Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Regnum Galliae Regnum Mariae
Articles récents

Saint Fidèle de Sigmaringen martyr

24 Avril 2023 , Rédigé par Ludovicus

Saint Fidèle de Sigmaringen martyr

Collecte

O Dieu, qui, après avoir embrasé le bienheureux Fidèle d’une ardeur séraphique pour la propagation de la vraie foi, avez daigné le décorer de la palme du martyre et de la gloire des miracles, nous vous supplions par ses mérites et son intercession, de nous affermir tellement, par votre grâce, dans la foi et la charité, que nous méritions d’être trouvés fidèles dans votre service jusqu’à la mort.

Office

Quatrième leçon. Fidèle, né à Sigmaringen, ville de Souabe, de l’honnête famille des Rey, se distingua dès l’enfance par les dons singuliers de la nature et de la grâce dont il était orné. Doué du meilleur naturel et formé au bien, grâce à une excellente éducation, il remporta les palmes au collège de Fribourg pendant ses cours de philosophie et de droit, en même temps qu’à l’école de Jésus-Christ il s’efforçait d’atteindre au sommet de la perfection par la pratique assidue des vertus. Ayant été donné pour compagnon à plusieurs gentilshommes, qui visitaient différentes contrées de l’Europe, il ne cessa de les exciter à la piété chrétienne par ses paroles et ses actions. Il fit plus : durant ce voyage il s’efforça de mortifier par de fréquentes austérités les désirs de la chair, et de se rendre tellement maître de lui-même, que dans les circonstances si diverses où il se trouva, on ne vit jamais en lui aucun mouvement d’impatience. Vaillant défenseur du droit et de la justice, il s’acquit, après son retour en Allemagne, un nom célèbre dans la profession d’avocat. Mais lorsqu’il eut expérimenté les dangers de cette profession, il résolut d’entrer dans une voie conduisant plus sûrement au salut, et éclairé par l’appel d’en haut, il sollicita bientôt son admission dans l’Ordre séraphique, parmi les Frères Mineurs Capucins.

Cinquième leçon. Sa pieuse demande ayant été exaucée, il fit paraître dès le début de son noviciat un grand mépris du monde et de lui-même, et quand il eut prononcé les vœux de sa profession solennelle dans la joie de l’Esprit du Seigneur, il devint davantage encore le modèle et l’admiration de tous, par sa fidélité à l’observance régulière. Adonné principalement à l’oraison et à l’étude des saintes lettres, il excellait aussi dans le ministère de la parole, par l’effet d’une grâce particulière, et il amenait non seulement les catholiques à une vie meilleure, mais encore les hérétiques à la connaissance de la vérité. Mis à la tête de plusieurs couvents de son Ordre, il s’acquitta avec prudence, justice, mansuétude, discrétion et grande humilité, de la charge qui lui était confiée. Ardent zélateur de la plus stricte pauvreté, il retranchait totalement de chaque monastère tout ce qui lui semblait être peu nécessaire. Rempli envers lui-même d’une haine salutaire, il châtiait son corps par des jeûnes austères, des veilles et des disciplines, tandis qu’il montrait à tous un amour semblable à celui d’une mère pour ses enfants. Une fièvre pestilentielle étant venue décimer cruellement les troupes autrichiennes, Fidèle s’appliqua généreusement et assidûment aux devoirs de la charité envers les malades dont les besoins étaient extrêmes. Il réussit si bien à apaiser les dissensions et à subvenir aux nécessités du prochain par ses conseils et ses actions, qu’il mérita d’être appelé le père de la patrie.

Sixième leçon. Extrêmement dévot à la Vierge Mère de Dieu, il se plaisait à réciter le rosaire, et demanda à Dieu, par l’intercession de Marie et celle des autres Saints, la grâce de donner sa vie et de verser son sang pour le service de la foi catholique. Comme cet ardent désir s’enflammait chaque jour davantage durant la célébration du saint Sacrifice, l’admirable providence de Dieu permit que ce courageux athlète du Christ fût choisi pour diriger les missions que la Congrégation de la Propagande venait alors d’établir chez les Grisons. Il reçût d’un cœur joyeux et empressé cette charge difficile, et l’exerça avec tant d’ardeur, qu’ayant réussi à convertir un grand nombre d’hérétiques à la foi orthodoxe, il fit luire l’espérance de voir cette nation entière se réconcilier avec l’Église et avec le Christ. Doué du don de prophétie, il prédit plusieurs fois les malheurs qui menaçaient le pays des Grisons, et la mort que lui feraient subir les hérétiques. Instruit des embûches qu’on lui tendait, après s’être préparé au combat qui lui était réservé, il se rendit, le vingt-quatre avril de l’an mil six cent vingt-deux, à l’église du lieu nommé Sévis : c’est là que des hérétiques qui, la veille, feignaient de se convertir, l’avaient invité insidieusement à prêcher. Son discours ayant été interrompu par un tumulte, Fidèle se vit accabler cruellement de coups et de blessures, et souffrit une mort glorieuse avec un cœur joyeux et magnanime, consacrant ainsi, par son propre sang, les prémices des Martyrs de la Congrégation de la Propagande. De nombreux prodiges et miracles l’ont rendu célèbre, principalement à Coire et à Veldkirch, où ses reliques se conservent et sont l’objet d’une très grande vénération de la part du peuple.

Notre divin Ressuscité tient à avoir autour de sa personne une garde d’honneur de Martyrs. Pour la former, il met à contribution tous les siècles. Ce jour a vu s’ouvrir les rangs de la céleste phalange à un généreux combattant qui avait cueilli sa palme, non en luttant contre le paganisme, comme ceux que nous avons salués déjà à leur passage, mais en défendant sa mère la sainte Église contre des fils révoltés. La main des hérétiques a immolé cette victime triomphale, et le XVIIe siècle a été le théâtre du combat.

Fidèle a rempli toute l’étendue de son nom prédestiné. Jamais un péril ne le vit reculer ; durant toute sa carrière, il n’eut en vue que la gloire et le service de son divin Chef, et quand le moment fut arrivé de marcher au-devant du danger suprême, il avança sans fierté comme sans faiblesse, ainsi qu’il convenait à l’imitateur de Jésus allant à la rencontre de ses ennemis. Honneur au courageux enfant de saint François, digne en tout de son séraphique Patriarche, qui affronta le Sarrasin et fut martyr de désir !

Le protestantisme s’établit et se maintint par le sang, et il a osé se plaindre d’avoir été en butte aux résistances armées des enfants de l’Église. Durant des siècles, il s’est baigné dans le sang de nos frères, dont le seul crime était de vouloir rester fidèles à l’antique foi, à cette foi qui avait civilisé les ancêtres de ses persécuteurs. Il proclamait la liberté en matière de religion, et il immolait des chrétiens qui pensaient dans leur simplicité qu’il devait leur être permis d’user de cette liberté tant vantée, pour croire et pour prier comme on croyait et on priait avant Luther et Calvin. Mais le catholique a tort de compter sur la tolérance des hérétiques. Un instinct fatal entraînera toujours ceux-ci à la violence contre une Église dont la permanence est pour eux un reproche continuel de l’avoir quittée. Ils chercheront d’abord à l’anéantir dans ses membres, et si la lassitude des combats à outrance amène à la fin un certain calme, la même haine s’exercera en essayant d’asservir ceux qu’elle n’ose plus immoler, en insultant et calomniant ceux qu’elle n’a pu exterminer. L’histoire de l’Europe protestante, depuis trois siècles, justifie ce que nous avançons ici ; mais nous devons appeler heureux ceux de nos frères qui, en si grand nombre, ont rendu à la foi romaine le témoignage de leur sang.

Vous avez accompli votre course avec gloire, ô Fidèle ! et la fin de votre carrière a été plus belle encore que n’avait été son cours. Avec quelle sérénité vous êtes allé au trépas ! Avec quelle joie vous avez succombe sous les coups de vos ennemis qui étaient ceux de la sainte Église ! Semblable à Étienne, vous vous êtes affaisse en priant pour eux ; car le catholique qui doit détester l’hérésie, doit aussi pardonner à l’hérétique qui l’immole. Priez, ô saint Martyr, pour les enfants de l’Église ; obtenez qu’ils connaissent mieux encore le prix de la foi, et la grâce insigne que Dieu leur a faite de naître au sein de la seule vraie Église ; qu’ils soient en garde contre les doctrines perverses qui retentissent de toutes parts à leurs oreilles ; qu’ils ne se scandalisent pas des tristes défections qui se produisent si souvent dans ce siècle de mollesse et d’orgueil. C’est la foi qui doit nous conduire à Jésus ressuscité ; il nous la recommande, quand il dit à Thomas : « Heureux ceux qui n’ont pas vu, et qui cependant ont cru ! » Nous voulons croire ainsi, et c’est pour cela que nous nous attachons à la sainte Église qui est la souveraine maîtresse de la foi. C’est à elle que nous voulons croire, et non à la raison humaine qui ne saurait atteindre jusqu’à la parole de Dieu, et moins encore la juger. Cette sainte foi, Jésus a voulu qu’elle nous arrivât appuyée sur le témoignage des martyrs, et chaque siècle a produit ses martyrs. Gloire à vous, ô Fidèle, qui avez conquis la palme en combattant les erreurs de la prétendue réforme ! Vengez-vous en martyr, et demandez sans cesse à Jésus que les sectateurs de l’erreur reviennent à la foi et à l’unité de l’Église. Ils sont nos frères dans le baptême ; priez afin qu’ils rentrent au bercail, et que nous puissions célébrer un jour tous ensemble la véritable Cène de la Pâque, dans laquelle l’Agneau divin se donne en nourriture, non d’une manière figurée, comme dans la loi ancienne, mais en réalité, comme il convient à la loi nouvelle.

 

Lire la suite

II ème Dimanche après Pâques

23 Avril 2023 , Rédigé par Ludovicus

II ème Dimanche après Pâques

Introït

La terre est remplie de la miséricorde du Seigneur, alléluia ; les cieux ont été affermis par la parole du Seigneur, alléluia, alléluia. Justes, réjouissez-vous dans le Seigneur ; c’est aux hommes droits que sied la louange.

Collecte

Dieu, qui, par l’humilité de votre Fils, avez relevé le monde abattu : accordez à vos fidèles une allégresse constante, et faites jouir des joies éternelles ceux que vous avez arrachés aux dangers d’une mort sans fin.

Épitre 1 P 2, 21-25

Mes bien-aimés, le Christ a souffert pour nous, vous laissant un exemple, afin que vous suiviez ses traces : lui qui n’a pas commis de péché, et dans la bouche duquel ne s’est pas trouvé de fraude ; lui qui, injurié, ne rendait point d’injures, et, maltraité, ne faisait point de menaces, mais se livrait à celui qui le jugeait injustement ; lui qui a porté lui-même nos péchés dans son corps sur le bois, afin qu’étant morts au péché, nous vivions à la justice ; lui par les meurtrissures duquel vous avez été guéris. Car vous étiez comme des brebis errantes ; mais vous êtes retournés maintenant au pasteur et au gardien de vos âmes.

Évangile Jn. 10, 11-16

En ce temps-là, Jésus dit aux pharisiens : Je suis le bon pasteur. Le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis. Mais le mercenaire, et celui qui n’est point pasteur, à qui les brebis n’appartiennent pas, voit venir le loup, et abandonne les brebis, et s’enfuit ; et le loup ravit et disperse les brebis. Le mercenaire s’enfuit, parce qu’il est mercenaire, et qu’il ne se met point en peine des brebis. Je suis le bon pasteur, et je connais mes brebis, et mes brebis me connaissent, comme le Père me connaît et que je connais le Père ; et je donne ma vie pour mes brebis. J’ai encore d’autres brebis, qui ne sont pas de cette bergerie ; celles-là aussi, il faut que je les amène, et elles écouteront ma voix, et il n’y aura qu’une seule bergerie et qu’un seul pasteur.

Secrète

Que cette oblation sacrée attire toujours sur nous, Seigneur, votre bénédiction salutaire ; en sorte que ce qu’elle opère en ce mystère, elle l’achève par sa vertu.

Office

4e leçon

Sermon de saint Léon, Pape.

Mes bien-aimés, les jours qui se sont écoulés entre la résurrection du Seigneur et son ascension, n’ont point passé d’un cours infructueux et inutile pour nous ; mais en ces jours, de grands sacrements ont été confirmés, de grands mystères révélés. En ces jours, la crainte d’une mort funeste nous a été enlevée, et non seulement l’immortalité de l’âme, mais aussi la résurrection de la chair nous a été manifestée. C’est en ces jours que le Saint-Esprit s’est répandu dans tous les Apôtres par l’insufflation du Seigneur, et que le bienheureux Apôtre Pierre, élevé au-dessus de tous, s’est vu confier, après les clefs du royaume, le soin du troupeau du Seigneur.

5e leçon

C’est pendant ces jours que le Seigneur se joint, comme troisième compagnon de voyage, à deux disciples qui font route ensemble, et qu’afin de dissiper toutes les ténèbres de nos doutes, il reproche à ces hommes craintifs et tremblants leur lenteur à croire. Leurs cœurs, alors, sont éclairés, la flamme de la foi s’y allume, et, de tièdes qu’ils étaient, ils deviennent pleins d’ardeur, tandis que le Seigneur leur découvre le sens des Écritures. Pendant qu’ils sont à table, leurs yeux s’ouvrent aussi, et c’est au moment de la fraction du pain. Combien plus heureusement furent alors ouverts les yeux de ces disciples, auxquels le Seigneur manifestait en sa personne la glorification de leur propre nature, que ne l’avaient été ceux de nos premiers parents, pour sentir la confusion qu’ils avaient méritée par leur désobéissance.

6e leçon

Cependant malgré ces faits et d’autres miracles, les disciples demeuraient agités de pensées de crainte, bien que le Seigneur eût apparu au milieu d’eux et qu’il leur eût dit : Paix à vous ! Pour ne pas laisser se fixer dans leur esprit le doute qui s’élevait dans leur cœur (car ils croyaient voir un esprit et non un corps), le Sauveur leur montre la fausseté de ces pensées si peu conformes à la vérité ; il met sous les yeux des disciples qui doutaient encore les marques de son crucifiement demeurées dans ses mains et dans ses pieds ; il les invite à les examiner attentivement et à les toucher. Les vestiges des blessures faites par la lance et par les clous étaient conservés pour guérir les plaies des cœurs infidèles, et pour que l’on crût, non d’une foi chancelante, mais comme l’objet d’une connaissance très certaine, que cette même nature qui avait été gisante dans le tombeau, devait s’asseoir avec le Fils de Dieu sur le trône de son Père.

7e leçon

Homélie de saint Grégoire, Pape

Vous avez entendu, mes très chers frères, dans la lecture du saint Évangile, un enseignement qui vous concerne ; vous y avez appris aussi à quelle épreuve nous sommes mis, (nous, vos pasteurs). Celui qui est bon, non par une grâce accidentelle, mais par l’essence de sa nature, vous dit : « Moi je suis le bon pasteur. » Et nous donnant le modèle de cette même bonté à imiter, il ajoute : « Le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis. » Il a fait ce qu’il a enseigné ; il nous a donné l’exemple de ce qu’il a commandé. Le bon pasteur a donné sa vie pour ses brebis, afin de convertir, dans notre sacrement, son corps et son sang, et d’en rassasier tous ceux qu’il avait rachetés.

8e leçon

La voie que nous devons suivre, au mépris de la mort, nous a été montrée ; l’exemple auquel nous devons nous conformer a été mis sous nos yeux. Notre premier devoir est d’employer charitablement nos biens extérieurs en faveur des brebis du Christ ; mais il nous faut encore, s’il est nécessaire, donner notre vie pour elles. De ce premier degré de sacrifice, qui est le moindre, on arrive jusqu’au dernier, qui est plus grand. Comme la vie l’emporte beaucoup en excellence sur les biens terrestres qui nous sont extérieurs, celui qui ne donne pas ses biens pour ses brebis, donnera-t-il jamais pour elles sa propre vie ?

9e leçon

Il en est qui, aimant davantage les biens de la terre que leurs brebis, ne méritent plus le nom de pasteurs ; de ceux-là l’Évangile ajoute aussitôt : « Mais le mercenaire, et celui qui n’est point pasteur, celui dont les brebis ne sont pas le bien propre, voyant le loup venir, laisse là les brebis et s’enfuit. » On n’appelle point pasteur, mais mercenaire, celui qui fait paître les brebis du Seigneur dans l’espoir de récompenses temporelles, et non par le motif d’un amour sincère. C’est un mercenaire qui tient la place de pasteur, mais ne cherche pas le bien des âmes, celui qui désire avec avidité les commodités de la vie présente, se complaît en l’honneur attaché à sa charge, se nourrit de gains temporels, et se réjouit des égards que les hommes ont pour lui.

Ce Dimanche est désigné sous l’appellation populaire de Dimanche du bon Pasteur, parce qu’on y lit à la Messe le passage de l’Évangile de saint Jean où notre Seigneur se donne à lui-même ce titre. Un lien mystérieux unit ce texte évangélique au temps où nous sommes ; car c’est en ces jours que le Sauveur des hommes, établissant et consolidant son Église, commença par lui donner le Pasteur qui devait la gouverner jusqu’à la consommation des siècles.

Selon le décret éternel, l’Homme-Dieu, après quelques jours encore, doit cesser d’être visible ici-bas. La terre ne le reverra plus qu’à la fin des temps, lorsqu’il viendra juger les vivants et les morts. Cependant il ne saurait abandonner cette race humaine pour laquelle il s’est offert en sacrifice sur la croix, qu’il a vengée de la mort et de l’enfer en sortant victorieux du tombeau. Il demeurera son Chef dans les deux ; mais sur la terre qu’aurons-nous pour suppléera sa présence ? Nous aurons l’Église. C’est à l’Église qu’il va laisser toute son autorité sur nous ; c’est entre les mains de l’Église qu’il va remettre le dépôt de toutes les vérités qu’il a enseignées ; c’est l’Église qu’il va établir dispensatrice de tous les moyens de salut qu’il a destinés aux hommes.

Cette Église est une vaste société dans laquelle tous les hommes sont appelés à entrer ; société composée de deux sortes de membres, les uns gouvernant et les autres gouvernés, les uns enseignant et les autres enseignés, les uns sanctifiant et les autres sanctifiés. Cette société immortelle est l’Épouse du Fils de Dieu : c’est par elle qu’il produit ses élus. Elle est leur mère unique : hors de son sein le salut ne saurait exister pour personne.

Mais comment cette société subsistera-t-elle ? Comment traversera-t-elle les siècles, et arrivera-t-elle ainsi jusqu’au dernier jour du monde ? Qui lui donnera l’unité et la cohésion ? Quel sera le lien visible entre ses membres, le signe palpable qui la désignera comme la véritable Épouse du Christ, dans le cas où d’autres sociétés prétendraient frauduleusement lui ravir ses légitimes honneurs ? Si Jésus eût dû rester au milieu de nous, nous ne courions aucun risque ; partout où il est, là est aussi la vérité et la vie ; mais « il s’en va », nous dit-il, et nous ne pouvons encore le suivre. Écoutez donc, et apprenez sur quelle base il a établi la légitimité de son unique Épouse.

Durant sa vie mortelle, étant un jour sur le territoire de Césarée de Philippe, ses Apôtres assemblés autour de lui, il les interrogea sur l’idée qu’ils avaient de sa personne. L’un d’eux, Simon, fils de Jean ou Jonas, et frère d’André, prit la parole, et lui dit : « Vous êtes le Christ, Fils du « Dieu vivant ». Jésus reçut avec bonté ce témoignage qu’aucun sentiment humain n’avait suggéré à Simon, mais qui sortait de sa conscience divinement inspirée à ce moment ; et il déclara à cet heureux Apôtre que désormais il n’était plus Simon, mais Pierre. Le Christ avait été désigné par les Prophètes sous le caractère symbolique de la pierre ; en attribuant aussi solennellement à son disciple ce titre distinctif du Messie, Jésus donnait à entendre que Simon aurait avec lui un rapport que n’auraient pas les autres Apôtres. Mais Jésus continua son discours. Il avait dit à Simon : « Tu es Pierre » ; il ajouta : « et sur cette Pierre je bâtirai mon Église ».

Pesons ces paroles du Fils de Dieu : « Je bâtirai mon Église. » Il a donc un projet : celui de bâtir une Église. Cette Église, ce n’est pas maintenant qu’il la bâtira ; cette œuvre est encore différée ; mais ce que nous savons déjà avec certitude, c’est que cette Église sera bâtie sur Pierre. Pierre en sera le fondement, et quiconque ne posera pas sur Pierre ne fera pas partie de l’Église. Écoutons encore : « Et les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre mon Église. » Dans le style des Juifs les portes signifient les puissances ; ainsi l’Église de Jésus sera indestructible, malgré tous les efforts de l’enfer. Pourquoi ? Parce que le fondement que Jésus lui aura donné sera inébranlable. Le Fils de Dieu continue : « Et je te donnerai les clefs du Royaume des cieux. » Dans le langage des Juifs, les clefs signifient le pouvoir de gouvernement, et dans les paraboles de l’Évangile le Royaume de Dieu signifie l’Église qui doit être bâtie par le Christ. En disant à Pierre, qui ne s’appellera plus Simon : « Je te donnerai les clefs du Royaume des cieux, » Jésus s’exprimait comme s’il lui eût dit : « Je te ferai le Roi de cette Église, dont tu seras en même temps le fondement. » Rien n’est plus évident ; mais ne perdons pas de vue que toutes ces magnifiques promesses regardaient l’avenir.

Or, cet avenir est devenu le présent. Nous voici arrivés aux dernières heures du séjour de Jésus ici-bas. Le moment est venu où il va remplir sa promesse, et fonder ce Royaume de Dieu, cette Église qu’il devait bâtir sur la terre. Fidèles aux ordres que leur avaient transmis les Anges, les Apôtres se sont rendus en Galilée. Le Seigneur se manifeste à eux sur le bord du lac de Tibériade, et après un repas mystérieux qu’il leur a préparé, pendant qu’ils sont tous attentifs à ses paroles, il interpelle tout à coup son disciple : « Simon, fils de Jean, lui dit-il, m’aimes-tu ? » Remarquons qu’il ne lui donne pas en ce moment le nom de Pierre ; il se replace au moment où il lui dit autrefois : « Simon, fils de Jonas, tu es Pierre ; » il veut que les disciples sentent le lien qui unit la promesse et l’accomplissement. Pierre, avec son empressement accoutumé, répondu l’interrogation de son Maître : « Oui, Seigneur ; vous savez que je vous aime. » Jésus reprend la parole avec autorité : « Pais mes agneaux, » dit-il au disciple. Puis réitérant la demande, il dit encore : « Simon fils de Jean, m’aimes-tu ? » Pierre s’étonne de l’insistance avec laquelle son Maître semble le poursuivre ; toutefois il répond avec la même simplicité : « Oui, Seigneur ; vous savez que je vous aime. » Après cette réponse, Jésus répète les mêmes paroles d’investiture : « Pais mes agneaux. »

Les disciples écoutaient ce dialogue avec respect ; ils comprenaient que Pierre était encore une fois mis à part, qu’il recevait en ce moment quelque chose qu’ils ne recevraient pas eux-mêmes. Les souvenirs de Césarée de Philippe leur revenaient à l’esprit, et ils se rappelaient les égards particuliers que leur Maître avait toujours eus pour Pierre depuis ce jour. Cependant, tout n’était pas terminé encore. Une troisième fois Jésus interpelle Pierre : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ? » A ce coup l’Apôtre n’y tient plus. Ces trois appels que fait Jésus à son amour ont réveillé en lui le triste souvenir des trois reniements qu’il eut le malheur de prononcer devant la servante de Caïphe. Il sent une allusion à son infidélité encore si récente, et c’est en demandant grâce qu’il répond cette fois avec plus de componction encore que d’assurance : « Seigneur, dit-il, tout vous est connu ; vous savez que je vous aime. » Alors le Seigneur mettant le dernier sceau à l’autorité de Pierre, prononce ces paroles imposantes : « Pais mes brebis ».

Voilà donc Pierre établi Pasteur par celui-là même qui nous a dit : « Je suis le bon Pasteur. » D’abord le Seigneur a donné à son disciple et par deux fois le soin des agneaux ; ce n’était pas encore l’établir Pasteur ; mais quand il le charge de paître aussi les brebis, le troupeau tout entier est placé sous son autorité. Que l’Église paraisse donc maintenant, qu’elle s’élève, qu’elle s’étende ; Simon fils de Jean en est proclamé le Chef visible. Est-elle un édifice, cette Église ? Il en est la Pierre fondamentale. Est-elle un Royaume ? Il en tient les Clefs, c’est-à-dire le sceptre. Est-elle une bergerie ? Il en est le Pasteur.

Oui, elle sera une bergerie, cette Église que Jésus organise en ce moment, et qui se révélera au jour de la Pentecôte. Le Verbe de Dieu est descendu du ciel « pour réunir en un les enfants de Dieu qui auparavant étaient dispersés », et le moment approche où il n’y aura plus « qu’une « seule bergerie et un seul Pasteur ». Nous vous bénissons, nous vous rendons grâces, ô notre divin Pasteur ! C’est par vous qu’elle subsiste et qu’elle traverse les siècles, recueillant et sauvant toutes les âmes qui se confient à elle, cette Église que vous fondez en ces jours. Sa légitimité, sa force, son unité, lui viennent de vous, son Pasteur tout-puissant et tout miséricordieux. Nous vous bénissons aussi et nous vous rendons grâces, ô Jésus, pour la prévoyance avec laquelle vous avez pourvu au maintien de cette légitimité, de cette force, de cette unité, en nous donnant Pierre votre vicaire, Pierre notre Pasteur en vous et par vous, Pierre à qui brebis et agneaux doivent obéissance, Pierre en qui vous demeurez visible, ô notre divin Chef, jusqu’à la consommation des siècles.

ÉPÎTRE.

C’est le Prince des Apôtres, le Pasteur visible de l’Église universelle, qui vient de nous faire entendre sa parole. Voyez comment il termine ce passage en reportant nos pensées sur le Pasteur invisible dont il est le Vicaire, et comment il évite avec modestie tout retour sur lui-même. C’est bien là ce Pierre qui, dirigeant Marc son disciple dans la rédaction de son Évangile, n’a pas voulu qu’il y racontât l’investiture que le Christ lui a donnée sur tout le troupeau, mais a exigé qu’il n’omît rien dans son récit du triple reniement chez Caïphe. Avec quelle tendresse l’Apôtre nous parle ici de son Maître, des souffrances qu’il a endurées, de sa patience, de son dévouement jusqu’à la mort à ces pauvres brebis errantes dont il devait composer sa bergerie ! Ces paroles auront un jour leur application dans Pierre lui-même. L’heure viendra où il sera attaché au bois, où il se montrera patient comme son Maître au milieu des outrages et des mauvais traitements. Jésus le lui avait prédit ; car, après lui avoir confié brebis et agneaux, il ajouta que le temps viendrait où Pierre « devenu vieux étendrait ses mains » sur la croix, et que la violence des bourreaux s’exercerait sur sa faiblesse. Et ceci arrivera non seulement à la personne de Pierre, mais à un nombre considérable de ses successeurs qui tous ne font qu’un avec lui, et que l’on verra, dans la suite des siècles, si souvent persécutés, exilés, emprisonnés, mis à mort. Suivons, nous aussi, les traces de Jésus, en souffrant de bon cœur pour la justice ; nous le devons à Celui qui, étant de toute éternité l’égal de Dieu le Père dans la gloire, a daigné descendre sur la terre pour être « le Pasteur et l’Évêque de nos âmes ».

ÉVANGILE.

Divin Pasteur de nos âmes, qu’il est grand votre amour pour vos heureuses brebis ! Vous allez jusqu’à donner votre vie pour qu’elles soient sauvées. La fureur des loups ne vous fait pas fuir ; vous vous donnez en proie, afin de détourner d’elles la dent meurtrière qui voudrait les dévorer. Vous êtes mort en notre place, parce que vous étiez notre Pasteur. Nous ne nous étonnons plus que vous ayez exigé de Pierre plus d’amour que vous n’en attendiez de ses frères : vous vouliez l’établir leur Pasteur et le nôtre. Pierre a pu répondre avec assurance qu’il vous aimait, et vous lui avez conféré votre propre titre avec la réalité de vos fonctions, afin qu’il vous suppléât quand vous auriez disparu à nos regards. Soyez béni, divin Pasteur ; car vous avez songé aux besoins de votre bergerie qui ne pouvait se conserver Une, si elle eût eu plusieurs Pasteurs sans un Pasteur suprême. Pour nous conformer à vos ordres, nous nous inclinons avec amour et soumission devant Pierre, nous baisons avec respect ses pieds sacrés ; car c’est par lui que nous nous rattachons à vous, c’est par lui que nous sommes vos brebis. Conservez-nous, ô Jésus, dans la bergerie de Pierre qui est la vôtre. Éloignez de nous le mercenaire qui voudrait usurper la place et les droits du Pasteur. Intrus dans la bergerie par une profane violence, il affecte les airs de maître ; mais il ne connaît pas les brebis, et les brebis ne le connaissent pas. Attiré, non par le zèle, mais par la cupidité et l’ambition, il fuit à l’approche du danger. Quand on n’est mû que par des intérêts terrestres, on ne sacrifie pas sa vie pour autrui ; le pasteur schismatique s’aime lui-même ; ce n’est pas vos brebis qu’il aime ; pourquoi donnerait-il sa vie pour elles ? Gardez-nous de ce mercenaire, ô Jésus ! Il nous séparerait de vous, en nous séparant de Pierre que vous avez établi votre Vicaire. Nous n’en voulons pas connaître d’autre. Anathème à quiconque voudrait nous commander en votre nom, et ne serait pas envoyé de Pierre ! Faux pasteur, il ne poserait pas sur la pierre du fondement, il n’aurait pas les clefs du Royaume des cieux ; il ne pourrait que nous perdre. Accordez-nous, ô bon Pasteur, de demeurer toujours avec vous et avec Pierre dont vous êtes le fondement, comme il est le nôtre, et nous pourrons défier toutes les tempêtes. Vous l’avez dit, Seigneur : « L’homme sage a bâti sa maison sur le rocher ; les pluies ont fondu sur elle, les fleuves se sont déchaînés, les vents ont soufflé, toutes ces forces se sont ruées sur la maison, et elle n’est pas tombée, parce qu’elle était fondée sur la Pierre ».

Lire la suite

Saints Soter et Caius papes et martyrs

22 Avril 2023 , Rédigé par Ludovicus

Collecte

Pasteur éternel de l’Église, regardez avec bienveillance votre troupeau, protégez-le et gardez-le toujours. Nous vous le demandons par les bienheureux Papes Soter et Caïus, vos Martyrs, que vous avez placé comme berger à la tête de l’Église.

Office

Quatrième leçon. Soter, né à Fondi en Campanie, décréta que les vierges consacrées ne toucheraient pas les vases sacrés ni les pales, et qu’elles n’encenseraient pas dans l’Église. Il statua aussi qu’en la Cène du Seigneur, tous les fidèles recevraient le corps du Christ, excepté ceux qui en seraient empêchés pour une faute grave. Soter siégea sur la chaire "pontificale trois ans onze mois et dix-huit jours. Il reçut la couronne du martyre sous l’empereur Marc-Aurèle, et fut enseveli dans le cimetière appelé cimetière de Calixte, après avoir, selon la coutume de ses prédécesseurs, ordonné au mois de décembre dix-huit prêtres et neuf Diacres, et sacré onze Évêques pour divers lieux.

Cinquième leçon. Caïus était dalmate, et de la famille de l’empereur Diode-tien. Il ordonna que, dans l’Église, avant d’être élevé à l’épiscopat, on passerait par divers degrés d’ordre et d’honneur : ceux de Portier, de Lecteur, d’Exorciste, d’Acolyte, de Sous-Diacre, de Diacre et de Prêtre. Fuyant la cruauté dont Dioclétien usait envers les chrétiens, il se tint caché quelque temps dans une caverne ; mais huit ans plus tard, il parvint à la couronne du martyre avec son frère Gabinus, après avoir siégé douze ans quatre mois et cinq jours, et après avoir ordonné au mois de décembre, vingt-cinq Prêtres, huit Diacres et sacré cinq Évêques. Caïus fut enseveli dans le cimetière de- Calixte, le dix des calendes de mai. Urbain Villa fait revivre sa mémoire dans Rome, et réparer son église qui tombait en ruines, honorant cette église d’un Titre et d’une Station, et l’enrichissant des reliques du saint Pape.

Deux Papes martyrs croisent aujourd’hui leurs palmes sur le Cycle. Soter souffrit pour le Christ au deuxième siècle, et Caïus au troisième ; cent années les séparent, et l’énergie de la foi, la fidélité au divin dépôt ; se retrouvent les mêmes. Quelle société humaine a jamais produit des siècles entiers de héros ? La nôtre est fondée sur ce dévouement traditionnel qui se prouve par le sang. Nos chefs n’ont pas voulu laisser aux soldats le monopole du sacrifice ; les trente premiers successeurs de Pierre ont payé de leur vie l’honneur du pontificat. Quel trône que celui de notre divin Ressuscité entouré de tous ces rois revêtus de la pourpre triomphale ! Soter fut le successeur immédiat d’Anicet, dont nous avons honoré la mémoire il y a peu de jours. Le temps nous a dérobé la connaissance de ses actions. Un trait seulement est arrivé jusqu’à nous. Eusèbe nous a conservé un fragment d’une lettre de saint Denys, évêque de Corinthe, dans laquelle il remercie notre saint pontife des largesses qu’il a envoyées aux fidèles de cette Église qui souffraient d’une famine. Une lettre apostolique accompagnait ces aumônes, et saint Denys atteste qu’on la lisait dans l’assemblée des fidèles, avec celle que saint Clément avait adressée à la môme Église au siècle précédent. La charité des pontifes romains s’est toujours unie à leur fidélité à conserver le dépôt de la foi. Quant à Caius. il fut enlevé dans la terrible tempête suscitée par Dioclétien contre l’Église, et ses gestes occupent à peine quelques lignes dans les annales de Rome chrétienne. Nous ne serons donc pas étonnés de trouver tant de concision dans le récit liturgique que l’Église consacre à ces deux Papes martyrs.

Saints Pontifes, vous êtes du nombre de ceux qui ont traversé la grande tribulation, et qui ont passé par l’eau et par le feu pour aborder au rivage de l’éternité. La pensée de Jésus vainqueur de la mort soutenait votre courage ; vous saviez que les gloires delà Résurrection ont succédé aux angoisses de la Passion. Immolés comme Jésus pour votre troupeau, vous nous avez appris par votre exemple que la vie et les intérêts de ce monde ne doivent compter pour rien, quand il s’agit de confesser la foi. Armez-nous de ce courage. Le Baptême nous a enrôlés dans la milice du Christ ; la Confirmation nous a donné l’Esprit de force : nous devons donc être prêts pour les combats. Saints Pontifes, nous ignorons si nos temps sont appelés à voir l’Église exposée à la persécution sanglante ; quoi qu’il advienne, nous avons à lutter avec nous-mêmes, avec l’esprit du monde, avec les démons ; soutenez-nous par vos prières. Vous avez été les pères de la chrétienté ; la charité pastorale qui vous anima ici-bas vit toujours dans vos cœurs. Protégez-nous, et rendez-nous fidèles à tous les devoirs qui nous lient au souverain Maître dont vous avez soutenu la cause.

Lire la suite

Saint Anselme évêque, confesseur et docteur

21 Avril 2023 , Rédigé par Ludovicus

Saint Anselme évêque, confesseur et docteur

Collecte

O Dieu qui avez fait à votre peuple la grâce d’avoir le bienheureux Anselme, pour ministre du salut éternel, faites, nous vous en prions, que nous méritions d’avoir pour intercesseur dans les cieux celui qui nous a donné sur terre la doctrine de vie.

Office

Quatrième leçon. Anselme naquit dans la ville d’Aoste, aux confins de l’Italie, de parents nobles et catholiques : son père s’appelait Gondulphe et sa mère Ermemberge. Dès ses tendres années, son application assidue à l’étude et son désir d’une vie plus parfaite firent clairement pressentir qu’il brillerait dans la suite par sa sainteté et sa science. S’il se laissa entraîner pendant quelque temps par la fougue de la jeunesse vers les séductions du monde, bientôt cependant, rappelé dans la bonne voie, il abandonna sa patrie et tous ses biens, et se rendit au monastère du Bec, de l’Ordre de saint Benoît. C’est là, qu’ayant fait sa profession religieuse sous Herluin, Abbé très zélé pour l’observance, et Lanfranc, maître très docte, il fit de tels progrès par la ferveur de son âme et par son ardeur constante pour l’étude et l’acquisition des vertus, que tous le regardèrent comme un modèle admirable de sainteté et de doctrine.

Cinquième leçon. Son abstinence et sa sobriété étaient si grandes que l’assiduité au jeûne semblait avoir détruit en lui presque tout sentiment du besoin de nourriture. Après avoir employé le jour aux exercices monastiques, à l’enseignement, et à répondre aux diverses questions qu’on lui adressait sur la religion, il dérobait la plus grande partie de la nuit au sommeil, pour donner une nouvelle vigueur à son âme par les méditations divines, auxquelles il ne se livrait jamais sans une grande abon dance de larmes. Élu prieur du monastère, il sut si bien se concilier par sa charité, son humilité et sa prudence, les frères qui lui étaient contraires, que de ces hommes, d’abord envieux, il fit ses amis et les amis de Dieu, au grand avantage de l’observance régulière. A la mort de l’Abbé, Anselme fut établi malgré lui à sa place. La réputation de sa science et de sa sainteté devint si éclatante en tous lieux, que non seulement il reçut des témoignages de vénération de la part des rois et des Évêques, mais qu’il fut honoré de l’amitié de saint Grégoire VII. Ce Pontife, éprouvé alors par de grandes persécutions, lui adressa des lettres pleines d’affection, dans lesquelles il recommandait à ses prières, et sa personne, et l’Église catholique.

Sixième leçon. Anselme, après la mort de Lanfranc, Archevêque de Cantorbéry, son ancien maître, se vit contraint par les pressantes sollicitations de Guillaume, roi d’Angleterre, et sur les instances du clergé et du peuple, à prendre en main le gouvernement de cette Église. Il s’appliqua aussitôt à réformer les mœurs relâchées de son peuple, employant d’abord à cet effet ses discours et ses exemples, et ensuite ses écrits ; il fit encore célébrer plusieurs conciles, et rétablit dans son diocèse la piété et la discipline ecclésiastique. Mais bientôt le même roi Guillaume, ayant tenté par la violence et les menaces d’usurper les droits de l’Église, Anselme lui résista avec une constance vraiment sacerdotale, et eut à souffrir la perte de ses biens et même l’exil, et se rendit à Rome auprès d’Urbain II. Ce Pape le reçut avec honneur, et le combla de louanges lorsque, au concile de Bari, Anselme soutint contre l’erreur des Grecs, par d’innombrables témoignages des Écritures et des saints Pères, que le Saint-Esprit procède aussi du Fils. Le roi Guillaume ayant quitté cette vie, le roi Henri, son frère, rappela Anselme en Angleterre, où le Saint s’endormit dans le Seigneur. Célèbre par ses miracles et sa sainteté, (dont le trait distinctif était une insigne dévotion pour la passion de notre Seigneur et envers la bienheureuse Vierge, sa Mère), célèbre aussi par sa doctrine très utile à la défense de la religion chrétienne, à ’avancement des âmes et à tous les théologiens qui ont traité de la science sacrée selon la méthode scolastique, Anselme paraît avoir puisé au ciel l’inspiration de tous ses ouvrages.

Moine, Évêque et Docteur, Anselme réunit en sa personne ces trois grands apanages du chrétien privilégie ; et si l’auréole du martyre n’est pas venue apporter le dernier lustre à ce noble faisceau de tant de gloires, on peut dire que la palme a manqué à Anselme, mais qu’il n’a pas manqué à la palme. Son nom rappelle la mansuétude de l’homme du cloître unie à la fermeté épiscopale, la science jointe à la piété ; nulle mémoire n’a été à la fois plus douce et plus éclatante.

Le Piémont le donna à la France et à l’Ordre de saint Benoît. Anselme, dans l’abbaye du Bec, réalisa pleinement le type de l’Abbé tel que l’a tracé le Patriarche des moines d’Occident : « Plus servir que commander. » Il fut de la part de ses frères l’objet d’une affection sans égale, et dont l’expression est arrivée jusqu’à nous. Sa vie leur appartenait tout entière, soit qu’il s’appliquât à les conduire à Dieu, soit qu’il prît plaisir à les initier aux sublimes spéculations de son intelligence. Un jour il leur fut enlevé malgré tous ses efforts, et contraint de s’asseoir sur la chaire archiépiscopale de Cantorbéry. Successeur en ce siège des Augustin, des Dunstan, des Elphège, des Lanfranc, il fut digne de porter le pallium après eux, et par ses nobles exemples, il ouvrit la voie à l’illustre martyr Thomas qui lui succéda de si près.

Sa vie pastorale fut tout entière aux luttes pour la liberté de l’Église. En lui l’agneau revêtit la vigueur du lion. « Le Christ, disait-il, ne veut pas d’une esclave pour épouse ; il n’aime rien tant en ce monde que la liberté de son Église. » Le temps n’est plus où ce Fils de Dieu consentait à être enchaîné par d’indignes liens, afin de nous affranchir de nos péchés ; il est ressuscite glorieux, et il veut que son épouse soit libre comme lui. Dans tous les siècles, elle a à combattre pour cette liberté sacrée, sans laquelle elle ne pourrait remplir ici-bas le ministère de salut que son Époux divin lui a confié. Jaloux de son influence, les princes de la terre, qui n’ignorent pas qu’elle est reine, se sont ingéniés à lui créer mille entraves. De nos jours, un grand nombre de ses enfants ont perdu jusqu’à la notion des franchises auxquelles elles a droit : sans aucun souci de sa royauté, ils ne lui désirent d’autre liberté que celle qu’elle partagera avec les sectes qu’elle condamne ; ils ne peuvent comprendre que, dans de telles conditions, l’Église que le Christ a faite pour régner, est en esclavage. Ce n’est pas ainsi qu’Anselme l’entendait ; et tout enfant de l’Église doit avoir de telles utopies en horreur. Les grands mots de progrès et de société moderne ne sauraient le séduire ; il sait que l’Église n’a pas d’égale ici-bas ; et s’il voit le monde en proie aux plus terribles convulsions, incapable de s’asseoir désormais sur un fondement stable, tout s’explique pour lui par cette raison que l’Église n’est plus reine. Le droit de notre Mère n’est pas seulement d’être reconnue pour ce qu’elle est dans le secret de la pensée de chacun de ses fidèles ; il lui faut l’appui extérieur. Jésus lui a promis les nations en héritage ; elle les a possédées selon cette divine promesse ; mais aujourd’hui, s’il advient qu’un peuple la mette hors la loi, en lui offrant une égale protection avec toutes les sectes qu’elle a expulsées de son sein, mille acclamations se font entendre à la louange de ce prétendu progrès, et des voix connues et aimées, se mêlent à ces clameurs.

De telles épreuves furent épargnées à Anselme. La brutalité des rois normands était moins à redouter que ces systèmes perfides qui sapent par la base jusqu’à l’idée même de l’Église, et font regretter la persécution ouverte. Le torrent renverse tout sur son passage ; mais tout renaît aussi lorsque sa source est tarie. Il en est autrement quand les eaux débordées envahissent la terre en l’entraînant après elles. Tenons-le pour sûr : le jour où l’Église, la céleste colombe, n’aura plus ici-bas où poser son pied avec honneur, le ciel s’ouvrira, et elle prendra son vol pour sa patrie céleste, laissant le monde à la veille de voir descendre le juge du dernier jour.

Anselme docteur n’est pas moins admirable qu’Anselme pontife. Sa haute et tranquille intelligence se plut dans la contemplation des vérités divines ; elle en chercha les rapports et l’harmonie, et le produit de ces nobles labeurs occupe un rang supérieur dans le dépôt où se conservent les richesses de la théologie catholique. Dieu avait départi à Anselme le génie. Ses combats, sa vie agitée, ne purent le distraire de ses saintes et dures études, et, sur le chemin de ses exils, il allait méditant sur Dieu et ses mystères, étendant pour lui-même et pour la postérité le champ déjà si vaste des investigations respectueuses de la raison dans les domaines de la foi.

O Anselme, Pontife aimé de Dieu et des hommes, la sainte Église, que vous avez servie ici-bas avec tant de zèle, vous rend aujourd’hui ses hommages comme à l’un de ses prélats les plus révérés. Imitateur de la bonté du divin Pasteur, nul ne vous surpassa en douceur, en condescendance, en charité. Vous connaissiez vos brebis, et vos brebis vous connaissaient ; veillant jour et nuit à leur garde, vous ne fûtes jamais surpris par l’arrivée du loup. Loin de fuir à son approche, vous allâtes au-devant, et aucune violence n’eut le pouvoir de vous faire reculer. Héroïque champion de la liberté de l’Église, protégez-la en nos temps, où elle est presque partout foulée et comme anéantie. Suscitez en tous lieux des Pasteurs émules de votre sainte indépendance, afin que le courage se ranime dans le cœur des brebis, et que tout chrétien se fasse honneur de confesser qu’il est avant tout membre de l’Église, qu’a ses veux les intérêts de cette Mère des âmes sont supérieurs à ceux de toute société terrestre.

Le Verbe divin vous avait doué, ô Anselme, de cette philosophie toute chrétienne qui s’abaisse devant les vérités de la foi, et, purifiée par l’humilité, s’élève aux vues les plus sublimes. Éclairée de vos lumières si pures, la sainte Église, dans sa reconnaissance, vous a décerné le titre de Docteur, réservé si longtemps à ces savants hommes qui vécurent aux premiers âges du christianisme, et conservent dans leurs écrits comme un reflet de la prédication des Apôtres. Votre doctrine a été jugée digne d’être réunie à celle des anciens Pères ; car elle procède du même Esprit ; elle est fille de la prière, plus encore que de la pensée. Obtenez, ô saint Docteur, que sur vos traces, notre foi cherche aussi l’intelligence. Beaucoup aujourd’hui blasphèment ce qu’ils ignorent, et beaucoup aussi ignorent ce qu’ils croient. De là une confusion désolante, des compromis périlleux entre la vérité et l’erreur, la seule vraie doctrine méconnue, abandonnée et demeurant sans défense. Demandez pour nous, ô Anselme, des docteurs qui sachent éclairer les sentiers de la vérité et dissiper les nuages de l’erreur, afin que les enfants de l’Église ne restent plus exposés à la séduction.

Jetez un regard, ô saint Pontife, sur la famille religieuse qui vous accueillit dans ses rangs, au sortir des vanités du siècle, et daignez étendre sur elle votre protection. C’est dans son sein que vous avez puisé la vie de l’âme et la lumière de l’intelligence. Fils du grand Benoît, ayez souvenir de vos hères. Bénissez-les en France, où vous avez embrassé la règle monastique ; bénissez-les en Angleterre, où vous avez été Primat entre les pontifes sans cesser d’être moine. Priez, ô Anselme, pour les deux nations qui vous ont adopté tour à tour. Chez l’une, la foi s’est tristement affaiblie ; chez l’autre, l’hérésie règne en souveraine. Sollicitez pour toutes les deux les miséricordes du Seigneur. Il est puissant, et ne ferme pas son oreille aux supplications de ses saints. S’il a résolu dans sa justice de ne pas rendre à ces deux nations leur antique constitution chrétienne, obtenez du moins que beaucoup d’âmes se sauvent, que de nombreux retours consolent la Mère commune, que les derniers ouvriers de la vigne rivalisent de zèle avec les premiers, en attendant le jour où le Maître descendra pour rendre à chacun selon ses œuvres.

Lire la suite

Super I Cor.

20 Avril 2023 , Rédigé par Ludovicus

Super I Cor.

Prooemium

Super I Cor., pr. Non abscondam a vobis sacramenta Dei, etc., Sg. VI, 24. Sacramenti nomen dupliciter accipi consuevit. Nam quandoque sacramentum dicitur quodcumque secretum, et praecipue de rebus sacris; quandoque sacramentum dicitur sacrae rei signum, ita quod et eius imaginem gerat, et causa existat, secundum quod nos dicimus septem sacramenta Ecclesiae, scilicet Baptismus, confirmatio, Eucharistia, poenitentia, extrema unctio, ordo et matrimonium. In qua quidem significatione sacramenti etiam prima significatio continetur; nam in his Ecclesiae sacramentis, divina virtus secretius operatur salutem, ut Augustinus dicit. Haec igitur sacramenta Dei praelatus, seu doctor Ecclesiae, fidelibus Christi non debet abscondere sed manifestare, propter tria. Primo quidem, quia hoc pertinet ad honorem Dei, secundum illud Tb. XII, 7: sacramentum regis abscondere bonum est, opera autem Dei revelare et confiteri honorificum est. Secundo, quia hoc pertinet ad salutem hominum, qui per horum ignorantiam in desperationem labi possent, sicut de quibusdam dicitur Sg. II, 22 quod nescierunt sacramenta Dei, nec speraverunt mercedem iustitiae, quia per sacramenta homines purificantur, ut sint praeparati ad recipiendum mercedem iustitiae. Tertio quia hoc pertinet ad debitum officium praelati vel doctoris, secundum illud Ep. III, 8: mihi omnium sanctorum minimo data est gratia haec, illuminare omnes quae sit dispensatio sacramenti absconditi a saeculis in Deo. Sic ergo praedicta verba demonstrant nobis materiam huius epistolae, in qua apostolus agit de sacramentis Ecclesiae. Cum enim in epistola ad Romanos gratiam Dei commendasset, quae in sacramentis Ecclesiae operatur: hic, scilicet in prima epistola ad Corinthios, de ipsis Ecclesiae sacramentis agit; in secunda vero de ministris sacramentorum. Videamus ergo primo textum.

 

Caput 1

Lectio 1

Super I Cor., cap. 1 l. 1 Dividitur ergo haec epistola in partes duas. In prima parte ponit epistolarem salutationem; in secunda prosequitur suam intentionem, ibi gratias ago Deo meo. Circa primum tria facit. Primo ponit personas salutantes; secundo, personas salutatas Ecclesiae Dei, etc.; tertio bona salutifera optat, ibi gratia vobis et pax. Circa primum duo facit. Primo ponit personam principalem quam describit ex nomine, dicens Paulus, de quo quidem nomine satis dictum est in epistola ad Romanos. Hic autem sufficiat dicere quod hoc nomen praemittit in signum humilitatis; nam Paulus idem est quod modicus, quod ad humilitatem pertinet. I R. XV, 17: cum esses parvulus in oculis tuis, caput in tribubus Israel factus es. Mt. XI, 25: abscondisti haec a sapientibus et prudentibus, et revelasti ea parvulis. Consequenter describit eam a dignitate. Et primo ponit modum adipiscendae dignitatis, cum dicit vocatus, secundum illud He. V, 4: nemo sumit sibi honorem, sed qui vocatur a Deo tamquam Aaron. Secundo ponit ipsam dignitatem, dicens apostolus Iesu Christi, quae quidem est prima dignitas in Ecclesia, et interpretatur missus, quia fuerunt missi a Deo, ut vice eius fungerentur in terris. Unde dicitur Lc. VI, 13, quod elegit duodecim, quos et apostolos nominavit, et infra XII, 28: Deus posuit in Ecclesia quosdam, primum quidem apostolos, et cetera. Tertio ponit originem sive causam huius dignitatis, cum dicit per voluntatem Dei. Quod est intelligendum de voluntate beneplaciti, ex qua perficiuntur illi qui multipliciter praesunt Ecclesiis. Eccli. X, 4: in manibus Dei potestas terrae, et utilem rectorem in tempore suscitabit super illam. Et de praedicta voluntate sub figura nobis dicitur, Jb XXXVII, 12, quod lustrant cuncta per circuitum quocumque voluntas gubernantis perduxerit. Dimittit autem Deus aliquos praefici propter subditorum peccata, secundum illud Jb XXXIV, 30: regnare facit hominem hypocritam propter peccata populi. Talis autem rector non dicitur esse secundum voluntatem Dei, sed secundum eius indignationem, secundum illud Os. XIII, 11: dabo tibi regem in furore meo, et auferam in indignatione mea. Secundo ponit personam adiunctam, cum dicit et Sosthenes frater, quem sibi salutando adiungit, quia ad apostolum detulerat contentiones et alios Corinthiorum defectus, ne hoc videretur ex odio fecisse; et ideo nominat eum fratrem, ut ostendat quod ex zelo charitatis hoc fecerat. Pr. IX, 8: argue sapientem, et diliget te. Deinde ponit personas salutatas, cum dicit Ecclesiae Dei quae est Corinthi. Et, primo, ponit principales personas, quas describit tripliciter. Primo quidem ex loco, cum dicit Ecclesiae Dei quae est Corinthi, id est, fidelibus Christi Corinthi congregatis. Ps. XXXIV, 18: confitebor tibi in Ecclesia magna. Secundo ex munere gratiae, cum dicit sanctificatis in Christo Iesu, id est, in fide, passione et sacramento Christi Iesu. Infra VI, 11: sed abluti estis, sed sanctificati estis. He. ult.: Iesus ut sanctificaret per suum sanguinem populum, extra portam passus est. Tertio ponit originem gratiae, cum dicit vocatis sanctis; quia scilicet ad sanctitatem per gratiam vocationis pervenerunt. Rm. VIII, 30: quos praedestinavit, hos et vocavit. I P. II, 9: de tenebris vos vocavit in admirabile lumen suum. Secundo ponit personas secundarias, fideles scilicet, quae non erant in ipsa civitate sed habitabant in dioecesi civitatis vel districtu. Unde subdit vobis, inquam, qui estis Corinthi scribo, cum omnibus qui invocant nomen domini nostri Iesu Christi, scilicet per veram fidei confessionem. Jl. II, 32: omnis qui invocaverit nomen Domini salvus erit. Et hoc in omni loco ipsorum, id est eorum iurisdictioni subiecto, et nostro, quia per hoc quod subiiciebantur episcopo civitatis, non eximebantur a potestate apostoli, quinimo magis erant ipsi apostolo subiecti, quam his quibus ipse eos subiecerat. Ps. CII, 22: in omni loco dominationis eius, benedic, anima mea, Domino. Ultimo autem in salutatione ponit bona salutifera quae eis optat, quorum primum est gratia, per quam iustificamur a peccatis, Rm. III, 24: iustificati gratis per gratiam ipsius; ultimum autem est pax, quae perficitur in felicitate aeterna. Ps. CXLVII, 14: qui posuit fines tuos pacem. Is. XXXII, 18: sedebit populus meus in pulchritudine pacis. Per haec autem duo, omnia alia includit. Unde dicit gratia et pax. Causam eorum ostendit, subdens a Deo patre nostro, secundum illud Jc. I, 17: omne datum optimum et omne donum perfectum desursum est, descendens a Patre luminum. Addit autem et Domino Iesu Christo, per quem, ut dicitur II P. I, 4, maxima et pretiosa promissa donavit nobis Deus. Jn. I, 17: gratia et veritas per Iesum Christum facta est. Quod autem dicit a Deo Patre nostro. Potest intelligi de tota Trinitate, a qua creati sumus et in filios adoptati. Additur autem et Domino Iesu Christo, non quia sit persona alia vel hypostasis praeter tres personas, sed propter aliam naturam. Vel quod dicitur Deo Patre nostro, per quamdam appropriationem accipitur pro persona Patris, sicut Jn. XX, 17: ascendo ad Patrem meum, Deum meum et Deum vestrum. In hoc autem quod subdit et Domino Iesu Christo, manifestatur persona Filii. Tacetur autem de Spiritu Sancto, quia est nexus Patris et Filii, et intellectus ex ambobus, vel quia est donum utriusque, intelligitur in donis, de quibus dicit gratia et pax, quae per Spiritum Sanctum dantur. Infra XII, 11: haec omnia operatur unus atque idem Spiritus. Deinde cum dicit gratias ago Deo meo, incipit epistolarem tractatum. Et primo gratias agit de bonis eorum, ut correctionem suorum defectuum tolerabilius ferant; secundo ponit eorum instructionem, ibi obsecro vos autem, fratres. Circa primum duo facit. Primo gratias agit de bonis quae iam acceperant; secundo de bonis quae in futurum expectabant, ibi expectantibus revelationem. Circa primum duo facit. Primo ponit gratiarum actionem, cum dicit gratias ago Deo meo, qui scilicet etsi sit Deus omnium per creationem et gubernationem, tamen est eius et cuiuslibet iusti per fidem et devotionem. Ps. CXVII, 28: Deus meus es tu, et confitebor tibi. Ostendit etiam quando gratias agit, cum dicit semper, quia haec gratiarum actio ex charitatis affectu procedit, qui in eius corde assiduus erat. Pr. XVII, 17: omni tempore diligit qui amicus est. Et quamvis omni tempore eos diligeret, et pro eorum bonis gratias ageret actualiter, tamen etiam pro eis gratias agebat omnibus horis quas habebat orationi deputatas. Ostendit etiam pro quibus gratias agit, cum dicit pro vobis, de quorum scilicet bonis propter charitatis unionem gaudebat, sicut de suis. III Jn V. 4: maiorem horum non habeo gratiam, quam ut audiam filios meos in veritate ambulare. Secundo ostendit materiam gratiarum actionis, et primo in generali, cum dicit in gratia Dei, id est, per gratiam Dei, quae data est vobis in Christo Iesu, id est per Christum Iesum. Jn. I, 16: de plenitudine eius omnes nos accepimus gratiam pro gratia. Secundo in speciali, ubi primo ostendit gratiae abundantiam cum dicit quia in omnibus, scilicet quae pertinent ad salutem, divites, id est abundantes, facti estis in illo, id est per Christum, secundum illud II Cor. VIII, 9: propter vos egenus factus est, ut illius inopia divites essetis. Et exponit in quibus sint divites facti, cum dicit in omni verbo, vel quia omnibus generibus linguarum loquebantur, vel quia in verbo doctrinae abundabant. Verbum autem non proferretur ordinate, nisi ex scientia procederet, et ideo subdit in omni scientia, id est, intelligentia omnium Scripturarum, et universaliter omnium quae pertinent ad salutem. Sg. X, 10: dedit illi scientiam sanctorum. Hoc autem quod dicit apostolus referendum est ad eos qui erant in Ecclesia perfectiores, in quibus etiam alii minores has divitias possidebant, sicut Augustinus dicit super Ioannem: si amas unitatem cui haeres, habes quicquid in illa alter habet: tolle invidiam, et tuum est quod alius habet; quos enim cupiditas et invidia separat, charitas iungit. Secundo ostendit rectitudinem, dicens sicut testimonium Christi confirmatum est in vobis; non esset rectum verbum doctrinae, neque recta scientia, si a testimonio Christi discordaret, vel si etiam Christi testimonium non firmiter per fidem cordibus inhaereret; quia, ut dicitur Jc. I, 6: qui haesitat similis est fluctui maris, qui a vento movetur et circumfertur. Testimonium autem Christi dicit, vel quia de ipso prophetae praenuntiaverunt, secundum illud Ac. X, 43: huic omnes prophetae testimonium perhibent; vel quia ipse Christus testimonium perhibuit, secundum illud Jn. VIII, 14: si ego testimonium perhibeo de meipso, verum est testimonium meum; vel etiam quia apostolus in sua praedicatione Christo testimonium dedit. Ac. XXII, 18: non recipient testimonium tuum de me. Tertio tangit gratiae perfectionem, cum dicit ita ut nihil vobis desit in ulla gratia, quia scilicet in diversis personis omnes gratias gratis datas habebant. Ad divinam enim providentiam pertinet, ut absque defectu necessaria largiatur. Ps. XXXIII, 10: nihil deest timentibus eum; et iterum: inquirentes autem dominum non minuentur omni bono. Deinde ponit bona in futurum expectanda. Et circa hoc tria facit. Primo ponit futuri boni expectationem, dicens vobis, inquam, non solum habentibus gratiam in praesenti, sed etiam expectantibus, in futurum, revelationem domini nostri Iesu Christi, qua scilicet sanctis suis revelabitur, non solum per gloriam humanitatis, secundum illud Is. XXXIII, 17: regem in decore suo videbunt, sed etiam per gloriam divinitatis, secundum illud Is. XL, 5: revelabitur gloria Domini; quae quidem revelatio homines beatos facit. I Jn. III, 2: cum autem apparuerit, similes ei erimus: et videbimus eum sicuti est. Et in hoc vita aeterna consistit, secundum illud Jn. XVII, 3: haec est vita aeterna, ut cognoscant te solum verum Deum, et quem misisti Iesum Christum. Sicut autem illi quibus Christus revelatur, sunt beati in re, ita illi qui hoc expectant, sunt beati in spe. Is. XXX, 18: beati omnes qui expectant eum. Et ideo de ipsa expectatione gratias agit. Secundo ostendit quod haec expectatio non est vana ex auxilio divinae gratiae. Unde subdit: qui, scilicet Christus, qui spem dedit vobis huiusmodi revelationis, etiam confirmabit vos in gratia accepta. I P. ult.: modicum passos ipse perficiet, confirmabit solidabitque. Et hoc usque in finem, scilicet vitae vestrae. Mt. X, 22: qui perseveraverit usque in finem, hic salvus erit. Non autem ut sitis sine peccato: quia, si dixerimus quoniam peccatum non habemus, ipsi nosmetipsos seducimus, et veritas in nobis non est, ut dicitur I Jn. I, 8, sed ut sitis sine crimine, id est, sine peccato mortali. I Tm. III, 10: ministrent nullum crimen habentes. Et hoc, inquam, erit in die adventus domini nostri Iesu Christi, quia scilicet qui sine crimine invenitur in die mortis, sine crimine perveniet ad diem iudicii, secundum illud Eccle. XI, 3: si ceciderit lignum ad Austrum, sive ad Aquilonem, in quocumque loco ceciderit, ibi erit. Nisi autem sine crimine nunc inveniatur, frustra illam revelationem expectaret. Tertio rationem suae promissionis assignat, dicens quod Deus vos confirmabit, quod debetis sperare, quia Deus est fidelis Dt. XXXII, 4: Deus fidelis et absque ulla iniquitate, per quem vocati estis in societatem filii eius Iesu Christi Domini nostri, ut scilicet habeatis societatem ad Christum, et in praesenti per similitudinem gratiae, secundum illud I Jn. I, 7: si in luce ambulamus, sicut et ipse in luce est, societatem habemus cum eo ad invicem, et in futuro per participationem gloriae, Rm. VIII, 17: si compatimur, ut et simul glorificemur. Non autem videretur esse fidelis Deus, si nos vocaret ad societatem filii et nobis denegaret, quantum in ipso est, ea, per quae pervenire ad eum possemus. Unde Jos I, 5 dicit: non te deseram, neque derelinquam.

Lectio 2

Super I Cor., cap. 1 l. 2 Praemissa salutatione et gratiarum actione, hic incipit eos instruere. Et primo ponitur instructio de his quae ad omnes communiter pertinent, scilicet de his quae pertinent ad ecclesiastica sacramenta. Secundo instruit eos de his quae ad quosdam pertinebant, XVI cap. de collectis autem quae fiunt in sanctos, et cetera. In sacramentis autem tria sunt consideranda. Primo quidem ipsum sacramentum, sicut Baptismus; secundo id quod est res significata et contenta, scilicet gratia; tertio id quod est res significata et non contenta, scilicet gloria resurrectionis. Primo ergo agit de ipsis sacramentis; secundo de ipsis gratiis, XII cap. de spiritualibus autem nolo vos, etc., tertio, de gloria resurrectionis, infra XV notum autem vobis facio. Circa primum tria facit. Primo determinat ea quae pertinent ad sacramentum Baptismi; secundo ea quae pertinent ad sacramentum matrimonii, V cap., ibi omnino auditur inter vos, etc.; tertio ea quae pertinent ad sacramentum Eucharistiae, VIII cap., ibi de his autem quae idolis sacrificantur. Dominus autem, Mt. ult., discipulis praeceptum dedit de doctrina simul et Baptismo, dicens euntes docete omnes gentes, baptizantes, et cetera. Et ideo apostolus in prima parte simul cum Baptismo agit de doctrina. Est autem sciendum quod inter Corinthios fideles erat quaedam dissensio propter baptistas et doctores; illi enim qui erant instructi contemnebant alios, quasi qui meliorem doctrinam acceperint, et meliorem Baptismum. Unde circa primum duo facit. Primo removet contentionem; secundo contentionis causam quae erat in hoc, quod gloriabantur de quibusdam, et alios Christi ministros contemnebant, infra III capite et ego, fratres, non potui vobis loqui. Circa primum tria facit. Primo proponit admonitionem; secundo admonitionis necessitatem ostendit, ibi significatum est enim mihi, etc.; tertio rationem admonitionis assignat, ibi divisus est Christus? et cetera. Circa primum duo consideranda sunt. Primum quidem quod eos inducit ad admonitionem servandam. Uno modo per propriam humilitatem, cum dicit obsecro autem vos, et cetera. Pr. XVIII, 23: cum obsecrationibus loquitur pauper. Alio modo per fraternam charitatem, cum dicit fratres, quia scilicet ex affectu fraternae charitatis hoc dicebat. Pr. XVIII, 19: frater qui iuvatur a fratre, quasi civitas firma. Tertio per reverentiam Christi, cum dicit per nomen Domini nostri Iesu Christi, quod est ab omnibus honorandum, et cui oportet omnes esse subiectos. Ph. II, 10: in nomine Iesu omne genu flectatur. Secundo considerandum est quod inducit eos ad tria. Primo quidem ad concordiam, cum dicit ut idipsum dicatis omnes, id est, omnes eamdem fidem confiteamini, et eamdem sententiam proferatis de his quae sunt communiter agenda. Rm. XV, 6: ut unanimes uno ore honorificetis Deum. Secundo prohibet vitium contrarium virtuti, cum dicit et non sint in vobis schismata, quia unitas ecclesiastica dividi non debet, in cuius signum milites de tunica inconsutili, Jn. XIX, 24 dixerunt: non scindamus eam, sed sortiamur de ea cuius sit. Sunt autem proprie schismata, quando, vel propter diversam fidei confessionem, vel propter diversas sententias de agendis, homines unius collegii in diversas separantur partes. Is. XXII, 9: scissuras civitatis David videbitis, quia multiplicatae sunt. Tertio inducit eos ad id per quod possunt schismata vitare, scilicet ad perfectionem. Est enim divisionis causa, dum unusquisque partiale bonum quaerit, praetermisso perfecto bono, quod est bonum totius. Et ideo dicit sitis autem perfecti in eodem sensu, scilicet quo iudicatur de agendis, et in eadem scientia, qua iudicatur de cognoscendis, quasi dicat: per haec perfecti esse poteritis, si in unitate persistatis. Col. III, 14: super omnia charitatem habete, quod est vinculum perfectionis. Mt. V, 48: estote perfecti sicut Pater vester caelestis perfectus est. Deinde, cum dicit significatum est mihi, ostendit necessitatem praedictae admonitionis, quia scilicet contentionis vitio laborabant, quasi dicat: ideo necesse est vos ad hoc inducere, quia significatum est mihi, fratres mei, ab his qui sunt Cloes, id est, in quadam villa Corinthiorum iurisdictioni subiecta, vel Cloes potest esse nomen matronae, in cuius domo erant multi fideles congregati, quia contentiones sunt inter vos, contra id quod dicitur Pr. XX, 3: honor est homini qui separat se a contentionibus. Et modum contentionis exponit, subdens hoc autem dico, id est, contentionem nomino, quod unusquisque vestrum nominat se ab eo a quo est baptizatus et instructus, et dicit: ego quidem sum Pauli, quia erat a Paulo baptizatus et instructus; alius ego autem Apollo, qui scilicet Corinthiis praedicaverat, ut habetur Ac. XIX, 1; alius ego vero Cephae, scilicet Petri, cui dictum est JN. I, 42: tu vocaberis Cephas, quod interpretatur Petrus. Quod quidem ideo dicebant, quod putabant a meliori baptista meliorem Baptismum dari, quasi virtus baptistae in baptizatis operaretur. Et de hoc pseudoapostoli gloriabantur, secundum illud Ps. XLVIII, 12: vocaverunt nomina sua in terris suis. Alius autem dicit ego autem sum Christi, qui solus benedixit, quia solius Christi virtus operatur in Baptismo Christi. Jn. I, 33: super quem videris spiritum descendere et manere, ipse est qui baptizat. Et ideo baptizati a solo Christo denominantur Christiani, non autem a Paulo Paulini. Is. IV, 1: tantummodo invocetur nomen tuum super nos. Ad huius autem erroris vitationem, dicuntur Graeci hac forma in baptizando uti baptizetur servus Christi Nicolaus in nomine Patris, et Filii, et Spiritus Sancti, ut detur intelligi quod homo non baptizat interius, sed baptizatur a Christo. Quia tamen etiam homo baptizat ministerio, ut membrum et minister Christi, ideo Ecclesia utitur hac forma in baptizando ego te baptizo in nomine Patris, et Filii, et Spiritus Sancti, quod quidem est expressius secundum formam a Christo traditam, qui dixit discipulis: docete omnes gentes, baptizantes eos in nomine Patris, et Filii, et Spiritus Sancti, etc., ubi ipsos apostolos dicit baptizantes, secundum quem modum sacramenti minister dicit: ego te baptizo. Deinde cum dicit divisus est Christus? etc., ponit rationem praedictae admonitionis, quare inter eos scissurae et contentiones esse non debebant, et primo ex parte Baptismi; secundo ex parte doctrinae, ibi non in sapientia verbi, et cetera. Circa primum tria facit. Primo ponit inconveniens quod ex praedicta contentione sequitur; secundo manifestat quare illud inconveniens sequatur, ibi numquid Paulus crucifixus est, etc.; tertio excludit quamdam falsam suspicionem, ibi gratias ago Deo meo, et cetera. Dicit ergo primo: dixi quod unusquisque vestrum dicit ego sum Pauli, ego Apollo, et ex hoc sequitur quod Christus est divisus. Nec refert utrum interrogative vel remissive legatur. Hoc autem potest intelligi, uno modo, quasi diceret: per hoc quod inter vos contenditur, Christus est divisus a vobis, qui non nisi in pace habitat, secundum illud Ps. LXXV, 3: in pace factus est locus eius. Is. LIX, 2: iniquitates vestrae diviserunt inter vos et Deum vestrum. Sed melius aliter hoc potest intelligi, ut sit sensus: per hoc quod creditis Baptismum esse meliorem, qui a meliori baptista datur, sequitur quod Christus, qui principaliter et interius baptizat, sit divisus, id est, differens in sua virtute et effectu, secundum differentiam ministrorum: quod patet esse falsum per id quod dicitur Ep. IV, 5: unus Dominus, una fides, unum Baptisma. Sed adhuc melius hoc intelligitur quod apostolus dicit: ex hoc quod ea quae sunt propria Christi aliis attribuitis, quodammodo Christum dividitis, plures christos facientes, contra id quod dicitur Mt. XXIII, 10: magister vester unus est Christus. Is. XLV, 22: convertimini ad me, et salvi eritis, omnes fines terrae, quia ego Dominus, et non est alius. Est autem sciendum quod Christus in sacramento Baptismi duplicem habet virtutem sibi propriam. Unam quidem divinam, qua simul cum Patre et Spiritu Sancto interius mundat a peccato, et hoc nulli creaturae potuit communicari. Alia autem est propria virtus secundum humanam naturam, quae est potestas excellentiae in sacramentis, et consistit in quatuor. Quorum unum est, quod ipse sacramenta instituit; secundum est quod potuit effectum sacramentorum sine sacramento conferre; tertium est quod meritum passionis eius operatur in Baptismo et aliis sacramentis; quartum est quod ad invocationem nominis eius sacramenta conferuntur. Hanc autem potestatem excellentiae, et maxime quantum ad ultimum, conferre potuit ministris Baptismi, ut scilicet eorum nominibus consecraretur Baptismus, sed noluit, ne schisma ex hoc in Ecclesia fieret, dum tot reputarentur Baptismi, quot essent baptistae. Et hoc est quod, secundum expositionem Augustini, Ioannes Baptista de Christo nescisse fatetur, utrum scilicet hanc potestatem sibi retineret. Deinde, cum dicit numquid Paulus, etc., ostendit praedictum inconveniens sequi ex eorum errore quod diversum Baptisma esse aestimabant secundum differentiam baptistarum; hoc enim esset, si a baptistis Baptismus efficaciam haberet, quod quidem solius est Christi. Hoc autem ostendit dupliciter. Primo quidem ex parte passionis Christi, in cuius virtute Baptismus operatur, secundum illud Rm. VI, 3: quicumque baptizati sumus in Christo Iesu, in morte ipsius baptizati sumus. Et ideo dicit numquid Paulus crucifixus est pro vobis? Quasi dicat: numquid passio Pauli causa est nostrae salutis, ut secundum ipsum Baptismus habeat virtutem salvandi? Quasi dicat: non. Hoc enim proprium est Christo, ut sua passione et morte nostram salutem operatus fuerit. Jn. XI, 50: expedit ut unus homo moriatur pro populo, et non tota gens pereat. II Cor. V, 14: unus pro omnibus mortuus est. Sed contra videtur esse quod apostolus dicit Col. I, 24: gaudeo in passionibus meis pro vobis, et adimpleo ea quae desunt passionum Christi in carne mea pro corpore eius, quod est Ecclesia. Sed dicendum quod passio Christi fuit nobis salutifera non solum per modum exempli, secundum illud I P. II, 21: Christus passus est pro nobis, vobis relinquens exemplum, ut sequamini vestigia eius, sed etiam per modum meriti, et per modum efficaciae, inquantum eius sanguine redempti et iustificati sumus, secundum illud He. ultimo: ut sanctificaret per suum sanguinem populum, extra portam passus est. Sed passio aliorum nobis est salutifera solum per modum exempli, secundum illud II Cor. I, 6: sive tribulamur, pro vestra exhortatione et salute. Secundo ostendit idem ex virtute nominis Christi, qui in Baptismo invocatur. Unde subdit aut in nomine Pauli baptizati estis? Quasi dicat: non. Ut enim dicitur Ac. IV, 12, non est aliud nomen datum hominibus, per quod oporteat nos salvos fieri. Unde et Is. XXVI, 8 dicitur: nomen tuum et memoriale tuum in desiderio animae. Sed videtur quod in nomine Christi homines non baptizentur. Dicit enim Mt. ult.: docete omnes gentes, baptizantes eos in nomine Patris, et Filii, et Spiritus Sancti. Dicendum est autem quod in primitiva Ecclesia, quia nomen Christi multum erat odiosum, ut venerabile redderetur, apostoli in nomine Christi baptizabant ex speciali ordinatione Spiritus Sancti. Unde dicitur Ac. VIII, 12, quod in nomine Christi baptizati sunt viri et mulieres. Et tamen, ut Ambrosius dicit in nomine Christi tota Trinitas intelligitur. Christus enim interpretatur unctus, in quo intelligitur non solum ille qui ungitur, qui est filius Dei, sed etiam ipsa unctio, quae est Spiritus Sanctus, et ipse ungens, qui est Pater, secundum Ps. XLIV, 8: unxit te Deus, Deus tuus, oleo laetitiae prae consortibus tuis. Nunc autem quia nomen Christi iam est magnum in gentibus ab ortu solis usque ad occasum, ut dicitur Ml. I, 11, Ecclesia utitur forma prius instituta a Christo, baptizans in nomine Patris, et Filii, et Spiritus Sancti. Et tamen quicumque in hac forma baptizantur, in nomine eius, qui est vere filius Dei, baptizantur, secundum illud I Jn. ult.: ut simus in vero filio eius, Iesu Christo. Baptizantur etiam omnes fideles in nomine Christi, id est, fide et confessione nominis Christi, secundum illud Jl. II, 32: omnis quicumque invocaverit nomen Domini, salvus erit. Unde baptizati a Christo Christiani nominantur, quia, ut dicitur Ga. III, 27: quotquot in Christo baptizati estis, Christum induistis. Sic ergo, si solius Christi passio, si solius Christi nomen virtutem confert Baptismo ad salvandum, verum est proprium esse Christo, ut ex eo Baptismus habeat sanctificandi virtutem. Unde qui hoc aliis attribuit, dividit Christum in plures. Deinde, cum dicit gratias ago Deo meo, excludit quamdam suspicionem. Quia ibi dixerat: numquid enim Paulus crucifixus est pro vobis? Posset aliquis credere quod et si non auctoritate, ministerio tamen plures baptizaverit. Et circa hoc tria facit. Primo gratias agit de hoc quod paucos baptizavit; secundo, quibusdam paucis nominatis, quosdam alios addit, ibi baptizavi autem; tertio assignat rationem quare non multos baptizaverit, ibi non enim misit me Deus. Dicit ergo primo gratias ago Deo meo, quod neminem vestrum baptizavi, nisi Crispum, de quo Ac. XVIII, 8: Crispus archisynagogus credidit domino cum omni domo sua, et Caium, ad quem scribitur tertia canonica Ioannis. Et quia gratiarum actio locum non habet, nisi in beneficiis perceptis, consequenter apostolus ostendit qualiter de hoc gratias agat, cum subdit ne quis dicat quod in nomine meo baptizati estis. Est enim optabile sanctis viris, ne ex bonis quae ipsi faciunt, alii sumant occasionem erroris sui, sive peccati. Et quia Corinthii in eum errorem devenerant, ut se a suis baptistis nominarent, dicentes ego sum Pauli et Apollo, ac si in eorum nominibus essent baptizati, ideo gratias agit de hoc quod de suo ministerio talis error consecutus non fuerit. Et ideo signanter dicit se baptizasse illos qui ab hoc errore immunes erant. Deinde, cum dicit baptizavi autem, etc., ponit quosdam alios a se baptizatos, ne in eius verbis aliquid veritatis minus appareret. Unde dicit baptizavi et domum, id est familiam, Stephanae, scilicet cuiusdam matronae. Et quia circa particularia facta memoria hominum labilis est, subdit caeterum nescio, id est in memoria non habeo, si quem alium baptizaverim, in propria persona. Deinde, cum dicit non enim misit, etc., assignat rationem quare paucos baptizaverit, dicens non enim misit me Deus baptizare, sed evangelizare. Contra quod videtur esse quod dicitur Mt. ult.: euntes docete omnes gentes, baptizantes eos in nomine patris, et filii, et spiritus sancti. Sed dicendum est quod Christus apostolos misit ad utrumque, ita tamen quod ipsi per seipsos praedicarent, secundum quod ipsi dicebant Ac. VI, 2: non est aequum relinquere nos verbum Dei, et ministrare mensis. Baptizarent autem per inferiores ministros, et hoc ideo quia in Baptismo nihil operatur industria vel virtus baptizantis: nam indifferens est utrum per maiorem vel minorem ministrum detur Baptismus, sed in praedicatione Evangelii multum operatur sapientia et virtus praedicantis, et ideo praedicationis officium per seipsos apostoli tamquam maiores ministri exercebant, sicut et de ipso Christo dicitur Jn. IV, 2 quod ipse non baptizabat, sed discipuli eius, qui tamen de seipso dicit Lc. IV, 43: quia et aliis civitatibus oportet me evangelizare regnum Dei, quia ideo missus sum. Is. LXI, 1: ad annuntiandum mansuetis misit me.


 

Lire la suite

De perfectione

17 Avril 2023 , Rédigé par Ludovicus

De perfectione

Caput 2

Quod perfectio attenditur tam secundum dilectionem Dei quam secundum dilectionem proximi

De perfectione, cap. 2 Perfectione igitur circa caritatem principaliter considerata, plane accipi potest in quo perfectio spiritualis vitae consistat. Sunt enim duo praecepta caritatis: quorum unum pertinet ad dilectionem Dei, aliud ad dilectionem proximi. Quae quidem duo praecepta ordinem quendam ad invicem habent secundum ordinem caritatis. Nam id quod principaliter caritate diligendum est, est summum bonum, quod nos beatos facit, scilicet Deus; secundario vero diligendus ex caritate est proximus, qui nobis quodam sociali iure coniungitur in beatitudinis participatione: unde hoc est quod in proximo ex caritate debemus diligere, ut simul ad beatitudinem perveniamus. Hunc autem ordinem praeceptorum caritatis Dominus in Evangelio Mt. XXII, 37, ostendit dicens: diliges Dominum Deum tuum ex toto corde tuo, et in tota anima tua, et in tota mente tua. Hoc est maximum et primum mandatum. Secundum autem simile est huic: diliges proximum tuum sicut te ipsum. Primo ergo et principaliter consistit spiritualis vitae perfectio in dilectione Dei: unde Dominus ad Abraham loquens dicit, Gn. XVII 1: ego Deus omnipotens; ambula coram me, et esto perfectus. Ambulatur autem coram Deo non passibus corporis, sed affectibus mentis. Secundario vero consistit spiritualis vitae perfectio in proximi dilectione: unde Dominus cum dixisset Mt. V, 44: diligite inimicos vestros, et plura subiunxisset quae ad dilectionem proximi pertinent, concludit in fine: estote ergo perfecti, sicut et Pater vester caelestis perfectus est.

Caput 3

De perfectione divinae dilectionis, quae soli Deo convenit

De perfectione, cap. 3 In utraque autem dilectione multiplex perfectionis gradus invenitur. Et quantum ad dilectionem Dei pertinet, primus et summus perfectionis gradus divinae dilectionis convenit soli Deo. Qui quidem modus consideratur et ex parte diligibilis et ex parte diligentis: dico autem ex parte diligibilis, ut scilicet aliquid tantum diligatur quantum diligibile est. Ex parte vero diligentis, ut aliquid diligatur secundum totam facultatem diligentis. Cum autem unumquodque sit diligibile, secundum quod est bonum: bonitas Dei cum sit infinita, infinite diligibilis est. Infinite autem diligere nulla creatura potest, quia nullius virtutis finitae potest esse actus infinitus. Solus ergo Deus, cuius est tanta virtus in diligendo quanta est bonitas eius, se ipsum perfecte diligere potest secundum primum perfectionis modum.

Lire la suite

Dimanche in Albis

16 Avril 2023 , Rédigé par Ludovicus

Dimanche in Albis

Introït

Comme des enfants nouveau-nés, alléluia ; désirez ardemment le lait spirituel, alléluia, alléluia, alléluia. Tressaillez d’allégresse en Dieu notre protecteur ; chantez avec transport en l’honneur du Dieu de Jacob.

Collecte

Nous vous supplions, ô Dieu tout-puissant, de faire qu’après avoir achevé la célébration des fêtes pascales, nous retenions, au moyen de votre grâce, l’esprit de ces fêtes dans nos habitudes et dans notre vie.

Épitre1. Jn. 5, 4-10

Mes bien-aimés, tout ce qui est né de Dieu est vainqueur du monde ; et ce qui remporte la victoire sur le monde, c’est notre foi. Quel est celui qui est vainqueur du monde, sinon celui qui croit que Jésus est le Fils de Dieu ? C’est lui qui est venu par l’eau et par le sang, Jésus-Christ ; non par l’eau seulement, mais par l’eau et par le sang. Et c’est l’Esprit qui rend témoignage que le Christ est la vérité. Car il y en a trois qui rendent témoignage dans le ciel : le Père, le Verbe et le Saint-Esprit ; et ces trois sont un. Et il y en a trois qui rendent témoignage sur la terre : l’esprit, l’eau, et le sang ; et ces trois sont un. Si nous recevons le témoignage des hommes, le témoignage de Dieu est plus grand ; or, ce témoignage de Dieu qui est plus grand, est celui qu’il a rendu au sujet de son Fils. Celui qui croit au Fils de Dieu a le témoignage de Dieu en lui-même.

Évangile Jn. 20, 19-31

En ce temps-là, le soir de ce même jour, qui était le premier de la semaine, comme les portes du lieu où les disciples étaient assemblés étaient fermées, par crainte des Juifs, Jésus vint, et se tint au milieu d’eux, et leur dit : La paix soit avec vous ! Et après avoir dit cela, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples se réjouirent donc, en voyant le Seigneur. Et il leur dit de nouveau : La paix soit avec vous ! Comme mon Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie. Ayant dit ces mots, il souffla sur eux, et leur dit : Recevez l’Esprit-Saint. Les péchés seront remis à ceux auxquels vous les remettrez, et ils seront retenus à ceux auxquels vous les retiendrez. Or Thomas, l’un des douze, appelé Didyme, n’était pas avec eux lorsque Jésus vint. Les autres disciples lui dirent donc : Nous avons vu le Seigneur. Mais il leur dit : Si je ne vois dans ses mains le trou des clous, et si je ne mets mon doigt à la place des clous, et si je ne mets ma main dans son côté, je ne croirai point. Huit jours après, les disciples étaient enfermés de nouveau, et Thomas avec eux. Jésus vint, les portes étant fermées ; et il se tint au milieu d’eux, et dit : La paix soit avec vous ! Ensuite il dit à Thomas : Introduis ton doigt ici, et vois mes mains ; approche aussi ta main, et mets-la dans mon côté ; et ne sois pas incrédule, mais fidèle. Thomas répondit, et lui dit : Mon Seigneur et mon Dieu ! Jésus lui dit : Parce que tu m’as vu, Thomas, tu as cru ; heureux ceux qui n’ont pas vu, et qui ont cru ! Jésus fit encore, en présence de ses disciples, beaucoup d’autres miracles, qui ne sont point écrits dans ce livre. Ceux-ci ont été écrits, afin que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et que, le croyant, vous ayez la vie en son nom.

Secrète

Agréez, nous vous en supplions, Seigneur, les dons de votre Église qui est dans l’exaltation, et, à celle à qui vous avez donné le motif d’une si vive allégresse, accordez le fruit de l’éternelle félicité.

Office

4e leçon

Sermon de saint Augustin, Évêque.

La solennité pascale se termine par la fête de ce jour ; c’est pourquoi les néophytes changent aujourd’hui de vêtements, de telle sorte cependant que leur cœur garde toujours la blancheur de la robe qu’ils quittent. Puisque c’est le temps pascal, c’est-à-dire un temps d’indulgence et de pardon, notre premier devoir est, en cette sainte journée, comme il l’a été pendant toutes les autres de la même solennité, de ne pas permettre que la relâche accordée au corps ternisse la pureté de l’âme. Abstenons-nous de toute mollesse, de toute intempérance, de toute licence. Veillons à nous délasser avec modération, et à garder une sainte pureté, afin d’obtenir par cette pureté d’âme ce que nous n’acquérons pas en ce moment par l’abstinence corporelle.

5e leçon

Nos paroles s’adressent, il est vrai, à tous ceux qu’embrasse notre sollicitude ; mais aujourd’hui toutefois, en terminant la célébration des mystères de Pâques, c’est à vous surtout que nous nous adressons, jeunes rejetons de sainteté, régénérés dans l’eau et dans le Saint-Esprit, germe pieux, essaim nouveau, fleur de notre honneur et fruit de nos peines, ma joie et ma couronne, vous tous qui êtes affermis dans le Seigneur. Je vous adresse ces paroles de l’Apôtre : La nuit est déjà fort avancée et le jour approche, rejetez les œuvres des ténèbres, et revêtez-vous des armes de la lumière. Comme durant le jour, marchons honnêtement, non dans les excès de table et les ivrogneries, non dans les dissolutions et les impudicités ; non dans l’esprit de contention et l’envie ; mais revêtez-vous du Seigneur Jésus-Christ.

6e leçon

« Nous avons, dit saint Pierre, la parole très certaine des Prophètes, à laquelle vous faites bien d’être attentifs, comme à une lampe qui luit dans un lieu obscur, jusqu’à ce que le jour brille, et que l’étoile du matin se lève dans vos cœurs ». « Ceignez vos reins ; et ayez en vos mains des lampes allumées, soyez semblables à des hommes qui attendent que leur maître revienne des noces ». Ils approchent, ces jours desquels le Seigneur parle en ces termes : « Un peu de temps, et vous ne me verrez plus ; et encore un peu de temps, et vous me verrez ». C’est de cette heure qu’il a dit : « Vous serez tristes, mais le monde se réjouira » ; parole qui se rapporte à cette vie pleine de tentations, durant laquelle « nous voyageons loin du Seigneur ». « Mais je vous reverrai, ajoute-t-il, et votre cœur se réjouira, et personne ne vous ravira votre joie »

7e leçon

Homélie de saint Grégoire, Pape

Lorsque nous entendons cette lecture de l’Évangile, une première question frappe notre esprit : comment le corps du Seigneur, après sa résurrection, était-il un véritable corps, ayant pu entrer dans le lieu où se trouvaient les disciples, quoique les portes fussent fermées ? Mais nous devons savoir que l’opération divine serait moins admirable si elle était comprise par la raison, et que la foi n’a pas de mérite, si c’est la raison humaine qui lui fournit la preuve de ce qu’elle croit. Il faut comparer ces œuvres de notre Rédempteur, qui d’elles-mêmes sont absolument incompréhensibles, à ce qu’il opéra en d’autres circonstances, afin d’augmenter notre foi en ces choses admirables, par le souvenir de faits plus merveilleux encore. Ainsi, ce corps du Seigneur, qui entra dans le lieu où les disciples se trouvaient rassemblés en laissant les portes closes, c’est le même corps qui, dans sa nativité, vint au monde sans ouvrir le sein de la Vierge, sa mère. Quoi donc d’étonnant, si, après être ressuscité pour vivre éternellement, il entra les portes closes, lui qui, venant pour mourir, était sorti du sein fermé de la Vierge ?

8e leçon

Mais la foi de ceux qui contemplaient ce corps rendu visible à leurs yeux, restant indécise, Jésus leur montra aussitôt les plaies de ses mains et de son côté ; il leur accorda de palper cette chair avec laquelle il était entré, portes closes. En cela le Seigneur a fait voir deux choses merveilleuses, qui, selon la raison humaine, paraissent contraires l’une à l’autre : son corps ressuscité, il nous l’a montré incorruptible et néanmoins palpable. Car ce qu’on peut toucher est sujet à se corrompre, et ce qui ne se peut corrompre ne se peut toucher. Mais chose admirable et incompréhensible, notre Rédempteur a fait voir à ses disciples après sa résurrection, son corps à la fois incorruptible et palpable. En le montrant incorruptible, il voulait nous inviter à la récompense, et en accordant de le toucher, il voulait affermir notre foi. Le Sauveur s’est donc montré et incorruptible et palpable, afin de prouver qu’après sa résurrection son corps était de la même nature qu’auparavant, mais bien autrement glorieux.

9e leçon

Jésus dit à ses disciples : « Paix à vous ! Comme mon Père m’a envoyé, ainsi moi je vous envoie. » C’est-à-dire, comme Dieu mon Père m’a envoyé, moi qui suis Dieu ; de même, moi qui suis homme, je vous envoie, vous qui êtes hommes. Le Père a envoyé son Fils, dont il a résolu l’incarnation pour la rédemption du genre humain. Il a voulu qu’il vînt au monde pour souffrir, et cependant il aimait ce Fils qu’il envoyait à la passion. Or le Seigneur, après avoir choisi ses Apôtres, les envoie dans le monde, non pour goûter les joies du monde, mais il les envoie, comme il a été envoyé lui-même, pour souffrir. Le Fils est aimé par le Père, et cependant envoyé pour souffrir ; de même les disciples sont chéris du Seigneur, qui les envoie dans le monde pour y trouver la souffrance. C’est donc avec raison que Jésus leur dit : « Comme mon Père m’a envoyé, ainsi moi je vous envoie. » Ce qui signifie : L’amour dont je vous aime, quand je vous envoie parmi les pièges des persécuteurs, c’est cet amour dont mon Père m’a aimé, lui qui a voulu que je vienne pour endurer la passion.

Nous avons vu nos néophytes clore hier leur Octave de la Résurrection. Ils avaient été mis avant nous en participation de l’admirable mystère du Dieu ressuscité ; avant nous ils devaient achever leur solennité. Ce jour est donc le huitième pour nous qui avons fait la Pâque au Dimanche, et qui ne l’avons pas anticipée au soir du Samedi. Il nous retrace toutes les joies et toutes les grandeurs de cet unique et solennel Dimanche qui a associé toute la chrétienté dans un même sentiment de triomphe. C’est le jour de la Lumière, qui efface pour jamais l’antique Sabbat ; désormais le premier jour de la semaine est le jour sacré ; c’est assez que deux fois le Fils de Dieu l’ait marqué du sceau de sa puissance. La Pâque est donc pour jamais fixée au Dimanche ; et ainsi qu’il a été expliqué ci-dessus, dans la Mystique du Temps pascal, tout Dimanche est désormais une Pâque.

Notre divin ressuscité a voulu que son Église comprît ainsi le mystère ; car ayant l’intention de se montrer une seconde fois à ses disciples rassemblés, il a attendu, pour le faire, le retour du Dimanche. Durant tous les jours précédents, il a laissé Thomas en proie à ses doutes ; ce n’est qu’aujourd’hui qu’il a voulu venir à son secours, se manifestant à cet Apôtre, en présence des autres, et l’obligeant à déposer son incrédulité devant la plus palpable évidence. Aujourd’hui donc le Dimanche reçoit de la part du Christ son dernier titre de gloire, en attendant que l’Esprit-Saint descende du ciel pour venir l’illuminer de ses feux, et faire de ce jour, déjà si favorisé, l’ère de la fondation de l’Église chrétienne.

L’apparition du Sauveur à la petite troupe des onze, et la victoire qu’il y remporta sur l’infidélité d’un disciple, est aujourd’hui l’objet spécial du culte de la sainte Église. Cette apparition, qui se lie à la précédente, est la septième ; par elle, Jésus entre en possession complète de la foi de ses disciples. Sa dignité, sa patience, sa charité, dans cette scène, sont véritablement d’un Dieu. Là encore, nos pensées humaines sont renversées, à la vue de ce délai que Jésus accorde à l’incrédule, dont il semblerait devoir éclairer sans retard l’aveuglement malheureux, ou châtier l’insolence téméraire. Mais Jésus est la souveraine sagesse et la souveraine bonté ; dans sa sagesse, il ménage, par cette lente confrontation du fait de sa Résurrection, un nouvel argument en faveur de la réalité de ce fait ; dans sa bonté, il amène le cœur du disciple incrédule à rétracter de lui-même son doute par une protestation sublime de regret, d’humilité et d’amour. Nous ne décrirons point ici cette scène si admirablement retracée dans le récit de l’Évangile que la sainte Église va tout à l’heure mettre sous nos yeux. Nous nous attacherons, pour la doctrine de ce jour, à faire comprendre au lecteur la leçon pieuse que Jésus donne aujourd’hui à tous, en la personne de saint Thomas. C’est le grand enseignement du Dimanche de l’Octave de Pâques ; il importe de ne le pas négliger ; car il nous révèle, plus que tout autre, le véritable sens du christianisme ; il nous éclaire sur la cause de nos impuissances, sur le remède de nos langueurs.

Jésus dit à Thomas : « Tu as cru, parce que tu as vu ; heureux ceux qui n’ont pas vu et qui néanmoins ont cru ! » Paroles remplies d’une divine autorité, conseil salutaire donné non seulement à Thomas, mais à tous les hommes qui veulent entrer en rapport avec Dieu et sauver leurs âmes ! Que voulait donc Jésus de son disciple ? Ne venait-il pas de l’entendre confesser la foi dont il était désormais pénétré ? Thomas, d’ailleurs, était-il si coupable d’avoir désiré l’expérience personnelle, avant de donner son adhésion au plus étonnant des prodiges ? Était-il tenu de s’en rapportera Pierre et aux autres, au point d’avoir à craindre de manquer à son Maître, en ne déférant pas à leur témoignage ? Ne faisait-il pas preuve de prudence en suspendant sa conviction, jusqu’à ce que d’autres arguments lui eussent révélé à lui-même que le fait était tel que ses frères le lui racontaient ? Oui, Thomas était un homme sage, un homme prudent, qui ne se confiait pas outre mesure ; il était digne de servir de modèle à beaucoup de chrétiens qui jugent et raisonnent comme lui dans les choses de la foi. Cependant, combien est accablant, dans sa douceur si pénétrante, le reproche de Jésus ! Il a daigné se prêter, avec une condescendance inexplicable, à l’insolente vérification que Thomas avait osé demander ; maintenant que le disciple tremble devant le divin ressuscite, et qu’il s’écrie dans l’émotion la plus sincère : « Oh ! vous êtes bien mon Seigneur et mon Dieu ! » Jésus ne lui fait pas grâce de la leçon qu’il avait méritée. Il faut un châtiment à cette hardiesse, à cette incrédulité ; et ce châtiment consisterai s’entendre dire : « Tu as cru, Thomas, parce que tu as vu. »

Mais Thomas était-il donc obligé de croire avant d’avoir vu ?— Et qui peut en douter ? Non seulement Thomas, mais tous les Apôtres étaient tenus de croire à la résurrection de leur maître, avant même qu’il se fût montré à eux. N’avaient-ils pas vécu trois années dans sa compagnie ? Ne l’avaient-ils pas vu confirmer par les plus divins prodiges sa qualité de Messie et de Fils de Dieu ? Ne leur avait-il pas annoncé sa résurrection pour le troisième jour après sa mort ? Et quant aux humiliations et aux douleurs de sa Passion, ne leur avait-il pas dit, peu de temps auparavant, sur la route de Jérusalem, qu’il allait être saisi par les Juifs qui le livreraient aux gentils ; qu’il serait flagellé, couvert de crachats et mis à mort ? Des cœurs droits et disposés à la foi n’auraient eu aucune peine à se rendre, dès le premier bruit de la disparition du corps. Jean ne fit qu’entrer dans le sépulcre, que voir les linceuls, et aussitôt il comprit tout et commença à croire. Mais l’homme est rarement aussi sincère ; il s’arrête sur le chemin, comme s’il voulait obliger Dieu à faire de nouvelles avances. Ces avances, Jésus daigna les faire. Il se montra à Madeleine et à ses compagnes qui n’étaient pas incrédules, mais seulement distraites par l’exaltation d’un amour trop naturel. Au jugement des Apôtres, leur témoignage n’était que le langage de quelques femmes que l’imagination avait égarées. Il fallut que Jésus vînt en personne se montrer à ces hommes rebelles, à qui leur orgueil faisait perdre la mémoire de tout un passé qui eût suffi à lui seul pour les éclairer sur le présent. Nous disons leur orgueil ; car la foi n’a pas d’autre obstacle que ce vice. Si l’homme était humble, il s’élèverait jusqu’à la foi qui transporte les montagnes.

Or Thomas a entendu Madeleine, et il a dédaigné son témoignage ; il a entendu Pierre, et il a décliné son autorité ; il a entendu ses autres frères et les disciples d’Emmaüs, et rien de tout cela ne l’a dépris de sa raison personnelle. La parole d’autrui qui, lorsqu’elle est grave et désintéressée, produit la certitude dans un esprit sensé, n’a plus cette efficacité chez beaucoup de gens, dès qu’elle a pour objet d’attester le surnaturel. C’est là une profonde plaie de notre nature lésée par le péché. Trop souvent nous voudrions, comme Thomas, avoir expérimenté nous-mêmes ; et il n’en faut pas davantage pour nous priver de la plénitude de la lumière. Nous nous consolons comme Thomas parce que nous sommes toujours du nombre des disciples ; car cet Apôtre n’avait pas rompu avec ses frères ; seulement il n’entrait pas en part de leur bonheur. Ce bonheur, dont il était témoin, ne réveillait en lui que l’idée de faiblesse ; et il se savait un certain gré de ne le pas partager.

Tel est de nos jours encore le chrétien entaché de rationalisme. Il croit, mais c’est parce que sa raison lui fait comme une nécessité de croire ; c’est de l’esprit et non du cœur qu’il croit. Sa loi est une conclusion scientifique, et non une aspiration vers Dieu et la vérité surnaturelle. Aussi cette foi, comme elle est froide et impuissante ! Comme elle est restreinte et embarrassée ! Comme elle craint de s’avancer, en croyant trop ! A la voir se contenter si aisément de vérités diminuées, pesées dans la balance de la raison, au lieu de voler à pleines ailes comme la foi des saints, on dirait qu’elle est honteuse d’elle-même. Elle parle bas, elle craint de se compromettre ; quand elle se montre, c’est sous le couvert d’idées humaines qui lui servent de passeport. Ce n’est pas elle qui s’exposera à un affront pour des miracles qu’elle juge inutiles, et qu’elle n’eût jamais conseillé à Dieu d’opérer. Dans le passé comme dans le présent, le merveilleux l’effraie ; n’a-t-elle pas eu déjà assez d’effort à faire pour admettre celui dont l’acceptation lui est strictement nécessaire ? La vie des saints, leurs vertus héroïques, leurs sacrifices sublimes, tout cela l’inquiète. L’action du christianisme dans la société, dans la législation, lui semble léser les droits de ceux qui ne croient pas ; elle entend réserver la liberté de l’erreur et la liberté du mal ; et elle ne s’aperçoit même pas que la marche du monde est entravée depuis que Jésus-Christ n’est plus Roi sur la terre.

Or c’est pour ceux dont la foi est si faible et si près du rationalisme, que Jésus ajoute aux paroles de reproche qu’il adressa à Thomas, cette sentence qui ne le regardait pas seul, mais qui avait en vue tous les hommes et tous les siècles : « Heureux ceux qui n’ont pas vu, et qui ont cru ! » Thomas pécha, pour n’avoir pas eu la disposition à croire. Nous nous exposons à pécher comme lui, si nous n’entretenons pas dans notre foi cette expansion qui la mêlerait à tout, et lui ferait faire ce progrès que Dieu récompense par des flots de lumière et de joie au cœur. Une fois entrés dans l’Église, le devoir pour nous est de considérer désormais toute chose au point de vue surnaturel ; et ne craignons pas que ce point de vue, réglé par les enseignements de l’autorité sacrée, nous entraîne trop loin. « Le juste vit de la foi »] ; c’est sa nourriture continuelle. La vie naturelle est transformée en lui pour jamais, s’il demeure fidèle à son baptême.

Croyons-nous donc que l’Église avait pris tant de soins dans l’instruction de ses néophytes, qu’elle les avait initiés partant de rites qui ne respirent que les idées et les sentiments de la vie surnaturelle, pour les abandonner sans remords dès le lendemain à l’action de ce dangereux système qui place la foi dans un recoin de l’intelligence, du cœur et de la conduite, afin de laisser plus librement agir l’homme naturel ? Non, il n’en est pas ainsi. Reconnaissons donc notre erreur avec Thomas ; confessons avec lui que jusqu’ici nous n’avons pas cru encore d’une foi assez parfaite. Comme lui, disons à Jésus : « Vous êtes mon Seigneur et mon Dieu ; et j’ai souvent pensé et agi comme si vous n’étiez pas en tout mon Seigneur et mon Dieu. Désormais je croirai sans avoir vu ; car je veux être du nombre de ceux que vous avez appelés heureux. »

Ce Dimanche, appelé vulgairement le Dimanche de Quasimodo, porte dans la Liturgie le nom de Dimanche in albis, et plus explicitement in albis depositis, parce que c’était en ce jour que les néophytes paraissaient à l’Église sous les habits ordinaires. Au moyen âge, on l’appelait Pâque close : sans doute pour exprimer qu’en ce jour l’Octave de Pâques se terminait. La solennité de ce Dimanche est si grande dans l’Église, que non seulement il est du rite Double, mais qu’il ne cède jamais la place à aucune fête, de quelque degré supérieur qu’elle soit.

A Rome, la Station est dans la Basilique de Saint-Pancrace, sur la Voie Aurélia. Les anciens ne nous ont rien appris sur les motifs qui ont fait désigner cette Église pour la réunion des fidèles en ce jour. Peut-être l’âge du jeune martyr de quatorze ans auquel elle est dédiée l’a-t-il fait choisir de préférence, par une sorte de rapport avec la jeunesse des néophytes qui sont encore aujourd’hui l’objet de la préoccupation maternelle de l’Église.

Lire la suite

Samedi in Albis

15 Avril 2023 , Rédigé par Ludovicus

Samedi in Albis

Lecture 1. P 2, 1-10

Mes bien-aimés, ayant donc dépouillé toute malice, toute ruse, dissimulation et envie, et toute médisance, comme des enfants nouveau-nés, désirez ardemment le lait spirituel et pur, afin que par lui vous croissiez pour le salut, si toutefois vous avez goûté que le Seigneur est doux. Approchez-vous de lui, pierre vivante, rejetée par les hommes, mais choisie et mise en honneur par Dieu ; et vous-mêmes, comme des pierres vivantes, soyez posés sur lui pour former une maison spirituelle, et un sacerdoce saint qui offre des sacrifices spirituels, agréables à Dieu par Jésus-Christ. C’est pourquoi il est dit dans l’Écriture : Voici, je mets dans Sion la pierre angulaire choisie, précieuse ; et celui qui aura confiance en elle ne sera pas confondu. Ainsi donc, à vous qui croyez, l’honneur ; mais, pour les incrédules, la pierre qu’ont rejetée ceux qui bâtissaient, est devenue la tête de l’angle, et une pierre d’achoppement, et une pierre de scandale pour ceux qui se heurtent contre la parole et qui ne croient pas ; ce à quoi ils ont été destinés. Mais vous, vous êtes ta race choisie, le sacerdoce royal, la nation sainte, un peuple acquis, afin que vous annonciez les vertus de celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière : vous qui autrefois n’étiez pas un peuple, mais qui maintenant êtes le peuple de Dieu ; vous qui n’aviez pas reçu miséricorde, mais qui maintenant avez reçu miséricorde.

Évangile Jn. 20, 1-9

En ce temps-là : le premier jour de la semaine, Marie-Madeleine vint au sépulcre dès le matin, comme les ténèbres régnaient encore ; et elle vit que la pierre avait été ôtée du sépulcre. Elle courut donc, et vint auprès de Simon-Pierre, et de l’autre disciple que Jésus aimait. Et elle leur dit : Ils ont enlevé le Seigneur du sépulcre, et nous ne savons où ils t’ont mis. Pierre sortit donc avec cet autre disciple, et ils allèrent au sépulcre. Ils couraient tous deux ensemble ; mais cet autre disciple courut plus vite que Pierre, et arriva le premier au sépulcre. Et s’étant baissé, il vit les linceuls posés à terre ; cependant, il n’entra pas. Simon-Pierre qui le suivait, vint aussi et entra dans le sépulcre ; et il vît les linceuls posés à terre, et le suaire, qu’on avait mis sur sa tête, non pas posé avec les linceuls, mais roulé à part, dans un autre endroit. Alors l’autre disciple, qui était arrivé le premier au sépulcre, entra aussi ; et il vit, et il crut. Car ils ne savaient pas encore, d’après l’Écriture, qu’il fallait qu’il ressuscitât d’entre les morts.

 

Postcommunion

Animés d’une vie nouvelle, grâce au bienfait de notre rédemption, nous vous demandons instamment, Seigneur, qu’en raison des moyens de salut qui nous sont perpétuellement offerts, la vraie foi se développe toujours davantage.

Office

1ère leçon

Homélie de saint Grégoire, Pape

La lecture du saint Évangile que vous venez d’entendre, mes frères, est bien facile à comprendre, si l’on s’arrête à la surface, en ne considérant que le sens historique ; mais il nous faut rechercher brièvement les mystères qu’elle renferme. « Marie-Madeleine vint au sépulcre quand les ténèbres duraient encore. » L’heure est marquée selon l’histoire, mais au sens mystique elle indique où en était l’entendement de celle qui cherchait. Marie cherchait dans le sépulcre l’auteur de toutes choses, celui qu’elle avait vu mort selon la chair ; comme elle ne l’y trouva pas, elle crut qu’il avait été dérobé. Les ténèbres duraient encore lorsqu’elle vint au sépulcre. Elle courut promptement et annonça aux disciples : et ceux-là coururent plus vite que les autres, qui aimaient plus que les autres, c’est-à-dire Pierre et Jean.

2e leçon

« Ils couraient tous deux ensemble ; mais Jean courut plus vite que Pierre, il arriva le premier au sépulcre. » Cependant il n’osa pas entrer. « Pierre, qui le suivait, vint aussi, et entra. » Que signifie, mes frères, que signifie cette course ? Est-il à croire qu’un fait décrit avec tant de détails par l’Évangéliste soit sans mystère ? Non, sans doute. Saint Jean n’aurait pas dit, ni qu’il était arrivé le premier ni qu’il n’était point entré, s’il eût cru vide de mystère l’hésitation même qu’il éprouva. De qui saint Jean est-il donc la figure, sinon de la Synagogue ; que représente saint Pierre, sinon l’Église ?

3e leçon

Qu’il ne nous semble pas étrange d’entendre dire que la Synagogue est figurée par le plus jeune des deux Apôtres, et l’Église par le plus âgé. Bien qu’en ce qui concerne le culte de Dieu, la Synagogue ait précédé l’Église où sont entrés les Gentils, néanmoins la multitude des Gentils est plus ancienne que la Synagogue en ce qui concerne l’usage des choses du siècle, et saint Paul l’atteste, lui qui dit : « Non d’abord ce qui est spirituel mais ce qui est animal ». L’Église des Gentils est donc désignée par Pierre qui était le plus âgé, et la Synagogue des Juifs par Jean qui était le plus jeune. Ils courent tous deux ensemble, parce que depuis leur origine jusqu’à la fin, la Gentilité et la Synagogue qui diffèrent de pensée, et de sentiment, courent dans une même et commune voie. La Synagogue est arrivée la première au sépulcre, mais elle n’est point entrée ; car, bien qu’elle ait reçu les préceptes de la loi et entendu les prophéties annoncer l’incarnation et la passion du Seigneur, le sachant mort, elle n’a pas voulu croire en lui.

Le septième jour de la plus joyeuse des semaines s’est levé, apportant avec lui le souvenir du repos du Seigneur, après son œuvre de six jours. Il nous retrace en même temps ce second repos que le même Seigneur voulut prendre, comme un guerrier assuré de la victoire, avant de livrer le combat décisif à son adversaire. Repos dans un sépulcre, sommeil d’un Dieu qui ne s’était laissé vaincre par la mort que pour rendre son réveil plus funeste à cette cruelle ennemie. Aujourd’hui que ce sépulcre n’a plus rien à rendre, qu’il a vu sortir de ses flancs le vainqueur qu’il ne pouvait retenir, il convenait que nous nous arrêtions à le contempler, à lui rendre nos hommages ; car ce sépulcre est saint, et sa vue ne peut qu’accroître notre amour envers celui qui daigna dormir quelques heures a son ombre.

Isaïe avait dit : « Le rejeton de Jessé sera comme l’étendard autour duquel se rallieront les peuples ; les nations l’entoureront de leurs hommages ; et son sépulcre deviendra glorieux ». L’oracle est accompli ; il n’est pas une nation sur la terre qui ne renferme des adorateurs de Jésus ; et tandis que les tombeaux des autres hommes, quand le temps ne les a pas détruits et égales au sol, restent comme un trophée de la mort, celui de Jésus est toujours debout et proclame la vie.

Quel tombeau que celui qui réveille des pensées de gloire, et dont les grandeurs avaient été prédites tant de siècles à l’avance ! Quand les temps sont accomplis. Dieu suscite dans Jérusalem un homme pieux, Joseph d’Arimathie, qui secrètement, mais d’un cœur sincère, devient le disciple de Jésus. Ce magistrat songe à se faire creuser un tombeau ; et c’est à l’ombre des remparts de la ville, sur le versant de la colline du Calvaire, qu’il fait tailler dans la roche vive deux chambres sépulcrales, dont l’une sert de vestibule à l’autre. Joseph pensait travailler pour lui-même ; et c’était pour la dépouille d’un Dieu qu’il préparait ce funèbre asile ; il songeait à la fin commune de toute créature humaine depuis le péché ; et les décrets divins portaient que Joseph ne reposerait pas dans ce tombeau, et que ce tombeau deviendrait pour les hommes le titre de l’immortalité. Jésus expire sur la croix, au milieu des insultes de son peuple ; toute la ville est soulevée contre le fils de David, qu’elle avait accueilli peu de jours auparavant au cri de l’Hosannah ; c’est à ce moment même que, bravant les fureurs de la cité déicide, Joseph se rend chez le gouverneur romain pour réclamer l’honneur d’ensevelir le corps du supplicié. Il ne tarde pas d’arriver avec Nicodème sur le Calvaire ; et lorsqu’il a détaché de la croix les membres de la divine victime, il a la gloire de déposer ce corps sacré sur la table de pierre qu’il avait fait préparer pour lui-même : heureux d’en faire hommage au maître pour lequel il venait de confesser son attachement jusque dans le Prétoire de Ponce-Pilate. O homme véritablement digne des respects de l’humanité tout entière dont vous teniez la place dans ces augustes funérailles, nous ne doutons pas qu’un regard reconnaissant de la Mère des douleurs ne vous ait récompensé du sacrifice que vous faisiez si volontiers pour son Fils !

Les Évangélistes insistent avec une intention marquée sur les conditions du sépulcre. Saint Matthieu, saint Luc, saint Jean, nous disent qu’il était neuf, et qu’aucun corps mort n’y avait encore été déposé. Les saints Pères sont venus ensuite, et nous ont expliqué le mystère, à la gloire du saint tombeau. Ils nous ont enseigné la relation que ce sépulcre, qui rendit l’Homme-Dieu à la vie immortelle, devait avoir avec le sein virginal qui l’enfanta pour être la victime du monde ; et ils en ont tiré cette conséquence, que le Seigneur notre Dieu, quand il se choisit un asile dans sa créature, tient à le trouver libre et digne de sa souveraine sainteté. Honneur donc au tombeau de notre Rédempteur d’avoir présenté, dans son être matériel, un rapport mystérieux avec l’incomparable et vivante pureté de la Mère de Jésus !

Durant les heures qu’il conserva son précieux dépôt, quelle gloire égalait alors la sienne sur la terre ! Quel trésor fut confié à sa garde ! Sous sa voûte silencieuse reposait dans ses linceuls, mouillés des larmes de Marie, le corps qui avait été la rançon du monde. Dans son étroite enceinte, les saints Anges se pressaient, faisant la garde auprès de la dépouille de leur créateur, adorant son divin repos, et aspirant à l’heure où l’Agneau égorgé allait se lever Lion redoutable. Mais quel prodige inouï éclata sous la voûte de l’humble caverne, lorsque l’instant décrété éternellement étant arrivé, Jésus plein de vie pénétra, plus prompt que l’éclair, les veines de la roche, et s’élança au grand jour. Bientôt, c’est la main de l’Ange qui vient arracher la pierre de l’entrée, afin de révéler le départ du céleste prisonnier ; ce sont ensuite d’autres Anges qui attendent Madeleine et ses compagnes. Elles arrivent et font retentir cette voûte de leurs sanglots ; Pierre et Jean y pénètrent à leur tour. Vraiment ce lieu est saint entre tous ; le Fils de Dieu a daigné l’habiter ; sa Mère y a été vue en pleurs ; il a été le rendez-vous des Esprits célestes ; les plus saintes âmes de la terre l’ont consacré par leurs visites empressées, l’ont rendu le théâtre de leurs plus dévots sentiments. O sépulcre du Fils de Jessé, vous êtes véritablement glorieux !

L’enfer la voit, cette gloire ! Et il voudrait l’effacer de la terre. Ce tombeau désespère son orgueil ; car il rappelle d’une manière trop éclatante la défaite qu’a essuyée la mort, fille du péché. Satan croit avoir accompli son odieux dessein, lorsque Jérusalem avant succombé sous les coups des Romains, une ville nouvelle et toute païenne s’élève sur les ruines avec le nom d’Ælia. Mais le nom de Jérusalem ne périra pas plus que la gloire du saint tombeau. En vain des ordres impies prescrivent d’amonceler la terre autour du monument, et d’élever sur ce monticule un temple à Jupiter, en même temps que sur le Calvaire lui-même un sanctuaire à l’impure Vénus, et sur la grotte de la Nativité un autel à Adonis ; ces constructions sacrilèges ne feront que désigner d’une manière plus précise les lieux sacrés à l’attention des chrétiens. On a voulu tendre un piège, et tourner au profit des faux dieux les hommages dont les disciples du Christ avaient coutume d’entourer ces lieux : vain espoir ! Les chrétiens ne les visiteront plus, tant qu’ils seront souillés par la présence des infâmes idoles ; mais ils tiendront l’œil fixé sur ces vestiges d’un Dieu, vestiges ineffaçables pour eux ; et ils attendront en patience qu’il plaise au Père de glorifier encore son Fils.

Lorsque l’heure a sonné, Dieu envoie à Jérusalem une impératrice chrétienne, mère d’un empereur chrétien, pour rendre visibles de nouveau les traces adorables du passage de notre Rédempteur. Émule de Madeleine et de ses compagnes, Hélène s’avance sur le lieu où fut le tombeau. Il fallait une femme pour continuer les grandes scènes du matin de la Résurrection. Madeleine et ses compagnes cherchaient Jésus ; Hélène qui l’adore ressuscité ne cherche que son tombeau ; mais un même amour les transporte. Par les ordres de la pieuse impératrice, l’impie sanctuaire de Jupiter s’écroule, la terre amoncelée est écartée ; et bientôt le soleil éclaire de nouveau le trophée de la victoire de Jésus. La défaite de la mort était donc une seconde fois proclamée par cette réapparition du sépulcre glorieux. Bientôt un temple magnifique s’élève aux dépens du trésor impérial, et porte le nom de Basilique de la Résurrection. Le monde entier s’émeut à la nouvelle d’un tel triomphe ; le paganisme déjà croulant en ressent un ébranlement auquel il ne résiste plus ; et les pieuses pérégrinations des chrétiens vers le sépulcre glorifié commencent pour ne plus s’arrêter qu’au dernier jour du monde.

Durant trois siècles, Jérusalem demeura la ville sainte et libre, éclairée des splendeurs du saint tombeau ; mais les conseils de la justice divine avaient arrêté que l’Orient, foyer inépuisable de toutes les hérésies, serait châtié et soumis à l’esclavage. Le Sarrasin vient inonder de ses hordes enthousiastes la terre des prodiges ; et les eaux de ce déluge honteux n’ont reculé un moment que pour se répandre avec une nouvelle impétuosité sur cette terre qui leur semble abandonnée pour longtemps encore. Mais ne craignons pas pour la tombe sacrée ; elle demeurera toujours debout. Le Sarrasin aussi la révère ; car à ses veux elle est le sépulcre d’un grand prophète. Pour approcher d’elle, le chrétien devra payer un tribut ; mais elle est en sûreté ; on verra même un calife offrir en hommage à notre Charlemagne les clefs de cet auguste sanctuaire, montrant par cet acte de courtoisie la vénération que lui inspire à lui-même la grotte sacrée, autant que le respect dont il est pénétré envers le plus grand des princes chrétiens. Ainsi le sépulcre continuait d’apparaître glorieux à travers même les tribulations qui, à penser humainement, auraient dû l’effacer de la terre.

Sa gloire parut avec plus d’éclat encore, lorsque, à la voix du Père de la chrétienté, l’Occident tout entier se leva soudain en armes, et marcha, sous la bannière de la croix, à la délivrance de Jérusalem. L’amour du saint tombeau était dans tous les cœurs, son nom sur toutes les lèvres ; et dès le premier choc, le Sarrasin, contraint de reculer à son tour, laissa la place aux croisés. La Basilique d’Hélène vit alors un sublime spectacle : le pieux Godefroi de Bouillon sacré avec l’huile sainte roi de Jérusalem, à l’ombre du sépulcre du Christ, et les saints mystères célèbres pour la première fois, avec la langue et les rites de Rome, sous les lambris orientaux de la Basilique constantinienne. Mais ce règne de Japhet sous les tentes de Sem ne se perpétua pas. D’un côté, l’étroite politique de nos princes d’Occident n’avait pas su comprendre le prix d’une telle conquête ; de l’autre, la perfidie de l’empire grec ne se donna pas de relâche qu’elle n’eût amené, par ses noires trahisons, le retour du Sarrasin dans les murs sans défense de Jérusalem. Cette période n’en fut pas moins l’une des gloires prédites par Isaïe au saint tombeau ; elle ne sera pas la dernière.

Aujourd’hui, profané par les sacrifices offerts dans son enceinte par les mains sacrilèges du schisme et de l’hérésie ; confié, à des heures rares et comptées, aux hommages légitimes de l’unique Épouse de celui qui daigna se reposer dans son sein, le divin sépulcre attend le jour où son honneur sera encore une fois vengé. Sera-ce que l’Occident, redevenu docile à la foi, viendra renouer sur cette terre les grands souvenirs qu’y a laisses sa chevalerie ? Sera-ce que l’Orient lui-même, renonçant à une scission qui ne lui a valu que la servitude, tendra la main à la Mère et à la Maîtresse de toutes les Églises, et scellera sur le roc immortel de la Résurrection une réconciliation qui serait la ruine de l’islamisme ? Dieu seul le sait ; mais nous avons appris de sa divine et infaillible parole qu’avant la fin des temps, l’antique Israël doit revenir au Dieu qu’il a méconnu et crucifié ; que Jérusalem sera relevée par la main des Juifs devenus chrétiens. Alors la gloire du sépulcre du fils de Jessé s’élèvera au-dessus de tout ; mais le fils de Jessé lui-même ne tardera pas à paraître ; la terre sera au moment de rendre nos corps pour la résurrection générale ; et le dernier accomplissement de la Pâque se trouvera lié ainsi avec le dernier et suprême honneur qu’aura reçu la tombe sacrée. En nous éveillant de nos sépulcres, nous la chercherons du regard ; et il nous sera doux de la contempler alors comme le point de départ et comme le principe de cette immortalité dont nous serons déjà en possession. En attendant l’heure où nous devrons entrer dans l’habitation passagère qui gardera nos corps, vivons dans l’amour du sépulcre du Christ ; que son honneur soit le nôtre ; et héritiers de cette foi sincère et ardente qui animait nos pères et les arma pour venger son injure, remplissons ce devoir particulier de la Pâque, qui consiste à comprendre et à goûter les magnificences du Sépulcre glorieux.

Cette journée, dans la Liturgie, est appelée le Samedi in albis, ou plus exactement in albis deponendis ; parce que c’était aujourd’hui que les néophytes devaient déposer les robes blanches qu’ils avaient portées durant toute l’Octave. L’Octave, en effet, avait commencé pour eux plus tôt que pour les autres fidèles ; car c’était dans la nuit du Samedi saint qu’ils avaient été régénérés, et qu’on les avait ensuite couverts de ce vêtement, symbole de la pureté de leurs âmes. C’était donc sur le soir du Samedi suivant, après l’office des Vêpres, qu’ils le quittaient, comme nous le raconterons plus loin.

La Station, à Rome, est aujourd’hui dans la Basilique de Latran, l’Église Mère et Maîtresse. qu’avoisine le Baptistère de Constantin, où les néophytes ont reçu, il y a huit jours, la grâce de la régénération. La Basilique qui les réunit aujourd’hui est celle-là même de laquelle ils partirent, sous les ombres de la nuit, se dirigeant vers la fontaine du salut, précédés du cierge mystérieux qui éclairait leurs pas ; c’est celle où étant de retour sous leurs habits blancs, ils assistèrent pour la première fois à la célébration entière du Sacrifice chrétien, et participèrent au corps et au sang du Rédempteur. Nul autre lieu ne convenait mieux que celui-ci pour la Station de ce jour, dont les impressions doivent se conserver durables dans le cœur des néophytes, qui sont au moment de rentrer dans la vie commune. La sainte Église, dans ces dernières heures où ses nouveaux-nés se pressent autour d’elle, comme autour d’une mère, les considère avec complaisance ; elle couve de son regard ces précieux fruits de sa fécondité, qui lui inspiraient, durant ces jours, de si touchants et de si mélodieux cantiques.

 

Lire la suite

De perfectione, cap. 1

14 Avril 2023 , Rédigé par Ludovicus

De perfectione, cap. 1

Caput 1

Quod perfectio spiritualis vitae simpliciter attenditur secundum caritatem

De perfectione, cap. 1 Primum igitur considerare oportet, quod perfectum multipliciter dicitur. Est enim aliquid simpliciter perfectum; aliquid vero dicitur perfectum secundum quid. Simpliciter quidem perfectum est quod attingit ad finem eius quod ei competit secundum propriam rationem; secundum quid autem perfectum dici potest quod attingit ad finem alicuius eorum quae concomitantur propriam rationem: sicut animal simpliciter dicitur esse perfectum, quando ad hunc finem perducitur ut nihil ei desit ex his quae integritatem animalis vitae constituunt: puta cum nihil ei deficit ex numero et dispositione membrorum, et debita corporis quantitate, et virtutibus quibus operationes animalis vitae perficiuntur; secundum quid autem perfectum animal potest dici si sit perfectum in aliquo concomitanti, puta si sit perfectum in albedine, aut in odore, aut in aliquo huiusmodi. Sic igitur et in spirituali vita simpliciter quidem homo perfectus dicitur ratione eius in quo principaliter spiritualis vita consistit; sed secundum quid perfectus dici potest ratione cuiuscumque quod spirituali vitae adiungitur. Consistit autem principaliter spiritualis vita in caritate: quam qui non habet, nihil esse spiritualiter reputatur: unde apostolus I Cor. XIII, 2, dicit: si habuero prophetiam, et noverim mysteria omnia et omnem scientiam, et si habuero omnem fidem, ita ut montes transferam, caritatem autem non habuero, nihil sum. Beatus etiam Ioannes apostolus totam spiritualem vitam in dilectione consistere asserit, dicens I Jn. III, 14: nos scimus quoniam translati sumus de morte in vitam, quoniam diligimus fratres. Qui non diligit, manet in morte. Simpliciter igitur in spirituali vita perfectus est qui est in caritate perfectus; secundum quid autem perfectus dici potest, secundum quodcumque quod spirituali vitae adiungitur: quod evidenter ex verbis sacrae Scripturae ostendi potest. Apostolus enim ad Col. III, 14, perfectionem principaliter caritati attribuit: enumeratis enim multis virtutibus, scilicet misericordia, benignitate humilitate, etc., subdit: super omnia haec caritatem habete, quae est vinculum perfectionis. Sed et secundum intellectus cognitionem aliqui dicuntur esse perfecti. Dicit enim idem apostolus, I ad Cor. XIV 20: malitia parvuli estote; sensibus autem perfecti: et alibi in eadem epistola (cap. I, 10): sitis perfecti in eodem sensu et in eadem scientia: cum tamen, sicut dictum est, quantumcumque quis habeat perfectam scientiam, sine caritate nihil esse iudicetur. Sic etiam et perfectus aliquis dici potest et secundum patientiam, quae opus perfectum habet, ut Iacobus dicit, et secundum quascumque alias virtutes. Nec hoc debet mirum videri: quia etiam in malis aliquis dicitur esse perfectus, sicut dicitur aliquis perfectus fur aut latro: et hoc etiam modo loquendi interdum Scriptura utitur: dicitur enim Is. XXXII, 6: cor stulti faciet iniquitatem, ut perficiat simulationem.

 

Lire la suite

Vendredi de Pâques

14 Avril 2023 , Rédigé par Ludovicus

Vendredi de Pâques

Lecture 1. P. 3, 18-22

Mes bien-aimés, le Christ est mort une fois pour nos péchés, lui juste pour des injustes, afin de nous offrir à Dieu, ayant été mis à mort quant à la chair, mais rendu à la vie quant à l’esprit ; par lequel aussi il est allé prêcher aux esprits qui étaient en prison, qui autrefois avaient été incrédules, lorsqu’au temps de Noé ils s’attendaient à la patience de Dieu, pendant qu’était préparée l’arche, dans laquelle peu de personnes, savoir huit seulement, jurent sauvées à travers l’eau. Figure à laquelle correspond le baptême, qui nous sauve maintenant, non pas en enlevant tes souillures de la chair, mais par l’engagement d’une bonne conscience envers Dieu, grâce à la résurrection de Jésus-Christ, qui est assis à la droite de Dieu.

Évangile Mt. 28, 16-20

En ce temps-là : les onze disciples s’en allèrent en Galilée, sur la montagne que Jésus leur avait indiquée. Et le voyant, ils L’adorèrent. Cependant, quelques-uns eurent des doutes. Et Jésus s’approchant, leur parla ainsi : Toute puissance m’a été donnée dans le ciel et sur la terre. Allez donc, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, et leur enseignant à observer tout ce que je vous ai commandé. Et voici que je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la consommation des siècles.

Office

1ère leçon

Homélie de saint Jérôme, Prêtre

Après sa résurrection, Jésus se fait voir sur une montagne de la Galilée, et il y est adoré, bien que quelques-uns doutent encore, mais leur doute augmente notre foi. C’est alors qu’il montre très manifestement à Thomas et lui présente son côté ouvert par la lance, et ses mains percées par les clous. « Jésus, s’approchant, leur parla, disant : Toute puissance m’a été donnée dans le ciel et sur la terre. » La puissance a été donnée à celui qui, peu auparavant, était attaché à la croix, déposé dans le sépulcre ; à celui qui reposait mort dans le tombeau, et qui ensuite ressuscita. Et la puissance lui a été donnée dans le ciel et sur la terre, afin que régnant déjà dans le ciel, il régnât aussi sur la terre par la foi de ceux qui croiraient en lui.

2e leçon

« Allez donc, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. » Les Apôtres instruisent d’abord toutes les nations, puis lorsqu’elles sont instruites, ils les baptisent dans l’eau. Il ne se peut faire, en effet, que le corps reçoive le sacrement de baptême, si l’âme n’a d’abord embrassé les vérités de la foi. Elles sont baptisées au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, pour rappeler que la grâce du baptême est à la fois le don des trois personnes dont la divinité est une, et dont le nom est un seul Dieu.

3e leçon

« Leur apprenant à garder tout ce que je vous ai commandé. » Enchaînement remarquable : le Sauveur a ordonné à ses Apôtres d’instruire d’abord toutes les nations, puis de leur donner le baptême qui est le sacrement de la foi, et lorsqu’elles auraient reçu la foi et le baptême, de leur prescrire tout ce qu’il faut observer. Et pour que nous ne regardions pas comme peu importantes et peu nombreuses les choses qui nous sont ordonnées, il a ajouté : « Tout ce que je vous ai commandé. » Ainsi, quels que soient ceux qui auront cru, et auront été baptisés au nom des trois personnes de la sainte Trinité, ils doivent accomplir tous les préceptes. « Et voici que je suis avec vous jusqu’à la consommation du siècle. » Celui qui promet à ses disciples d’être avec eux jusqu’à la consommation du siècle, leur montre à la fois qu’ils seront toujours victorieux, et que lui-même ne se séparera jamais des fidèles.

Il y a huit jours, nous entourions la croix sur laquelle « l’homme des douleurs » expirait abandonné de son Père, et repoussé comme un faux Messie par le jugement solennel de la Synagogue, et voici que le soleil se lève aujourd’hui pour la sixième fois, depuis que le cri de l’Ange, proclamant la Résurrection de l’adorable victime, s’est fait entendre. L’Épouse qui naguère, le front dans la poussière , tremblait devant cette justice d’un Dieu qui se montre ennemi du péché, jusqu’à « ne pas épargner même son propre Fils », parce que ce Fils divin en portait la ressemblance, a relevé tout à coup la tète pour contempler le triomphe subit et éclatant de son Époux qui la convie lui-même a la joie. Mais s’il est un jour dans cette Octave où elle doive exalter le triomphe d’un tel vainqueur, c’est assurément le Vendredi, où elle avait vu expirer, « rassasié d’opprobres », celui-là même dont la victoire retentit présentement dans le monde entier.

Arrêtons-nous donc aujourd’hui à considérer la Résurrection de notre Sauveur comme l’apogée de sa gloire personnelle, comme l’argument principal sur lequel repose notre foi en sa divinité. Si le Christ n’est pas ressuscité, nous dit l’Apôtre, notre foi est vaine » ; mais parce qu’il est ressuscité, notre foi est assurée. Jésus nous devait donc d’élever sur ce point notre certitude au plus haut degré ; voyez s’il a manqué de le faire ; voyez si, au contraire, il n’a pas porté en nous la conviction de cette vérité capitale jusqu’à la plus souveraine évidence de fait. Pour cela deux choses étaient nécessaires : que sa mort fût la plus réelle, la mieux constatée, et que le témoignage qui atteste sa Résurrection fût le plus irréfragable à notre raison. Le Fils de Dieu n’a manqué à aucune de ces conditions ; il les a remplies avec un divin scrupule : aussi le souvenir du triomphe qu’il a remporté sur la mort ne saurait-il s’effacer de la pensée des hommes ; et de là vient que nous éprouvons encore aujourd’hui, après dix-neuf siècles, quelque chose de ce frisson de terreur et d’admiration que ressentirent les témoins qui eurent à constater ce passage subit de la mort à la vie.

Certes, il était bien réellement devenu la proie de la mort, celui que, vers la dixième heure du jour, Joseph d’Arimathie et Nicodème descendaient de la croix, et dont ils déposaient les membres roidis et sanglants entre les bras de la plus désolée des mères. L’affreuse agonie de la veille, lorsqu’il luttait avec les répugnances de son humanité, à la vue du calice qu’il était appelé à épuiser ; le brisement qu’avait éprouvé son cœur par suite de la trahison de l’un des siens et de l’abandon des autres ; les outrages et les violences dont il fut assailli durant de longues heures ; l’effroyable flagellation que Pilate lui fit subir, dans le but d’apitoyer un peuple altéré de meurtre ; la croix, avec ses clous ouvrant quatre sources d’où le sang s’échappait à grands flots ; les angoisses du cœur de l’agonisant, à la vue de sa mère éplorée à ses pieds ; une soif ardente qui consumait rapidement les dernières ressources de la vie ; enfin le coup de lance traversant la poitrine, et allant atteindre le cœur et faire sortir de son enveloppe les dernières gouttes de sang et d’eau : tels furent les titres de la mort pour revendiquer une si noble victime. C’est afin de vous glorifier, ô Christ, que nous les rappelons aujourd’hui : pardonnez à ceux pour lesquels vous avez daigné mourir, de n’oublier aucune des circonstances d’une mort si chère. Ne sont-elles pas aujourd’hui les plus solides assises du monument de votre résurrection ?

Il avait donc véritablement conquis la mort, ce vainqueur d’une nouvelle espèce qui s’était montré à la terre. Un fait surtout restait acquis à son histoire : c’est que sa carrière, passée tout entière dans une obscure contrée, s’était terminée par un trépas violent, au milieu des acclamations de ses indignes concitoyens. Pilate adressa à Tibère les actes du jugement et du supplice du prétendu Roi des Juifs ; et dès ce moment l’injure fut toute prête pour les sectateurs de Jésus. Les philosophes, les beaux esprits, les esclaves de la chair et du monde, se les montreront du doigt, en disant : « Voila ces gens étranges qui adorent un Dieu mort sur une croix ». Mais si pourtant ce Dieu mort s’est ressuscité, que devient sa mort, sinon la base inébranlable sur laquelle s’appuie l’évidence de sa divinité ? Il était mort et il s’est ressuscité ; il avait annoncé qu’il mourrait et qu’il ressusciterait ; quel autre qu’un Dieu peut tenir entre ses mains « les clefs de la mort et du tombeau »?

Or il est ainsi. Jésus mort est sorti vivant du tombeau. Comment le savons-nous ? — Par le témoignage de ses Apôtres, qui L’ont vu vivant après sa mort, auxquels il s’est donné à toucher, avec Lesquels il a conversé durant quarante jours. Mais ces Apôtres, devons-nous les en croire ? — Et qui pourrait douter du témoignage le plus sincère que le monde entendit jamais ? Car quel intérêt auraient ces hommes à publier la gloire du maître auquel ils s’étaient donnés, et qui leur avait promis qu’après sa mort il ressusciterait, s’ils savaient qu’après avoir péri dans un supplice ignominieux pour eux aussi bien que pour lui, il n’a pas rempli sa promesse ? Que les princes des Juifs, pour décrier le témoignage de ces hommes, soudoient les gardes du tombeau, afin de leur faire dire que, pendant qu’ils dormaient, ces pauvres disciples que la frayeur avait dispersés, sont venus durant la nuit enlever le corps ; on est en droit de leur répondre par cet éloquent sarcasme de saint Augustin : « Ainsi donc les témoins que vous produisez sont des témoins qui dormaient ! Mais n’est-ce pas vous-mêmes qui dormez, quand vous vous épuisez à chercher une telle défaite ? » Mais où les Apôtres auraient-ils pris le motif de prêcher une résurrection qu’ils auraient su n’être pas arrivée ? « A leurs yeux, remarque saint Jean Chrysostome, leur maître ne doit plus être qu’un faux prophète et un imposteur ; et ils iront défendre sa mémoire contre une nation tout entière ! Ils se dévoueront à tous les mauvais traitements pour un homme qui les aurait trompés ! Serait-ce dans l’espérance des promesses qu’il leur avait faites ? Mais s’ils savent qu’il n’a pas rempli sa promesse de ressusciter, quel fond peuvent-ils faire sur les autres ? » Non, il faut nier la nature humaine, ou reconnaître que le témoignage des Apôtres est un témoignage sincère.

Ajoutons maintenant que ce témoignage fut le plus indépendant de tous : car il ne procurait d’autres avantages aux témoins que les supplices et la mort ; qu’il révélait dans ceux qui l’émettaient une assistance divine : car il faisait voir en eux, si timides la veille, une fermeté que rien ne fit jamais faiblir, et dans des hommes du peuple une assurance humainement inexplicable, et qui les accompagna jusqu’au sein des capitales les plus civilisées, où ils firent de nombreuses conquêtes. Disons encore que les prodiges les plus frappants venaient confirmer leur témoignage, et réunir autour d’eux dans la foi de la Résurrection de leur maître des multitudes de toute langue et de toute nation ; qu’enfin, lorsqu’ils disparurent de la terre, après avoir scellé de leur sang le grand fait dont ils étaient dépositaires, ils avaient répandu dans toutes les régions du monde, et bien au-delà des frontières de l’Empire romain, la semence de leur doctrine, qui germa promptement et produisit une moisson dont la terre entière se vit bientôt couverte. Tout ceci n’engendre-t-il pas la plus ferme de toutes les certitudes sur le fait étonnant dont ces hommes étaient porteurs ? Les récuser, ne serait-ce pas récuser en même temps les lois de la raison ? O Christ ! Votre résurrection est certaine comme votre mort ; la vérité a pu seule faire parler vos Apôtres ; seule elle peut expliquer le succès de leur prédication.

Mais le témoignage des Apôtres a cessé ; et un autre témoignage non moins imposant, celui de l’Église, est venu continuer le premier, et il proclame avec non moins d’autorité que Jésus n’est plus parmi les morts. L’Église attestant la résurrection de Jésus, c’est la voix de toutes ces centaines de millions d’hommes qui, chaque année depuis dix-huit siècles, ont fêté la Pâque. En face de ces milliards de témoignages de foi, y a-t-il place pour le doute ? Qui ne se sent écrasé sous le poids de cette acclamation qui n’a pas fait défaut une seule année, depuis que la parole des Apôtres est venue l’ouvrir ? Et dans cette acclamation, il est juste de distinguer la voix de tant de milliers d’hommes doctes et profonds qui ont aimé à sonder toute vérité, et n’ont donne leur adhésion à la foi qu’après avoir tout pesé dans leur raison ; de tant de millions d’autres qui n’ont accepté le joug d’une croyance si peu favorable aux passions humaines, que parce qu’ils ont vu clairement que nulle sécurité après cette vie n’était possible en dehors des devoirs qu’elle impose ; enfin, de tant de millions d’autres qui ont soutenu et protégé la société humaine par leurs vertus, et qui ont été la gloire de notre race, uniquement parce qu’ils ont fait profession de croire au Dieu mort et ressuscité pour les hommes.

Ainsi s’enchaîne d’une façon sublime l’incessant témoignage de l’Église, c’est-à-dire de la portion la plus éclairée et la plus morale de l’humanité, à celui des premiers témoins que le Christ daigna se choisir lui-même : en sorte que ces deux témoignages n’en font qu’un seul. Les Apôtres attestèrent ce qu’ils avaient vu ; nous, nous attestons, et nous attesterons jusqu’à la dernière génération, ce que les Apôtres ont prêché. Les Apôtres s’assurèrent par eux-mêmes du fait qu’ils avaient à annoncer ; nous nous assurons de la véracité de leur parole. Après expérience, ils crurent ; et après expérience, nous aussi nous croyons. Ils ont été assez heureux pour voir, dès ce monde, le Verbe de vie, pour l’entendre, pour le toucher de leurs mains ; nous, nous voyons et nous entendons l’Église qu’ils avaient établie en tous lieux, mais qui ne faisait encore que sortir du berceau, lorsqu’ils furent enlevés de la terre. L’Église est le complément du Christ, qui l’avait annoncée aux Apôtres comme devant couvrir le monde, bien que sortie du faible grain de sénevé. Sur ce sujet, saint Augustin, dans un de ses Sermons sur la Pâque, dit ces admirables paroles : « Nous ne voyons pas encore le Christ ; mais nous voyons l’Église ; croyons donc au Christ. Les Apôtres, au contraire, virent le Christ ; mais ils ne voyaient l’Église que par la foi. L’une des deux choses leur était montrée, et l’autre était l’objet de leur croyance ; il en est de même pour nous. Croyons au Christ que nous ne voyons pas encore ; et en nous tenant attachés à l’Église que nous voyons, nous arriverons à celui dont la vue ne nous est que différée. »

Ayant donc, ô Christ, par une si magnifique attestation, la certitude de votre Résurrection glorieuse, comme nous avons celle de votre mort sur l’arbre de la croix, nous confessons que vous êtes le grand Dieu, l’auteur et le souverain Seigneur de toutes choses. Votre mort vous a abaissé, et votre résurrection vous a élevé ; et c’est vous-même qui avez été l’auteur de votre abaissement et de votre élévation. Vous aviez dit devant vos ennemis : « Personne ne m’ôte la vie ; c’est moi-même qui la dépose ; j’ai le pouvoir de la quitter, et j’ai aussi celui de la reprendre » ; un Dieu pouvait seul réaliser cette parole : vous l’avez accomplie dans toute son étendue ; en confessant votre Résurrection, nous confessons donc votre Divinité : rendez digne de vous l’humble et heureux hommage de notre foi.

La Station, à Rome, est dans l’Église de Sainte-Marie ad Martyres. Cette Église est l’ancien Panthéon d’Agrippa, dédié autrefois à tous les faux dieux, et concédé par l’empereur Phocas au pape saint Boniface IV, qui le consacra à la Mère de Dieu et à tous les Martyrs. Nous ignorons en quel sanctuaire de Rome avait lieu auparavant la Station d’aujourd’hui. Quand elle fut fixée à cette Église, au VIIe siècle, les néophytes, réunis pour la seconde fois de cette Octave dans un temple dédié à Marie, devaient sentir combien l’Église avait à cœur de nourrir dans leurs âmes la confiance filiale en celle qui était devenue leur Mère, et qui est chargée de conduire elle-même à son Fils tous ceux qu’il appelle par sa grâce à devenir ses frères.

 

Lire la suite