vos omnes, qui transitis per viam, attendite et videte si est dolor sicut dolor meus. Secundo a quibus passus est, quia a peccatoribus, pro quibus patiebatur. I P. III, 18: Christus semel pro peccatis nostris mortuus est, iustus pro iniustis. Tertio persona patientis. Ante passionem enim ab origine mundi passus est in membris suis, sed tunc in propria persona. Unde dicit adversus semetipsum. Is. XLVI, 4: ego feci et ego feram. Ps. LXVIII, 5: quae non rapui tunc exsolvebam. I P. II, 24: peccata nostra ipse pertulit in corpore suo super lignum. Utilitatem ostendit cum dicit ut non fatigemini. Consideratio enim passionis Christi facit nos non deficere. Gregorius: si passio Christi ad memoriam revocatur, nihil adeo durum est, quod non aequanimiter toleretur. Unde non deficiatis, tamquam fatigati animo, a veritate fidei. Is. XL, 31: current et non laborabunt, ambulabunt et non deficient. II Th. III, 13: nolite deficere benefacientes. Rationem autem huius ponit, dicens nondum enim usque ad sanguinem restitistis. Quasi dicat: non debetis deficere in tribulationibus vestris pro vobis, quia nondum tantum sustinuistis sicut Christus. Ipse enim sanguinem suum fudit pro nobis. Mt. XXVI, 28: hic est sanguis novi testamenti, qui pro multis effundetur. Vos autem rapinam bonorum vestrorum sustinuistis. Maius autem est de genere operis vitam dare, quam substantiam corporalem, licet aliquando ex radice operis, scilicet ex charitate, possit esse minus, sicut supra dictum est. Unde dicit: nondum enim restitistis repugnantes adversus peccatum, usque ad sanguinem, scilicet fundendum pro Christo.

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Saint Romuald abbé

7 Février 2024 , Rédigé par Ludovicus

Saint Romuald abbé

Collecte

Que l’intercession du bienheureux Abbé Romuald, nous recommande, s’il vous plaît, auprès de vous, Seigneur, afin que nous obtenions, par son patronage, ce que nous ne pouvons attendre de nos mérites.

Office

Quatrième leçon. Romuald naquit à Ravenne ; Serge, son père, était de noble race. Il se retira dès sa jeunesse dans le monastère de Classe, proche de la ville pour y faire pénitence. Là, les entretiens d’un saint religieux l’enflammèrent d’un zèle ardent pour la piété. Ayant eu dans l’église, pendant la nuit, deux apparitions de saint Apollinaire, il se fit moine, selon la prédiction que lui avait faite le serviteur de Dieu. Bientôt il se rendit sur les terres des Vénitiens, auprès de Marin, célèbre alors par la sainteté de sa vie et l’austérité de sa discipline, afin de l’avoir pour maître et pour guide dans la voie étroite et sublime de la perfection.

Cinquième leçon. Attaqué par Satan, qui lui dressait des embûches, et par l’envie des hommes, il en devenait d’autant plus humble, s’exerçait assidûment aux jeûnes et à la prière, et se livrait à la méditation des choses célestes, en versant d’abondantes larmes : son visage était néanmoins toujours si joyeux qu’il réjouissait ceux qui le considéraient. Il fut en grand honneur auprès des princes et des rois, et plusieurs, par son conseil, renonçant aux attraits du monde, se retirèrent dans la solitude. Brûlant du désir du martyre, il partit pour la Pannonie dans l’espoir de l’y trouver : mais une maladie qui le tourmentait quand il avançait, et qui lui était enlevée lorsqu’il revenait sur ses pas, le contraignit de s’en retourner.

Sixième leçon. Il fut illustre par des miracles pendant sa vie et après sa mort ; il eut aussi l’esprit de prophétie. Comme le patriarche Jacob, il aperçut en vision une échelle s’élevant de la terre au ciel, par laquelle montaient et descendaient des hommes vêtus de blanc, et il reconnut dans cette vision merveilleuse les moines Camaldules, dont il a fondé l’institut. Enfin, après avoir vécu cent vingt ans et servi Dieu pendant un siècle par la vie la plus austère, il s’en alla vers lui l’an du salut mil vingt-sept. Son corps ayant été trouvé intact cinq ans après sa sépulture, on le déposa avec honneur dans l’église de son Ordre, à Fabriano.

 

 La série des Martyrs est interrompue pour deux jours sur le Cycle sacré ; nous fêtons aujourd’hui un des héros de la pénitence, Romuald, l’ange des forêts de Camaldoli. C’est un des fils du grand patriarche Benoît ; père, après lui, d’une longue postérité. La filiation bénédictine se poursuit, directe, jusqu’à la fin des temps ; mais du tronc de cet arbre puissant sortent en ligne collatérale quatre glorieux rameaux toujours adhérents, et auxquels l’Esprit-Saint a donné vie et fécondité pour de longs siècles ; ce sont : Camaldoli par Romuald, Cluny par Odon, Vallombreuse par Jean Gualbert, et Cîteaux par Robert de Molesmes.

Aujourd’hui, Romuald réclame nos hommages ; et si les Martyrs que nous avons déjà rencontrés, et que nous rencontrerons encore sur la route qui nous conduit à l’expiation quadragésimale, nous offrent un précieux enseignement par le mépris qu’ils ont fait de la vie, les saints pénitents, comme le grand Abbé de Camaldoli, nous présentent une leçon plus pratique encore. Ceux qui sont à Jésus-Christ, dit l’Apôtre, ont crucifié leur chair avec ses vices et ses convoitises ; c’est donc la condition commune de tout chrétien ; mais quel puissant encouragement nous donnent ces généreux athlètes de la mortification qui ont sanctifié les déserts par les œuvres héroïques de leur pénitence, enlevant ainsi toute excuse à notre lâcheté qui s’effraie des légères satisfactions que Dieu exige pour nous rendre ses bonnes grâces ! Acceptons la leçon qui nous est donnée, et offrons de bon cœur au Seigneur que nous avons offensé le tribut de notre repentir, avec les œuvres qui purifient les âmes.

Ami de Dieu, Romuald, que votre vie a été différente de la nôtre ! Nous aimons le monde et ses agitations ; c’est à peine si la pensée de Dieu traverse quelquefois nos journées d’un fugitif souvenir ; plus rarement encore est-elle le mobile de nos actions. Cependant chaque heure qui s’écoule nous approche de ce moment où nous nous trouverons en face de Dieu, chargés de nos œuvres bonnes et mauvaises, sans que rien ne puisse plus modifier la sentence que nous nous serons préparée. Vous n’avez pas entendu ainsi la vie, ô Romuald ! Il vous a semblé qu’une pensée unique devait la remplir tout entière, un seul intérêt la préoccuper, et vous avez marché constamment en présence de Dieu. Pour n’être pas distrait de ce grand et cher objet, vous avez cherché le désert ; là, sous la règle du saint Patriarche des moines, vous avez lutté contre le démon et la chair ; vos larmes ont lavé vos péchés, si légers en comparaison des nôtres ; votre cœur, régénéré dans la pénitence, a pris son essor d’amour vers le Sauveur des hommes, et vous eussiez voulu lui offrir jusqu’à votre sang. Vos mérites sont notre bien aujourd’hui, par cette heureuse communion que le Seigneur a daigné établir entre les plus saintes âmes et nous pécheurs. Aidez-nous donc dans la carrière de pénitence qui commencera bientôt ; nous avons tant besoin de mettre la faiblesse de nos œuvres à couvert sous la plénitude des vôtres ! Au fond de votre solitude, sous les ombrages de votre Éden de Camaldoli, vous aimiez les hommes vos frères, et jamais ils n’approchèrent de vous sans être captivés par votre aimable et douce charité : montrez-leur que vous les aimez toujours. Souvenez-vous aussi de l’Ordre que vous avez fondé ; fécondez ses restes vénérables, et faites qu’il soit toujours aux âmes que le Seigneur y appelle une échelle sûre pour monter jusqu’à lui.

 

Petit Règle de Saint Romuald de Ravenne

Asseyez-vous dans votre oratoire comme au paradis.
Laissez le monde derrière vous et oubliez-le.
Observez vos pensées comme un bon pêcheur surveillant le poisson.
Le chemin à suivre est celui des Psaumes - ne le laissez jamais.

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