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Regnum Galliae Regnum Mariae
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Mardi Saint

4 Avril 2023 , Rédigé par Ludovicus

Mardi Saint

Collecte

Dieu tout-puissant et éternel, donnez-nous de célébrer les mystères de la passion du Seigneur de telle sorte que nous méritions de recevoir la rémission de nos péchés.

Lecture Jr. 11, 18-20

En ces jours-là, Jérémie dit : Seigneur, vous m’en avez informé, et je l’ai su ; Alors vous m’avez fait connaître leurs œuvres ! Moi, j’étais comme un agneau familier qu’on mène à la boucherie, et je ne savais qu’ils formaient des desseins contre moi, disant : "Détruisons l’arbre avec son fruit ! Retranchons-le de la terre des vivants, Et qu’on ne se souvienne plus de son nom !" Mais Vous, Dieu des armées, jugez avec justice ; vous sondez les reins et les cœurs ; Je verrai la vengeance que vous tirerez d’eux, Car c’est à vous que j’ai confié ma cause.

Passion selon saint Marc Mc. 14, 1-72 ; 15, 1-4

En ce temps-là : c’était la Pâque et les Azymes deux jours après ; et les grands prêtres et les scribes cherchaient comment ils pourraient s’emparer de lui par ruse et le faire mourir. Ils disaient en effet : "Pas dans la fête, de peur qu’il n’y ait du tumulte parmi le peuple." Comme Jésus était à Béthanie, dans la maison de Simon le lépreux, pendant qu’il était à table, vint une femme avec un vase d’albâtre (plein) d’un parfum de nard vrai d’un grand prix. Ayant brisé le vase d’albâtre, elle lui répandit (le parfum) sur la tête. Or il y en avait quelques-uns qui, tout indignés, (disaient) entre eux : "A quoi bon cette perte de parfum ? On pouvait en effet vendre ce parfum plus de trois cents deniers, et en donner (le prix) aux pauvres." Et ils grondaient contre elle. Mais Jésus dit : "Laissez-la ; pourquoi lui faites-vous de la peine ? C’est une bonne action qu’elle a faite sur moi. Car toujours vous avez les pauvres avec vous, et toutes les fois que vous voulez, vous pouvez leur faire du bien ; mais moi, vous ne m’avez pas toujours. Ce qu’elle a pu, elle l’a fait : elle a par avance parfumé mon corps pour la sépulture. Je vous le dis, en vérité, partout où sera prêché cet évangile, dans le monde entier, ce qu’elle a fait sera aussi raconté, en souvenir d’elle." Et Judas Iscarioth, l’un des Douze, s’en alla vers les grands prêtres pour le leur livrer. Après l’avoir entendu, ils furent dans la joie et promirent de lui donner de l’argent. Et il cherchait une occasion favorable pour le livrer. Le premier jour des Azymes, où l’on sacrifiait la pâque, ses disciples lui dirent : "Où voulez-vous que nous allions faire les préparatifs pour que vous mangiez la pâque ?" Et il envoya deux de ses disciples et leur dit : "Allez à la ville ; vous rencontrerez un homme portant une cruche d’eau : suivez-le, et quelque part qu’il entre, dites au maître de maison : Le Maître te fait dire : Où est ma salle, où je pourrai manger la pâque avec mes disciples ? Et il vous montrera une chambre du haut, vaste, meublée et toute prête : faites-nous là les préparatifs." Les disciples partirent et allèrent à la ville ; et ils trouvèrent (les choses) comme il le leur avait dit, et ils firent les préparatifs de la pâque. Le soir venu, il vint avec les Douze. Pendant qu’ils étaient à table et mangeaient, Jésus dit : "Je vous le dis en vérité, un de vous me trahira, qui mange avec moi." Et ils se mirent à s’attrister, et un chacun de lui dire : "Serait-ce moi ?" Il leur dit : "Un des Douze, qui met avec moi la main au plat. Le Fils de l’homme s’en va, selon ce qui est écrit de lui ; mais malheur à l’homme par qui le Fils de l’homme est trahi ! Mieux vaudrait pour cet homme-là qu’il ne fût pas né." Pendant le repas, il prit du pain, et après avoir dit la bénédiction, il le rompit, et le leur donna, en disant : "Prenez, ceci est mon corps." Il prit ensuite une coupe et, après avoir rendu grâces, il la leur donna, et ils en burent tous. Et il leur dit : "Ceci est mon sang, (le sang) de l’alliance, répandu pour beaucoup. Je vous le dis, en vérité, je ne boirai plus du produit de la vigne jusqu’à ce jour où je le boirai nouveau dans le royaume de Dieu." Après le chant de l’hymne, ils s’en allèrent au mont des Oliviers. Et Jésus leur dit : "Je vous serai à tous une occasion de chute, parce qu’il est écrit : Je frapperai le pasteur, et les brebis seront dispersées. Mais, après que je serai ressuscité, je vous précéderai en Galilée." Pierre lui dit : "Quand même vous seriez pour tous une occasion de chute, vous ne le serez jamais pour moi." Jésus lui dit : "Je te le dis, en vérité, toi aujourd’hui, cette nuit-ci, avant que le coq ait chanté deux fois, trois fois tu me renieras." Mais lui n’en disait que plus : "Quand il me faudrait mourir avec vous, je ne vous renierai pas." Et tous aussi en disaient autant. Ils arrivent en un domaine appelé Gethsémani, et il dit à ses disciples : "Demeurez ici tandis que je prierai." Et il prit avec lui Pierre, Jacques et Jean, et il commença à sentir de la frayeur et de l’angoisse. Et il leur dit : "Mon âme est triste jusqu’à la mort ; restez ici et veillez." S’étant un peu avancé, il tomba sur la terre ; et il priait que cette heure, s’il était possible, s’éloignât de lui, et il disait : "Abba, Père, tout vous est possible, détournez de moi ce calice ; cependant, non ce que je veux, mais ce que vous (voulez) !" Et il vient et il les trouve endormis, et il dit à Pierre : "Simon, tu dors ! Tu n’as pas eu la force de veiller une heure ! Veillez et priez afin que vous n’entriez point en tentation. L’esprit est ardent, mais la chair est faible." Il s’en alla de nouveau et pria, disant la même parole. Puis, étant revenu, il les trouva endormis, car leurs yeux étaient appesantis, et ils ne savaient que lui répondre. Il revint une troisième fois et leur dit : "Dormez désormais et reposez-vous. C’est assez ! L’heure est venue ; voici que le Fils de l’homme est livré aux mains des pécheurs. Levez-vous, allons ! Voici que celui qui me trahit est proche." Aussitôt, comme il parlait encore, survient Judas, l’un des Douze, et avec lui une foule, armée de glaives et de bâtons, envoyée par les grands prêtres et les anciens. Celui qui le trahissait leur avait donné un signe de convention : "Celui à qui je donnerai un baiser, c’est lui : arrêtez-le et emmenez-le en prenant vos sûretés." Quand il fut arrivé, s’avançant aussitôt vers lui, il dit : "Rabbi !" et il lui donna un baiser. Eux mirent la main sur lui et l’arrêtèrent. Un de ceux qui étaient là, tirant le glaive, frappa le serviteur du grand prêtre, et lui emporta l’oreille. Jésus, prenant la parole, leur dit : "Comme contre un brigand, vous êtes sortis avec des glaives et des bâtons pour me prendre ! Chaque jour j’étais près de vous dans le temple, où j’enseignais, et vous ne m’avez pas arrêté ; mais c’est afin que les Écritures s’accomplissent." Et tous l’abandonnèrent et prirent la fuite. Or un jeune homme le suivait, enveloppé d’un drap sur (son corps) nu, et on l’arrêta ; mais il lâcha le drap et s’enfuit nu de leurs mains. Ils emmenèrent Jésus chez le grand prêtre, et tous les grands prêtres, les anciens et les scribes se réunirent. Pierre l’avait suivi de loin, jusque dans l’intérieur du palais du grand prêtre, et il était assis avec les satellites et se chauffait près du feu. Les grands prêtres et tout le Sanhédrin cherchaient un témoignage contre Jésus pour le faire mourir, et ils n’en trouvaient point. Car beaucoup portaient de faux témoignages contre lui, mais les témoignages ne s’accordaient pas. Et quelques-uns, se levant, portèrent contre lui ce faux témoignage : "Nous l’avons entendu dire : Je détruirai ce sanctuaire fait de main d’homme, et en trois jours j’en rebâtirai un autre, non fait de main d’homme." Mais même sur cela leur témoignage ne s’accordait pas. Le grand prêtre se leva, et (venant) au milieu, il interrogea Jésus, disant : "Tu ne réponds rien ? Qu’est-ce que ces hommes déposent contre toi ?" Mais il garda le silence et ne répondit rien. Le grand prêtre l’interrogea de nouveau et lui dit : "Es-tu le Christ, le Fils du Béni ?" Jésus dit : "Je le suis, et vous verrez le Fils de l’homme assis à la droite de la Puissance, et venant avec les nuées du ciel." Et le grand prêtre déchira ses vêtements et dit : "Qu’avons-nous encore besoin de témoins ? Vous venez d’entendre le blasphème : que vous paraît-il ?" Tous le condamnèrent (comme) méritant la mort. Et quelques-uns se mirent à cracher sur lui, et, lui voilant le visage, ils le frappaient du poing, en lui disant : "Prophétise !" ; et les satellites lui administraient des soufflets. Pendant que Pierre était en bas, dans la cour, vint une des servantes du grand prêtre ; et voyant Pierre qui se chauffait, elle le fixa du regard et lui dit : "Toi aussi, tu étais avec le Nazaréen Jésus !" Mais il nia, en disant : "Je ne sais, ni ne comprends ce que tu veux dire." Et il s’en alla dehors, vers le porche, et un coq chanta. La servante, l’ayant vu, se mit de nouveau à dire à ceux qui étaient présents : "Celui-là en est !" Et il nia de nouveau. Un peu après, de nouveau, ceux qui étaient présents dirent à Pierre : "pour sûr, tu en es ; aussi bien, tu es Galiléen." Alors il se mit à faire des imprécations et à jurer : "Je ne connais pas cet homme dont vous parlez." Et aussitôt, pour la seconde fois, un coq chanta. Et Pierre se souvint de la parole telle que Jésus la lui avait dite : "Avant que le coq ait chanté deux fois, trois fois tu me renieras" ; et il éclata en pleurs. Dès le matin les grands prêtres tinrent conseil avec les anciens et les scribes, tout le Sanhédrin ; après avoir lié Jésus, ils l’emmenèrent et le remirent à Pilate. Pilate l’interrogea : "Es-tu le roi des Juifs ?" Jésus lui répondit : "Tu le dis." Comme les grands prêtres portaient contre lui beaucoup d’accusations, Pilate l’interrogea de nouveau, disant : "Tu ne réponds rien ?" Vois combien d’accusations ils portent contre toi." Mais Jésus ne répondit plus rien, en sorte que Pilate était dans l’étonnement. Or, à chaque fête, il leur relâchait un prisonnier, celui qu’ils demandaient. Il y avait dans la prison le nommé Barabbas, avec les séditieux, pour un meurtre qu’ils avaient commis dans la sédition. La foule qui venait de monter se mit à réclamer ce qu’il leur accordait toujours. Pilate leur répondit : "Voulez-vous que je vous relâche le roi des Juifs ?" Il savait, en effet, que c’était par jalousie que les grands prêtres l’avaient livré. Mais les grands prêtres excitèrent la foule pour qu’il leur relâchât plutôt Barabbas. Pilate, reprenant la parole, leur dit : "Que ferai-je donc de celui que vous appelez le roi des Juifs " Eux crièrent de nouveau : "Crucifiez-le !" Pilate leur dit : "Qu’a-t-il donc fait de mal ?" Et ils crièrent encore plus fort : "Crucifiez-le !" Pilate, voulant donner satisfaction à la foule, leur relâcha Barabbas ; et après avoir fait flageller Jésus, il le remit (aux soldats) pour être crucifié. Les soldats l’emmenèrent à l’intérieur du palais, c’est-à-dire au prétoire, et ils convoquèrent toute la cohorte. Ils le revêtirent de pourpre et le ceignirent d’une couronne d’épines qu’ils avaient tressée. Et ils se mirent à le saluer : "Salut, roi des Juifs !" Et ils lui frappaient la tête avec un roseau, et ils lui crachaient dessus et, se mettant à genoux, ils se prosternaient devant lui. Après s’être moqués de lui, ils lui retirèrent la pourpre, lui remirent ses vêtements et le firent sortir pour qu’on le crucifiât. Ils réquisitionnèrent un passant, Simon le Cyrénéen, le père d’Alexandre et de Rufus, qui revenait de la campagne, pour porter sa croix, et ils le menèrent au lieu (dit) Golgotha, ce qui se traduit : lieu du Crâne. Et ils lui donnèrent du vin mêlé de myrrhe, mais il n’en prit pas ; et ils le crucifièrent et se partagèrent ses vêtements, en les tirant au sort, à qui aurait quelque chose. Il était la troisième heure lorsqu’ils le crucifièrent. L’inscription indiquant la cause (de sa condamnation) portait : "Le roi des Juifs." Ils crucifièrent avec lui deux brigands, l’un à sa droite, l’autre à sa gauche. Ainsi fut accomplie cette parole de l’Écriture : Et il a été compté parmi les malfaiteurs. Les passants l’injuriaient en hochant la tête et disant : "Hé ! Toi qui détruis le sanctuaire et le rebâtis en trois jours, sauve-toi toi-même, et descends de la croix !" De même, les grands prêtres aussi, avec les scribes, se moquaient de lui entre eux et disaient : "Il en a sauvé d’autres, il ne peut se sauver lui-même. Que le Christ, le roi d’Israël, descende maintenant de la croix, afin que nous voyions et que nous croyions !" Ceux même qui avaient été crucifiés avec lui l’insultaient. La sixième heure arrivée, il se fit des ténèbres sur la terre entière jusqu’à la neuvième heure. Et à la neuvième, heure, Jésus cria d’une voix forte : "Eloï, Eloï, lama sabacthani", ce qui se traduit : "Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’avez-vous abandonné ?" Quelques-uns de ceux qui étaient là, l’ayant entendu, disaient : "Voilà qu’il appelle Elie." Et quelqu’un courut imbiber une éponge de vinaigre, et l’ayant mise au bout d’un roseau, il lui présentait à boire, disant : "Laissez ! que nous voyions si Elie va venir le descendre." Jésus jeta un grand cri et expira. Et le voile du sanctuaire se fendit en deux, du haut en bas. Le centurion qui se tenait en face de lui, ayant vu qu’il avait expiré ainsi, dit : "Vraiment cet homme était Fils de Dieu." Il y avait aussi des femmes qui regardaient à distance, entre autres Marie la Magdaléenne, Marie mère de Jacques le Petit et de José, et Salomé, qui le suivaient et le servaient lorsqu’il était en Galilée, et beaucoup d’autres qui étaient montées à Jérusalem avec lui.

Le soir étant venu, comme c’était Préparation, c’est-à-dire veille du sabbat, vint Joseph d’Arimathie, membre honoré du grand conseil, qui attendait, lui aussi, le royaume de Dieu. Il alla hardiment auprès de Pilate pour demander le corps de Jésus. Mais Pilate s’étonna qu’il fût déjà mort, fit venir le centurion, et lui demanda s’il y avait longtemps qu’il était mort. Renseigné par le centurion, il accorda le cadavre à Joseph. Ayant acheté un linceul, il le descendit, l’enveloppa dans le linceul, le déposa dans un sépulcre qui avait été taillé dans le roc, et il roula une pierre à l’entrée du sépulcre.

Office

1ère leçon

Pourquoi est-ce que mon bien-aimé a dans ma maison commis beaucoup de crimes ? Est-ce que des chairs saintes ôteront de toi tes méchancetés dont tu t’es glorifiée ? Olivier fertile, beau, chargé de fruits, superbe, le Seigneur t’a appelée de ce nom ; à la voix de sa parole, un grand feu s’est allumé dans cet olivier, et ses rameaux ont été brûlés. Et le Seigneur des armées qui t’a plantée, a prononcé le mal sur toi, à cause des maux de la maison d’Israël et de la maison de Juda, qu’elles se sont faits à elles-mêmes pour m’irriter en faisant des libations aux Baalim. Mais vous, Seigneur, vous m’avez fait voir leurs pensées, et je les ai connues : alors vous m’avez montré leurs œuvres. Et moi, j’ai été comme un Agneau plein de douceur que l’on porte pour en faire une victime : et je n’ai pas su qu’ils formaient contre moi des projets, disant : Mettons du bois dans son pain, rayons-le de la terre des vivants, et que son nom ne soit plus rappelé dans la mémoire. Mais vous, Seigneur Sabaoth, vous qui jugez justement et qui éprouvez les reins et les cœurs, que je voie votre vengeance sur eux ; car je vous ai révélé ma cause.

2e leçon

Vous êtes certainement juste, vous, Seigneur, si je dispute avec vous ; cependant je vous dirai des choses justes : Pourquoi la voie des impies est-elle prospère, le bonheur est-il pour ceux qui prévariquent, et qui agissent iniquement ? Vous les avez plantés, et ils ont poussé des racines ; ils croissent, et font du fruit ; vous êtes près de leur bouche et loin de leurs reins. Et vous, Seigneur, vous m’avez connu, vous m’avez vu et vous avez éprouvé que mon cœur est avec vous ; assemblez-les comme un troupeau destiné au sacrifice, et consacrez-les pour le jour de la tuerie. Jusqu’à quand la terre pleurera-t-elle, et l’herbe de toute la contrée sera-t-elle desséchée, à cause de la méchanceté de ceux qui l’habitent ? Le quadrupède et le volatile ont été consumés, parce qu’ils ont dit : Dieu ne verra pas nos derniers moments.

3e leçon

J’ai laissé ma maison ; j’ai abandonné mon héritage ; j’ai livré mon âme chérie aux mains de ses ennemis. Mon héritage est devenu pour moi comme un lion dans la forêt ; il a élevé sa voix contre moi ; c’est pour cela que je l’ai haï. Est-ce que mon héritage n’est pas pour moi un oiseau de diverses couleurs ? N’est-ce pas un oiseau entièrement coloré ? Venez, assemblez-vous, vous toutes, bêtes de la terre ; hâtez-vous pour dévorer. Des pasteurs nombreux ont ravagé ma vigne, ils ont foulé aux pieds mon partage ; ils ont fait de mon partage précieux un désert solitaire. Ils l’ont livré à la dévastation, et il a pleuré sur moi ; par la désolation a été désolée toute la terre, parce qu’il n’est personne qui réfléchisse en son cœur.

Cette journée voit encore Jésus se diriger dès le matin vers Jérusalem. Il veut se rendre au Temple, et y confirmer ses derniers enseignements. Mais il est aisé de voir que le dénouement de sa mission est au moment d’éclater. Lui-même, aujourd’hui, a dit à ses disciples : « Vous savez que c’est dans deux jours que l’on fera la Pâque, et que le Fils de l’homme sera livré pour être crucifié]. »

Sur la route de Béthanie à Jérusalem, les disciples qui marchent en la compagnie de leur maître sont frappés d’étonnement à la vue du figuier que Jésus avait maudit le jour précédent. Il était desséché, comme un bois mort, des racines au sommet. Pierre alors s’adressant à Jésus : « Maître, lui dit-il, voici le figuier que vous avez maudit ; voyez comme il s’est desséché. » Jésus, profitant de l’occasion pour nous apprendre à tous que la nature physique est subordonnée à l’élément spirituel, quand celui-ci se tient uni à Dieu par la foi, leur dit : « Ayez foi en Dieu. Je vous le dis : celui qui dira à cette montagne : Ôte-toi, et va te jeter dans la mer ; s’il n’hésite pas dans son cœur, mais s’il croit fermement à l’accomplissement de ce qu’il vient de dire, celui-là verra l’effet de sa parole. Quand vous demandez, une chose dans la prière, croyez que vous l’obtiendrez, et il en sera ainsi]. »

Continuant la route, bientôt on entre dans la ville, et à peine Jésus est-il arrivé dans le Temple, que les princes des prêtres, les scribes et les anciens l’accostent et lui disent : « Par quelle autorité faites-vous ce que vous faites ? Qui vous a donné ce pouvoir ?] » On peut voir dans le saint Évangile la réponse de Jésus, ainsi que les divers enseignements qu’il donna en cette rencontre. Nous ne faisons qu’indiquer d’une manière générale l’emploi des dernières heures de la vie mortelle du Rédempteur ; la méditation du livre sacré suppléera à ce que nous ne disons pas.

Comme les jours précédents, Jésus sort de la ville vers le soir, et franchissant la montagne des Oliviers, il se retire à Béthanie, auprès de sa mère et de ses amis fidèles.

L’Église lit aujourd’hui, à la Messe, le récit de la Passion selon saint Marc. Dans l’ordre des temps, l’Évangile de saint Marc fut écrit après celui de saint Matthieu : c’est la raison pour laquelle cette Passion vient au second rang. Elle est plus courte que celle de saint Matthieu, dont elle semble le plus souvent l’abrégé ; mais on y trouve certains détails qui sont propres à cet Évangéliste, et attestent les remarques d’un témoin oculaire. On sait que saint Marc était disciple de saint Pierre, et que ce fut sous les yeux du Prince des Apôtres qu’il écrivit son Évangile.

A Rome, la Station est aujourd’hui dans l’Église de Sainte-Prisque, qui fut la maison où habitèrent les deux époux Aquila et Prisca, auxquels saint Paul envoie ses salutations dans son Épître aux Romains. Plus tard, au IIIe siècle, le Pape saint Eutychien y transporta, à cause de la similitude du nom, le corps de sainte Prisque, vierge romaine et martyre.

A LA MESSE.

Dans trois jours la Croix s’élèvera sur la montagne sainte, portant sur ses bras l’auteur de notre salut. Aujourd’hui l’Église, dans l’Introït, nous avertit par avance de saluer ce trophée de notre victoire, et de nous glorifier en lui.

C’est encore une fois Jérémie qui nous fait entendre sa voix plaintive à l’épître. Il nous donne aujourd’hui les propres paroles de ses ennemis, qui ont conspiré de le faire mourir. Tout y est mystérieux ; et l’on sent que le Prophète est ici la figure d’un plus grand que lui. « Mettons, disent-ils, du bois dans son pain », c’est-à-dire : Jetons un bois vénéneux dans sa nourriture, afin de lui causer la mort. Tel est le sens littéral, quand il ne s’agit que du Prophète ; mais combien ces paroles s’accomplissent plus pleinement dans notre Rédempteur ! Sa chair divine est, nous dit-il, un Pain véritable descendu du ciel ; ce Pain, ce corps de l’Homme-Dieu, est meurtri, déchiré, sanglant ; les Juifs le clouent sur le bois, en sorte qu’il en est tout pénétré, en même temps que ce bois est tout arrosé de son sang. C’est sur le bois de la croix que l’Agneau de Dieu est immolé ; c’est par son immolation que nous sommes mis en possession d’un Sacrifice digne de Dieu ; et c’est par ce Sacrifice que nous participons au Pain céleste, qui est en même temps la chair de l’Agneau et notre Pâque véritable.

 

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Quand l'Eucharistie remplace le Sacrifice

4 Avril 2023 , Rédigé par Ludovicus

Quand l'Eucharistie remplace le Sacrifice

LA MESSE EST-ELLE UN SACRIFICE OU UN REPAS ?

MONTINI-PAUL VI

«Le commencement de cette rénovation a été l’œuvre de Notre prédécesseur, ce même Pie XII, dans l’instauration de la vigile pascale et de l’Ordo de la Semaine sainte, qui constitua la première étape de cette adaptation du Missel romain aux besoins de notre époque ».

Montini-Paul VI, Constitution Apostolique Missale Romanum, 3 avril 1969.


LOUIS BOUYER: ANCIEN PASTEUR LUTHÉRIEN

-1944: ordonné prêtre oratorien.

-1945: fait paraître son livre " Mystère pascal".

L’ouvrage " Mystère pascal", insistant sur l’importance de la veillée dans la nuit du samedi au dimanche de Pâques, inspire Pie XII qui, en 1951, permet la restauration de la vigile pascale et, quatre ans plus tard, va jusqu’à l’imposer.

Dans " Mystère pascal", pour Louis Bouyer, il ne s’agit pas d’énoncer les vérités dogmatiques de l’Église concernant la foi, ni encore de commenter la liturgie du triduum. Bouyer veut faire entrer le lecteur dans l’acte de foi de l’Église. Or, il n’y a que la liturgie qui puisse conduire à l’acte de foi puisqu’elle est cet acte de foi. « D’un mot, le mystère liturgique est, selon la propre expression du canon de la messe, le mystère de la foi ». Ainsi il justifie son projet en disant qu’il accompagne le geste de la liturgie permettant à chaque homme d’être assimilé au Christ par le Mystère accompli une fois pour toute.
C'est dans la façon dont les chrétiens ont vécu et construit l'office de vigile que Bouyer trouve la théologie de l'accomplissement des Écritures. La liturgie est le lieu de l'accomplissement des Écritures. La construction des vigiles montre que la liturgie s'est construite en se déployant comme une mystagogie.

" Mystère pascal" marque un jalon important dans l'histoire du mouvement liturgique en diffusant l'idée selon laquelle la liturgie pascale constitue l'expression majeure de la foi de l'Église au Christ mort et ressuscité. L'expression de « mystère pascal », jusqu'alors peu usitée, sera reprise et consacrée par la constitution Sacrosanctum Concilium de Vatican II : « Mystère pascal par lequel « en mourant il a détruit notre mort, et en ressuscitant il a restauré la vie ». Car c’est du côté du Christ endormi sur la croix qu’est né « l’admirable sacrement de l’Église tout entière » » (SC, n. 5).

Cette notion de « mystère pascal » est très importante pour le dialogue œcuménique. En témoigne l’accord de la Communauté de travail œcuménique des théologiens protestants et catholiques allemands sur la notion de « sacrifice du Christ et celui de l’Église ». Le terme « sacrifice » y est conçu comme don d’amour et acte d’obéissance du Christ auquel la communauté peut participer.

En 1956, lorsque la réforme de la Semaine Sainte de 1955 fut appliqué pour la première fois, Louis Bouyer écrivait dans "La vie de la liturgie" : « Ainsi l’élément de “communion“, signifie que l’Eucharistie est un repas, un repas de communauté dans lequel tous les participants sont rassemblés pour participer en commun à des biens communs. »

Dans la "nouvelle messe", on ne parle plus du sacrifice. On ne parle plus que de l’Eucharistie, on fait une Eucharistie, comme s’il n’y avait qu’un repas. Toutes les prières qui affirmaient de manière très claire la fin propitiatoire, fin essentielle du Sacrifice de la Messe ont été retirées, hormis une ou deux légères allusions. Or ceci a été fait parce que la fin propitiatoire est niée par les protestants.

La diminution de la notion du sacrifice est donc évidente dans le nouveau rite, car le terme lui-même de sacrifice est rarement employé, et quand il est employé, il l’est à la manière des protestants, parce que les protestants acceptent le terme de sacrifice, mais uniquement comme sacrifice de louange ou eucharistique, mais surtout pas propitiatoire.


CONCILE DE TRENTE

« Si quelqu’un déclare que la messe n’est qu’un sacrifice de louange et d’action de grâces, qu'il soit anathème » (Session XXI, canon 3).


CONSÉQUENCES : L’ÉLIMINATION DU LIEN ENTRE L’INSTITUTION DE L’EUCHARISTIE ET LA PASSION DU CHRIST

IMPLICATION DANS LA LITURGIE DES NOUVEAUX: DIMANCHE DES RAMEAUX, MARDI SAINT ET MERCREDI SAINT


Dimanche des Rameaux: Élimination du passage évangélique qui fait le lien entre l’institution de l’Eucharistie et la Passion du Christ, Mt. XXVI, 1-36.

Mardi Saint: Élimination du passage évangélique qui fait le lien entre l’institution de l’Eucharistie et la Passion du Christ, Mc. XIV, 1-30, et réduction de la Passion selon saint Marc.
Mercredi Saint: Élimination du passage évangélique qui fait le lien entre l’institution de l’Eucharistie et la Passion du Christ, Lc. XXII, 1-39, et réduction de la Passion selon saint Luc.

Nous sommes ici face à l’attitude la plus déconcertante de la réforme, la narration de la dernière Cène a disparu. Nous sommes là face à l’élimination des passages évangéliques de l’institution de l’Eucharistie, dans son lien naturel avec le sacrifice de la Croix.


Il est difficile de croire que trente versets ont été éliminés seulement pour des motifs de temps, de longueur, surtout si l’on considère l’importance d’un tel passage. Jusqu’alors, la tradition avait voulu que la narration de la Passion des Synoptiques ait toujours inclus l’institution eucharistique qui, avec la séparation sacramentelle du Corps et du Sang du Christ, est l’annonce même de la Passion. La réforme exclut donc, d’un coup d’éponge sur un passage fondamental de la Saint Écriture, le lien de conséquence entre la dernière Cène, le sacrifice du Vendredi Saint et l’Eucharistie. Résultat extraordinaire : le récit de l’institution eucharistique sera finalement absent de tout le cycle liturgique ! C’est là la conséquence d’un changement frénétique qui va démanteler une œuvre pluriséculaire, sans même être capable d’avoir une vision d’ensemble des Écritures lues durant l’année.


DÉCRETS DE LA REFORME DE LA SEMAINE SAINTE SIGNES PAR PIE XII

1/ INSPIRATION PROTESTANTE (LOUIS BOUYER)

Par le décret "Dominicae Resurrectionis Vigilam" de 1951, la veillée pascale est décalée à la nuit du samedi. Surtout, de messe préparatoire à la fête de Pâques, la Vigile pascale devient la messe principale de la fête, au détriment de la Messe du Dimanche de la Résurrection (In die Resurrectionis), autrement dit la Grande Messe du Saint jour de Pâques, Solennité des Solennités. Cette dernière aura tendance paradoxalement à être moins fréquentée par les fidèles, alors qu’il s’agit dans une conception traditionnelle de la liturgie, de la Messe la plus importante de l’année.


2/ INSPIRATION PROTESTANTE ET MODERNISTE

Par le décret "Maxima redemptionis nostrae mysteria" de 1955, un véritable carnage allait être opéré dans ce qui constitue les jours les plus saints de la liturgie catholique.

Le père Carlo Braga, secrétaire de Bugnini, écrit à ce sujet : « LA RÉFORME DU SAMEDI SAINT A ÉTÉ UN BÉLIER que nous avons introduit dans la forteresse de notre liturgie qui était jusqu'alors trop statique ».

Le P. Chenu, O.P., l’explique : « Le P. Duployé suivait cela avec une lucidité passionnée. Je me souviens, c’était bien plus tard, qu’il me dit un jour : “Si nous parvenons à restaurer dans sa valeur première la vigile pascale, le mouvement liturgique l’aura emporté ; je me donne dix ans pour cela. Dix ans après, c’était fait ».

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Lundi Saint

3 Avril 2023 , Rédigé par Ludovicus

Lundi Saint

Collecte

Dieu tout-puissant qui voyez que notre faiblesse succombe au milieu de tant d’épreuves, accordez-nous quelque soulagement par les mérites de la passion de votre Fils unique.

Lecture Is. 50, 5-10

En ces jours-là, Isaïe dit : Le Seigneur Dieu m’a ouvert l’oreille ! et moi, je n’ai pas résisté, je ne me suis pas retiré en arrière. J’ai livré mon dos à ceux qui me frappaient, et mes joues à ceux qui m’arrachaient la barbe ; je n’ai pas dérobé mon visage aux outrages et aux crachats. Le Seigneur Dieu m’est venu en aide ; c’est pourquoi l’outrage ne m’a point abattu ; c’est pourquoi j’ai rendu ma face semblable à un caillou ; et je savais que je ne serais pas confondu. Il est proche, celui qui me justifie : qui plaidera contre moi ? Comparaissons ensemble ! Qui est mon adversaire : qu’il s’approche de moi ! Le Seigneur Dieu m’est venu en aide : qui est-ce qui me condamnerait ? Ah ! ils tomberont tous en lambeaux comme un vêtement ; la teigne les dévorera. Qui d’entre vous craint le Seigneur, et écoute la voix de son Serviteur ? Quiconque marche dans les ténèbres, privé de lumière, qu’il se confie dans le nom du Seigneur, et qu’il s’appuie sur son Dieu !

Évangile Jn. 12, 1-9

Six jours avant la Pâque, Jésus vint à Béthanie, où était Lazare, le mort qu’il avait ressuscité. Là, on lui fit un souper, et Marthe servait. Or, Lazare était de ceux qui se trouvaient à table avec lui. Marie, ayant pris une livre d’un parfum de nard très pur, très précieux, en oignit les pieds de Jésus, et les essuya avec ses cheveux. Et la maison fut remplie de l’odeur du parfum. Alors, un de ses disciples, Judas Iscariote, celui qui devait le trahir, dit : "Pourquoi n’a-t-on pas vendu ce parfum trois cents deniers, pour les donner aux pauvres ?" Il dit cela, non qu’il se souciât des pauvres, mais parce qu’il était voleur, et qu’ayant la bourse, il dérobait ce qu’on y mettait. Jésus lui dit donc : "Laisse-la ; elle a gardé ce parfum pour le jour de ma sépulture. Car vous aurez toujours des pauvres avec vous ; mais moi, vous ne m’aurez pas toujours !" Un grand nombre de Juifs surent que Jésus était à Béthanie, et ils vinrent, non seulement à cause de Jésus, mais aussi pour voir Lazare qu’il avait ressuscité des morts.

Office

1ère leçon

Homélie de saint Augustin, Évêque

Afin que les hommes ne s’imaginassent point que Lazare était un fantôme et n’avait pas été vraiment ressuscité, il était du nombre de ceux qui se trouvaient à table ; il était vivant, il parlait, il prenait part au festin : la vérité se manifestait ainsi au grand jour, et l’incrédulité des Juifs se trouvait confondue. Jésus était donc à table avec Lazare et les autres, et Marthe, une des sœurs de Lazare, les servait. « Or Marie », l’autre sœur de Lazare, « prit une livre d’un nard pur de grand prix, elle en oignit les pieds de Jésus, et les essuya avec ses cheveux, et la maison fut remplie de l’odeur du parfum. » Vous avez entendu le récit du fait, cherchons le mystère qu’il renferme.

2e leçon

Qui que tu sois, veux-tu être une âme fidèle, répands avec Marie sur les pieds du Seigneur un parfum précieux. Ce parfum, c’était la justice ; voilà pourquoi il pesait une livre ; c’était aussi un parfum « de nard » pur et précieux. Le nom de pisticus donné à ce parfum indique vraisemblablement la contrée d’où il venait, mais ce mot n’est pas mis sans dessein, et il est en parfait rapport avec le mystère dont il s’agit. Le mot grec pistis se rend en latin par fides, c’est-à-dire foi. Tu cherches à opérer la justice : « Le juste vit de la foi. » Oins les pieds de Jésus par une vie sainte, suis les traces du Seigneur. Essuie ses pieds avec tes cheveux ; si tu as du superflu, donne-le aux pauvres, et tu auras essuyé les pieds du Seigneur, car les cheveux semblent pour le corps quelque chose de superflu. Tu vois ce qu’il faut faire de ton superflu ; superflu pour toi, il est nécessaire aux pieds du Seigneur. Peut-être que, sur la terre, les pieds du Seigneur se trouvent dans le besoin.

3e leçon

N’est-ce pas de ses membres, en effet, que le Sauveur doit dire à la fin des temps : « Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits d’entre mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait ? » Vous avez distribué votre superflu, mais vous avez soulagé mes pieds. « La maison fut remplie de l’odeur du parfum » ; le monde s’est rempli de la bonne renommée ; car la bonne odeur, c’est la bonne renommée. Ceux qui vivent mal et qui portent le nom de chrétiens font injure à Jésus-Christ ; c’est de ceux-là qu’il est dit : « A cause de vous, le nom de Dieu est blasphémé. » Mais, si à cause d’eux le nom de Dieu est blasphémé, à cause des bons, le nom du Seigneur est comblé de louanges. Écoutez l’Apôtre : « Nous sommes, dit-il, une bonne odeur du Christ en tous lieux. »

Jésus se rend encore aujourd’hui à Jérusalem, dès le matin, avec ses disciples. Il était parti à jeun, et le récit sacré nous dit qu’il eut faim sur la route]. Il s’approcha d’un figuier ; mais cet arbre n’avait encore que des feuilles. Jésus, voulant nous donner un enseignement, maudit le figuier, qui sécha tout à coup. Il exprimait par ce châtiment le sort de ceux qui n’ont que de bons désirs, et sur lesquels le fruit de la conversion ne se cueille jamais. L’allusion à Jérusalem n’était pas moins frappante. Cette ville était zélée pour l’extérieur du culte divin ; mais son cœur était aveugle et endurci ; bientôt elle allait rejeter et crucifier le Fils du Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob.

La journée se passa en grande partie dans le Temple, où Jésus eut de longs entretiens avec les princes des prêtres et les anciens du peuple. Il parla avec plus de force que jamais, et déjoua leurs questions insidieuses. On peut voir, principalement en saint Matthieu, Chapitres XXI, XXII et XXIII, le détail des discours du Sauveur, qui deviennent de plus en plus véhéments, et dénoncent aux Juifs avec une énergie toujours croissante le crime de leur infidélité et la terrible vengeance qu’elle doit amener.

Enfin Jésus sortit du Temple, et se dirigea vers Béthanie. Arrivé sur la montagne des Oliviers, d’où l’on dominait la ville, il s’assit un moment. Ses disciples profitèrent de cet instant de repos pour lui demander à quelle époque auraient lieu les châtiments qu’il venait de prédire contre le Temple. Alors Jésus, réunissant dans un même tableau prophétique le désastre de Jérusalem et la destruction violente de ce monde à la fin des temps, parce que la première de ces deux calamités est la figure de la seconde, annonça ce qui doit arriver quand la mesure du péché sera comblée. Quant à ce qui est de la ruine de Jérusalem en particulier, il en fixa la date par ces paroles : « En vérité, je vous le dis : Cette génération d’hommes ne passera pas que toutes ces choses ne soient accomplies. » En effet, quarante ans étaient à peine écoulés que l’armée romaine, accourue pour exterminer le peuple déicide, menaçait du haut de la montagne des Oliviers, de cette place même où le Sauveur est assis aujourd’hui, l’ingrate et dédaigneuse Jérusalem. Jésus, après avoir parlé longuement encore sur le jugement divin qui doit réviser un jour tous les jugements des hommes, rentre dans Béthanie, et vient rassurer par sa présence le cœur affligé de sa très sainte mère.

En ce jour, la Station, à Rome, est dans l’Église de Sainte-Praxède. Cette église dans laquelle, au IXe siècle, le pape saint Paschal déposa deux mille trois cents corps de Martyrs qu’il avait extraits des Catacombes, possède la colonne à laquelle notre Seigneur tut attaché pendant le supplice de la flagellation.

ÉPITRE.

Aujourd’hui, c’est Isaïe, ce Prophète si précis et si éloquent sur les épreuves du Messie, qui vient nous révéler les souffrances de notre Rédempteur, et la patience qu’il opposera aux mauvais traitements de ses ennemis. Jésus a accepté sa mission de Victime universelle, et il ne recule devant aucune douleur, devant aucune humiliation. « Il ne détourne point son visage de ceux qui le frappent et le couvrent de crachats. » Quelles réparations ne devons-nous pas à cette souveraine majesté qui, pour nous sauver, s’est livrée à de tels outrages ? Voyez ces Juifs lâches et cruels : ils ne tremblent plus devant leur victime. Auparavant, dans le jardin des Oliviers, un seul mot de sa bouche les a jetés par terre ; mais, depuis, il s’est laissé lier et traîner chez le grand-prêtre. On l’accuse ; des clameurs s’élèvent contre lui ; il répond à peine quelques mots. Jésus de Nazareth, ce docteur, ce thaumaturge, a perdu son prestige ; on peut tout oser contre lui. C’est ainsi que le pécheur se rassure, quand il a entendu gronder la foudre et qu’elle ne l’a pas écrasé. Cependant les saints Anges s’anéantissent devant cette face auguste que ces misérables ont meurtrie et souillée ; prosternons-nous avec eux, et demandons grâce : car nos péchés aussi ont maltraité cet auguste visage.

Mais écoutons les dernières paroles de notre Sauveur, et rendons grâces. Il dit : « Celui qui marchait dans les ténèbres et qui n’avait pas la lumière, qu’il espère maintenant. » C’est le Gentil plongé dans le vice et dans l’idolâtrie. Il ignore ce qui se passe en ce moment à Jérusalem ; il ne sait pas que la terre possède un Homme-Dieu, et que cet Homme-Dieu est, à cette heure même, foulé sous les pieds d’un peuple qu’il avait choisi et comblé de faveurs ; mais bientôt la lumière de L’Évangile viendra poursuivre de ses rayons cet infidèle. Il croira, il se soumettra ; il aimera son libérateur jusqu’à lui rendre vie pour vie et sang pour sang. Alors s’accomplira l’oracle de l’indigne pontife qui, prophétisant malgré lui le salut des Gentils par la mort de Jésus, annonçait en ces derniers jours que cette mort allait réunir dans une seule famille les enfants de Dieu qui étaient dispersés sur la surface de la terre.

ÉVANGILE.

Nous avons remarqué plus haut que le récit évangélique qui vient d’être lu se rapporte au Samedi, veille du Dimanche des Rameaux, et qu’il a été inséré dans la Messe d’aujourd’hui parce que, dans l’antiquité, ce Samedi n’avait pas de Station. La sainte Église a voulu porter notre attention sur cet intéressant épisode des derniers jours de notre Rédempteur, parce qu’il nous aide à saisir l’ensemble des circonstances qui se produisaient à ce moment autour de lui.

Marie-Madeleine, dont la conversion était, il y a quelques jours, l’objet de notre admiration, est appelée à figurer dans les scènes de la Passion et de la Résurrection de son maître. Type de l’âme purifiée et admise ensuite aux faveurs célestes, il nous importe de la suivre dans les diverses phases que la grâce divine lui fait parcourir. Nous l’avons montrée s’attachant aux pas de son Sauveur et subvenant à ses besoins ; ailleurs le saint Évangile nous la fait voir préférée à Marthe sa sœur, parce qu’elle a choisi la meilleure part ; dans les jours où nous sommes, elle nous intéresse surtout par son tendre attachement à Jésus. Elle sait qu’on le cherche pour le faire mourir ; et l’Esprit Saint, qui la conduit intérieurement à travers les états toujours plus parfaits qui se succèdent en elle, veut qu’aujourd’hui elle accomplisse une action prophétique à l’égard de ce qu’elle redoute le plus.

Entre les trois présents des Mages, l’un d’eux était un signe de mort pour le divin Roi que ces hommes fidèles étaient venus saluer du fond de l’Orient : c’était la myrrhe, parfum funéraire qui fut employé si abondamment dans la sépulture du Sauveur. Nous avons vu que Madeleine, au jour de sa pénitence, témoigna de son changement de vie par l’effusion du plus précieux de ses parfums sur les pieds de Jésus. Aujourd’hui, elle a recours encore à cette touchante manifestation de son amour. Son maître divin est à table chez Simon le Lépreux ; Marie, la Mère de douleurs, est avec lui, ainsi que les disciples ; Marthe veille au service ; tout est calme dans cette maison ; mais de tristes pressentiments sont au fond des cœurs. Tout à coup Madeleine paraît, portant dans ses mains un vase rempli d’une huile de nard du plus grand prix. Elle se dirige vers Jésus, et s’attachant à ses pieds, elle les inonde de ce parfum ; et cette fois encore elle les essuie avec ses cheveux.

Jésus était étendu sur un de ces lits dont les Orientaux se servaient, lorsqu’ils prenaient leur repas dans les festins ; il était donc facile à Madeleine d’arriver aux pieds de son maître, et de renouveler cette démonstration de respect et de tendresse à laquelle elle s’était livrée autrefois chez le pharisien ; mais en ce jour le récit sacré ne nous dit pas qu’elle ait mêlé ses larmes à son parfum. Deux des Évangélistes, dont saint Jean a voulu compléter la narration trop succincte, nous apprennent qu’elle répandit aussi cette huile de senteur sur la tête du Sauveur. Madeleine sentait-elle en ce moment toute la portée de l’action que l’Esprit divin lui inspirait ? L’Évangile ne le dit pas ; mais Jésus révéla le mystère à ses disciples ; et nous qui recueillons ses paroles, nous apprenons par ce fait que la Passion de notre Rédempteur est, pour ainsi dire, commencée, puisque déjà la main de Madeleine L’embaume pour le tombeau.

La suave et pénétrante odeur du parfum avait rempli toute la salle. L’un des disciples, Judas Iscariote, ose protester contre ce qu’il appelle une profusion. La bassesse de cet homme et son avarice l’ont rendu insensible et sans pudeur. La voix de plusieurs des disciples s’unit à la sienne : tant leurs pensées étaient vulgaires encore ! Jésus permit cette indigne réclamation pour plusieurs motifs. Il voulait d’abord annoncer sa mort prochaine à ceux qui l’entouraient, en leur dévoilant le secret exprime par cette effusion d’un parfum sur son corps. Son but ensuite était de glorifier Madeleine, dont l’amour était à la fois si tendre et si ardent ; et c’est alors qu’il annonça que la renommée de cette illustre pénitente s’étendrait par toute la terre, aussi loin que l’Évangile lui-même pénétrerait. Enfin il voulait par avance consoler les âmes pieuses auxquelles son amour inspirerait de faire des largesses à ses autels, et les venger des critiques mesquines dont elles devaient souvent être l’objet.

Recueillons ces enseignements divins. Aimons à honorer Jésus dans sa personne comme dans ses pauvres. Honorons Madeleine et mettons-nous à sa suite, lorsque bientôt nous la verrons si assidue au Calvaire et au sépulcre. Enfin préparons-nous à embaumer notre Sauveur, en réunissant pour sa sépulture la myrrhe des Mages, qui figure la pénitence, et le précieux nard de Madeleine, qui représente l’amour généreux et compatissant.

 

 

 

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Le carnage de la Semaine Sainte sous Pie XII

3 Avril 2023 , Rédigé par Ludovicus

Le carnage de la Semaine Sainte sous Pie XII

MGR LÉON GROMIER :

La Semaine Sainte restaurée fût en premier lieu une question d’horaire. Il s’agissait de remettre en usage la veillée pascale, basée sur le dogme pastoral de la Résurrection à minuit sonnant. Ce dogme ne se soutient pas facilement ; car pourquoi s’y soumettre quand les messes vespérales, pratiquement, admettent la célébration à toute heure du jour et de la nuit, même après le chant des vêpres ; quand la messe conventuelle se célèbre indifféremment après tierce ou sexte ou none ? Autre opposition les règles du culte ont pour fondement, outre le cours du soleil, la discipline du jeûne, qui s’est fortement adoucie ; d’où il suit que l’édifice restauré a l’air d’un château de cartes. Le zèle pastoral s’est étendu, depuis le samedi, point culminant, à toute la semaine partant des rameaux.

Saint Pie V prohibe de célébrer le soir

L’anticipation progressive des trois derniers jours, puis le renvoi au soir originaire nous ouvre un débat. Le décret général préambule affirme que, vers la fin du moyen-âge, on avait avancé au matin les solennités susdites. Or la bulle de Saint Pie V, Ad cujus notitiam, du 29 Mars 1566, donc 113 ans après la fin du moyen-âge, prohibe ce qu’on faisait encore, par permission ou par coutume, dans les église cathédrales, collégiales, conventuelles et autres, c’est-à-dire célébrer, le soir ou vers le coucher du soleil, le samedi saint et les autres solennités. Le but est évident la pastorale doit restaurer, réparer les dégâts ; plus graves ils étaient, plus sera bien venue la restauration ; Dieu sait si la restauration à faire avant toute autre n’était pas d’abolir la bulle de Saint Pie V, en laissant aux évêques la liberté tant désirée, de choisir l’heure de l’après-midi la plus avantageuse pour les offices de la Semaine Sainte : en permettant aussi, à qui voulait, de faire la communion ; laquelle avait été abolie par crainte qu’on ne fût plus à jeun aux heures de l’après-midi où le célébrant la faisait encore.
Sa terminologie mérite attention ; car un apologiste, patenté pour le reste, nous maintient ici dans l’obscurité. Jusqu’à présent on connaissait le dimanche de la Passion, le dimanche des Rameaux, les lundi, mardi et mercredi de la Semaine Sainte, le Jeudi Saint, in Coena Domini en latin, le Vendredi Saint, in Parasceve en latin et le Samedi Saint. Puisqu’on veut amplifier la solennité de la procession des Rameaux, pourquoi mettre ce dimanche en dépendance de la Passion ; et ne pas lui laisser son vieux nom de dimanche des Rameaux, que tout le monde comprend et qui ne trompe personne ? Si le Samedi Saint s’appelle ainsi, le vendredi peut bien s’appeler de même, chez tous les chrétiens du monde. Il y aura bientôt 2000 ans qu’on l’appelle in Paravesce ; le nom seul en démontre l’antiquité. Alors pourquoi le remplacer par Passion ou Mort du Seigneur ; locution inutile, non traditionnelle, inconnue au canon de la messe ? En style ecclésiastique passion signifie souffrances jusqu’à la mort inclusivement. Si le substantif mort était si nécessaire, le bon sens voulait surtout qu’il fut ajouté au mot passion dans le titre de l’Évangile : Passio D.N.J.C. appelé maintenant histoire de la Passion.

L’occasion s’offre d’examiner les capacités juridiques de la pastorale. Il ne suffit pas de parler d’une chose pour la créer. Office in choro veut dire un lieu liturgique ou des ecclésiastiques se comportent suivant des règles liturgiques. Office in communi ne désigne ni lieu ni personne ; c’est un groupe de gens réunis sans mandats sans entité légale, et auxquelles il plaît de dire collectivement l’office privé. Le bréviaire distingue in choro et extra chorum ; il n’y a pas de moyens termes.

Suppression des vêpres du Jeudi Saint et du Vendredi Saint

Suppression des complies Samedi Saint

Que les vêpres du jeudi et du vendredi saint soient omises, supprimées, voilà qui atteint le comble de l’arbitraire, surtout quand on allègue ce motif : la messe tient lieu de vêpres, car elle est le principal. Or, entre messe et vêpres, il n’y a aucune rivalité ; les vêpres ont la même principalité que les autres fonctions liturgiques. Suivant les temps et les lieux, les vêpres ont été écourtées après la messe du samedi ; elles le furent aussi après la messe du jeudi et du vendredi ; jamais on ne pensa à les abolir. L’horaire rétabli par les pastoraux s’accorde en plein avec le fait historique, c’est à dire jeûne jusqu’aux vêpres, qui sont précédées de la messe et de la communion. Les vêpres du samedi sont dans l’après-midi, avant la messe qui est nocturne ; mais quelle raison peut interdire les vêpres du jeudi et du vendredi, après la messe qui n’est pas nocturne par définition ? Le samedi saint sans complies est inexplicable ; le jeudi et vendredi saints, avec complies mais sans vêpres, défient le raisonnement ; car on a beau se coucher tard, le coucher n’en a pas moins lieu et exige sa prière.

Pour qualifier la procession des Rameaux, la fonction du vendredi saint et la veillée pascale, les pastoraux emploient l’adjectif solennel, tandis qu’ils s’en privent pour tout le reste. Or la solennité des fonctions liturgiques n’est pas une décoration facultative ; elle tient à la nature de la fonction ; elle résulte de tous ses éléments constitutifs, non seulement de quelques uns. Tous les manuels expliquent quelles sont les fonctions solennelles et les non-solennelles. En dehors de là une soi-disant solennité n’est qu’un appât amplificatif, pour faire impression et mieux frapper au but. Il faut savoir que, par habitude assez récente, on fait un usage prodigieux du mot solennel, même pour des actes nécessairement solennels, inséparables de solennité. On se paye de mots en croyant mettre plus de solennité dans la procession des Rameaux que dans celle de la Chandeleur, plus de solennité dans la procession du jeudi saint que dans celle du vendredi (abolie comme nous verrons). Toujours sur la même pente, nous apprenons que la Passion du vendredi saint est chantée solennellement comme si elle pouvait l’être d’autre façon.

Digne d’admiration est la puissance des pastoraux qui se manifeste par l’annulation du malheureux et triste canon 1252 §4, sur le jeûne du samedi saint.

Ce jour-là on nous dit que, sous le symbole du cierge pascal, est représenté notre Rédempteur, lumière du monde, qui, par la grâce de sa lumière, a chassé les ténèbres de nos péchés, etc… Là-dessus planait jadis un peu de mystère, sans risque pour l’enseignement. Maintenant on tient à mettre les points sur les i, ce qui suscite un peu d’incertitude. Les différents temps et lieux nous fournissent un amas chaotique de rites, où il faut chercher le fil conducteur. Comme suite du primitif lucernaire quotidien, le feu produit, soit retiré d’une cachette qui le conservait, soit allumé par les rayons de soleil et la loupe, soit transmis par le briquet, allume un moyen d’éclairage pour la nuit pascale ; c’est le cierge pascal, accompagné de la proclamation du mystère pascal. La présence simultanée, et historique, de deux cierges pascaux ne cadre nullement avec la thèse des pastoraux. L’allumage du cierge est l’acte de première nécessité contre les ténèbres ; par cela même, s’il doit évoquer le Christ vivant, il est fort anticipé, il devance trop l’annonce de la Résurrection. L’amplification reçue des pastoraux par le cierge le fait ressembler plus à un but qu’à un moyen. Jadis censé bénit, et même consacré selon les auteurs, aujourd’hui bénit, le cierge pascal devient un objet qui tient un milieu entre une croix, un évangéliaire et une relique. Tout cela se verra mieux quand nous arriverons au jour du samedi saint.

Le célébrant ne lie plus, il écoute

Pendant toute la semaine sainte, tous les textes chantés par le diacre, le sous-diacre et les chantres sont omis par le célébrant, qui n’a pas à les lire. Peu importe comment chantent les officiants (souvent mal), s’ils se font entendre et comprendre, si les haut-parleurs sont intelligibles. On doit écouter. Voilà une victoire ! On s’en délecte comme d’un retour à l’antiquité, d’un gage pour le futur, d’un avant goût des réformes à venir. Si cela peut intéresser les fidèles habitués à se servir d’un livre, qui, le nez dans leur paroissien, s’isolent de la communauté, sic ! On distingue la lecture seulement oculaire et la lecture labiale. Lire des lèvres ce qu’un autre chante ne se soutient pas. Mais la lecture oculaire peut se soutenir ; elle a un âge respectable ; elle a commencé par nécessité, continuée par utilité, abouti en marque de dignité ; elle fait partie de l’assistance pontificale du Pape et de l’Évêque.
Pour ne rien oublier, on nous apprend qu’est solennel même le reposoir du jeudi saint ; ce que n’a jamais dit le Missel, mieux rédigé que certaines rubriques. Celles-ci expriment deux désirs et une interdiction : le clergé fera bien d’abord de tenir les cierges allumés pendant le chant de l’Exultet, ensuite pendant un dialogue entre le célébrant et les fidèles avant la messe. Défense de tenir les palmes pendant le chant de la Passion. Au total, elles prétendent créer deux obligations pour deux nouveautés ; elles abolissent une pratique ancienne, qui trouve son explication dans saint Augustin (homélie à Matines avant les Rameaux) : ” les rameaux de palmier sont des louanges signifiant la victoire, car le Seigneur était sur le point de vaincre la mort en mourant, et de triompher du diable par le trophée de sa croix. ”
La vigile de la Pentecôte n’a plus rien de baptismal, devenue un jour comme un autre, et faisant mentir le missel dans le canon. Cette vigile était un voisin gênant, un rival redoutable ! La postérité instruite sera probablement plus sévère que ne l’est l’opinion actuelle à l’égard des pastoraux.

Bon gré ou mal gré, la communion du clergé, souhaitée à la messe du jeudi saint, sera toujours en lutte avec les permission données de célébrer la messe privée.

Les pastoraux appellent le Christ Roi en renfort de leur solennelle procession des Rameaux ; comme si on les attendait pour perfectionner une situation à laquelle l’auteur du Gloria laus et honor a pourvu suffisamment, mais pas à leur manière. Certaines retouches à le tradition, qu’on invoque tant par ailleurs sont aussi mesquines qu’audacieuses.

Une bénédiction des rameaux sur une simple table face au peuple

L’aspersion de l’eau bénite est un rite pascal devenu dominical. Le Dimanche des Rameaux n’est pas moins dominical que les autres. Quand la Chandeleur arrive un Dimanche elle n’empêche pas l’aspersion. Celle-ci n’a jamais consisté à jeter de l’eau sur une table placée quelque part et portant rameaux et autres objets. Elle consiste à asperger l’autel, le célébrant, le clergé, l’église et les fidèles. Exception faite pour l’évêque, et sauf impossibilité, le lieu propre des bénédictions, comme de la consécration, est l’autel, ou encore son voisinage, comme par exemple la crédence.

Pendant des siècles la consécration des huiles se faisait à l’autel, avant de se faire sur une table comme aujourd’hui, et non in conspectu populi. Qu’est-ce que les pastoraux ont ici à montrer au peuple, eux qui de pléthorique qu’elle était, ont rendu squelettique la bénédictions des rameaux ? Une oraison, un signe de croix, un jet d’eau bénite et un encensement ; spectacle peu attrayant. Eux qui suppriment l’aspersion dominicale, véritable méfait liturgique, admettent volontiers que le célébrant parcours l’église pour asperger les rameaux tenus par les fidèles, puis refasse le même chemin pour les encenser.
Un pastoral professeur de séminaire suisse, proclame un jour que le rouge est la couleur du triomphe. On devait lui répondre : vous vous trompez beaucoup, tant que le blanc sera la couleur de Pâques, de l’Ascension, de la Fête-Dieu. Mais non aussitôt dit aussitôt fait ; la couleur pour les rameaux sera le rouge, le violet restant pour la messe. Tout le monde ne pense pas comme le professeur. Le rite romain employait le violet depuis qu’il s’en sert. Le rite parisien et celui de maints diocèses, employait le noir jusqu’au milieu du XIX siècle. Quelques rites employaient le rouge pour les rameaux et la messe. Les uns insistaient sur le deuil les autres sur le sacrifice sanglant. Mais chacun gardait la même couleur : personne n’eût jamais l’idée d’en changer. Car tout l’office du dimanche des rameaux est un mélange de pièces triomphales et passionnelles. Depuis matines jusqu’à vêpres incluses, y compris la messe, on trouve que le nombres de pièces passionnelles surpasse de peu celui des pièces triomphales. Quand deux choses sont ainsi mélangées, aucune séparation ne s’impose. le professeur suisse a cru s’illustrer en imitant le raisonnable changement de couleur qui se fait à la chandeleur ; mais son pastiche n’est qu’une chétive succursale de la moderne fête du Christ Roi.

La distribution des rameaux, lisons-nous, se fait suivant la coutume. N’en déplaise aux pastoraux, avant la coutume, il y a des règles à observer. Comme le célébrant s’il n’est pas l’unique prêtres, reçoit les cendres et son cierge des mains du plus digne du clergé, ainsi doit-il recevoir son rameau. S’il ne le reçoit pas il sera sans rameau à la procession. Là-dessus de graves rubricistes se sont demandés si les pastoraux voulait que le célébrant ne portât pas de rameaux à la procession, parce qu’il aurait représenté le Christ qui n’en portait pas. L’hypothèse, en tout logique, conduisait à faire monter le célébrant sur une ânesse. Heureusement la pastorale s’est reprise en consentant au rameau oublié.

Elle, qui réduit à sa plus simple expression la bénédiction des rameaux, ne s’est pas privé d’en allonger la distribution, attendu la surabondance des chants destinés à cette action. Tandis que la longueur que la longueur de la bénédiction paraissait énorme, cette pléthore ajoutée est censée pourvoir ne pas suffire au besoin.

Le porteur normal de la croix de procession est le sous diacre, toutes les fois que le célébrant n’a pas besoin de lui, en portant le Saint Sacrement, ou pour les fonts baptismaux. Un sous-diacre supplémentaire en qualité de porte croix n’a de raison que si le sous-diacre est empêché comme ci-dessus.

La croix de procession sans voile

Pendant deux semaines, la croix de l’autel reste voilée ; bien que voilée on l’encense, on la révère par génuflexion ou inclination profonde. Il est défendu de la dévoiler sous aucun prétexte. Au contraire la croix de procession, succédanée de la croix d’autel, se porte dévoilée à la procession ; au départ et au retour de celle-ci on voit deux croix, l’une voilée, l’autre dévoilée. Que peut-on y comprendre ?

Le désordre augmente au retour de la procession. Aller au devant d’un grand personnage, l’accompagner aux portes de la ville qui sont fermées, s’y arrêter pour le complimenter et l’acclamer, enfin ouvrir pompeusement les portes en son honneur, voilà qui a toujours été un des plus grands hommages possibles ; mais il ne convient pas au génie créateur des pastoraux.

Abolition de la croix qui fait ouvrir la porte

On ne peut qualifier que de vandalisme le fait d’arracher le Gloria laus et honor de sa place à la porte de l’église, pour le mêler à tout le bagage musical processionnel presque triplé de longueur, car lésinerie et gaspillage du temps vont de pair. Donc point d’arrêt devant la porte, fermée puis ouverte ; la croix de procession dévoilée pour la magnifier, on la galvaude en lui refusant la vertu de faire ouvrir la porte. Tout cela en dépit du cérémonial ancien et moderne et puis avec quel profit ? Les rubriques pastorales affectionnent l’expression : rien n’empêche que, nihil impedit quominus. Ici elles s’en servent pour lâcher la bride aux fidèles qui pourront chanter l’hymne Christus vincit, ou autre chant en l’honneur du Christ Roi. Tolérance qui aura naturellement ses suites ; les fidèles dament le pion du clergé, ils ont le choix des chants et de langue ; s’ils chantent au Christ Roi, ils aimeront à chanter à sa mère qui est reine. Autant de désirs, de souhaits éminemment pastoraux.
La rubrique romaine disait : quand la procession entre dans l’église, on chante Ingrediente Domino, la rubrique pastorale dit : quand la procession entre dans l’église, au moment où le célébrant franchit la porte, on chante Ingrediente Domino. On ne fait nul cas de la porte au retour de la procession ; maintenant on guette le passage de la porte par le célébrant qui semble identifié avec le Christ entrant à Jérusalem.

Entre la procession et la messe on nous enrichit d’une oraison finale et récapitulative, avec des modalités défectueuses ; le célébrant n’a pas besoin de monter à l’autel, surtout en lui tournant le dos, exprès pour chanter une oraison et redescendre aussitôt. A-t-on jamais vu cela après les processions des rogations ? Enfin dans le cas présent, tenir le livre devant le célébrant appartient au diacre et sous diacre, non à un clerc.

Autrefois on appelait Passion le chant évangélique de la Passion, et évangile la fin de la Passion chantée à la manière de l’Évangile. Aujourd’hui les deux parties réunies s’appellent histoire de la Passion, ou encore Évangile de la Passion et de la mort. Un tel progrès pastoral en vaut la peine ! Les chasubles pliées sont une des caractéristiques les plus anciennes du rite romain ; elles remontent au temps où tout le clergé portait la chasuble, et furent conservées […] la plus austère pénitence. Leur abandon fait mentir les peintures des catacombes : c’est une perte immense, un outrage à l’histoire et à […] tord, dit-on, on aurait donné cette explication proportionnée au méfait : on ne trouve pas facilement des chasubles pliées. Or c’est juste le contraire : on trouve partout des chasubles violettes, qui peuvent se plier, tandis que les dalmatiques violettes sont beaucoup moins répandues. En outre on a toujours la ressource de servir en aube.

Suppression du psaume 42 Judica me Deus « Jugez-moi, ô Dieu, et distinguez ma cause de celles de la nation impie : arrachez-moi de l’homme inique et trompeur »
Suppression du Confiteor

Les pastoraux aiment retrancher quelque chose au début ou à la fin de la messe. Leurs coupures outre le peu d’instants qu’elles font gagner, sont plutôt insignifiantes, mais surtout elles leur servent de tremplin pour de nouveaux bonds sur leur voie réformatrice. Ainsi donc ni le psaume Judica me, ni confession avant la messe des Rameaux et du samedi saint, parce que précédée d’une autre cérémonie ; mais on voudra autant la messe de la Chandeleur, des Cendres, une messe de mariage, de funérailles, une messe précédée de communion. Du début passons à la fin. Aux Rameaux, aux jeudi et samedi saints, l’indésirable dernier Évangile est omis ; parfait, mais en vertu de quel principe ? Au jeudi saint la bénédiction est omise, parce que la cérémonie n’est pas achevée ; on voudra autant la Fête Dieu, et chaque messe suivie d’une procession du Saint Sacrement.

Lorsque s’introduit l’usage de faire chanter la Passion dialoguée par trois diacres supplémentaires, plutôt en forme de leçon qu’en forme d’Évangile, on réservera la fin de la Passion pour être chantée, sous forme d’Évangile, par le diacre du célébrant, afin de ne pas tomber dans l’absurdité du diacre qui ne chante pas l’Évangile. Les trois diacres commençaient et terminaient la Passion sans cérémonies, comme aux leçons ; le seul diacre au contraire faisait les cérémonies habituelles de l’Évangile. Cela tenait debout, venait de la chapelle papale. Ainsi le diacre est évincé par les trois de la Passion, laquelle ne fait plus qu’un avec l’Évangile ; le munda cor meum et la bénédiction d’avant l’Évangile passent avant la Passion ; encensement du livre, baiser du livre, encensement du célébrant disparaissent. Ces trois gestes succombent à la mentalité pastorale ; car pour elle il n’y a pas d’Évangile, il y a seulement une histoire, histoire de la Passion ; or à défaut d’Évangile, il n’y a pas d’évangéliaire ; par conséquent on n’encense pas le livre d’histoire, on ne le fait pas baiser, on n’encense pas qui ne l’a pas baisé.

Continuons à glaner. Les livres de la passion-évangile viennent comme ils peuvent ; on n’en parlera que le vendredi saint. Les pastoraux ignorent comment se porte l’évangéliaire ; pourquoi il doit y avoir trois acolytes d’accompagnement, au lieu de deux ; que le diacre agenouillé pour dire le Munda cor meum n’a pas à s’incliner ; ils nous répètent à satiété que la passion-évangile est chantée ou lue. Du reste toutes leurs rubriques sont rédigées de manière à faire croire que, à volonté, on peut lire dans un office chanté ou chanté dans un office lu, on peut choisir ce qu’on veut chanter et laisser ce qu’on ne veut pas, on peut faire des offices à moitié chantés, à moitié lus, on peut amalgamer chant et lecture. Tel est un des fléaux redoutables en ce moment, avec celui de la langue vulgaire. Il n’est pas très nouveau et reçu même un appui par les décisions prise ces dernières années, que dans les ordinations chantées, l’évêque ordinant interrompe le chant des préfaces pour dire sans chanter les paroles essentielles ; car, paraît-il, le chant nuit à l’attention requise.

La Passion selon les quatre évangélistes englobait l’institution de l’Eucharistie, tant parce qu’elle y sert d’introduction, tant parce qu’elle ne peut trouver sa meilleure place que dans la messe. Les pastoraux pressés quand ils veulent, pensent autrement, ils expulsent l’institution de l’Eucharistie. Celle-ci par conséquent, est toute l’année exclue de la liturgie dans l’Église romaine, sans doute pour meilleure instruction des fidèles.

L’omission du psaume miserere à la fin des heures soulage le pauvre clergé et les malheureux fidèles. Ce psaume pouvait rester après laudes ou vêpres seulement ou même au chœur seulement, ou même facultatif seulement. Les pastoraux auraient lus avec profit ce que le cardinal Wisemann, premier archevêque de Westminster, écrivit sur le chant de ce psaume à l’office des ténèbres dans la chapelle papale.

La Missa Chrismatis, messe pontificale célébrée avec 26 parés rappelant la concélébration, célébrée sans aucun rapport avec le jeûne, dans laquelle il n’est pas permis de donner la communion, forme un curieux problème difficile à résoudre. Sa préface propre sur le ton férial, se range parmi d’autres curiosités.

Tous les prêtres doivent porter l’étole préfigurant la future concélébration

Dans le rite romain l’emploie de l’étole est limité par des règles ; personne ne peut la porter sans motif ; elle se met au moment voulu, ni avant ni après ; elle est un vêtement sacré, n’a aucun rapport avec le vêtement choral, soit pour les individus, soit pour un corps du clergé. Les prêtres n’ont pas plus le droit de porter l’étole pendant une messe, où ils communieront, que pendant une messe d’ordination, où ils imposeront les mains. En disant l’inverse les pastoraux abusent de leur latitude imméritée.

A la messe du jeudi saint le célébrant commence solennellement le Gloria in excelsis ; comment ferait-il pour le commencer autrement ? Ici nous trouvons une transposition, sinon de grande importance, du moins de haute signification pastorale. Jusqu’à présent après le chant de la passion du vendredi saint, la liturgie donnait place à un sermon sur la Passion ; on s’apitoyait sur le Christ mort en croix, avant d’adorer l’un et l’autre. Maintenant il n’est plus question de cela, on n’en parle plus. En revanche après l’évangile du jeudi saint une homélie est fort conseillée pour qu’on s’émerveille du Christ lavant les pieds.
Des documents anciens il ressort que la messe ne fut jamais ni le lieu ni le temps du Mandatum. Celui-ci en était séparé, était généralement suivi d’une réfection du clergé. Le roi ou empereur participait au Mandatum, non pas à la messe. Le Ceremoniale Episcoporum situe le Mandatum dans un local convenable, ou dans la salle capitulaire, ou dans l’église mais pas dans le chœur. Le missel ne spécifie aucun lieu, ne suppose ni chœur ni autel. Du moment que la réconciliation des pénitents se faisait dans la nef, le bon sens ne pouvait admettre dans le chœur des hommes du laïcat. Les pastoraux veulent le Mandatum dans la messe, ne font que le tolérer en dehors ; ils s’aperçoivent à peine qu’on peut laver les pieds à des clercs, véritables ou tenus pour tels.

Nouveauté du lavement des pieds à la messe et les laïcs pénètre dans le chœur

Une remarque s’impose sur la distribution des rôles. Le diacre et le sous-diacre sont chargés d’introduire les douze hommes choisis (non plus treize) dans le chœur, puis de les reconduire à leur place d’auparavant. Ce service est celui d’un bedeau ou d’un sacristain ; mais il exprime bien la mentalité pastorale imprégnée de démagogie peu avantageuse au clergé. Il fut un temps où chaque candidat au pédiluve était porté, à force de bras, par des hommes idoines, devant le pape assis pour laver les pieds. Les pastoraux, n’osant pas pousser à ce point la “charité fraternelle”, se contentent d’employer le diacre et le sous-diacre à introduire les candidats, puis à les reconduire dehors. Certains regretteront l’antique usage signalé, car non seulement le sport mais aussi l’activité sociale et pastorale du clergé en aurait profité.
Nous rencontrons un gros obstacle sans dissimulation possible. Par décret du 4 décembre 1952 la Sacré Congrégation des Rites censurait l’incongruité du fait que l’évêque se chausse et se déchausse, prend et quitte chausse et sandales dans l’église ; par suite elle prohibait un tel emploi des chaussures liturgiques, lequel devait toujours se faire hors de l’église, malgré les règles jusqu’alors en vigueur. Ce décret est excessivement discutable, car il se base sur l’inexactitude, en attribuant au Ceremoniale Episcoparum des choses qu’il n’a jamais dites. Ne le discutons pas, et limitons nous à sa prohibition. L’évêque, hors de la messe, reçoit chausse et sandales sur jambes et pieds non dénudés, puisque couverts des bas. Ces chaussures sont des vêtements sacrés, autant qu’une mitre et une paire de gants, bénits, reçus simultanément avec l’épiscopat, accompagnés d’une prière, mis en œuvre avec toute la bienséance possible ; la pratique existant depuis des siècles. Au contraire 12 hommes dans le chœur, pendant la messe, se déchaussent, mettent à nu leur pied droit, et se rechaussent avant de se retirer ; la pratique étant d’invention moderne. En résumé douze pieds nus sont moins incongrus que les deux de l’évêque chaussés, sans compter les autres différences.

Le souci d’éliminer le mot pax de la messe du jeudi saint, parce que le baiser de la paix ne se donne pas, s’étend à une oraison, au Confiteor, etc…, au baiser de la main de l’évêque, a l’Ite missa est, à la bénédiction et au dernier évangile. Mais on ne sait pas si ils tolèrent les autres baisers, de main et d’objet ; car ils pourraient les proscrire aussi machinalement. La science des pastoraux en est encore au point de prendre le baiser de la main pour le baiser de l’anneau.
L’épargne d’un Confiteor à la communion du jeudi saint, c’est à dire un échange qui prend le Confiteor inaperçu dit privatim par le célébrant au début de la messe, pour qu’il tienne lieu du Confiteor collectif, chanté par le diacre avant la communion, est peut-on dire, tirée par les cheveux. La subtilité du troc ne suffit pas à masquer l’énorme dissemblance de deux emplois du Confiteor. Trop de finesse peut nuire.

Le départ et l’arrivée de la procession au reposoir donnent une preuve patente de la dextérité cérémoniale des pastoraux. Au départ le célébrant prend le ciboire avec l’aide du diacre, et maladroitement ; à l’arrivée il le dépose avec ou sans l’aide du diacre, et mal également. Les réformes exigent de ceux qui les font une formation que beaucoup n’ont pas. Depuis le Dimanche des Rameaux, nous sommes sans nouvelles tant de la croix de procession que celle de l’autel. Furent-elles découvertes ou voilées, et de quelle couleur ? Personne n’en sait rien.

Extermination de la Messe du Vendredi Saint

Le culte du vendredi saint comporte communion […] tout en ayant les grandes lignes extérieures d’une messe. Ce culte appris […] fut de bonne heure emprunté par le rite romain aux orientaux, qui en font large emploi toujours en vigueur. La messe des présanctifiés avait ainsi de qui et de quoi s’autoriser, surtout si l’on observe que le rite romain eut pendant des siècles la messe sèche ; une véritable parodie. Malgré tout un crime d’alarme éclata parmi les pastoraux ; c’était un arrêt d’extermination. L’alarme fut donnée par un abbé bénédictin belge s’écriant : ” la cérémonie du vendredi saint a pris des allures de messe insupportables “. Il n’en fallait pas plus aux pastoraux. Avec un acharnement digne d’un meilleur but, ils ont rempli ce programme : retrancher des éléments foncièrement romains ; adopter des éléments étrangers ; reprendre des éléments romains inférieurs et désuets ; exclure tout ce qui peut, de près ou de loin, faire penser à une messe. Sur ce point leur idée fixe est un émule du refrain Delenda est Carthago. La messe des présanctifiés a succombée sous l’incompréhension, a été victime d’une cabale. Le dictionnaire de liturgie, édition Migne, disait en 1844 : ” Le rite romain nous semble, quant à l’adoration de la croix, bien plus grave et plus édifiant que le rite de divers diocèses de France “. Avis aux pastoraux pour leur construction toute entière, qui est devenue un exercice de piété, sous le nom de ” Singulière et solennelle action liturgique pour la passion et la mort du Seigneur ” ; action qui, malgré son qualificatif, n’ennoblit pas son objet.

Le Pontifical romain nous apprend qu’on ne salue pas un nouvel autel avant d’y avoir placé sa croix. Car on salue non pas l’autel lui-même, mais bien la croix qui le domine, et à laquelle s’adressent toutes les prières. Il fut un temps où l’on apportait la croix et les chandeliers à l’autel en y arrivant, et on les remportait en partant. Cela aujourd’hui, n’est pas plus permis que de tenir l’autel découvert en permanence. C’est pourquoi je m’adresse aux pastoraux : ” Le dimanche des Rameaux vous avez découvert la croix de procession sous prétexte de la magnifier ; le vendredi saint où elle est couverte vous enlevez la croix de l’autel, l’envoyez à la sacristie, où vous l’enverrez chercher ensuite ; comment expliquez-vous pareille contradiction ? ” Renions tout génie créateur ou organisateur. Notons enfin que la croix sur l’autel rappelle une messe.

Les pastoraux divisent la solennelle action en quatre parties sous-titrées, dont la deuxième et la troisième sont solennelles, mais la première et la quatrième non. Ces dosages sont aussi savants et admirables que leur auteurs.

De chasuble il n’en est pas question ; elles sentiraient la messe. Alors le pauvre célébrant doit se contenter d’être en aube, comme dans une église de campagne, malgré la solennité ultra proclamée ; c’est un affront que le rite romain lui épargnait.

L’autel sans croix, s’il mérite toujours d’être baisé, pour lui-même, n’a pas le droit d’être salué, et encore moins d’être prié ; car on n’invoque pas l’autel. Dans le rite romain lorsqu’on se trouve à genoux, ou qu’on fait la génuflexion à deux genoux, et que l’on s’incline, l’inclination doit être médiocre, non profonde. Cette règle ancienne a été confirmée il y aura un demi siècle environ. On s’effraye en voyant la liturgie entre deux pouvoirs, ou seulement deux conduites, qui s’ignorent réciproquement.

Les pastoraux enrichissent le vendredi saint d’une oraison d’introduction et de trois oraisons de conclusion ; ils abrègent d’une main et allongent de l’autre, ayant le monopole du juste milieu ; on verra qu’ils sont pris entre deux feux, […] , dans leur propre filet. Le célébrant chante l’oraison d’introduction au pied de l’autel parce qu’il n’y montera que pour les grandes oraisons. Puisque, à l’autel, le célébrant ne tient les mains écartées qu’étant en chasuble dans la messe et que Delenda est Carthago, les mains écartées devraient faire place aux mains jointes ; mais la pastorale abdique. On se demande pourquoi la deuxième leçon tenant lieu d’épître est chantée par le sous diacre, vu que le nom de messe est rejeté, et que le diacre ne chante pas l’Évangile.

Avec les pastoraux les trois diacres disent le Munda cor meum et demandent la bénédiction, cela aux Rameaux ; le vendredi saint les trois ne disent pas Munda cor meum, et ne demandent pas la bénédiction, mais vont devant le célébrant, qui leur adresse à haute voix un souhait. Jusqu’à maintenant le Munda cor meum a toujours précédé l’Évangile, aux quatre passions. Même les pastoraux l’ont conservé avant leur évangile histoire de la Passion ; mais, ils l’ont exclu le vendredi ; pourquoi ? Peut-être que ce jour là et pour eux, la Passion est moins un évangile qu’une histoire. A la perte du Munda cor meum supplée une acquisition : une formule de bonne augure ou l’Évangile n’est pas nommé. De plus, en donnant la bénédiction le célébrant parle media voce ; mais en disant la formule il parle clara voce ; la nouvelle formule est sans doute meilleure que l’ancienne. Enfin les trois diacres de la Passion qui s’agenouillent pour demander et recevoir la bénédiction, n’ont pas motif de s’incliner pour entendre le souhait du célébrant ; on ne s’incline pas pour répondre à Dominus vobiscum.

Ici commence la deuxième période vestimentaire, suivie de deux autres, quatre en tout. C’est la punition des puritains qui blâmaient le rite romain de faire trop souvent changer de vêtements. Les pastoraux mitigeant leurs préjugés contre-messe, ils font habiller le célébrant et le font monter à l’autel. pourtant sans capituler, il lui mettent un pluvial ; le place au milieu de l’autel, non au coin de l’épître ; avec les ministres à ses côtés, non derrière lui ; lui font tenir les mains écartées malgré le pluvial.

On ne s’occupe plus des dimensions de la croix que de sa complexion ; une croix reliquaire, le bois de la vraie croix ne les intéresse pas ; en dépit de l’origine du rite. On connaît mal et on n’a pas compris le rite romain. On a copié ailleurs le transport de la croix depuis la sacristie jusqu’à l’autel, où elle manque, où elle a sa place fixe, aussi bien sans messe qu’avec messe. Tenir la croix voilée ne signifie pas la cacher, la reléguer à la sacristie, en priver l’autel où elle doit, plus que jamais trôner ce vendredi. Sache la pastorale que le voile doit couvrir toute la croix, non seulement le crucifix ; car on montre la croix principalement.
D’autres nouveautés nous attendent. Notions des pastoraux sur les processions : le diacre entre deux chandeliers ramène la croix exilée à la sacristie, c’est une procession ; les fidèles défilent pour adorer la croix, c’est une procession ; le diacre entre deux chandeliers apporte du reposoir le Saint Sacrement, ce n’est plus une procession. Comprenne qui pourra. On n’employait pas de lumière avant le transport du Saint Sacrement, dont la croix n’est pas jalouse ; maintenant les pastoraux emploient la lumière pour la croix. Il en résulte, entre autres, que le célébrant, en découvrant la croix, se trouve au milieu de quatre personnes ; beaucoup de monde pour peu de place ! La croix, apportée par le diacre puis découverte pas le célébrant, reste désormais livrée aux mains des acolytes dont ce n’est pas le rôle, surtout à l’autel où il n’ont jamais place.

Fini l’adoration du Christ étendu sur la Croix

Depuis des siècles et justement, on a voulu, en plus de la croix, adorer le corps du Christ mort, gisant sur sa croix couchée. Voilà pourquoi on l’étendait sur un tapis, un coussin, un voile blanc et violet en fonction de linceul. Cela dépassait la conception des pastoraux, qui font tenir debout un mort suspendu par les bras. Ils ont également écarté l’ostension-adoration de la croix, qui n’est qu’une exaltation c’est sa mise à la portée d’adorateurs qui se prosternent. Non moins incomprise est l’adoration de la croix ; elle se faisait comme celle due au pape, par trois génuflexions espacées, avant le baiser de la croix ou du papier ; sauf que, ce vendredi, les trois génuflexions étaient changées en trois agenouillements d’adoration. C’est en passant par le pape que la génuflexion est entrée dans le rite romain.

Au découvrement de la croix, après chacun des trois Ecce lignum crucis, on joignait l’action à l’invitation, on s’agenouillait, et on adorait en répondant Venite adoremus. L’adoration en silence avait lieu durant les trois agenouillements préalables au baiser. Le génie pastoral déplace l’adoration silencieuse des trois agenouillements détruits, il le transporte après chaque Venite adoremus. De cette manière il fait plutôt perdre que gagner du temps ; ce qu’il réitère en envoyant les adorateurs un à un au lieu de deux à deux. Il croit probablement, et n’est pas le seul, que le chant nuit à l’adoration, à l’attention, au recueillement

Le problème de l’adoration collective de la croix était depuis longtemps résolu par l’emploi de plusieurs croix, soit présentées au baiser des fidèles, soit exposées à leur adoration en plusieurs places. Après son adoration la croix de l’autel récupère sa place normale, d’où elle était partie à la sacristie. Son retour donne lieu à une rubrique étrange.

Alors on change de couleur. Le blanc et le noir sont les deux couleurs originaires du rite romain, mais les pastoraux préfèrent au noir le violet, couleur la plus récente. Eux qui renforcent le deuil du vendredi saint en l’appelant jour de la mort du Seigneur, ils rejettent le noir couleur de la mort. Eux qui exterminent la messe des présanctifiés, qui jusqu’à présent ont mis un pluvial noir au célébrant, ils lui mettent une chasuble violette, n’en mettent point à ses ministres, et les déguisent avec des dalmatiques ; peut-on se contredire plus grossièrement ? Si les pastoraux voyaient un désaccord entre la communion et la couleur noire, ils auraient du considérer que la messe des morts se dit en noir, qu’on y donne la communion, même avec des hosties consacrées précédemment, qu’on donne la communion en noir aussitôt après ou avant la messe en noir.

Je demande aux pastoraux : quel besoin, quelle opportunité sentez-vous de mettre une chasuble au célébrant seulement pour donner la communion ? La distribution de celle-ci n’a jamais comporté la chasuble hors de la messe. Vous exterminez la messe des présanctifiés, vous éliminez obstinément le moindre détail qui puisse la remémorer, et vous osez mettre une chasuble au célébrant quand vous la refusez à ses ministres. Rien n’autorise le célébrant à être vêtu pour l’acte numéro 4 de votre représentation puisque vous le laissez dévêtu, en aube, pour votre acte numéro 1. Vos pouvoirs discrétionnaires sont vastes ; l’abus ne l’est pas moins.

Récitation du Pater par toute l’assemblée

La procession du jeudi saint, instituée définitivement par Sixte IV (E 1484), et celle du vendredi saint, instituée par Jean XXII (E 1334), donc par la même autorité, ont même objet, même but, même solennité, sauf que la première a caractère de fête, la deuxième caractère de deuil. Pourquoi donc abolir l’une en conservant l’autre ? L’arrivée du Saint Sacrement est accompagnée par le chant des trois antiennes en l’honneur de la croix, à la place de l’hymne Vexilla regis ayant même objet, mais sans doute non pastorale.

Dans le rite romain le célébrant chante seul partout le Pater noster, soit en entier, soit au début et à la fin, avec le milieu à voix basse. La meilleure preuve en est que l’assistance n’ayant rien dit, répond sed libera nos a malo. Néanmoins la pastorale doit réformer, et voici le bilan de ses prouesses : le Pater noster récité au lieu de chanté ; récité par tout le monde ; récité dans un office chanté ; funeste mélange de rite latin et oriental ; récité solennellement (sic), mais dépouillé de la solennité du chant ; récité les mains jointes, tandis que le libera nos est récité les mains écartées. Pitoyable explication suivant laquelle le Pater, parce que prière pour la communion doit être récité par tout le monde à la fois. Deux demandent surgissent : ce vendredi, le Pater est-il plus pour la communion que les autres jours de l’année ? Le Pater est-il plus pour la communion que les autres prières avant la communion ?
La rédaction des rubriques se trouve naturellement à la même hauteur. Ainsi nous lisons que le célébrant prend une hostie avec la main droite ; alors se frappera-t-il la poitrine avec la main gauche ? On ignore si la main gauche s’appuie sur le corporal ou sur le ciboire. Nous lisons qu’en se frappant la poitrine, au lieu d’une inclination médiocre, parum inclinatus, le célébrant s’incline profondément ; posture empêchée par la hauteur de l’autel.
C’est manquer de respect à la liturgie et au célébrant de supprimer le calice et la grande hostie ; une petite le rapetisse. Le calice a servi de ciboire autrefois, et peut encore continuer. Il fut des temps et des lieux ou la communion du vendredi se faisait sous les deux espèces réservées, donc avec le calice ; précieux souvenir à conserver. Le calice servait à la purification du célébrant, et ouvrait la voie à celle du clergé ; rite vénérable non aboli ; on ne mangeait pas sans boire. Tout cela imitait convenablement une messe, ne trompait personne, ne s’opposait pas à la communion générale ; peu importe.

La pastorale introduit trois postcommunions, chantées par le célébrant les mains jointes, au milieu de l’autel, entre ses ministres, et pendant lesquelles on est debout. Autre curiosité : pendant complies les cierges sont éteints ; donc la croix après son découvrement peu se passer de lumière ; alors pourquoi lui en donner avant son découvrement et pendant son adoration ? Jeu de compensation ; on donne à la croix des lumières qu’elle n’avait pas ; on ôte au Saint Sacrement, à la Croix et à l’autel l’encensement qu’ils avaient.

L’Église pleure et gémit pendant les trois jours que le Seigneur resta au tombeau ; pendant ces trois jours de funérailles du Christ mort, toutes les heures de l’office se terminent par l’oraison Respice quaesumus, qui est justement l’oraison super populum à la messe du mercredi saint. Les pastoraux rompent cette continuité et unité par un remplacement ; à la fin des heures du samedi ils mettent une oraison qui leur donne l’aspect d’une banale vigile, qui jure avec le reste, surtout avec l’antienne Christus factus est. Si la pastorale était logique, elle verrait que son oraison, n’étant plus dans le ton des trois jours, n’a plus de motifs d’être dite à genoux et avec conclusion silencieuse. Sa manière de terminer les vêpres n’est pas moins étrange.
Comme la messe, finissant tard dans la soirée, fut cause qu’on abrégea les vêpres, ainsi à une autre époque la messe, finissant tard dans la nuit, fit abréger les matines de Pâques, réduire les trois nocturnes à un seul, et cela durant toute l’octave. Avec beaucoup moins de raison les pastoraux prennent goût à l’expédient, et le perfectionnent en supprimant les matines pascales ; mais ils n’osent pas l’étendre aux jours de l’octave. Quand au samedi de la Pentecôte, massacré sous le rapport baptismal, son octave continue à jouir de l’unique nocturne.

Comme déjà vu les pastoraux continuent l’ensevelissement des chasubles pliées avec celui du Christ ; par contre avec la même facilité, ils ressuscitent quelques minime cérémonie bien moins ancienne et abandonnée. En outre ils tranchent une question jamais résolue. Car le célébrant bénissait du feu nouveau pour avoir une lumière bénite, avec quoi le diacre allumait le cierge pascal dont il chantait le panégyrique ; cet allumage et le chant passait pour être la bénédiction du cierge pascal, sans grand mal à cela. Maintenant plus le moindre doute à tout cela, tout est clair comme du feu ; le célébrant bénit cierge et feu ; le diacre n’a qu’à le porter et à chanter. Le cierge apporté on ne sait d’où, sous les yeux scrutateurs du public, est soumis à des incisions et inscriptions, avec formules explicatives, en plus de l’enfoncement des cinq clous d’encens dans cinq trous du cierge, qui seraient les cinq plaies du Christ. Voilà qui nous reporte à la symbolique de Guillaume Durand, qui eut son temps de vogue puis de désuétude. Les grains d’encens eurent plus de chance à cause du quiproquo entre chose allumée et résine d’encens. Du reste les inscriptions avaient dégénérées en une volumineuse tablette, qu’on suspendait au cierge ou à son chandelier, peut-être à l’imitation de la tablette INRI de la croix, puisque le cierge devait symboliser le Christ.
Ici le cierge pascal étant allumé et bénit, les pastoraux font éteindre les luminaires de l’église. Le bréviaire l’avait déjà fait à la fin des Laudes du jeudi saint ; mais il s’agissait des lampes, du luminaire liturgique, éteint jusqu’au samedi. On veut probablement, mais sans le dire clairement, éteindre toutes les lumières, mettre l’église dans l’obscurité, qui sera chassée par les cierges du clergé et du peuple, venus on ne sait comment ; cela fait ressortir le cierge pascal ; cela a un air oriental, a l’air d’une Chandeleur autour du cierge principal.
Tandis qu’on transportait la lumière pour allumer le cierge déjà mis en place, maintenant on transporte le cierge allumé pour le mettre en place. Un des promoteurs de la vigile pascale s’enthousiasmait des proportions imposantes du cierge massif, et de la majesté des chandeliers pascals, soutien du cierge ; il ne soupçonnait pas que ses sectateurs auraient réduit le tout au proportions d’une église de village. Lorsque cierge et chandelier prirent un développement monumental, et que le premier ne fut plus transportable, il disparut de la procession ; on dut lui porter la lumière au moyen d’une canne à trois flammes. Ainsi arriva que le héros du cortège triomphal n’y fut pas porté. Notons que, même alors, avec la canne, la lumière du Christ n’était point acclamée, le Christ lumière n’était point adoré.
En passant par les mains des pastoraux, leur solennelle procession pour le transport du cierge est devenue la négation de principes raisonnés, un monstre liturgique. Leur caprice de faire marcher, dans une soi-disant procession le diacre et le célébrant directement derrière le sous-diacre et la croix, c’est à dire en tête du clergé, équivaut à mettre la charrue avant les bœufs. Un de leur porte voix a taché d’excuser leur malfaçon avec deux maladresses. La première en marchant comme il faut le clergé tournerait le dos au cierge porté en arrière. Réponse : dans toute procession où l’on porte un relique ou le Saint Sacrement, on lui tourne le dos quoiqu’on chante ses louanges ; on n’a jamais fait le contraire. La seconde : si l’on marchait comme l’on doit le clergé chanterait Lumen christi en tournant le dos au cierge. Réponse : aucun mal à cela ; car la génuflexion ne se fait pas au cierge qui est derrière mais au Christ qui est partout. Il faut distinguer Christ lumière et lumière du Christ. Lumen Christi signifie que la lumière du Christ est dans le cierge allumé, non pas que le Christ lumière y soit.

En lisant les rubriques pastorales, on a lieu de croire que tout le monde, clergé et peuple, se précipite sur le cierge pascal pour y allumer son propre cierge ; également que chacun tient son cierge allumé pendant le chant de l’Exsultet. On se rappellera avec stupeur l’interdiction de tenir son rameau pendant le chant de la Passion.

La bonne place pour chanter l’Exsultet et situer le cierge pascal a toujours été celle où se chante l’Évangile, c’est à dire au lieu accoutumé dans le chœur, ou bien à l’ambon ou au jubé, où se trouvait habituellement le chandelier pascal. La position de celui-ci au milieu du chœur, sur un petit support est purement arbitraire ; elle tient à de fausses interprétations passagères ; elle donne congé au majestueux chandeliers pascals.

Le diacre, tenant le livre, demande la bénédiction, puis encense le livre, comme pour l’Évangile. Pourquoi cela ? Une raison en est que l’Exsultet a toujours été mis dans l’Évangéliaire ; l’autre, que le diacre encense le livre qui contient l’éloge du cierge qu’il va chanter. Le but direct n’est pas d’encenser le cierge, qui vaut moins que l’évangéliaire. Par l’encensement du livre le diacre encensait, per modum unius, le cierge placé contre le pupitre. La pastorale pouvait se dispenser d’un nouvel encensement, surtout pratiqué en tournant le dos au cierge.

Les pastoraux ont officié devant un autel sans croix le vendredi ; mais le samedi, l’autel et sa croix ne leur suffisent plus ; ils veulent un centre vers lequel on se tourne, qui sera le cierge pascal en rivalité avec l’autel. Le lieu pour le chant de l’Évangile a son symbolisme, jadis très discuté ; leur lieu du cierge pascal, au centre du chœur, en manque absolument. La façon dont sont tournés le pupitre, et par suite le diacre chantant l’Exsultet, le lecteur chantant les leçons, avec l’autel à sa droite et la nef à sa gauche, montre le charme que la position de profil exerce sur les pastoraux.

Suivant les pastoraux le célébrant s’habille de quatre manières le vendredi ; mais le samedi, un habillement lui est épargné ; on le laisse en pluvial au lieu de lui mettre la chasuble. Il leur échappe que les prophéties, traits et oraisons font parties de la messe, et que anciennement le pape baptisait en chasuble.

Le baptistère n'est plus utilisé, on fait venir des païens jusque dans le chœur qu’on baptise dans une cuvette

Le baptistère était un édifice annexe de l’église, sorte de vestibule, de terrain neutre, où l’on entrait païen, d’où l’on sortait chrétien. D’un emploi particulier, il n’était pas fait pour contenir toute l’assemblée des fidèles. Au baptistère ont succédé les fonts baptismaux, souvent mal situés et mal construits ; mais à qui la faute ? Que l’autorité y pourvoie ! Leurs défauts ne seront jamais une raison de les désaffecter. Fonts baptismaux, eau baptismale et baptême forment un tout ; une innovation spectaculaire qui les sépare délibérément, qui installe dans le chœur des fonts postiche et y baptise, qui transporte aux fonts baptismaux l’eau baptismale faite ailleurs, ayant déjà servi ailleurs, est une insulte à l’histoire et à la discipline, à la liturgie, au bon sens. Ainsi on baptisera dans le chœur, enceinte du clergé, un païen venu avec ses accompagnateurs. Ainsi l’eau baptismale ressemble à une personne ramenée pompeusement chez elle, d’où elle était expulsée. En faveur de l’eau baptismale, et dont la quantité doit durer toute l’année, furent érigés de somptueux baptistères, des fonts baptismaux artistiques et majestueux. Aujourd’hui la pastorale fait l’eau baptismale et baptise dans une cuvette, un baquet, puis, dans cet appareil elle porte l’eau à la fontaine, en chantant le cantique d’un cerf assoiffé, qui a déjà bu, et qui se dirige vers une fontaine à sec.

La litanie, jadis répétée à profusion, est une imploration pour les catéchumènes, soit avant, soit après le baptême ; on la chante normalement en allant aux fonts et en en revenant. Comme la pastorale introduit dans le chœur une contrefaçon de fonts baptismaux, elle y fait chanter une première moitié de la litanie, ensuite la bénédiction de l’eau, toujours sous la protection du cierge pascal, mais cette fois le célébrant montre sa face au peuple, non plus son profil. Quelle subtilité ! Non pas le retour, mais le transport de l’eau à son domicile soulève une épineuse question : à qui incombe le rôle de réservoir ambulant, au diacre, ou à des acolytes, et à combien ? Noble tâche qui mérite de faire des jaloux, surtout pendant le chant périmé du Sicut cervus. Supposé que l’église ait son baptistère, les pastoraux ont encore l’audace de donner le choix entre la seule méthode liturgique et leur triste invention.

Enfin, les rénovations des promesses du baptême pour insérer la langue vulgaire dans la liturgie
Les rénovations des promesses du baptême, puisée à la première communion des enfants, est un acte de paraliturgie la plus massive, création d’autant plus pastorale que moins liturgique, excellente occasion tant recherchée, d’insérer la langue vulgaire dans la liturgie ; elle est une répétition oiseuse de ce que l’on vient de faire si l’on a baptisé ; elle pourra mener à la rénovation des promesses conjugales parmi les personnes réunies pour un mariage. Enfin elle cause un vide entre le transport de l’eau et la seconde moitié de la litanie ; donc perte de temps pour un retour en silence.

Le cierge pascal finit par quitter son petit support provisoire, et par gagner son chandelier du côté de l'Évangile, tenu ignoré jusqu’à présent. Des fleurs n’ont jamais été prescrites sur l’autel, maintenant la pastorale en a besoin pour se rendre plus agréable.

(Monseigneur Léon Gromier sur le carnage que fut la réforme de la Semaine Sainte sous Pie XII).

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Dimanche des Rameaux

2 Avril 2023 , Rédigé par Ludovicus

Dimanche des Rameaux

Introït

Seigneur, n’éloignez pas de moi votre secours : soyez attentif à me défendre ; délivrez-moi de la gueule du lion et des cornes des buffles, car je suis bien faible et humilié. O Dieu, mon Dieu, tournez vers moi votre regard ; pourquoi m’avez-vous abandonné ? La voix de mes péchés éloigne de moi le salut.

Collecte

Dieu tout-puissant et éternel, qui avez voulu que notre Sauveur prît la chair humaine et supportât les tourments de la croix, afin de servir de modèle d’humilité au genre humain, accordez-nous, dans votre bonté, d’être, à son exemple, toujours courageux dans les épreuves et de mériter par là d’avoir part à sa résurrection.

Épitre

Mes frères : Ayez en vous les mêmes sentiments dont était animé le Christ Jésus : bien qu’il fût Dieu par nature, il n’a pas retenu avidement son égalité avec Dieu, mais il s’est anéanti lui-même en prenant la condition d’esclave, en devenant semblable aux hommes, à l’extérieur absolument comme un homme. Il s’est abaissé lui-même, se faisant obéissant jusqu’à la mort de la croix. C’est pourquoi Dieu l’a souverainement élevé et lui a donné le nom qui est au-dessus de tout nom (ici on fléchit le genou), afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse, au ciel, sur la terre et dans les enfers, et que toute langue proclame, à la gloire de Dieu le Père, que Jésus-Christ est Dieu.

Passion selon saint Matthieu

En ce temps-là, Jésus alla avec ses disciples dans une propriété appelée Gethsémani, et dit à ses disciples : « Assoyez-vous ici, pendant que j’irai là pour prier. » Et ayant pris avec lui Pierre et les deux fils de Zébédée, il commença à être centriste et rempli d’amertume. Alors il leur dit : « Mon âme est triste jusqu’à la mort : demeurez ici et veillez avec moi. » Et, s’étant éloigné un peu, il se prosterna le visage contre terre, priant et disant : « Mon Père, s’il est possible, que ce calice s’éloigne de moi ; néanmoins, non pas comme je veux, mais comme vous voulez. » Il vint ensuite à ses disciples et, les trouvant endormis, il dit à Pierre ; « Ainsi, vous n’avez pu veiller une heure avec moi ! Veillez et priez, pour ne point tomber dans la tentation ; l’esprit est prompt, mais la chair est faible. » Il s’en alla une seconde fois et pria, disant : « Mon Père, si ce calice ne peut passer sans que je le boive, que votre volonté soit faite. » Et il vint de nouveau et les trouva endormis, car leurs yeux étaient appesantis. Et, les laissant, il s’en alla encore et pria une troisième fois, répétant les mêmes paroles. Après, il revint à ses disciples et leur dit : « Dormez maintenant et reposez-vous. Voici que l’heure approche où le Fils de l’homme va être livré entre les mains des pécheurs. Levez-vous et allons : celui qui doit me trahir est près d’ici. » Il parlait encore lorsque Judas, l’un des douze, arriva, et avec lui une troupe nombreuse de gens armés d’épées et de bâtons, envoyés par les princes des prêtres et les anciens du peuple. Or, le traître leur avait donné un signe, disant : « Celui que je baiserai, c’est lui, arrêtez-le. » Et aussitôt, s’approchant de Jésus, il lui dit : « Salut, Maître », et il le baisa. Jésus lui dit : « Mon ami, pourquoi êtes-vous venu ? » Alors les autres s’avancèrent, mirent la main sur Jésus et se saisirent de lui. Et voilà qu’un de ceux qui étaient avec Jésus, étendant la main, tira son épée et, frappant un des gens du grand-prêtre, lui coupa l’oreille. Alors Jésus lui dit : « Remettez votre épée en place, car tous ceux qui prendront l’épée périront par l’épée. Croyez-vous que je ne puisse pas prier mon Père et qu’il ne m’enverrait pas aussitôt plus de douze légions d’Anges ? Comment donc s’accompliront les Écritures, car il faut que cela arrive ? » En même temps, Jésus dit à cette troupe : « Vous êtes venu à moi comme à un voleur, avec des épées et des bâtons, pour me saisir ; j’étais tous les jours au milieu de vous, enseignant dans le temple, et vous ne m’avez pas arrêté. Or, tout cela s’est fait afin que les paroles des prophètes fussent accomplies. » Alors tous les disciples l’abandonnèrent et ils s’enfuirent. Mais ceux qui s’étaient saisi de Jésus l’emmenèrent chez Caïphe, grand-prêtre, où les scribes et les anciens s’étaient réunis. Or, Pierre le suivit de loin jusque dans la cour de la maison du grand-prêtre et, y étant entrés, il s’assit avec les domestiques pour voir la fin. Cependant les princes des prêtres et tout le conseil cherchaient un faux témoignage contre Jésus pour le faire mourir et ils n’en trouvèrent point, quoique plusieurs faux témoins se fussent présentés. Enfin, deux faux témoins vinrent déposer : « Il a dit : Je puis détruire le temple de Dieu et le rebâtir après trois jours. » Et le grand-prêtre se leva et lui dit : « Vous ne répondez rien à ce qu’ils déposent contre vous ? » Mais Jésus se taisait. Et le grand-prêtre lui dit : « Je vous adjure, par le Dieu vivant, de nous dire si vous êtes le Christ, le Fils de Dieu ? » Jésus lui répondit : « f Vous l’avez dit ; au reste, je vous le déclare, vous verrez un jour le Fils de l’homme assis à la droite du Dieu tout-puissant et venant sur les nuées du ciel. » Alors le grand-prêtre déchira ses vêtements, disant : « Il a blasphémé, qu’avons-nous encore besoin de témoins ? Vous venez d’entendre le blasphème ; que vous en semble ? » Ils répondirent : « Il mérite la mort. » Aussitôt, on lui cracha au visage, on le frappa à coups de poing et d’autres lui donnèrent des soufflets, disant : a Christ, prophétise-nous, qui est-ce qui t’a frappé ? » Pierre cependant était dehors assis dans la cour et une servante, s’approchant, lui dit : « Vous aussi, vous étiez avec Jésus de Galilée. » Mais il le nia devant tous, disant : « Je ne sais ce que vous voulez dire. » Et comme il sortait, une autre servante, l’ayant vu, dit à ceux qui étaient là : « Celui-ci accompagnait également Jésus de Nazareth. » Et il le nia une seconde fois avec serment, disant : « Je ne connais point cet homme. » Et peu après, ceux qui étaient là, s’approchant, dirent à Pierre : « Vous êtes certainement de ces gens-là, car votre langage vous trahit. » Alors il se mit à faire des imprécations et à jurer qu’il ne connaissait point cet homme, et aussitôt le coq chanta. Et Pierre se ressouvint de la parole que Jésus lui avait dite : i Avant que le coq chante, vous me renierez trois fois. » Et, étant sorti, il pleura amèrement. Le lendemain matin, tous les princes des prêtres et les anciens du peuple tinrent conseil contre Jésus pour le faire mourir. Et, l’ayant lié, ils l’emmenèrent et le livrèrent au gouverneur Ponce Pilate. Alors Judas, le traître, voyant qu’il était condamné, se repentit et reporta les trente pièces d’argent aux princes des prêtres et aux anciens, leur disant : « J’ai péché en livrant le sang innocent. » Mais ils lui dirent : « Que nous importe ? c’est votre affaire. » Et ayant jeté cet argent dans le temple, il se retira et alla se pendre. Mais les princes des prêtres, ayant pris l’argent, dirent : « Il n’est pas permis de le mettre dans le trésor, parce que c’est le prix du sang. » Et ayant délibéré là-dessus, ils en achetèrent le champ d’un potier pour y ensevelir les étrangers. C’est pourquoi ce champ est appelé encore aujourd’hui Hacéldama, c’est-à-dire, le champ du sang. Alors cette parole du prophète Jéré-mie fut accomplie : « Ils ont reçu trente pièces d’argent, suivant l’appréciation des enfants d’Israël, et ils les ont données pour le champ d’un potier, comme le Seigneur me l’a ordonné. » Or, Jésus comparut devant le gouverneur, qui l’interrogea en ces termes : « Êtes-vous le Roi des Juifs ? » Jésus lui répondit ; t « Vous le dites. » Et comme les princes des prêtres et les anciens l’accusaient, il ne répondit rien. Alors Pilate lui dit : « N’entendez-vous pas tout ce dont ils vous accusent ? » Et il ne lui répondit pas un seul mot, de sorte que le gouverneur en était fort étonné. Or, le gouverneur avait coutume, à la solennité de Pâque, de délivrer un prisonnier, celui que le peuple voulait. Il y en avait alors un fameux, nommé Barabbas. Comme ils étaient donc réunis, Pilate leur dit : « Lequel voulez-vous que je vous délivre. Barabbas ou Jésus, qui est appelé le Christ ? » Car il savait qu’ils l’avaient livré par envie. Pendant qu’il était assis à son tribunal, sa femme lui envoya dire : a Ne vous impliquez point dans l’affaire de ce juste, car j’ai été aujourd’hui étrangement tourmentée en songe à cause de lui. » Mais les princes des prêtres et les anciens persuadèrent au peuple de demander Barabbas et de faire périr Jésus. Le gouverneur leur dit donc : « Lequel des deux voulez-vous que je vous délivre ? » Ils lui répondirent : « Barabbas. » Pilate leur dit : « Que ferai-je donc de Jésus, qu’on appelle le Christ ? » Ils dirent tous : « Qu’il soit crucifié I » Le gouverneur dit : « Quel mal a-t-il donc fait ? » Mais ils se mirent à crier encore plus fort : « Qu’il soit crucifié I » Alors Pilate, voyant qu’il ne gagnait rien, mais que le tumulte croissait de plus en plus, prit de l’eau et, se lavant les mains devant le peuple, il dit : « Je suis innocent du sang de ce juste ; vous en répondrez. » Et tout le peuple répondit : « Que son sang retombe sur nous et sur nos enfants ! » Alors il leur délivra Barabbas, et ayant fait fouetter Jésus, il le leur livra pour être crucifié. Alors les soldats du gouverneur, ayant mené Jésus dans le prétoire, assemblèrent autour de lui toute la cohorte et, l’ayant dépouillé, ils le revêtirent d’un manteau d’écarlate. Et tressant une couronne d’épines, ils la lui mirent sur la tête, et un roseau dans la main droite, et s’agenouillant devant lui, ils se moquaient de lui, disant : « Salut, Roi des Juifs. » Et, lui crachant au visage, ils prenaient le roseau et lui en frappaient la tête. Après s’être ainsi joués de lui, ils lui ôtèrent le manteau, lui remirent ses habits et l’emmenèrent pour le crucifier. Comme ils sortaient, ils rencontrèrent un homme de Cyrène, nommé Simon, qu’ils contraignirent à porter la croix de Jésus. Et étant arrivés au lieu appelé le Golgotha, c’est-à-dire le lieu du Crâne (Calvaire), ils lui donnèrent à boire du vin mêlé de fiel ; et Jésus, l’ayant goûté, n’en voulut point boire. Après qu’ils l’eurent crucifié, ils se partagèrent ses vêtements, les tirant au sort, afin que s’accomplît ce qu’avait dit le prophète : « Ils se sont partagé mes vêtements et ils ont tiré ma robe au sort. » Et, s’étant assis, ils le gardaient. Ils mirent au-dessus de sa tête une inscription indiquant la cause de sa condamnation : C’est Jésus, le Roi des Juifs. En même temps, on crucifia avec lui deux voleurs, l’un à sa droite et l’autre à sa gauche. Et les passants l’accablaient d’injures, branlant la tête et lui disant : « Eh bien, toi qui détruis le temple de Dieu et le rebâtis en trois jours, sauve-toi toi-même ; si tu es le Fils de Dieu, descends de la croix. » Les princes des prêtres se moquaient aussi de lui, avec les scribes et les anciens, disant : « Il a sauvé les autres et il ne peut se sauver lui-même. S’il est le Roi d’Israël, qu’il descende maintenant de la croix et nous croirons en lui. Il met sa confiance en Dieu ; si Dieu l’aime, qu’il le délivre : car il a dit qu’il était le Fils de Dieu. » Les voleurs qui étaient crucifiés avec lui, lui disaient les mêmes injures. Or, depuis la sixième heure jusqu’à la neuvième, toute la terre fut couverte de ténèbres, et vers la neuvième heure, Jésus poussa un grand cri, disant : « Eli, Eli, lamma sabachthâni ? » c’est-à-dire : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’avez-vous abandonné ? » Quelques-uns de ceux qui étaient là, ayant entendu cela, disaient : « Il appelle Élie. » Et aussitôt, l’un d’eux courut prendre une éponge qu’il remplit de vinaigre, et, l’ayant mise au bout d’un roseau, il lui présenta à boire. Les autres disaient : « Attendez, voyons si Élie viendra le délivrer. » Mais Jésus, poussant encore un grand cri, rendit l’esprit. (Ici on se met à genoux, l’espace d’un Pater.) Et voilà que le voile du temple fut déchiré en deux, du haut jusqu’en bas ; la terre trembla, les pierres se fendirent, les sépulcres s’ouvrirent et plusieurs corps de Saints, qui étaient morts, ressuscitèrent et sortant de leurs tombeaux après sa résurrection, ils vinrent dans la ville sainte et apparurent à plusieurs. Or, le centurion et ceux qui étaient avec lui pour garder Jésus, ayant vu le tremblement de terre et tout ce qui se passait, furent saisis d’une grande crainte et dirent : « Cet homme était vraiment le Fils de Dieu. » Il y avait là aussi, un peu plus loin, plusieurs femmes qui avaient suivi Jésus depuis la Galilée pour le servir, parmi lesquelles étaient Marie-Madeleine, Marie, mère de Jacques et de Joseph, et la mère des fils de Zébédée. Sur le soir, un homme riche d’Arimathie, nommé Joseph, qui était lui aussi disciple de Jésus, alla trouver Pilate et lui demanda le corps de Jésus. Pilate commanda qu’on le lui donnât. Joseph ayant pris le corps, l’enveloppa dans un linceul blanc et le mit dans un sépulcre neuf qu’il avait fait tailler dans le roc : et ayant roulé une grande pierre à l’entrée du sépulcre, il s’en alla.

 

Secrète

Faites, Seigneur, nous vous en prions, que ce sacrifice que nous offrons à votre divine Majesté nous obtienne la grâce de la dévotion et nous acquière la récompense du bonheur éternel.

Office

4e leçon

Sermon de saint Léon, Pape.

La solennité de la passion du Seigneur, désirée par nous, et désirable pour le monde entier, est venue : et elle ne nous permet point de garder le silence parmi les transports des joies spirituelles qu’elle répand dans nos âmes. Car bien qu’il soit difficile de parler très souvent d’une manière digne et juste sur le même sujet, un Évêque n’est cependant pas libre de refuser au peuple fidèle le discours qu’il lui doit, sur ce grand mystère de la divine miséricorde. La matière, par cela même qu’elle est ineffable, fournit abondamment de quoi parler, et les paroles ne peuvent faire défaut, puisque jamais ce qu’on dira sur ce sujet ne sera suffisant. Que la faiblesse humaine se reconnaisse vaincue par la gloire de Dieu et toujours incapable d’expliquer les œuvres de sa miséricorde, que notre intelligence fasse effort, que notre esprit reste en suspens, que l’expression nous manque ; il nous est bon de voir combien les idées les plus hautes que nous puissions avoir de la majesté du Seigneur, sont encore peu de chose auprès de la réalité.

5e leçon

Le Prophète ayant dit : « Cherchez le Seigneur et soyez fortifiés, ne cessez de chercher sa face », que personne n’ait la présomption de croire avoir trouvé tout ce qu’il cherche ; de peur que, cessant d’avancer, il ne renonce aussi à approcher. Parmi toutes les œuvres de Dieu que l’admiration humaine s’épuise à observer, en est-il une qui touche notre âme et dépasse en même temps la portée de notre intelligence comme la passion du Sauveur ? Pour délivrer le genre humain des liens formés par une prévarication mortelle, le Christ cacha la puissance de sa majesté divine au démon qui brûlait d’exercer sa rage, et ne lui montra que l’infirmité de notre bassesse humaine. Si cet ennemi cruel et orgueilleux avait pu connaître le dessein de la miséricorde de Dieu, il aurait plutôt cherché à adoucir les esprits des Juifs, qu’à les enflammer d’une haine injuste ; de crainte de perdre, en poursuivant la liberté de celui qui ne lui devait rien, ses droits sur tous ceux que le péché avait rendus ses esclaves.

6e leçon

Le diable fut donc trompé par sa propre malignité ; il fit souffrir au Fils de Dieu un supplice qui est devenu le remède de tous les enfants des hommes. Il répandit le sang innocent qui devait être le prix de la réconciliation du monde, et notre breuvage. Le Seigneur souffrit le genre de mort qu’il avait librement choisi, conformément à ses desseins. Il permit à des hommes furieux de porter sur lui leurs mains impies, et, en accomplissant un crime énorme, elles ont servi à l’exécution des desseins du Rédempteur. La tendresse de son amour était si grande, même envers ses meurtriers, que, suppliant son Père du haut de la croix, il lui demanda non pas de le venger, mais de leur pardonner.

7e leçon

Homélie de saint Ambroise, Évêque.

Il est remarquable que le Seigneur, ayant laissé les Juifs, monte au temple, lui qui devait habiter dans les cœurs des Gentils. Car le vrai temple c’est celui où le Seigneur est adoré, non selon la lettre, mais en esprit. Le temple de Dieu, c’est celui qui s’établit, non sur une structure de pierres, mais sur l’enchaînement des vérités de la foi. Le Seigneur abandonne donc ceux qui le haïssent et il choisit ceux qui doivent l’aimer. Et voilà pourquoi il vient au mont des oliviers planter en sa vertu divine ces jeunes plants d’olivier qui ont pour mère la Jérusalem d’en haut. Sur cette montagne, il est lui-même le céleste jardinier, pour que tous ceux qui sont plantés dans la maison de Dieu puissent dire, chacun en particulier : « Pour moi, je suis comme un olivier qui porte du fruit dans la maison de Dieu.

8e leçon

Le Christ est peut-être lui-même aussi cette montagne. Quel autre que lui, produirait en effet une telle moisson d’oliviers ? non pas de ces oliviers qui ploient sous l’abondance de leurs fruits, mais de ceux qui prouvent leur fécondité en communiquant aux nations la plénitude du Saint-Esprit. Il est celui par qui nous montons et vers qui nous montons. Il est la porte et il est la voie ; il est la porte qui s’ouvre et il est celui qui l’ouvre, la porte à laquelle frappent ceux qui veulent entrer, et le Dieu qu’adorent ceux qui ont mérité d’entrer. Jésus était donc dans un bourg, et il y avait un ânon lié auprès de sa mère ; cet ânon, il ne pouvait être détaché que sur l’ordre du Seigneur. La main d’un Apôtre le délie. Telles sont les actions, telle est la vie, telle est la grâce. Soyez donc tels vous aussi, que vous puissiez délivrer ceux qui sont liés.

9e leçon

Considérons maintenant quels sont ceux qui, après avoir été convaincus de péché, furent chassés du paradis et relégués dans une demeure vulgaire que je compare à ce bourg. Et voyez de quelle manière la Vie rappelle ceux que la mort avait exilés. Nous lisons dans saint Matthieu que le Fils de Dieu envoya délier un ânon et une ânesse, afin que, comme l’un et l’autre sexe avaient été chassés du paradis en la personne de nos premiers parents, il montrât par le symbole de ces deux animaux, qu’il venait rappeler les deux sexes. Il semble que l’ânesse figurait Ève coupable, et l’ânon désignait la généralité du peuple gentil : c’est pourquoi le Sauveur s’assit sur le petit de l’ânesse. Il est dit justement que personne n’avait encore monté cet ânon, parce que personne avant le Christ n’avait appelé les peuples de la gentilité à entrer dans l’Église. On lit en effet dans saint Marc : « Vous trouverez un ânon lié, sur lequel aucun homme ne s’est encore assis. »

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Samedi de la Passion

1 Avril 2023 , Rédigé par Ludovicus

Samedi de la Passion

Collecte

Faites, nous vous en prions. Seigneur, que le peuple qui vous est consacré, progresse dans la ferveur d’une pieuse dévotion, en sorte que, trouvant une instruction dans les actions saintes, il soit d’autant plus enrichi de vos dons les meilleurs, qu’il se rendra plus agréable à votre majesté. Par Notre-Seigneur.

Lecture

En ces jours-là, les Juifs impies se dirent entre eux : Venez, et formons des desseins contre le juste ; car la loi ne périra pas faute de prêtre, ni le conseil faute de sage, ni la parole faute de prophète ; venez, frappons-le avec la langue, et ne prenons pas garde à tous ses discours. Jetez les yeux sur moi, Seigneur, et écoutez la voix de mes adversaires. Est-ce qu’on rend le mal pour le bien, puisqu’ils creusent une fosse pour m’ôter la vie ? Souvenez-vous que je me suis tenu devant vous, pour vous parler en leur faveur, et pour détourner d’eux votre indignation. C’est pourquoi livrez leurs enfants à la famine, et faites-les passer au fil de l’épée ; que leurs femmes perdent leurs enfants et deviennent veuves, et que leurs maris soient mis à mort ; que leurs jeunes gens soient percés par le glaive dans le combat ; qu’on entende des cris sortir de leurs maisons ; car vous ferez fondre soudain sur eux le brigand, parce qu’ils ont creusé une fosse pour me prendre, et qu’ils ont caché des filets sous mes pieds. Mais vous, Seigneur, vous connaissez tous leurs desseins de mort contre moi ; ne leur pardonnez pas leur iniquité, et que leur péché ne s’efface pas de devant vous ; qu’ils tombent en votre présence ; au temps de votre fureur traitez-les sévèrement, ô Seigneur notre Dieu.

Évangile

En ce temps-là, les princes des prêtres pensèrent à faire mourir aussi Lazare, parce que beaucoup d’entre les Juifs se retiraient d’eux à cause de lui, et croyaient en Jésus. Le lendemain, une foule nombreuse, qui était venue pour la fête, ayant appris que Jésus venait à Jérusalem, prit des branches de palmier, et alla au-devant de lui, en criant : Hosanna ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur, le roi d’Israël ! Jésus trouva un ânon, et s’assit dessus, ainsi qu’il est écrit : Ne crains point, fille de Sion ; voici ton roi, qui vient assis sur le petit d’une ânesse. Les disciples ne comprirent pas d’abord ces choses ; mais, après que Jésus eut été glorifié, ils se souvinrent alors qu’elles avaient été écrites à son sujet, et qu’ils les lui avaient faites. La foule qui était avec lui lorsqu’il avait appelé Lazare du tombeau, et l’avait ressuscité d’entre les morts, lui rendait témoignage. C’est pour cela aussi que la foule vint au-devant de lui, parce qu’ils avaient appris qu’il avait fait ce miracle. Les pharisiens dirent donc entre eux : Voyez-vous que nous ne gagnons rien ? voilà que tout le monde va après lui. Or il y avait là quelques Gentils, de ceux qui étaient montés pour adorer au jour de la fête. Ils s’approchèrent de Philippe, qui était de Bethsaïde en Galilée ; et ils le priaient, en disant : Seigneur, nous voulons voir Jésus. Philippe vint, et le dit à André : puis André et Philippe le dirent à Jésus. Jésus leur répondit : L’heure est venue où le Fils de l’homme doit être glorifié. En vérité, en vérité, je vous le dis, si le grain de froment qui tombe en terre ne meurt pas, il demeure seul ; mais, s’il meurt, il porte beaucoup de fruit. Celui qui aime sa vie, la perdra ; et celui qui hait sa vie dans ce monde, la conserve pour la vie éternelle. Si quelqu’un me sert, qu’il me suive ; et là où je suis, mon serviteur sera aussi. Si quelqu’un me sert, mon Père l’honorera. Maintenant, mon âme est troublée. Et que dirai-je ? Père, délivrez-moi de cette heure. Mais c’est pour cela que je suis arrivé à cette heure. Père, glorifiez votre nom. Alors vint une voix du ciel : Je l’ai glorifié, et je le glorifierai encore. La foule, qui était présente, et qui avait entendu, disait que c’était un coup de tonnerre. D’autres disaient : C’est un ange qui lui a parlé. Jésus répondit, et dit : Ce n’est pas pour moi que cette voix est venue, mais pour vous. C’est maintenant le jugement du monde ; c’est maintenant que le prince de ce monde va être jeté dehors. Et moi, quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai tout à moi. Il disait cela, pour marquer de quelle mort il devait mourir. La foule lui répondit : Nous avons appris de la loi que le Christ demeure éternellement ; comment donc dites-vous : II faut que le Fils de l’homme soit élevé ? Quel est ce Fils de l’homme ? Jésus leur dit : La lumière est encore pour un temps parmi vous. Marchez pendant que vous avez la lumière, de peur que les ténèbres ne vous surprennent. Celui qui marche dans les ténèbres ne sait où il va. Pendant que vous avez la lumière, croyez en la lumière, afin que vous soyez des enfants de lumière. Jésus dit ces choses, puis il s’en alla, et se cacha d’eux.

Postcommunion

L’âme rassasiée par la grandeur du don divin, nous vous demandons instamment, Seigneur notre Dieu, de faire que nous vivions toujours de la participation à ce mystère. Par Notre-Seigneur.

Office

1ère leçon

Homélie de saint Augustin, Évêque

Les Juifs virent Lazare ressuscité, et comme ce grand miracle du Seigneur avait été publié avec une telle évidence, manifesté si notoirement que ses ennemis ne pouvaient ni dissimuler le fait ni le nier, voyez l’expédient qu’ils trouvèrent. « Les princes des prêtres songèrent à faire mourir Lazare lui-même. » O projet stupide et aveugle cruauté ! Le Seigneur Jésus-Christ, qui a pu ressusciter cet homme mort par suite d’une maladie, ne pourrait-il pas lui rendre la vie s’il était tué ? En donnant la mort à Lazare, ôteriez-vous au Seigneur sa puissance ? S’il vous semble qu’autre chose est de ressusciter un homme décédé, autre chose de ressusciter un homme tué, sachez que le Seigneur a fait l’un et l’autre miracle. Il a ressuscité Lazare, victime d’une mort naturelle, et il s’est ressuscité lui-même après que vous l’avez tait mourir de mort violente.

2e leçon

« Le Lendemain, une foule nombreuse qui était venue pour la fête, ayant appris que Jésus venait à Jérusalem, prit des rameaux de palmiers, et alla au-devant de lui, criant : Hosanna, béni celui qui vient au nom du Seigneur, comme roi d’Israël. » Les rameaux de palmiers sont les louanges et l’emblème de la victoire : le Seigneur devait en effet vaincre la mort en mourant lui-même, et triompher par le trophée de la croix, du démon, prince de la mort. Selon quelques interprètes qui connaissent la langue hébraïque, Hosanna est une parole de supplication qui exprime plutôt un sentiment du cœur qu’une pensée déterminée ; tels sont les mots qu’on appelle interjections dans la langue latine ; ainsi dans la douleur nous nous écrions : hélas ! ou dans la joie : ah !

3e leçon

La foule le saluait donc par ces acclamations : « Hosanna ! béni celui qui vient au nom du Seigneur comme roi d’Israël. » Quelle torture l’esprit envieux des princes des Juifs ne devait-il pas souffrir lorsqu’une si grande multitude acclamait le Christ comme son roi ? Mais qu’était-ce pour le Seigneur que d’être roi d’Israël ? Était-ce quelque chose de grand pour le roi des siècles, de devenir roi des hommes ? Le Christ ne fut pas roi d’Israël pour exiger des tributs, armer de fer des bataillons et dompter visiblement ses ennemis, mais il est roi d’Israël parce qu’il gouverne les âmes, parce qu’il veille sur elles pour l’éternité, parce qu’il conduit au royaume des Cieux ceux qui croient en lui, qui espèrent en lui et qui l’aiment.

Aujourd’hui nous commençons, avec le saint Évangile, à compter d’une manière précise les jours qui doivent s’écouler encore avant l’immolation de notre divin Agneau. Ce Samedi est le sixième jour avant la Pâque, selon la supputation de saint Jean, au Chapitre XII.

Jésus est à Béthanie ; on donne un festin en son honneur. Lazare ressuscite assiste à ce repas qui a lieu chez Simon le Lépreux. Marthe s’occupe des soins du ménage ; sa sœur, Marie-Madeleine, à qui l’Esprit-Saint fait pressentir que la mort et la sépulture de son bien-aimé maître approchent, a préparé un parfum qu’elle vient répandre sur lui. Le saint Évangile, qui observe toujours une discrétion pleine de mystères sur la Mère de Jésus, ne nous dit point qu’elle était, en ce moment, à Béthanie ; mais il est impossible d’en douter. Les Apôtres s’y trouvaient aussi, et prirent part au repas. Pendant que les amis du Sauveur se serraient ainsi autour de lui, dans ce village de Béthanie, situé à deux mille pas de Jérusalem, le ciel devenait plus sombre au-dessus de la ville infidèle. Jésus doit cependant demain y faire une apparition ; mais ses disciples l’ignorent encore. Le cœur de Marie est en proie à toutes les tristesses ; Madeleine est absorbée dans des pensées de deuil ; tout annonce que le fatal dénouement est près d’éclater.

L’Église a cependant réservé le passage de l’Évangile de saint Jean qui raconte les faits de cette journée pour la Messe de Lundi prochain. La raison de cette particularité est que, jusqu’au XIIe siècle, il n’y avait pas aujourd’hui de Station à Rome. Le Pape préludait par une journée de vacation aux fatigues de la grande Semaine, dont les solennelles fonctions doivent commencer dès demain. Mais s’il ne présidait pas l’assemblée des fidèles, il ne laissait pas d’accomplir en ce jour deux prescriptions traditionnelles qui avaient leur importance dans les usages liturgiques de l’Église romaine.

Dans le cours de l’année, le Pape avait coutume d’envoyer, chaque dimanche, une portion de la sainte Eucharistie consacrée par lui à chacun des prêtres qui desservaient les Titres presbytéraux, ou églises paroissiales de la ville. Cet envoi, ou plutôt cette distribution, avait lieu dès aujourd’hui pour toute la Semaine sainte, peut-être parce que la fonction de demain n’aurait pas permis de l’effectuer aisément. Les anciens monuments liturgiques de Rome nous apprennent que la remise du pain sacré se faisait, en ce jour, dans le Consistoire de Latran ; le bienheureux Cardinal Tommasi et Benoît XIV inclinent à croire que les évêques des Églises suburbicaires y avaient part. On a d’autres preuves par l’antiquité que les Évêques s’envoyaient quelquefois mutuellement la sainte Eucharistie, en signe de la communion qui les unissait. Quant aux prêtres préposés aux Titres presbytéraux de la ville, auxquels était remise chaque semaine une portion de l’Eucharistie consacrée par le Pape, ils s’en servaient à l’autel, en mettant une parcelle de ce pain sacré dans le calice, avant de communier.

L’autre usage de ce jour consistait en une aumône générale à laquelle le Pape présidait, et qui sans doute était destinée par son abondance à suppléer à celle qui ne pouvait avoir lieu dans la Semaine sainte, trop remplie par les offices divins et les autres cérémonies. Les liturgistes du moyen âge montrent avec une pieuse complaisance la touchante relation qui existe entre le Pontife Romain exerçant en personne les œuvres de miséricorde envers les pauvres, et Marie-Madeleine embaumant de ses parfums, aujourd’hui même, les pieds du Sauveur.

Postérieurement au XIIe siècle, on a établi une Station en ce jour ; elle a lieu dans l’Église Saint-Jean devant la Porte Latine. Cette antique basilique s’élève près du lieu où le Disciple bien-aimé fut, par ordre de Domitien, plongé dans une chaudière d’huile bouillante.

ÉPÎTRE.

On ne lit pas sans frémir ces effrayants anathèmes que Jérémie, ligure de Jésus-Christ, adresse aux Juifs, ses persécuteurs. Cette prédiction, qui s’accomplit à la lettre lors de la première ruine de Jérusalem par les Assyriens, reçut une confirmation plus terrible encore, à la seconde visite de la colère de Dieu sur cette ville maudite. Ce n’était plus seulement Jérémie, un prophète, que les Juifs avaient poursuivi de leur haine et de leurs indignes traitements ; c’était le Fils même de Dieu qu’ils avaient rejeté et crucifié. C’est à leur Messie tant attendu qu’ils avaient « rendu le mal pour le bien ». Ce n’était pas seulement Jérémie « qui avait prié le Seigneur de leur faire grâce et de détourner de dessus eux son indignation » ; l’Homme-Dieu lui-même avait intercédé constamment en leur faveur ; et si enfin il les abandonnait à la justice divine, c’était après avoir épuisé toutes les voies de la miséricorde et du pardon. Mais tant d’amour avait été stérile ; et ce peuple ingrat, toujours plus irrité contre son bienfaiteur, s’écriait dans les transports de sa haine : « Que son sang retombe sur nous et sur nos enfants ! » Quel affreux arrêt Juda portait contre lui-même, en formant son épouvantable souhait ! Dieu l’entendit et s’en souvint. Le pécheur, hélas ! qui connaît Jésus-Christ et le prix de son sang, et qui répand de nouveau à plaisir ce sang précieux, ne s’expose-t-il pas aux rigueurs de cette même justice qui se montra si terrible envers Juda ? Tremblons et prions ; implorons la miséricorde divine en faveur de tant d’aveugles volontaires, de cœurs endurcis, qui courent à leur perte ; et par nos instances adressées au Cœur miséricordieux de notre commun Rédempteur, obtenons que l’arrêt qu’ils ont mérité soit révoqué et se change en une sentence de pardon.

ÉVANGILE.

Les ennemis du Sauveur sont arrivés à ce degré de fureur qui fait perdre le sens. Lazare ressuscité est devant leurs yeux ; et au lieu de reconnaître en lui la preuve incontestable de la mission divine de Jésus, et de se rendre enfin à l’évidence, ils songent à faire périr ce témoin irrécusable, comme si Jésus, qui l’a ressuscité une fois, ne pouvait pas de nouveau lui rendre la vie. La réception triomphale que le peuple fait au Sauveur dans Jérusalem, et dont la commémoration fera l’objet de la solennité de demain, vient encore accroître leur dépit et leur haine. « Nous n’y gagnons rien, disent-ils ; tout le monde va après lui. » Hélas ! Cette ovation d’un moment sera promptement suivie d’un de ces retours auxquels le peuple n’est que trop sujet. En attendant, voici jusqu’à des Gentils qui se présentent pour voir Jésus. C’est l’annonce du prochain accomplissement de la prophétie du Sauveur : « Le royaume des cieux vous sera enlevé, pour être donné à un peuple qui en produira les fruits ». C’est alors que « le Fils de l’homme sera glorifié », que toutes les nations protesteront par leur humble hommage au Crucifié, contre l’affreux aveuglement des Juifs. Mais auparavant il faut que le divin « Froment soit jeté en terre, qu’il y meure » ; puis viendra le temps de la récolte, et l’humble grain rendra cent pour un.

Jésus cependant éprouve dans son humanité un moment de trouble à la pensée de cette mort. Ce n’est pas encore l’agonie du jardin ; mais un frisson l’a saisi. Écoutons ce cri : « Père ! sauvez-moi de cette heure. » Chrétiens, c’est notre Dieu qui s’émeut de crainte, en prévoyant ce qu’il aura bientôt à souffrir pour nous. Il demande d’échapper à cette destinée qu’il a prévue, qu’il a voulue. « Mais, ajoute-t-il, c’est pour cela que je suis venu ; ô Père, glorifiez votre nom. » Son cœur est calme maintenant ; il accepte de nouveau les dures conditions de notre salut. Entendez aussi cette parole de triomphe. Par la vertu du sacrifice qui va s’offrir, Satan sera détrôné ; « ce prince du monde va être jeté dehors. » Mais la défaite de Satan n’est pas l’unique fruit de l’immolation de notre Sauveur ; l’homme, cet être terrestre et dépravé, va quitter la terre et s’élever jusqu’au ciel. Le Fils de Dieu, comme un aimant céleste, l’attirera désormais à soi. « Quand je serai élevé de terre, dit-il, quand je serai attaché à ma croix, j’attirerai tout à moi. » Il ne pense plus à ses souffrances, à cette mort terrible qui tout à l’heure l’effrayait ; il ne voit plus que la ruine de notre implacable ennemi, que notre salut et notre glorification par sa croix. Nous avons dans ces paroles le cœur tout entier de notre Rédempteur ; si nous les méditons, elles suffisent à elles seules pour disposer nos âmes à goûter les mystères ineffables dont est remplie la grande Semaine qui s’ouvre demain.

 

 

 
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Super Rom., cap. 9

31 Mars 2023 , Rédigé par Ludovicus

Super Rom., cap. 9

Caput 9

Lectio 1

Super Rom., cap. 9 l. 1 Apostolus supra necessitatem et virtutem gratiae demonstravit, hic incipit agere de origine gratiae, utrum ex sola Dei electione detur aut detur ex meritis praecedentium operum, occasione accepta ex eo quod Iudaei, qui videbantur divinis obsequiis mancipati, exciderant a gratia, gentiles autem ad eam erant admissi, qui prius fuerant a Deo alieni. Primo igitur agit de electione gentium; secundo de casu Iudaeorum cap. X fratres voluntas quidem cordis mei, et cetera. Circa primum duo facit. Primo commemorat dignitatem Iudaeorum; secundo ostendit quomodo gentiles ad illam dignitatem sunt assumpti, ibi non autem quod exciderit. Circa primum duo facit. Primo apostolus ostendit affectum suum ad gentem Iudaeorum, ne ea quae contra eos dixit vel dicturus est, ex odio dicere videatur; secundo eorum dignitatem ostendit, ibi qui sunt Israelitae, et cetera. Circa primum duo facit. Primo confirmat ea quae dicturus est; secundo demonstrat suum affectum, ibi quoniam mihi tristitia. Circa primum duo facit. Primo confirmat dicenda per simplicem assertionem, dicens veritatem dico, quod maxime convenit praedicatori, qui est testis veritatis. Pr. VIII, 7: veritatem meditabitur guttur meum. Za. VIII, 19: pacem et veritatem diligite. Et quia quandoque aliquis veritati quam loquitur aliquod mendacium interserit, ad hoc excludendum subdit non mentior. Ep. IV, 25: deponentes mendacium loquimini veritatem. Secundo confirmat quae dicenda sunt per iuramentum, quod est quaedam confirmatio per testimonium infallibilis veritatis. Tales autem sunt testes sanctorum. Primo quidem Deus, secundum Jb XVI, 20: ecce in caelo testis meus. Et ideo dicit in Christo Iesu, id est, per Christum Iesum, qui est veritas absque mendacio. II Cor. I, 19: Dei enim filius qui praedicatus est in vobis, non fuit in illo est, et non. Secundo testis infallibilis sanctorum est eorum conscientia, unde subdit testimonium perhibente mihi conscientia mea. II Cor. I, 12: gloria nostra haec est, testimonium conscientiae nostrae. Et quia interdum conscientia errat, nisi per Spiritum Sanctum rectificetur, subdit in Spiritu Sancto. Supra VIII, 16: ipse Spiritus testimonium reddit spiritui nostro. Deinde cum dicit quoniam tristitia, etc., ostendit suum affectum ad Iudaeos per dolorem, quem de eorum casu patiebatur, quem quidem primo exponit; secundo eius signum ponit cum dicit optabam, et cetera. Exaggerat autem suum dolorem tripliciter. Primo quidem ex eius magnitudine: quoniam mihi tristitia est magna, quia scilicet est de magno malo, id est de excidio tantae gentis. Thr. II, 13: magna est velut mare contritio tua. Sed contra hoc videtur esse quod dicitur Eccli. XXX, 22: tristitiam non des animae tuae, quod videtur sententiae Stoicorum consonare, qui tristitiam omnino ab animo sapientis propellebant. Cum enim tristitia sit de malo praesenti, non potest sapienti competere, cui nullum malum est praesens. Non enim aestimabant aliquid esse bonum nisi honestum, et malum nisi peccatum. Sed haec opinio refellitur dupliciter. Primo quidem quia corporales defectus licet non sint simpliciter mala, quibus scilicet homines fiant mali, sunt tamen quaedam mala, quae natura abhorret. Unde et Dominus pro his tristatus legitur Mt. XXVI, 38: tristis est anima mea usque ad mortem. Secundo cum ex charitate homo debet suum diligere proximum sicut seipsum, imminet sapienti tristitia laudabilis de peccato proximi, sicut de peccato sui ipsius; unde apostolus dicit I Cor. XII, 21: et lugeam multos ex eis qui peccaverunt. Sic igitur reprobatur saeculi tristitia quae mortem operatur, procedens ex amore saeculi: sed tristitia quae est secundum Deum, utpote ex divina charitate procedens, salutem operatur, ut dicitur II Cor. VII, 10. Et talis fuit ista tristitia. Secundo exaggerat eam ex continuitate; unde subdit et continuus dolor. Non quod continuo actu doleret, sed secundum habitum. Jr. IX, 1: ut plorem die ac nocte interfectos populi mei. Tertio exaggerat eam ex sui veritate, et dicit cordi meo; non enim erat superficialis, sed in corde radicata. Thr. I, 22: multi gemitus mei et cor meum moerens. Deinde cum dicit optabam enim, etc., ponit signum doloris dicens: optabam enim ego ipse, qui tam fervens sum in charitate Christi, ut supra ostensum est, anathema esse a Christo pro fratribus meis. Ubi, primo, sciendum est quod anathema est Graecum et componitur ab ana quod est sursum, et thesis quod est positio, ut dicatur anathema quasi sursum positum: quia scilicet cum capiebatur aliquid in praeda quod nolebant esse in usu hominum, suspendebant illud in templo. Et inolevit usque adhuc ut ea quae sunt separata ab hominum communi usu, anathemata vocarentur; unde Js. VI, 17 dicitur: sit civitas haec anathema, et omnia quae in ea sunt, Domino. Dicit ergo optabam ego ipse anathema esse a Christo, id est separatus ab eo, quod quidem fit dupliciter. Uno modo per culpam, per quam aliquis a charitate Christi separatur, eius praeceptum non servans. Jn. XIV, 15: si diligitis me, mandata mea servate. Sic autem apostolus non poterat optare esse anathema a Christo pro quacumque causa, ut ex supra dictis in VIII, 35, patet. Est enim hoc contra ordinem charitatis, quo quis tenetur Deum super omnia diligere et salutem suam plusquam salutem aliorum. Et ideo non dicit, opto sed optabam, scilicet, tempore infidelitatis. Sed secundum hoc nihil magnum dicit apostolus, quia tunc etiam propter se volebat esse separatus a Christo. Unde et quaedam Glossa exponit quod dicit, tristitia magna est mihi, de tristitia qua dolebat de praeterito statu peccati, in quo a Christo voluerat esse separatus. Alio modo potest aliquis esse separatus a Christo, id est a fruitione Christi quae habetur in gloria. Sic autem separari a Christo volebat apostolus pro salute gentilium, nedum pro conversione Iudaeorum, secundum illud Ph. I, 23 s.: desiderium habens dissolvi et cum Christo esse, multo melius; permanere in carne necessarium propter vos. Et hoc modo dicebat optabam, scilicet si fieri posset, anathema esse, id est separatus a gloria, vel simpliciter vel ad tempus, propter honorem Christi, qui est ex conversione Iudaeorum, secundum illud Pr. XIV, 28: in multitudine populi dignitas regis. Unde Chrysostomus dicit in libro de compunctione cordis: ita totam eius mentem devicit amor, ut etiam eo quod prae caeteris omnibus amabilius erat esse cum Christo, rursum idipsum, quia ita placeret Christo contemneret, sed et caelorum regna, quod videbatur laborum esse remuneratio pro Christo, nihilominus cedere pateretur. Et causam tanti affectus ostendit subdens pro fratribus meis. Unde Eccli. XXV, 1 s. dicitur, quod tria sunt probata coram Deo et hominibus: concordia fratrum, et cetera. Et ne hoc intelligeretur de his qui erant spiritualiter in Christo fratres, secundum illud Mt. XXIII, 8: omnes vos fratres estis, subiungit qui sunt cognati mei secundum carnem. II Cor. XI, 22: semen Abrahae sunt, et ego. Deinde cum dicit qui sunt Israelitae ostendit dignitatem Iudaeorum, ut eius tristitia videretur esse rationabilis propter pristinam dignitatem populi pereuntis propensius enim est malum dignitatem perdidisse, quam numquam habuisse, ut dicit Glossa et non solum ex affectu carnali procedens. Ostendit autem eorum dignitatem tripliciter. Primo quidem quantum ad suam gentem, cum dicit qui sunt Israelitae, id est, a genere Iacob descendentes, qui est dictus Israel, Gn. XXXII, 28, et II Cor. XI, 22: Israelitae sunt, et ego. Et hoc ad dignitatem pertinet. Dicitur enim Dt. IV, 7: non est alia natio tam grandis, et cetera. Secundo ostendit dignitatem illius gentis ex Dei beneficiis, inter quae primo ponit spiritualia beneficia, quorum unum respicit praesens; et quantum ad hoc dicit quorum est adoptio filiorum Dei; unde dicitur Ex. IV, 22: primogenitus meus Israel. Et hoc quidem dicitur quantum ad spirituales viros qui fuerunt in illo populo. Quantum ad carnales vero supra VIII, 15 innuit, quod acceperunt spiritum servitutis in timore. Aliud vero beneficium ponit quod respicit futurum, cum dicit et gloria, scilicet filiorum Dei eis repromissa. In cuius signum legitur Ex. ult. quod gloria Domini implevit tabernaculum. Deinde ponit alia beneficia figuralia, quorum tria sunt figura praesentis spiritualis beneficii. Et horum primum est testamentum, id est, pactum circumcisionis Abrahae datum, ut dicitur Gn. XVII, 2. Quamvis hoc possit referri ad testamentum novum, quod primo Iudaeis est praedicatum. Unde et Dominus dicebat, Mt. XV, 24: non sum missus nisi ad oves quae perierunt domus Israel. Et Jr. XXXI, 31 dicitur: feriam domui Israel foedus novum. Secundum est lex data Moysi. Unde et subdit legislatio. Eccli. XXIV, 33: legem mandavit nobis Moyses. Tertium est cultus divinus, cum dicit et obsequium, quo scilicet Deo serviebant, omnibus aliis gentibus servientibus idolis. Is. XLIV, 1: et nunc audi, serve meus Iacob, et Israel quem elegi. Deinde ponit id quod pertinet ad futuram gloriam, cum dicit et promissa. Promissiones enim factae in veteri testamento impletae per Christum, Iudaeis praecipue factae videntur. Unde dicitur infra XV, 8: dico Iesum Christum ministrum fuisse circumcisionis ad confirmandas promissiones patrum, et cetera. Fuerunt autem eis multae promissiones factae de bonis terrenis, ut patet Lv. XXVI, 3 s., et Dt. XXVIII, 1-14. Sed per illa temporalia bona spiritualia figurabantur. Tertio autem describit dignitatem Iudaeorum ex origine, cum dicit quorum patres, quia scilicet secundum carnem sunt progeniti ab illis patribus qui fuerunt maxime Deo accepti. Dt. IV, 37: dilexi patres tuos, et elegi semen eorum. Os. IX, 10: quasi prima poma ficulneae eius vidi patres eorum. Quarto ostendit dignitatem eorum ex prole cum dicit ex quibus est Christus secundum carnem, sicut ipse dicit. Jn. IV, 22: salus ex Iudaeis est. Et ne hoc parum videatur, ostendit Christi dignitatem, dicens: qui est super omnia Deus benedictus in saecula, amen. I Jn. ult.: hic est verus Deus et vita aeterna. In quibus verbis quatuor haereses destruuntur. Primo quidem Manichaei, qui dicebat Christum habuisse corpus phantasticum et non verum, quod removet per hoc quod dicit secundum carnem. Habet enim veram carnem, secundum illud Lc. ult.: spiritus carnem et ossa non habet, sicut me videtis habere. Secundo, haeresis Valentini qui dicit Christum non de massa humani generis, sed de caelo corpus attulisse. Quod quidem excludit in hoc quod dicit Christum ex Iudaeis secundum carnem esse, secundum illud Mt. I, 1: liber generationis Iesu Christi filii David. Tertio, haeresis Nestorii qui posuit alium esse filium hominis alium Dei: contra quem apostolus hic dicit, quod ille est ex patribus secundum carnem qui est Deus super omnia. Quarto, excluditur haeresis Arii qui dicebat Christum esse minorem Patre et quod est creatus ex nihilo. Contra quorum, primum dicit quod est super omnia; contra secundum, quod est benedictus per omnia saecula. Hoc enim de solo Deo dicendum est, quod eius bonitas duret in saecula.

 

Lectio 2

Super Rom., cap. 9 l. 2 Postquam apostolus posuit dignitatem Iudaeorum, nunc ostendit quod ista dignitas non pertineat ad eos qui carnaliter processerunt ab antiquis patribus sed ad spirituale semen quod est a Deo electum. Et primo ostendit, quod huiusmodi dignitas proveniat ex electione divina; secundo ostendit, quod haec electio communiter pertinet ad Iudaeos et ad gentiles, ibi quos etiam vocavit non solum, et cetera. Circa primum duo facit. Primo ostendit quomodo ex electione divina homines spiritualem dignitatem consequuntur; secundo movet quaestionem de iustitia divinae electionis, ibi quid ergo dicemus? Circa primum duo facit. Primo proponit quod intendit; secundo ostendit propositum, ibi sed in Isaac, et cetera. Circa primum duo facit. Primo ponit firmitatem divinae electionis; secundo ostendit in quibus impleatur, ibi non enim omnes, et cetera. Dicit ergo primo: ita dictum est quod eorum sunt promissa et adoptio filiorum et gloria, pro quorum casu est mihi magna tristitia et continuus dolor. Non autem est hoc sic intelligendum, quod verbum Dei exciderit, id est frustratum sit, quia et si non habet locum in quibusdam qui exciderunt, habet tamen locum in aliis. Is. LV, 11: verbum quod egreditur ex ore meo, non revertetur ad me vacuum, et cetera. Ps. CXVIII, 89: in aeternum, Domine, permanet verbum tuum. Deinde cum dicit non enim, etc., ostendit quomodo et in quibus verbum Dei exciderit. Circa quod considerandum est quod Iudaei de duobus praecipue gloriabantur, videlicet de Abraham qui primo accepit pactum circumcisionis a Domino, ut dicitur Gn.XVII, 10, et de Iacob sive Israel, cuius tota posteritas in populo Dei connumerabatur. Non autem ita fuit de Isaac; nam posteritas filii eius Esau ad populum Dei non pertinebat. Unde apostolus ostendit propositum, primo quidem per comparationem ad Iacob, dicens non enim omnes qui sunt ex Israel, id est ex Iacob secundum carnem progeniti, hi sunt veri Israelitae ad quos pertinent Dei promissa, sed illi qui sunt recti et videntes Deum per fidem. Is. XLIV, 2: rectissime quem elegi. Unde et Dominus dixit Nathanaeli Jn. I, 47: ecce verus Israelita, in quo dolus non est. Hoc autem nomen Israel impositum fuit Iacob ab Angelo, ut patet Gn. XXXII, 28. Secundo ostendit idem propter comparationem ad Abraham, dicens neque omnes qui sunt carnale semen Abrahae, sunt spirituales Abrahae filii, quibus Deus benedictionem repromisit, sed solum illi qui eius fidem et opera imitantur. Jn. VIII, 39: si filii Abrahae estis, opera Abrahae facite. Deinde, cum dicit sed in Isaac, etc., manifestat propositum. Et primo quantum ad Abraham; secundo quantum ad Iacob, ibi non solum autem illa, et cetera. Circa primum tria facit. Primo proponit auctoritatem Scripturae, dicens sed in Isaac vocabitur tibi semen. Hoc dominus dixit Abrahae, ut habetur Gn. XXI, 12, ubi agebatur de expulsione Ismaelis. Quasi dicat: non omnes qui nati sunt carnaliter ab Abraham pertinent ad illud semen, cui facta est repromissio, secundum illud Ga. III, 16: Abrahae dictae sunt promissiones et semini eius, sed illi qui similes sunt Isaac. Deinde, cum dicit id est, non qui filii, etc., exponit auctoritatem inductam secundum quod facit ad propositum. Ad cuius evidentiam accipiendum est quod apostolus dicit Ga. IV, 22 s.: Abraham duos filios habuit, unum de ancilla, et unum de libera: sed qui de ancilla, scilicet Ismael, secundum carnem natus est, quia scilicet secundum legem et consuetudinem carnis ex iuvencula natus est; qui autem ex libera, scilicet Isaac, per repromissionem, et non secundum carnem, id est non secundum carnis legem et consuetudinem, quia natus est ex sterili et vetula, ut habetur Gn. XVIII, 10, quamvis sit natus secundum carnem, id est secundum substantiam carnis quam accepit a parentibus. Ex quo apostolus hic accipit quod illi non adoptantur in filios Dei, qui sunt filii carnis, id est ex hoc ipso quod secundum carnem progeniti sunt ab Abraham, sed illi aestimantur in semine, quibus facta est repromissio, qui sunt filii promissionis, id est illi qui ex gratia promissionis divinae facti sunt filii Abrahae secundum imitationem fidei, secundum illud Mt. III, 9: potens est Deus de lapidibus his suscitare filios Abrahae. Sicut etiam Ismael, secundum carnem natus, non est computatus in semine, sed Isaac per repromissionem natus. Tertio, ibi promissionis enim, etc., probat convenientem fuisse suam expositionem, qua per Isaac significari dixit eos qui sunt filii repromissionis, quia scilicet Isaac per promissionem natus est. Unde dicit promissionis enim, hoc verbum est quod Angelus, imo Dominus in Angelo, dixit ad Abraham Gn. XVIII, 10: secundum hoc tempus veniam, quo significatur tempus gratiae. Ga. IV, 4: cum venit plenitudo temporis, misit Deus filium suum. Et erit Sarae filius, scilicet per gratiam repromissionis. Unde et Ga. IV, 5 dicitur: ut adoptionem filiorum reciperemus. Deinde, cum dicit non solum autem illa, etc., manifestat propositum quantum ad Iacob. Et primo ponit quod intendit; secundo manifestat propositum, ibi cum enim nondum nati, et cetera. Dicit ergo primo: non solum illa, scilicet Sara, habuit filium de quo facta est promissio, sed et Rebecca habens in utero duos filios, quorum unus pertinebat ad promissionem, alius ad carnem solum, et hoc ex uno concubitu Isaac patris nostri. Dicitur enim Gn. XXV, 21 ss. quod Isaac rogavit pro uxore sua eo quod sterilis esset, et dedit Dominus conceptum Rebeccae, sed collidebantur in ventre eius parvuli. Et est notandum quod hoc apostolus inducit contra Iudaeos, qui reputabant se Dei iustitiam adepturos propter merita patrum, contra quos dicit de viris iustis Ez. XIV, 16, quod filium et filiam non liberabunt, sed ipsi in iustitia sua liberabuntur. Unde et Ioannes Iudaeis dicebat Mt. III, 9: ne coeperitis dicere: patrem habemus Abraham, et cetera. Contra horum opinionem ergo primo induxerat quod de filiis Abrahae unus erat electus, et alius reprobatus. Possent autem hoc adscribere vel diversitati matrum, quia Ismael natus est de ancilla et Isaac de libera; vel diversitati meritorum patris, quia Ismaelem genuit incircumcisus. Ut igitur omne subterfugium excludatur, inducit exempla, ubi unus eligitur et alius reprobatur eorum, qui non solum ab uno patre sed etiam ab una matre sunt geniti et eodem tempore, imo ex uno concubitu. Deinde, cum dicit cum nondum, etc., ostendit propositum, et primo per auctoritatem Gn. XXV, 24; secundo per auctoritatem prophetae, ibi sicut scriptum est, et cetera. Circa primum tria facit. Primo designat tempus promissionis, et dicit quod per repromissionem est unus filiorum Rebeccae alii praelatus, cum nondum nati fuissent. Et sicut per superiora exclusit opinionem Iudaeorum de meritis patris confidentium, ita etiam per hoc excludit errorem Manichaeorum, qui diversitatem eorum quae hominibus accidunt, nativitati adscribunt, ut scilicet uniuscuiusque vita et mors disponatur secundum constellationem sub qua natus est, contra quod dicitur Jr. X, 2: a signis caeli nolite metuere quae gentes timent. Subdit autem aut aliquid egissent boni aut mali, ubi excluditur error Pelagianorum, qui dicunt secundum merita praecedentia gratiam dari, cum tamen scriptum sit Tt. III, 5: non ex operibus iustitiae quae fecimus nos, sed secundum suam misericordiam salvos nos fecit. Utrumque autem horum ostenditur falsum per hoc quod ante nativitatem et ante opera unus filiorum Rebeccae alteri est praelatus. Excluditur per hoc etiam error Origenis, qui posuit animas hominum simul cum Angelis esse creatas et quod pro meritis eorum, quae ibi egerunt bene vel male, diversitatem vitae sortiuntur, secundum quem non posset esse verum quod hic dicitur: cum nondum aliquid mali vel boni egissent. Contra hoc autem est quod dicitur Jb XXXVIII, 7: ubi eras, cum me laudarent astra matutina, et iubilarent omnes filii Dei? Posset enim secundum Origenis errorem responderi: eram inter ipsos Dei filios iubilantes. Secundo ostendit quid accipi posset ex ipsa promissione, quia unus geminorum in utero existentium alteri est praelatus, dicens ut propositum Dei, scilicet volentis unum prae alio magnificare, maneret, id est firmum esset, et hoc non secundum merita sed secundum electionem, id est inquantum ipse Deus spontanea voluntate unum alteri praelegit, non quia sanctus erat, sed ut sanctus esset, secundum illud Ep. I, 4: elegit nos in ipso ante mundi constitutionem, ut essemus sancti. Hoc autem est propositum praedestinationis, de quo ibidem dicitur: praedestinati secundum propositum voluntatis eius. Tertio ponit promissionem, dicens non ex operibus, quae nulla praecesserunt, ut dictum est, sed ex vocante, id est ex ipsa gratia vocantis de quo supra dictum est: quos praedestinavit, hos et vocavit, dictum est ei, scilicet Rebeccae, quia maior, scilicet Esau, serviet minori, scilicet Iacob. Quod quidem tripliciter potest intelligi. Uno modo secundum eorum personas, et sic intelligitur Esau servisse Iacob, non directe sed occasionaliter, inquantum persecutio quam ei intulit, in eius bonum cessit, secundum illud Pr. XI, 29: qui stultus est serviet sapienti. Secundo potest referri ad populos ex utroque progenitos: quia Idumaei aliquando fuerunt subiecti Israelitis, secundum illud Ps. LIX, 8: in Idumaeam extendam calceamentum meum. Et hoc videtur competere his quae praemittuntur in Gn. XXV, 23. Praemittuntur enim: duo populi ex ventre tuo dividentur: populus populum superabit, et maior minori serviet. Tertio potest intelligi figuraliter dictum ut per maiorem intelligatur populus Iudaeorum, qui primo adoptionem filiationis accepit, secundum illud Ex. IV, 22: primogenitus meus Israel, per minorem autem figuratur populus gentilium, qui posterius est ad fidem vocatus, qui etiam figuratur per filium prodigum. Maior ergo populus serviet minori, inquantum Iudaei sunt nostri capsarii, custodientes libros ex quibus nostrae fidei testimonium perhibetur. Jn. V, 39: scrutamini Scripturas. Deinde, cum dicit sicut scriptum est, etc., probat propositum ex auctoritate prophetae, dicens sicut scriptum est, scilicet I, 2 Malachiae prophetae, ex persona Dei dicentis Iacob dilexi, Esau autem odio habui. Dicit autem hic quaedam Glossa quod id quod supra dictum est maior serviet minori, dictum est secundum praescientiam; quod autem hic dicit, est intelligendum secundum iudicium, quia scilicet Deus propter bona opera dilexit Iacob, sicut et omnes sanctos diligit. Pr. VIII, 17: ego diligentes me diligo. Esau vero odio habuit propter peccata, sicut scriptum est Eccli. XII, 7: altissimus odio peccatores habet. Sed quia dilectio hominis praevenitur a dilectione Dei, secundum illud I Jn. IV, 10: non quasi nos dilexerimus Deum, sed quoniam ipse prior dilexit nos, oportet dicere quod ante Iacob dilectus sit a Deo, quam ipse Deum dilexerit. Nec potest dici quod Deus ex tempore eum diligere inceperit, alioquin eius affectus esset mutabilis. Et ideo oportet dicere quod Deus ab aeterno Iacob dilexit, ut dicitur Jr. XXXI, 3: in charitate perpetua dilexi te. Est autem in his verbis apostoli considerandum, quod tria ponit in Deo pertinentia ad sanctos, videlicet electionem, per quam intelligitur praedestinatio, et electio Dei, quae quidem realiter sunt idem in Deo, sed differunt ratione. Nam ipsa Dei dilectio dicitur secundum quod vult bonum alicui absolute; electio autem dicitur secundum quod per bonum quod alicui vult, eum alteri praefert; praedestinatio autem est secundum quod hominem dirigit in id bonum quod ei vult, diligendo et eligendo. Et ideo secundum rationem praedestinatio sequitur dilectionem, sicut et voluntas de fine naturaliter praecedit directionem aliquorum in finem. Electio autem et dilectio aliter ordinantur in Deo et in homine. In homine enim electio praecedit dilectionem, voluntas enim hominis movetur ad amandum ex bono quod in re amata considerat, ratione cuius ipsam praeelegit alteri et praeelectae suum amorem impendit. Sed voluntas Dei est causa omnis boni quod est in creatura et ideo bonum per quod una creatura praefertur alteri per modum electionis, consequitur voluntatem Dei, quae est de bono illius, quae pertinet ad rationem dilectionis. Unde non propter aliquod bonum quod in homine eligat Deus eum diligit, sed potius eo quod ipsum diligit, praefert eum aliis eligendo. Sicut autem dilectio de qua hic loquitur, pertinet ad aeternam Dei praedestinationem, ita etiam odium, de quo hic loquitur, pertinet ad reprobationem qua Deus reprobat peccatores. Nec est dicendum quod ista reprobatio sit temporalis, quia nihil temporale est in voluntate divina, sed est ab aeterno: quae quidem quantum ad aliquid convenit cum dilectione vel praedestinatione, quantum autem ad aliquid differt. Convenit quidem quantum ad hoc quod sicut praedestinatio est praeparatio gloriae, ita reprobatio est praeparatio poenae. Is. XXX, 33: praeparata est ab heri Thopheth a rege praeparata. Differt autem quantum ad hoc quod praedestinatio importat praeparationem meritorum quibus pervenitur ad gloriam, sed reprobatio importat praeparationem peccatorum quibus pervenitur ad poenam. Et ideo praescientia meritorum non potest esse aliqua ratio praedestinationis, quia merita praescita cadunt sub praedestinatione; sed praescientia peccatorum potest esse aliqua ratio reprobationis ex parte poenae, quae praeparatur reprobatis, inquantum scilicet Deus proponit se puniturum malos propter peccata quae a seipsis habent, non a Deo; iustos autem proponit se praemiaturum propter merita quae a seipsis non habent. Os. XIII, 9: perditio tua ex te, Israel, tantum in me auxilium tuum.

 

Lectio 3

Super Rom., cap. 9 l. 3 Postquam praemisit apostolus quod secundum Dei electionem unus alteri praefertur non ex operibus, sed ex gratia vocantis hic inquirit de iustitia huius electionis. Et primo proponit dubitationem; secundo solvit, ibi absit. Moysi, et cetera. Tertio obiicit contra solutionem, ibi dicis itaque mihi: quid adhuc, et cetera. Dicit ergo primo: dictum est quod Deus sine merito praecedente unum eligit, et alterum reprobat. Quid ergo dicemus? Numquid per hoc probari potest quod sit iniquitas apud Deum? Videtur quod sic. Pertinet enim ad iustitiam in distributionibus, ut aequaliter aequalibus distribuatur. Homines autem, remota differentia meritorum, sunt aequales. Si ergo absque consideratione meritorum Deus inaequaliter distribuit, unum eligens et alium reprobans, videtur quod sit in eo iniquitas, quod est contra illud quod dicitur Dt. XXXII, 4: Deus fidelis et absque ulla iniquitate; Ps. CXVIII, 137: iustus es, Domine, et rectum iudicium tuum. Est autem sciendum quod Origenes hanc obiectionem solvere volens incidit in errorem. Ponit enim in suo periarchon, Deum ab initio solum creaturas spirituales fecisse, et omnes aequales, ne ex eorum inaequalitate posset secundum rationem praedictam iniquitas Deo adscribi, sed postea creaturarum diversitas subsecuta est ex diversitate meritorum. Nam illarum creaturarum spiritualium quaedam per amorem conversae sunt ad Deum plus vel minus, et secundum hoc distincti sunt diversi ordines Angelorum: quaedam vero aversae sunt a Deo plus vel minus, et secundum hoc alligatae sunt corporibus vel nobilibus vel ignobilibus, quaedam quidem caelestibus corporibus, quaedam autem corporibus Daemonum, quaedam autem corporibus hominum. Et secundum hoc ratio condendi et distinguendi creaturas corporeas, est peccatum spiritualis creaturae. Quod est contra id quod Gn. I, 31 dicitur: vidit Deus cuncta quae fecerat, et erant valde bona, per quod datur intelligi quod causa producendi creaturas corporales, est bonitas, ut dicit Augustinus, de civitate Dei. Et ideo, hac opinione reiecta, videndum est qualiter apostolus dubitationem solvat, cum dicit absit. Moysi enim dicit, et cetera. Et circa hoc duo facit. Primo solvit obiectionem praedictam quantum ad dilectionem sanctorum; secundo quantum ad odium seu reprobationem malorum, ibi dicit enim Scriptura, et cetera. Circa primum duo facit. Primo proponit auctoritatem Scripturae ex qua procedit solutio; secundo ex ea conclusionem inducit, ibi igitur non volentis, et cetera. Inducit autem auctoritatem quae habetur Ex. XXXIII, 19, ubi dixit Dominus Moysi, secundum litteram nostram: miserebor cui voluero, et clemens ero in quem placuero, sed apostolus inducit eam secundum litteram LXX, dicens Moysi enim dicit, Dominus, miserebor cui misereor, et misericordiam praestabo cui miserebor, ubi secundum superficiem litterae omnia bona nostra Dei misericordiae adscribuntur secundum illud Is. LXIII, 7: miserationum Domini recordabor, laudem Domini super omnibus quae reddidit nobis. Et Thren. III, 22: misericordiae Domini quod non sumus consumpti, multae enim sunt miserationes eius. Exponitur autem haec auctoritas in Glossa dupliciter, et secundum hoc ex auctoritate hac dupliciter solvitur quaestio et obiectio. Uno modo sic: miserebor cui misereor, id est illi qui est dignus misericordia; et, ad maiorem expressionem, iterat dicens misericordiam praestabo cui misereor, id est cui dignum iudico misereri: sicut et in Ps. CII, 13 dicitur: misertus est Dominus timentibus se. Et secundum hoc licet misericorditer sua impendat, tamen ab iniustitia excusatur, quia dat quibus dandum est, et quia non dat cui dandum non est, secundum rectitudinem sui iudicii. Sed misereri cui dignum est, potest intelligi dupliciter. Uno modo ut intelligatur aliquis dignus misericordia propter opera praeexistentia in hac vita, licet non in alia, ut posuit Origenes, quod pertinet ad haeresim Pelagianorum, qui posuerunt gratiam Dei hominibus secundum merita dari. Sed hoc stare non potest, quia, sicut dictum est, ipsa etiam bona merita sunt homini a Deo, et sunt praedestinationis effectus. Alio modo potest intelligi ut aliquis dicatur dignus misericordia, non propter aliqua merita praecedentia gratiam sed propter merita subsequentia, puta ut dicamus quod Deus dat alicui gratiam et proposuit eam ab aeterno illi se daturum, quem praescivit ea bene fore usurum. Et secundum hoc intelligit Glossa quod miseretur cui miserendum est. Unde dicit miserebor cui misertus ero, id est, illi miserebor vocando et gratiam apponendo, cui praescius ero quod misericordiam daturus essem, sciens illum convertendum et apud me permansurum. Sed videtur quod nec hoc convenienter dici possit. Manifestum est enim quod nihil potest poni ut ratio praedestinationis, quod est praedestinationis effectus, etiam si accipiatur prout est in Dei praescientia, quia ratio praedestinationis praeintelligitur praedestinationi, effectus autem in ipsa includitur. Manifestum est autem quod omne Dei beneficium quod homini confert ad salutem, est divinae praedestinationis effectus. Divinum autem beneficium non solum extendit se ad infusionem gratiae, qua homo iustificatur, sed etiam ad gratiae usum: sicut etiam in rebus naturalibus non solum Deus causat ipsas formas in rebus, sed etiam ipsos motus et operationes formarum, eo quod Deus est principium omnis motus, cuius operatione cessante a movendo, ex formis nullus motus vel operatio sequitur. Sicut autem se habet habitus gratiae vel virtutis in anima ad usum ipsius, sic se habet forma naturalis ad suam operationem. Et ideo dicitur Is. XXVI, 12: omnia opera nostra operatus es in nobis, Domine. Probat autem hoc speciali ratione Aristoteles de operibus voluntatis humanae. Cum enim homo habeat potentiam ad opposita, puta ad sedendum vel non sedendum, oportet quod reducatur in actum per aliquid aliud. Reducitur autem in actum alterius horum per consilium, ex quo unum oppositorum praeelegit alteri. Sed cum iterum homo habet potentiam consiliandi vel non consiliandi, oportebit esse aliquid per quod reducatur in actum consilii. Et cum in hoc non sit procedere in infinitum, oportet esse aliquod principium extrinsecum superius homine, quod ipsum moveat ad consiliandum, et hoc non est aliud quam Deus. Sic igitur ipse usus gratiae est a Deo, nec propter hoc superfluit habitus gratiae, sicut nec superfluunt formae naturales, quamvis Deus in omnibus operetur, quia, sicut dicitur Sg. VIII, 1, ipse disponit omnia suaviter, quia scilicet per suas formas omnia inclinantur quasi sponte in id ad quod ordinantur a Deo. Sic igitur non potest esse quod merita consequentia gratiam sint ratio miserendi aut praedestinandi, sed sola Dei voluntas, secundum quam misericorditer aliquos liberat. Manifestum est enim quod iustitia distributiva locum habet in his quae dantur ex debito, puta si aliqui meruerunt mercedem, ut plus laborantibus maior merces donetur, non autem habet locum in his quae sponte et misericorditer aliquis dat; puta si aliquis duos pauperes in via inveniens det uni quod potest, vel disponit in eleemosynam dare, non est iniquus sed misericors. Similiter si aliquis, duobus aeque ipsum offendentibus, uni dimittat offensam et non alteri, est misericors uni, et iustus ad alterum, neutri vero iniquus. Cum enim omnes homines propter peccatum primi parentis damnationi nascantur obnoxii, quos Deus per suam gratiam liberat, sola misericordia liberat: et sic quibusdam est misericors, quos liberat, quibusdam autem iustus, quos non liberat, neutris autem iniquus. Et ideo apostolus quaestionem solvit per auctoritatem, quae omnia divinae misericordiae adscribit. Sciendum est tamen quod Dei misericordia secundum tria attenditur. Primo quidem secundum praedestinationem, qua ab aeterno proposuit aliquos liberare. Ps. CII, 16: misericordia eius ab aeterno et usque in aeternum. Secundo, secundum vocationem et iustificationem quibus homines salvat ex tempore. Tt. III, 5: secundum suam misericordiam salvos nos fecit. Tertio, magnificando per gloriam, quando liberat ab omni miseria. Ps. CII, 4: qui coronat te in misericordia et miserationibus. Et ideo dicit miserebor, scilicet vocando et iustificando, cui misereor, praedestinando et misericordiam praestando, finaliter glorificando eum cui misereor vocando et iustificando. Et hic sensus magis concordat cum nostra littera, quae dicit: miserebor cui voluero, et clemens ero cui mihi placet. Ubi manifeste non meritis, sed soli divinae voluntati adscribitur divina misericordia. Deinde, cum dicit igitur non volentis, etc., concludit propositum ex praemissa auctoritate. Et potest haec conclusio multipliciter intelligi; uno modo sic: igitur, ipsa salus hominis, non est volentis neque currentis, id est non debetur alicui per aliquam eius voluntatem, vel exteriorem operationem, quae dicitur cursus secundum illud I Cor. IX, 24: sic currite ut comprehendatis, sed est miserentis Dei, id est, procedit ex sola Dei misericordia, et maxime sequitur ex auctoritate inducta Dt. IX, 4: nec dicas in corde tuo: propter iustitiam meam introduxit me Dominus, ut terram hanc possiderem. Potest autem et aliter intelligi ut sit sensus: omnia procedunt ex Dei misericordia, igitur non est volentis, scilicet velle, neque currentis, scilicet currere, sed utrumque est miserentis Dei, secundum illud I Cor. XV, 10: non autem ego, sed gratia Dei mecum. Et Jn. XV, 5: sine me nihil potestis facere. Sed si hoc solum in hoc verbo intellexisset apostolus, cum etiam gratia sine libero arbitrio hominis non velit neque currat, potuisset e converso dicere: non est miserentis Dei, sed volentis et currentis, quod aures piae non ferunt. Unde plus aliquid est ex his verbis intelligendum, ut scilicet principalitas gratiae Dei attribuatur. Semper enim actio magis attribuitur principali agenti, quam secundario, puta si dicamus quod securis non facit arcam, sed artifex per securim. Voluntas autem hominis movetur a Deo ad bonum. Unde supra VIII, 14 dictum est: qui Spiritu Dei aguntur, hi sunt filii Dei. Et ideo hominis operatio interior non est homini principaliter, sed Deo attribuenda. Ph. II, 13: Deus est qui operatur in nobis velle et perficere pro bona voluntate. Sed si non est volentis velle, neque currentis currere, sed Dei moventis ad hoc hominem, videtur quod homo non sit dominus sui actus, quod pertinet ad libertatem arbitrii. Et ideo dicendum est, quod Deus omnia movet, sed diversimode, inquantum scilicet unumquodque movetur ab eo secundum modum naturae suae. Et sic homo movetur a Deo ad volendum et currendum per modum liberae voluntatis. Sic ergo velle et currere est hominis, ut libere agentis: non autem est hominis ut principaliter moventis, sed Dei. Deinde, cum dicit dicit enim Scriptura, etc., solvit quaestionem praemissam quantum ad reprobationem malorum. Et primo inducit auctoritatem; secundo infert conclusionem, ibi ergo cui vult miseretur, et cetera. Dicit ergo: ita ostensum est quod non est iniquitas apud Deum, quantum ad hoc quod ab aeterno diligit iustos. Sed etiam nec quantum ad hoc quod ab aeterno reprobat malos. Dicit enim Scriptura ex ore Dei, Ex. IX, 16: quia in hoc ipsum excitavi te, vel servavi te, secundum aliam litteram, ut ostendam in te virtutem meam ut annuntietur nomen meum in universa terra. Nostra autem littera sic habet: et idcirco posui te, ut ostendam in te fortitudinem meam, ut enarretur nomen meum in omni terra. Ubi primo, consideratum est quid Deus circa reprobos faciat, quod ostendit dicens in hoc ipsum servavi te, id est dignus eras mori propter mala quae feceras, supra I, 32: qui talia agunt, digni sunt morte, sed tamen non statim tibi mortem induxi sed servavi te in vita eo fine quo sequitur, ut scilicet ostendam, et cetera. Et in hoc etiam sensu potest legi quod dicitur excitavi te, id est, cum apud me pro tuis meritis mortuus esses, concessi tibi vitam, quasi te excitarem. In quo apparet quod Deus iniquitatem reprobis non facit, cum ipsi ex suis meritis essent digni statim consumi, sed hoc ipsum quod eos servat in vita, procedit ex nimia sua bonitate. Jr. X, 24: corripe me, domine verumtamen in iudicio et non in furore tuo, ne forte ad nihilum redigas me. Alio modo potest intelligi excitavi te, in peccatum, ut deterior fias. Quod quidem non est intelligendum hoc modo quod Deus in homine causet malitiam, sed est intelligendum permissive, quia scilicet ex iusto suo iudicio permittit aliquos ruere in peccatum propter praecedentes iniquitates, sicut supra I, 24 dictum est: tradidit eos Deus in reprobum sensum. Sed aliquid amplius videtur mihi in hoc esse intelligendum, quia, videlicet, instinctu quodam interiori moventur homines a Deo ad bonum et ad malum. Unde Augustinus dicit in libro de gratia et libero arbitrio, quod Deus operatur in cordibus hominum ad inclinandas eorum voluntates quocumque voluerit, sive ad bona pro sua misericordia, sive ad mala pro meritis eorum. Unde et Deus dicitur saepius suscitare aliquos ad bonum, secundum illud Dn. XIII, 45: suscitavit Deus spiritum pueri iunioris. Dicitur etiam suscitare aliquos ad malum faciendum, secundum illud Is. XIII, 17: suscitabo Medos qui sagittis parvulos interficiant. Aliter tamen ad bona, aliter ad mala: nam ad bona inclinat hominum voluntates directe et per se, tamquam actor bonorum; ad malum autem dicitur inclinare vel suscitare homines occasionaliter, inquantum scilicet Deus homini aliquid proponit vel interius, vel exterius, quod, quantum est de se, est inductivum ad bonum; sed homo propter suam malitiam perverse utitur ad malum. Supra II, 4: ignoras quoniam benignitas Dei ad poenitentiam te adducit: secundum autem duritiam tuam et cor impoenitens thesaurizas tibi iram in die irae. Et Jb XXIV, 23: dedit ei Deus locum poenitentiae, et ille abutitur eo in superbia. Et similiter Deus quantum est de se, interius instigat hominem ad bonum, puta regem ad defendendum iura regni sui, vel ad puniendum rebelles. Sed hoc instinctu bono malus homo abutitur secundum malitiam cordis sui. Et hoc patet Is. X, 6, ubi dicitur de Assur: ad gentem fallacem mittam eum, contra populum furoris mei mandabo illi ut auferat spolia, et cetera. Et post: ipse autem non sic arbitrabitur, et cor eius non ita aestimabit, sed ad conterendum erit cor eius. Et hoc modo circa Pharaonem accidit, qui cum a Deo excitaretur ad regni sui tutelam, abusus est hac excitatione in crudelitatem. Secundo, oportet considerare quo fine Deus ista partim faciat et partim permittat. Est enim considerandum, quod Deus operatur in creaturis ad suam manifestationem, secundum illud supra I, 20: invisibilia Dei per ea quae facta sunt intellecta conspiciuntur. Unde et huiusmodi excitatio in hoc ipsum ordinatur, et quantum ad praesentes, ut ostendam in te virtutem meam, Ex. XIV, 31: viderunt filii Israel manum magnam, quam exercuerat dominus contra Aegyptios, et quantum ad absentes, ut annuntietur nomen meum in universa terra. Ps. XCV, 3: annuntiate inter gentes gloriam eius. Sic igitur patet quod quantum ad hoc, non est iniquitas apud Deum, quia utitur creatura sua secundum eius merita ad gloriam suam. Et in hoc eodem sensu potest exponi si dicatur, posui te, id est ordinavi malitiam tuam ad gloriam meam; Deus enim malitiam ordinat, sed non causat. Deinde cum dicit ergo cui vult miseretur, etc.; infert conclusionem quamdam ex utraque auctoritate supra inducta. Nam ex eo quod dictum est miserebor cui misereor, concludit ergo cui vult miseretur. Ps. CII, 13: misertus est Dominus timentibus se. Ex eo vero quod dictum est: in hoc ipsum excitavit te, concludit et quem vult indurat. Is. LXIII, 17: indurasti cor nostrum, ne timeremus te. Eccli. XXXIII, 12: ex ipsis benedixit et exaltavit, et ex ipsis maledixit et humiliavit. Et quidem quod dicitur de Dei misericordia, dubitationem non habet, suppositis his quae praemissa sunt. Sed circa indurationem videtur esse duplex dubitatio. Primo quidem quia duritia cordis ad culpam pertinere videtur, secundum illud Eccli.III, 27: cor durum male habebit in novissimo. Si ergo Deus indurat, sequitur quod sit auctor culpae. Contra quod dicitur Jc. I, 13: Deus intentator malorum est. Ad quod dicendum quod Deus non dicitur indurare aliquos directe, quasi in eis causet malitiam, sed indirecte, inquantum scilicet ex his quae facit in homine intus vel extra, homo sumit occasionem peccati, et hoc ipse Deus permittit. Unde non dicitur indurare quasi immittendo malitiam, sed non apponendo gratiam. Secunda dubitatio est, quia ipsa obduratio non videtur divinae voluntati posse adscribi, cum scriptum sit I Th. IV, 3: haec est voluntas Dei sanctificatio vestra. Et I Tm. II, 4: qui vult omnes homines salvos fieri. Ad quod dicendum est, quod tam misericordia quam iustitia dispositionem voluntatis important. Unde sicut miseratio attribuitur divinae voluntati, ita et id quod est iustitiae. Sic ergo intelligendum est cui vult miseretur, scilicet per suam misericordiam, et quem vult indurat, per suam iustitiam; quia illi, quos indurat, hoc merentur ut indurentur ab ipso, ut supra cap. 1 dictum est.

 

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Vendredi de la Passion mémoire de Notre Dame des sept douleurs

31 Mars 2023 , Rédigé par Ludovicus

Vendredi de la Passion mémoire de Notre Dame des sept douleurs

Collecte

Daignez, Seigneur, dans votre bonté, répandre votre grâce en nos cœurs ; afin que, réprimant nos péchés par les châtiments volontaires, nous souffrions des peines temporelles, plutôt que d’être condamnés aux supplices éternels. Par Notre-Seigneur.

Lecture Jr. 17, 13-18

En ces jours-là, Jérémie dit : Seigneur, tous ceux qui vous abandonnent seront confondus ; ceux qui se retirent de vous seront écrits sur la terre, parce qu’ils ont abandonné le Seigneur, la source des eaux vives. Guérissez-moi, Seigneur, et je serai guéri ; sauvez-moi, et je serai sauvé, car vous êtes ma gloire. Voici qu’ils me disent : Où est la parole du Seigneur ? Qu’elle s’accomplisse. Et moi je n’ai pas été troublé en vous suivant comme mon pasteur, et je n’ai pas désiré le jour de l’homme, vous le savez : ce qui est sorti de mes lèvres a été droit devant vous. Ne soyez pas pour moi un sujet d’effroi vous qui êtes mon espérance au jour de l’affliction. Que ceux qui me persécutent soient confondus, et que je ne sois pas confondu moi-même ; qu’ils aient peur, et que je n’aie pas peur ; faites venir sur eux le jour du malheur, et brisez-les d’un double brisement, ô Seigneur notre Dieu.

Évangile Jn. 11, 47-54

En ce temps-là, les Pontifes et les Pharisiens assemblèrent le conseil contre Jésus et ils disaient : Que ferons-nous ? Car cet homme fait beaucoup de miracles. Si nous le laissons agir ainsi, tous croiront en lui, et les Romains viendront, et ruineront notre ville et notre nation. Mais l’un d’eux, nommé Caïphe, qui était le grand-prêtre de cette année-là, leur dit : Vous n’y entendez rien, et vous ne réfléchissez pas qu’il vaut mieux pour vous qu’un seul homme meure pour le peuple, et que la nation entière ne périsse point. Or il ne dit pas cela de lui-même, mais, étant grand-prêtre cette année-là, il prophétisa que Jésus devait mourir pour la nation, et non seulement pour la nation, mais aussi pour rassembler en un seul corps les enfants de Dieu qui étaient dispersés. A partir de ce jour, ils pensaient donc à le faire mourir. C’est pourquoi Jésus ne se montrait plus ouvertement parmi les Juifs ; mais il s’en alla dans une région voisine du désert, dans une ville nommée Ephrem et il demeurait là avec ses disciples

Office

1ère leçon

Homélie de saint Augustin, Évêque

Les Pontifes et les Pharisiens délibéraient entre eux, mais ils ne disaient pas : Croyons en lui ; ces hommes pervers étaient bien plus préoccupés de la pensée de nuire à Jésus pour le perdre que des moyens d’éviter leur propre perte, et cependant ils craignaient et se consultaient. « Ils disaient : Que faisons-nous, car cet homme opère beaucoup de miracles ? Si nous le laissons ainsi, tous croiront en lui, et les Romains viendront et ruineront notre pays et notre nation. » Ils craignirent de perdre les biens temporels, et ils ne songèrent pas aux biens de la vie éternelle : c’est ainsi qu’ils perdirent les uns et les autres.

2e leçon

En effet, après la passion et la glorification du Seigneur, les Romains leur enlevèrent leur ville qu’ils prirent d’assaut, et ruinèrent leur nation qu’ils emmenèrent en captivité. Ainsi se vérifia en eux cette prédiction : « Les enfants de ce royaume iront dans les ténèbres extérieures. » Ils craignirent que si tous venaient à croire en Jésus-Christ, il ne restât personne pour défendre contre les Romains la cité de Dieu et le temple ; car ils pensaient que la doctrine de Jésus-Christ était contraire au temple, et aux lois données à leurs pères.

3e leçon

« Mais l’un d’eux, nommé Caïphe, qui était le Pontife de cette année-là, leur dit : Vous n’y entendez rien, et vous ne pensez pas qu’il vous est avantageux qu’un seul homme meure pour le peuple, et non pas que toute la nation périsse. Or, il ne dit pas cela de lui-même ; mais étant le Pontife de cette année-là, il prophétisa. » Nous apprenons ici que même les hommes méchants peuvent, par l’esprit de prophétie, annoncer les choses à venir. Cependant l’Évangéliste attribue ce dernier fait à un mystère tout divin ; car, dit-il, « il était Pontife », c’est-à-dire grand-prêtre.

A Rome, la Station est dans l’Église de Saint-Étienne, au mont Cœlius. En ce jour qui devait être consacré à vous Marie, la Reine des Martyrs, il est touchant de reconnaître que, par une sorte de pressentiment prophétique, cette église dédiée au premier des Martyrs se trouvait déjà désignée, dès la plus haute antiquité, pour la réunion des fidèles.

ÉPÎTRE.

Jérémie est une des principales figures de Jésus-Christ dans l’Ancien Testament, où il représente spécialement le Messie persécuté par les Juifs. C’est ce qui a porté l’Église à choisir ses Prophéties pour sujet des lectures de l’Office de la nuit, dans les deux semaines consacrées à la Passion du Sauveur. Nous venons d’entendre une des plaintes que ce juste adresse à Dieu contre ses ennemis ; et c’est au nom du Christ qu’il parle. Écoutons ces accents désolés qui dépeignent à la fois la malice des Juifs, et celle des pécheurs qui persécutent Jésus-Christ au sein même du christianisme.

« Ils ont, dit le Prophète, abandonné la source des eaux vives. » Juda a perdu le souvenir de la roche du désert, d’où jaillirent les eaux dont il étancha sa soif ; ou, s’il se la rappelle encore, il ne sait plus que cette roche mystérieuse représentait le Messie.

Cependant Jésus est là dans Jérusalem, et il crie : « Que celui qui a soif vienne à moi, et qu’il se désaltère. » Sa bonté, sa doctrine, ses œuvres merveilleuses, les oracles accomplis en lui, disent assez que l’on doit croire à sa parole. Juda est sourd à l’invitation ; et plus d’un chrétien imite son endurcissement. Il en est qui ont goûté à la « source des eaux vives », et qui s’en sont détournés pour aller se désaltérer aux ruisseaux bourbeux du monde ; et leur soif s’en est irritée davantage. Qu’ils tremblent en voyant le châtiment des Juifs ; car s’ils ne reviennent pas au Seigneur leur Dieu, ils tomberont dans ces ardeurs dévorantes et éternelles, où l’on refuse une goutte d’eau à celui qui l’implore. Le Sauveur, par la bouche de Jérémie, annonce « un jour de malheur » qui doit fondre sur les Juifs ; plus tard, lorsqu’il vient en personne, il prévient les Juifs que la tribulation qui tombera sur Jérusalem, en punition de son déicide, sera si affreuse, que « depuis le commencement du monde elle n’a pas eu sa pareille, et ne l’aura jamais dans la suite des siècles ». Mais si le Seigneur a vengé avec tant de rigueur le sang de son Fils contre une ville qui fut longtemps l’escabeau de ses pieds, et contre un peuple qu’il avait préfère à tous les autres, épargnera-t-il le pécheur qui, malgré les invitations de l’Église, s’obstine à rester dans son endurcissement ? Juda eut le malheur de combler la mesure de ses iniquités ; nous aussi, nous avons tous une mesure de mal que la justice de Dieu ne nous permettrait pas de dépasser. Hâtons-nous d’ôter le péché ; songeons à remplir l’autre mesure, celle des bonnes œuvres ; et prions pour les pécheurs qui ne se convertiront pas en ces jours. Demandons que ce sang divin, qu’ils mépriseront encore une fois, et dont ils sont couverts, ne s’appesantisse pas sur eux.

ÉVANGILE.

La vie du Sauveur est menacée plus que jamais. Le conseil de la nation s’est réuni pour aviser à se défaire de lui. Écoutez ces hommes que la plus vile des passions, la jalousie, a rassemblés. Ils ne nient pas les miracles de Jésus ; ils sont donc en mesure de porter un jugement sur sa mission, et ce jugement devrait être favorable. Mais ce n’est pas dans ce but qu’ils sont venus ; c’est pour s’entendre sur les moyens de le faire périr. Que se diront-ils à eux-mêmes ? Quels sentiments exprimeront-ils en commun pour légitimer cette résolution sanguinaire ? Ils oseront mettre en avant la politique, l’intérêt de la nation. Si Jésus continue de se montrer et d’opérer des prodiges, bientôt la Judée va se lever pour le proclamer son Roi, et les Romains ne tarderont pas à venir venger l’honneur du Capitole outragé par la plus faible des nations qui soit dans l’Empire. Insensés, qui ne comprennent pas que si le Messie eût dû être roi à la manière de ce monde, toutes les puissances de la terre seraient demeurées sans force contre lui ! Que ne se souviennent-ils plutôt de la prédiction de Daniel, qui a annoncé que dans le cours de la soixante-dixième semaine d’années, à partir du décret pour la réédification du temple, le Christ sera mis à mort, et le peuple qui l’aura renié ne sera plus son peuple ; qu’après ce forfait un peuple commandé par un chef militaire viendra, et renversera la ville et le temple ; que l’abomination de la désolation entrera dans le sanctuaire, et que la désolation s’établira à Jérusalem, pour y demeurer jusqu’ à la fin ! En mettant à mort le Messie, ils vont du même coup anéantir leur patrie.

En attendant, l’indigne pontife qui préside aux derniers jours de la religion mosaïque s’est revêtu de l’éphod, et il a prophétisé, et sa prophétie est selon la vérité. Ne nous en étonnons pas. Le voile du temple n’est pas déchiré encore ; l’alliance entre Dieu et Juda n’est pas rompue. Caïphe est un homme de sang, un lâche, un sacrilège ; mais il est pontife. Dieu parle encore par sa bouche. Écoutons ce nouveau Balaam : « Jésus mourra pour la nation, et non pour la nation seulement, mais aussi pour rassembler et réunir les enfants de Dieu qui étaient dispersés. » Ainsi la Synagogue expirante est contrainte de prophétiser la naissance de l’Église par l’effusion du sang de Jésus ! Ça et là sur la terre il y a des enfants de Dieu qui le servent, au milieu de la gentilité, comme le centenier Corneille ; mais aucun lien visible ne les réunit. L’heure approche où la grande et unique Cité de Dieu va apparaître sur la montagne, « et toutes les nations se dirigeront vers elle]. » Après que le sang de l’alliance universelle aura été répandu, après que le sépulcre aura rendu le vainqueur de la mort, cinquante jours seront à peine écoulés, que la trompette sacrée de la Pentecôte convoquera, non plus les Juifs au temple de Jérusalem, mais tous les peuples à l’Église de Jésus-Christ. Caïphe ne se souvient plus déjà de l’oracle qu’il a lui-même proféré ; il a fait rétablir le voile du Saint des Saints qui s’était déchiré en deux, au moment ou Jésus expirait sur la Croix ; mais ce voile ne cache plus qu’un réduit désert. Le Saint des Saints n’est plus là ; « on offre maintenant en tout lieu une hostie pure », et les vengeurs du déicide n’ont pas encore apparu, avec leurs aigles, sur la montagne des Oliviers, que déjà les sacrificateurs ont entendu retentir au fond du sanctuaire répudié une voix qui disait : « Sortons d’ici. »

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Jeudi de la Passion

30 Mars 2023 , Rédigé par Ludovicus

Jeudi de la Passion

Collecte

Faites, nous vous en supplions, ô Dieu tout-puissant, que la dignité de la nature humaine, qui a été blessée par l’intempérance, soit rétablie au moyen de cette abstinence salutaire. Par Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Lecture Dn. 3, 25 et 34-45

En ces jours-là, Azarias pria le Seigneur et dit : Seigneur notre Dieu, ne nous abandonnez pas à jamais, nous vous en supplions, à cause de votre nom, et ne détruisez pas votre alliance. Et ne retirez pas de nous votre miséricorde, à cause d’Abraham votre bien-aimé, et d’Isaac votre serviteur, et d’Israël votre saint, auxquels vous avez parlé, promettant de multiplier leur race comme les étoiles du ciel, et comme le sable qui est sur le rivage de la mer, car, Seigneur, nous sommes réduits à un plus petit nombre que toutes les nations, et nous sommes aujourd’hui humiliés sur toute la terre à cause de nos péchés. Et il n’y a plus actuellement ni prince, ni chef, ni prophète, ni holocauste, ni sacrifice, ni oblation, ni encens, ni endroit pour vous offrir les prémices, afin que nous puissions trouver votre miséricorde. Mais recevez-nous dans un cœur contrit et dans un esprit humilié, comme un holocauste de béliers et de taureaux, comme des milliers d’agneaux gras, qu’ainsi notre sacrifice paraisse aujourd’hui devant vous et qu’il vous soit agréable, car ceux qui ont confiance en vous ne sont pas confondus. Et maintenant nous vous suivons de tout notre cœur ; nous vous craignons, et nous recherchons votre face. Ne nous confondez pas, mais agissez envers nous selon votre douceur et selon la multitude de vos miséricordes. Délivrez-nous par vos merveilles, et donnez gloire à votre nom. Seigneur. Que tous ceux qui font souffrir vos serviteurs soient confondus ; qu’ils soient confondus par votre toute-puissance, et que leur force soit brisée ; et qu’ils sachent que vous, Seigneur, êtes le Dieu unique et glorieux sur toute la terre, ô Seigneur notre Dieu.

Évangile Lc. 7, 36-50

En ce temps-là, un pharisien pria Jésus de manger avec lui. Et étant entré dans la maison du pharisien, il se mit à table. Et voici qu’une femme, qui était une pécheresse dans la ville, ayant su qu’il était à table dans la maison du pharisien, apporta un vase d’albâtre, rempli de parfum ; et se tenant derrière lui, à ses pieds, elle se mit à arroser ses pieds de ses larmes, et elle les essuyait avec les cheveux de sa tête, et elle baisait ses pieds et les oignait de parfum. Voyant cela, le pharisien qui l’avait invité dit en lui-même : Si cet homme était prophète, il saurait certainement qui et de quelle espèce est la femme qui le touche ; car c’est une pécheresse. Et Jésus, prenant la parole, lui dit : Simon, j’ai quelque chose à te dire. Il répondit : Maître, dites. Un créancier avait deux débiteurs, l’un devait cinq cents deniers, et l’autre cinquante. Comme ils n’avaient pas de quoi les rendre, il leur remit à tous deux leur dette. Lequel donc l’aimera davantage ? Simon répondit : Je pense que c’est celui auquel il a remis davantage. Jésus lui dit : Tu as bien jugé. Et se tournant vers la femme, il dit à Simon : Tu vois là cette femme ? Je suis entré dans ta maison : tu ne m’as pas donné d’eau pour mes pieds ; mais elle a arrosé mes pieds de ses larmes, et elle les a essuyés avec ses cheveux. Tu ne m’as pas donné de baiser ; mais elle, depuis qu’elle est entrée, n’a pas cessé de baiser mes pieds. Tu n’as pas oint ma tête d’huile ; mais elle, elle a oint mes pieds de parfum. C’est pourquoi, je te le dis, beaucoup de péchés lui sont remis, parce qu’elle a beaucoup aimé. Mais celui à qui on remet moins, aime moins. Alors il dit à cette femme : Tes péchés te sont remis. Et ceux qui étaient à table avec lui commencèrent à dire en eux-mêmes : Quel est celui-ci, qui remet les péchés ? Et il dit à la femme : Ta foi t’a sauvée ; va en paix.

Office

1ère leçon

Homélie de saint Grégoire, Pape

Quand je réfléchis à la pénitence de Marie-Madeleine, j’ai plus envie de pleurer que de parler. Est-il quelqu’un dont le cœur, fût-il de pierre, ne sera pas attendri par les larmes de cette pécheresse et porté ainsi à imiter son repentir ? Elle considéra ce qu’elle avait fait par le passé et ne voulut point mettre de retard à ce qu’elle ferait pour le réparer. Elle entra dans la salle où les conviés étaient à table, elle vint sans être invitée, et pendant le repas elle offrit aux regards le spectacle de ses larmes. Voyez quelle douleur la consume, elle ne rougit point de pleurer, et cela au milieu d’un festin.

2e leçon

Cette femme que saint Luc appelle pécheresse, et que saint Jean nomme Marie, nous croyons qu’elle est cette même Marie dont, au témoignage de saint Marc, sept démons furent chassés. Tous les vices ne sont-ils pas désignés par ces sept démons ? Comme les sept jours de la semaine marquent tout le cours du temps, le nombre sept figure fort bien l’universalité. Marie avait donc en elle sept démons : elle était pleine de toutes sortes de vices.

3e leçon

Mais parce qu’elle vit tout à coup les taches et la laideur de son âme, elle courut pour être purifiée à la source de la miséricorde, sans rougir de paraître devant les convives. Comme elle avait une très grande honte d’elle-même au fond de son cœur, elle comptait pour rien la confusion extérieure. Qu’admirerons-nous donc, mes frères ? Marie qui vient, ou le Seigneur qui la reçoit ? Dirai-je que le Seigneur la reçoit ou qu’il l’attire ? Mais il vaut mieux dire qu’il l’attire et qu’il la reçoit tout ensemble, car c’est lui assurément qui l’attire intérieurement par sa miséricorde et qui l’accueille extérieurement par sa mansuétude.

A Rome, la Station est dans l’Église de saint Apollinaire, qui fut disciple de saint Pierre et ensuite premier Évêque de Ravenne et Martyr.

ÉPÎTRE.

C’est ainsi que Juda, captif en Babylone, épanchait ses vaux au Seigneur par la bouche d’Azarias. La désolation était au comble dans Sion, veuve de son peuple et de ses solennités ; ses fils, transplantés sur une rive étrangère, devaient successivement y mourir jusqu’à la soixante-dixième année de l’exil ; après quoi Dieu se souviendrait de ses exilés, et les ramènerait en Jérusalem par la main de Cyrus. Alors aurait lieu la construction du second temple qui devait voir le Messie. Quel crime avait donc commis Juda pour se voir soumis à une telle expiation ? La fille de Sion s’était prostituée à l’idolâtrie ; elle avait rompu le pacte sacré qui l’unissait au Seigneur comme à son époux. Toutefois son crime fut effacé par cette captivité d’un nombre limité d’années ; et Juda, rétabli dans la terre de ses pères, ne retourna plus au culte des faux dieux. Il était pur d’idolâtrie lorsque le Fils de Dieu vint habiter au milieu de lui. Mais quarante ans ne s’étaient pas écoulés depuis l’ascension glorieuse de ce divin Rédempteur, que Juda reprenait de nouveau le chemin de l’exil ; qu’il était, non plus emmené captif à Babylone, mais dispersé, après d’affreux massacres, dans toutes les nations qui sont sous le ciel. Voilà, non plus soixante-dix ans, mais dix-huit siècles qu’il est « sans prince, sans chef, sans prophète, sans holocauste, sans sacrifice et sans temple ». Le crime commis par Juda est donc plus grand encore que l’idolâtrie, puisque, après une si longue suite de malheurs et d’humiliations, la justice du Père n’est pas apaisée ! C’est que le sang qui fut versé par le peuple juif sur le Calvaire en ces jours n’est pas seulement le sang d’un homme ; c’est le sang d’un Dieu. Il faut que toute la terre le sache et le comprenne, à la seule vue du châtiment des meurtriers. Cette immense expiation d’un crime infini doit se continuer jusqu’aux derniers jours du monde ; alors seulement le Seigneur se souviendra d’Abraham, d’Isaac et de Jacob ; une grâce extraordinaire descendra sur Juda, et son retour consolera l’Église affligée de la défection d’un grand nombre de ses fils. Le spectacle d’un peuple entier imprégné de la malédiction dans toutes ses générations, pour avoir crucifié le Fils de Dieu, donne à réfléchir au chrétien. Il y apprend que la justice divine est terrible, et que le Père demande compte du sang de son Fils, jusqu’à la dernière goutte, à ceux qui l’ont versé. Hâtons-nous de laver dans ce sang précieux la tache de complicité que nous avons avec les Juifs ; et, rompant les liens de l’iniquité, imitons, par une entière conversion, ceux d’entre eux que nous voyons de temps en temps se détacher de leur peuple et se rendre au divin Messie, dont les bras sont étendus sur la Croix pour recevoir tous ceux qui veulent revenir à lui.

ÉVANGILE.

Aux idées sombres que suggère le spectacle de la réprobation du peuple déicide, l’Église se hâte de faire succéder les pensées consolantes que doit produire dans nos âmes l’histoire de la pécheresse de l’Évangile. Ce trait de la vie du Sauveur ne se rapporte pas au temps de la Passion ; mais les jours où nous sommes ne sont-ils pas les jours de la miséricorde ; et ne convient-il pas d’y glorifier la mansuétude et la tendresse du cœur de notre Rédempteur qui s’apprête, en ces jours mêmes, à faire descendre le pardon sur un si grand nombre de pécheurs par toute la terre ? D’ailleurs Madeleine n’est-elle pas la compagne inséparable de son cher Maître crucifié ? Bientôt nous la verrons au pied de la Croix ; étudions ce type d’amour, fidèle jusqu’à la mort ; et pour cela considérons son point de départ.

Madeleine avait mené une vie coupable ; sept démons, nous dit ailleurs le saint Évangile, avaient fixé en elle leur demeure. Il a suffi à cette femme de voir et d’entendre le Sauveur ; tout aussitôt la haine du péché la saisit, le saint amour se révèle à son cœur ; elle n’a plus qu’un désir, celui de réparer sa vie passée. Elle a péché avec éclat : il lui faut une rétractation éclatante de ses égarements ; elle a vécu dans le luxe : désormais ses parfums sont tous pour son libérateur ; de sa chevelure, dont elle était si fière, elle lui essuiera les pieds ; son visage ne connaîtra plus les ris immodestes ; ses yeux, qui séduisaient les âmes, sont noyés dans les larmes. Parle mouvement de l’Esprit divin qui la possède, elle part pour revoir Jésus. Il est chez le Pharisien, il est assis à un festin, elle va donc se donner en spectacle ; que lui importe ? Elle s’élance avec son vase précieux, et dans un instant la voilà aux pieds du Sauveur. C’est là qu’elle s’établit, là qu’elle épanche son cœur et ses larmes. Qui pourrait décrire les sentiments qui se pressent dans son âme ? Jésus lui-même nous les fera connaître tout à l’heure d’un seul mot. Mais il est aisé de voir à ses pleurs combien elle est touchée, à l’emploi de ses parfums et de ses cheveux combien elle est reconnaissante, à sa prédilection pour les pieds de son Sauveur combien elle est humble.

Le Pharisien se scandalise. Par un mouvement de cet orgueil judaïque qui bientôt crucifiera le Messie, il prend de là occasion de douter de la mission de Jésus. « S’il était prophète, pense-t-il, il saurait quelle est cette femme. » Lui, s’il avait l’esprit de Dieu, il reconnaîtrait le Sauveur promis à cette condescendance envers la créature repentante. Avec sa réputation de vertu, qu’il est au-dessous de cette pauvre femme pécheresse ! Jésus prend la peine de le lui donner à comprendre, en faisant de sa bouche divine le parallèle de Madeleine et de Simon le Pharisien, et dans ce parallèle l’avantage reste à Madeleine. Quelle cause a donc ainsi transformé la pécheresse de manière à lui mériter non seulement le pardon, mais les éloges publics de Jésus ? Son amour : « elle a aimé son Rédempteur, elle l’a aimé beaucoup », et le pardon qu’elle a reçu est selon la mesure de cet amour. Il y a peu d’heures, elle n’aimait que le monde et la vie sensuelle ; le repentir a créé en elle un être nouveau ; elle ne cherche plus, elle ne voit plus, elle n’aime plus que Jésus. Désormais elle s’attache à ses pas, elle veut subvenir à ses besoins, elle veut surtout le voir et l’entendre ; et, au moment de l’épreuve, quand les Apôtres auront fui, elle sera là au pied de la Croix, pour recevoir le dernier soupir de celui à qui son âme doit la vie. Quel sujet d’espérance pour le pécheur ! Jésus vient de le dire : « Celui à qui l’on remet plus, est celui-là même qui aime plus. » Pécheurs, songez à vos péchés ; mais songez surtout à accroître votre amour. Qu’il soit en proportion de la grâce du pardon que vous allez recevoir, et « vos péchés vous seront remis ».

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Mercredi de la Passion

29 Mars 2023 , Rédigé par Ludovicus

Mercredi de la Passion

Collecte

Dieu de miséricorde, sanctifiez ce jeûne, éclairez les cœurs de vos fidèles, et prêtez une oreille favorable aux supplications de ceux auxquels vous inspirez le sentiment de la piété. Par Notre-Seigneur.

Lecture Lv 19, 1-2, 11-19 et 25

En ces jours-là, le Seigneur parla à Moïse et lui dit : Parlez à toute l’assemblée des enfants d’Israël et dites-leur : Je suis le Seigneur votre Dieu. Vous ne déroberez point. Vous ne mentirez point, et nul ne trompera son prochain. Vous ne jurerez point faussement en mon nom, et vous ne profanerez pas le nom de votre Dieu. Je suis le Seigneur. Vous ne calomnierez pas votre prochain, et vous ne l’opprimerez point par violence. Le salaire du mercenaire qui vous donne son travail ne demeurera point chez vous jusqu’au matin. Vous ne maudirez point le sourd, et vous ne mettrez rien devant l’aveugle pour le faire tomber ; mais vous craindrez le Seigneur votre Dieu, parce que je suis le Seigneur. Vous ne ferez rien contre l’équité, et vous ne jugerez point injustement. N’ayez point d’égard contre la justice à la personne du pauvre, et ne respectez point contre la justice la personne de l’homme puissant. Jugez votre prochain selon la justice. Vous ne serez point parmi votre peuple ni un calomniateur public ni un médisant secret. Vous ne ferez point d’entreprise contre le sang de votre prochain. Je suis le Seigneur. Vous ne haïrez point votre frère dans votre cœur, mais vous le reprendrez publiquement, de peur que vous ne péchiez vous-même à son sujet. Ne cherchez point à vous venger, et ne conservez point le souvenir de l’injure de vos con- citoyens. Vous aimerez votre prochain comme vous-même. Je suis le Seigneur. Gardez mes lois, car je suis le Seigneur votre Dieu.

Évangile Jn. 10, 22-38.

En ce temps-là, on célébrait à Jérusalem la fête de ; la Dédicace ; et c’était l’hiver. Et Jésus se promenait dans le temple, sous le portique de Salomon. Les Juifs l’entourèrent donc, et lui dirent : Jusques à quand tiendrez-vous notre esprit en suspens ? Si vous êtes le Christ, dites-le-nous clairement.

Jésus leur répondit : Je vous parle, et vous ne croyez pas. Les œuvres que je fais au nom de mon Père rendent elles-mêmes témoignage de moi. Mais vous ne croyez point, parce que vous n’êtes pas de mes brebis. Mes brebis écoutent ma voix, et je les connais, et elles me suivent. Je leur donne la vie éternelle, et elles ne périront jamais, et personne ne les ravira de ma main. Ce que mon Père m’a donné est plus grand que toutes choses, et personne ne peut le ravir de la main de mon Père. Moi et le Père, nous ne sommes qu’un.

Alors les Juifs prirent des pierres, pour le lapider.

Jésus leur dit : Je vous ai montré beaucoup de bonnes œuvres, venant de mon Père ; pour laquelle de ces œuvres me lapidez-vous ?

Les Juifs lui répondirent : Ce n’est pas pour une bonne œuvre que nous vous lapidons, mais pour un blasphème et parce qu’étant homme vous vous faites Dieu.

Jésus leur répondit : N’est-il pas écrit dans votre loi : J’ai dit : Vous êtes des dieux ? Si elle appelle dieux ceux à qui la parole de Dieu a été adressée (et l’Écriture ne peut être détruite), comment dites-vous à celui que le Père a sanctifié et envoyé dans le monde : Tu blasphèmes, parce que j’ai dit : Je suis le Fils de Dieu ? Si je ne fais pas les œuvres de mon Père, ne me croyez pas. Mais si je les fais, et si vous ne voulez pas me croire, croyez à mes œuvres, afin que vous connaissiez et que vous croyiez que le Père est en moi, et moi dans le Père.

Office

1ère leçon

Homélie de saint Augustin, Évêque

La fête que les Juifs appelaient Encænia était l’anniversaire de la dédicace du temple. En effet, le mot cænon signifie nouveau. Chaque fois qu’on inaugure un nouvel objet cela s’appelle ordinairement encaenia, et même aujourd’hui l’usage a consacré cette expression. Si quelqu’un revêt une tunique neuve, on dit de lui : encaeniat. Les Juifs célébraient avec solennité l’anniversaire du jour où le temple avait été dédié et l’on était au jour même de cette fête quand le Seigneur prononça les paroles qu’on vient de lire.

2e leçon

« C’était : l’hiver, et Jésus se promenait dans le temple, sous le portique de Salomon. Les Juifs donc l’entourèrent et lui dirent : Jusqu’à quand tiendras-tu notre esprit en suspens ? Si tu es le Christ, dis-le-nous ouvertement. » Ils ne désiraient point connaître la vérité, mais ils cherchaient l’occasion de calomnier le Sauveur. « C’était l’hiver », et ils étaient froids, car ils ne faisaient aucun effort pour s’approcher de ce feu divin. Si s’en approcher, c’est croire ; qui croit, s’en approche ; qui refuse de croire, s’en éloigne. Ce n’est point par les pieds du corps, c’est par les affections que l’âme se meut.

3e leçon

Ils étaient devenus froids sous le rapport de la charité et de l’amour, mais ils brûlaient du désir de nuire. Ils étaient bien loin tout en étant présents ; ils n’approchaient pas de lui en croyant, mais le désir de le persécuter les amenait à lui. Ils désiraient entendre dire au Seigneur : Je suis le Christ, et peut-être n’avaient-ils du Christ que des idées tout humaines. Les Prophètes ont annoncé le Christ, mais les hérétiques ne reconnaissent la divinité du Christ ni dans les prophéties, ni même dans l’Évangile ; combien moins encore les Juifs le reconnaissent-ils, tant qu’ils ont un voile sur le cœur ?

A Rome, la Station est dans l’Église de Saint-Marcel, Pape et Martyr. Cette église avait été la maison de la sainte dame Lucine, qui la donna au Pontife pour la consacrer au culte de Dieu.

ÉPÎTRE.

L’Église, en nous mettant aujourd’hui sous les veux ce passage du Lévitique, dans lequel les devoirs de l’homme envers son prochain se trouvent exposés avec tant de clarté et d’abondance, veut faire comprendre au chrétien en quel détail il doit scruter et réformer sa vie, sur un point de si haute importance. C’est Dieu même qui parle ici et qui intime ses ordres ; entendez comme il répète presque à chaque phrase : « Moi, le Seigneur » ; afin de nous faire comprendre qu’il se constituera le vengeur du prochain que nous aurions lésé. Que ce langage devait être nouveau à l’oreille des catéchumènes, élevés au sein de ce monde païen, égoïste et sans entrailles, qui ne leur avait jamais dit que tous les hommes étant frères, Dieu, Père commun de l’immense famille de l’humanité, exigeait qu’ils s’aimassent tous d’un amour sincère, sans distinction de races et de condition ! Nous, chrétiens, en ces jours de réparation, songeons à remplir à la lettre les intentions du Seigneur notre Dieu. Souvenons-nous que ces préceptes furent intimés au peuple israélite, bien des siècles avant la publication de la Loi de miséricorde. Or, si le Seigneur prescrivait au Juif un si sincère amour de ses frères, lorsque la loi divine n’était encore écrite que sur des tables de pierre, que ne demandera-t-il pas du chrétien qui peut maintenant la lire dans le cœur de l’Homme-Dieu descendu du ciel et devenu notre frère, afin qu’il nous fût à la fois plus facile et plus doux de remplir le précepte de la charité ? L’humanité unie en sa personne à la divinité est désormais sacrée ; elle est devenue l’objet des complaisances du Père céleste : c’est par amour fraternel pour elle que Jésus se dévoue à la mort, nous apprenant par son exemple à aimer si sincèrement nos frères que, s’il est nécessaire, « nous allions jusqu’à donner notre vie pour eux ». C’est le disciple bien-aimé qui l’a appris de son Maître, et qui nous l’enseigne.

ÉVANGILE.

Après la fête des Tabernacles vint celle de la Dédicace, et Jésus était demeuré à Jérusalem. La haine de ses ennemis croissait toujours, et voici qu’ils s’assemblent autour de lui, afin de lui faire dire qu’il est le Christ, pour l’accuser ensuite d’usurper une mission qui n’est pas la sienne. Jésus dédaigne de leur répondre, et les renvoie aux prodiges qu’ils lui ont vu opérer, et qui rendent de lui un si éclatant témoignage. C’est par la foi, et par la foi seule, que l’homme peut arriver à Dieu en ce monde. Dieu se manifeste par des œuvres divines ; l’homme qui les connaît doit croire la vérité que de telles œuvres attestent ; en croyant ainsi, il a en même temps la certitude de ce qu’il croit et le mérite de sa croyance. Le Juif superbe se révolte ; il voudrait dicter la loi à Dieu même, et il ne comprend pas que sa prétention est aussi impie qu’elle est absurde.

Cependant il faut que la doctrine divine ait son cours, dût-elle exciter le scandale de ces esprits pervers. Jésus n’a pas à parler seulement pour eux : il faut aussi qu’il le fasse pour ceux qui croiront. Il dit donc alors cette grande parole, par laquelle il atteste, non plus seulement sa qualité de Christ, mais sa divinité : « Moi et mon Père, nous sommes une même chose ». Il savait qu’en s’exprimant ainsi il exciterait leur fureur ; mais il fallait qu’il se révélât à la terre et confondît d’avance l’hérésie. Arius se lèvera un jour contre le Fils de Dieu, et dira qu’il n’est que la plus parfaite des créatures : l’Église répondra qu’il est une même chose avec le Père, qu’il lui est consubstantiel ; et après bien des agitations et bien des crimes, la secte arienne s’éteindra et tombera dans l’oubli. Les Juifs sont ici les précurseurs d’Arius. Ils ont compris que Jésus confesse qu’il est Dieu, et ils tentent de le lapider. Par une dernière condescendance, Jésus veut les préparer à goûter cette vérité, en leur montrant par leurs Écritures que l’homme peut recevoir quelquefois, dans un sens restreint, le nom de Dieu, à raison des fonctions divines qu’il exerce ; puis il porte de nouveau leur pensée sur les prodiges qui témoignent si hautement de l’assistance que lui prête son Père, et répète avec une fermeté nouvelle que « le Père est en lui, et lui dans le Père ». Rien ne peut convaincre ces cœurs obstinés ; et la peine du péché qu’ils ont commis contre le Saint-Esprit pèse toujours sur eux davantage. Que différent est le sort des brebis du Sauveur ! « Elles écoutent sa voix, elles le suivent ; il leur donne la vie éternelle, et nul ne les ravira de ses mains. » Heureuses brebis ! Elles croient parce qu’elles aiment ; c’est par le cœur que la vérité se fait jour en elles ; de même que c’est par l’orgueil de l’esprit que les ténèbres pénètrent dans l’âme de l’incrédule, et s’y établissent pour toujours. L’incrédule aime les ténèbres ; il les appelle lumière, et il en vient à blasphémer, sans plus sentir qu’il blasphème. Le Juif en vient jusqu’à crucifier le Fils de Dieu pour rendre hommage à Dieu.

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