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VIème dimanche après la Pentecôte

9 Juillet 2023 , Rédigé par Ludovicus

VIème dimanche après la Pentecôte

Introït

Le Seigneur est la force de son peuple et le protecteur salutaire de son Messie : sauvez votre peuple, Seigneur, et bénissez votre héritage, régissez-les jusqu’aux siècles sans fin. Je crierai vers vous, Seigneur, mon Dieu, ne gardez pas le silence à mon égard : de peur que, si vous ne répondez pas, je ne sois semblable à ceux qui descende dans la fosse.

Collecte

Dieu des vertus, unique auteur de tout ce qui est très bon : insérer dans nos cœurs l’amour de votre nom, et augmentez en nous l’esprit de religion ; afin que vous y nourrissiez tout ce qu’il y a de bien, et que par l’amour de la piété vous conserviez ce que vous avez nourri.

Épitre Rm. 6, 3-11

Mes Frères : nous tous qui avons été baptisés en Jésus-Christ, c’est en sa mort que nous avons été baptisés. Nous avons donc été ensevelis avec lui par le baptême en sa mort, afin que, comme le Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, nous aussi nous marchions dans une vie nouvelle. Si, en effet, nous avons été greffés sur lui, par la ressemblance de sa mort, nous le serons aussi par celle de sa résurrection : sachant que notre vieil homme a été crucifié avec lui, afin que le corps du péché fût détruit, pour que nous ne soyons plus les esclaves du péché ; car celui qui est mort est affranchi du péché. Mais si nous sommes morts avec le Christ, nous croyons que nous vivrons avec lui, sachant que le Christ ressuscité des morts ne meurt plus ; la mort n’a plus sur lui d’empire. Car sa mort fut une mort au péché une fois pour toutes, et sa vie est une vie pour Dieu. Ainsi vous-mêmes regardez-vous comme morts au péché, et comme vivants pour Dieu en Jésus-Christ Notre-Seigneur.

Évangile Mc. 8, 1-9

En ce temps-là : Comme il y avait avec Jésus une nombreuse foule qui n’avait pas de quoi manger, il appela ses disciples et leur dit : « J’ai compassion de cette foule, car voilà trois jours déjà qu’ils restent près de moi, et ils n’ont rien à manger. Si je les renvoie chez eux à jeun, les forces leur manqueront en chemin ; or plusieurs d’entre eux sont venus de loin. » Ses disciples lui répondirent : « Comment pourrait-on ici, dans un désert, rassasier de pain ces gens ? » Et il leur demanda : « Combien de pains avez-vous ? » Ils dirent : « Sept ». Alors il fit asseoir la foule par terre, prit les sept pains, et, après avoir rendu grâces, il les rompit et les donna à ses disciples pour les servir ; et ils les servirent à la foule. Ils avaient (en outre) quelques petits poissons ; après avoir prononcé la bénédiction sur eux, il dit de les servir aussi. Ils mangèrent et furent rassasiés, et l’on emporta sept corbeilles des morceaux qui restaient. Or ils étaient environ quatre mille. Et il les renvoya.

Offertoire

Affermissez mes pas dans vos sentiers, afin que mes pieds ne soient point ébranlés : inclinez votre oreille et exaucez mes paroles : Seigneur, faites éclater vos miséricordes, vous qui sauvez ceux qui espèrent en vous

Secrète

Laissez-vous fléchir, Seigneur, par nos supplications, et recevez avec bonté ces offrandes de votre peuple : et pour que les vœux d’aucun de vos fidèles ne restent sans fruit, faites que nul ne vous adresse de vaines demandes, en sorte que nous obtenions l’effet de ce que nous demandons avec foi.

Communion

J’entourerai l’autel et j’immolerai dans son tabernacle une victime avec des cris de joie : je chanterai et je dirai une hymne au Seigneur.

Office

4e leçon

Du livre de saint Ambroise, Évêque, sur l’Apologie de David.

Que de fautes chacun de nous ne commet-il pas à toute heure ! Et cependant aucun de nous, qui formons le peuple, ne pense à l’obligation de les confesser. David, ce roi si glorieux et si puissant, ne peut garder en lui, même un temps assez court, le péché qui pèse sur sa conscience : mais, par une prompte confession, accompagnée d’un regret sans mesure, il s’en décharge aux pieds du Seigneur. Me trouveriez-vous facilement aujourd’hui quelqu’un de riche et d’honoré, qui souffre sans peine d’être repris pour une faute qu’il aurait commise ? Et David, dans l’éclat de la puissance royale, David, loué si souvent par les saintes Écritures, lorsqu’un particulier lui reproche un grand crime, ne frémit point d’indignation, mais au contraire avoue sa faute et en gémit avec douleur.

5e leçon

Aussi le Seigneur fut-il touché de cette immense douleur, si bien que Nathan dit à David : Parce que tu t’es repenti, le Seigneur a mis à l’écart ton péché. La promptitude du pardon fait voir que le repentir du prince était bien profond, pour écarter ainsi l’offense d’un tel égarement. Le reste des hommes, lorsque les Prêtres ont lieu de les reprendre, aggravent leur péché, en cherchant soit à le nier, soit à l’excuser ; et il y a pour eux chute plus grande, là même où l’on espérait les voir se relever. Mais les saints du Seigneur, qui brûlent de continuer le pieux combat et de fournir en entier la carrière du salut, si parfois, hommes qu’ils sont, ils viennent à faillir, moins par détermination de pécher que par fragilité naturelle, ils se relèvent plus ardents à la course, et, stimulés par la honte de la chute, ils la compensent par de plus rudes combats. De sorte que leur chute, au lieu de leur avoir causé quelque retard, n’a servi qu’à les aiguillonner et à les faire avancer plus vite.

6e leçon

David pèche, ce qui arrive aux rois trop souvent ; mais il fait pénitence, il pleure, il gémit : ce qui est assez rare chez les rois. Il reconnaît sa faute, il en demande pardon, le front dans la poussière ; il déplore sa misérable fragilité ; il jeûne, il prie, et, manifestant ainsi sa douleur, fait parvenir aux siècles futurs le témoignage de sa confession. L’aveu qui fait rougir de honte les particuliers, ce prince n’en rougit pas. Ceux que les lois atteignent osent nier leur péché, ou ne veulent pas demander ce pardon que sollicite un souverain, qui n’est soumis aux lois d’aucun homme. En péchant, il a donné un signe de sa fragile condition ; en suppliant, il donne une marque d’amendement.

7e leçon

Homélie de saint Ambroise, Évêque.

C’est après que cette femme qui figurait l’Église, eut été guérie d’un flux de sang ; c’est après que les Apôtres eurent été choisis pour prêcher l’Évangile du royaume de Dieu, que Jésus-Christ distribua l’aliment de la grâce céleste. Et remarquez à qui il le dispense : ce n’est point à ceux qui demeurent oisifs, à ceux qui restent dans la ville, c’est-à-dire à ceux qui s’attardent dans la synagogue ou se complaisent dans les honneurs du siècle ; mais c’est à ceux qui, pour chercher le Christ, pénètrent jusqu’au désert. Ceux qui surmontent toute répugnance, ceux-là sont accueillis par le Christ, c’est avec eux que le Verbe de Dieu s’entretient, non des affaires de ce monde, mais du royaume de Dieu. Et si parmi eux il en est qui soient affligés de quelque infirmité corporelle, il leur accorde d’abord le bienfait de la guérison.

8e leçon

Il était naturel qu’il tint en réserve un aliment spirituel, pour faire cesser le jeûne de ceux dont il venait de guérir les blessures. Personne donc ne reçoit la nourriture du Christ, s’il n’a d’abord été guéri, et tous ceux qui sont appelés au banquet, sont auparavant guéris par l’appel divin. Celui qui était boiteux a reçu, pour venir, la faculté de marcher ; celui qui était privé de la vue n’a pu entrer dans la maison du Seigneur, qu’après que la lumière lui a été rendue.

9e leçon

C’est donc un ordre mystérieux toujours observé : d’abord la rémission des péchés guérit les blessures spirituelles, ensuite la céleste nourriture est accordée avec largesse. Et cependant, cette foule n’est pas encore appelée à se nourrir des aliments les plus substantiels : ces cœurs, vides d’une foi solide, ne sont pas restaurés par le corps et le sang du Christ. « Je ne vous ai donné que du lait, dit l’Apôtre, vous ne pouviez encore supporter autre chose, et d’ailleurs vous en êtes encore incapables ». Ici, les cinq pains rappellent le lait : la nourriture plus substantielle, c’est le corps du Christ ; le breuvage plus fortifiant, c’est le sang du Seigneur

 

L’Office du sixième Dimanche après la Pentecôte s’ouvrait hier soir par l’exclamation poignante d’un immense repentir. David, le roi-prophète, le vainqueur de Goliath, vaincu à son tour par l’entraînement des sens, et d’adultère devenu homicide, s’écriait sous le poids de son double crime : « Je vous en prie, mon Dieu, pardonnez l’iniquité de votre serviteur, car j’ai agi en insensé ! »

Le péché, quels que soient le coupable et la faute, est toujours faiblesse et folie. L’orgueil de l’ange rebelle ou de l’homme déchu aura beau faire : il n’empêchera pas que la flétrissure de ces deux mots ne s’attache, comme un stigmate humiliant, à la révolte contre Dieu, à l’oubli de sa loi, à cet acte insensé de la créature qui, conviée à s’élever dans les régions sereines où réside son auteur, s’échappe et fuit vers le néant, pour retomber plus bas même que ce néant d’où elle était sortie. Folie volontaire cependant, et faiblesse sans excuse ; car si l’être créé ne possède de son fonds que ténèbres et misères, la bonté souveraine met à sa disposition par la grâce, qui ne manque jamais, la force et la lumière de Dieu.

Le dernier, le plus obscur pécheur ne saurait donc avoir de raisons pour justifier ses fautes ; mais l’offense est plus injurieuse à Dieu, quand elle lui vient d’une créature comblée de ses dons et placée par sa bonté plus haut que d’autres dans l’ordre des grâces. Qu’elles ne l’oublient pas ces âmes pour qui le Seigneur a, comme pour David, multiplié ses magnificences. Conduites par les voies réservées de son amour, elles auraient beau avoir atteint déjà les sommets de l’union divine ; une vigilance sans fin peut seule garder quiconque n’a pas déposé le fardeau de la chair. Sur les montagnes comme dans les plaines et les vallées, toujours et partout, la chute est possible ; et combien n’est-elle pas plus effrayante, quand le pied glisse sur ces pics élevés de la terre d’exil qui déjà confinent à la patrie et donnent entrée dans les puissances du Seigneur ! Alors les précipices béants, que l’âme avait évités dans la montée, semblent tous l’appeler à la fois ; elle roule d’abîme en abîme, effrayant quelquefois jusqu’aux méchants eux-mêmes par la violence des passions longtemps contenues qui l’entraînent.

Âme brisée, que l’orgueil de Satan va chercher à fixer dans la fange ! Mais bien plutôt, du fond du gouffre où l’a jetée sa chute lamentable, qu’elle s’humilie, qu’elle pleure son crime ; qu’elle ne craigne point de lever de nouveau ses yeux humides vers les hauteurs brillantes où naguère elle semblait faire partie déjà des phalanges bienheureuses. Sans plus tarder, qu’elle s’écrie comme David : « J’ai péché contre le Seigneur » ; et comme à lui, il sera répondu : « Le Seigneur a pardonné ton péché, tu ne mourras pas » ; et comme pour David, Dieu pourra faire encore en elle de grandes choses. David innocent avait paru la fidèle image du Christ, objet divin des complaisances de la terre et des cieux ; David pécheur, mais pénitent, resta la très noble figure de l’Homme-Dieu chargé des crimes du monde, et portant sur lui la miséricordieuse et juste vengeance de son Père offensé.

A LA MESSE.

Le rapport qui a pu exister autrefois, pour ce Dimanche, entre la Messe et l’Office de la nuit se laisserait aujourd’hui difficilement saisir. Honorius d’Autun et Durand de Mende appliquaient, de leur temps, l’Introït et les autres parties chantées qui vont suivre à l’inauguration du règne de Salomon. On prenait alors en effet pour ce jour, comme Leçons de l’Écriture, les premières pages du second livre des Paralipomènes où sont racontés les commencements glorieux du fils de David. Mais, depuis, l’usage a prévalu dans l’Église de continuer jusqu’au mois d’août la lecture des quatre livres des Rois, en laissant de côté les deux livres des Paralipomènes qui ne faisaient que répéter en partie les récits ayant fait la matière des lectures précédentes. Les anciens rapprochements proposés par les auteurs que nous venons de citer, n’ont donc plus maintenant d’application possible. Nous nous contenterons de puiser, dans l’Introït, un nouveau sentiment de ce qui fait la force du chrétien : sa foi dans la puissance du Seigneur qui ne saurait lui manquer, et la conscience de sa misère qui le garde de toute présomption.

La Collecte présente un admirable résumé de l’action forte et suave de la grâce sur toute la conduite de la vie chrétienne. Elle s’inspire du texte de saint Jacques : « Tout don excellent, tout don parfait est d’en haut, et descend du Père des lumières ».

ÉPÎTRE.

Les Messes des Dimanches après la Pentecôte ne nous avaient présenté qu’une seule fois jusqu’ici les Épîtres de saint Paul. C’est à saint Pierre et à saint Jean qu’était réservée de préférence la mission d’enseigner les fidèles au commencement des sacrés Mystères. Il semble que l’Église, en ces semaines qui représentent les premiers temps de la prédication apostolique, ait voulu rappeler ainsi le rôle prédominant du disciple de la foi et de celui de l’amour dans cette première promulgation de l’alliance nouvelle qui eut lieu tout d’abord au sein du peuple juif. Paul en effet n’était alors que Saul le persécuteur, et se montrait l’ennemi le plus violent de la parole qu’il devait porter plus tard avec tant d’éclat jusqu’aux extrémités du monde. Si ensuite sa conversion fit de lui un apôtre ardent et convaincu pour les Juifs eux-mêmes, il parut bientôt pourtant que la maison de Jacob n’était point, dans le domaine de l’apostolat, la part de son héritage. Après avoir affirmé publiquement sa croyance à Jésus Fils de Dieu et confondu la synagogue par l’autorité de son témoignage, il laissa silencieusement s’écouler la fin de la trêve accordée à Juda pour accepter l’alliance ; il attendit dans la retraite] que le vicaire de l’Homme-Dieu, le chef du collège apostolique, donnât le signal de l’appel des Gentils, et ouvrît en personne les portes de l’Église à ces nouveaux fils d’Abraham.

Mais Israël a désormais trop longtemps abusé des divines condescendances ; l’heure de la répudiation approche pour l’ingrate Jérusalem, et l’Époux s’est enfin tourné vers les races étrangères. La parole est maintenant au Docteur des nations ; il la gardera jusqu’au dernier jour ; il ne se taira plus, jusqu’à ce qu’ayant redressé, soulevé vers Dieu la gentilité, il l’ait affermie dans la foi et l’amour. Il ne se donnera point de repos qu’il n’ait amené cette délaissée à la consommation des noces du Christ, à cette pleine fécondité de l’union divine, dont il dira au XXIVe et dernier Dimanche après la Pentecôte : « Nous n’avons point cessé de demander, de supplier que vous fussiez remplis de toute sagesse et doctrine, dignes de Dieu, lui plaisant en toutes choses, féconds dans toutes les bonnes œuvres et en toute vertu, par la puissance de celui qui nous a rendus dignes d’avoir part au sort des Saints dans la lumière de son Fils bien-aimé » .

C’est aux Romains que s’adressent aujourd’hui les instructions inspirées du grand Apôtre. L’Église en effet, dans la lecture de ces admirables Épîtres, observera l’ordre même de leur inscription au canon des Écritures : la lettre aux Romains, les deux aux Corinthiens, celles aux Galates, aux Éphésiens, aux Philippiens, aux Colossiens, passeront successivement sous nos yeux. Sublime correspondance, où l’âme de Paul, se livrant tout entière, donne en même temps le précepte et l’exemple de l’amour ! « Je vous en prie, dit-il sans cesse, soyez mes imitateurs, comme je le suis de Jésus-Christ ».

C’est qu’en effet l’Évangile, le royaume de Dieu, la vie chrétienne, n’est point simplement affaire de discours. Rien de moins spéculatif que la science du salut ; rien qui la fasse pénétrer plus avant dans les âmes que la sainteté de ceux qui l’enseignent. Pour cette raison, celui-là seul, dans le christianisme, est reconnu comme Apôtre ou Docteur, qui sait fournir aux hommes, dans l’unité de sa vie, le double enseignement de la doctrine et des œuvres. Ainsi le premier, Jésus, prince des pasteurs, a-t-il traduit l’éternelle vérité, non seulement dans les mots sortis de sa bouche divine, mais encore dans les actes de sa vie sur terre. Ainsi l’Apôtre, devenu lui-même la forme du troupeau, révèle à tous en sa personne les progrès merveilleux qu’une âme fidèle peut accomplir au souffle de l’Esprit sanctificateur. Soyons attentifs aux accents de cette bouche puissante toujours ouverte sur le monde ; mais, en même temps, ouvrons les yeux de notre âme pour voir à l’œuvre notre Apôtre et marcher à sa suite. Par ses Épîtres si vivantes, il reste véritablement sur la terre ; il demeure avec nous, comme il l’avait dit, pour notre avancement, pour la joie et le triomphe de notre foi.

D’autre part, si nous estimons à leur prix l’exemple et la doctrine de ce père des nations, rappelons-nous également ses travaux et ses souffrances ; n’oublions point la sollicitude, l’amour ardent qu’il professait pour tous ceux qui n’avaient point vu son visage en la chair. Payons de retour, en dilatant pour lui nos cœurs ; aimons avec la lumière celui qui nous l’apporte, et tous ceux qui, comme lui, l’ont puisée si brillante dans les trésors de Dieu le Père et de son Christ. C’est la touchante recommandation de saint Paul lui-même ; c’est l’intention voulue par Dieu, lorsqu’il daigna confier à des hommes mortels le soin d’instruire conjointement avec lui les nations. La Sagesse éternelle ne se montre point directement ici-bas : elle s’est cachée dans l’Homme-Dieu tout entière ; elle se révèle donc par lui, mais aussi par l’Église, qui est le corps mystique de cet Homme-Dieu. Nous ne pouvons, en dehors du Christ Jésus, ni l’aimer, ni l’atteindre ; mais nous n’aimons, nous ne comprenons Jésus, qu’en aimant et comprenant son Église. Or, si dans cette Église, assemblée glorieuse des élus, il n’en est point qui ne réclament légitimement notre amour, est-il douteux pourtant que nous devions aimer et vénérer ceux-là surtout qui sont plus étroitement associés à l’humanité du Sauveur dans la manifestation du Verbe divin, centre unique de nos pensées dès ce monde et pour l’éternité] ?

Personne, à ce titre, ne mérita plus que Paul la vénération, la reconnaissance et l’amour du peuple fidèle. Qui en effet, des prophètes et des saints apôtres, pénétra davantage le mystère du Christ ? Qui comme lui révéla au monde les rayonnements divins de la face du Sauveur ? La vie d’union, cette union merveilleuse qui multiplie la vie du Verbe et la prolonge en chacun des chrétiens, eut-elle jamais un docteur plus complet, un si éloquent interprète ? A lui, le dernier venu, fut donnée cette grâce d’annoncer aux nations les insondables richesses du Christ ; le plus petit des saints, proclame-t-il dans son humilité sublime, il reçut la mission d’enseigner à toute créature le dernier mot de la création, resté longtemps caché en Dieu comme le secret des siècles et de l’histoire du monde, à savoir : la manifestation de la Sagesse infinie par l’Église, en Jésus-Christ notre Seigneur.

Car l’Église n’étant autre chose que le corps de l’Homme-Dieu et son mystique complément, la formation de l’Église, ses accroissements, ne sont pour saint Paul que la suite régulière de l’Incarnation, le développement continu du mystère apparu dans la crèche aux célestes principautés. Après l’Incarnation, Dieu fut mieux connu des Anges ; bien que le même en son immuable essence, il leur apparut plus grand et plus magnifique au reflet de ses perfections infinies dans la chair de son Verbe. Ainsi, bien que sans croissance possible elles-mêmes et fixées dans la plénitude, la perfection et la sainteté créées de l’Homme-Dieu se révèlent plus grandes à leur tour, à mesure que se multiplient dans le monde des merveilles de perfection et de sainteté qui ne trouvent qu’en lui leur source.

Parti de lui, coulant toujours de sa plénitude, le flot de la grâce et de la vérité parcourt sans fin chacun des membres de l’immense corps de l’Église. Principe de divine croissance, sève mystérieuse dont les canaux rattachent plus étroitement l’Église à son Chef auguste, que les nerfs et les vaisseaux portant le mouvement et la vie jusqu’aux extrémités de notre corps ne rattachent ses diverses parties à la tête qui dirige et commande. Mais de même que dans le corps humain la vie est une pour la tête et les membres, constituant chacun d’eux dans la proportion et l’harmonie qui font l’homme parfait : ainsi n’y a-t-il dans l’Église qu’une seule vie, celle de l’Homme-Dieu, du Christ chef formant son corps mystique et développant dans l’Esprit-Saint ses divers membres. Un temps viendra qu’il ne manquera plus rien à ce développement ; alors l’humanité, fondue avec son chef divin dans la mesure et la splendeur de l’âge parfait qui convient au Christ, apparaîtra sur le trône du Verbe, pour y faire à jamais l’admiration des Anges et l’objet des complaisances de la Trinité bienheureuse. Mais, en attendant, le Christ se complète en toutes choses et dans tous ; comme autrefois à Nazareth, Jésus grandit encore, et ses accroissements manifestent chaque jour davantage la Sagesse infinie dans sa beauté.

La sainteté, les souffrances, et ensuite la gloire du Seigneur Jésus, sa vie même en un mot prolongée dans ses membres telle est pour saint Paul la vie chrétienne : simple et sublime notion, qui résume à ses yeux le commencement, le progrès et la consommation du travail de l’Esprit d’amour en toute âme sanctifiée. Nous le verrons par la suite développer longuement cette vérité pratique, dont il se contente aujourd’hui de poser la base dans l’Épître que l’Église nous fait lire. Qu’est-ce que le baptême en effet, cette première entrée dans la voie qui conduit au ciel, sinon l’incorporation du néophyte à l’Homme-Dieu mort une fois au péché pour vivre à jamais en Dieu son Père ? Au Samedi saint, près des bords de la fontaine sacrée, nous avons compris, à l’aide d’un passage semblable de l’Apôtre, les divines réalités accomplies sous l’onde mystérieuse. La sainte Église n’y revient aujourd’hui que pour rappeler ce grand principe des commencements de la vie chrétienne, et l’établir comme point de départ des instructions qui vont suivre. Si le premier acte de la sanctification du fidèle enseveli dans son baptême avec Jésus-Christ a pour objet de le refaire tout entier, de le créer de nouveau dans cet Homme-Dieu, de greffer sa vie nouvelle sur la vie même du Seigneur Jésus pour en produire les fruits, nous ne serons point surpris que l’Apôtre se refuse à tracer aux chrétiens d’autre procédé de contemplation, d’autre règle de conduite, que l’étude et l’imitation du Sauveur. La perfection de l’homme et sa récompense sont en lui seul : selon donc la connaissance que vous avez reçue de lui, marchez en lui ; car vous tous qui avez été baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ. Le Docteur des nations le déclare : il ne connaît, il ne saurait prêcher autre chose. A son école, prenant en nous les sentiments qu’avait Jésus-Christ, nous deviendrons d’autres Christs, ou plutôt un seul Christ avec l’Homme-Dieu, par l’union des pensées et la conformité des vertus sous l’impulsion du même Esprit sanctificateur.

Entre la lecture de l’Épître et celle de l’Évangile, le Graduel et le Verset viennent raviver dans les cœurs l’humble et confiante prière qui doit s’élever sans cesse de l’âme du chrétien vers son Dieu.

ÉVANGILE.

L’explication du texte sacré nous est donnée par saint Ambroise au nom de l’Église, dans l’Homélie du jour ; elle n’est point faite pour changer en rien le cours des pensées que nous inspire l’ensemble de la sainte Liturgie dans cette partie de l’année.

« Après la guérison du flux de sang dont souffrait la femme figure de l’Église, après la mission d’évangéliser donnée aux Apôtres, l’aliment de la grâce céleste est distribué aux âmes affamées que ne saurait rassasier l’ancienne Loi mourante ». Ainsi s’exprime le saint Docteur. Déjà en effet, comme nous le disions il y a huit jours, la loi du Sinaï, convaincue d’impuissance, a fait place au Testament de l’alliance universelle. C’est de Sion même néanmoins qu’est sortie la loi de la grâce ; Jérusalem, la première cette fois encore, a entendu la parole du Seigneur. Mais les porteurs de la bonne nouvelle, conduits par un peuple endurci et jaloux, se sont tournés bientôt vers les nations, en secouant sur Jérusalem la poussière de leurs pieds ; poussière accusatrice qui retombera dans peu sur l’orgueilleuse cité en pluie vengeresse, plus terrible que les torrents de feu déchaînés autrefois sur Sodome et Gomorrhe. Déjà, dans la grande famille humaine, c’en est fait de la supériorité de Juda si longtemps maintenue, des droits du premier-né, antique honneur d’Israël ! La primauté a suivi vers l’Occident Simon Pierre ; et le diadème de Sion, tombé de sa tête prévaricatrice, brille pour jamais au front purifié de la reine des nations.

Comme l’hémorroïsse de l’Évangile qui avait dépensé tout son bien en traitements inutiles, la gentilité, épuisée depuis la chute première en pertes incessantes, avait achevé de dissiper dans les mains des docteurs de mensonge jusqu’à cette lumière primitive et ces dons de nature qui formaient, selon l’expression de l’évêque de Milan, « son patrimoine vital ». Mais voici qu’au bruit de l’arrivée du médecin céleste, elle s’est levée dans la conscience de sa misère ; sa foi, triomphant de sa honte, l’a portée à la rencontre du Verbe ; son humble confiance, qui contrastait avec l’insultante arrogance de la synagogue, a touché le Christ ; et la vertu sortie de lui a guéri sa plaie originelle, et répare en un moment ses ruines successives.

Il était juste que le Seigneur, ayant ainsi guéri l’humanité, la relevât de son jeûne séculaire, en lui donnant la nourriture convenable. C’est toujours la pensée de saint Ambroise ; et, rapprochant du repas miraculeux de notre Évangile cette autre multiplication des pains dont nous avons célébré le mystère au quatrième Dimanche de Carême, il remarque qu’il y a pour la nourriture spirituelle, comme pour celle des corps, divers degrés d’excellence. L’Époux ne sert point dès le commencement d’ordinaire son vin le plus enivrant, ses mets les plus exquis aux conviés de son amour. Beaucoup d’ailleurs ne sauraient point s’élever, ici-bas, au delà d’une certaine limite vers la divine et substantielle lumière qui nourrit les âmes. A ceux-là donc, au plus grand nombre, figuré par les cinq mille hommes de la première multiplication miraculeuse, conviennent les cinq pains de moindre qualité, répondant par leur nombre aux cinq sens qui retiennent encore plus ou moins la multitude sous leur empire. Mais aux privilégiés de la grâce, aux hommes qui, dominant les mille sollicitudes de la vie et méprisant ses jouissances permises, parviennent dès ce monde à faire régner Dieu seul en leur âme, à ceux-là seuls l’Époux destine le pur froment des sept pains, dont le nombre rappelle la plénitude de l’Esprit de sainteté et abonde en mystères.

« Bien que dans le monde, dit saint Ambroise, ils ne sont plus du monde ces hommes qui goûtent l’aliment du mystique repos ». Au commencement, Dieu donna en six jours à l’univers sorti de ses mains sa perfection et sa beauté ; il consacra le septième à la jouissance de ses ouvrages]. Sept est le chiffre du repos divin ; il devait être aussi celui du repos fécond des fils de Dieu, de la consommation des âmes dans la paix qui assure l’amour et fait l’invincible force de l’Épouse au Cantique. C’est pourquoi l’Homme-Dieu, proclamant sur la montagne les béatitudes de la loi d’amour, attribua la septième aux pacifiques ou pacifiés, comme devant être nommés excellemment fils de Dieu. En eux seuls, en effet, se développe pleinement le germe de la filiation divine déposé dans l’âme au baptême. Grâce au silence des passions terrassées, leur esprit, maître de la chair et soumis à Dieu, ne connaît plus les tempêtes intérieures, les brusques variations, les inégalités mêmes si nuisibles toujours à la précieuse semence ; échauffée par les feux du Soleil de justice dans une atmosphère continuellement sereine et sans nuages, elle se dilate sans obstacle, elle croît sans déviation ; absorbant tous les sucs humains de cette terre qui l’a reçue, s’assimilant la terre elle-même, elle ne laisse plus rien voir bientôt que de divin dans ces hommes devenus, pour le Père qui est aux cieux, la très fidèle image de son Fils premier-né.

« Elle est donc bien justement la septième cette béatitude des pacifiés, reprend saint Ambroise ; à eux le pain des sept corbeilles, le pain sanctifié, le pain du repos ! C’est quelque chose de grand que ce pain du septième jour ; et j’oserai le dire, si, après avoir mangé des cinq pains, vous goûtez les sept, n’attendez plus rien en terre ».

Mais pour prétendre à ce festin sans pareil, observez diligemment la condition qu’y met l’Évangile. « Ce n’est point, dit notre Homélie, aux désœuvrés, aux grands du siècle, aux habitants des villes, qu’est distribué le céleste aliment, mais à ceux qui cherchent le Christ au milieu des déserts ; ceux-là seuls qui ont faim sont reçus par le Christ à la participation du Verbe et du royaume de Dieu ». Plus leur faim est intense, plus elle est pure surtout et va directement à son divin objet, plus aussi le pain merveilleux confortera ces affamés de lumière et d’amour et les rassasiera délicieusement.

Toute la vérité, toute la bonté, toute la beauté que contient l’univers, ne saurait par soi satisfaire une seule âme ; il y faut Dieu même ; et tant que l’homme ne l’a point compris, ce que ses sens et sa raison peuvent lui fournil de bien et de vrai, loin de le nourrir, n’est le plus souvent qu’une distraction lamentable à son besoin pressant et un obstacle à la vraie vie. Voyez comme le Seigneur attend, pour agir en faveur de ceux qui le suivent, que toutes leurs provisions humaines soient épuisées. Ils n’ont pas craint, pour rester avec lui, d’affronter la pénurie du désert ; leur foi, plus grande que celle de leurs frères restés dans les villes, les élève aussi plus haut dans l’ordre de ses grâces ; à cause de cela même, il ne veut plus que rien en eux agisse concurremment avec le mets divin qu’il prépare à leurs âmes.

Telle est l’importance de ce dépouillement complet sur les sommets de la vie chrétienne, telle aussi la difficulté pour les plus courageux d’y arriver par leurs seuls efforts, qu’on voit le Seigneur intervenir lui-même directement dans l’âme de ses saints pour y faire le désert, et obtenir ce vide, nécessaire à ses dons, au seul aspect duquel frémit la pauvre nature. Luttant comme Jacob avec Dieu] sous l’effort de cette épuration toute-puissante, la créature se sent alors broyée et consumée dans un indicible martyre. Elle est devenue l’objet des ineffables recherches du Fils de Dieu ; mais Celui qui prétend se donner sans réserve aucune, lui si grand à elle si faible et si dénuée, la veut du moins elle aussi tout entière. C’est pour cela que, d’autorité, il la dompte et la brise miséricordieusement, pour la dégager des créatures et d’elle-même. Rien n’échappe des moindres replis, des plus secrets détours de son être au regard transperçant du Verbe ; son action dévorante atteint dans ses poursuites jalouses jusqu’à la division de l’esprit et de l’âme ; pénétrant les moelles et les jointures, scrutant, disséquant sans pitié les intentions et les pensées. Comme le fondeur en présence du métal précieux qui doit devenir l’ornement des rois, il s’est assis, dit le prophète ; il a jeté au creuset cette âme aimée, dont il veut faire pour l’éternité l’un des joyaux éclatants de sa noble parure. Tout entier à ce travail qui lui est cher, à cette opération plus délicate à ses yeux que la création de mille mondes, il surveille et active la flamme purifiante, feu consumant lui-même dans la fournaise. Et lorsque depuis longtemps déjà ont cessé de s’élever les dernières vapeurs parties des sens, que les scories plus résistantes de l’esprit sont détachées à leur tour, la fusion étant complète, goutte à goutte comme l’avare il recueille son or ; il lui rend consistance ; il ne craint plus de le produire aux yeux émerveillés des hommes et des anges : tant est pur son éclat ! Tant le divin ciseleur est assuré maintenant d’y retracer selon qu’il le voudra, en traits dignes de lui, sa fidèle image !

« Le Seigneur nous appelle, disait l’ancien peuple sortant d’Égypte à la suite de Moïse ; nous irons à trois journées de chemin dans le désert, pour y sacrifier au Seigneur notre Dieu ». Les disciples de Jésus-Christ, dans notre Évangile, l’ont de même suivi au désert ; après trois jours, ils ont été nourris d’un pain miraculeux qui présageait la victime du grand Sacrifice figuré par celui d’Israël. Bientôt le présage et la figure vont faire place, sur l’autel qui est devant nous, à la plus sublime des réalités. Quittons la terre de servitude, où nous retenaient nos vices ; l’appel miséricordieux du Seigneur est pour nous de chaque jour ; établissons donc pour jamais nos âmes loin des frivolités mondaines, dans la retraite d’un profond recueillement. Prions le Seigneur, en chantant l’Offertoire, qu’il daigne lui-même affermir nos pas dans les sentiers de ce désert intérieur, où il nous écoutera toujours favorablement et multipliera pour nous les merveilles de sa grâce.

L’efficacité de nos prières n’est assurée qu’autant que la foi les anime et inspire leur objet. L’Église, en recevant les dons de ses fils pour le Sacrifice, demande dans la Secrète qu’il en soit ainsi pour eux tous.

Nous admirions tout a l’heure le travail de purification qu’opère dans les âmes de son choix l’Ange de l’alliance. Or le prophète qui nous faisait assister à cette divine refonte des élus, en révèle le motif par ces paroles qui expliquent du même coup l’Antienne de la Communion : « Et ils sacrifieront au Seigneur dans la justice ; et le sacrifice de Juda et de Jérusalem plaira au Seigneur comme aux jours du passé, comme dans les temps antiques ».

 

 

 

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Sainte Elisabeth reine et veuve

8 Juillet 2023 , Rédigé par Ludovicus

Sainte Elisabeth reine et veuve

Collecte

Dieu très clément, parmi tant d’autres qualités éminentes, vous avez donné à la bienheureuse reine Élisabeth la vertu d’apaiser les fureurs de la guerre : accordez-nous, par son intercession, qu’après avoir, pendant cette vie mortelle, joui de la paix, que nous vous demandons humblement, nous parvenions aux joies éternelles.

Office

Quatrième leçon. Élisabeth, de la famille royale d’Aragon, naquit l’an du Christ mil deux cent soixante et onze. En présage de sa future sainteté, ses parents, laissant de côté, contre l’usage, le nom de la mère et de l’aïeule, voulurent qu’on l’appelât au baptême du nom de sa grand’ tante maternelle, sainte Élisabeth, duchesse de Thuringe. Dès qu’elle vint au monde, on vit qu’elle serait l’heureuse pacificatrice des royaumes et des rois, car la joie causée par sa naissance réconcilia son père et son aïeul divisés jusque-là. Son père, admirant les heureuses dispositions qu’elle montrait en grandissant, disait que sa fille surpassait de beaucoup en vertu, à elle seule, toutes les femmes de la maison royale d’Aragon. Dédaignant la parure, fuyant le plaisir, adonnée au jeûne, aux prières continuelles, aux œuvres charitables, elle menait une vie si céleste que le roi, plein de vénération, avait coutume d’attribuer aux mérites de sa fille la prospérité de ses affaires et du royaume. La réputation d’Élisabeth s’étendant partout, plusieurs princes la recherchèrent comme épouse. Ses parents l’accordèrent à Denys, roi de Portugal, et le mariage fut célébré avec les cérémonies de la sainte Église.

Cinquième leçon. Dans la vie conjugale, Élisabeth ne mettait pas moins de soin à cultiver les vertus qu’à élever ses enfants, s’appliquant à plaire à son époux, mais encore plus à Dieu. Pendant près de la moitié de l’année, elle ne vivait que de pain et d’eau. Étant malade, et les médecins lui ayant prescrit l’usage du vin, comme elle refusait d’en boire, l’eau qu’on lui présenta fut changée en vin. Une pauvre femme dont elle baisa l’horrible ulcère s’en trouva guérie subitement. Les pièces de monnaie qu’elle s’apprêtait à distribuer aux indigents, et qu’elle voulait cacher au roi, furent changées en rosés dans la saison d’hiver. Elle rendit la vue à une jeune fille aveugle de naissance ; délivra, rien que par le signe de la croix, quantité de personnes atteintes de graves maladies, et opéra beaucoup d’autres miracles de ce genre. Des monastères, des établissements hospitaliers et des églises furent construits par ses soins, et dotés par sa munificence. Elle fut admirable de zèle pour apaiser les discordes des rois, et infatigable pour secourir les misères publiques et privées de l’humanité.

Sixième leçon. Modèle de toutes les vertus pour les jeunes filles pendant sa jeunesse, et pour les épouses pendant son mariage, elle le fut aussi pour les veuves, dans l’isolement. Après la mort du roi Denys, prenant aussitôt l’habit des religieuses de sainte Claire, elle assista sans faiblir aux funérailles du prince, et se rendit peu après à Compostelle, afin d’y offrir pour l’âme de son époux de nombreux présents, des étoffes de soie, de l’argent, de l’or et des pierres précieuses. A son retour, elle convertit en pieux et saints usages tout ce qui lui restait de cher et de précieux. C’est ainsi qu’elle acheva le monastère vraiment royal de Coïmbre qu’elle avait fondé pour des vierges. Nourrir les pauvres, protéger les veuves, défendre les orphelins, soulager tous les malheureux, était toute sa vie ; elle vivait, non pour elle, mais pour Dieu et pour le bien de tous. Dans le but de rétablir la paix entre deux rois, son fils et son gendre, elle se rendit à Estrenoz, place forte célèbre : ce fut là que, tombée malade par suite des fatigues de la route, visitée par la Vierge Mère de Dieu, elle mourut saintement, le quatrième jour de juillet de l’an mil trois cent trente-six. Après sa mort, la sainteté d’Élisabeth fut marquée par un grand nombre de miracles, spécialement par l’odeur très suave de son corps exempt de corruption depuis bientôt trois siècles ; aussi est-elle restée constamment célèbre sous le surnom de la sainte reine. Enfin, l’année du jubilé, l’an de notre salut mil six cent vingt-cinq, aux applaudissements de tout le monde chrétien et au milieu d’un immense concours, Urbain VIII l’a solennellement inscrite au nombre des Saints.

Après Marguerite d’Écosse et Clotilde de France, une autre souveraine éclaire de ses rayons le Cycle sacré. Sur la limite extrême qui sépare au midi la chrétienté de l’infidélité musulmane, l’Esprit-Saint veut affermir par elle dans la paix les conquêtes du Christ, et préparer d’autres victoires. Élisabeth est son nom : nom béni, qui, à l’heure où elle vient au monde, embaume depuis un demi-siècle déjà la terre de ses parfums ; présage que la nouvellement née, séduite par les roses qui s’échappent du manteau de sa tante de Thuringe, va faire éclore en Ibérie les mêmes fleurs du ciel.

Hérédité mystérieuse des saints ! En l’année même où notre Élisabeth naissait loin du berceau où la première avait ravi les cieux à son lever si doux et pacifié la terre, une autre nièce de celle-ci, la Bienheureuse Marguerite, partie de Hongrie, quittait la vallée d’exil. Vouée à Dieu dès le sein de sa mère pour le salut des siens au milieu de désastres sans nom, elle avait rempli les espérances qui de si bonne heure étaient venues reposer sur sa tête ; les Mongols refoulés d’Occident, les loups chassés à leur suite de l’antique Pannonie redevenue quelque temps un désert, la civilisation fleurissant à nouveau sur les bords du Danube et de la Theiss : tant de bienfaits furent les fruits des vingt-huit années de prière et d’innocence que Marguerite passa ici-bas, attendant l’heure où elle transmit à la sainte que nous fêtons présentement la mission de continuer sous d’autres cieux l’œuvre de ses devancières.

Il était temps que le Seigneur dirigeât sur l’Espagne un rayon de sa grâce. Le treizième siècle finissait, laissant le monde à la dislocation et à la ruine. Las de combattre pour le Christ et bannissant l’Église de leurs conseils, les rois se retranchaient dans un isolement égoïste, où le conflit des ambitions tendait chaque jour à remplacer l’aspiration commune de ce grand corps qui avait été la chrétienté. Désastreuse pour tout l’Occident, pareille tendance l’était plus encore en face du Maure, dans cette noble contrée où la croisade avait multiplié les royaumes en autant de postes avancés contre l’ennemi séculaire. L’unité de vues, sacrifiant tout à l’achèvement de la délivrance, pouvait seule, dans ces conditions, maintenir les successeurs de Pelage à la hauteur des illustres souvenirs qui les avaient précédés. Malheureusement il s’en fallut que ces princes, presque tous héros sur les champs de bataille, trouvassent toujours la force d’âme suffisante pour mettre au-dessus de mesquines rivalités le rôle sacré que leur confiait la Providence. Vainement alors le Pontife romain s’efforçait de ramener les esprits au sentiment des intérêts de la patrie et du nom chrétien ; les tristes passions de l’homme déchu étouffaient sa voix en des cœurs magnanimes par tant d’autres côtés, et le Croissant applaudissait aux luttes intestines qui retardaient sa défaite. Navarre, Castille, Aragon, Portugal, sans cesse aux prises, voyaient dans chaque royaume le fils armé contre le père, le frère disputant au frère par lambeaux l’héritage des aïeux.

Qui rappellerait l’Espagne aux traditions, encore récentes, grâce à Dieu, de son Ferdinand III ? Qui grouperait de nouveau les volontés discordantes en un faisceau terrible au Sarrasin et glorieux au Christ ? Jacques Ier d’Aragon, le digne émule de saint Ferdinand dans la valeur et la victoire, avait épousé Yolande, fille d’André de Hongrie ; le culte de la sainte duchesse de Thuringe, dont il était devenu le beau-frère, fleurit dès lors au delà des Pyrénées ; le nom d’Élisabeth, transformé le plus souvent en celui d’Isabelle, devint comme un joyau de famille dont aimèrent à s’orner les princesses des Espagnes. La première qui le porta fut la fille de Jacques et d’Yolande, mariée à Philippe III de France, successeur de notre saint Louis ; la seconde fut la petite-fille du même Jacques Ier, l’objet des hommages de l’Église en ce jour, et dont le vieux roi, par un pressentiment prophétique, aimait à dire qu’elle l’emporterait sur toutes les femmes sorties du sang d’Aragon.

Héritière des vertus comme du nom de la chère sainte Élisabeth, elle devait mériter en effet d’être appelée mère de la paix et de la patrie. Au prix d’héroïques renoncements et par la vertu toute-puissante de la prière, elle apaisa les lamentables dissensions des princes. Impuissante un jour à empêcher la rupture de la paix, on la vit se jeter sous une grêle de traits entre deux armées aux prises, et faire tomber des mains des soldats leurs armes fratricides. Ainsi prépara-t-elle, sans avoir la consolation de le voir de ses yeux, le retour à la grande lutte qui ne devait prendre fin qu’au siècle suivant, sous les auspices d’une autre Isabelle, digne d’être sa descendante et de joindre à son nom le beau titre de Catholique. Quatre ans après la mort de notre sainte, la victoire de Salado, remportée sur six cent mille infidèles par les guerriers confédérés de l’Espagne entière, montrait déjà au monde ce qu’une femme avait pu, malgré les circonstances les plus contraires, pour ramener son pays aux nobles journées de l’immortelle croisade qui fait sa gloire à jamais.

Urbain VIII, qui inscrivit Élisabeth au nombre des Saints, a composé en son honneur un Office propre entier.

Selon l’invitation que l’Église adresse en ce jour à tous ses fils, nous louons Dieu pour vos œuvres saintes, ô bienheureuse Élisabeth ! Plus forte que tous ces princes au milieu desquels vous apparûtes comme l’ange de la patrie, vous portiez dans la vie privée l’héroïsme que vous saviez au besoin déployer comme eux sur les champs de bataille. Car c’était Dieu qui, par sa grâce, était le principe de votre conduite, comme sa gloire en était l’unique but. Or la divine gloire se complaît dans les renoncements qui ont le Seigneur pour seul témoin, autant et souvent plus que dans les œuvres admirées justement de tout un peuple. C’est qu’en effet sa grâce souvent y paraît plus puissante ; et presque toujours, dans l’ordre de sa Providence, les bénédictions éclatantes accordées aux nations relèvent de ces renoncements ignorés. Que de combats célèbres dans les fastes des peuples, ont été tout d’abord livrés et gagnés, sous l’œil de la Trinité sainte, en quelque point ignoré de ce monde surnaturel où les élus sont aux prises avec tout l’enfer et parfois Dieu lui-même ! Que de traités de paix fameux furent premièrement conclus dans le secret d’une seule âme, entre le ciel et la terre, comme prix de ces luttes de géants que les hommes méconnaissent ou méprisent ! Laissons passer la figure de ce monde ; et ces profonds politiques qui dirigent, assure-t-on, la marche des événements, les négociateurs vantés, les fiers guerriers qu’exalte la renommée, apparaîtront pour ce qu’ils sont an palais de l’éternelle histoire : vains trompe-l’œil, masques d’un jour, ornements de façade qui voilèrent ici-bas les noms seuls dignes de l’immortalité.

Gloire donc à vous, par qui le Seigneur daigne dès maintenant lever un coin de ce voile qui dérobe aux humains les réalités du gouvernement de ce monde ! Votre noblesse, au livre d’or des élus, repose sur des titres meilleurs que ceux que vous teniez de votre naissance. Fille et mère de rois, vous aussi pourtant étiez reine, et commandiez sur une terre glorieuse ; mais plus glorieux est au ciel le trône de famille, où vous rejoignez la première Élisabeth, Marguerite, Hedwige, où d’autres vous suivront à leur tour, justifiant du même sang généreux qui coula dans vos veines.

Souvenez-vous cependant, ô mère de la patrie, que la puissance qui vous fut donnée ici-bas n’a point cessé de vous appartenir, quand le Dieu des armées vous a rappelée de ce monde pour triompher dans les cieux. La situation n’est plus la même qu’autrefois sur ce sol ibérique, qui vous doit plus qu’à bien d’autres son indépendance ; mais si les factions d’aujourd’hui ne risquent plus de ramener le Maure, il s’en faut qu’elles maintiennent le Portugal et l’Espagne à la hauteur de leurs nobles traditions : faites que ces peuples retrouvent enfin la voie des glorieuses destinées que leur marque la Providence. Du ciel où votre pouvoir ne connaît plus de frontières, jetez aussi un regard miséricordieux sur le reste du monde ; voyez les formidables armements dans lesquels les nations, oublieuses de tout autre droit que celui de la violence, engloutissent leurs richesses et leurs forces vives ; l’heure est-elle venue de ces guerres atroces, signal de la fin, où l’univers se détruira lui-même ? O mère de la paix, entendez l’Église, la mère des peuples, vous supplier d’user jusqu’au bout de votre auguste prérogative : apaisez la fureur des combats ; que cette vie mortelle soit pour nous un chemin pacifique conduisant aux joies de l’éternité.

 

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Super I Thes. cap. 5

7 Juillet 2023 , Rédigé par Ludovicus

Super I Thes. cap. 5

Caput 5

Lectio 1

Super I Thes. cap. 5 l. 1 Supra correxit in eis corrigenda, hic monet eos in futurum, et primo ponit monitionem; secundo orationem, ibi ipse autem Deus. Haec autem duo sunt nobis necessaria. Nam quia bona quae facimus sunt ex libero arbitrio, ideo indiget homo monitione, et quoniam sunt etiam ex gratia, ideo oratione. Circa primum duo facit, quia primo hortatur, ut praeparent se ad futurum iudicium; secundo ostendit praeparandi modum, ibi propter quod consolamini. Iterum prima in duas, quia primo ostendit qualis sit conditio futuri iudicii; secundo qualiter praeparent se ad illud, ibi igitur non dormiamus. Item prima in duas, quia primo praemittit conditionem futuri iudicii; secundo exponit, ibi cum enim. Item primo quietat eorum sollicitudinem circa scientiam futuri adventus; secundo ostendit quid circa illum sciant, ibi ipsi enim. Dicit ergo: necesse erat, quod scriberem de praemissis, quia indiguistis. Sed de temporibus, scilicet aestate, hyeme, vel potius, quae tempora futura sint, non erat necesse, quia quaedam de his sunt soli divinae scientiae reservata. Mt. XXIV, 36 et Mc. XIII, 32: de die illa, vel hora nemo scit, neque Angeli in caelo, neque filius, nisi Pater, et cetera. Ac. I, 7: non est vestrum nosse tempora, vel momenta, et cetera. Eccle. VII, 1: quid necesse est homini maiora se quaerere, cum ignoret quid conducat sibi in vita, numero dierum vitae suae? et cetera. Et ideo hoc non est necesse scribere, quia illud quod sciendum est vos scitis, quia scilicet dies Domini sicut fur in nocte, et cetera. Sunt autem omnes dies Domini. Ps. CXVIII, v. 91: ordinatione tua perseverant dies. Sed iste specialiter est Domini, quia facit in omnibus suam voluntatem, quae impletur in bonis, qui perducuntur ad finem praescitum a Deo, scilicet salutem. I Tm. II, 4: vult omnes homines salvos fieri, et cetera. In malis, quia punientur. Ps. LXXIV, 3: dum accepero tempus, ego iustitias iudicabo. Iste veniet sicut fur, id est, ex impraemeditatione. Lc. XIII, 36: si sciret paterfamilias qua hora fur veniret, et cetera. II P. III, 10: adveniet dies Domini sicut fur. Ap. III, 3: veniam tibi tamquam fur. Quomodo autem dies dicitur venire in nocte? Sed sciendum quod utrumque est, quia in die venit propter manifestationem cordium I Cor.IV, 5: quoadusque veniat Dominus, qui et illuminabit abscondita tenebrarum, et manifestabit consilia cordium, sed in nocte propter incertitudinem. Mt. XXV, 6: media nocte clamor factus est, ecce sponsus venit, et cetera. Incertum enim est qua hora erit. Deinde cum dicit cum enim dixerint, exponit quae dixerat, et primo quantum ad malos; secundo quantum ad bonos, ibi vos autem. Circa primum duo facit. Primo describit praesumptionem malorum; secundo periculum morae. Dicit ergo: veniet sicut fur, quia ex improviso. Cum enim dixerint pax, quantum ad praesentia, id est, dum tranquille vivunt, sic decipiuntur. Sg. XIV, 22: in magno viventes inscientiae bello, tot et tam magna mala pacem appellant. Et securitas, quantum ad futura. Lc. XII, 19: anima mea, multa habes bona reposita in annos plurimos, requiesce, comede, bibe, et epulare. Sed contra Lc. XXI, 26: arescentibus hominibus prae timore et expectatione, quae supervenient universo orbi, et cetera. Ergo nulla securitas. Solutio est duplex. Una quae est Augustini, quae talis est: in tempore illo aliqui erunt boni, et affligentur, lugebunt, et expectabunt; et de hoc dicitur Lc. XXI, 26: arescentibus ex carentia voluptatum, et abundantia malorum, etc., sed in malis erit pax et securitas. Alia datur solutio in Glossa. Deinde cum dicit tunc repentinus, describit periculum a quatuor. Primo quia subitum, ibi repentinus. Is. XXX, 13: subito dum non speratur, veniet contritio eius. Secundo quia mortiferum, ibi interitus. Jb XVIII, 14: calcet super eum quasi rex interitus, et cetera. Tertio afflictivum, ibi dolor. Ps. XLVII, 7: ibi dolores ut parturientis, et cetera. Quarto inevitabile, ibi et non effugient. Jb XI, 20: effugium peribit ab eis. Ab ira Dei nunc est effugere ad eius misericordiam, ibi vero non est tempus misericordiae, sed iustitiae. Deinde cum dicit vos autem, exponit quae dixerat quo ad bonos, et duo facit, quia primo excipit bonos a consortio malorum; secundo rationem assignat, ibi omnes enim vos. Dicit ergo: non estis in tenebris, quia illuminati estis per Christum de illo die, ideo vobis non est improvisus. Jn. VIII, 12: qui sequitur me, non ambulat in tenebris, sed habebit lumen vitae. Et huius ratio est, ibi: omnes enim vos filii lucis estis. Astruit enim quod sunt filii lucis et diei. Filii autem alicuius rei in Scriptura dicuntur aliqui propter abundantiam in re illa. Is. V, 1: in cornu filio olei, id est, habente multum oleum. Qui ergo participant multum de die et luce dicuntur eorum filii. Haec lux est fides Christi. Jn. VIII, 12: ego sum lux mundi, et cetera. Jn. XII, 36: credite in lucem, ut filii lucis sitis. Item diei. Sicut enim ex luce fit dies, ita ex fide Christi fit dies, scilicet honestas bonorum operum. Rm. XIII, 12: nox praecessit, et cetera. Et ideo non sumus filii noctis, id est, infidelitatis, neque tenebrarum, id est, peccatorum. Rm. XIII, 12: abiiciamus ergo a nobis opera tenebrarum, et cetera. Deinde cum dicit igitur non dormiamus, etc., ostendit qualiter se praeparent ad illum adventum, et primo qualiter per ultionem malorum, secundo per observantiam bonorum, ibi induti. Circa primum duo facit, quia primo ponit monitionem, secundo eius rationem, ibi qui enim dormiunt. Dicit igitur: ex quo dies Domini est sicut fur, Lc. XII, 39: si sciret paterfamilias qua hora fur veniret, vigilaret utique, ergo vos, quia scitis, vigiletis. Unde dicit igitur non dormiamus, somno peccati. Ep. V, 14: surge, qui dormis, et exurge a mortuis. Item nec pigritiae. Pr. VI, 9: usquequo, piger, dormis? et cetera. Sed vigilemus, per sollicitudinem. Mt. XXIV, 42: vigilate itaque, et cetera. Et ad hoc est necessarium, quod sobrii simus, ut et corpus et mens sint sobria, id est, non occupata voluptatibus, et curis mundi. Lc. XXI, 34: attendite vobis, ne forte graventur corda vestra crapula et ebrietate. I P. V, 8: sobrii estote, et vigilate. Ratio autem huius est ex temporis congruitate, quia qui dormiunt, vel ebrii sunt, aliquid faciunt in nocte. Sed nos non sumus in nocte. Ergo, et cetera. Dicit ergo qui enim dormiunt, nocte dormiunt, idest, tempus noctis deputant quieti, diem vero operationi. Ps. CIII, 22: ortus est sol, et congregati sunt, et in cubilibus suis collocabuntur. Et rursum ibi, 23: exibit homo ad opus suum, et ad operationem suam usque ad vesperam. Item abstinent aliqui a vino in die propter negotia exercenda, sed de nocte tantum non curant. Jb XXIV, 15: oculus adulteri observat caliginem. Somnus ergo et ebrietas est nocti conveniens, eo quod nocte infidelitatis et tenebris peccatorum occupati, sunt ebrii, per amorem praesentium non habentes spem futurorum. Ep. IV, 19: desperantes tradiderunt se impudicitiae in operationem immunditiae omnis in avaritia, et cetera. Nos autem qui diei sumus, id est pertinentes ad diem honestatis et fidei, simus sobrii. Rm. XIII, 13: honeste ambulemus in die. Deinde cum dicit induti, etc., ostendit quomodo se praeparent per bona; et primo ponit monitionem generalem; secundo specialem, ibi propter quod. Item prima in duas, quia primo ponit ipsam monitionem; secundo rationem eius, ibi quoniam non posuit. Sunt autem in homine duo principalia membra, quae consueverunt in bellis protegi, scilicet cor, quod est principium vitae, et caput, scilicet principium motus exterioris, a quo sunt sensus, et aliquo modo nervi. Et protegitur cor lorica, caput galea. Spiritualis vita in nobis est Christus, per quem anima vivit, et Dominus in nobis per fidem habitat. Ep. III, 17: habitare Christum per fidem in cordibus vestris. Habitat etiam per charitatem, I Jn. IV, 16: qui manet in charitate, in Deo manet, et Deus in eo, quae informat fidem. Et ideo debemus habere fidem et charitatem. Unde dicit loricam fidei et charitatis, quia protegit vitalia, et galeam, spem salutis, quae est principium motus spiritualis, quod est ex intentione finis, quem speramus assequi. Deinde cum dicit quoniam non posuit nos, ostendit rationem quomodo in nobis operatur. Et primo ex praeordinatione divina, secundo ex gratia Christi, tertio ostendit modum consequendae salutis. Dicit ergo quoniam non posuit, id est, non ordinavit. Jn. XV, 16: posui vos, scilicet sanctos, ut eatis, et cetera. Deus in iram, id est, ad hoc, ut consequamur eius iram. Sg. I, 13: Deus mortem non fecit. Ez. XVIII, 23: numquid voluntatis meae est mors impii? Dicit Dominus Deus, et cetera. Sed in acquisitionem, id est, ut acquiramus salutem. Mt. XI, 12: regnum caelorum vim patitur, et violenti rapiunt illud. I P. II, 9: vos estis genus electum, regale sacerdotium, et cetera. Et hoc per gratiam Christi, ideo dicit per Dominum nostrum, et cetera. Ac. IV, 12: non est aliud nomen sub caelo datum hominibus, in quo oporteat nos salvos fieri. Qui mortuus est pro nobis, id est, salvavit nos, moriendo pro nobis. I P. III, 18: mortuus est iustus pro iniustis, ut offeret nos Deo mortificatos quidem carne, vivificatos autem spiritu. Et modus perveniendi est quia Christus docuit nos operando salutem nostram, et hoc moriendo et resurgendo. Rm. IV, 25: traditus est propter delicta nostra, et resurrexit propter iustificationem nostram. Et ideo dicit sive vigilemus, sive dormiamus, simul cum illo vivamus. Rm. XIV, 8: sive vivimus, sive morimur, Domini sumus. Deinde cum dicit propter quod, docet nos quomodo praeparemus nos quantum ad speciales conditiones personarum. Et circa hoc tria facit, quia primo ostendit quomodo se debeant habere ad aequales; secundo quomodo subditi se habeant ad praelatum, ibi rogamus autem; tertio quomodo praelati ad subditos, ibi rogamus autem. Debemus autem aequalibus consolationem in adversis; unde dicit consolamini invicem. Item aedificationem in exemplis; unde dicit et aedificate, et cetera. Rm. XIV, 19: quae aedificationis sunt invicem custodiamus. Subditi autem ad praelatos, primo debent beneficiorum recognitionem, secundo charitatem, tertio pacem. Unde ut noveritis, id est, ut recognoscatis beneficia eorum. He. ult.: mementote praepositorum vestrorum, et cetera. Noveritis, inquam, primo, ex parte eorum, quia maximum laborem ferunt pro vobis. Unde dicit eos qui laborant inter vos, pro bono vestro. II Tm. II, 3: labora sicut bonus miles Christi, et cetera. Secundo ex parte Dei. Et ideo est habenda reverentia ad eos sicut ad Deum. Unde dicit et praesunt vobis in domino, id est, vice Domini. II Cor. II, 10: ego si quid donavi vobis in persona Christi. Tertio ex parte vestra, quia sunt vobis utiles. Unde dicit: et monent vos, ut habeatis, et cetera. Ideo, secundo, debetis eis charitatem abundantius, idest prae aliis. Tertio pacem propter opus illorum. Sed contra hoc quidam agunt. Am V, 10: odio habuerunt in porta corripientem et cetera. Eccli. XIX, 5: qui odit correctionem, minuetur vita. Sed vos habete pacem propter opus correctionis, quod proprie spectat ad eorum officium. Ps. CXIX, 7: dum loquebar illis, impugnabant me gratis.

Lectio 2

Super I Thes., cap. 5 l. 2 Supra ostendit quomodo subditi debent se habere ad praelatos, hic ostendit e converso. Et circa hoc duo facit, quia primo docet quomodo praelati ad sacerdotes subditos se debeant habere; secundo generaliter quomodo se debeant habere ad omnes, ibi videte ne quis. Sciendum est autem, quod cura praelatorum ad duo debet tendere, scilicet ad retrahendum alios a peccatis, et ad custodiendum seipsos. Quantum ad primum, tria apostolus dicit. Tripliciter enim subditi possunt pati defectum. Primo in actu, secundo in voluntate, tertio in virtute. In actu autem, quando prorumpunt in actum peccati, et tunc sunt corrigendi. Et quamvis de omni peccato, specialiter tamen corrigendi sunt de peccato inquietudinis. Et ideo dicit corripite inquietos. II Th. III, 7: non inquieti fuimus inter vos. Eccli. XIX, 17: corripe proximum antequam commineris, et da locum timori. In voluntate vero, quando non aggreditur magna, quia deiicitur propter adversa et peccata praecedentia. Unde dicit consolamini pusillanimes. Pusillanimis est non habens animum ad magna, timens ne deficiat. Is. XXXV, 4: dicite pusillanimis: confortamini et nolite timere. Jb IV, 4: vacillantes confirmaverunt manus tuae, et cetera. In virtute autem, quando vel ex infirmitate peccant, vel debilitantur in bono actu, et isti sunt fovendi. Unde dicit suscipite, scilicet in visceribus charitatis fovendo, infirmos, quorum est virtus debilis, vel ad resistendum malis, vel ad faciendum bona. Rm. XV, 1: debemus nos firmiores, imbecillitates infirmorum sustinere. Praelatus autem debet se custodire a defectu cuiuscumque modi, et maxime ab impatientia quia ipse portat totum pondus multitudinis. Nm. XI, 14: non possum solus sustinere omnem hanc multitudinem, quia gravis est mihi, et cetera. Et ideo dicit patientes estote ad omnes. Pr. XIX, 11: doctrina viri per patientiam noscitur. Ps. XCI, 15: bene patientes erunt, ut annuntient. Deinde cum dicit videte ne quis, ostendit generaliter quomodo se habeant ad omnes. Et circa hoc duo facit, quia primo ostendit qualiter omnes in quibusdam debeant se habere; secundo quid in omnibus, ibi omnia autem. Circa primum tria facit, quia primo ostendit quomodo se debeant habere ad proximum; secundo quomodo se habeant in his quae ad Deum sunt, ibi semper gaudete; tertio quomodo se habeant ad eius dona, ibi spiritum nolite. Quantum ad proximum debent se habere, ut non inferant ei mala, et ut studeant ei benefacere. Unde dicit: dixi supra in speciali, sed nunc in generali dico ne quis malum, et cetera. Ps.: si reddidi retribuentibus mihi mala. Sed contra: multoties vindicta petitur coram iudice. Respondeo. Sicut actus moralis sumitur secundum intentionem finis, sic ad duo potest esse intentio vel ad malum illius, ita quod quiescat ibi, et hoc est illicitum, quia ex livore vindictae; vel ad bonum correctionis seu iustitiae et conservationis reipublicae, et sic non reddit malum pro malo, sed bonum, scilicet eius correctionem. Quantum ad secundum dicit sed semper quod bonum est, et cetera. Et dicit sectamini, et non faciatis: quia tu ex te debes sumere occasionem benefaciendi ad proximum tuum, et non expectare quod ipse det tibi occasionem benefaciendi sibi. Unde Ps. XXXIII, 15: inquire pacem, et persequere eam. Rm. XII, 21: noli vinci a malo, ut scilicet sis tractus ab eo ad malefaciendum, sed vince in bono malum, retrahendo eum ad bonum. Ga. ult.: dum tempus habemus, operemur bonum ad omnes. Deinde cum dicit semper gaudete, ostendit quomodo se debeant habere quoad Deum, ad quem tria oportet habere. Primo gaudere de ipso; unde dicit semper gaudete, scilicet de Deo, quia quicquid malum proveniat est incomparabile bono, quod est Deus. Et ideo nullum malum illud interrumpat; unde dicit semper gaudete. Secundo, orate pro beneficiis suscipiendis, ibi sine intermissione orate. Lc. XVIII, 1: oportet semper orare, et numquam deficere. Sed quomodo potest hoc esse? Respondeo. Dicendum est, quod hoc potest esse tripliciter. Primo quod ille semper orat, qui statutas horas non intermittit. Simile habetur II R. IX, 7: tu comedes panem in mensa mea semper. Secundo sic: semper, id est, continue orate, sed tunc oratio sumitur pro effectu orationis. Est enim oratio interpretatio seu explicatio desiderii, quia quando desidero aliquid, tunc illud orando peto. Unde et oratio est petitio decentium a Deo, et ideo desiderium habet vim orationis. Ps. IX, 38: desiderium pauperum exaudivit Dominus. Omnia ergo quae facimus, ex desiderio proveniunt. Ergo oratio in bonis quae facimus, manet in virtute, quia bona quae facimus, ex desiderio bono proveniunt. Glossa: non cessat orare, qui non cessat benefacere. Tertio quo ad causam orationis, scilicet faciendo eleemosynam. In vitis patrum: ille semper orat, qui eleemosynas dat, quia qui eleemosynam accepit, orat pro te, etiam te dormiente. Item tertio, orare pro beneficiis suscipiendis et gratias agere pro susceptis, ideo dicit in omnibus, scilicet bonis et adversis, gratias agite. Rm. VIII, 28: diligentibus Deum omnia cooperantur in bonum. Col. II, 7: abundantes in illo in gratiarum actione. Ph. IV, 6: cum gratiarum actione. Haec est enim voluntas, et cetera. I Tm. II, 4: qui vult omnes homines salvos fieri, et ad agnitionem veritatis venire. Deinde cum dicit spiritum nolite, etc., ostendit quomodo se habeant ad dona Dei. Et primo quod ea non impediant; secundo quod ea non contemnant, ibi prophetias. Spiritus autem sanctus est persona divina incorruptibilis et aeterna, unde in sua substantia extingui non potest. Sed tamen dicitur quis extinguere spiritum, uno modo, fervorem eius extinguendo, vel in se, vel in alio. Rm. XII, 11: spiritu ferventes. Cum enim aliquis aliquid boni ex fervore Spiritus Sancti vult facere, vel etiam cum aliquis bonus motus surgit, et ipse impedit, extinguit spiritum sanctum. Ac. VII, 51: vos semper Spiritui Sancto restitistis. Alio modo, mortaliter peccando. Spiritus enim sanctus in se semper vivit, sed in nobis vivit quando facit nos in se vivere; sed quando quis peccat mortaliter, non vivit in ipso Spiritus Sanctus. Sg. I, 5: Spiritus enim Sanctus disciplinae effugiet fictum, et cetera. Tertio modo, occultando, quasi dicat: si donum spiritus sancti habetis, utimini eo ad utilitatem proximorum. Eccli. XX, 32: sapientia abscondita et thesaurus invisus, quae utilitas in utrisque? Mt. V, 15: nemo accendit lucernam, et ponit eam sub modio, et cetera. Prophetias nolite spernere. Aliqui enim apud istos spiritu prophetiae erant pollentes, qui ab istis reputabantur insani. I Cor. XIV, 1: aemulamini spiritualia, magis autem ut prophetetis. Vel prophetias, id est, divinam doctrinam. Exponentes enim divinam doctrinam dicuntur prophetae; quasi dicat: non spernatis verba Dei et praedicationes. Hier. XX, 8: factus est sermo Domini in opprobrium et in derisum tota die. Deinde cum dicit omnia autem probate, ostendit qualiter se habeant ad omnia, et unum est, quod in omnibus utantur discretione. Rm. XII, 1: rationabile obsequium vestrum. In hac materia debet esse diligens examinatio, boni electio, mali abiectio. Quantum ad primum dicit prophetias nolite spernere, tamen, omnia probate, scilicet quae sunt dubia. Manifesta enim examinatione non indigent. I Jn. IV, 1: omni spiritui nolite credere. Jb XII, 8: nonne auris verba diiudicat? Quantum ad secundum dicit quod bonum est tenete. Ga. IV, 18: bonum autem aemulamini in bono semper. Quantum ad tertium dicit ab omni specie mala abstinete vos. Is. VII, 15: ut sciat reprobare malum et eligere bonum. Et dicit, specie, quia etiam quae habent similitudinem malitiae vitare debemus, quae scilicet non possemus servare coram hominibus absque scandalo eorum. Deinde cum dicit ipse autem, subdit orationem, et circa hoc tria facit, quia primo orat pro eis; secundo dat spem de exauditione; tertio dat speciales monitiones. Dicit ergo: ita moneo, sed nihil valet, nisi Deus gratiam det. Unde ipse Deus pacis sanctificet vos. Lv. XXI, 8: ego Dominus, qui sanctifico vos, et cetera. Per omnia, id est, ut sitis totaliter sancti. Et hoc ut integer, et cetera. Occasione enim verborum istorum dixerunt quidam quod in homine aliud est spiritus, et aliud anima, ponentes duas in homine animas, unam quae animat, aliam quae ratiocinatur. Et haec sunt reprobata in ecclesiasticis dogmatibus. Unde sciendum quod haec non differunt secundum essentiam, sed secundum potentiam. In anima enim nostra sunt quaedam vires, quae sunt actus corporalium organorum, sicut sunt potentiae sensitivae partis. Aliae sunt, quae non sunt actus talium organorum, sed sunt abstractae ab eis, sicut sunt potentiae intellectivae partis. Et hae dicuntur spiritus, quasi immateriales et separatae aliquo modo a corpore, inquantum non sunt actus corporis, et dicuntur etiam mens. Ep. IV, 23: renovamini spiritu mentis vestrae. Inquantum autem animat, dicitur anima, quia hoc est ei proprium. Et loquitur hic Paulus proprie. Nam ad peccandum tria concurrunt: ratio, sensualitas et executio corporis. Optat ergo, quod in nullo horum sit peccatum. Non in ratione; unde dicit ut spiritus, id est, mens vestra, servetur integer. In omni enim peccato ratio corrumpitur, secundum quod omnis malus est ignorans. Item nec in sensualitate, unde dicit anima. Item nec in corpore; et ideo dicit et corpus. Hoc autem fit sic, quando servatur immune a peccato. Et dicit sine querela, non sine peccato, quod est solius Christi; sed esse sine querela est etiam aliorum, qui etsi venialia, non tamen committunt gravia, et quibus proximus scandalizatur. Lc. I, 6: incedentes in omnibus mandatis et iustificationibus Domini sine querela. Et addit in adventu, etc., scilicet perdurando usque in finem vitae. Vel integer spiritus refertur ad donum spiritus sancti, quasi dicat: donum Spiritus Sancti, quod habetis, sit integrum. Deinde cum dicit fidelis, etc., dat spem exauditionis; quasi dicat: ut ego spero, sic fiet, quia et ipse qui vocavit faciet, id est, complebit. Ps. CXLIV, 13: fidelis Dominus in omnibus verbis suis, et cetera. Rm.VIII, 30: quos vocavit, hos et iustificavit, et cetera. Ultimo subiungit familiares monitiones, scilicet orationem, ibi orate; item mutuam pacem, ibi salutate omnes fratres in osculo sancto, non proditorio, sicut Iudas Mt. XXVI, 49 nec libidinoso, ut libidinosa mulier Pr. VII, 10. Ut legatur, et cetera. Timebat enim ne praelati propter aliqua quae erant hic, eam occultarent. Pr. XI, 26: qui abscondit frumenta, maledicetur in populis, et cetera. Ultimo concludit epistolam in salutatione.


 


 

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Saints Cyrille et Méthode évêques et confesseurs

7 Juillet 2023 , Rédigé par Ludovicus

Saints Cyrille et Méthode évêques et confesseurs

Collecte

Dieu tout puissant et éternel, vous avez accordé aux peuples slaves d’arriver à la connaissance de votre nom, par le ministère de vos bienheureux Pontifes et Confesseurs Cyrille et Méthode : faites que mettant notre gloire à célébrer leur fête, nous soyons associés à leur sort commun.

Office

Au deuxième nocturne.

De l’Encyclique du Pape Léon XIII

Quatrième leçon. Cyrille et Méthode étaient frères. Nés à Thessalonique de très nobles parents, ils se rendirent de bonne heure à Constantinople pour étudier les arts libéraux dans cette capitale de l’Orient. L’un et l’autre firent de grands progrès en peu de temps ; Cyrille surtout acquit dans les sciences une telle réputation, qu’on lui décernait, par une considération singulière, le surnom de philosophe. Méthode commença à mener la vie monastique. De son côté, Cyrille s’attira tant d’estime, que l’impératrice Théodora, sur le conseil du Patriarche Ignace, lui confia la mission d’initier au christianisme les Khazares, qui habitaient au delà de la Chersonèse. Instruits par sa parole et touchés par la grâce de Dieu, ces peuples, délivrés d’une foule de superstitions, s’attachèrent bientôt à Jésus-Christ. Lorsque la nouvelle communauté de chrétiens fut parfaitement constituée, Cyrille se hâta de revenir à Constantinople pour se retirer au monastère de Polychrone, où Méthode se trouvait déjà. Mais pendant ce temps, la renommée faisait connaître à Ratislas, prince de Moravie, les succès obtenus au delà de la Chersonèse, et ce prince demanda quelques ouvriers évangéliques à Michel III, empereur de Constantinople. Cyrille et Méthode furent destinés à cette mission, et ce fut avec une grande joie qu’on les accueillit à leur arrivée en Moravie. Ils entreprirent avec tant d’énergie et d’activité de faire pénétrer dans les esprits les enseignements chrétiens, que bientôt la nation entière se donna volontiers à Jésus-Christ. Pour arriver à ce résultat, la connaissance de la langue slave, que Cyrille avait acquise auparavant, lui fut d’un grand secours ; comme aussi les saintes lettres de l’Ancien et du Nouveau Testament, qu’il traduisit dans l’idiome propre à ce peuple. Cyrille et Méthode sont en effet les inventeurs des caractères de la langue slave, et c’est à juste titre qu’on regarde ces deux Saints comme les auteurs de cette langue.

Cinquième leçon. Le bruit de ces grandes actions se répandit promptement jusqu’à Rome, et le Pape saint Nicolas 1er ordonna aux deux illustres frères de se rendre en cette ville. Ils prirent le chemin de Rome, portant avec eux les reliques du Pape saint Clément 1er, que Cyrille avait découvertes en Chersonèse. A cette nouvelle, Adrien II, qui avait remplacé Nicolas récemment décédé, alla au-devant d’eux en grande pompe, accompagné du clergé et du peuple. Cyrille et Méthode rendirent compte au souverain Pontife, en présence du clergé, de la charge apostolique qu’ils avaient remplie si saintement et si laborieusement. Comme ils étaient accusés par des envieux de s’être servis de la langue slave dans l’accomplissement des saints Mystères, ils apportèrent pour se défendre des raisons si décisives et si lumineuses, qu’ils eurent l’approbation et les félicitations du Pape et de l’assistance. Tous deux s’étant alors engagés sous serment à persévérer dans la foi du bienheureux Pierre et des Pontifes romains, ils furent consacrés Évêques par Adrien. Mais la divine Providence avait décidé que Cyrille, plus mûr par la vertu que par l’âge, terminerait à Rome le cours de sa vie. Le corps du défunt, enlevé de sa demeure au milieu des témoignages d’un deuil public, fut déposé dans le tombeau qu’Adrien s’était fait construire à lui-même, puis transporté à la basilique de saint Clément et enseveli près des reliques de ce saint Pape. En portant ce corps à travers la Ville, au chant solennel des Psaumes, avec une pompe qui ressemblait plus à un triomphe qu’à des funérailles, le peuple romain sembla avoir décerné à cet homme très saint les prémices des honneurs célestes. Méthode, retourné en Moravie et s’y faisant de cœur le modèle du troupeau, s’appliqua de jour en jour avec plus de zèle à servir les intérêts catholiques. Bien plus, il affermit dans la foi chrétienne les Pannoniens, les Bulgares et les Dalmates, et travailla beaucoup à convertir les populations de Carinthie au culte du seul vrai Dieu.

Sixième leçon. Accusé, auprès de Jean VIII, successeur d’Adrien, d’avoir altéré la foi et changé les coutumes établies, il fut appelé à Rome pour se justifier devant le Pape, les Évêques et quelques membres du clergé romain. Méthode démontra facilement, et sa fidélité à conserver la foi catholique, et son zèle à l’enseigner aux autres ; quant à l’emploi de la langue slave dans les rites sacrés, il fit voir qu’il avait agi légitimement, pour de sérieux motifs et avec la permission du Pape Adrien, et que d’ailleurs rien dans les Écritures ne s’y opposait. C’est pourquoi le Pontife romain prit alors le parti de Méthode et ordonna de reconnaître son pouvoir archiépiscopal et sa délégation chez les Slaves ; il publia même une lettre à cet effet. De retour en Moravie, Méthode continua de remplir de plus en plus soigneusement la charge qui lui était confiée) et souffrit même l’exil de bon cœur à ce sujet. Il amena le prince des Bohèmes et son épouse à la foi, et répandit de tous côtés dans cette nation le nom chrétien. Ayant porté la lumière de l’Évangile en Pologne, et établi à Léopol un siège épiscopal, il pénétra, au rapport de quelques historiens, dans la Moscovie proprement dite, et fonda l’évêché de Kiev ; enfin il revint en Moravie parmi les siens, et là, sentant approcher la fin de sa carrière, il désigna lui-même son successeur. Ayant exhorté le clergé et le peuple à la vertu, par de suprêmes recommandations, il termina en grande paix cette vie qui avait été pour lui le chemin du ciel. La Moravie entoura ses funérailles des mêmes honneurs que Rome avait rendus à Cyrille. Le souverain Pontife Léon XIII a ordonné que leur Fête, depuis longtemps solennisée parmi les peuples slaves, serait célébrée annuellement dans l’Église universelle avec un Office et une Messe propres.

Au troisième nocturne.

Homélie de saint Grégoire, Pape. Hom. 17 in Evangelia

Septième leçon. Notre Seigneur et Sauveur nous instruit, mes bien-aimés frères, tantôt par ses paroles, et tantôt par ses œuvres. Ses œuvres elles-mêmes sont des préceptes, et quand il agit, même sans rien dire, il nous apprend ce que nous avons à faire. Voilà donc que le Seigneur envoie ses disciples prêcher ; il les envoie deux à deux, parce qu’il y a deux préceptes de la charité : l’amour de Dieu et l’amour du prochain, et qu’il faut être au moins deux pour qu’il y ait lieu de pratiquer la charité. Car, à proprement parler, on n’exerce pas la chanté envers soi-même ; mais l’amour, pour devenir charité, doit avoir pour objet une autre personne.

Huitième leçon. Voilà donc que le Seigneur envoie ses disciples deux à deux pour prêcher ; il nous fait ainsi tacitement comprendre que celui qui n’a point de charité envers le prochain ne doit en aucune manière se charger du ministère de la prédication. C’est avec raison que le Seigneur dit qu’il a envoyé ses disciples devant lui, dans toutes les villes et tous les lieux où il devait venir lui-même. Le Seigneur suit ceux qui l’annoncent. La prédication a lieu d’abord ; et le Seigneur vient établir sa demeure dans nos âmes, quand les paroles de ceux qui nous exhortent l’ont devancé, et qu’ainsi la vérité a été reçue par notre esprit.

Neuvième leçon. Voilà pourquoi Isaïe a dit aux mêmes prédicateurs : « Préparez la voie du Seigneur ; rendez droits les sentiers de notre Dieu ». A son tour le Psalmiste dit aux enfants de Dieu : « Faites un chemin à celui qui monte au-dessus du couchant ». Le Seigneur est en effet monté au-dessus du couchant ; car plus il s’est abaissé dans sa passion, plus il a manifesté sa gloire en sa résurrection. Il est vraiment monté au-dessus du couchant : car, en ressuscitant, il a foulé aux pieds la mort qu’il avait endurée. Nous préparons donc le chemin à Celui qui est monté au-dessus du couchant quand nous vous prêchons sa gloire, afin que lui-même, venant ensuite, éclaire vos âmes par sa présence et son amour.

Il convenait que l’Octave des Princes des Apôtres ne s’éloignât point, sans qu’apparussent au Cycle sacré quelques-uns des satellites glorieux qui empruntent d’eux leur lumière à travers les siècles. Deux astres jumeaux se lèvent au ciel de la sainte Église, illuminant des feux de leur apostolat d’immenses contrées. Partis de Byzance, on croirait tout d’abord que leur évolution va s’accomplir indépendante des lois que l’ancienne Rome a puissance de dicter aux mouvements des cieux, dont il est dit qu’ils racontent la gloire de Dieu et les œuvres de ses mains. Mais saint Clément Ier, dont les reliques sont tirées par eux d’une obscurité de huit siècles, incline leur marche vers la cité maîtresse ; et bientôt on les voit graviter avec un éclat incomparable dans l’orbite de Pierre, manifestant une fois de plus au monde que toute vraie lumière, dans l’ordre du salut, rayonne uniquement du Vicaire de l’Homme-Dieu. Alors aussi, une fois de plus, se réalise magnifiquement la parole du Psaume, que tout idiome et toute langue entendra la voix des messagers de la lumière.

Au subit et splendide épanouissement de la Bonne Nouvelle qui marqua le premier siècle de notre ère, avait succédé le labeur du second apostolat, chargé par l’Esprit-Saint d’amener au Fils de Dieu les races nouvelles appelées par la divine Sagesse à remplacer l’ancien monde. Déjà, sous l’influence mystérieuse de la Ville éternelle s’assimilant par un triomphe nouveau ceux qui l’avaient vaincue, une autre race latine s’était formée des barbares mêmes dont l’invasion, comme un déluge, semblait avoir pour jamais submergé l’Empire. L’accession des Francs au baptême, la conversion des Goths ariens et de leurs nombreux frères d’armes achevaient à peine cette transformation merveilleuse, que les Anglo-Saxons, puis les Germains, suivis bientôt des Scandinaves, venaient, sous la conduite des moines Augustin, Boniface et Anschaire, frapper eux-mêmes aux portes de l’Église. A la voix créatrice des apôtres nouveaux, l’Europe apparaissait, sortant des eaux de la fontaine sacrée.

Cependant, le mouvement continu de la grande émigration des peuples avait amené sur les rives du Danube une famille dont le nom commençait, au IXe siècle, à fixer l’attention du monde. Entre l’Orient et l’Occident, les Slaves, mettant à profit la faiblesse des descendants de Charlemagne et les révolutions de la cour de Byzance, tendaient à ériger leurs tribus en principautés indépendantes de l’un et l’autre empire. C’était l’heure que la Providence avait choisie, pour conquérir au christianisme et à la civilisation une race jusque-là sans histoire. L’Esprit de la Pentecôte se reposait sur les deux saints frères que nous fêtons en ce jour. Préparés par la vie monastique à tous les dévouements, à toutes les souffrances, ils apportaient à ces peuples qui cherchaient à sortir de leur obscurité passée, les premiers éléments des lettres et la connaissance des nobles destinées auxquelles le Dieu Sauveur conviait les hommes et les nations. Ainsi la race Slave devenait digne de compléter la grande famille européenne, et Dieu, dans cette Europe objet des éternelles prédilections, lui concédait l’espace plus largement qu’il ne l’avait fait pour ses devancières.

Heureuse, si toujours elle s’était tenue attachée à cette Rome qui, dans les rivalités dont ses origines eurent à subir l’assaut, l’avait si grandement aidée ! Rien, en effet, ne seconda plus ses aspirations à l’indépendance que la faveur d’une langue spéciale dans les rites sacrés, obtenue pour elle du Siège de Pierre par ses deux apôtres. Les réclamations de ceux qui prétendaient la garder sous leurs lois montrèrent assez, dès lors, la portée politique d’une concession aussi insolite qu’elle était décisive pour consacrer dans ces régions l’existence d’un peuple nouveau, distinct à la fois des Germains et des Grecs.

L’avenir le devait mieux prouver encore. Si aujourd’hui, des Balkans à l’Oural, des rivages grecs aux bords glacés de l’Océan du Nord, la race Slave s’étend, toujours forte, irréductible aux invasions, maintenant, au sein des empires qui ont pu la terrasser un jour, ce dualisme que le peuple vainqueur doit se résigner à porter en ses flancs comme une menace toujours vivante à travers les siècles : un tel phénomène, qui ne se retrouve point ailleurs en pareille mesure, est le produit de la démarcation puissante opérée il y a mille ans, entre cette race et le reste du monde, par l’introduction dans la Liturgie de sa langue nationale. Devenu sacré par cet usage, le Slavon primitif ne connut point les variations inhérentes aux idiomes des autres nations ; tout en donnant naissance aux dialectes variés de divers peuples issus de la souche commune, il resta le même, suivant les moindres tribus slaves dans les péripéties de leur histoire et continuant, pour le plus grand nombre, de les grouper à part de toutes autres au pied des autels. Belle unité, gloire de l’Église, si le désir, si l’espérance des deux Saints qui l’avaient établie sur le roc immuable, avaient pu l’y maintenir ! Arme terrible au service de la tyrannie, si jamais Satan la faisait tomber parle schisme entre les mains de quelqu’un des suppôts de l’enfer. Mais ces considérations nous entraîneraient trop loin.

En inscrivant la solennité des saints Cyrille et Méthodius au calendrier universel, le Souverain Pontife Léon XIII a voulu donner lui-même leur expression aux hommages et prières de l’Église, dans les deux Hymnes de la fête (voir plus haut à l’Office).

A cet auguste hommage nous joignons nos vœux, ô saints frères. Avec le Pontife suprême, nous osons chanter vos louanges, et vous recommander l’immense portion de l’héritage du Christ où vos sueurs firent germer, à la place des ronces, les fleurs de la sainteté. Préparés dans la solitude à toute œuvre bonne et utile au Seigneur, vous ne craignîtes point d’aborder les premiers ces régions inconnues, l’effroi du vieux monde, ces terres de l’aquilon où les Prophètes avaient signalé le trône de Satan, la source intarissable des maux ravageant l’univers. L’appel de l’Esprit-Saint vous faisait apôtres, et les Apôtres ayant reçu ordre d’enseigner toutes les nations vous alliez, dans la simplicité de votre obéissance, à celles qui n’étaient pas encore évangélisées. Cette obéissance, Rome, c’était son devoir, voulut l’éprouver, et reconnut qu’elle était sans alliage. Satan aussi le reconnut, à sa défaite ; car l’Écriture avait dit : « L’homme obéissant racontera ses victoires ». Autre puissance qui fut la vôtre, et que nous révèle encore l’Écriture, disant : « Le frère aidé par le frère est comme une ville forte, et leurs conseils sont comme les barres des portes des villes ». Chassé par plus fort que lui, le fort armé vit donc avec rage passer au Christ le domaine qu’il croyait posséder la paix, et ses dernières dépouilles, les peuples de l’aquilon, devenir comme ceux du midi l’ornement de l’Épouse. Louez le Seigneur, toutes les nations ; louez-le, tous les peuples : toute langue confesse le Seigneur Jésus-Christ ! Comme monument de la victoire, le septénaire des langues sacrées se complète en ce jour. Mais, ô Méthodius, ô Cyrille, au milieu même des Hymnes saintes que vous dédiait le Pontife souverain, un cri d’alarme a retenti : « Gardez à Dieu les peuples Slaves ! Il est urgent à vous de protéger vos dons. » Levez vos yeux, pourrions-nous en effet dire avec le prophète ; considérez, vous qui venez de l’aquilon : où est le troupeau qui vous fut donné, ce troupeau magnifique ? Quoi donc ! Est-ce contre vous que vous l’avez instruit ? L’avez-vous armé pour votre perte ? Profondeurs de Satan! le prince de l’aquilon a trop su réparer sa défaite ; et vos bienfaits, et la condescendance de Pierre, sont devenus par ses soins une arme de mort pour ces peuples auxquels vous aviez donné la vie. Détournée de sa voie, l’unité sainte que vous aviez fondée s’est traduite de nos jours, en caractères de sang, dans la formule d’un hideux panslavisme. Entre Byzance déjà de vos temps travaillée par le schisme, et l’Occident latin que l’hérésie devait lui-même plus tard affaiblir et démembrer, elle pouvait être, à son heure, un appui pour l’Église, un espoir de salut pour le monde. Perspectives séduisantes, que votre cœur sans doute avait rêvées, et qui, hélas ! ont abouti à ces atroces persécutions, scandale de nos temps, opprobre de la terre.

Réconfortez les exilés, soutenez les martyrs, gardez les restes d’un peuple de héros ; écartez de quelques autres la fatale illusion qui les solliciterait à courir d’eux-mêmes au-devant de la tyrannie ; pour tous que luise enfin le jour des justices du Seigneur, mais bien plutôt s’il se peut, tout est possible à Dieu, celui de sa miséricorde, assez puissante pour changer les bourreaux sans frustrer leurs victimes. Serait-il donc arrêté que le poids des crimes d’un grand empire a trop fait pencher la balance du côté de la condamnation, pour que ses chefs ouvrent maintenant les yeux, et comprennent quel rôle pourrait être le leur en l’état présent du monde, si Pierre, qui leur tend les bras, voyait revenir à lui l’immense troupeau que paralyse le schisme ? Apôtres des Slaves, et en même temps citoyens de cette Rome où reposent près de celles de Clément vos reliques saintes, aidez les efforts du Pontife suprême cherchant à replacer sur la base où vous l’aviez établi l’édifice qui fut votre gloire.

 

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CE QUE BENOIT XVI A OMIS DE DIRE, PAR PRUDENCE DE LA CHAIR ET MANQUE DE CHARITÉ À LA RÉUNION MAÇONNIQUE D’ASSISE

5 Juillet 2023 , Rédigé par Ludovicus

CE QUE BENOIT XVI A OMIS DE DIRE, PAR PRUDENCE DE LA CHAIR ET MANQUE DE CHARITÉ À LA RÉUNION MAÇONNIQUE D’ASSISE

LE CHRIST EST LA TÊTE DE TOUS LES HOMMES

Respondeo dicendum quod haec est differentia inter corpus hominis naturale et corpus Ecclesiae mysticum, quod membra corporis naturalis sunt omnia simul, membra autem corporis mystici non sunt omnia simul, neque quantum ad esse naturae, quia corpus Ecclesiae constituitur ex hominibus qui fuerunt a principio mundi usque ad finem ipsius; neque etiam quantum ad esse gratiae, quia eorum etiam qui sunt in uno tempore, quidam gratia carent postmodum habituri, aliis eam iam habentibus. Sic igitur membra corporis mystici non solum accipiuntur secundum quod sunt in actu, sed etiam secundum quod sunt in potentia. Quaedam tamen sunt in potentia quae nunquam reducuntur ad actum, quaedam vero quae quandoque reducuntur ad actum, secundum hunc triplicem gradum, quorum unus est per fidem, secundus per caritatem viae, tertius per fruitionem patriae. Sic ergo dicendum est quod, accipiendo generaliter secundum totum tempus mundi, Christus est caput omnium hominum, sed secundum diversos gradus. Primo enim et principaliter est caput eorum qui actu uniuntur sibi per gloriam. Secundo, eorum qui actu uniuntur sibi per caritatem. Tertio, eorum qui actu uniuntur sibi per fidem. Quarto vero, eorum qui sibi uniuntur solum potentia nondum ad actum reducta, quae tamen est ad actum reducenda, secundum divinam praedestinationem. Quinto vero, eorum qui in potentia sibi sunt uniti quae nunquam reducetur ad actum, sicut homines in hoc mundo viventes qui non sunt praedestinati. Qui tamen, ex hoc mundo recedentes, totaliter desinunt esse membra Christi, quia iam nec sunt in potentia ut Christo uniantur. IIIª q. 8 a. 3 co.

 

COROLLAIRES

  • Le désir de voir Dieu est la fin naturelle de l’homme et aucun désir naturel ne peut être vain. C’est le désir de connaître la Cause première, l’origine, qui doit être commun à toutes les créatures capables de raison. La fin est le désir de connaissance de l’origine, Alpha et Omega, désir de la Sagesse, de la Bonté, de la Perfection du Principe, du Premier Moteur de Dieu, désir inscrit au cœur de l’homme.

Planum igitur fit quod ea etiam quae cognitione carent, possunt operari propter finem; et appetere bonum naturali appetitu; et appetere divinam similitudinem; et propriam perfectionem. Non est autem differentia sive hoc sive illud dicatur. Nam per hoc quod tendunt in suam perfectionem, tendunt ad bonum: cum unumquodque in tantum bonum sit in quantum est perfectum. Secundum vero quod tendit ad hoc quod sit bonum, tendit in divinam similitudinem: Deo enim assimilatur aliquid inquantum bonum est. Bonum autem hoc vel illud particulare habet quod sit appetibile inquantum est similitudo primae bonitatis. Propter hoc igitur tendit in proprium bonum, quia tendit in divinam similitudinem, et non e converso. Unde patet quod omnia appetunt divinam similitudinem quasi ultimum finem. Contra Gentiles, lib. 3 cap. 24 n. 6

 

Omnis intellectus naturaliter desiderat divinae substantiae visionem.

Naturale autem desiderium non potest esse inane.

Quilibet igitur intellectus creatus potest pervenire ad divinae substantiae visionem, non impediente inferioritate naturae. Contra Gentiles, lib. 3 cap. 57 n. 4

 

  • Tous désirent la béatitude qui consiste en la satisfaction totale de la volonté, mais tous ne connaissent pas ce qu’est, en vérité, la béatitude, ce qui est vraiment capable de rassasier la volonté.

 

Beatitudo dupliciter potest considerari. Uno modo, secundum communem rationem beatitudinis. Et sic necesse est quod omnis homo beatitudinem velit. Ratio autem beatitudinis communis est ut sit bonum perfectum, sicut dictum est. Cum autem bonum sit obiectum voluntatis, perfectum bonum est alicuius, quod totaliter eius voluntati satisfacit. Unde appetere beatitudinem nihil aliud est quam appetere ut voluntas satietur. Quod quilibet vult. Alio modo possumus loqui de beatitudine secundum specialem rationem, quantum ad id in quo beatitudo consistit. Et sic non omnes cognoscunt beatitudinem, quia nesciunt cui rei communis ratio beatitudinis conveniat. Et per consequens, quantum ad hoc, non omnes eam volunt. Iª-IIae Q 5 a. 8 co.

 

Utrum creaturae sint propter bonitatem Dei

Respondeo dicendum, quod finis et agens proportionantur ad invicem, sicut materia et forma. Unde secundum differentiam agentis est differentia finis. Est autem duplex agens. Quoddam quod suscipienti suum effectum est proportionatum; unde formam ejusdem speciei vel rationis in effectum inducit, sicut in omnibus agentibus univocis, ut ignis generat ignem, et domus quae est in anima artificis, causat domum quae est in materia. Quoddam vero agens non est proportionatum recipienti suum effectum. Unde effectus non consequitur speciem agentis, sed aliquam similitudinem ejus quantum potest, sicut est in omnibus agentibus aequivoce, ut sol calefacere dicitur. Ita etiam est duplex finis. Quidam proportionatus ei quod est ad finem; et talis finis acquiritur ut perfectio in eo quod ad finem est, sicut sanitas per operationem medicinae. Est etiam quidam finis improportionabiliter excedens illud quod est ad finem: et hic non acquiritur ut perfectio inhaerens ei quod est ad finem, sed aliqua similitudo ejus; et talis finis est divina bonitas in infinitum creaturas excedens; et ideo non acquiritur in creatura secundum se, ita ut sit forma ejus; sed aliqua similitudo ejus quae est in participatione alicujus bonitatis; et ideo omnis appetitus naturae vel voluntatis tendit in assimilationem divinae bonitatis, et in ipsammet tenderet, si esset possibilis haberi ut perfectio essentialis, quae est forma rei. Sed tamen ipsamet divina bonitas potest acquiri a creatura rationali ut perfectio quae est objectum operationis, inquantum rationalis creatura possibilis est ad videndum et amandum Deum. Et ideo singulari modo Deus est finis in quem tendit creatura rationalis praeter modum communem quo tendit in ipsum omnis creatura, inquantum scilicet omnis creatura desiderat aliquod bonum, quod est similitudo quaedam divinae bonitatis. Et ex hoc patet quod in omni bono summum bonum desideratur. Super Sent., lib. 2 d. 1 q. 2 a. 2 co.

Beata gens. Supra hortatus est justos ad jucunditatem; hic ponit eorum dignitatem: et circa hoc duo facit. Primo enim proponit eorum dignitatem; secundo probat, ibi, in caelo. Dignitas sanctorum maxima est; quia ipsi soli perveniunt ad quod omnes homines naturaliter desiderant. Si unus vel pauci pervenirent ad unum ad quod omnes pervenire desiderarent, hoc esset magna dignitas. Omnes autem desiderant tendere ad beatitudinem, ad quam tamen soli justi perveniunt, quia eam consequentur in futuro perfecte, nunc vero inchoative et in spe. Ergo dignitas justorum est magna. Circa eorum beatitudinem hic inchoatam et in futuro perficiendam, duo tangit: materiam scilicet et causam, ibi, populus. Dicit ergo, beata gens. De beatitudine diversi diversa senserunt. Et secundum diversas opiniones de hac sunt diversae sectae philosophorum. Quidam enim posuerunt eam in bonis corporalibus, sicut Epicurus. Quidam in operibus activae vitae, ut Stoici. Quidam in veritatis contemplatione, ut Peripatetici. Quaerere beatitudinem in eo quod est infra nos, est vanum, quia beatitudo est supra nos. Quod autem est supra nos, hoc est Deus. Ergo beatitudo hominis est inhaerere Deo. Unumquodque enim perfectum est, si inhaeret proprio bono. Proprium autem bonum hominis est Deus. Ps. 72: mihi autem adhaerere Deo bonum est. Deo autem potest quis inhaerere mente, scilicet intellectu et voluntate, non sensu, quia hic etiam brutis est communis. Dupliciter ergo inhaeret homo Deo: scilicet per intellectum contemplando et cognoscendo, et per affectum amando. Et quia haec imperfecta sunt in via, perfecta vero in patria; ideo hic beatitudo est imperfecta, ibi perfecta. Et ideo dicit, beata gens. Et quare? Quia Dominus est Deus ejus, idest habet Deo mentem conjunctam. Propterea, beatus populus cujus est Dominus Deus ejus. He. 11: non confunditur Deus vocari Deus eorum. Sed quae causa est ejus? Numquid natura, fortuna, vel propria virtus? Non. Sed electio divina. Jn. 15: non vos me elegistis, sed ego elegi vos. Item ibidem 6: nemo potest venire ad me, nisi Pater meus qui misit me, traxerit eum. Et ideo subdit, populus quem elegit; quasi dicat, ideo beati, quia a Deo electi. Ep. 1: elegit nos in Ipso ante mundi constitutionem. Et hoc, in hereditatem, idest ut ipsi simus ejus hereditas. Hereditas importat stabilem possessionem. Deus autem possidet omnia per Dominum. Sed soli justi subduntur ei per voluntatem: unde in hereditatem eos elegit, idest ad habendam justitiam sempiternam. Sg. 1: justitia perpetua est et immortalis. Is. 19: hereditas mea Israel. Dominus ergo Deus eorum quia eo fruuntur. Et ipsi sunt hereditas Dei, quia ei subjiciuntur. Super Psalmo 32 n. 11

Contrairement à Saint Pierre, qui le jour de la Pentecôte, enflammé par le Saint-Esprit, prêche sans peur à la foule homicide des juifs assemblée à Jérusalem, Benoît XVI fait, à Assise, l’apologie implicite de l’esclavage, esclavage au sein des fausses religions, esclavage de l’erreur, esclavage aux faux dieux suppôts du démon. Apologie de l’esclavage, et donc mépris parfait de la charité de Dieu, qui a envoyé son Fils unique mourir sur la Croix pour le salut des hommes, mépris de la charité fraternelle, qui ne peut que désirer libérer ses frères du joug de l’erreur et du vice. Il omet de dire à tous ces impies, qu’il n’y a qu’une seule Vérité, qu’une seule Voie, qu’un seul Nom qui peut donner la Vie véritable, il oubli de leur parler de Jésus-Christ seul Sauveur, seul Médiateur entre le vrai Dieu, la Sainte Trinité, et les hommes.

 

Selon l’adage scolastique agere sequitur esse tout catholique sensé peut alors se poser les questions : qui est Benoit XVI ? Quel Dieu honore-t-il ?

 


 

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Saint Antoine-Marie Zaccaria confesseur

5 Juillet 2023 , Rédigé par Ludovicus

Saint Antoine-Marie Zaccaria confesseur

Collecte

Faites-nous, Seigneur, la grâce d’apprendre selon l’esprit de l’Apôtre Paul la science suréminente de Jésus-Christ dont le bienheureux Antoine-Marie fut merveilleusement instruit, lui qui rassembla dans votre Église de nouvelles familles de clercs et de religieuses.

Office

Quatrième leçon. Antoine-Marie Zaccaria, né de famille noble à Crémone dans le Milanais fit pressentir dès son enfance sa sainteté future. On vit en effet briller en lui de bonne heure les indices de vertus éminentes, de piété envers Dieu et la bienheureuse Vierge, d’une remarquable charité, surtout à l’égard des pauvres dont il soulagea plus d’une fois la misère, même en se dépouillant pour eux de ses riches vêtements. Après avoir fait ses humanités dans son pays natal, puis sa philosophie à Pavie, il se livra à l’étude de la médecine à Padoue ; et comme il se distinguait entre tous ses condisciples par l’intégrité de sa vie, il les surpassait facilement aussi par la pénétration de son esprit. Ayant conquis ses grades et regagné la maison paternelle, il y comprit, sur un avertissement de Dieu, qu’il était appelé à guérir les maladies des âmes, plutôt que celles des corps, et s’appliqua aussitôt avec le plus grand soin à l’acquisition des sciences sacrées, sans cesser néanmoins de visiter les malades, de donner l’instruction religieuse aux enfants, de réunir des jeunes gens pour cultiver en eux la piété et d’exhorter aussi les personnes avancées en âge à réformer leurs mœurs. Ordonné prêtre, il parut, dit-on, aux yeux du peuple émerveillé, entouré d’une lumière céleste et d’une couronne d’anges, la première fois qu’il offrit le saint Sacrifice. A partir de cette époque, il se mit à pourvoir, avec un zèle plus ardent encore, au salut des âmes et à combattre de toutes ses forces la dépravation des mœurs. Accueillant avec une tendresse paternelle les étrangers, les pauvres et les affligés, il les relevait et les consolait si bien par ses douces paroles et ses secours, que sa maison était regardée comme le refuge des malheureux et qu’il mérita d’être appelé par ses concitoyens le père et l’ange de la patrie.

Cinquième leçon. Pensant que les intérêts chrétiens seraient servis avec plus de fruit s’il s’adjoignait des compagnons pour travailler avec lui à la vigne du Seigneur, il communiqua, dans la ville de Milan, son dessein à Barthélémy Ferrari et à Jacques Morigia, personnages d’une haute noblesse et d’une grande sainteté, et il jeta avec eux les fondements de l’Ordre des Clercs réguliers, qu’il nomma Clercs réguliers de saint Paul, à cause de son amour pour l’Apôtre des Gentils. Cette Société, approuvée par le souverain Pontife Clément VII et confirmée par Paul III, se répandit bientôt dans divers pays. Une Congrégation de saintes Religieuses, les Angéliques, eut également Antoine Marie pour fondateur et père. Lui, cependant, était si désireux de demeurer dans l’humilité et la dépendance, que jamais il ne voulut en aucune manière être à la tête de son Ordre. Si grande fut sa patience, qu’il essuya avec confiance et courage les tempêtes les plus terribles suscitées contre les siens ; si grande sa charité, que jamais il ne cessa d’enflammer d’amour de Dieu les cœurs des religieux par ses pieuses exhortations, de rappeler les prêtres à la vie apostolique, de fonder des associations de pères de famille pour les amener à une vie meilleure. Bien plus, cette charité le poussa quelquefois à parcourir avec les siens les rues et les places publiques, en faisant porter devant lui la croix, pour ramener dans la voie du salut, par la chaleur et la véhémence de ses exhortations, les âmes commençant à s’égarer ou déjà perverties.

Sixième leçon. Il faut rappeler encore qu’Antoine-Marie Zaccaria, brûlant d’amour pour Jésus crucifié, s’efforça de faire honorer par tous le mystère de la Croix, en réunissant à cet effet, chaque vendredi, vers le soir, le peuple fidèle, au son de la cloche. Le très saint nom du Christ revient à chaque instant dans ses écrits, comme il était toujours sur ses lèvres ; vrai disciple de saint Paul, il reproduisait en lui-même les tourments du Sauveur. Un attrait d’amour tout spécial le portrait vers la sainte Eucharistie ; on dit qu’il rétablit l’habitude de recevoir fréquemment la sainte communion et introduisit celle de faire des triduums d’adoration publique en l’honneur du Saint Sacrement, exposé sur un trône élevé. Il pratiqua avec un tel soin la chasteté et la modestie, qu’il donna même un témoignage de son amour pour la pudeur après sa mort, son corps inanimé paraissant pour cela reprendre la vie. A ces vertus vinrent s’ajouter des faveurs célestes, les extases, le don des larmes, la connaissance des événements futurs, le don de scruter les cœurs, une grande puissance contre l’ennemi du genre humain. Enfin, après avoir accompli partout de grands travaux, il tomba gravement malade à Quastallo, où il avait été appelé pour rétablir la paix. Ramené à Crémone, au milieu des larmes des siens et des embrassements de sa très pieuse mère, à laquelle il annonça qu’elle mourrait très prochainement, consolé par la vision céleste des Apôtres et prophétisant le progrès de son Ordre, il mourut très saintement à l’âge de trente-six ans, le troisième jour des nones de juillet de l’an mil cinq cent trente-neuf. Sa renommée d’éminente sainteté et ses nombreux miracles amenèrent aussitôt le peuple chrétien à honorer d’un culte particulier ce grand serviteur de Dieu ; et ce culte, le souverain Pontife Léon XIII l’a ratifié et confirmé, en inscrivant solennellement Antoine-Marie Zaccaria dans les fastes des Saints, le jour de la fête de l’Ascension de notre Seigneur, de l’année mil huit cent quatre-vingt-dix-sept. »

 

Après Gaétan de Thienne, avant Ignace de Loyola, Antoine-Marie mérita d’être le père d’une de ces familles religieuses qui furent appelées en si grand nombre, au XVIe siècle, à réparer les ruines de la maison de Dieu. La Lombardie, épuisée, démoralisée par les guerres dont la possession du duché de Milan avait été l’enjeu, se reprit à croire, à espérer, à aimer, au spectacle des héroïques vertus de Zaccaria ; elle écouta ses prédications enflammées qui l’appelaient à la pénitence, à la méditation de la Passion du Sauveur, au culte plus assidu, à l’adoration plus solennelle de la très sainte Eucharistie. Ainsi fut-il en toute vérité le précurseur de saint Charles Borromée qui, dans la réforme du clergé, du peuple, des monastères du Milanais, n’eut pas d’auxiliaires plus précieux que ses fils et ses filles, les Clercs réguliers et les Angéliques de Saint-Paul.

L’oratoire de l’éternelle Sagesse avait vu, à Milan, les débuts de la Congrégation nouvelle ; l’église Saint-Barnabé, où elle s’établit peu après la mort de Zaccaria et qui garde aujourd’hui son corps, fit donner le nom de Barnabites à ces autres disciples du Docteur des nations. Ils devaient par la suite se répandre, non seulement dans toute l’Italie, mais en France, en Autriche, en Suède, et jusqu’en Chine et en Birmanie, s’adonnant aux missions, à l’enseignement de la jeunesse, à toutes les œuvres qui intéressent le culte divin et la sanctification des âmes. Quant au saint fondateur, dès l’année 1539, aux premières Vêpres de l’Octave des Apôtres, il s’envolait au ciel à trente-six ans, de la maison même où il était né, des bras de la pieuse mère qui l’avait élevé pour Dieu et qui le rejoignait peu après.

Lorsque parurent au siècle suivant les célèbres décrets d’Urbain VIII, il manquait cinq années à la prescription centenaire qui eût permis de considérer comme acquis le culte rendu au bienheureux dès après sa mort ; et comme, d’autre part, les témoins requis dans ces mêmes décrets pour la canonisation régulière des serviteurs de Dieu avaient disparu, la cause demeura en suspens : ce fut le Souverain Pontife Léon XIII qui, de nos jours, ayant d’abord (en 1890) réintégré le culte d’Antoine-Marie, l’inscrivit solennellement, quelques années plus tard, au nombre des Saints et étendit sa fête à toute l’Église.

En cette Octave des saints Apôtres, vous nous apparaissez, ô bienheureux, comme une pierre de grand prix rehaussant leur couronne. De la place d’honneur où monte ainsi vers vous l’hommage de l’Église, daignez bénir ceux qui comme vous poursuivent ici-bas l’œuvre apostolique, sans retour sur eux-mêmes, sans espoir qu’en Dieu, sans se lasser des perpétuels recommencements qu’imposent aux ouvriers du salut la sape et la mine de l’enfer.

De notre temps comme de vos jours, les démolisseurs applaudissent au renversement prochain de la maison de Dieu ; et tout semble, maintenant comme alors, justifier leur funeste espérance. De notre temps comme de vos jours cependant, l’enseignement des Apôtres, soutenu de l’exemple et de la prière des Saints, suffit à sauver la terre. Si plus que jamais le monde ne voit que folie dans la Croix et ceux qui la prêchent, plus que jamais elle demeure seule pourtant la vertu de Dieu. Derechef s’accomplit sous nos yeux l’oracle qui dit : Je perdrai la sagesse des sages, je condamnerai la prudence des prudents. Où sont à cette heure, en effet, les sages ? Où sont les doctes et les habiles qui se promettaient d’adapter aux exigences de temps nouveaux la parole du salut ? La première condition du triomphe qui ne manque jamais, dit l’Apôtre, aux fidèles du Christ Jésus, est de n’altérer point le Verbe de Dieu, de l’annoncer sous l’œil de Dieu tel que Dieu nous le donne, ne prétendant point le rendre acceptable pour ceux qui s’obstinent à périr.

Disciple de Paul et son imitateur fidèle, ce fut la science du Christ apprise à son école qui, de médecin des corps, vous fit sauveur d’âmes ; ce fut l’amour, supérieur à toute science, qui jusque par delà le tombeau rendit féconde votre vie si courte et pourtant si remplie. Puisse Dieu, comme le demande par votre intercession l’Église, susciter au milieu de nous cet esprit réparateur et sauveur ; puissent, les premiers, vos fils et vos filles, rangés sous la bannière apostolique, faire honneur toujours au grand nom du Docteur des nations.

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VIème jour dans l’octave des Saints Pierre et Paul

4 Juillet 2023 , Rédigé par Ludovicus

VIème jour dans l’octave des Saints Pierre et Paul

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Dieu, vous avez consacré ce jour par le martyre de vos Apôtres saint Pierre et saint Paul : faites la grâce à votre Église de suivre en tout le précepte de ceux par qui la religion a commencé.

Office

AU DEUXIÈME NOCTURNE.

De l’Exposition de saint Jean Chrysostome, sur l’Épître aux Romains.

Quatrième leçon. Puisque l’Apôtre Paul implore pour nous la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ, source de tous les biens, il nous reste à nous montrer dignes d’un tel patronage ; en sorte que non seulement nous écoutions ici-bas la voix de saint Paul, mais que nous méritions aussi de voir l’athlète du Christ, quand nous aurons émigré dans l’autre monde. D’ailleurs si nous l’écoutons sur terre, nous le verrons certainement dans le ciel : non sans doute comme placés tout près de lui, mais nous le verrons tout resplendissant (de gloire), au pied du trône royal où les Chérubins glorifient Dieu, où les Séraphins déploient leurs ailes. Là nous verrons Paul, placé avec Pierre à la tête des Saints et dirigeant leurs chœurs ; là nous jouirons de sa charité fraternelle.

Cinquième leçon. S’il a tellement aimé les hommes quand il se trouvait sur la terre que, malgré son vif désir de voir ses liens rompus et d’être avec le Christ, il a cependant choisi de rester encore ici-bas, à plus forte raison nous témoignera-t-il là-haut une charité très ardente. C’est à cause de lui que moi j’aime Rome quoique j’aie d’autres sujets de la louer, comme sa grandeur, son antiquité, sa beauté, sa nombreuse population, sa puissance, ses richesses et ses exploits guerriers, laissant tout cela de côté, je la proclame heureuse de ce que Paul, quand il vivait, eut tant de bienveillance et d’amour pour ses habitants, de ce qu’il les instruisit de vive voix, et qu’il termina sa vie au milieu d’eux. Ce sont eux qui possèdent sa dépouille sainte et voilà ce qui rend par-dessus tout, leur ville si célèbre. Comme un grand et robuste corps, elle a deux yeux pleins d’éclat, à savoir les reliques de ces deux Saints

Sixième leçon. Le ciel resplendit d’un -moins vif éclat quand le soleil verse d’en haut ses rayons, que la ville des Romains avec ces deux flambeaux, répandant la lumière dans les pays de la terre. C’est de là que Paul, c’est de là que Pierre seront enlevés de ce monde. Représentez-vous, non sans effroi, quel spectacle ce sera pour Rome de voir Paul ressusciter tout à coup avec Pierre du fond de ce monument, pour être portés dans les airs à la rencontre du Seigneur. Quelle rose Rome ne présentera-t-elle pas au Christ ? De quelle double couronne n’est pas ornée cette ville ? De quelles chaînes d’or n’est-elle pas ceinte ? Quelles fontaines ne possède-t-elle pas ? Ainsi donc j’admire cette ville, non pour l’or qu’elle a en abondance, ni pour ses colonnes, ni pour la beauté de toute autre chose, mais bien pour ces deux colonnes de l’Église. Qui me donnera d’aller maintenant faire à genoux le tour des restes de Paul, de coller mes lèvres à son tombeau, de voir la poussière de ces membres dans lesquels Paul complétait par ses souffrances la passion du Christ, portait les stigmates du Sauveur, répandait partout, comme une semence, la prédication de l’Évangile ?

AU TROISIÈME NOCTURNE.

Homélie de saint Bède le Vénérable, Prêtre.

Septième leçon. Au jugement dernier, il y aura deux classes d’élus. Les uns jugeront avec le Seigneur ; ce sont ceux dont il parle ici, qui auront tout quitté pour le suivre. Les autres seront jugés par le Seigneur. Ce sont ceux qui, sans avoir tout quitté comme les premiers, auront eu soin de dépenser leurs biens en aumônes quotidiennes aux pauvres de Jésus-Christ ; aussi le divin Juge leur dira-t-il : « Venez, les bénis de mon Père, possédez le royaume préparé pour vous depuis la fondation du monde : car j’ai eu faim, et vous m’avez donné à manger ; j’ai eu soif, et vous m’avez donné à boire. »

Huitième leçon. Mais les paroles du Seigneur nous révèlent qu’il y aura aussi deux classes de réprouvés ; ceux qui, après avoir été initiés aux mystères de la foi chrétienne, s’abstiennent par mépris d’accomplir les œuvres de la foi et auxquels le grand Juge dira : « Allez loin de moi, maudits, au feu éternel qui a été préparé au diable et à ses anges ; car j’ai eu faim, et vous ne m’avez point donné à manger ». La seconde classe de damnés comprendra ceux qui n’auront jamais reçu la foi de Jésus-Christ, ni participé à ses mystères, ou qui, ayant reçu la foi, l’auront abandonnée par l’apostasie, et c’est de chacun d’eux qu’il est dit : « Celui qui ne croit pas est déjà jugé, parce qu’il ne croit pas au nom du Fils unique de Dieu ».

Neuvième leçon. Après avoir brièvement rappelé ces choses avec la crainte et l’effroi qu’elles doivent inspirer, prêtons plus volontiers l’oreille aux promesses très consolantes de notre Seigneur et Sauveur. Voyons par quels excès de bonté prodigieuse il promet à ses disciples, non seulement les récompenses de la vie éternelle, mais encore d’insignes faveurs pour la vie présente. « Et quiconque, dit-il, aura quitté sa maison ou ses frères, ou ses sœurs, ou son père, ou sa mère, ou sa femme, ou ses enfants, ou ses champs, à cause de mon nom, recevra le centuple, et aura pour héritage, la vie éternelle ». En effet celui qui aura renoncé, soit aux affections soit aux possessions terrestres pour être le disciple du Christ, éprouvera que plus il aura été avant dans l’amour de Jésus, plus il trouvera de personnes qui se feront une joie de le recevoir avec toute affection de cœur, et de le sustenter de leurs biens.

Pierre et Paul ne cessent point d’écouter par le monde la prière de leurs dévots clients. Le temps n’a rien enlevé à leur puissance ; et, pas plus au ciel qu’autrefois sur la terre, la grandeur des intérêts généraux de la sainte Église ne les absorbe, au point de négliger la demande du plus petit des habitants de cette glorieuse cité de Dieu, dont ils furent et restent les princes. Un des triomphes de l’enfer à notre époque étant d’avoir endormi sur ce point la foi des justes eux-mêmes, il nous faut insister pour secouer ce sommeil funeste, qui n’irait à rien moins qu’à mettre en oubli le plus touchant côté de ce que le Seigneur a voulu faire, en confiant à des hommes le soin de continuer son œuvre et de le représenter visiblement ici-bas.

L’erreur qui détournait le monde de Pierre n’aura décidément vécu, que lorsque le monde verra en lui, non seulement la fermeté du roc résistant aux assauts des portes de l’enfer, mais aussi la tendresse de cœur, la paternelle sollicitude qui font de lui le vicaire de Jésus dans son amour. L’Église, en effet, n’est pas seulement un édifice dont la durée doit être éternelle : elle est aussi une famille et une bergerie ; c’est pourquoi le Seigneur, voulant laisser à son œuvre, en quittant la terre, une triple garantie, exigea de l’élu de sa confiance une triple affirmation d’amour, et alors seulement l’investit de son ministère sublime, disant : Pais mes brebis.

« Or, s’écrie saint Léon, loin de nous le doute que, ce ministère de pasteur, Pierre ne l’exerce encore, qu’il ne demeure fidèle à cet engagement d’un amour éternel, qu’il ne continue d’observer avec une tendresse infinie le commandement du Seigneur, nous confirmant dans le bien par ses exhortations, priant sans cesse afin qu’aucune tentation ne prévale sur nous. Et cette tendresse, qui embrasse tout le peuple de Dieu, elle est plus vaste et plus puissante maintenant que lorsqu’il était mortel encore, parce que tous les devoirs et les multiples sollicitudes de sa paternité immense, il y fait honneur en celui et avec celui qui l’a glorifié ».

« Si partout, dit encore saint Léon, les martyrs ont reçu, en retour de leur mort et pour manifester leurs mérites, la puissance d’aider ceux qui sont en péril, de chasser maladies et esprits immondes, de guérir des maux innombrables : qui donc serait assez ignorant ou envieux de la gloire du bienheureux Pierre, pour estimer qu’aucune partie de l’Église échappe à sa sollicitude et ne lui doive accroissement ? Toujours brûle, toujours vit, dans le prince des Apôtres, cet amour de Dieu et des hommes que ne domptèrent ni l’étroitesse ni les fers des cachots, ni les fureurs des foules, ni la colère des rois ; la victoire n’a point attiédi ce que le combat n’avait su réduire. Lors donc que, de nos jours, les chagrins font place à la joie, le labeur au repos, la discorde à la paix, nous reconnaissons dans ces secourables effets les mérites et la prière de notre chef. Bien souvent nous avons l’expérience qu’il préside aux salutaires conseils, aux justes jugements ; le droit de lier et de délier est exercé par nous, et c’est l’influence du très bienheureux Pierre qui amène le condamné à pénitence, le pardonné à la grâce Et cette expérience qui nous est personnelle, nos pères aussi l’ont connue ; en sorte que nous croyons et tenons pour sûr que, dans toutes les peines de cette vie, la prière apostolique doit nous être une aide et sauvegarde spéciale auprès de la miséricorde de Dieu ».

L’évêque de Milan, saint Ambroise, exalte, lui aussi, magnifiquement l’action apostolique sans cesse efficace et vivante en l’Église. Mais où il excelle en son exposition toujours si suave et si sûre, c’est quand, s’élevant dans les régions sublimes où se complaît sa grande âme, il exprime avec une délicatesse et une profondeur également infinies le rôle de Pierre et celui de Paul dans la sanctification des élus.

« L’Église, dit-il, est un navire où Pierre doit pêcher ; et, dans cette pêche, il reçoit ordre d’user tantôt des filets, tantôt de l’hameçon. Grand mystère ! car cette pêche est toute spirituelle. Le filet enserre, l’hameçon blesse ; mais au filet la foule, à l’hameçon le poisson solitaire. O bon poisson, ne redoute point l’hameçon de Pierre : il ne tue pas, mais consacre ; précieuse blessure que la sienne, qui, dans le sang, fait trouver la pièce de bon aloi nécessaire à l’acquittement du tribut de l’Apôtre et du Maître. Donc ne t’estime pas peu de chose, parce que ton corps est faible : tu as en ta bouche de quoi payer pour le Christ et pour Pierre. Car un trésor est en nous, le Verbe de Dieu ; la confession de Jésus le met sur nos lèvres. C’est pourquoi il est dit à Simon : Va en pleine mer, c’est-à-dire, au cœur de l’homme ; car le cœur de l’homme, en ses conseils, est comme les eaux profondes. Va en pleine mer, c’est-à-dire, au Christ ; car le Christ est le réservoir profond des eaux vives, en lequel sont les trésors de la sagesse et de la science. Tous les jours, Pierre continue de pêcher ; tous les jours, le Seigneur lui dit : Va en pleine mer. Mais il me semble entendre dire à Pierre : Maître, nous avons travaillé toute la nuit sans rien prendre. Pierre peine en nous, quand notre dévotion est laborieuse. Paul alors, lui aussi, est en labeur ; vous l’avez entendu aujourd’hui, qui disait : Qui est malade, sans que moi-même je sois malade ? Faites en sorte que les Apôtres n’aient pas ainsi à peiner pour vous » 

 

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Saint Irénée évêque et martyr

3 Juillet 2023 , Rédigé par Ludovicus

Saint Irénée évêque et martyr

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Dieu, vous avez accordé au bienheureux Irénée, votre Martyr et Pontife, de réprimer les hérésies par la vérité de sa doctrine et d’affermir la paix de l’Église : nous vous en supplions, donnez à votre peuple la constance dans la sainte religion, et à nos temps la paix.

Office

Quatrième leçon. Irénée, né dans l’Asie proconsulaire non loin de la ville de Smyrne se mit dès son enfance sous la conduite de saint Polycarpe, disciple de saint Jean l’Évangéliste et Évêque de cette Église de Smyrne. Grâce à la direction de cet excellent maître, ses progrès dans la connaissance et la pratique de la religion chrétienne furent remarquables. Quand Polycarpe lui eut été enlevé pour le ciel par un glorieux martyre, Irénée, bien qu’admirablement instruit des saintes Écritures, brûlait cependant encore du plus ardent désir d’étudier au lieu même où elles avaient été confiées à leur garde, les traditions que d’autres pouvaient avoir reçues quant à l’enseignement et aux institutions apostoliques. Il put rencontrer plusieurs disciples des Apôtres ; ce qu’il apprit d’eux, il le grava dans sa mémoire, et il devait dans la suite opposer fort à propos ce qu’il en avait recueilli, aux hérésies qu’il voyait s’étendre chaque jour davantage non sans grand péril pour le peuple chrétien, et qu’il se proposait de combattre avec soin et abondance de preuves. S’étant rendu dans les Gaules, Irénée fut ordonné prêtre de l’Église de Lyon par l’Évêque Pothin. Il remplit les devoirs de son ministère avec tant d’assiduité pour la prédication et tant de science qu’au témoignage de saints Martyrs qui combattirent courageusement pour la vraie religion sous l’empereur Marc-Aurèle, il se montra le zélateur du testament du Christ.

Cinquième leçon. Comme les Confesseurs de la foi eux-mêmes et le clergé de Lyon étaient au plus haut point préoccupés de la paix des Églises d’Asie que troublait la faction des Montanistes, ils s’adressèrent à Irénée qu’ils proclamaient être l’homme le plus capable d’obtenir gain de cause, et le choisirent avec grande unanimité pour aller prier le Pape Éleuthère de condamner les nouveaux sectaires par l’autorité du Siège apostolique et de supprimer ainsi la cause des discordes. Déjà l’Évêque Pothin était mort martyr, Irénée lui ayant succédé s’acquitta de la charge épiscopale avec tant de succès, par sa sagesse, sa prière et son exemple, qu’en peu de temps il vit non seulement tous les habitants de Lyon, mais ceux de beaucoup d’autres cités gauloises, rejeter l’erreur et la superstition et s’inscrire dans la milice chrétienne. Tandis qu’il se livrait à ces labeurs apostoliques une discussion s’était élevée au sujet du jour auquel il convenait de célébrer la fête de Pâques et, le Pontife romain Victor voyant les Évêques d’Asie se séparer presque tous de leurs frères dans l’épiscopat quant au jour de cette célébration, les traitait avec rigueur ou menaçait de les excommunier. Irénée, ami de la paix, intervint respectueusement auprès du Pape et, faisant valoir l’exemple des Pontifes précédents, il l’amena à ne pas souffrir que tant d’Églises se séparassent de l’unité catholique à propos d’un rite qu’elles affirmaient avoir reçu par tradition.

Sixième leçon. Irénée composa de nombreux ouvrages qu’ont cité Eusèbe de Césarée et saint Jérôme ; mais dont une grande partie a disparu par le malheur des temps. On a encore de lui cinq livres contre les hérésies, écrits vers l’année cent quatre vingt, quand Éleuthère régissait encore la chrétienté. Dans le troisième de ces livres, l’homme de Dieu, instruit par ceux qu’il déclare avoir ouï l’enseignement direct des Apôtres, dit au sujet de l’Église romaine et de sa succession de Pontifes, que son témoignage est le plus grand et le plus éclatant parce qu’elle a la garde fidèle perpétuelle et très sûre de la tradition divine. Aussi, ajoute-t-il, est-il nécessaire qu’avec cette Église, en raison de sa puissante primauté, s’accorde toute Église, c’est-à-dire les fidèles de tous les lieux. En même temps que d’innombrables chrétiens qui lui devaient le bonheur d’être parvenus à la vraie foi, Irénée obtint enfin la couronne du martyre et partit pour le ciel l’an du salut deux cent deux, alors que Septime Sévère avait ordonné de vouer à la torture et à la mort tous ceux qui voudraient persévérer avec constance dans la pratique de la religion chrétienne. Le Souverain Pontife Benoît XV a ordonné d’étendre la fête de saint Irénée à l’Église universelle. »

 

L’Année Liturgique est écrite avant que la fête de St Irénée ne soit inscrite au calendrier universel en 1921, d’abord à la date du 28 juin, ce qui entraîna le déplacement de celle de Léon ‘II’ au 3 juillet, puis à la date du 3 juillet en 1960, avec la suppression de Léon ‘II’.

Quoique la fête de saint Léon II eût suffi par elle-même à compléter les enseignements de cette journée, l’Église de Lyon présente à la reconnaissante admiration du monde, en ce même jour, son grand docteur, le pacifique et vaillant Irénée, lumière de l’Occident. A cette date qui le vit confirmer dans son sang la doctrine qu’il avait prêchée, il est bon de l’écouter rendant à l’Église-mère le témoignage célèbre qui, jusqu’à nos temps, a désespéré l’hérésie et confondu l’enfer ; c’est pour une instruction si propre à préparer nos cœurs aux gloires du lendemain, que l’éternelle Sagesse a voulu fixer aujourd’hui son triomphe. Entendons l’élève de Polycarpe, l’auditeur zélé des disciples des Apôtres, celui que sa science et ses pérégrinations, depuis la brillante Ionie jusqu’au pays des Celtes, ont rendu le témoin le plus autorisé de la foi des Églises au second siècle. Toutes ces Églises, nous dit l’évêque de Lyon, s’inclinent devant Rome la maîtresse et la mère. « Car c’est avec elle, à cause de sa principauté supérieure, qu’il faut que s’accordent les autres ; c’est en elle que les fidèles qui sont en tous lieux, gardent toujours pure la foi qui leur fut prêchée. Grande et vénérable par son antiquité entre toutes, connue de tous, fondée par Pierre et Paul les deux plus glorieux des Apôtres, ses évêques sont, par leur succession, le canal qui transmet jusqu’à nous dans son intégrité la tradition apostolique : de telle sorte que quiconque diffère d’elle en sa croyance, est confondu par le seul fait ».

La pierre qui porte l’Église était dès lors inébranlable aux efforts de la fausse science. Et pourtant ce n’était pas une attaque sans périls que celle de la Gnose, hérésie multiple, aux trames ourdies, dans un étrange accord, par les puissances les plus opposées de l’abîme. On eût dit que, pour éprouver le fondement qu’il avait posé, le Christ avait permis à l’enfer d’essayer contre lui l’assaut simultané de toutes les erreurs qui se divisaient alors le monde, ou même devaient plus tard se partager les siècles. Simon le Mage, engagé par Satan dans les filets des sciences occultes, fut choisi pour lieutenant du prince des ténèbres dans cette entreprise. Démasqué à Samarie par le vicaire de l’Homme-Dieu, il avait commencé, contre Simon Pierre, une lutte jalouse qui ne se termina point à la mort tragique du père des hérésies, mais continua plus vive encore dans le siècle suivant, grâce aux disciples qu’il s’était formés. Saturnin, Basilide, Valentin ne firent qu’appliquer les données du maître, en les diversifiant selon les instincts que faisait naître autour d’eux la corruption de l’esprit ou du cœur. Procédé d’autant plus avouable, que la prétention du Mage avait été de sceller l’alliance des philosophies, des religions, des aspirations les plus contradictoires de l’humanité. Il n’était point d’aberrations, depuis le dualisme persan, l’idéalisme hindou, jusqu’à la cabale juive et au polythéisme grec, qui ne se donnassent la main dans le sanctuaire réservé de la Gnose ; là, déjà, se voyaient formulées les hétérodoxes conceptions d’Arius et d’Eutychès ; là par avance prenaient mouvement et vie, dans un roman panthéistique étrange, les plus bizarres des rêves creux de la métaphysique allemande. Dieu abîme, roulant de chute en chute jusqu’à la matière, pour prendre conscience de lui-même dans l’humanité et retourner par l’anéantissement au silence éternel : c’était tout le dogme de la Gnose, engendrant pour morale un composé de mystique transcendante et de pratiques impures, posant en politique les bases du communisme et du nihilisme modernes.

Combien ce spectacle de la Babel gnostique, élevant ses matériaux incohérents sur les eaux de l’orgueil ou des passions immondes, était de nature à faire ressortir l’admirable unité présidant aux accroissements de la cité sainte ! Saint Irénée, choisi de Dieu pour opposer à la Gnose les arguments de sa puissante logique et rétablir contre elle le sens véritable des Écritures, excellait plus encore, quand, en face des mille sectes portant si ouvertement la marque du père de la division et du mensonge, il montrait l’Église gardant pieusement dans l’univers entier la tradition reçue des Apôtres. La foi à la Trinité sainte gouvernant ce monde qui est son ouvrage, au mystère de justice et de miséricorde qui, délaissant les anges tombés, a relevé jusqu’à notre chair en Jésus le bien-aimé, fils de Marie, notre Dieu, notre Sauveur et Roi : tel était le dépôt que Pierre et Paul, que les Apôtres et leurs disciples avaient confié au monde « L’Église donc, constate saint Irénée dans son pieux et docte enthousiasme, l’Église ayant reçu cette foi la garde diligemment, faisant comme une maison unique de la terre où elle vit dispersée : ensemble elle croit, d’une seule âme, d’un seul cœur ; d’une même voix elle prêche, enseigne, transmet la doctrine, comme n’ayant qu’une seule bouche. Car, encore bien que dans le monde les idiomes soient divers, cela pourtant n’empêche point que la tradition demeure une en sa sève. Les églises fondées dans la Germanie, chez les Ibères ou les Celtes, ne croient point autrement, n’enseignent point autrement que les églises de l’Orient, de l’Égypte, de la Libye, ou celles qui sont établies au centre du monde. Mais comme le soleil, créature de Dieu, est le même et demeure un dans l’univers entier : ainsi l’enseignement de la vérité resplendit, illuminant tout homme qui veut parvenir à la connaissance du vrai. Que les chefs des églises soient inégaux dans l’art de bien dire, la tradition n’en est point modifiée : celui qui l’expose éloquemment ne saurait l’accroître ; celui qui parle avec moins d’abondance ne la diminue pas ».

Unité sainte, foi précieuse déposée comme un ferment d’éternelle jeunesse en nos cœurs, ceux-là ne vous connaissent point qui se détournent de l’Église. S’éloignant d’elle, ils perdent Jésus et tous ses dons. « Car où est l’Église, là est l’Esprit de Dieu ; et où se trouve l’Esprit de Dieu, là est l’Église et toute grâce. Infortunés qui s’en séparent, ils ne puisent point la vie aux mamelles nourrissantes où les appelait leur mère, ils n’étanchent point leur soif à la très pure fontaine du corps du Sauveur ; mais, loin de la pierre unique, ils s’abreuvent à la boue des citernes creusées dans le limon fétide où ne séjourne point l’eau de la vérité ». Sophistes pleins de formules et vides du vrai, que leur servira leur science ? « Oh ! combien, s’écrie l’évêque de Lyon dans un élan dont l’auteur de l’Imitation semblera s’inspirer plus tard combien meilleur il est d’être ignorant ou de peu de science, et d’approcher de Dieu par l’amour ! Quelle utilité de savoir, de passer pour avoir beaucoup appris, et d’être ennemi de son Seigneur ? Et c’est pourquoi Paul s’écriait : La science enfle, mais la charité édifie. Non qu’il réprouvât la vraie science de Dieu : autrement, il se fût condamné lui-même le premier ; mais il voyait que quelques-uns, s’élevant sous prétexte de science, ne savaient plus aimer. Oui certes, pourtant : mieux vaut ne rien du tout savoir, ignorer les raisons des choses, et croire à Dieu et posséder la charité. Évitons la vaine enflure qui nous ferait déchoir de l’amour, vie de nos âmes ; que Jésus-Christ, le Fils de Dieu, crucifié pour nous, soit toute notre science ».

Plutôt que de relever ici, à la suite d’illustres auteurs, le génie de l’éminent controversiste du second siècle, il nous plaît de citer de ces traits qui nous font entrer dans sa grande âme, et nous révèlent sa sainteté si aimante et si douce. « Quand viendra l’Époux, dit-il encore des malheureux qu’il voudrait ramener, ce n’est pas leur science qui tiendra leur lampe allumée, et ils se trouveront exclus de la chambre nuptiale ».

En maints endroits, au milieu de l’argumentation la plus serrée, celui qu’on pourrait appeler le petit-fils du disciple bien-aimé trahit son cœur ; il montre sur les traces d’Abraham la voie qui conduit à l’Époux : sa bouche alors redit sans fin le nom qui remplit ses pensées. Nous reconnaîtrons, dans ces paroles émues, l’apôtre qui avait quitté famille et patrie pour avancer le règne du Verbe en notre terre des Gaules : « Abraham fit bien d’abandonner sa parenté terrestre pour suivre le Verbe de Dieu, de s’exiler avec le Verbe pour vivre avec lui. Les Apôtres rirent bien, pour suivre le Verbe de Dieu, d’abandonner leur barque et leur père. Nous aussi, qui avons la même foi qu’Abraham, nous faisons bien, portant la croix comme Isaac le bois, de marcher à sa suite. En Abraham l’humanité connut qu’elle pouvait suivre le Verbe de Dieu, et elle affermit ses pas dans cette voie bienheureuse. Le Verbe, lui, cependant, disposait l’homme aux mystères divins par des figures éclairant l’avenir. Moïse épousait l’Éthiopienne, rendue ainsi fille d’Israël : et par ces noces de Moïse les noces du Verbe étaient montrées, et par cette Éthiopienne était signifiée l’Église sortie des gentils ; en attendant le jour où le Verbe lui-même viendrait laver de ses mains, au banquet de la Cène, les souillures des filles de Sion. Car il faut que le temple soit pur, où l’Époux et l’Épouse goûteront les délices de l’Esprit de Dieu ; et comme l’Épouse ne peut elle-même prendre un Époux, mais doit attendre qu’elle soit recherchée : ainsi cette chair ne peut monter seule à la magnificence du trône divin ; mais quand l’Époux viendra, il l’élèvera, elle le possédera moins qu’elle ne sera possédée par lui. Le Verbe fait chair se l’assimilera pleinement, et la rendra précieuse au Père par cette conformité avec son Verbe visible. Et alors se consommera l’union à Dieu dans l’amour. L’union divine est vie et lumière ; elle donne la jouissance de tous les biens qui sont à Dieu ; elle est éternelle de soi, comme ces biens eux-mêmes. Malheur à ceux qui s’en éloignent : leur châtiment vient moins de Dieu que d’eux-mêmes et du libre choix par lequel, se détournant de Dieu, ils ont perdu tous les biens ».

La perte de la foi étant, de toutes les causes de l’éloignement de Dieu, la plus radicale et la plus profonde, on ne doit pas s’étonner de l’horreur qu’inspirait l’hérésie, dans ces temps où l’union à Dieu était le trésor qu’ambitionnaient toutes les conditions et tous les âges. Le nom d’Irénée signifie la paix ; et, justifiant ce beau nom, sa condescendante charité amena un jour le Pontife Romain à déposer ses foudres dans la question, pourtant si grave, de la célébration de la Pâque. Néanmoins, c’est Irénée qui nous rapporte de Polycarpe son maître, qu’ayant rencontré Marcion l’hérétique, sur sa demande s’il le connaissait, il lui répondit : « Je te reconnais pour le premier-né de Satan ». C’est lui encore de qui nous tenons que l’apôtre saint Jean s’enfuit précipitamment d’un édifice public, à la vue de Cérinthe qui s’y trouvait, de peur, disait-il, que la présence de cet ennemi de la vérité ne fît écrouler les murailles : « tant, remarque l’évêque de Lyon, les Apôtres et leurs disciples avaient crainte de communiquer, même en parole, avec quelqu’un de ceux qui altéraient la vérité ». Celui que les compagnons de Pothin et de Blandine nommaient dans leur prison le zélateur du Testament du Christ, était, sur ce point comme en tous les autres, le digne héritier de Jean et de Polycarpe. Loin d’en souffrir, son cœur, comme celui de ses maîtres vénérés, puisait dans cette pureté de l’intelligence la tendresse infinie dont il faisait preuve envers les égarés qu’il espérait sauver encore. Quoi de plus touchant que la lettre écrite par Irénée à l’un de ces malheureux, que le mirage des nouvelles doctrines entraînait au gouffre : « O Florinus, cet enseignement n’est point celui que vous ont transmis nos anciens, les disciples des Apôtres. Je vous ai vu autrefois près de Polycarpe ; vous brilliez à la cour, et n’en cherchiez pas moins à lui plaire. Je n’étais qu’un enfant, mais je me souviens mieux des choses d’alors que des événements arrivés hier ; les souvenirs de l’enfance font comme partie de l’âme, en effet ; ils grandissent avec elle. Je pourrais dire encore l’endroit où le bienheureux Polycarpe s’asseyait pour nous entretenir, sa démarche, son abord, son genre de vie, tous ses traits, les discours enfin qu’il faisait à la multitude. Vous vous rappelez comment il nous racontait ses relations avec Jean et les autres qui avaient vu le Seigneur, avec quelle fidélité de mémoire il redisait leurs paroles ; ce qu’il en avait appris touchant le Seigneur, ses miracles, sa doctrine, Polycarpe nous le transmettait comme le tenant de ceux-là mêmes qui avaient vu de leurs yeux le Verbe de vie ; et tout, dans ce qu’il nous disait, était conforme aux Écritures. Quelle grâce de Dieu que ces entretiens ! J’écoutais avidement, transcrivant tout, non sur le parchemin, mais dans mon cœur ; et à l’heure qu’il est, parla même grâce de Dieu, j’en vis toujours. Aussi puis-je l’attester devant Dieu : si le bienheureux, l’apostolique vieillard, eût entendu des discours tels que les vôtres, il eût poussé un grand cri, et se serait bouché les oreilles, en disant selon sa coutume : O Dieu très bon, à quels temps m’avez-vous réservé ! Et il se fût levé aussitôt pour fuir ce lieu de blasphème »

Mais il est temps de donner le récit liturgique concernant l’histoire du grand évêque et martyr ].

Irénée naquit en Asie proconsulaire, non loin de la ville de Smyrne. Il s’était mis dès son enfance à l’école de Polycarpe, disciple de saint Jean l’Évangéliste et évêque de Smyrne. Sous un si excellent maître, il fit des progrès merveilleux dans la science de la religion et la pratique des vertus chrétiennes. Il était embrasé d’un incroyable désir d’apprendre les doctrines qu’avaient reçues en dépôt tous les disciples des Apôtres ; aussi, quoique déjà maître dans les saintes Lettres, lorsque Polycarpe eut été enlevé au ciel dans la gloire du martyre, il entreprit de visiter le plus grand nombre qu’il put de ces anciens, tenant bonne mémoire de tous leurs discours. C’est ainsi que, par la suite, il lui fut possible de les opposer avec avantage aux hérésies. Celles-ci, en effet, s’étendant toujours plus chaque jour, au grand dommage du peuple chrétien, il avait conçu la pensée d’en faire une réfutation soignée et approfondie.

Venu dans les Gaules, il fut attaché comme prêtre à l’église de Lyon par l’évêque saint Pothin, et brilla dans cette charge par le zèle, la parole et la science. Vrai zélateur du testament du Christ, au témoignage des saints martyrs qui combattirent vaillamment pour la foi sous l’empereur Marc-Aurèle, ces généreux athlètes et le clergé de Lyon ne crurent pouvoir remettre en meilleures mains qu’en les siennes l’affaire de la pacification des églises d’Asie, que l’hérésie de Montan avait troublées ; dans cette cause donc qui leur tenait à cœur, ils choisirent Irénée entre tous comme le plus digne, et l’envoyèrent au Pape Éleuthère pour le prier de condamner par sentence Apostolique les nouveaux sectaires, et de mettre ainsi fin aux dissensions.

L’évêque Pothin était mort martyr. Irénée lui fut donné pour successeur. Son épiscopat fut si heureux, grâce à la sagesse dont il fit preuve, à sa prière, à ses exemples, qu’on vit bientôt, non seulement la ville de Lyon tout entière, mais encore un grand nombre d’habitants d’autres cités gauloises, renoncer à l’erreur de leurs superstitions et donner leur nom à la milice chrétienne. Cependant une contestation s’était élevée au sujet du jour où l’on devait célébrer la Pâque ; les évêques d’Asie étaient en désaccord avec presque tous leurs autres collègues, et le Pontife Romain, Victor, les avait déjà séparés de la communion des saints ou menaçait de le faire, lorsque Irénée se fit près de lui le respectueux apôtre de la paix : s’appuyant de la conduite des pontifes précédents, il l’amena à ne pas souffrir que tant d’églises fussent arrachées à l’unité catholique, pour un rit qu’elles disaient avoir reçu de leurs pères.

Il écrivit de nombreux ouvrages, qui sont mentionnes par Eusèbe de Césarée et saint Jérôme. Une grande partie a péri par injure des temps. Mais nous avons toujours ses cinq livres contre les hérésies, composés environ l’an cent quatre-vingt, lorsqu’Éleuthère gouvernait encore l’Église. Au troisième livre, l’homme de Dieu, instruit par ceux qui furent sans conteste les disciples des Apôtres, rend à l’église Romaine et à la succession de ses évêques un témoignage éclatant et grave entre tous : elle est pour lui la fidèle, perpétuelle et très sûre gardienne de la divine tradition. Et c’est, dit-il, avec cette église qu’il faut que toute église, c’est-à-dire les fidèles qui sont en tous lieux, se tiennent d’accord à cause de sa principauté supérieure. Enfin il fut couronné du martyre, avec une multitude presque innombrable d’autres qu’il avait amenés lui-même a la connaissance et pratique de la vraie foi ; son passage au ciel eut lieu l’an deux cent deux ; en ce temps-là, Septime Sévère Auguste avait ordonné de condamner aux plus cruels supplices et à la mort, tous ceux qui voudraient persévérer avec constance dans la pratique de la religion chrétienne.

Quelle couronne est la vôtre, illustre Pontife ! Les hommes s’avouent impuissants à compter les perles sans prix dont elle est ornée. Car dans l’arène où vous l’avez conquise, un peuple entier luttait avec vous ; et chaque martyr, s’élevant au ciel, proclamait qu’il vous devait sa gloire. Versé vingt-cinq années auparavant, le sang de Blandine et de ses quarante-six compagnons a produit, grâce à vous, plus que le centuple. Votre labeur fit germer du sol empourpré la semence féconde reçue aux premiers jours, et bientôt la petite chrétienté perdue dans la grande ville était devenue la cité même. L’amphithéâtre avait suffi naguère à l’effusion du sang des martyrs ; aujourd’hui le torrent sacré parcourt les rues et les places : jour glorieux, qui fait de Lyon l’émule de Rome et la ville sainte des Gaules !

Rome et Lyon, la mère et la fille, garderont bonne mémoire de l’enseignement qui prépara ce triomphe : c’est aux doctrines appuyées par vous sur la fermeté de la pierre apostolique, que pasteur et troupeau rendent aujourd’hui le grand témoignage. Le temps doit venir, où une assemblée d’évêques courtisans voudra persuader au monde que l’antique terre des Gaules n’a point reçu vos dogmes ; mais le sang versé à flots en ce jour confondra la prétentieuse lâcheté de ces faux témoins. Dieu suscitera la tempête, et elle renversera le boisseau sous lequel, faute de pouvoir l’éteindre, on aura dissimulé pour un temps la lumière ; et cette lumière, que vous aviez placée sur le chandelier, illuminera tous ceux qui habitent la maison.

Les fils de ceux qui moururent avec vous sont demeurés fidèles à Jésus-Christ ; avec Marie dont vous exposiez si pleinement le rôle à leurs pères, avec le Précurseur de l’Homme-Dieu qui partage aussi leur amour, protégez-les contre tout fléau du corps et de l’âme. Épargnez à la France, repoussez d’elle, une seconde fois, l’invasion de la fausse philosophie qui a tenté de rajeunir en nos jours les données de la Gnose. Faites de nouveau briller la vérité aux yeux de tant d’hommes que l’hérésie, sous ses formes multiples, tient séparés de l’unique bercail. O Irénée, maintenez les chrétiens dans la seule paix digne de ce nom : gardez purs les intelligences et les cœurs de ceux que l’erreur n’a point encore souillés. En ce moment, préparez-nous tous à célébrer comme il convient les deux glorieux Apôtres Pierre et Paul, et la puissante principauté de la mère des Églises.

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Vème dimanche après la Pentecôte

2 Juillet 2023 , Rédigé par Ludovicus

Vème dimanche après la Pentecôte

Introït

Exaucez, Seigneur, ma voix qui a crié vers vous : soyez mon aide, ne m’abandonnez pas, et ne me méprisez pas, ô Dieu, qui opérez mon Salut. Le Seigneur est ma lumière et mon salut, qui craindrais-je ?

Collecte

Dieu, vous avez préparé des biens invisibles à ceux qui vous aiment : répandez dans nos cœurs  votre amour ; afin que, vous aimant en toutes choses et par dessus toutes choses, nous obtenions un jour ces biens que vous nous avez promis et qui surpassent tous nos désirs.

Épitre I P 3, 8-15

Mes bien-aimés : soyez tous unis dans la prière, compatissants, vous aimant en frères, miséricordieux, modestes, humbles : ne rendant point mal pour mal, ni malédiction pour malédiction ; mais au contraire, bénissant parce que c’est à cela que vous avez été appelés, afin de posséder la bénédiction en héritage. Que celui donc qui veut aimer la vie, et voir des jours bons, défende la langue du mal, et que ses lèvres ne profèrent point les paroles de tromperie. Qu’il se détourne du mal et fasse le bien ; qu’il cherche la paix et la poursuive ; parce que les yeux du Seigneur sont sur les justes, et ses oreilles à leurs prières ; mais la face du Seigneur est sur ceux qui font le mal. Et qui est-ce qui vous nuira, si vous avez le zèle du bien ? Et si même vous souffrez pour la justice, vous serez bienheureux. N’ayez donc aucune crainte d’eux : et ne vous en troublez point. Mais glorifiez dans vos cœurs la sainteté du Seigneur Jésus-Christ.

Évangile Mt. 5, 20-24

En ce temps-là : Jésus dit à ses disciples : si votre justice ne surpasse celle des Scribes et des Pharisiens, vous n’entrerez point dans le royaume des cieux. Vous avez appris qu’il a été dit aux anciens : Tu ne tueras point ; mais qui tuera sera justiciable du tribunal. Et moi, je vous dis : Quiconque se met en colère contre son frère [à la légère] sera justiciable du tribunal ; et qui dira à son frère : Raca ! sera justiciable du Sanhédrin ; et qui lui dira : Fou ! sera justiciable pour la géhenne du feu. Si donc tu viens présenter ton offrande à l’autel et que là tu te souviennes que ton frère a quelque chose contre toi, laisse là ton offrande, devant l’autel, et va d’abord te réconcilier avec ton frère ; et alors viens présenter ton offrande.

Offertoire

Je bénirai le Seigneur qui m’a donné l’intelligence : je prenais soin d’avoir toujours le Seigneur devant mes yeux : car il est à ma droite, pour que je ne sois pas ébranlé.

Secrète

Laissez-vous fléchir, Seigneur, par nos supplications : et recevez avec bonté ces offrandes de vos serviteurs et de vos servantes ; afin que, ce que chacun a offert en l’honneur de votre nom, profite à tous pour le salut.

Communion

Il est une chose que j’ai demandé au Seigneur, et je la rechercherai uniquement : c’est d’habiter dans la maison du Seigneur tous les jours de ma vie.

Postcommunion

Accordez, nous vous en prions, à ceux que vous avez rassasiés du don céleste, que nous soyons purifiés de nos fautes cachées, et délivrés des embûches de nos ennemis.

Office

4e leçon

Du livre des Morales, de saint Grégoire, Pape

Pourquoi David, qui n’a pas même rendu le mal pour le mal, apprenant que Saül et Jonathas avaient succombé dans le combat, proféra-t-il contre les montagnes de Gelboé ces paroles de malédiction : « Montagnes de Gelboé, que ni pluie ni rosée ne viennent sur vous : qu’il n’y ait point de champs de prémices, parce que là a été jeté un bouclier de forts, le bouclier de Saül, comme s’il n’avait pas été oint avec l’huile ?» Et pourquoi Jérémie, voyant sa prédication se heurter aux mauvaises dispositions des auditeurs, laissa-t-il échapper cette imprécation : « Maudit l’homme qui a annoncé (ma naissance) à mon père, disant : Un enfant mâle t’est né ? 

5e leçon

En quoi les collines de Gelboé ont-elles donc été coupables de la mort de Saül, pour que, ne recevant plus ni rosée ni pluie, toute leur verdoyante végétation devienne aridité, conformément au souhait de malheur ? Mais Gelboé signifiant cours d’eau, et Saül, que l’onction n’empêche point de mourir, étant la figure de notre Médiateur en son trépas, les monts de Gelboé ne représentent pas mal ces Juifs aux cœurs superbes, qui, s’écoulant en un flux de convoitises terrestres, sont venus se mêler à la mort du Christ, l’Oint par excellence. Le Roi, l’Oint véritable, a perdu la vie du corps au milieu d’eux ; et c’est pour cela que, privés de toute rosée de grâce, ils sont dans la stérilité.

6e leçon

C’est d’eux qu’on a raison de dire qu’ils ne sauraient plus être des terres de prémices. Et de fait, ces âmes superbes ne donnent pas de fruits nouveaux, étant demeurées dans l’infidélité à la venue du Rédempteur, et n’ayant pas voulu suivre les premiers enseignements de la foi. Et tandis que la sainte Église, dès le début, s’est montrée précocement féconde par la multitude des Nations qu’elle a engendrées, c’est à peine si, dans les derniers temps, elle recueillera quelques Juifs qu’elle pourra trouver encore, les ramassant comme une tardive récolte et les servant comme des fruits d’arrière-saison.

7e leçon

Homélie de saint Augustin, Évêque.

La justice des Pharisiens consistait à ne pas tuer ; la justice de ceux qui doivent entrer dans le royaume des cieux est de ne point se fâcher sans raison. C’est donc peu de chose que de ne pas tuer ; et celui qui aura violé ce commandement sera appelé très petit dans le royaume des cieux ; mais celui qui l’aura observé, en ne se rendant point coupable d’homicide, ne sera pas pour cela réputé grand devant Dieu et digne du royaume des cieux, quoiqu’il soit déjà monté d’un degré ; il se perfectionnera s’il ne se met pas non plus en colère sans sujet ; et s’il se perfectionne, il sera beaucoup plus éloigné de l’homicide. C’est pourquoi le législateur qui nous défend de nous mettre en colère, ne détruit nullement la loi, nous interdisant de tuer ; mais il la complète plutôt, afin que nous gardions l’innocence, et extérieurement, en ne tuant point, et au fond de notre cœur, en ne nous mettant pas en colère.

8e leçon

Dans ces péchés de colère, il y a aussi des degrés. Au premier, l’on s’irrite, mais en retenant dans son cœur l’émotion conçue. Si le trouble ressenti arrache à celui qui éprouve de l’indignation un jet de voix, ne signifiant rien par lui-même mais attestant cette émotion d’âme, par l’exclamation même qui échappe à l’homme irrité : la faute est plus grande assurément que si la colère naissante était silencieusement comprimée. Fait-on entendre non seulement un cri d’indignation, mais encore une parole, marquant et rendant notoire le blâme que l’on inflige à celui contre lequel s’élève notre colère, qui pourra douter que ce ne soit là un péché plus grave que de manifester par le seul son de sa voix, son mécontentement ?

9e leçon

Remarquez à présent trois degrés aussi dans l’instruction et la solution de la cause : jugement, conseil, géhenne du feu. En la séance de jugement, il y a encore place pour la défense. Le conseil se confond d’ordinaire avec le jugement ; cependant, parce que la distinction même que nous établissons nous oblige à reconnaître ici quelque différence entre ces deux degrés, il nous semble que la promulgation de la sentence appartient au conseil ; car alors, il ne s’agit plus d’examiner si le coupable doit être condamné ; mais les juges délibèrent entre eux sur le supplice à infliger à celui qui mérite certainement la condamnation. Dans la géhenne du feu, il n’y a plus de doute quant à la condamnation, comme dans le jugement, ni d’incertitude quant à la peine du condamné, comme dans le conseil ; car dans le feu de l’enfer, certaine est la condamnation et fixée la peine du coupable.

Dom Guéranger, l’Année Liturgique

L’Évangile nous faisait assister, il y a huit jours, au travail apostolique amenant du sein des eaux les pierres vivantes dont le Christ Jésus bâtit son Église. Aujourd’hui c’est le chef de la pêche mystérieuse, Simon fils de Jean, qui, prenant la parole dans notre Épître, s’adresse aux éléments divers qui doivent former la cité sainte, matériaux sacrés rassemblés du fond des abîmes pour resplendir désormais comme autant de perles brillantes à l’admirable lumière du Sauveur des saints. Le Fils de Dieu, en effet, n’est point venu des cieux dans un autre but que de fonder sur terre une ville merveilleuse où Dieu lui-même pût habiter dignement, que d’élever à son Père un temple incomparable où la louange et l’amour, s’exhalant sans fin des pierres mêmes qui composeraient ses murs, désignassent noblement l’enceinte du grand Sacrifice. Lui-même s’est fait le fondement de l’édifice trois fois saint où doit brûler l’holocauste éternel ; et cette qualité de fondement du nouveau temple, il l’a communiquée à Simon son vicaire, voulant que ce titre de Pierre, devenu le nom unique de son représentant ici-bas, rappelât jusqu’au dernier jour à tous les siens l’unique but de ses divins travaux. Écoutons avec une reconnaissance respectueuse, de la bouche même du vicaire de l’Homme-Dieu, les avis pratiques qui découlent pour nous de cette grande vérité ; et suivons pieusement la sainte Église qui, en cette saison dominée sur le Cycle sacré par l’astre radieux du prince des Apôtres, ramène sans cesse ses fils vers le pasteur et l’évêque de leurs âmes.

L’union d’une vraie charité, la concorde et la paix à maintenir à tout prix comme condition de leur félicité présente et future : tel est l’objet des recommandations adressées par Simon devenu Pierre à ces autres pierres choisies qui s’appuient sur lui, et forment les assises du temple élevé par le Fils de l’homme à la gloire du Très-Haut. La solidité et la durée des palais de la terre eux-mêmes ne dépendent-elles pas, en effet, de l’union plus ou moins persistante et intime des matériaux qui les composent ? C’est l’union encore qui fait la force et la splendeur des mondes ; vienne à cesser l’attraction mutuelle qui harmonise leurs mouvements dans un vaste concert, vienne à se briser pour chacun d’eux la cohésion qui lie leurs atomes, et l’univers ne sera plus qu’une poussière ténébreuse, impalpable et sans nom. Le Créateur a fait régner dans les célestes sphères une concorde admirable, et lui-même il s’écrie : « Qui donc endormira le concert des cieux ? » Et cependant, de même que la terre périra dans sa forme présente, les cieux aussi passeront comme un vêtement usé. Quel sera donc l’élément de stabilité, le ciment sans pareil du palais préparé pour demeure au Dieu dont les mondes se déclareront impuissants à porter la durée ? Car l’Église alors même restera stable, embaumant sans fin des parfums de l’Époux le trône de la Trinité souveraine établi dans ses murs.

C’est à l’Esprit sanctificateur qu’ici encore il appartient de nous expliquer le mystère de cette union qui fait la cité sainte, et dont la persévérance défie les siècles. La charité versée dans nos cœurs au sortir des eaux est empruntée à l’amour même qui règne au sein de l’adorable Trinité ; car les opérations de l’Esprit dans les saints n’ont point d’autre but que de les faire entrer en participation des divines énergies. Devenu la vie de l’âme régénérée, le feu divin la pénètre de Dieu tout entière ; il communique à son amour créé et fini la direction et la puissance de la flamme éternelle. Le chrétien doit donc aimer comme Dieu désormais ; la charité n’est vraie en lui qu’autant qu’elle atteint, dans la simplicité de sa flamme divine, l’objet complet de l’amour infini. Or tel est l’ineffable commerce d’amitié véritable établi par l’ordre surnaturel entre Dieu et ses créatures intelligentes, qu’il daigne les aimer de l’amour dont il s’aime lui-même ; la charité doit donc embrasser elle aussi, dans l’unité de ses actes d’amour, non seulement Dieu, mais tous les êtres appelés par lui en participation de sa vie bienheureuse. Comprenons maintenant l’incomparable puissance de l’union dans laquelle l’Esprit-Saint établit l’Église : rien d’étonnant que ses liens soient plus forts que la mort, sa cohésion plus résistante que l’enfer ; car le ciment qui joint les pierres vivantes de ses murailles possède la force de Dieu même et la stabilité de son amour éternel. L’Église est bien cette tour bâtie sur les eaux, qui apparut à Hermas formée de pierres resplendissantes et si intimement assemblées, que l’œil ne découvrait point leurs jointures.

Mais comprenons aussi l’importance pour tous les chrétiens de l’union mutuelle, de cet amour des frères, si fréquemment, si fortement recommandé par la voix des Apôtres, ces coopérateurs de l’Esprit dans l’édification de la sainte Église. L’abstention du schisme et de l’hérésie, dont l’Évangile rappelait, il y a huit jours, les excès désastreux, la répression même des passions haineuses ou des aigreurs jalouses, ne suffiraient point à faire de nous des pierres utiles dans ce grand œuvre ; il y faut un amour effectif, dévoué, persévérant, qui joigne véritablement et harmonise comme il convient les âmes et les cœurs ; il y faut cette charité débordante et seule digne de ce nom qui, nous montrant Dieu même en nos frères, fait vraiment nôtres leur bonheur et leurs maux. Loin de nous la somnolence égoïste où se complaît l’âme paresseuse, où trop souvent des âmes faussées croient satisfaire d’autant mieux à la première des vertus qu’elles se désintéressent plus complètement de ce qui les entoure. Sur de telles âmes le ciment divin ne peut avoir prise : pierres impropres à toute construction, que rejette le céleste ouvrier, ou qu’il laisse sans emploi au pied des murailles, parce qu’elles ne s’adaptent pas à l’ensemble et ne sauraient s’appareiller. Malheur à elles cependant, si l’édifice s’achève sans qu’elles aient mérité de trouver place en ses murs ! Elles comprendraient alors, mais trop tard, que la charité est une, que celui-là n’aime pas Dieu qui n’aime pas son frère, et que celui qui n’aime pas demeure dans la mort. Plaçons donc, avec saint Jean, la perfection de notre amour pour Dieu dans l’amour de nos frères : alors seulement nous aurons Dieu en nous ; alors seulement nous pourrons jouir des ineffables mystères de l’union divine avec Celui qui ne s’unit aux siens que pour faire de tous et de lui-même un temple auguste à la gloire de son Père.

ÉVANGILE.

Les jours s’écoulent rapidement pour l’ancienne Jérusalem ; dans moins d’un mois, la ruine affreuse de la cité qui ne connut point le temps de la visite de son Seigneur, aura passé sous nos yeux. C’est au neuvième Dimanche après la Pentecôte, dans ces mois de juillet et d’août qui virent sous Vespasien les dernières convulsions du peuple déicide, que la sainte Liturgie a placé la mémoire de ce terrible accomplissement des prophéties du Sauveur. En attendant, l’ancien temple, toujours debout, continue de fermer aux nations ses portes intérieures, et prétend retenir encore la Divinité sous les voiles du vieux Testament, dans son sanctuaire impénétrable aux fils mêmes d’Israël. Depuis cinq semaines déjà cependant, l’Église a commencé d’élever en Sion ses immortelles assises. En face du monument de l’alliance restreinte et imparfaite du Sinaï, l’Esprit-Saint l’a fondée comme le rendez-vous de l’allégresse de la terre entière, comme la ville du grand Roi, où tous désormais connaîtront Dieu ; aussi n’a-t-elle cessé de se montrer à nous, depuis le commencement, comme le lieu des délices de la Sagesse éternelle et le vrai sanctuaire de l’union divine.

La loi de crainte et de servitude est donc définitivement abrogée par la loi d’amour. Un reste d’égards pour l’institution autrefois agréée, qui fut la dépositaire des oracles divins, laisse encore à la première génération des convertis de Juda la libre observation des coutumes de leurs pères ; mais cette tolérance doit elle-même disparaître avec le temple, dont la chute prochaine scellera pour jamais le tombeau de la synagogue. Dès maintenant, les prescriptions du code mosaïque ne suffisent plus à justifier devant Dieu les enfants de Jacob. Les ordonnances rituelles, qui avaient pour but d’entretenir par un ensemble de représentations figuratives l’attente du Sacrifice à venir, ont perdu leur objet depuis l’accomplissement des mystères qu’elles annonçaient. Les commandements eux-mêmes du décalogue, ces lois nécessaires qui sont de tous les temps et ne peuvent changer, parce qu’elles tiennent à l’essence des rapports existants entre les créatures et leur auteur, ont brillé d’un éclat si nouveau sous les feux du Soleil de justice, que leur portée s’en est trouvée, pour la conscience humaine, immensément agrandie.

Indépendamment du précepte positif concernant le fruit de l’arbre de la science, l’homme, dans Éden, avait reçu de Dieu, en même temps que la vie, la connaissance de ces lois éternelles. Cette connaissance depuis lors, il n’aurait pu s’en dégager ou la perdre entièrement, sans cesser d’être homme ; car elle lui avait été donnée comme son être lui-même, comme la règle naturelle de ses jugements pratiques, et elle formait ainsi, pour une part, sa raison même. Mais la raison de l’homme s’étant obscurcie grandement par le fait de la chute, l’ombre désastreuse gagna dans son âme jusqu’à la notion, d’abord si complète et si claire, des obligations morales résultant pour lui de sa propre nature. La malice de la volonté dépravée, mettant à profit d’autre part cet affaiblissement originel de la raison, accrut bientôt en d’effrayantes proportions des ténèbres qui favorisaient ses excès. On vit les peuples, victimes volontaires ou insouciantes d’aberrations étranges, régler leurs mœurs sur des maximes faussées, tellement contraires parfois aux principes de la plus élémentaire morale, que nos générations redressées par la foi se refusent à y croire. Les descendants des patriarches, préservés plus que d’autres par la bénédiction donnée à leurs pères, furent loin toutefois d’échapper entièrement à l’universelle déviation. Lorsque Moïse, envoyé par Dieu, les constitua en corps de nation sur la base même de la fidélité à cette loi écrite qui venait restaurer la loi de nature, plus d’un point que le libre essor de cette dernière eût réclamé dut rester dans l’ombre ; le Seigneur nous l’apprend, Moïse fut obligé d’accorder quelque chose à la dureté de leur cœur. Il ne put faire surtout qu’après sa mort, les docteurs privés et les sectes particulières qui s’élevèrent dans la nation n’arrivassent à corrompre, sous l’effort de vaines traditions et d’interprétations erronées, l’esprit, sinon toujours la lettre même de la loi du Sinaï.

La loi de Dieu, revêtant pour le Juif le caractère d’une charte nationale, était placée en cette qualité sous la sauvegarde du pouvoir public ; des tribunaux, plus ou moins élevés suivant l’importance des causes qui leur étaient déférées, jugeaient les infractions commises ou les crimes accomplis contre elle. Mais, en dehors du tribunal sacré de la loi de grâce où Dieu même agit et parle en la personne du prêtre, tout jugement exercé par des hommes, si imposante que soit leur autorité, ne saurait avoir pour objet que des faits extérieurs ; Moïse, dans sa législation, n’avait donc point assigné de sanction pénale pour ces fautes intimes de la conscience, qui, toutes graves qu’elles puissent être, échappent néanmoins, par leur nature, à l’appréciation comme à la connaissance des sociétés et des pouvoirs humains qui les régissent. C’est ainsi qu’aujourd’hui, l’Église elle-même n’applique point ses censures aux crimes de l’âme qui ne se manifestent pas dans un acte quelconque tombant sous les sens ; comme Moïse l’avait fait, sans mettre en doute la culpabilité des pensées ou désirs criminels, elle laisse à Dieu le jugement de causes dont lui seul peut connaître.

Mais s’il n’est personne aujourd’hui, parmi les enfants de l’Église, qu’une distinction si simple et si conforme à la nature de tout droit social puisse induire en erreur, il n’en fut pas de la sorte au sein du peuple hébreu. Longtemps la voix des prophètes s’évertua sans relâche à porter au delà du monde présent la pensée alourdie de cette race si gratuitement privilégiée ; mais alors même l’esprit étroit, exclusif, de la nation ne put jamais se faire à l’idée que les principes divinement inspirés de sa constitution politique et la forme extérieure de sa législation recouvrissent une réalité immatérielle, bien autrement vivante et profonde. Aussi lorsque, peu après le retour de la captivité, les derniers représentants du ministère prophétique, disparaissant, laissèrent le champ libre à l’éclosion de systèmes en rapport avec ces tendances mesquines, les casuistes Juifs eurent bientôt trouvé la formule de cette morale étrange des circoncis, dont saint Paul nous apprend qu’elle faisait le scandale des nations. Confondant le domaine intime de la conscience avec le théâtre forcément restreint de la justice publique, ils apprécièrent les obligations du for intérieur à la mesure des règles établies pour guider cette dernière, et s’habituèrent promptement, dans cette voie, à n’estimer que ce qui était vu des hommes, à négliger tout ce qui ne tombe pas sous les yeux. L’Évangile est rempli des malédictions du Sauveur contre ces guides aveugles étouffant sous l’écorce de la lettre, dans les âmes qu’ils prétendent conduire, la loi, la justice et l’amour ; l’Homme-Dieu dénonce en toute occasion, il flagelle, il flétrit sans pitié ces Scribes et ces Pharisiens hypocrites purifiant sans fin le dehors du vase, et pleins au dedans d’impureté, d’homicide et de rapine.

Le Verbe divin descendu pour sanctifier les hommes dans la vérité, c’est-à-dire en lui-même, devait en effet rendre avant tout leur splendeur première, ternie par le temps, aux immuables principes de justice et de droit qui reposent en lui comme en leur centre. C’est ce qu’il fit tout d’abord et avec une solennité incomparable, après l’appel de ses disciples et l’élection des douze, dans le passage du Sermon sur la montagne où l’Église a choisi l’Évangile de ce jour. En cela il venait, déclarait-il, non point condamner ou détruire la loi, mais rétablir contre les Scribes et les Pharisiens son vrai sens, et lui donner cette plénitude que les anciens du temps de Moïse eux-mêmes n’avaient pu porter. Il faut lire en entier, dans saint Matthieu, cet important passage dont les explications qui précèdent suffiront à donner l’intelligence.

Dans les quelques lignes que l’Église en a empruntées, la pensée du Sauveur est qu’on ne doit point estimer à la mesure des tribunaux d’ici-bas le degré de justice nécessaire à l’entrée du royaume des cieux. La loi juive déférait l’homicide au tribunal criminel dit du jugement ; et lui, le Maître et l’auteur de la loi, il déclare que la colère, ce premier pas vers l’homicide, fût-elle restée dans les replis les plus secrets de la conscience, peut amener à elle seule la mort de l’âme, encourant ainsi véritablement, dans l’ordre spirituel, la peine capitale réservée dans l’ordre social de la vie présente à l’homicide accompli. Si, sans même en venir aux coups, cette colère s’échappe en paroles méprisantes, comme l’expression syriaque de raca, homme de rien, la faute devient si grave, qu’appréciée à sa valeur réelle devant Dieu, elle dépasserait la juridiction criminelle ordinaire pour ne relever que du conseil suprême de la nation. Si du mépris on passe à l’injure, il n’est plus rien dans la gradation des procédures humaines qui puisse donner une idée de l’énormité du péché commis. Mais les pouvoirs du juge souverain ne s’arrêtent point, comme ceux des hommes, à une limite donnée : la charité fraternelle, foulée aux pieds, trouvera toujours au delà du temps son vengeur. Tant est grand le précepte de la sainte dilection qui unit les âmes ! Tant s’oppose directement à l’œuvre divine la faute qui, de près ou de loin, vient compromettre ou troubler l’harmonie des pierres vivantes de l’édifice qui s’élève ici-bas, dans la concorde et l’amour, à la gloire de l’indivisible et pacifique Trinité !

 

 

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Le Précieux Sang

1 Juillet 2023 , Rédigé par Ludovicus

Deux gouttes du précieux sang récupérées par saint Louis, et exposées dans un reliquaire à la basilique du précieux sang de Neuvy-saint-Sépulcre.

Deux gouttes du précieux sang récupérées par saint Louis, et exposées dans un reliquaire à la basilique du précieux sang de Neuvy-saint-Sépulcre.

Collecte

Dieu tout-puissant et éternel, vous avez établi votre Fils unique rédempteur du monde, et vous avez voulu que votre justice soit apaisée par son sang : faites-nous la grâce, nous vous en prions, de vénérer d’un culte solennel ce prix de notre salut, et d’être ici-bas préservés par sa vertu des maux de la vie présente ; de manière à jouir éternellement de ses fruits dans les cieux. Par le même.

Office

4e leçon

Sermon de saint Jean Chrysostome

Veux-tu apprendre la vertu du sang du Christ ? Remontons à ce qui l’a figuré et rappelons-nous sa première image, en puisant aux récits de l’Écriture ancienne. C’était en Égypte, Dieu menaçait les Égyptiens d’une dixième plaie, il avait résolu de faire périr leurs premiers-nés, parce qu’ils retenaient son peuple premier-né. Mais afin que le peuple juif qu’il aimait ne risquât pas d’être frappé avec eux (car ils habitaient tous un même pays), le Seigneur lui indiqua un remède qui devait servir au discernement des Israélites et des Gentils. C’est un exemple admirable et propre à vous faire véritablement connaître la vertu du sang de Jésus-Christ. Les effets de la colère divine étaient attendus, et le messager de la mort allait de maison en maison. Que fait donc Moïse ? « Tuez, dit-il, un agneau d’un an, et de son sang, marquez vos portes ». Que dis-tu, Moïse ? Le sang d’un agneau peut-il donc préserver l’homme doué de raison ? Certainement, nous répond-il ; non parce que c’est du sang, mais parce que le sang du Seigneur y est représenté.

5e leçon

Comme les statues des rois, inertes et muettes, protègent d’ordinaire les hommes doués d’une âme et de raison qui se réfugient près d’elles, non parce qu’elles sont d’airain, mais parce qu’elles sont l’image du prince ; ainsi ce sang privé de raison délivra des hommes ayant une âme, non parce que c’était du sang, mais parce qu’il annonçait pour l’avenir le sang du Christ. Et alors l’Ange destructeur, en voyant les portes teintes, passa plus loin et n’osa pas entrer. Si donc aujourd’hui, au lieu de voir des portes teintes du sang d’un agneau figuratif, l’ennemi voit les lèvres des fidèles, portes des temples de Jésus-Christ, reluire du sang de l’Agneau véritable, cet ennemi s’éloignera bien plus. Car si l’Ange se retira devant la figure, à combien plus forte raison l’ennemi sera-t-il saisi de frayeur s’il aperçoit la réalité elle-même ? Voulez-vous sonder encore une autre vertu de ce sang ? Je le veux bien. Voyez d’où il s’est d’abord répandu, et de quelle source il est sorti. C’est de la croix même qu’il commença à couler ; le côté du Seigneur fut sa source. Car, est-il dit, Jésus étant mort et encore suspendu à la croix, un soldat s’approche, lui frappe le côté avec sa lance, et il en sort de l’eau et du sang : l’une, symbole du baptême ; l’autre, du Sacrement. C’est pourquoi l’Évangile ne dit pas : Il en sortit du sang et de l’eau, mais de l’eau d’abord, et puis du sang ; parce que nous sommes d’abord lavés dans l’eau baptismale, et consacrés ensuite par le très saint Mystère. Un soldat ouvre le côté, il fait une ouverture dans la muraille du temple saint. Et moi j’ai trouvé un trésor précieux, et je me félicite de découvrir de grandes richesses.

6e leçon

Ainsi a-t-il été fait de cet Agneau. Les Juifs ont tué l’Agneau, et moi j’ai connu le fruit du Sacrement. Du côté coulèrent le sang et l’eau. Je ne veux pas, mon auditeur, passer si rapidement sur les secrets d’un si grand mystère, car il me reste encore à vous dire des choses mystiques et profondes. J’ai dit que cette eau et ce sang étaient le symbole du baptême et des Mystères. D’eux, en effet, a été fondée l’Église, par la régénération du bain et la rénovation du Saint-Esprit : je dis par le baptême et les Mystères, qui paraissent être sortis du côté. De son côté donc le Christ a édifié l’Église, comme du côté d’Adam fut tirée Ève, son épouse. Saint Paul atteste aussi cette origine, lorsqu’il dit : « Nous sommes les membres de son corps, formés de ses os », faisant allusion au côté du Christ. Oui, ainsi que Dieu fit la femme du côté d’Adam, de même le Christ nous donna de son côté l’eau et le sang, destinés à l’Église comme éléments réparateurs. – A l’occasion du dix-neuvième centenaire de la rédemption du genre humain, le pape Pie XI a promulgué un jubilé solennel pour commémorer un bienfait si ineffable. Voulant multiplier les grâces du précieux sang par lequel nous avons été rachetés dans le sang du Christ, l’agneau sans tache, et recommander plus intensément son souvenir aux fidèles, le Souverain Pontife a élevé au rang de première classe la fête du Précieux Sang de notre Seigneur Jésus Christ, que l’Église célèbre tous les ans.

7e leçon

Homélie de saint Augustin, Évêque

L’Évangéliste s’est servi d’une expression choisie à dessein, il ne dit pas : Il frappa son côté, ou : Il le blessa, ou, toute autre chose, mais : « Il ouvrit », pour nous apprendre qu’elle fut en quelque sorte ouverte au Calvaire, la porte de la vie d’où sont sortis les sacrements de l’Église, sans lesquels on ne peut avoir d’accès à la vie qui est la seule véritable vie. Ce sang qui a été répandu, a été versé pour la rémission des péchés ; cette eau vient se mêler pour nous au breuvage du salut ; elle est à la fois un bain qui purifie et une boisson rafraîchissante. Nous voyons une figure de ce mystère dans l’ordre donné à Noé d’ouvrir, sur un côté de l’arche, une porte par où pussent entrer les animaux qui devaient échapper au déluge et qui représentaient l’Église. C’est en vue de ce même mystère que la première femme a été faite d’une des côtes d’Adam pendant son sommeil, et qu’elle fut appelée vie et mère des vivants. Elle était la figure d’un grand bien, avant le grand mal de la prévarication. Nous voyons ici le second Adam s’endormir sur la croix, après avoir incliné la tête, pour qu’une épouse lui fût formée par ce sang et cette eau qui coulèrent de son côté pendant son sommeil. O mort qui devient pour les morts un principe de résurrection et de vie ! Quoi de plus pur que ce sang ? Quoi de plus salutaire que cette blessure ?

8e leçon

Les hommes servaient le démon et étaient ses esclaves, mais ils ont été rachetés de la captivité. Car ils ont pu se vendre, mais non se racheter. Le Rédempteur est venu et il a donné la rançon ; il a répandu son sang et il a racheté le monde entier. Vous demandez ce qu’il a acheté ? Voyez ce qu’il a donné et vous verrez ce qu’il a acheté. Le sang de Jésus-Christ est le prix. Que vaut-il, si ce n’est l’univers entier ? Que vaut-il, si ce n’est toutes les nations ? Ils sont très ingrats et n’apprécient pas son prix, ou sont démesurément superbes, ceux qui disent qu’il valait si peu qu’il n’a acheté que les Africains, ou qu’ils sont eux-mêmes si grands, que tout le prix leur a été consacré. Qu’ils ne s’élèvent pas, qu’ils ne s’enorgueillissent pas. Il a donné pour tous, tout ce qu’il a donné.

9e leçon

Il eut, lui, du sang au prix duquel il pouvait nous sauver ; et c’est pour ceci qu’il l’a pris ; afin que ce sang fût celui qu’il répandrait pour notre rédemption. Le sang du Seigneur, si vous le voulez, il est donné pour vous ; si vous ne voulez pas qu’il en soit ainsi, il n’est pas donné pour vous. Car vous dites peut-être : Mon Dieu eut du sang qui pouvait me sauver ; mais maintenant qu’il a souffert déjà, il l’a donné tout entier. Que lui en est-il resté, qu’il pût encore donner pour moi ? Mais voici ce qui est grand : c’est qu’il l’a donné une fois et qu’en même temps, il l’a donné pour tous. Le sang du Christ est le salut pour qui l’accepte et le supplice pour qui le refuse. Pourquoi donc hésitez-vous, vous qui ne voulez pas mourir et ne voulez-vous pas plutôt être délivré d’une seconde mort ? Et vous en êtes délivré si vous voulez porter votre croix et suivre le Seigneur ; car il a porté, lui, la sienne, et a cherché un serviteur.

Jean-Baptiste a montré l’Agneau, Pierre affermi son trône, Paul préparé l’Épouse : œuvre commune, dont l’unité fut la raison qui devait les rapprocher de si près tous trois sur le Cycle. L’alliance étant donc maintenant assurée, tous trois rentrent dans l’ombre ; et seule, sur les sommets où ils l’ont établie, l’Épouse apparaît, tenant en mains la coupe sacrée du festin des noces.

Tel est le secret de la fête de ce jour. Son lever au ciel de la sainte Liturgie, en la saison présente, est plein de mystère. Déjà, et plus solennellement, l’Église a révélé aux fils de la nouvelle Alliance le prix du Sang dont ils furent rachetés, sa vertu nourrissante et les honneurs de l’adoration qu’il mérite. Au grand Vendredi, la terre et les cieux contemplèrent tous les crimes noyés dans le fleuve de salut dont les digues éternelles s’étaient enfin rompues, sous l’effort combiné de la violence des hommes et de l’amour du divin Cœur. La fête du Très-Saint-Sacrement nous a vus prosternés devant les autels où se perpétue l’immolation du Calvaire, et l’effusion du Sang précieux devenu le breuvage des humbles et l’objet des hommages des puissants de ce monde. Voici que l’Église, cependant, convie de nouveau les chrétiens à célébrer les flots qui s’épanchent de la source sacrée : qu’est-ce à dire, sinon, en effet, que les solennités précédentes n’en ont point sans doute épuisé le mystère ?

La paix faite par ce Sang dans les bas lieux comme sur les hauteurs ; le courant de ses ondes ramenant des abîmes les fils d’Adam purifiés, renouvelés, dans tout l’éclat d’une céleste parure ; la table sainte dressée pour eux sur le rivage, et ce calice dont il est la liqueur enivrante : tous ces apprêts seraient sans but, toutes ces magnificences demeureraient incomprises, si l’homme n’y voyait les avances d’un amour dont les prétentions entendent n’être dépassées par les prétentions d’aucun autre amour. Le Sang de Jésus doit être pour nous à cette heure le Sang du Testament, le gage de l’alliance que Dieu nous propose, la dot constituée par l’éternelle Sagesse appelant les hommes à cette union divine, dont l’Esprit de sainteté poursuit sans fin la consommation dans nos âmes. Et c’est pourquoi la présente fête, fixée toujours à quelqu’un des Dimanches après la Pentecôte, n’interrompt point l’enseignement qu’ils ont mission de nous donner en ce sens, mais le confirme merveilleusement au contraire.

« Ayons donc confiance, ô mes Frères, nous dit l’Apôtre ; et, par le Sang du Christ, entrons dans le Saint des Saints. Suivons la route nouvelle dont le secret est devenu nôtre, la route vivante qu’il nous a tracée au travers du voile, c’est-à-dire de sa chair. Approchons d’un cœur vrai, d’une foi pleine, purs en tout, maintenant ferme la profession de notre inébranlable espérance ; car celui qui s’est engagé envers nous est fidèle. Excitons-nous chacun d’exemple à l’accroissement de l’amour. Et que le Dieu de paix qui a ressuscité d’entre les morts notre Seigneur Jésus-Christ, le grand pasteur des brebis dans le Sang de l’Alliance éternelle, vous dispose à tout bien, pour accomplir sa volonté, pour que lui-même fasse en vous selon son bon plaisir par Jésus-Christ, à qui soit gloire dans les siècles des siècles ! »

Nous ne devons pas omettre de rappeler ici que cette fête est le monument de l’une des plus éclatantes victoires de l’Église au dernier siècle. Pie IX avait été chassé de Rome, en 1848, par la Révolution triomphante ; dans ces mêmes jours, l’année suivante, il voyait rétablir son pouvoir. Les 28, 29 et 30 juin, sous l’égide des Apôtres, la fille aînée de l’Église, fidèle à son glorieux passé, balayait les remparts de la Ville éternelle ; le 2 juillet, fête de Marie, s’achevait la conquête. Bientôt un double décret notifiait à la Ville et au monde la reconnaissance du Pontife, et la manière dont il entendait perpétuer par la sainte Liturgie le souvenir de ces événements. Le 10 août, de Gaète même, lieu de son refuge pendant la tourmente, Pie IX, avant d’aller reprendre le gouvernement de ses États, s’adressait au Chef invisible de l’Église et la lui confiait par l’établissement de la fête de ce jour, lui rappelant que, pour cette Église, il avait versé tout son Sang. Peu après, rentré dans sa capitale, il se tournait vers Marie, comme avaient fait en d’autres circonstances saint Pie V et Pie VII ; le Vicaire de l’Homme-Dieu renvoyait à celle qui est le Secours des chrétiens l’honneur de la victoire remportée au jour de sa glorieuse Visitation, et statuait que la fête du 2 juillet serait élevée du rite double-majeur à celui de seconde classe pour toutes les Églises : prélude à la définition du dogme de la Conception immaculée, que l’immortel Pontife projetait dès lors, et qui devait achever l’écrasement de la tête du serpent.

 

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