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Regnum Galliae Regnum Mariae
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Vendredi de Pâques

14 Avril 2023 , Rédigé par Ludovicus

Vendredi de Pâques

Lecture 1. P. 3, 18-22

Mes bien-aimés, le Christ est mort une fois pour nos péchés, lui juste pour des injustes, afin de nous offrir à Dieu, ayant été mis à mort quant à la chair, mais rendu à la vie quant à l’esprit ; par lequel aussi il est allé prêcher aux esprits qui étaient en prison, qui autrefois avaient été incrédules, lorsqu’au temps de Noé ils s’attendaient à la patience de Dieu, pendant qu’était préparée l’arche, dans laquelle peu de personnes, savoir huit seulement, jurent sauvées à travers l’eau. Figure à laquelle correspond le baptême, qui nous sauve maintenant, non pas en enlevant tes souillures de la chair, mais par l’engagement d’une bonne conscience envers Dieu, grâce à la résurrection de Jésus-Christ, qui est assis à la droite de Dieu.

Évangile Mt. 28, 16-20

En ce temps-là : les onze disciples s’en allèrent en Galilée, sur la montagne que Jésus leur avait indiquée. Et le voyant, ils L’adorèrent. Cependant, quelques-uns eurent des doutes. Et Jésus s’approchant, leur parla ainsi : Toute puissance m’a été donnée dans le ciel et sur la terre. Allez donc, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, et leur enseignant à observer tout ce que je vous ai commandé. Et voici que je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la consommation des siècles.

Office

1ère leçon

Homélie de saint Jérôme, Prêtre

Après sa résurrection, Jésus se fait voir sur une montagne de la Galilée, et il y est adoré, bien que quelques-uns doutent encore, mais leur doute augmente notre foi. C’est alors qu’il montre très manifestement à Thomas et lui présente son côté ouvert par la lance, et ses mains percées par les clous. « Jésus, s’approchant, leur parla, disant : Toute puissance m’a été donnée dans le ciel et sur la terre. » La puissance a été donnée à celui qui, peu auparavant, était attaché à la croix, déposé dans le sépulcre ; à celui qui reposait mort dans le tombeau, et qui ensuite ressuscita. Et la puissance lui a été donnée dans le ciel et sur la terre, afin que régnant déjà dans le ciel, il régnât aussi sur la terre par la foi de ceux qui croiraient en lui.

2e leçon

« Allez donc, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. » Les Apôtres instruisent d’abord toutes les nations, puis lorsqu’elles sont instruites, ils les baptisent dans l’eau. Il ne se peut faire, en effet, que le corps reçoive le sacrement de baptême, si l’âme n’a d’abord embrassé les vérités de la foi. Elles sont baptisées au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, pour rappeler que la grâce du baptême est à la fois le don des trois personnes dont la divinité est une, et dont le nom est un seul Dieu.

3e leçon

« Leur apprenant à garder tout ce que je vous ai commandé. » Enchaînement remarquable : le Sauveur a ordonné à ses Apôtres d’instruire d’abord toutes les nations, puis de leur donner le baptême qui est le sacrement de la foi, et lorsqu’elles auraient reçu la foi et le baptême, de leur prescrire tout ce qu’il faut observer. Et pour que nous ne regardions pas comme peu importantes et peu nombreuses les choses qui nous sont ordonnées, il a ajouté : « Tout ce que je vous ai commandé. » Ainsi, quels que soient ceux qui auront cru, et auront été baptisés au nom des trois personnes de la sainte Trinité, ils doivent accomplir tous les préceptes. « Et voici que je suis avec vous jusqu’à la consommation du siècle. » Celui qui promet à ses disciples d’être avec eux jusqu’à la consommation du siècle, leur montre à la fois qu’ils seront toujours victorieux, et que lui-même ne se séparera jamais des fidèles.

Il y a huit jours, nous entourions la croix sur laquelle « l’homme des douleurs » expirait abandonné de son Père, et repoussé comme un faux Messie par le jugement solennel de la Synagogue, et voici que le soleil se lève aujourd’hui pour la sixième fois, depuis que le cri de l’Ange, proclamant la Résurrection de l’adorable victime, s’est fait entendre. L’Épouse qui naguère, le front dans la poussière , tremblait devant cette justice d’un Dieu qui se montre ennemi du péché, jusqu’à « ne pas épargner même son propre Fils », parce que ce Fils divin en portait la ressemblance, a relevé tout à coup la tète pour contempler le triomphe subit et éclatant de son Époux qui la convie lui-même a la joie. Mais s’il est un jour dans cette Octave où elle doive exalter le triomphe d’un tel vainqueur, c’est assurément le Vendredi, où elle avait vu expirer, « rassasié d’opprobres », celui-là même dont la victoire retentit présentement dans le monde entier.

Arrêtons-nous donc aujourd’hui à considérer la Résurrection de notre Sauveur comme l’apogée de sa gloire personnelle, comme l’argument principal sur lequel repose notre foi en sa divinité. Si le Christ n’est pas ressuscité, nous dit l’Apôtre, notre foi est vaine » ; mais parce qu’il est ressuscité, notre foi est assurée. Jésus nous devait donc d’élever sur ce point notre certitude au plus haut degré ; voyez s’il a manqué de le faire ; voyez si, au contraire, il n’a pas porté en nous la conviction de cette vérité capitale jusqu’à la plus souveraine évidence de fait. Pour cela deux choses étaient nécessaires : que sa mort fût la plus réelle, la mieux constatée, et que le témoignage qui atteste sa Résurrection fût le plus irréfragable à notre raison. Le Fils de Dieu n’a manqué à aucune de ces conditions ; il les a remplies avec un divin scrupule : aussi le souvenir du triomphe qu’il a remporté sur la mort ne saurait-il s’effacer de la pensée des hommes ; et de là vient que nous éprouvons encore aujourd’hui, après dix-neuf siècles, quelque chose de ce frisson de terreur et d’admiration que ressentirent les témoins qui eurent à constater ce passage subit de la mort à la vie.

Certes, il était bien réellement devenu la proie de la mort, celui que, vers la dixième heure du jour, Joseph d’Arimathie et Nicodème descendaient de la croix, et dont ils déposaient les membres roidis et sanglants entre les bras de la plus désolée des mères. L’affreuse agonie de la veille, lorsqu’il luttait avec les répugnances de son humanité, à la vue du calice qu’il était appelé à épuiser ; le brisement qu’avait éprouvé son cœur par suite de la trahison de l’un des siens et de l’abandon des autres ; les outrages et les violences dont il fut assailli durant de longues heures ; l’effroyable flagellation que Pilate lui fit subir, dans le but d’apitoyer un peuple altéré de meurtre ; la croix, avec ses clous ouvrant quatre sources d’où le sang s’échappait à grands flots ; les angoisses du cœur de l’agonisant, à la vue de sa mère éplorée à ses pieds ; une soif ardente qui consumait rapidement les dernières ressources de la vie ; enfin le coup de lance traversant la poitrine, et allant atteindre le cœur et faire sortir de son enveloppe les dernières gouttes de sang et d’eau : tels furent les titres de la mort pour revendiquer une si noble victime. C’est afin de vous glorifier, ô Christ, que nous les rappelons aujourd’hui : pardonnez à ceux pour lesquels vous avez daigné mourir, de n’oublier aucune des circonstances d’une mort si chère. Ne sont-elles pas aujourd’hui les plus solides assises du monument de votre résurrection ?

Il avait donc véritablement conquis la mort, ce vainqueur d’une nouvelle espèce qui s’était montré à la terre. Un fait surtout restait acquis à son histoire : c’est que sa carrière, passée tout entière dans une obscure contrée, s’était terminée par un trépas violent, au milieu des acclamations de ses indignes concitoyens. Pilate adressa à Tibère les actes du jugement et du supplice du prétendu Roi des Juifs ; et dès ce moment l’injure fut toute prête pour les sectateurs de Jésus. Les philosophes, les beaux esprits, les esclaves de la chair et du monde, se les montreront du doigt, en disant : « Voila ces gens étranges qui adorent un Dieu mort sur une croix ». Mais si pourtant ce Dieu mort s’est ressuscité, que devient sa mort, sinon la base inébranlable sur laquelle s’appuie l’évidence de sa divinité ? Il était mort et il s’est ressuscité ; il avait annoncé qu’il mourrait et qu’il ressusciterait ; quel autre qu’un Dieu peut tenir entre ses mains « les clefs de la mort et du tombeau »?

Or il est ainsi. Jésus mort est sorti vivant du tombeau. Comment le savons-nous ? — Par le témoignage de ses Apôtres, qui L’ont vu vivant après sa mort, auxquels il s’est donné à toucher, avec Lesquels il a conversé durant quarante jours. Mais ces Apôtres, devons-nous les en croire ? — Et qui pourrait douter du témoignage le plus sincère que le monde entendit jamais ? Car quel intérêt auraient ces hommes à publier la gloire du maître auquel ils s’étaient donnés, et qui leur avait promis qu’après sa mort il ressusciterait, s’ils savaient qu’après avoir péri dans un supplice ignominieux pour eux aussi bien que pour lui, il n’a pas rempli sa promesse ? Que les princes des Juifs, pour décrier le témoignage de ces hommes, soudoient les gardes du tombeau, afin de leur faire dire que, pendant qu’ils dormaient, ces pauvres disciples que la frayeur avait dispersés, sont venus durant la nuit enlever le corps ; on est en droit de leur répondre par cet éloquent sarcasme de saint Augustin : « Ainsi donc les témoins que vous produisez sont des témoins qui dormaient ! Mais n’est-ce pas vous-mêmes qui dormez, quand vous vous épuisez à chercher une telle défaite ? » Mais où les Apôtres auraient-ils pris le motif de prêcher une résurrection qu’ils auraient su n’être pas arrivée ? « A leurs yeux, remarque saint Jean Chrysostome, leur maître ne doit plus être qu’un faux prophète et un imposteur ; et ils iront défendre sa mémoire contre une nation tout entière ! Ils se dévoueront à tous les mauvais traitements pour un homme qui les aurait trompés ! Serait-ce dans l’espérance des promesses qu’il leur avait faites ? Mais s’ils savent qu’il n’a pas rempli sa promesse de ressusciter, quel fond peuvent-ils faire sur les autres ? » Non, il faut nier la nature humaine, ou reconnaître que le témoignage des Apôtres est un témoignage sincère.

Ajoutons maintenant que ce témoignage fut le plus indépendant de tous : car il ne procurait d’autres avantages aux témoins que les supplices et la mort ; qu’il révélait dans ceux qui l’émettaient une assistance divine : car il faisait voir en eux, si timides la veille, une fermeté que rien ne fit jamais faiblir, et dans des hommes du peuple une assurance humainement inexplicable, et qui les accompagna jusqu’au sein des capitales les plus civilisées, où ils firent de nombreuses conquêtes. Disons encore que les prodiges les plus frappants venaient confirmer leur témoignage, et réunir autour d’eux dans la foi de la Résurrection de leur maître des multitudes de toute langue et de toute nation ; qu’enfin, lorsqu’ils disparurent de la terre, après avoir scellé de leur sang le grand fait dont ils étaient dépositaires, ils avaient répandu dans toutes les régions du monde, et bien au-delà des frontières de l’Empire romain, la semence de leur doctrine, qui germa promptement et produisit une moisson dont la terre entière se vit bientôt couverte. Tout ceci n’engendre-t-il pas la plus ferme de toutes les certitudes sur le fait étonnant dont ces hommes étaient porteurs ? Les récuser, ne serait-ce pas récuser en même temps les lois de la raison ? O Christ ! Votre résurrection est certaine comme votre mort ; la vérité a pu seule faire parler vos Apôtres ; seule elle peut expliquer le succès de leur prédication.

Mais le témoignage des Apôtres a cessé ; et un autre témoignage non moins imposant, celui de l’Église, est venu continuer le premier, et il proclame avec non moins d’autorité que Jésus n’est plus parmi les morts. L’Église attestant la résurrection de Jésus, c’est la voix de toutes ces centaines de millions d’hommes qui, chaque année depuis dix-huit siècles, ont fêté la Pâque. En face de ces milliards de témoignages de foi, y a-t-il place pour le doute ? Qui ne se sent écrasé sous le poids de cette acclamation qui n’a pas fait défaut une seule année, depuis que la parole des Apôtres est venue l’ouvrir ? Et dans cette acclamation, il est juste de distinguer la voix de tant de milliers d’hommes doctes et profonds qui ont aimé à sonder toute vérité, et n’ont donne leur adhésion à la foi qu’après avoir tout pesé dans leur raison ; de tant de millions d’autres qui n’ont accepté le joug d’une croyance si peu favorable aux passions humaines, que parce qu’ils ont vu clairement que nulle sécurité après cette vie n’était possible en dehors des devoirs qu’elle impose ; enfin, de tant de millions d’autres qui ont soutenu et protégé la société humaine par leurs vertus, et qui ont été la gloire de notre race, uniquement parce qu’ils ont fait profession de croire au Dieu mort et ressuscité pour les hommes.

Ainsi s’enchaîne d’une façon sublime l’incessant témoignage de l’Église, c’est-à-dire de la portion la plus éclairée et la plus morale de l’humanité, à celui des premiers témoins que le Christ daigna se choisir lui-même : en sorte que ces deux témoignages n’en font qu’un seul. Les Apôtres attestèrent ce qu’ils avaient vu ; nous, nous attestons, et nous attesterons jusqu’à la dernière génération, ce que les Apôtres ont prêché. Les Apôtres s’assurèrent par eux-mêmes du fait qu’ils avaient à annoncer ; nous nous assurons de la véracité de leur parole. Après expérience, ils crurent ; et après expérience, nous aussi nous croyons. Ils ont été assez heureux pour voir, dès ce monde, le Verbe de vie, pour l’entendre, pour le toucher de leurs mains ; nous, nous voyons et nous entendons l’Église qu’ils avaient établie en tous lieux, mais qui ne faisait encore que sortir du berceau, lorsqu’ils furent enlevés de la terre. L’Église est le complément du Christ, qui l’avait annoncée aux Apôtres comme devant couvrir le monde, bien que sortie du faible grain de sénevé. Sur ce sujet, saint Augustin, dans un de ses Sermons sur la Pâque, dit ces admirables paroles : « Nous ne voyons pas encore le Christ ; mais nous voyons l’Église ; croyons donc au Christ. Les Apôtres, au contraire, virent le Christ ; mais ils ne voyaient l’Église que par la foi. L’une des deux choses leur était montrée, et l’autre était l’objet de leur croyance ; il en est de même pour nous. Croyons au Christ que nous ne voyons pas encore ; et en nous tenant attachés à l’Église que nous voyons, nous arriverons à celui dont la vue ne nous est que différée. »

Ayant donc, ô Christ, par une si magnifique attestation, la certitude de votre Résurrection glorieuse, comme nous avons celle de votre mort sur l’arbre de la croix, nous confessons que vous êtes le grand Dieu, l’auteur et le souverain Seigneur de toutes choses. Votre mort vous a abaissé, et votre résurrection vous a élevé ; et c’est vous-même qui avez été l’auteur de votre abaissement et de votre élévation. Vous aviez dit devant vos ennemis : « Personne ne m’ôte la vie ; c’est moi-même qui la dépose ; j’ai le pouvoir de la quitter, et j’ai aussi celui de la reprendre » ; un Dieu pouvait seul réaliser cette parole : vous l’avez accomplie dans toute son étendue ; en confessant votre Résurrection, nous confessons donc votre Divinité : rendez digne de vous l’humble et heureux hommage de notre foi.

La Station, à Rome, est dans l’Église de Sainte-Marie ad Martyres. Cette Église est l’ancien Panthéon d’Agrippa, dédié autrefois à tous les faux dieux, et concédé par l’empereur Phocas au pape saint Boniface IV, qui le consacra à la Mère de Dieu et à tous les Martyrs. Nous ignorons en quel sanctuaire de Rome avait lieu auparavant la Station d’aujourd’hui. Quand elle fut fixée à cette Église, au VIIe siècle, les néophytes, réunis pour la seconde fois de cette Octave dans un temple dédié à Marie, devaient sentir combien l’Église avait à cœur de nourrir dans leurs âmes la confiance filiale en celle qui était devenue leur Mère, et qui est chargée de conduire elle-même à son Fils tous ceux qu’il appelle par sa grâce à devenir ses frères.

 

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Jeudi de Pâques

13 Avril 2023 , Rédigé par Ludovicus

Jeudi de Pâques

Lecture Ac. 8, 26-40.

En ce temps-là, un Ange du Seigneur parla à Philippe, et lui dit : Lève-toi et va vers le midi, sur la route qui descend de Jérusalem à Gaza ; cette route est déserte. Et se levant, il partit. Et voici qu’un Éthiopien, eunuque, officier de Candace, reine d’Ethiopie, et intendant de tous ses trésors, était venu adorer à Jérusalem. Il s’en retournait, assis sur son char, et lisait le prophète Isaïe. Alors l’Esprit dit à Philippe : Approche-toi et rejoins ce char. Et Philippe, accourant, l’entendit lire le prophète Isaïe, et lui dit : Crois-tu comprendre ce que tu lis ? Il répondit : Et comment le pourrais-je, si quelqu’un ne me dirige ? Et il pria Philippe de monter et de s’asseoir auprès de lui. Or le passage de l’Écriture qu’il lisait était celui-ci : Comme une brebis il a été mené à la boucherie, et comme un agneau muet devant celui qui le tond, il n’a point ouvert la bouche. Dans son abaissement son jugement a été aboli. Qui racontera sa génération, car sa vie sera retranchée de la terre ? L’eunuque, répondant à Philippe, lui dit : Je t’en prie, de qui le prophète dit-il cela ? de lui-même ou de quelque autre ? Alors Philippe, ouvrant la bouche et commençant par ce passage de l’Écriture, lui annonça Jésus. Et chemin faisant, ils rencontrèrent de l’eau ; et l’eunuque dit : Voici de l’eau ; qu’est-ce qui empêche que je sois baptisé ? Philippe dit : Si tu crois de tout ton cœur, cela est possible. Il répondit : Je crois que Jésus-Christ est le Fils de Dieu. Il fit arrêter le char, et ils descendirent tous deux dans l’eau, et Philippe baptisa l’eunuque. Lorsqu’ils furent remontés hors de l’eau, l’Esprit du Seigneur enleva Philippe, et l’eunuque ne le vit plus ; mais il continua son chemin, plein de joie. Quant à Philippe, il se trouva dans Azot, et il annonçait la bonne nouvelle au nom de Jésus-Christ à toutes les villes par où il passait, (jusqu’à ce qu’il fût arrivé à Césarée).

Évangile Jn. 20, 11-18

En ce temps-là : Marie se tenait dehors, près du sépulcre, pleurant. Et tout en pleurant elle se baissa, et regarda dans le sépulcre. Et elle vit deux anges vêtus de blanc, assis l’un à la tête, et l’autre aux pieds, à l’endroit où avait été déposé le corps du Christ. Ils lui dirent : Femme, pourquoi pleures-tu ? Elle leur dit : Parce qu’ils ont enlevé mon Seigneur, et que je ne sais où ils l’ont mis. Ayant dit cela, elle se retourna, et vit Jésus debout ; mais elle ne savait pas que ce fut Jésus. Jésus lui dit : Femme, pourquoi pleures-tu ? qui cherches-tu ? Pensant que c’était le jardinier, elle lui dit ; Seigneur, si c’est toi qui l’as enlevé, dis-moi où tu l’as mis, et je l’emporterai. Jésus lui dit : Marie ! Elle se retourna, et lui dit : Rabboni (c’est-à-dire, Maître) ! Jésus lui dit : Ne me touche pas, car je ne suis pas encore monté vers mon Père. Mais va vers mes frères, et dis-leur : Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu. Marie-Madeleine vint annoncer aux disciples : J’ai vu te Seigneur, et voici ce qu’il m’a dit.

Office

1ère leçon

Homélie de saint Grégoire, Pape.

Marie-Madeleine qui avait été « connue dans la ville pour une pécheresse »], a lavé de ses larmes les taches de ses iniquités en aimant la vérité, et elle est accomplie, cette parole de la Vérité, disant : « Beaucoup de péchés lui sont remis, parce qu’elle a beaucoup aimé ». Madeleine, qui auparavant était demeurée dans la froideur en péchant, brûlait dans la suite d’une véhémente ardeur en aimant. Quand elle vint au sépulcre et n’y trouva point le corps du Seigneur, elle crut qu’il avait été enlevé, et l’annonça aux disciples. Ceux-ci vinrent, regardèrent, et pensèrent qu’il en était comme cette femme l’avait dit. C’est d’eux qu’il est écrit immédiatement après : « Les disciples donc s’en retournèrent chez eux. » Et aussitôt l’Évangile ajoute : « Mais Marie se tenait dehors, près du sépulcre, pleurant. »

2e leçon

Il faut considérer à ce sujet avec quelle force l’amour divin s’était allumé dans l’âme de cette femme, qui ne quittait point le sépulcre du Seigneur bien que les disciples se retirassent. Elle cherchait avec soin celui qu’elle n’avait pas trouvé, elle pleurait en le cherchant, et, embrasée du feu de son amour, elle brûlait du désir de retrouver celui qu’elle croyait enlevé. Aussi arriva-t-il que Madeleine seule le vit alors, elle qui était restée pour le chercher ; car, ce qui donne de l’efficacité aux bonnes œuvres, c’est la persévérance, et la Vérité a dit. « Celui qui aura persévéré jusqu’à la fin, celui-là sera sauvé ».

3e leçon

« Or, tout en pleurant, Marie se pencha, et regarda dans le sépulcre. » Elle avait déjà vu le sépulcre vide, et déjà elle avait annoncé que le corps du Seigneur était enlevé ; pourquoi s’incline-t-elle de nouveau, et désire-t-elle voir encore ? C’est qu’il ne suffit pas à celui qui aime d’avoir regardé une seule fois, car la force de l’amour multiplie les soins et l’attention de la recherche. Elle le chercha donc d’abord et ne le trouva pas ; elle persévéra à le chercher, et c’est ainsi qu’elle obtint de le trouver. Il arriva que ses désirs augmentèrent d’autant plus que leur réalisation fut différée, et que, dans leur accroissement, ils purent jouir du bien qu’ils avaient obtenu.

Après avoir glorifié l’Agneau de Dieu, et salué le passage du Seigneur à travers l’Égypte où il vient d’exterminer nos ennemis ; après avoir célébré les merveilles de cette eau qui nous délivre et nous introduit dans la Terre de promission ; si maintenant nous reportons nos regards sur le divin Chef dont tous ces prodiges annonçaient et préparaient le triomphe, nous nous sentons éblouis de tant de gloire. Comme le prophète de Patmos, nous nous prosternons aux pieds de cet Homme-Dieu, jusqu’à ce qu’il nous dise, à nous aussi : « Ne craignez point : je suis le premier et le dernier ; je suis vivant et j’ai été mort ; je vis dans les siècles des siècles, et je tiens les clefs de la mort et du tombeau ».

Il est maître, en effet, désormais de celle qui l’avait tenu captif ; il tient les clefs du tombeau ; c’est-à-dire, selon le langage de l’Écriture, il commande à la mort ; elle lui est soumise sans retour. Or le premier usage qu’il fait de sa victoire, c’est de l’étendre à la race humaine tout entière. Adorons cette infinie bonté ; et fidèles au désir de la sainte Église, méditons aujourd’hui la Pâque dans ses rapports avec chacun de nous.

Le Fils de Dieu dit à l’Apôtre bien-aimé : « Je suis vivant et j’ai été mort ; » par la vertu de la Pâque, le jour viendra où nous dirons aussi avec l’accent du triomphe : « Nous sommes vivants, et nous avons été morts. »

La mort nous attend ; elle est prête à nous saisir ; nous ne fuirons pas sa faux meurtrière. « La mort est la solde du péché, » dit le livre sacré ; avec cette explication, tout est compris : et la nécessité de la mort, et son universalité. La loi n’en est pas moins dure ; et nous ne pouvons nous empêcher de voir un effrayant désordre dans cette rupture violente du lien qui unissait ensemble, dans une vie commune, ce corps et cette âme que Dieu avait lui-même unis. Si nous voulons comprendre la mort telle qu’elle est, souvenons-nous que Dieu créa l’homme immortel ; nous nous rendrons raison alors de l’invincible horreur que la destruction inspire à l’homme, horreur qui ne peut être surmontée que par un sentiment supérieur à tout égoïsme, par le sentiment du sacrifice. Il y a dans la mort de chaque homme un monument honteux du péché, un trophée pour l’ennemi du genre humain ; et pour Dieu même il y aurait humiliation, si sa justice n’y paraissait, et ne rétablissait ainsi l’équilibre.

Quel sera donc le désir de l’homme, sous la dure nécessité qui l’opprime ? Aspirer à ne pas mourir ? Ce serait folie. La sentence est formelle, et nul n’y échappera. Se flatter de l’espoir qu’un jour ce corps, qui devient d’abord un cadavre, et qui ensuite se dissout jusqu’à ne plus laisser la moindre trace visible de lui-même, pourrait revivre et se sentir uni de nouveau à l’âme, pour laquelle il avait été créé ? Mais qui opérera cette réunion impossible d’une substance immortelle avec une autre substance qui lui fut unie un jour, et qui depuis semble être retournée aux éléments desquels elle avait été empruntée ? O homme ! Il en est pourtant ainsi. Tu ressusciteras ; ce corps oublié, dissous, anéanti en apparence, revivra et te sera rendu. Que dis-je ? Aujourd’hui même il sort du tombeau, en la personne de l’Homme-Dieu ; notre résurrection future s’accomplit dès aujourd’hui dans la sienne ; il devient aujourd’hui aussi certain que nous ressusciterons qu’il est assuré que nous mourrons ; et c’est là encore la Pâque. Dieu, dans son courroux salutaire, cacha d’abord à l’homme cette merveille de son pouvoir et de sa bonté. Sa parole fut dure à Adam : « Tu mangeras ton pain à la sueur de ton front, jusqu’à ce que tu retournes dans la terre de laquelle tu as été tiré ; car tu es poussière, et tu retourneras dans la poussière ». Pas un mot, pas une allusion qui donne au coupable la plus légère espérance au sujet de cette portion de lui-même vouée ainsi à la destruction, à la honte du sépulcre, il fallait humilier l’ingrat orgueil qui avait voulu s’élever jusqu’à Dieu. Plus tard, le grand mystère fut manifesté, quoique avec mesure ; et il y a quatre mille ans, un homme dont le corps, dévoré d’affreux ulcères, tombait par lambeaux, pouvait dire déjà : « Je sais que j’ai un Rédempteur qui est vivant, et qu’au dernier jour je me lèverai de terre ; que mes membres seront de nouveau recouverts de ma peau, et que je verrai Dieu dans ma chair. Cette espérance repose dans mon cœur ».

Mais pour que l’attente de Job se réalisât, il fallait que ce Rédempteur, en qui il espérait, parût sur la terre, qu’il vint attaquer la mort, lutter corps à corps avec elle, qu’il la terrassât enfin. Il est venu au temps marqué, non pour faire que nous ne mourions pas : l’arrêt est trop formel ; mais pour mourir lui-même, et ôter ainsi à la mort tout ce qu’elle avait de dur et d’humiliant Semblable à ces médecins généreux que l’on a vus s’inoculer à eux-mêmes le virus de la contagion, il a commencé, selon l’énergique expression de saint Pierre, par « absorber la mort ». Mais la joie de cette ennemie de l’homme a été courte ; car il est ressuscité pour ne plus mourir, et il a acquis en ce jour le même droit à nous tous.

De ce moment, nous avons dû considérer le tombeau sous un nouvel aspect. La terre nous recevra, mais pour nous rendre, comme elle rend l’épi, après avoir reçu le grain de blé. Les éléments, au jour marqué, seront contraints, par la puissance qui les tira du néant, de restituer ces atomes qu’ils n’avaient reçus qu’en dépôt ; et au son de la trompette de l’Archange, le genre humain tout entier se lèvera de terre, et proclamera la dernière victoire sur la mort. Pour les justes ce sera la Pâque : mais une Pâque qui ne sera que la suite de celle d’aujourd’hui.

Avec quel ineffable bonheur nous retrouverons cet ancien compagnon de notre âme, cette partie essentielle de notre être humain, dont, nous aurons été séparés si longtemps ! Depuis des siècles, peut-être, nos âmes étaient ravies dans la vision de Dieu ; mais notre nature d’hommes n’était pas représentée tout entière dans cette béatitude souveraine ; notre félicité, qui doit être aussi la félicité du corps, n’avait pas son complément ; et au sein de cette gloire, de ce bonheur, il restait encore une trace non effacée du châtiment qui frappa la race humaine, dès les premières heures de son séjour sur la terre. Pour récompenser les justes par sa vue béatifique, le grand Dieu a daigné ne pas attendre le moment où leurs corps glorieux seront réunis aux âmes qui les animèrent et les sanctifièrent ; mais le ciel tout entier aspire à cette dernière phase du sublime mystère de la Rédemption de l’homme. Notre Roi, notre Chef divin qui, du haut de son trône, prononce avec majesté ces paroles : « Je suis vivant, et j’ai été mort, » veut que nous les répétions à notre tour dans l’éternité. Marie qui, trois jours après son trépas, reprit sa chair immaculée, désire voir autour d’elle, dans leur chair purifiée par l’épreuve du tombeau, les innombrables fils qui l’appellent leur Mère.

Les saints Anges, dont les élus de la terre doivent renforcer les rangs, se réjouissent dans l’attente du magnifique spectacle qu’offrira la cour céleste, lorsque les corps des hommes glorifiés, comme les fleurs du monde matériel, émailleront de leur éclat la région des esprits. Une de leurs joies est de contempler par avance le corps resplendissant du divin Médiateur qui, dans son humanité, est leur Chef aussi bien que le nôtre ; d’arrêter leurs regards éblouis sur l’incomparable beauté dont resplendissent les traits de Marie qui est aussi leur Reine. Quelle fête complète sera donc pour eux le moment où leurs frères de la terre, dont les âmes bienheureuses jouissent déjà avec eux de la félicité, se revêtiront du manteau de cette chair sanctifiée qui n’arrêtera plus les rayons de l’esprit, et mettra enfin les habitants du ciel en possession de toutes les grandeurs et de toutes les beautés de la création ! Au moment où, dans le sépulcre, Jésus, rejetant les linceuls qui le retenaient, se dressa ressuscité dans toute sa force et sa splendeur, les Anges qui l’assistaient furent saisis d’une muette admiration à la vue de ce corps qui leur était inférieur par sa nature, mais que les splendeurs de la gloire rendaient plus éclatant que ne le sont les plus radieux des Esprits célestes ; avec quelles acclamations fraternelles n’accueilleront-ils pas les membres de ce Chef victorieux se revêtant de nouveau d’une livrée glorieuse à jamais, puisqu’elle est celle d’un Dieu !

L’homme sensuel est indifférent à la gloire et à la félicité du corps dans l’éternité ; le dogme de la résurrection de la chair ne le touche pas. Il s’obstine à ne voir que le présent ; et, dans cette préoccupation grossière, son corps n’est pour lui qu’un jouet dont il faut se hâter de profiter ; car il ne dure pas. Son amour pour cette pauvre chair est sans respect ; voilà pourquoi il ne craint pas de la souiller, en attendant qu’elle aille aux vers, sans avoir reçu d’autre hommage qu’une préférence égoïste et ignoble. Avec cela, l’homme sensuel reproche à l’Église d’être l’ennemie du corps ; à l’Église qui ne cesse d’en proclamer la dignité et les hautes destinées. C’est trop d’audace et d’injustice. Le christianisme nous avertit des dangers que l’âme court de la part du corps ; il nous révèle la dangereuse maladie que la chair a contractée dans la souillure originelle, les moyens que nous devons employer pour faire servir à la justice nos membres qui pourraient se prêter à l’iniquité » ; mais, loin de chercher à nous déprendre de l’amour de notre corps, il nous le montre destiné à une gloire et à une félicité sans fin. Sur notre lit funèbre, l’Église l’honore par le Sacrement de l’Huile sainte, dont elle marque tous ses sens pour l’immortalité ; elle préside aux adieux que l’âme adresse à ce compagnon de ses combats, jusqu’à la future et éternelle réunion ; elle brûle respectueusement l’encens autour de cette dépouille mortelle devenue sacrée depuis le jour où l’eau du baptême coula sur elle ; et à ceux qui survivent elle adresse avec une douce autorité ces paroles : « Ne soyez pas tristes comme ceux qui n’ont point d’espérance. » Or quelle est notre espérance, sinon celle qui consolait Job : Dans ma propre chair, je verrai Dieu ?

C’est ainsi que notre sainte foi nous révèle l’avenir de notre corps, et favorise, en l’élevant, l’amour d’instinct que l’âme porte à cette portion essentielle de notre être. Elle enchaîne indissolublement le dogme de la Pâque à celui de la résurrection de notre chair ; et l’Apôtre ne fait pas difficulté de nous dire que « si le Christ n’était pas ressuscité, notre foi serait vaine ; de même que si la résurrection de la chair n’avait pas lieu, celle de Jésus-Christ aurait été superflue » ; tant est étroite la liaison de ces deux vérités qui n’en font, pour ainsi dire, qu’une seule. Aussi devons-nous voir un triste signe de l’affaiblissement du véritable sentiment de la foi, dans l’espèce d’oubli où semble tombé, chez un grand nombre de fidèles, le dogme capital de la résurrection de la chair. Ils le croient, assurément, puisque le Symbole le leur impose ; ils n’ont pas même à ce sujet l’ombre d’un doute ; mais l’espérance de Job est rarement l’objet de leurs pensées et de leurs aspirations. Ce qui leur importe pour eux-mêmes et pour les autres, c’est le sort de l’âme après cette vie ; et certes, ils ont grandement raison ; mais le philosophe aussi prêche l’immortalité de l’âme et les récompenses pour le juste dans un monde meilleur. Laissez-le donc répéter la leçon qu’il a apprise de vous, et montrez que vous êtes chrétiens ; confessez hardiment la Résurrection de la chair, comme fit Paul dans l’Aréopage. On vous dira peut-être, ainsi qu’il lui fut dit : « Nous vous entendrons une autre fois sur ce sujet » ; mais que vous importe ? vous aurez rendu hommage à celui qui a vaincu la mort, non seulement en lui-même, mais en vous ; et vous n’êtes en ce monde que pour rendre témoignage à la vérité révélée, et par vos paroles et par vos œuvres.

Lorsque l’on parcourt les peintures murales des Catacombes de Rome, on est frappé d’y rencontrer partout les symboles de la résurrection des corps ; c’est, avec le Bon Pasteur, le sujet qui se retrouve le plus souvent sur ces fresques de l’église primitive ; tant ce dogme fondamental du christianisme occupait profondément les esprits, à l’époque où l’on ne pouvait se présenter au baptême sans avoir rompu violemment avec le sensualisme. Le martyre était le sort au moins probable de tous les néophytes ; et quand l’heure de confesser leur foi était arrivée, pendant que leurs membres étaient broyés ou disloqués dans les tortures, on les entendait, ainsi que leurs Actes en font foi à chaque page, proclamer le dogme de la résurrection de la chair comme l’espérance qui soutenait leur courage. Plusieurs d’entre nous ont besoin de s’instruire à cet exemple, afin que leur christianisme soit complet, et s’éloigne toujours davantage de cette philosophie qui prétend se passer de Jésus-Christ, tout en dérobant çà et là quelques lambeaux de ses divins enseignements.

L’âme est plus que le corps ; mais dans l’homme le corps n’est ni un étranger, ni une superfétation passagère. C’est à nous de le conserver avec un souverain respect pour ses hautes destinées ; et si, dans son état présent, nous devons le châtier, afin qu’il ne se perde pas et l’âme avec lui, ce n’est pas dédain, c’est amour. Les martyrs et les saints pénitents ont aimé leur corps plus que ne l’aiment les voluptueux ; en l’immolant, afin de le préserver du mal, ils l’ont sauvé ; en le flattant, les autres l’exposent au plus triste sort. Que l’on y prenne garde : l’alliance du sensualisme avec le naturalisme est facile à conclure. Le sensualisme suppose la destinée de l’homme autre qu’elle n’est, afin de pouvoir le dépraver sans remords ; le naturalisme craint les vues de la foi ; mais c’est par la foi seule que l’homme peut pénétrer son avenir et sa fin. Que le chrétien se tienne donc pour averti ; et si, en ces jours, son cœur ne tressaille pas d’amour et d’espérance à la vue de ce que le Fils de Dieu a fait pour nos corps, en ressuscitant glorieux, qu’il sache que la foi est faible en lui ; et s’il ne veut pas périr, qu’il s’attache désormais avec une entière docilité à la parole de Dieu, qui seule lui révélera ce qu’il est dès à présent, et ce qu’il est appelé à devenir.

A Rome, la Station est dans la Basilique des Douze-Apôtres. On convoquait les néophytes aujourd’hui dans ce sanctuaire dédié aux Témoins de la résurrection, et où reposent deux d’entre eux, saint Philippe et saint Jacques. La Messe est remplie d’allusions au rôle sublime de ces courageux hérauts du divin ressuscité, qui ont fait entendre jusqu’aux extrémités de la terre leur voix dont les échos retentissent, sans s’affaiblir, à travers tous les siècles.

 

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Mercredi de Pâques

12 Avril 2023 , Rédigé par Ludovicus

Mercredi de Pâques

Lecture Ac. 3, 13-15 et 17-19

En ces jours-là, Pierre prenant la parole, dit : Hommes d’Israël, et vous qui craignez Dieu, écoutez : Le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, et le Dieu de Jacob, le Dieu de nos pères a glorifié son fils Jésus, que vous avez livré et renié devant Pilate, quand il jugeait qu’il fallait le relâcher. Mais vous, vous avez renié le Saint et le Juste, et vous avez demandé qu’on vous accordât la grâce d’un meurtrier ; et vous avez fait mourir l’auteur de la vie, que Dieu a ressuscité d’entre les morts ; ce dont nous sommes témoins. Et maintenant, mes frères, je sais que vous avez agi par ignorance aussi bien que vos chefs. Mais Dieu, qui avait prédit par la bouche de tous les prophètes que son Christ devait souffrir, l’a ainsi accompli. Faites donc pénitence, et convertissez-vous, afin que vos péchés soient effacés.

Évangile Jn. 21, 1-14

En ce temps-là : Jésus se manifesta de nouveau à ses disciples, près de la mer de Tibériade. Il se manifesta ainsi. Simon Pierre, et Thomas, appelé Didyme, et Nathanaël, qui était de Cana, en Galilée, et les fils de Zébédée, et deux autres de ses disciples, étaient ensemble. Simon-Pierre leur dit : Je vais pêcher. Ils lui dirent : Nous y allons aussi avec toi. Ils sortirent donc, et montèrent dans une barque ; et cette nuit-là, ils ne prirent rien. Le matin étant venu, Jésus parut sur le rivage ; mais les disciples ne reconnurent pas que c’était Jésus. Jésus leur dit donc : Enfants, n’avez-vous rien à manger ? Ils lui dirent : Non. Il leur dit : Jetez le filet à droite de la barque, et vous trouverez. Ils le jetèrent donc, et ils ne pouvaient plus le retirer, à cause de la multitude des poissons. Alors le disciple que Jésus aimait dit à Pierre : C’est le Seigneur. Dès que Simon-Pierre eut entendu que c’était le Seigneur, il se ceignit de sa tunique, car il était nu, et il se jeta à la mer. Les autres disciples vinrent avec la barque, car ils étaient peu éloignés de la terre (environ de deux cents coudées), tirant le filet plein de poissons. Lorsqu’ils furent descendus à terre, ils virent des charbons allumés, et du poisson placé dessus, et du pain. Jésus leur dit : Apportez quelques-uns des poissons que vous venez de prendre. Simon-Pierre monta dans la barque, et tira à terre le filet, plein de cent cinquante-trois gros poissons. Et quoiqu’il y en eût tant, le filet ne fut pas rompu. Jésus leur dit : Venez, mangez. Et aucun de ceux qui prenaient part au repas n’osait lui demander : Qui êtes-vous ? Car ils savaient que c’était le Seigneur. Jésus vint, prit le pain, et le leur donna, ainsi que du poisson. C’était la troisième fois que Jésus se manifestait à ses disciples, depuis qu’il était ressuscité d’entre les morts.

Office

1ère leçon

Homélie de saint Grégoire, Pape.

Le passage du saint Évangile qu’on vient de lire en votre présence, mes frères, soulève une question dans l’esprit ; mais, en frappant ainsi l’attention, il montre l’importance du discernement. On peut se demander pourquoi saint Pierre, qui était pêcheur avant sa conversion, retourna à la pêche après sa conversion. Puisque la Vérité dit : « Quiconque ayant mis la main à la charrue, regarde en arrière, n’est pas propre au royaume de Dieu »; pourquoi revint-il à ce qu’il avait abandonné ? Mais si l’on fait avec soin la distinction des circonstances, on voit bien vite que ce ne fut pas un péché de reprendre, après sa conversion, un métier qu’il avait exercé sans péché avant sa conversion.

2e leçon

Car Pierre était pêcheur ; quant à Matthieu, nous savons qu’il était receveur d’impôts ; et Pierre retourna à la pêche après sa conversion, tandis que Matthieu ne reprit pas le soin de son bureau : autre chose, en effet, est de chercher sa nourriture par la pêche, autre chose de travailler à augmenter sa fortune par le gain que procure la réception des impôts. Il y a bien des métiers qu’il est difficile, sinon impossible, d’exercer sans péché. Il ne faut pas revenir après sa conversion à des occupations qui entraînent au péché.

3e leçon

On peut se demander aussi pourquoi le Seigneur, après sa résurrection, se tint sur le rivage tandis que ses disciples travaillaient sur mer, lui qui, avant sa résurrection, marcha sur les flots en présence de ses disciples. La raison de ce fait se découvre bien vite si l’on en pèse l’intime signification. Que figure cette mer, sinon le siècle présent, où les vicissitudes et les agitations de cette vie corruptible ressemblent à des flots qui sans cesse s’entrechoquent et se brisent ? Que représente la terre ferme du rivage, sinon la perpétuité du repos éternel ? Parce que les disciples se trouvaient encore parmi les flots de cette vie mortelle, ils travaillaient sur mer. Et comme notre Rédempteur avait dépouillé la corruptibilité de la chair, il se tenait, après sa résurrection, sur le rivage.

Le nom de la Pâque signifie en hébreu passage, et nous avons exposé hier comment ce grand jour est d’abord devenu sacré, à cause du Passage du Seigneur ; mais le terme hébraïque n’épuise pas là toute sa signification. Les anciens Pères, d’accord avec les docteurs juifs, nous enseignent que la Pâque est aussi pour le peuple de Dieu le Passage de l’Égypte dans la terre promise. En effet, ces trois grands faits s’unissent dans une même nuit : le festin religieux de l’agneau, l’extermination des premiers-nés des Égyptiens, et la sortie d’Égypte. Aujourd’hui reconnaissons une nouvelle figure de notre Pâque dans ce troisième fait qui continue le développement du mystère.

Le moment où Israël sort de l’Égypte pour s’avancer vers la terre qui est pour lui la patrie prédestinée, est le plus solennel de son histoire ; mais ce départ et toutes les circonstances qui l’accompagnent forment un ensemble de figures qui ne se dévoile et ne s’épanouit que dans la Pâque chrétienne. Le peuple élu se retire du milieu d’un peuple idolâtre et oppresseur du faible ; dans notre Pâque, nous avons vu ceux qui sont maintenant nos néophytes sortir courageusement de l’empire de Satan qui les tenait captifs, et renoncer solennellement à cet orgueilleux Pharaon, à ses pompes et à ses œuvres.

Sur la route qui conduit à la terre promise, Israël a rencontré l’eau ; et il lui a fallu traverser cet élément, tant pour se soustraire à la poursuite de l’armée de Pharaon, que pour pénétrer dans l’heureuse patrie où coulent le lait et le miel. Nos néophytes, après avoir renoncé au tyran qui les tenait asservis, se sont trouvés aussi en face de l’eau ; et ils ne pouvaient non plus échapper à la rage de leurs ennemis qu’en traversant cet élément protecteur, ni pénétrer dans la région de leurs espérances qu’après avoir mis derrière eux les flots comme un rempart inexpugnable. Par la divine bonté, l’eau, qui arrête toujours la course de l’homme, devint pour Israël un allié secourable, et elle reçut ordre de suspendre ses lois et de servir à la délivrance du peuple de Dieu. De même aussi la fontaine sacrée, devenue l’auxiliaire de la divine grâce, comme l’Église nous l’a enseigné dans la solennité de l’Épiphanie, a été le refuge, le sûr asile de nos heureux transfuges, qui dans ses ondes n’ont plus eu à craindre les droits que Satan revendiquait sur eux.

Debout et tranquille sur l’autre rive, Israël contemple les cadavres flottants de Pharaon et de ses guerriers, les chariots et les boucliers devenus le jouet des vagues. Sortis de la fontaine baptismale, nos néophytes ont plongé leur regard sur cette eau purifiante, et ils y ont vu leurs péchés, ennemis plus redoutables que Pharaon et son peuple, submergés pour jamais. Alors Israël s’est avancé joyeux vers cette terre bénie que Dieu a résolu de lui donner en héritage. Sur la route, il entendra la voix du Seigneur qui lui donnera lui-même sa loi ; il se désaltérera aux eaux pures et rafraîchissantes qui couleront du rocher à travers les sables du désert, et il recueillera pour se nourrir la manne que le ciel lui enverra chaque jour. De même, nos néophytes vont marcher d’un pas libre vers la patrie céleste qui est leur Terre promise. Le désert de ce monde qu’ils ont à traverser sera pour eux sans ennuis et sans périls ; car le divin Législateur les instruira lui-même de sa loi, non plus au bruit du tonnerre et à la lueur des éclairs, comme il fit pour Israël, mais cœur à cœur et d’une voix douce et compatissante, comme celle qui ravit les deux disciples sur le chemin d’Emmaüs. Les eaux jaillissantes ne leur manqueront pas non plus ; il y a quelques semaines, nous entendions le Maître, parlant à la Samaritaine, promettre qu’il ouvrirait une source vive à ceux qui l’adoreraient en esprit et en vérité. Enfin une manne céleste, bien supérieure à celle d’Israël, car elle assure l’immortalité à ceux qui s en nourrissent, sera leur aliment délectable et fortifiant.

C’est donc ici encore notre Pâque, le Passage à travers l’eau dans la Terre promise ; mais avec une réalité et une vérité que l’ancien Israël, sous ses grandes figures, n’a pas connue. Fêtons donc notre Passage de la mort originelle à la vie de la grâce par le saint Baptême ; et si l’anniversaire de notre régénération n’est pas aujourd’hui même, ne laissons pas pour cela de célébrer cette heureuse migration que nous avons faite de l’Égypte du monde dans l’Église chrétienne ; ratifions avec joie et reconnaissance notre renoncement solennel à Satan, à ses pompes et à ses œuvres, en échange duquel la bonté de Dieu nous a octroyé de tels bienfaits.

L’Apôtre des Gentils nous révèle un autre mystère de l’eau baptismale qui complète celui-ci, et vient se fondre pareillement dans le mystère de la Pâque. Il nous enseigne que dans cette eau nous avons disparu comme le Christ dans son sépulcre, étant morts et ensevelis avec lui. C’était notre vie d’hommes pécheurs qui prenait fin ; pour vivre à Dieu, il nous fallait mourir au péché. En contemplant les fonts sacrés sur lesquels nous avons été régénérés, pensons qu’ils sont le tombeau où nous avons laissé le vieil homme qui n’en doit plus remonter. Le baptême par immersion, qui fut longtemps en usage dans nos contrées, et qui s’administre encore en tant de lieux, était l’image sensible de cet ensevelissement ; le néophyte disparaissait complètement sous l’eau ; il paraissait mort à sa vie antérieure, comme le Christ à sa vie mortelle. Mais de même que le Rédempteur n’est pas demeuré dans le tombeau, et qu’il est ressuscité à une vie nouvelle ; de même aussi, selon la doctrine de l’Apôtre, les baptisés ressuscitent avec lui, au moment où ils sortent de l’eau, ayant les arrhes de l’immortalité et de la gloire, étant les membres vivants et véritables de ce Chef qui n’a plus rien de commun avec la mort. Et c’est encore ici la Pâque, c’est-à-dire le Passage de la mort à la vie.

A Rome, la Station est dans la Basilique de Saint-Laurent-hors-les-Murs. C’est le principal des nombreux sanctuaires que la ville sainte a consacrés à la mémoire de son plus illustre Martyr, dont le corps repose sous l’autel principal. Les néophytes étaient conduits en ce jour près de la tombe de ce généreux athlète du Christ, afin d’y puiser un sincère courage dans la confession de la foi et une invincible fidélité à leur baptême. Durant des siècles entiers, la réception du baptême fut un engagement au martyre ; en tout temps, elle est un enrôlement dans la milice du Christ, que nul ne peut déserter sans encourir la peine des traîtres.

 

 

 

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Mardi de Pâques

11 Avril 2023 , Rédigé par Ludovicus

Mardi de Pâques

Collecte

O Dieu, qui agrandissez sans cesse votre Église par une nouvelle génération : accordez à vos serviteurs de garder dans leur vie le sacrement qu’il ont reçu par la foi.

Épitre Ac. 13, 16 et 26-33

En ces jours-là, Paul se levant, faisant le silence d’un signe de la main, dit : Mes Frères, fils de la race d’Abraham et ceux d’entre vous qui craignent Dieu, c’est à vous que cette parole de salut a été envoyée. Car les habitants de Jérusalem et leurs chefs, ayant méconnu Jésus, ont accompli sans le savoir les paroles des prophètes qu’on lit chaque sabbat en le condamnant ; et n’ayant trouvé en lui aucune cause de mort, ils ont demandé à Pilate de le faire périr. Et quand ils eurent accompli tout ce qui est écrit de lui, ils le descendirent du bois et le déposèrent dans un sépulcre. Mais Dieu l’a ressuscité d’entre les morts le troisième jour ; et il a été vu pendant bon nombre de jours par ceux qui étaient montés avec lui de la Galilée à Jérusalem, et qui maintenant sont ses témoins auprès du peuple. Et nous vous annonçons que la promesse faite à nos pères a été accomplie : car Dieu l’a accomplie pour nos fils, en ressuscitant Jésus-Christ, Notre-Seigneur.

Évangile Lc. 24, 36-47

En ce temps-là : Jésus se tint au milieu de ses disciples et leur dit : "La paix soit avec vous ! C’est moi, n’ayez pas peur". Mais saisis de stupeur et d’effroi, ils croyaient voir un esprit. Et il leur dit : " Pourquoi êtes-vous troublés, et pourquoi des pensées s’élèvent-elles dans vos cœurs ? Voyez mes mains et mes pieds ; c’est bien moi. Touchez-moi et voyez : car un esprit n’a ni chair ni os, comme vous voyez que j’en ai.". Et ce disant, il leur montra ses mains et ses pieds. Comme ils ne croyaient pas encore et qu’ils étaient dans l’étonnement à cause de leur joie, il leur dit : "Avez-vous ici quelque chose à manger ?" Ils lui présentèrent un morceau de poisson grillé et un gâteau de miel. Et après qu’il eut mangé devant eux, prenant les restes, il les leur donna. Puis il leur dit : "Telles sont bien les paroles que je vous ai dites quand j’étais encore avec vous : il faut que s’accomplisse tout ce qui est écrit de moi dans la Loi de Moïse, les Prophètes et les Psaumes." Alors il leur ouvrit l’intelligence pour comprendre des Écritures ; et il leur dit : "Ainsi il est écrit que le Christ devait souffrir et ressusciter des morts le troisième jour, et que le repentir pour la rémission des péchés doit être prêché en son nom à toutes les nations.

Office

1ère leçon

Homélie de saint Ambroise, Évêque.

Il faut admirer comment une nature corporelle s’est insinuée au travers d’un corps impénétrable, restant invisible à son entrée, visible cependant aux regards ; facile à toucher, difficile à comprendre. En définitive, les disciples tout troublés croyaient voir un esprit. C’est pourquoi le Seigneur, afin de nous donner une preuve évidente de sa résurrection : « Palpez, dit-il, et voyez, parce qu’un esprit n’a ni chair ni os, comme vous me voyez en avoir. » Ce n’est donc pas par sa nature incorporelle, mais par sa nature telle que l’avait faite sa résurrection, qu’il pénétra en des lieux clos, dont aucune entrée n’avait été laissée libre. Car ce que l’on touche est corps, ce que l’on palpe est corps.

2e leçon

Or nous ressusciterons dans nos corps. Car on met en terre le corps animal, comme une semence, il en sort un corps spirituel : celui-ci plus subtil ; celui-là plus lourd, vu qu’il est encore appesanti par la condition même de l’infirmité terrestre. En effet, comment ne serait-ce pas un corps, ce dans quoi demeuraient les marques des blessures, les vestiges des cicatrices que le Seigneur présenta à palper ? En cela il n’affermit pas seulement la foi, il excite encore la dévotion, parce qu’il a préféré porter au ciel les blessures reçues pour nous, et n’a pas voulu en supprimer les traces, afin de montrer à Dieu son Père le prix de notre liberté. C’est en cet état que le Père le place à sa droite, embrassant en lui le trophée de notre salut : c’est là et dans le même état, que la couronne méritée par ses cicatrices nous a montré les Martyrs.

3e leçon

Et puisque notre discours nous y amène, considérons pourquoi, selon saint Jean, les Apôtres ont cru et se sont réjouis ; pourquoi, selon saint Luc, ils sont repris comme incrédules ; comment il est dit là qu’ils ont reçu le Saint-Esprit, et ici qu’ils ont l’ordre de rester dans la cité jusqu’à ce qu’ils soient revêtus de la force d’en haut. Or, il me semble que saint Jean, en sa qualité d’Apôtre, a touché à des choses plus grandes et plus profondes ; que saint Luc a touché à des événements qui s’enchaînent, plus en rapport avec les faits humains ; celui-ci se servant du circuit de l’histoire, celui-là d’un précis ; car on ne peut douter de saint Jean qui apporte son témoignage, « et son témoignage est véridique » ; et d’autre part, il est juste d’écarter tout soupçon de négligence ou de mensonge de saint Luc aussi, qui a mérité d’être Évangéliste. C’est pourquoi nous considérons les deux récits comme vrais, ne différant l’un de l’autre ni par la variété des opinions, ni par la diversité des personnes. Bien que d’abord saint Luc dise que les Apôtres n’ont pas cru, il montre cependant plus loin qu’ils ont cru ; si nous considérons ses premières paroles, elles sont contraires au récit de saint Jean ; si nous considérons les suivantes, il est certain qu’elles sont d’accord avec ce récit.

L’Agneau est notre Pâque ; nous l’avons reconnu hier ; mais le mystère de la Pâque est loin d’être épuisé. Voici d’autres merveilles qui réclament notre attention. Le livre sacré nous dit : « La Pâque, c’est le passage du Seigneur » ; et le Seigneur, parlant lui-même, ajoute : « Je passerai cette nuit-là par la terre d’Égypte ; je frapperai tous les premiers-nés dans l’Égypte, depuis l’homme jusqu’à la bête ; et j’exercerai mon jugement sur tous les dieux de l’Égypte, moi le Seigneur. » La Pâque est donc un jour de justice, un jour terrible pour les ennemis du Seigneur ; mais il est en même temps et par là même le jour de la délivrance pour Israël. L’Agneau vient d’être immolé ; mais son immolation est le prélude de l’affranchissement du peuple saint.

Israël est soumis à la plus affreuse captivité sous Pharaon. Un odieux esclavage pèse sur lui ; ses enfants mâles sont dévoués à la mort ; c’en est fait de la race d’Abraham, sur laquelle reposent les promesses du salut universel ; il est temps que le Seigneur intervienne ; il est temps qu’il se montre, le Lion de la tribu de Juda, à qui rien ne saurait résister.

Mais Israël représente ici un peuple plus nombreux que lui. C’est le genre humain tout entier qui gémit captif sous la tyrannie de Satan, le plus cruel des Pharaons. Sa servitude est montée au comble ; courbé sous les plus abominables superstitions, il prodigue à la matière ses ignobles adorations. Dieu est chassé de la terre, où tout est devenu dieu, excepté Dieu ; le gouffre béant de l’enfer engloutit les générations presque entières. Dieu aura-t-il donc travaillé contre lui-même, en créant le genre humain ? Non ; mais il est temps que le Seigneur passe, et qu’il fasse sentir la force de son bras.

Le vrai Israël, l’Homme véritable descendu du ciel, est captif à son tour. Ses ennemis ont prévalu contre lui ; et sa dépouille sanglante et inanimée a été enfermée dans le tombeau. Les meurtriers du Juste ont été jusqu’à sceller la pierre de son sépulcre ; ils y ont établi une garde. N’est-il pas temps que le Seigneur passe, et qu’il confonde ses ennemis par la rapidité victorieuse de son passage ?

Et d’abord, au sein de la profane Égypte, chaque famille israélite ayant immolé et mangé l’agneau pascal, lorsque le milieu de la nuit fut venu, le Seigneur, selon sa promesse, passa comme un vengeur redoutable à travers toute cette nation au cœur endurci. L’ange exterminateur le suivait, et frappa de son glaive tous les premiers-nés de ce vaste empire, « depuis le premier-né de Pharaon qui s’asseyait sur le trône, jusqu’au premier-né de la captive qui était en prison, et jusqu’au premier-né de tous les animaux. » Un cri de douleur retentit de toutes parts dans Mesraïm ; mais le Seigneur est juste, et son peuple fut délivré.

La même victoire s’est renouvelée en ces jours, lorsque le Seigneur, à l’heure où les ténèbres luttaient encore avec les premiers rayons du soleil, a passé, à travers la pierre scellée du tombeau, à travers les gardes, frappant à mort le peuple premier-né, qui n’avait pas voulu « connaître le temps de sa visite ». La synagogue avait hérité de la dureté de cœur de Pharaon ; elle voulait retenir captif celui dont le prophète avait dit qu’il serait « libre entre les morts ». A ce coup, les cris d’une rage impuissante se sont fait entendre dans les conseils de Jérusalem ; mais le Seigneur est juste, et Jésus s’est délivré lui-même.

Et le genre humain que Satan foulait aux pieds, combien a été heureux pour lui le passage du Seigneur ! Ce généreux triomphateur n’a pas voulu sortir seul de sa prison : il nous avait tous adoptés pour ses frères, et nous a tous ramenés à la lumière avec lui. Tous les premiers-nés de Satan sont abattus du coup, toute la force de l’enfer est brisée. Encore un peu de temps, et les autels des faux dieux seront renversés de toutes parts ; encore un peu de temps, et l’homme, régénéré par la prédication évangélique, reconnaîtra son créateur et abjurera les infâmes idoles. Car « c’est aujourd’hui la Pâque, c’est-à-dire le Passage du Seigneur. »

Mais voyez l’alliance qui réunit dans une même Pâque le mystère de l’Agneau au mystère du Passage. Le Seigneur passe, et il commande à l’Ange exterminateur de frapper le premier-né dans toute maison dont le seuil ne porte pas l’empreinte du sang de l’Agneau. C’est ce sang protecteur qui détourne le glaive ; c’est à cause de lui que la divine justice passe à côté de nous et ne nous touche pas.

Pharaon et son peuple ne sont pas protégés par le sang de l’Agneau ; cependant ils ont vu de rares merveilles, ils ont éprouvé des châtiments inouïs ; ils ont pu voir que le Dieu d’Israël n’est pas sans force comme leurs dieux ; mais leur cœur est plus dur que la pierre, et les œuvres de Moïse pas plus que sa parole n’ont pu l’amollir. Le Seigneur les frappe donc, et délivre son peuple.

L’ingrat Israël s’obstine à son tour ; et, passionné pour ses ombres grossières, il ne veut pas d’autre Agneau que l’agneau matériel. En vain ses Prophètes lui ont annoncé qu’un « Agneau roi du monde viendra du désert à la montagne de Sion ». Israël ne consent pas à voir son Messie dans cet Agneau ; il l’égorge avec haine et fureur ; et il continue de mettre toute sa confiance dans le sang grossier d’une victime impuissante à le protéger désormais. Qu’il sera terrible le Passage du Seigneur dans Jérusalem, lorsque l’épée romaine le suivra, exterminant à droite et à gauche un peuple tout entier !

Et les esprits de malice qui s’étaient joués de l’Agneau, qui l’avaient méprisé à cause de sa douceur et de son humilité, qui avaient rugi de leur joie infernale, en le voyant épuiser tout le sang de ses veines sur l’arbre de la croix, quelle déception pour leur orgueil de l’avoir vu, cet Agneau, descendre dans toute sa majesté de Lion jusqu’aux enfers, en arracher les justes de quatre mille ans, captifs sous les ombres ; ensuite, sur la terre, appeler toute créature vivante à la liberté des enfants de Dieu !]

Que votre Passage est dur à vos ennemis, ô Christ ! Mais qu’il est salutaire à vos fidèles ! Le premier Israël n’eut point à le redouter ; car il était protégé par le signe du sang figuratif qui marquait la porte de ses demeures. Notre sort est plus beau ; notre Agneau est l’Agneau de Dieu même ; et ce ne sont point nos portes qui sont marquées de son sang ; ce sont nos âmes qui en sont toutes teintes. Votre Prophète, expliquant plus clairement le mystère, annonça dans la suite que ceux-là seraient épargnés, au jour de votre juste vengeance sur Jérusalem, qui auraient au front la marque du Tau]. Israël n’a pas voulu comprendre. Le signe du Tau est le signe de votre Croix ; c’est lui qui nous couvre, qui nous protège, qui nous transporte de joie, dans cette Pâque de votre Passage, où tous vos coups sont pour nos ennemis et toutes vos bénédictions pour nous.

A Rome, la Station est aujourd’hui dans la Basilique de Saint-Paul. L’Église s’empresse de conduire aux pieds du Docteur des Gentils sa blanche armée de néophytes. Compagnon des travaux de Pierre dans Rome et associé à son martyre, Paul n’est pas le fondement de l’Église ; mais il est le prédicateur de l’Évangile aux nations. Il a ressenti les douleurs et les joies de l’enfantement, et ses fils ont été innombrables. Au fond de sa tombe sacrée, ses os tressaillent d’allégresse à l’approche de ses nouveaux enfants, avides d’entendre sa parole dans les immortelles Épîtres où il parle encore, et où il parlera jusqu’à la fin des siècles.

 

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Lundi de Pâques

10 Avril 2023 , Rédigé par Ludovicus

Lundi de Pâques

Collecte

O Dieu, qui avez apporté au monde dans la solennité pascale la guérison : nous vous en supplions, continuez de répandre votre don céleste sur votre peuple ; qu’il soit digne de jouir de la liberté parfaite et qu’il s’avance vers la vie éternelle.

Lecture Ac. 10, 37-43

En ces jours-là, Pierre debout au milieu du peuple dit : Mes frères, Vous savez ce qui s’est passé dans toute la Judée : Jésus de Nazareth, commençant par en Galilée, après le baptême que Jean a prêché ; comment Dieu l’a oint de l’Esprit-Saint et de puissance, lui qui a passé en faisant le bien et en guérissant tous ceux qui étaient sous le pouvoir du diable ; car Dieu était avec lui. Et nous, nous sommes témoins de tout ce qu’il a fait dans le pays des Juifs et à Jérusalem, lui qu’ils ont fait mourir en le pendant au bois. Dieu l’a ressuscité le troisième jour et lui a donné de se manifester, non à tout le peuple, mais à des témoins choisis d’avance par Dieu :à nous qui avons mangé et bu avec lui après sa résurrection d’entre les morts. Et il nous a commandé de prêcher au peuple et d’attester que c’est lui que Dieu a constitué juge des vivants et des morts. A lui tous les prophètes rendent ce témoignage, que quiconque croit en lui recevra, par son nom, la rémission de ses péchés."

Évangile Lc. 24, 13-35

En ce temps-là : ce même jour, deux des disciples de Jésus faisaient route vers un village du nom d’Emmaüs, distant de Jérusalem de soixante stades. Et ils conversaient entre eux de tout ce qui était arrivé. Et il advint, comme ils conversaient et discutaient ensemble : Jésus en personne s’approcha, et il faisait route avec eux ; mais leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître. ET il leurs dit : "Quels sont donc ces propos que vous échangez en marchant et qui vous font tristes ?". Et lui répondant, l’un d’eux, nommé Cléophas, lui dit : "Tu es bien le seul qui, de passage à Jérusalem, ne sache pas ce qui s’y est passé ces jours-ci !". Il leur dit : "Quoi ?". Et ils lui dirent : "Ce qui concerne Jésus de Nazareth, qui fut un prophète puissant en œuvres et en parole devant Dieu et tout le peuple ; et comment nos grands prêtres et nos chefs l’ont livré pour être condamné à mort et l’ont crucifié. Quant à nous, nous espérions que ce serait lui qui rachèterait Israël ; mais, en plus de tout cela, on est au troisième jour depuis que cela s’est passé. Mais quelques femmes, des nôtres, nous ont jetés dans la stupeur : étant allées de grand matin au sépulcre, et n’ayant pas trouvé son corps, elles sont venues dire même qu’elles avaient vu une apparition d’anges qui disaient qu’il est vivant. Quelques-uns des nôtres sont allés au tombeau et ont trouvé les choses tout comme les femmes avaient dit ; mais lui, ils ne l’ont pas vu !". Et lui leur dit : "O cœurs sans intelligence, lents à croire à tout ce qu’ont annoncé les Prophètes ! Ne fallait-il pas que le Christ souffrit cela pour entrer dans sa gloire ?". Et commençant par Moïse et par tous les prophètes, il leur interpréta, dans toutes les Écritures, ce qui le concernait. Ils approchèrent du bourg où ils se rendaient, et lui feignit de se rendre plus loin. Mais ils le forcèrent, disant : "Reste avec nous, car on est au soir et déjà le jour est sur son déclin." Et il entra avec eux. Et il advint, comme il était à table avec eux, qu’il prit le pain, le bénit et le rompit et le leur donna. Alors leurs yeux s’ouvrirent, et ils le reconnurent ; et il disparut de leur vue. Et ils se dirent l’un à l’autre : "Est-ce que notre cœur n’était pas brûlant en nous, lorsqu’il nous parlait sur le chemin, tandis qu’il nous dévoilait les Écritures ?" Sur l’heure même, ils partirent et retournèrent à Jérusalem ; et ils trouvèrent réunis les Onze et leurs compagnons, qui disaient : "Réellement le Seigneur est ressuscité, et il est apparu à Simon." Et eux de raconter ce qui s’était passé.

Secrète

Recevez, nous vous en supplions, Seigneur, les prières de votre peuple avec l’oblation de ce sacrifice : qu’inauguré par les mystères de Pâques, il nous serve par votre action de remède pour l’éternité.

Office

1ère leçon

Homélie de saint Grégoire, Pape

Vous venez d’entendre, mes très chers frères, que le Seigneur apparut à deux disciples qui, à la vérité, ne croyaient pas encore en lui, mais qui cependant parlaient de lui en marchant le long du chemin. Toutefois il ne leur montra pas ses traits, qu’ils auraient reconnus. Il voulut paraître extérieurement à leurs yeux corporels, tel qu’il était intérieurement aux yeux de leur cœur. Au fond de leur cœur ces disciples l’aimaient, mais ils doutaient ; or le Seigneur se trouvait extérieurement auprès d’eux, mais il ne leur montrait pas qui il était. Il leur accorda donc le bienfait de sa présence, parce qu’ils s’entretenaient de lui ; mais leur foi restant hésitante, il leur cacha ses traits qui l’eussent fait reconnaître.

2e leçon

Il s’entretint avec eux, leur reprocha d’être si lents à comprendre, leur découvrit le sens mystérieux des passages de la sainte Écriture qui le concernaient, mais néanmoins, comme il était encore un étranger dans leur cœur sous le rapport de la foi, il feignit d’aller plus loin. Nous employons le mot feindre (fingere) dans le sens de composer, donner une forme, d’où vient que nous appelons figuli ceux qui façonnent l’argile. Jésus-Christ, qui est la vérité simple, ne fit donc rien avec duplicité ; mais il se montra aux yeux de leur corps, tel qu’il était dans leur âme. Il fallait éprouver ces disciples, pour voir si, ne l’aimant pas comme leur Dieu, ils pourraient l’aimer sous la figure d’un étranger.

3e leçon

Mais, comme ceux que la Vérité même accompagnait dans leur marche ne pouvaient pas être éloignés de la charité, ils lui offrirent l’hospitalité comme à un voyageur. Pourquoi disons-nous qu’ils la lui offrirent puisqu’il est écrit qu’ils le pressèrent ? On peut conclure de cet exemple qu’il faut non seulement inviter les étrangers à recevoir l’hospitalité, mais encore y mettre de l’insistance. Les deux disciples dressent donc la table, ils offrent à Jésus du pain ainsi que d’autres aliments, et le Dieu qu’ils n’avaient pas reconnu lorsqu’il leur expliquait la sainte Écriture, ils le reconnaissent à la fraction du pain. Ce n’est donc pas en écoutant les préceptes divins qu’ils reçoivent la lumière, c’est en les pratiquant ; car il est écrit : « Ce ne sont pas ceux qui écoutent la loi qui sont justes devant Dieu ; mais ce sont les observateurs de la loi qui seront justifiés. » Quiconque veut avoir l’intelligence de ce qu’il entend, doit se hâter de mettre en pratique ce qu’il a pu entendre déjà. Vous voyez que le Seigneur n’a pas été reconnu quand il parlait, et qu’il a daigné se faire connaître lorsqu’on lui a servi à manger.

Dom Guéranger, l’Année Liturgique

ÉPÎTRE.

Saint Pierre adressa ce discours au centurion Corneille, et aux parents et amis de ce gentil, qui les avait rassemblés au tour de lui pour recevoir l’Apôtre que Dieu lui envoyait. Il s’agissait de disposer tout cet auditoire à recevoir le Baptême et à devenir les prémices de la gentilité ; car jusque-là l’Évangile n’avait été annoncé qu’aux Juifs. Remarquons que c’est saint Pierre, et non un autre Apôtre, qui nous ouvre aujourd’hui, à nous gentils, les portes de l’Église que le Fils de Dieu a établie sur lui comme sur le roc inébranlable. Voilà pourquoi ce passage du livre des Actes des Apôtres se lit aujourd’hui, dans la Basilique de Saint-Pierre, près de sa glorieuse Confession, et en présence des néophytes qui sont autant de conquêtes de la foi sur les derniers sectateurs de l’idolâtrie païenne Observons ensuite la méthode qu’emploie l’Apôtre pour inculquer à Corneille et aux autres gentils la vérité du christianisme. Il commence par leur parler de Jésus-Christ ; il rappelle les prodiges qui ont accompagné sa mission ; puis ayant raconté sa mort ignominieuse sur la croix, il montre le fait de la Résurrection de l’Homme-Dieu comme la plus haute garantie de la vérité de son divin caractère. Vient ensuite la mission des Apôtres qu’il faut accepter, ainsi que leur témoignage si solennel et si désintéressé, puisqu’il ne leur a valu que des persécutions. Celui-là donc qui confesse le Fils de Dieu revêtu de la chair, passant en ce monde en faisant le bien, opérant toutes sortes de prodiges, mourant sur la croix, ressuscité du tombeau, et confiant aux hommes qu’il a choisis la mission de continuer sur la terre le ministère qu’il y a commencé ; celui qui confesse toute cette doctrine est prêt à recevoir, dans le saint Baptême, la rémission de ses péchés ; tel fut l’heureux sort de Corneille et de ses compagnons ; tel a été celui de nos néophytes.

ÉVANGILE.

Contemplons ces trois pèlerins qui conversent sur la route d’Emmaüs, et joignons-les par le cœur et par la pensée. Deux d’entre eux sont des hommes fragiles comme nous, qui tremblent devant la tribulation, que la croix a déconcertés, à qui il faut de la gloire et des prospérités, pour qu’ils puissent continuer à croire, « O insensés et cœurs tardifs, » leur dit le troisième voyageur ; « vous ne saviez donc pas qu’il fallait que le Christ souffrît, et qu’il n’entrât dans sa gloire que par cette voie ? » Jusqu’ici, nous avons trop ressemblé à ces deux hommes ; le Juif s’est montré en nous plus que le chrétien ; et c’est pour cela que l’amour des choses terrestres qui nous entraînait nous a rendus insensibles à l’attrait céleste, et par là même exposés au péché. Nous ne pouvons plus désormais penser ainsi. Les splendeurs de la Résurrection de notre Maître nous montrent assez vivement quel est le but de la tribulation, lorsque Dieu nous l’envoie. Quelles que soient nos épreuves, il n’y a pas d’apparence que nous soyons cloués à un gibet, ni crucifiés entre deux scélérats. Le Fils de Dieu a éprouvé ce sort ; et voyez aujourd’hui si les supplices du Vendredi ont arrêté l’essor qu’il devait prendre le Dimanche vers sa royauté immortelle. Sa gloire n’est-elle pas d’autant plus éclatante que son humiliation avait été plus profonde ?

Ne tremblons donc plus tant à la vue du sacrifice ; pensons à la félicité éternelle qui le paiera. Jésus, que les deux disciples ne reconnaissaient pas, n’a eu qu’à leur faire entendre sa voix, qu’à déduire devant eux les plans de la sagesse et de la bonté divines, et le jour se faisait à mesure dans leurs esprits. Que dis-je ? Leur cœur s’échauffait et brûlait dans leur poitrine, en l’entendant discourir à propos de la croix qui conduit à la gloire ; et si déjà ils ne l’avaient pas découvert, c’est qu’il retenait leurs yeux, afin qu’ils ne le reconnussent pas. De même en sera-t-il pour nous, si nous laissons, comme eux, parler Jésus. Nous comprendrons alors que « le disciple n’est pas au-dessus du maître » ; et en voyant l’éclat immortel dont ce Maître resplendit aujourd’hui , nous nous sentirons inclinés à dire aussi à notre tour : « Non, les souffrances de ce monde passager n’ont rien de comparable avec la gloire qui doit plus tard se manifester en nous. ».

En ces jours où les efforts du chrétien pour sa régénération sont payés par l’honneur de s’asseoir, avec la robe nuptiale, à la table du festin du Christ, nous ne manquerons pas de remarquer que ce fut au moment de la fraction du pain que les yeux des deux disciples s’ouvrirent, et qu’ils reconnurent leur maître. La nourriture céleste, dont toute la vertu procède de la parole du Christ, donne la lumière aux âmes ; et elles voient alors ce qu’elles ne voyaient pas avant de s’en être nourries. Il en sera ainsi de nous, par l’effet merveilleux du divin sacrement de la Pâque ; mais considérons ce que nous dit à ce sujet le pieux auteur de l’Imitation : « Ceux-là connaissent véritablement le Seigneur au moment de la fraction du pain, dont le cœur était ardent lorsque Jésus cheminait avec eux sur la route. ».

Livrons-nous donc à notre divin ressuscité ; désormais nous sommes à lui plus que jamais, non plus seulement en vertu de sa mort pour nous, mais à cause de sa résurrection, qui est aussi pour nous. Devenons semblables aux disciples d’Emmaüs, fidèles comme eux, joyeux comme eux, empressés, à leur exemple, de montrer dans nos œuvres cette nouveauté de vie que nous recommande l’Apôtre, et qui seule convient à ceux que le Christ a aimés jusqu’à ne vouloir ressusciter qu’avec eux.

La sainte Église a placé en ce jour ce passage de l’Évangile préférablement à tout autre, à raison de la Station qui se tient dans la Basilique de Saint-Pierre. Saint Luc y raconte, en effet, que les deux disciples trouvèrent les Apôtres déjà instruits de la résurrection de leur Maître ; « car, disaient-ils, il a apparu à Simon. » Nous avons parle hier de cette faveur faite au prince des Apôtres, et que l’Église romaine proclame avec tant de raison aujourd’hui.

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Dimanche de Pâques

9 Avril 2023 , Rédigé par Ludovicus

Dimanche de Pâques

Introït

Je suis ressuscité, et je suis encore avec Vous, Alléluia : Vous avez posé votre main sur moi, alléluia ; Votre sagesse a fait des merveilles, alléluia, alléluia. Seigneur, Vous m’avez éprouvé et vous me connaissez : vous avez été témoin de ma mort et de ma résurrection.

Collecte

O Dieu, qui avez en ce jour, par la victoire de votre Fils unique sur la mort, ouvert pour nous l’entrée de l’éternité : secondez de votre secours les vœux que vous nous inspirez, en nous prévenant au moyen de votre grâce.

Épitre 1. Cor. 5, 7-81. Cor. 5, 7-8

Mes Frères : purifiez-vous du vieux levain, afin que vous soyez une pâte nouvelle, comme vous êtes des pains sans levain. Car le Christ, notre Pâque, a été immolé. Célébrons donc la fête, non avec du vieux levain, ni avec un levain de malice et de méchanceté, mais avec les pains de levains de la sincérité et de la vérité.

Évangile Mc. 16, 1-7

En ce temps-là : Marie-Madeleine, Marie, mère de Jacques, et Salomé achetèrent des aromates pour aller oindre Jésus. Et de grand matin, le premier jour de la semaine, elles vont à la tombe, le soleil s’étant déjà levé. Elles se disaient entre elles : "Qui nous roulera la pierre de l’entrée du sépulcre ?" Et ayant levé les yeux, elles virent que la pierre avait été roulée : or elle était fort grande. Entrant dans le sépulcre, elles virent un jeune homme assis à droite, vêtu d’une robe blanche, et elles furent saisies de frayeur. Mais il leur dit : "Ne vous effrayez pas. Vous cherchez Jésus de Nazareth, le crucifié : il est ressuscité, il n’est pas ici. Voici le lieu où on l’avait mis. Mais allez dire à ses disciples et à Pierre, qu’il vous précède en Galilée : là que vous le verrez, comme il vous l’a dit."

Secrète

Recevez, nous vous en supplions, Seigneur, les prières de votre peuple avec l’oblation de ce sacrifice : qu’inauguré par les mystères de Pâques, il nous serve par votre action de remède pour l’éternité.

Office

1ère leçon

Homélie de saint Grégoire, Pape

Vous venez d’entendre lire, mes très chers frères, que les saintes femmes qui avaient suivi le Seigneur, vinrent au tombeau avec des parfums, ayant ainsi, dans leur zèle plein d’humanité, des égards, même après sa mort, pour celui qu’elles avaient aimé vivant. Or, l’action qu’elles accomplirent nous signale quelque chose qui doit se pratiquer dans la sainte Église. Il est donc nécessaire d’écouter le récit de ce qu’elles ont fait, afin de méditer sur ce que nous avons à faire à leur imitation. Nous aussi qui croyons en celui qui est mort, nous viendrons véritablement avec des parfums à son tombeau, si, embaumés de l’odeur des vertus, nous cherchons le Seigneur avec la recommandation des bonnes œuvres. Ces femmes qui voient les Anges, ce sont celles qui sont venues avec des aromates, car les âmes qui voient les habitants de la cité céleste, ce sont celles qui se dirigent vers le Seigneur par de saints désirs et avec le parfum des vertus.

2e leçon

Il faut remarquer de plus pourquoi l’Ange fut aperçu assis à droite. Que signifie la gauche, sinon la vie présente ? Que désigne la droite, sinon la vie éternelle ? De là vient qu’il est écrit dans le Cantique des cantiques : « Sa main gauche est sous ma tête et sa main droite m’embrassera. » Comme notre Rédempteur avait déjà dépassé la vie présente qui est corruptible, c’est avec raison que l’Ange ayant mission d’annoncer son entrée dans la vie éternelle, se montrait assis à droite. Il apparut couvert d’une robe blanche, parce qu’il venait proclamer la joie de notre grande fête. La blancheur de son vêtement exprime en effet la splendeur de notre solennité. L’appellerons-nous nôtre ou sienne ? Disons mieux : cette solennité est sienne et elle est nôtre. Car si la résurrection de notre Rédempteur a été notre bonheur, en ce qu’elle nous a ramenés à l’immortalité ; elle a fait aussi la joie des Anges, puisque, en nous rappelant au Ciel, elle complète leur nombre.

3e leçon

Dans cette fête dont l’allégresse est commune et à lui et à nous, l’Ange apparut donc avec des vêtements blancs, parce que la résurrection du Seigneur, en nous rouvrant l’entrée du Ciel, réparait les pertes éprouvées par la patrie céleste. Mais écoutons ce que l’Ange dit aux femmes qui arrivent au sépulcre. « Ne craignez point. » C’est comme s’il leur disait ouvertement : Qu’ils craignent, ceux qui n’aiment pas l’arrivée des habitants du Ciel ; qu’ils soient effrayés ceux qui, tout, appesantis par les désirs charnels, désespèrent de pouvoir parvenir à jouir de la société de ces esprits bienheureux. Mais pourquoi craindre, vous qui, dans les Anges, reconnaissez déjà vos concitoyens ? C’est pour cela que saint Matthieu, décrivant aussi l’arrivée de l’Ange, nous dit : « Son visage était comme un éclair, et son vêtement comme la neige. » L’éclair, il est vrai, inspire la terreur ; mais la blancheur de la neige suggère de douces pensées.

ÉPÎTRE.

Dieu avait ordonné aux Israélites de manger l’Agneau pascal avec du pain azyme, c’est-à-dire sans levain ; leur enseignant, sous ce symbole, qu’ils devaient, avant de prendre ce repas mystérieux, renoncer à la vie passée, dont les imperfections étaient figurées par le levain. Nous chrétiens, qui sommes entraînés par le Christ vers cette vie nouvelle dont il nous a ouvert la voie en ressuscitant le premier, il nous faut désormais ne plus tendre qu’à des œuvres pures, à des actions saintes, azyme destiné à accompagner notre divin Agneau pascal, qui devient notre nourriture aujourd’hui.

Le Graduel est formé de ces joyeuses paroles que l’Église a extraites du Psaume CXVII, et qu’elle répète à toutes les heures du jour en cette solennité de la Pâque. Aujourd’hui, l’allégresse est un devoir pour tout chrétien ; tout nous y engage, et le triomphe de notre bien-aimé Rédempteur, et les grands biens qu’il a conquis pour nous. La tristesse aujourd’hui serait une protestation coupable contre les bienfaits dont Dieu a daigné nous combler en son Fils, qui non seulement a daigné mourir pour nous, mais encore a voulu pour nous ressusciter.

Le verset Alléluiatique nous donne un des motifs de la joie qui doit nous faire tressaillir aujourd’hui. Un festin est dressé pour nous ; l’Agneau est prêt ; cet Agneau est Jésus immolé, et désormais vivant : immolé, afin que nous soyons rachetés dans son sang ; vivant, pour nous communiquer l’immortalité qu’il a conquise.

Pour accroître la joie des fidèles, la sainte Église ajoute à ses chants ordinaires une œuvre lyrique dans laquelle respire le plus vif enthousiasme envers le Rédempteur sortant du tombeau. Cette composition a reçu le nom de Séquence, parce qu’elle est comme une suite et un prolongement du chant de l’ Alléluia.

ÉVANGILE.

La sainte Église emprunte aujourd’hui à saint Marc, de préférence à tout autre Évangéliste, le récit de la Résurrection. Saint Marc fut disciple de saint Pierre ; il écrivit son Évangile à Rome, sous les yeux du Prince des Apôtres. Il est convenable que, dans une telle solennité, on entende, en quelque sorte, la voix de celui que le divin ressuscité a proclamé la Pierre fondamentale de son Église, et le Pasteur suprême des brebis et des agneaux.

« Il est ressuscité ; il n’est plus ici » : un mort que des mains pieuses avaient étendu là, sur cette table de pierre, dans cette grotte ; il s’est levé, et tout à coup, sans même déranger la pierre qui fermait l’entrée, il s’est élancé dans une vie qui ne doit plus finir. Personne ne lui a porté secours ; nul prophète, nul envoyé de Dieu ne s’est penché sur le cadavre pour le rappeler à la vie. C’est lui-même qui, par sa propre vertu, s’est ressuscité. Pour lui la mort n’a pas été une nécessité ; il l’a subie, parce qu’il l’a voulu ; il l’a brisée, quand il l’a voulu. O Jésus qui vous jouez de la mort, vous êtes le Seigneur notre Dieu ! Nous fléchissons le genou devant ce sépulcre vide, que votre séjour de quelques heures a rendu sacré pour jamais. « Voici le lieu où ils vous avaient mis. » Voici les linceuls, les bandelettes, qui n’ont pu vous retenir, et qui attestent votre passage volontaire sous le joug de la mort.

L’Ange dit encore aux femmes : « Vous cherchez Jésus de Nazareth qui a été crucifié. » Souvenir plein de larmes ! Avant-hier, on apporta ici sa dépouille meurtrie, déchirée, sanglante. Cette grotte dont la pierre a été arrachée violemment par la main de l’Ange, et que cet Esprit céleste illumine d’une éblouissante clarté, couvrit de son ombre sépulcrale la plus éplorée des mères ; elle retentissait des sanglots de Jean et des deux disciples, des lamentations de Madeleine et de ses compagnes. Le soleil disparaissait à l’horizon, et le premier jour de la sépulture de Jésus allait commencer. Mais le Prophète avait prédit : « Au soir régneront les pleurs ; mais au matin éclatera l’allégresse. » Nous sommes à cet heureux matin ; et notre joie est grande, ô Rédempteur, de voir que ce même tombeau où nous vous accompagnâmes avec une douleur sincère n’est plus que le trophée de votre victoire. Elles sont donc guéries, ces plaies sacrées que nous baisions avec amour, en nous reprochant de les avoir causées. Vous vivez plus glorieux que jamais, immortel ; et parce que nous avons voulu mourir à nos péchés, pendant que vous mouriez pour les expier, vous voulez que nous vivions avec vous éternellement, que votre victoire soit la nôtre, que la mort, pour nous comme pour vous, ne soit qu’un passage, cl qu’elle nous rende un jour intact et radieux ce corps que la tombe ne recevra plus désormais que comme un dépôt. Gloire soit donc à vous, honneur et amour, ô Fils éternel de Dieu, qui avez daigné non seulement mourir, mais encore ressusciter pour nous ! L’Offertoire reproduit les paroles dans lesquelles David annonce le tremblement de terre qui signala l’instant de la résurrection de l’Homme-Dieu. Ce globe a été témoin des plus sublimes manifestations de la puissance et de la bonté de Dieu ; et le souverain maître a voulu plus d’une fois qu’il s’associât, par des mouvements en dehors des lois communes, aux scènes divines dont il était le théâtre.

Le peuple saint tout entier va s’asseoir au banquet pascal ; l’Agneau divin convie tous les fidèles à se nourrir de sa chair ; l’autel est tout chargé des hosties qu’ils ont présentées ; la sainte Église, dans la Secrète, implore pour ces heureux convives les grâces qui leur assureront l’immortalité bienheureuse dont ils vont recevoir le gage.

A la Messe papale, au moyen âge, pendant que le Pontife récitait cette oraison secrète, les deux plus jeunes Cardinaux-diacres se détachaient de leurs collègues, et, couverts de leurs dalmatiques blanches, venaient se placer chacun à l’une des extrémités de l’autel, la face tournée vers le peuple. Ils représentaient les deux Anges qui gardaient le tombeau du Sauveur, et qui apparurent aux saintes femmes et leur annoncèrent la résurrection de leur maître. Ces deux diacres demeuraient à cette place en silence, jusqu’au moment où le Pontife quittait l’autel à l’Agnus Dei, pour remonter à son trône, sur lequel il devait accomplir la sainte communion.

On observait encore un autre usage non moins touchant, à Sainte-Marie-Majeure. Lorsque le Pape, après la fraction de l’hostie, adressait à l’assistance le souhait de la paix par les paroles accoutumées : Pax Domini sit semper vobiscum, le chœur ne répondait pas, comme aux jours ordinaires : Et cum spiritu tuo. La tradition racontait que, dans cette même solennité et dans cette même Basilique, saint Grégoire le Grand célébrant un jour le divin sacrifice, et ayant prononcé ces mêmes paroles qui font descendre l’Esprit de paix sur l’assemblée sainte, un chœur d’Anges lui répondit avec une si suave mélodie, que les voix de la terre se turent, n’osant s’unir au concert céleste. L’année suivante, on attendit, sans oser répondre au Pontife, que les voix angéliques se fissent entendre de nouveau ; cette attente dura plusieurs siècles ; mais le prodige que Dieu avait fait une fois pour son serviteur Grégoire ne se renouvela pas. Enfin le moment où la foule des fidèles va participer au divin banquet est arrivé. L’antique Église des Gaules faisait retentir alors un appel sublime, qu’elle adressait à toute cette multitude désireuse du pain de vie. Cette Antienne lyrique se conserva dans nos cathédrales, après même l’introduction de la Liturgie romaine par Pépin et Charlemagne ; et elle n’a succombé totalement que par suite des innovations du siècle dernier. Le chant qui l’accompagnait respire la majesté des mystères : nous plaçons ici les paroles, comme pouvant aider les fidèles à s’approcher avec plus de respect de cette table sacrée où le divin Agneau pascal est au moment de se donner à eux.

 

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Une rénovation destructive

9 Avril 2023 , Rédigé par Ludovicus

Une rénovation destructive

UNE VIGILE PASCALE QUASI IDENTIQUE A LA CELEBRATION MODERNISTE

La bénédiction du cierge pascal est déplacée à l’extérieur de l’Église, avec un cierge qui doit donc être porté durant toute la cérémonie par le Diacre.

Avec la réforme opérée, tous les chandeliers de la Chrétienté, prévus spécialement pour le cierge pascal, et dont certains dataient des aubes du Christianisme, sont rendus inutilisables le jour du Samedi Saint. Sous le prétexte de retourner aux origines, les chefs-d’œuvre liturgiques de l’Antiquité sont transformés en inutiles pièces de musée. De plus, le nombre ternaire des invocations « Lumen Christi » perd tout son sens liturgique.

[Semaine Sainte traditionnelle] : A l’extérieur, on bénissait le feu nouveau et les grains d’encens, mais non le cierge. Le feu était communiqué au Roseau (arundo), une sorte de manche muni de trois cierges à son sommet, lesquels étaient allumés progressivement au cours de la procession, à chaque invocation « Lumen Christi », d’où le nombre de trois invocations. Avec l’un de ces cierges, on allumait ensuite le cierge pascal, qui demeurait depuis le début de la cérémonie posé sur le chandelier pascal (dans de nombreuses églises paléochrétiennes la hauteur du chandelier avait déterminé la construction d’un ambon de même hauteur afin de pouvoir atteindre le cierge). Le feu (lumière de la Résurrection) était donc porté par le « Roseau » à trois flammes (la Sainte Trinité) jusqu’au grand cierge pascal (le Christ ressuscité), afin de symboliser que la Résurrection est opérée par la Sainte-Trinité.

On décide que le cierge pascal doit être placé au centre du chœur, au terme de la procession avec le cierge, dans une église illuminée progressivement au fur-et-à-mesure des trois invocations : à chaque « Lumen Christi », on génuflecte vers le cierge, et à la troisième invocation, toute l’Église est illuminée.

Une fois inventée la procession avec le cierge, on décide de placer ce dernier au centre du chœur, où il devient donc le point de référence de la prière, comme il l’était déjà devenu durant la procession. Il devient ainsi plus important que la Croix : il s’agit là d’une étrange nouveauté qui modifie l’orientation de la prière à phases intermittentes.

[Semaine Sainte traditionnelle] : Le cierge, au début de la cérémonie, est éteint, sur le chandelier placé le plus souvent côté évangile. Le Diacre et le Sous-diacre s’y rende avec le « Roseau » pour l’allumer durant le chant de l’Exultet. Il en résulte que les seuls cierges allumés à partir du feu béni – lumière de la Résurrection sont ceux du « Roseau », jusqu’au chant de l’Exultet.


Destruction du symbolisme de l’Exultet et de sa nature de bénédiction diaconale.

Certains réformateurs auraient voulu purement éliminer cette cérémonie, mais l’amour porté depuis toujours au chant de l’Exultet fit que d’autres s’opposèrent à la modification du texte : « La Commission, étant donné que les passages qui pourraient être éliminés sont peu nombreux, et d’importance réduite, pense qu’il est plus opportun de conserver le texte traditionnel ». Le résultat fut l’énième confusion résultant de l’association entre un chant traditionnel et un rite totalement altéré. Il s’ensuit ainsi que l’un des moments les plus significatifs de l’année liturgique devient une pièce de théâtre d’une désarmante incohérence. En effet, les actions dont parle celui qui chante l’Exultet ont déjà été accomplies environ une demi-heure plus tôt, à la porte de l’Église : on chante l’insertion des grains d’encens, « suscipe Pater incensi huius sacrificium vespertinum », alors qu’ils sont déjà fixés au cierge depuis un certain temps ; on magnifie l’illumination du cierge avec la lumière de la Résurrection, « sediam columnae huius praeconia novimus quam in honorem Dei rutilans ignis accendit », alors que le cierge est allumé depuis longtemps, et la cire coule déjà abondamment. Il n’y a donc plus aucune logique. Le symbolisme de la lumière est lui-aussi totalement détruit lorsqu’on chante triomphalement l’ordre d’allumer toutes les lumières, symbole de la Résurrection, « alitur enim liquantibus ceris, quas in substantiam pretiosae huis lampadis apis mater eduxit », mais dans une église qui est déjà toute illuminée par les cierges allumés au feu nouveau. Le symbolisme réformé est incompréhensible simplement parce qu’il n’est plus symbolique, puisque les paroles prononcées n’ont plus aucun rapport avec la réalité du rite. Le chant de la prière pascale constituait en outre, unie aux gestes qui l’accompagnaient, la bénédiction diaconale par excellence ; après la réforme, le cierge a été béni avec de l’eau à l’extérieur de l’église, mais on maintient pourtant une partie de l’antique bénédiction, à cause de sa grande beauté esthétique. Malheureusement, en agissant ainsi, la liturgie est réduite à une pièce de théâtre.

[Semaine Sainte traditionnelle] : Le chant de l’Exultet commence devant le cierge éteint ; les grains d’encens y sont figés lorsque le chant parle de l’encens ; le cierge est allumé par le Diacre, et les lumières de l’Église sont allumées au moment où le chant fait référence à ces actions. Ce sont ces actions unies au chant qui constituent la bénédiction.


Introduction de l’incroyable pratique de diviser les litanies en deux parties, pour insérer au milieu la bénédiction de l’eau baptismale.

Un tel choix est tout simplement extravagant et incohérent : jamais on n’avait vu séparer en deux parties une prière impétratoire. L’introduction des rites baptismaux au milieu est d’une incohérence encore plus grande.

[Semaine Sainte traditionnelle] : Une fois accomplie la bénédiction des fonts baptismaux, on chante les litanies, qui précèdent la Messe.


L’eau baptismale est bénie dans une bassine au milieu du chœur, le célébrant faisant face aux fidèles, et tournant donc le dos à l’autel.

En substance, on décide de substituer aux fonts baptismaux une vulgaire casserole qu’on installe au centre du chœur : ce choix est dicté, encore une fois, par l’obsession que tous les rites soient accomplis par « les ministres sacrés tournés vers le peuple », mais dos à Dieu. Les fidèles doivent dans cette logique devenir « les véritables acteurs de la célébration […]. La Commission a accueilli les aspirations fondées du peuple de Dieu […] l’Église était ouverte à des ferments de rénovation ». Ces choix, fondés sur un populisme pastoral que le peuple n’avait jamais réclamé, aboutiront à la destruction de tout le sens de l’architecture sacrée, depuis les origines jusqu’à aujourd’hui. Autrefois les fonts baptismaux étaient hors de l’église ou, durant les époques successives, à l’intérieur des murs de l’édifice, mais aux alentours de la porte d’entrée, puisque selon la théologie catholique le baptême est la porte, «ianua sacramentorum». Il est le sacrement qui rend membre de l’Église celui qui est encore en-dehors d’elle ; il est le sacrement qui permet réellement l’accès dans l’Église, et il était donc figuré comme tel par les dispositions et les gestes liturgiques. Le catéchumène reçoit le caractère qui le fait membre de l’Église, et c’est pour cette raison qu’il doit être accueilli à l’entrée, purifié par l’eau baptismale, et ayant acquis par elle le droit d’accéder à la nef, en tant que nouveau membre de l’Église, en tant que fidèle. Mais comme fidèle, il accède seulement à la nef, et pas au chœur, puisque celui-ci est réservé au clergé, à savoir les membres de l’Église qui ont reçu le sacerdoce ministériel ou qui sont en relation avec lui. Cette répartition traditionnelle était fondée sur la distinction entre le sacerdoce qu’on appelle «commun» des baptisés et le sacerdoce ministériel, distinction qui est «essentielle» et non pas simplement une distinction d’espèces : ce sont deux choses diverses, et non pas deux degrés distincts d’une même essence. Mais les changements apportés, non seulement font accéder ici des fidèles au chœur (comme ils l’avaient déjà fait pour le Jeudi Saint), mais même des non-baptisés. Celui qui est encore la «proie du démon» parce qu’il a le péché originel est considéré de la même façon que celui qui a reçu l’ordination sacrée, et il accède au chœur en étant encore catéchumène : le symbolisme traditionnel est purement et simplement massacré.

[Semaine Sainte traditionnelle] : La bénédiction de l’eau baptismale se fait aux fonts baptismaux, en dehors ou au fond de l’église. Les éventuels catéchumènes sont accueillis à l’entrée de l’église, reçoivent le baptême, et peuvent ensuite seulement accéder à la nef, mais ils n’entrent pas dans le chœur, comme il est logique, ni avant, ni après le baptême.


Altération du symbolisme du chant du Sicut cervus tiré du psaume 41.

Après avoir inventé un baptistère dans le chœur, on se trouve face à un problème pratique : il faut rapporter quelque part l’eau utilisée. On invente donc une cérémonie pour porter l’eau aux fonts, après l’avoir bénie devant les fidèles, et surtout après avoir administré un éventuel baptême. La translation de l’eau baptismale s’accomplit en chantant le Sicut cervus, à savoir la partie du psaume 41 qui fait référence à la soif du cerf, soif déchaînée par la morsure du serpent, et qui ne s’éteint qu’un buvant l’eau salutaire. Mais ici, on ne tient pas compte du fait que le cerf était assoiffé de l’eau baptismale, après la morsure du serpent infernal : le baptême ayant déjà été conféré, le cerf n’a plus soif puisque, en figure, il a déjà bu ! Le symbolisme est donc non seulement modifié, mais presque inversé.

[Semaine Sainte traditionnelle] : A la fin du chant des prophéties ; le célébrant se dirige vers les fonts baptismaux pour procéder à la bénédiction de l’eau et au baptême des éventuels catéchumènes. Pendant ce temps, on chante le Sicut cervus, qui précède donc en toute logique le baptême.


Invention ex nihilo de la « rénovation des promesses du baptême »

On procède ici, d’une certaine façon, « à l’aveugle », avec des créations pastorales qui n’ont pas de véritable fondement dans l’histoire de la liturgie. Dans le sillage de l’idée selon laquelle les sacrements doivent revivre dans les consciences, on introduit donc un renouvellement des promesses du baptême, qui devient une sorte de « prise de conscience » du sacrement reçu dans le passé. Une tendance comparable avait déjà surgi dans les années vingt du siècle passé : en polémique voilée contre les décisions de saint Pie X permettant la communion des enfants dès l’âge de raison, était apparue l’étrange pratique de la « communion solennelle» ou «profession de foi» : l’adolescent, vers treize ans, devait «refaire sa première communion, dans une sorte de prise de conscience du sacrement qu’il recevait depuis plusieurs années déjà. Cette pratique, même si elle ne remet pas en cause la doctrine catholique de l’« ex opere operato », accentue cependant dans le sacrement son aspect subjectif, aux dépens de son aspect objectif. Et elle a abouti, avec le temps, à l’obscurcissement et à la perte de sens du sacrement de confirmation. Un processus analogue se rencontrera en 1969, avec l’introduction le Jeudi Saint de la cérémonie du « renouvellement des promesses sacerdotales». Avec une telle pratique, on introduit un lien entre l’ordre sacramentel et l’ordre sentimentalo-émotionnel, entre efficacité du sacrement et prise de conscience, phénomène qui n’a pas une grande place dans la tradition. Le terrain de ces innovations, qui n’ont aucun fondement ni dans l’Écriture, ni dans la pratique de l’Église, semble être une faible conviction en l’efficacité des sacrements. Même si ce n’est pas en soi une innovation ouvertement erronée, elle semble toutefois tendre dangereusement vers des théories d’origine luthérienne, lesquelles, excluant le rôle de l’ «ex opere operato», tiennent que les rites sacramentaux servent davantage à «réveiller la foi» qu’à conférer la grâce. Reste d’autre part difficile à comprendre le véritable but visé par cette réforme : d’une part, on fait de grandes coupes dans les célébrations pour en réduire la longueur, et d’autre part, on y ajoute d’ennuyeux passages, qui appesantissent outre mesure la cérémonie.

[Semaine Sainte traditionnelle] : Il n’y a pas de rénovation des promesses baptismales, de même qu’il n’y en a jamais eu sous cette forme dans l’histoire de la liturgie, ni en Orient ni en Occident.

Invention d’une admonition durant le renouvellement des promesses baptismale, qui peut être récitée aussi en langue vulgaire.

Les accents de cette admonition moralisante trahissent terriblement l’époque de sa rédaction (le milieu des années cinquante), et elle apparaît aujourd’hui déjà désuète, en plus d’être passablement ennuyeuse. Les réformateurs introduisent de plus ici le mode typiquement aliturgique de se tourner vers les fidèles durant le rite, qui est une sorte d’hybride entre l’homélie et la célébration, et qui aura tant de succès dans les années suivantes.

[Semaine Sainte traditionnelle] : Inexistant.


Introduction du Pater récité par tous, et éventuellement en langue vulgaire.
Le Notre Père est précédé d’une exhortation aux accents sentimentaux.

[Semaine Sainte traditionnelle] : Inexistant.


Reprise, sans aucun sens liturgique, de la seconde partie des litanies, qui avaient été interrompues en plein milieu avant la bénédiction de l’eau baptismale.

On avait commencé à prier à genoux, pour le début des litanies avant la bénédiction de l’eau, et puis avaient suivi un grand nombre de cérémonies et de déplacements dans le chœur, jusqu’aux réjouissances pour un événement comme la bénédiction de l’eau baptismale et pour un éventuel baptême ; mais après tout cela, on reprend la même prière litanique et impétratoire qui avait été interrompue une demi-heure plus tôt, au point précis où on l’avait laissée suspendue (difficile de savoir si les fidèles, eux, se souviennent de l’endroit où ils l’ont interrompue) : innovation incohérente et incompréhensible.

[Semaine Sainte traditionelle] : Les litanies, récitées intégralement sans interruption, se chantent après la bénédiction des fonts baptismaux, avant la Messe.


Suppression des prières au bas de l’autel, du psaume Judica me (Ps. 42) et du Confiteor au début de la Messe.

On décide que la Messe doit commencer en omettant la récitation du Confiteor et du psaume pénitentiel. Le psaume 42, qui rappelle l’indignité du prêtre qui va accéder à l’autel, n’est certes pas apprécié par les réformateurs, sans doute parce qu’il se récite en bas des marches, avant de pouvoir monter vers l’autel : lorsque la logique liturgique sous-jacente est celle de l’autel vu comme «ara crucis», comme lieu sacré et terrible où est rendue présente la Passion rédemptrice du Christ, on comprend aisément le sens d’une prière qui rappelle l’indignité de quiconque prétend gravir ces marches pour y accéder. La disparition du psaume 42, qui sera éliminé dans les années suivantes de toutes les Messes, semble au contraire vouloir préparer les esprits à une nouvelle ritualité de l’autel, qui symbolise désormais bien plus une table commune que le Calvaire, et qui par conséquent ne réclame plus ni la crainte sacrée ni le sens de sa propre indignité que le prêtre confessait dans le psaume 42.

[Semaine Sainte traditionnelle] : La Messe commence avec les prières au bas de l’autel, avec le psaume 42, « Judica me Deus » et le Confiteor.


Dans le même décret, tous les rites de la Vigile de la Pentecôte sont éliminés, exception faite de la Messe.

Cette abolition hâtive a tout l’air d’avoir été ajoutée au dernier moment. La Pentecôte prévoyait depuis toujours une Vigile semblable dans ses rites à celle de Pâques. Mais la réforme de la Semaine Sainte, qui n’avait pas moyen de modifier celle de la Pentecôte, ne pouvait pas non plus laisser subsister côte à côte deux rites qui, en l’espace de cinquante jours, se seraient déroulés l’un dans la forme réformée, l’autre dans la forme traditionnelle. Dans la précipitation, on décide donc de supprimer ce qu’on n’avait pas eu le temps de réformer, et le couperet s’abat sur la Vigile de la Pentecôte. Il résultat d’une telle improvisation qu’on ne prit pas le temps d’harmoniser les textes de la Messe qui suivait traditionnellement les rites de la Vigile avec cette suppression, au point que certaines phrases prononcées par le célébrant, durant le canon, deviennent totalement incongrues. Car ce canon de la Pentecôte prévoyait que la Messe fût précédée des rites baptismaux, rites supprimés par la réforme de 1955 ; le célébrant parle donc maintenant, durant le Hanc igitur propre à cette Messe, du rite baptismal de la Vigile, qu’il s’agisse de la bénédiction des fonts ou de la collation du sacrement : « pro his quoque, quos regenerare dignatus es ex aqua, et Spiritu Sancto, tribuens eis remissionem peccatorum »- mais de ce rite, il ne reste aujourd’hui plus aucune trace. La Commission, dans sa hâte de supprimer, ne s’en était peut-être pas même rendu compte.

[Semaine Sainte traditionnelle] : La Vigile de la Pentecôte possède ses rites de caractère baptismal, auxquels fait référence l’Hanc igitur de la Messe qui suit.


CONCLUSION
En conclusion, comme nous l’avons déjà affirmé, les changements ne se sont pas limités à des questions d’horaires, qui auraient pu légitimement modifiés de façon sensée, pour le bien des fidèles. Mais ils ont bouleversé les rites séculaires de la Semaine Sainte. Depuis le Dimanche des Rameaux, on a inventé une ritualité tournée vers le peuple, et dos à la croix et au Christ sur l’autel ; le Jeudi Saint, on fait accéder des laïcs au chœur ; le Vendredi, on réduit les honneurs dus au Saint-Sacrement et on altère la vénération de la croix ; le Samedi, non seulement on laisse libre cours à la fantaisie réformatrice des experts, mais on démolit le symbolisme relatif au péché originel et au baptême comme porte d’accès à l’Église. A une époque qui dit vouloir redécouvrir la Sainte Écriture, on ampute les passages lus ces jours-ci, malgré leur importance, et on en retranche précisément les passages évangéliques relatifs à l’institution de l’Eucharistie dans les évangiles de saint Matthieu, de saint Luc et de saint Marc. Dans la tradition, chaque fois qu’on lisait en ces jours l’institution de l’Eucharistie, elle était mise en rapport avec le récit de la Passion, dans le but d’indiquer à quel point la dernière Cène était l’anticipation de la mort sur la croix le lendemain, et signifier ainsi la nature sacrificielle de la dernière Cène. Trois jours étaient consacrés à la lecture de ces passages : le Dimanche des Rameaux, le Mardi et le Mercredi Saint ; grâce aux réformateurs, l’institution de l’Eucharistie disparaît totalement du cycle liturgique annuel !

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Samedi Saint

8 Avril 2023 , Rédigé par Ludovicus

Samedi Saint

Collecte

Ô Dieu, qui illuminez cette très sainte nuit de la gloire de la résurrection du Seigneur, conservez dans les nouveaux enfants de votre famille l’esprit d’adoption que vous leur avez donné ; afin que, renouvelés de corps et d’esprit, ils vous servent dans l’innocence.

Épitre Col. 3, 1-4

Mes frères, si vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez les choses qui sont en haut, où le Christ est assis à la droite de Dieu ; ayez du goût pour les choses d’en haut, non pour celles qui sont sur la terre. Car vous êtes morts, et votre vie est cachée avec le Christ en Dieu. Lorsque le Christ, votre vie, apparaîtra, alors vous apparaîtrez vous aussi avec lui dans la gloire.

Évangile Mt. 28, 1-7

Le sabbat passé, lorsque le premier jour de la semaine commençait à luire, Marie-Madeleine et l’autre Marie vinrent pour voir le sépulcre. Et voici qu’il se fit un grand tremblement de terre ; car un ange du Seigneur descendit du ciel, et s’approchant, il renversa la pierre et s’assit dessus. Son visage était comme l’éclair, et son vêtement comme la neige. A cause de lui les gardes furent atterrés d’effroi, et devinrent comme morts Mais l’ange, prenant la parole, dit aux femmes : Ne craignez point, vous ; car je sais que vous cherchez Jésus qui a été crucifié. Il n’est point ici : car il est ressuscité, comme il l’avait dit. Venez, et voyez le lieu où le Seigneur avait été mis. Et hâtez-vous d’aller dire à ses disciples qu’il est ressuscité, et voici qu’il vous précède en Galilée ; c’est là que vous le verrez. Voici, je vous l’ai prédit.

Secrète

Agréez, nous vous en supplions. Seigneur, les prières de votre peuple avec l’oblation de ces hosties, en sorte qu’empreintes de l’esprit du mystère pascal, elles nous servent, grâce à votre action, de remède pour l’éternité.

 

 

 

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Feria VI in Parasceve

7 Avril 2023 , Rédigé par Ludovicus

Feria VI in Parasceve

Lecture Os 6, 1-6

Voici ce que dit le Seigneur : Dans leur affliction, ils se lèveront de grand matin pour venir à moi : Venez, et retournons au Seigneur ; car il nous a fait captifs, et il nous délivrera ; il a blessé, et il nous guérira. Il nous rendra la vie après deux jours ; le troisième jour il nous ressuscitera, et nous vivrons en sa présence. Nous saurons, et nous suivrons le Seigneur, afin de le connaître. Son lever sera semblable à l’aurore, et il descendra sur nous comme les pluies de l’automne et du printemps sur la terre. Que te ferai-je, Ephraïm ? Que te ferai-je Juda ? Votre miséricorde est comme la nuée matinale, et comme la rosée qui se dissipe le matin. C’est pourquoi je les ai frappés par les prophètes, je les ai tués par les paroles de ma bouche, et tes jugements éclateront comme la lumière. Car je veux la miséricorde et non le sacrifice, et la connaissance de Dieu plutôt que des holocaustes.

Oraison

O Dieu, qui avez puni la perfidie de Judas et récompensé la confession du larron, faites-nous ressentir l’effet de votre miséricorde, afin que Notre Seigneur Jésus-Christ, qui, dans sa Passion, les a traités tous deux selon leur mérite, détruise en nous les traces du vieil homme et nous accorde la grâce de sa résurrection.

Leçon Ex 12, 1-11

En ces jours-là : Le Seigneur dit à Moïse et à Aaron sur la terre d’Égypte : Ce mois-ci sera pour vous le commencement des mois ; ce sera le premier des mois de l’année. Parlez à toute l’assemblée des enfants d’Israël, et dites-leur : Qu’au dixième jour de ce mois, chacun prenne un agneau pour sa famille et pour sa maison. Que s’il n’y a pas dans la maison assez de personnes pour pouvoir manger l’agneau, il en prendra de chez son voisin dont la maison tient à la sienne, autant qu’il en faut pour pouvoir manger l’agneau. Cet agneau sera sans tache ; ce sera un mâle, et il n’aura qu’un an. Vous pourrez prendre un chevreau qui ait ces mêmes conditions. Vous le garderez jusqu’au quatorzième jour de ce mois, et toute la multitude des enfants d’Israël l’immolera au soir. Ils prendront de son sang, et ils en mettront sur l’un et l’autre poteau et sur le haut des portes des maisons où ils le mangeront. Et cette même nuit ils en mangeront la chair rôtie au feu, et des pains sans levain avec des laitues sauvages. Vous n’en mangerez rien qui soit cru ou qui ait été cuit dans l’eau, mais il sera rôti au feu. Vous en mangerez la tête avec les pieds et les intestins. Et il n’en demeurera rien jusqu’au matin. S’il en reste quelque chose, vous le brûlerez au feu. Voici comment vous le mangerez : Vous vous ceindrez les reins, vous aurez aux pieds des sandales et un bâton à la main, et vous mangerez à la hâte ; car c’est la Pâque (c’est-à-dire le passage) du Seigneur.

Passion selon saint Jean Jn. 18, 1-40 ; 19, 1-42

En ce temps-là : Jésus se rendit, accompagné de ses disciples, au-delà du torrent de Cédron, où il y avait un jardin, dans lequel il entra, lui et ses disciples. .Judas, qui le trahissait, connaissait aussi ce lieu, parce que Jésus y était souvent allé avec ses disciples. .Ayant donc pris la cohorte et des satellites fournis par les Pontifes et les Pharisiens, Judas y vint avec des lanternes, des torches et des armes. .Alors Jésus, sachant tout ce qui devait lui arriver, s’avança et leur dit : "Qui cherchez-vous ?" .Ils lui répondirent : "Jésus de Nazareth." Il leur dit : "C’est moi." Or, Judas, qui le trahissait, était là avec eux. .Lors donc que Jésus leur eut dit : "C’est moi," ils reculèrent et tombèrent par terre. .Il leur demanda encore une fois : "Qui cherchez-vous ?" Et ils dirent : "Jésus de Nazareth." .Jésus répondit : "Je vous l’ai dit, c’est moi. Si donc c’est moi que vous cherchez, laissez aller ceux-ci." .Il dit cela afin que fût accomplie la parole qu’il avait dite : "Je n’ai perdu aucun de ceux que vous m’avez donnés." .Alors, Simon-Pierre, qui avait une épée, la tira, et, frappant le serviteur du grand prêtre, il lui coupa l’oreille droite : ce serviteur s’appelait Malchus. .Mais Jésus dit à Pierre : "Remets ton épée dans le fourreau. Ne boirai-je donc pas le calice que mon Père m’a donné ?" .Alors la cohorte, le tribun et les satellites des Juifs se saisirent de Jésus et le lièrent. .Ils l’emmenèrent d’abord chez Anne parce qu’il était beau-père de Caïphe, lequel était grand-prêtre cette année-là. .Or, Caïphe était celui qui avait donné ce conseil aux Juifs : "Il est avantageux qu’un seul homme meure pour le peuple." .Cependant Simon-Pierre suivait Jésus avec un autre disciple. Ce disciple, étant connu du grand-prêtre, entra avec Jésus dans la cour du grand-prêtre, .Mais Pierre était resté près de la porte, en dehors. L’autre disciple, qui était connu du grand-prêtre sortit donc, parla à la portière, et fit entrer Pierre. .Cette servante, qui gardait la porte, dit à Pierre : "N’es-tu pas, toi aussi, des disciples de cet homme ?" Il dit : "Je n’en suis point." .Les serviteurs et les satellites étaient rangés autour d’un brasier, parce qu’il faisait froid, et ils se chauffaient. Pierre se tenait aussi avec eux, et se chauffait. .Le grand-prêtre interrogea Jésus sur ses disciples et sur sa doctrine. .Jésus lui répondit : "J’ai parlé ouvertement au monde ; j’ai toujours enseigné dans la synagogue et dans le temple, où tous les Juifs s’assemblent, et je n’ai rien dit en secret. .Pourquoi m’interroges-tu ? Demande à ceux qui m’ont entendu, ce que je leur ai dit ; eux ils savent ce que j’ai enseigné." .A ces mots, un des satellites qui se trouvait là, donna un soufflet à Jésus, en disant : "Est-ce ainsi que tu réponds au grand-prêtre ?" .Jésus lui répondit : "Si j’ai mal parlé, fais voir ce que j’ai dit de mal ; mais si j’ai bien parlé, pourquoi me frappes-tu ?" .Anne avait envoyé Jésus lié à Caïphe, le grand-prêtre. .Or, Simon-Pierre était là, se chauffant. Ils lui dirent : "N’es-tu pas, toi aussi, de ses disciples ?" .Un des serviteurs du grand-prêtre, parent de celui à qui Pierre avait coupé l’oreille, lui dit : "Ne t’ai-je pas vu avec lui dans le jardin ?" .Pierre nia de nouveau et aussitôt le coq chanta. .Ils conduisirent Jésus de chez Caïphe au prétoire : c’était le matin. Mais ils n’entrèrent pas eux-mêmes dans le prétoire, pour ne pas se souiller et afin de pouvoir manger la Pâque. .Pilate sortit donc vers eux, et dit : "Quelle accusation portez-vous contre cet homme ?" .Ils lui répondirent : "Si ce n’était pas un malfaiteur, nous ne te l’aurions pas livré." .Pilate leur dit : "Prenez-le vous-mêmes, et jugez-le selon votre loi." Les Juifs lui répondirent : "Il ne nous est pas permis de mettre personne à mort." : .Afin que s’accomplît la parole que Jésus avait dite, lorsqu’il avait indiqué de quelle mort il devait mourir. .Pilate donc, étant rentré dans le prétoire, appela Jésus, et lui dit : "Es-tu le roi des Juifs ?" .Jésus répondit : "Dis-tu cela de toi-même, ou d’autres te l’ont-ils dit de moi ?" .Pilate répondit : "Est-ce que je suis Juif ? Ta nation et les chefs des prêtres t’ont livré à moi : qu’as-tu fait ?" .Jésus répondit : "Mon royaume n’est pas de ce monde ; si mon royaume était de ce monde, mes serviteurs auraient combattu pour que je ne fusse pas livré aux Juifs, mais maintenant mon royaume n’est point d’ici-bas." .Pilate lui dit : "Tu es donc roi ?" Jésus répondit : "Tu le dis, je suis roi. Je suis né et je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité : quiconque est de la vérité écoute ma voix." .Pilate lui dit : "Qu’est-ce que la vérité ?" Ayant dit cela, il sortit de nouveau pour aller vers les Juifs, et il leur dit : ."Pour moi, je ne trouve aucun crime en lui. Mais c’est la coutume qu’à la fête de Pâque je vous délivre quelqu’un. Voulez-vous que je vous délivre le roi des Juifs ?" .Alors tous crièrent de nouveau : "Non, pas lui, mais Barabbas." Or, Barabbas était un brigand. Alors Pilate prit Jésus et le fit flageller. .Et les soldats ayant tressé une couronne d’épines, la mirent sur sa tête, et le revêtirent d’un manteau de pourpre ; .Puis s’approchant de lui, ils disaient : "Salut, roi des Juifs !" et ils le souffletaient. .Pilate sortit encore une fois et dit aux Juifs : "Voici que je vous l’amène dehors, afin que vous sachiez que je ne trouve en lui aucun crime." .Jésus sortit donc, portant la couronne d’épines et le manteau d’écarlate, et Pilate leur dit : "Voici l’homme." .Lorsque les Princes des prêtres et les satellites le virent, ils s’écrièrent : "Crucifie-le, crucifie-le !" Pilate leur dit : "Prenez-le vous-mêmes, et crucifiez-le ; car pour moi, je ne trouve aucun crime en lui." .Les Juifs lui répondirent : "Nous avons une loi, et d’après notre loi, il doit mourir, parce qu’il s’est fait Fils de Dieu" .Ayant entendu ces paroles, Pilate fut encore plus effrayé. .Et rentrant dans le prétoire, il dit à Jésus : "D’où es-tu ?" Mais Jésus ne lui fit aucune réponse. .Pilate lui dit : "C’est à moi que tu ne parles pas ? Ignores-tu que j’ai le pouvoir de te délivrer et le pouvoir de te crucifier ?" .Jésus répondit : "Tu n’aurais sur moi aucun pouvoir, s’il ne t’avait pas été donné d’en haut. C’est pourquoi celui qui m’a livré à toi a un plus grand péché." .Dès ce moment, Pilate cherchait à le délivrer. Mais les Juifs criaient, disant : "Si tu le délivres, tu n’es point ami de César ; quiconque se fait roi, se déclare contre César." .Pilate, ayant entendu ces paroles, fit conduire Jésus dehors, et il s’assit sur son tribunal, au lieu appelé Lithostrotos, et en hébreu Gabbatha. .C’était la Préparation de la Pâque, et environ la sixième heure. Pilate dit aux Juifs : "Voici votre roi." .Mais ils se mirent à crier : "Qu’il meure ! Qu’il meure ! Crucifie-le." Pilate leur dit : "Crucifierai-je votre roi ?" les Princes des prêtres répondirent : "Nous n’avons de roi que César." .Alors il le leur livra pour être crucifié. .Et ils prirent Jésus et l’emmenèrent. Jésus, portant sa croix, arriva hors de la ville au lieu nommé Calvaire, en Hébreu Golgotha ; .C’est là qu’ils le crucifièrent, et deux autres avec lui, un de chaque côté, et Jésus au milieu. .Pilate fit aussi une inscription, et la fit mettre au haut de la croix ; Elle portait ces mots : "Jésus de Nazareth, le roi des Juifs." .Beaucoup de Juifs lurent cet écriteau, car le lieu où Jésus avait été crucifié était près de la ville, et l’inscription était en hébreu, en grec et en latin. .Or les princes des prêtres des Juifs dirent à Pilate : "Ne mets pas : Le roi des Juifs, mais que lui-même a dit : Je suis le roi des Juifs." .Pilate répondit : "Ce que j’ai écrit, je l’ai écrit." .Les soldats, après avoir crucifié Jésus, prirent ses vêtements, et ils en firent quatre parts, une pour chacun d’eux. Ils prirent aussi sa tunique : c’était une tunique sans couture, d’un seul tissu depuis le haut jusqu’en bas. .Ils se dirent donc entre eux : "Ne la déchirons pas, mais tirons au sort à qui elle sera." ; afin que s’accomplît cette parole de l’Écriture : "Ils se sont partagé mes vêtements, et ils ont tiré ma robe au sort." C’est ce que firent les soldats. .Près de la croix de Jésus se tenaient sa mère et la sœur de sa mère, Marie, femme de Clopas, et Marie-Madeleine. .Jésus ayant vu sa mère, et auprès d’elle le disciple qu’il aimait, dit à sa mère : "Femme, voilà votre fils." .Ensuite il dit au disciple : "Voilà votre mère." Et depuis cette heure-là, le disciple la prit chez lui. .Après cela, Jésus sachant que tout était maintenant consommé, afin que l’Écriture s’accomplît, dit : "J’ai soif." .Il y avait là un vase plein de vinaigre ; les soldats en remplirent une éponge, et l’ayant fixée au bout d’une tige d’hysope, ils l’approchèrent de sa bouche. .Quand Jésus eut pris le vinaigre, il dit : "Tout est consommé", et baissant la tête il rendit l’esprit(Ici, on se met à genoux et on fait une pause).Or, comme c’était la Préparation, de peur que les corps ne restassent sur la croix pendant le sabbat, car le jour de ce sabbat était très solennel, les Juifs demandèrent à Pilate qu’on rompît les jambes aux crucifiés et qu’on les détachât. .Les soldats vinrent donc, et ils rompirent les jambes du premier, puis de l’autre qui avait été crucifié avec lui. .Mais quand ils vinrent à Jésus, le voyant déjà mort, ils ne lui rompirent pas les jambes. .Mais un des soldats lui transperça le côté avec sa lance, et aussitôt il en sortit du sang et de l’eau. .Et celui qui l’a vu en rend témoignage, et son témoignage est vrai ; et il sait qu’il dit vrai, afin que vous aussi vous croyiez. .Car ces choses sont arrivées afin que l’Écriture fut accomplie : "Aucun de ses os ne sera rompu." .Et il est encore écrit ailleurs : "Ils regarderont celui qu’ils ont transpercé.".

Après cela, Joseph d’Arimathie, qui était disciple de Jésus, mais en secret par crainte des Juifs, demanda à Pilate d’enlever le corps de Jésus. Et Pilate le permit. Il vint donc, et prit le corps de Jésus. .Nicodème, qui était venu la première fois trouver Jésus de nuit, vint aussi, apportant un mélange de myrrhe et d’aloès, d’environ cent livres. .Ils prirent donc le corps de Jésus, et l’enveloppèrent dans des linges, avec les aromates, selon la manière d’ensevelir en usage chez les Juifs. .Or, au lieu où Jésus avait été crucifié, il y avait un jardin, et dans le jardin un sépulcre neuf, où personne n’avait encore été mis. .C’est là, à cause de la Préparation des Juifs, qu’ils déposèrent Jésus, parce que le sépulcre était proche.

Oraison

Dieu tout-puissant éternel, qui sauvez tous les hommes et qui ne voulez pas qu’aucun périsse, jetez les yeux sur les âmes qui ont été séduites par les artifices du démon, afin que, déposant la perversité hérétique, leurs cœurs égarés viennent à résipiscence et retournent à l’unité de votre vérité.

Prions

Dieu tout-puissant et éternel, qui, dans votre miséricorde, ne repoussez pas même l’incrédulité des Juifs, exaucez les prières que nous vous adressons au sujet de l’aveuglement de ce peuple, afin que, reconnaissant la lumière de votre vérité, qui est Jésus-Christ, ils soient enfin tirés de leurs ténèbres.

Prions

Prions enfin pour les païens, afin que le Dieu tout-puissant ôte l’iniquité de leurs cœurs et que, abandonnant leurs idoles, ils se convertissent au Dieu vivant et véritable et à son Fils unique, Jésus-Christ notre Dieu et notre Seigneur.

Prions

Dieu tout-puissant et éternel, qui ne voulez pas la mort, mais la vie des pécheurs, exaucez la prière que nous vous faisons en faveur des idolâtres ; délivrez-les du culte des idoles et donnez-leur place dans votre sainte Église pour l’honneur et la gloire de votre Nom.

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Jeudi saint en la Cène du Seigneur

6 Avril 2023 , Rédigé par Ludovicus

Jeudi saint en la Cène du Seigneur

Collecte

O Dieu, qui avez puni la perfidie de Judas et récompensé la confession du larron, faites-nous ressentir l’effet de votre miséricorde, afin que Notre Seigneur Jésus-Christ, qui, dans sa Passion, les a traités tous deux selon leur mérite, détruise en nous les traces du vieil homme et nous accorde la grâce de sa résurrection.

Épitre 1 Cor. 11, 20-32

Mes frères, lorsque vous vous assemblez comme vous faites, ce n’est plus manger le souper du Seigneur. Car chacun se hâte de prendre son repas à part. Et ainsi l’un n’a rien à manger tandis que l’autre fait des excès. N’avez-vous donc pas vos maisons pour y boire et pour y manger ? ou méprisez-vous l’Église de Dieu et voulez-vous faire honte à ceux qui n’ont rien ? Que vous dirai-je à ce sujet ? Faut-il vous louer ? Non, je ne vous en loue point. C’est du Seigneur même que j’ai appris ce que je vous ai enseigné à mon tour : à savoir, que le Seigneur Jésus, dans la nuit même où il fut livré, prit du pain et, ayant rendu grâces, le rompit et dit : Prenez et mangez, ceci est mon corps, qui sera livré pour vous ; faites ceci en mémoire de moi. Il prit de même le calice, après avoir soupe, et il dit : Ce calice est la nouvelle alliance en mon sang ; faites ceci en mémoire de moi, toutes les fois que vous le boirez. En effet, toutes les fois que vous mangerez de ce pain et que vous boirez de ce calice, vous annoncerez la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne. Or, quiconque mangera de ce pain ou boira le calice du Seigneur indignement sera coupable du corps et du sang du Seigneur. Que l’homme donc s’éprouve soi-même et qu’ainsi il mange de ce pain et boive de ce calice. Car celui qui le mange et le boit indignement, mange et boit sa propre condamnation, ne faisant pas le discernement qu’il doit du corps du Seigneur. C’est pour cela que parmi vous beaucoup sont débiles et languissants et que plusieurs sont morts. Si nous nous examinions nous-mêmes, nous ne serions pas jugés de Dieu. Mais le Seigneur nous juge et nous châtie, afin que nous ne soyons pas condamnés avec ce monde.

Évangile Jn. 13, 1-15

Avant la fête de Pâque, Jésus sachant que son heure était venue de passer de ce monde à son Père, comme il avait aimé les siens qui étaient dans le monde, il les aima jusqu’à l’excès. Et après le souper, le démon ayant déjà mis dans le cœur de Judas Iscariote, fils de Simon, le dessein de le trahir, Jésus, qui savait que son Père lui avait donné tout pouvoir, qu’il était sorti de Dieu et qu’il retournait à Dieu, se leva de table, ôta son manteau et, ayant pris un linge, il s’en ceignit. Puis il versa de l’eau dans un bassin, il se mit à laver les pieds de ses disciples et à les essuyer avec le linge qu’il avait attaché autour de lui. Il vint donc à Simon-Pierre. Mais Pierre lui dit : « Quoi, Seigneur, vous me laveriez les pieds ! » Jésus lui répondit : « Vous ne comprenez pas maintenant ce que je fais, mais vous le saurez bientôt. » Pierre lui dit : « Jamais vous ne me laverez les pieds. » Jésus lui répondit : « Si je ne te lave, tu n’auras point de part avec moi. » Simon Pierre lui dit : « Seigneur, non seulement les pieds, mais aussi les mains et la tête. » Jésus lui dit : « Celui que le bain a déjà purifié n’a besoin que de se laver les pieds ; il est pur dans tout son corps ; pour vous, vous êtes purs, mais non pas tous. » Il connaissait celui qui le devait trahir, c’est pourquoi il dit : Vous n’êtes pas tous purs. Après donc qu’il leur eut lavé les pieds et qu’il eut repris son manteau, il se remit à table et leur dit : « Savez-vous ce que je viens de faire ? Vous m’appelez Maître et Seigneur, et vous dites bien, car je le suis. Si donc je vous ai lavé les pieds, moi, le Seigneur et le Maître, vous devez, vous aussi vous laver les pieds les uns aux autres. Car je vous ai donné l’exemple, afin que, comme je vous ai fait, vous fassiez aussi.

Postcommunion

Rassasiés, Seigneur, de cette nourriture de vie, faites, ô notre Dieu, que nous obtenions par votre grâce, dans l’immortalité, ce que nous célébrons pendant le cours de notre vie ici-bas.

Dom Guéranger, l’Année Liturgique

LA MESSE DU JEUDI-SAINT.

La sainte Église se proposant aujourd’hui de renouveler, avec une solennité toute particulière, l’action qui fut accomplie par le Sauveur dans la dernière Cène, selon le précepte qu’il en fit à ses Apôtres, lorsqu’il leur dit : « Faites ceci en mémoire de moi », nous allons reprendre le récit évangélique que nous avons interrompu au moment où Jésus entrait dans la salle du festin pascal.

Il est arrivé de Béthanie ; tous les Apôtres sont présents, même le perfide Judas, qui garde son affreux secret. Jésus s’approche de la table sur laquelle l’agneau est servi ; ses disciples y prennent place avec lui ; et l’on observe fidèlement les rites que le Seigneur prescrivit à Moïse pour être suivis par son peuple. Au commencement du repas, Jésus prend la parole, et il dit à ses Apôtres : « J’ai désiré ardemment de manger avec vous cette Pâque, avant de souffrir. » Il parlait ainsi, non que cette Pâque eût en elle-même quelque chose de supérieur à celles des années précédentes, mais parce qu’elle allait donner occasion à l’institution de la Pâque nouvelle qu’il avait préparée dans son amour pour les hommes ; car « ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, dit saint Jean, il les aima jusqu’à la fin ».

Pendant le repas, Jésus, pour qui les cœurs n’avaient rien de caché, proféra cette parole qui émut les disciples : « En vérité, je vous le dis, l’un de vous me trahira ; oui, l’un de ceux qui mettent en ce moment la main au plat avec moi est un traître. » Que de tristesse dans cette plainte ! que de miséricorde pour le coupable qui connaissait la bonté de son Maître ! Jésus lui ouvrait la porte du pardon ; mais il n’en profite pas : tant la passion qu’il avait voulu satisfaire par son infâme marché avait pris d’empire sur lui ! Il ose même dire comme les autres : « Est-ce moi, Seigneur ? » Jésus lui répond à voix basse, pour ne pas le compromettre devant ses frères : « Oui, c’est toi ; tu l’as dit ». Judas ne se rend pas ; il reste, et va souiller de sa présence les augustes mystères qui se préparent. Il attend l’heure de la trahison.

Le repas légal est terminé. Un festin qui lui succède réunit encore à une même table Jésus et ses disciples. Les convives, selon l’usage de l’Orient, se placent deux par deux sur des lits qu’a préparés la munificence du disciple qui prête sa maison et ses meubles au Sauveur pour cette dernière Cène. Jean le bien-aimé est à côté de Jésus, en sorte qu’il peut, dans sa tendre familiarité, appuyer sa tête sur la poitrine de son Maître. Pierre est placé sur le lit voisin, près du Seigneur, qui se trouve ainsi entre les deux disciples qu’il avait envoyés le matin disposer toutes choses, et qui représentent l’un la foi, l’autre l’amour. Ce second repas fut triste ; les disciples étaient inquiets par suite de la confidence que leur avait faite Jésus ; et l’on comprend que l’âme tendre et naïve de Jean eût besoin de s’épancher avec le Sauveur, sur le lit duquel il était étendu, par les touchantes démonstrations de son amour.

Mais les Apôtres ne s’attendaient pas qu’une troisième Cène allait succéder aux deux premières. Jésus avait gardé son secret ; mais, avant de souffrir, il devait remplir une promesse. Il avait dit en présence de tout un peuple : « Je suis le pain vivant descendu du ciel ; si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. Le pain que je donnerai, c’est ma chair, pour la vie du monde. Ma chair est vraiment nourriture, et mon sang est vraiment breuvage. Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi en lui. » Le moment était venu où le Sauveur allait réaliser cette merveille de sa charité pour nous. Mais comme il avait promis de nous donner sa chair et son sang, il avait dû attendre l’heure de son immolation. Voici maintenant que sa Passion est commencée ; déjà il est vendu à ses ennemis ; sa vie est désormais entre leurs mains ; il peut donc maintenant s’offrir en sacrifice, et distribuer à ses disciples la propre chair et le propre sang de la victime.

Le second repas finissait, lorsque Jésus se levant tout à coup, aux yeux des Apôtres étonnés, se dépouille de ses vêtements extérieurs, prend un linge, s’en ceint comme un serviteur, met de l’eau dans un bassin, et annonce par ces indices qu’il s’apprête à laver les pieds à des convives. L’usage de l’Orient était qu’on se lavât les pieds avant de prendre part à un festin ; mais le plus haut degré de l’hospitalité était lorsque le maître de la maison remplissait lui-même ce soin à l’égard de ses hôtes. C’est Jésus qui invite en ce moment ses Apôtres au divin repas qu’il leur destine, et il daigne agir avec eux comme l’hôte le plus empressé. Mais comme ses actions renferment toujours un fonds inépuisable d’enseignement, il veut, par celle-ci, nous donner un avertissement sur la pureté qu’il requiert dans ceux qui devront s’asseoir à sa table. « Celui qui est déjà lavé, dit-il, n’a plus besoin que de se laver les pieds » ; comme s’il disait : Telle est la sainteté de cette divine table, que pour en approcher, non seulement il faut que l’âme soit purifiée de ses plus graves souillures ; mais elle doit encore chercher à effacer les moindres, celles que le contact du monde nous fait contracter, et qui sont comme cette poussière légère qui s’attache aux pieds. Nous expliquerons plus loin les autres mystères signifiés dans le lavement des pieds.

Jésus se dirige d’abord vers Pierre, le futur Chef de son Église. L’Apôtre se refuse à permettre une telle humiliation à son Maître ; Jésus insiste, et Pierre est contraint de céder. Les autres Apôtres qui, ainsi que Pierre, étaient restés sur les lits, voient successivement leur Maître s’approcher d’eux et laver leurs pieds. Judas même n’est pas excepté. Il avait reçu un second et miséricordieux avertissement quelques instants auparavant, lorsque Jésus, parlant à tous, avait dit : « Pour vous, vous êtes purs, mais non pas tous cependant. » Ce reproche l’avait laissé insensible. Jésus, ayant achevé de laver les pieds des douze, vient se replacer sur le lit près de la table, à côté de Jean.

Alors, prenant du pain azyme qui était resté du repas, il élève les yeux au ciel, bénit ce pain, le rompt et le distribue à ses disciples, en leur disant : « Prenez et mangez ; ceci est mon corps ». Les Apôtres reçoivent ce pain devenu le corps de leur Maître ; ils s’en nourrissent ; et Jésus n’est plus seulement avec eux à la table, il est en eux. Ensuite, comme ce divin mystère n’est pas seulement le plus auguste des Sacrements, mais qu’il est encore un Sacrifice véritable, qui demande l’effusion du sang, Jésus prend la coupe ; et, transformant en son propre sang le vin dont elle est remplie, il la passe à ses disciples, et leur dit : « Buvez-en tous ; car c’est le sang de la Nouvelle Alliance, qui sera répandu pour vous. » Les Apôtres participent les uns après les autres à ce divin breuvage, et Judas à son tour ; mais il boit sa condamnation, comme tout à l’heure, dans le pain sacré, il a mangé son propre jugement. L’inépuisable bonté du Sauveur cherche cependant encore à faire rentrer le traître en lui-même. En donnant la coupe aux disciples, il a ajouté ces terribles paroles : « La main de celui qui me trahit est avec moi à cette table. »

Pierre a été frappé de cette insistance de son Maître. Il veut connaître enfin le traître qui déshonore le collège apostolique ; mais n’osant interroger Jésus, à la droite duquel il est place, il fait signe à Jean, qui est à la gauche du Sauveur, pour tâcher d’obtenir un éclaircissement. Jean se penche sur la poitrine de Jésus et lui dit à voix basse : « Maître, quel est-il ? » Jésus lui répond avec la même familiarité : « Celui à qui je vais envoyer un morceau de pain trempé. » Il restait sur la table quelques débris du repas ; Jésus prend un peu de pain, et l’ayant trempé, il l’adresse à Judas. C’était encore une invitation inutile à cette âme endurcie à tous les traits de la grâce ; aussi l’Évangéliste ajoute : « Après qu’il eut reçu ce morceau, Satan entra en lui. » Jésus lui dit encore ces deux mots : « Ce que tu as à faire, fais-le vite. » Et le misérable sort de la salle pour l’exécution de son forfait.

Telles sont les augustes circonstances de la Cène du Seigneur, dont l’anniversaire nous réunit aujourd’hui ; mais nous ne l’aurions point suffisamment racontée aux âmes pieuses, si nous n’ajoutions un trait essentiel. Ce qui se passe aujourd’hui dans le Cénacle n’est point un événement arrivé une fois dans la vie mortelle du Fils de Dieu, et les Apôtres ne sont pas seulement les convives privilégiés de la table du Seigneur. Dans le Cénacle, de même qu’il y a plus qu’un repas, il y a autre chose qu’un sacrifice, si divine que soit la victime offerte par le souverain Prêtre. Il y a ici l’institution d’un nouveau Sacerdoce. Comment Jésus aurait-il dit aux hommes : « Si vous ne mangez ma chair et ne buvez mon sang, vous n’aurez point la vie en vous] », s’il n’eût songé à établir sur la terre un ministère par lequel il renouvellerait, jusqu’à la fin des temps, ce qu’il vient d’accomplir en présence de ces douze hommes ?

Or voici ce qu’il dit à ces hommes qu’il a choisis : « Vous ferez ceci en mémoire de moi. » Il leur donne par ces paroles le pouvoir de changer, eux aussi, le pain en son corps et le vin en son sang ; et ce pouvoir sublime se transmettra dans l’Église, par la sainte ordination, jusqu’à la fin des siècles. Jésus continuera d’opérer, par le ministère d’hommes mortels et pécheurs, la merveille qu’il accomplit dans le Cénacle ; et en même temps qu’il dote son Église de l’unique et immortel Sacrifice, il nous donne, selon sa promesse, par le Pain du ciel, le moyen de « demeurer en lui, et lui en nous ». Nous avons donc à célébrer aujourd’hui un autre anniversaire non moins merveilleux que le premier : l’institution du Sacerdoce chrétien.

Afin d’exprimer d’une manière sensible aux yeux du peuple fidèle la majesté et l’unité de cette Cène que le Sauveur donna à ses disciples, et à nous tous en leur personne, la sainte Église interdit aujourd’hui aux Prêtres la célébration des Messes privées, hors le cas de nécessité. Elle veut qu’il ne soit offert dans chaque église qu’un seul Sacrifice, auquel tous les Prêtres assistent ; et au moment de la communion, on les voit tous s’avancer vers l’autel, revêtus de l’étole, insigne de leur sacerdoce, et recevoir le corps du Seigneur des mains du célébrant.

La Messe du Jeudi saint est une des plus solennelles de l’année ; et quoique l’institution de la fête du Très-Saint-Sacrement ait pour objet d’honorer avec plus de pompe le même mystère, l’Église, en l’établissant, n’a pas voulu que l’anniversaire de la Cène du Seigneur perdît rien des honneurs auxquels il a droit. La couleur adoptée à cette Messe pour les vêtements sacrés est le blanc, comme aux jours mêmes de Noël et de Pâques ; tout l’appareil du deuil a disparu.

Cependant plusieurs rites extraordinaires annoncent que l’Église craint encore pour son Époux, et qu’elle ne fait que suspendre un moment les douleurs qui l’oppressent. A l’autel, le Prêtre a entonné avec transport l’Hymne angélique : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux ! » Tout à coup les cloches ont retenti en joyeuse volée, accompagnant jusqu’à la fin le céleste cantique ; mais à partir de ce moment elles vont demeurer muettes, et leur silence durant de longues heures va faire planer sur la cité une impression de terreur et d’abandon. La sainte Église, en nous sevrant ainsi du grave et mélodieux accent de ces voix aériennes, qui chaque jour parcourent les airs et vont jusqu’à notre cœur, veut nous faire sentir que ce monde, témoin des souffrances et de la mort de son divin Auteur, a perdu toute mélodie, qu’il est devenu morne et désert ; et joignant un souvenir plus précis à cette impression générale, elle nous rappelle que les Apôtres, qui sont la voix éclatante du Christ, et sont figurés par les cloches dont le son appelle les fidèles à la maison de Dieu, se sont enfuis et ont laissé leur Maître en proie à ses ennemis.

Le Sacrifice poursuit son cours ; mais au moment où le Prêtre élève l’Hostie sainte et le Calice du salut, la cloche reste déjà dans son silence, et rien n’annonce plus au dehors du temple l’arrivée du Fils de Dieu. La communion générale est proche, et le Prêtre ne donne pas le baiser de paix au Diacre, qui, selon la tradition apostolique, doit le transmettre aux communiants par le Sous-Diacre. La pensée se reporte alors sur l’infâme Judas, qui, aujourd’hui même, a profané le signe de l’amitié, et en a fait l’instrument du meurtre. C’est pour cela que l’Église, en exécration du traître, et comme si elle craignait de renouveler un si fatal souvenir en un tel moment, s’abstient aujourd’hui de ce témoignage de la fraternité chrétienne qui fait partie essentielle des rites delà Messe solennelle.

Mais un rite non moins insolite s’est accompli à l’autel, dans l’action même du Sacrifice. Le Prêtre a consacré deux hosties, et, après en avoir consommé une, il a réservé l’autre, et l’a placée dans un calice qu’il a soigneusement enveloppé. C’est que l’Église a résolu d’interrompre demain le cours du Sacrifice perpétuel dont l’offrande sanctifie chaque journée. Telle est l’impression que lui fait éprouver ce cruel anniversaire, qu’elle n’osera renouveler sur l’autel, en ce jour terrible, l’immolation qui eut lieu sur le Calvaire. Elle restera sous le coup de ses souvenirs, et se contentera de participer au Sacrifice d’aujourd’hui, dont elle aura réservé une seconde hostie. Ce rite s’appelle la Messe des Présanctifiés, parce que le Prêtre n’y consacre pas, mais consomme seulement l’hostie consacrée le jour précédent. Autrefois, comme nous le dirons plus tard, la journée du Samedi saint se passait aussi sans qu’on offrît le saint Sacrifice ; mais on n’y célébrait pas, comme le Vendredi, la Messe des Présanctifiés.

Toutefois, si l’Église suspend durant quelques heures l’offrande du Sacrifice éternel, elle ne veut pas cependant que son divin Époux y perde quelque chose des hommages qui lui sont dus dans le Sacrement de son amour. La piété catholique a trouvé le moyen de transformer en un triomphe pour l’auguste Eucharistie ces instants où l’Hostie sainte semble devenue inaccessible à notre indignité. Elle prépare dans chaque temple un reposoir pompeux. C’est là qu’après la Messe d’aujourd’hui l’Église transportera le corps de son Époux ; et bien qu’il y doive reposer sous des voiles, ses fidèles l’assiégeront de leurs vœux et de leurs adorations. Tous viendront honorer le repos de l’Homme-Dieu ; « là où sera le corps, les aigles s’assembleront » ; et de tous les points du monde catholique un concert de prières vives et plus affectueuses qu’en tout autre temps de l’année, se dirigera vers Jésus, comme une heureuse compensation des outrages qu’il reçut en ces mêmes heures de la part des Juifs. Près de ce tombeau anticipé se réuniront et les âmes ferventes en qui Jésus vit déjà, et les pécheurs convertis par la grâce et déjà en voie de réconciliation.

A Rome, la Station est dans la Basilique de Latran. La grandeur de ce jour, la réconciliation des Pénitents, la consécration du Chrême, ne demandaient pas moins que cette métropole de la ville et du monde. De nos jours cependant, la fonction papale a lieu au palais du Vatican, et ainsi que nous l’avons dit plus haut, la bénédiction apostolique est donnée par le Pontife Romain, à la loggia de la Basilique de Saint-Pierre.

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