Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Regnum Galliae Regnum Mariae
Articles récents

De la justice et de la miséricorde de Dieu

10 Mai 2023 , Rédigé par Ludovicus

De la justice et de la miséricorde de Dieu

Ia Question 21 : De la justice et de la miséricorde de Dieu

Après avoir parlé de l’amour de Dieu nous avons à nous occuper de sa justice et de sa miséricorde. A cet égard quatre questions se présentent : — 1° Y a-t-il justice en Dieu ? (Cet article est une réfutation de l’erreur des gnostiques, d’Apelle et des albigeois, qui prétendaient que Dieu est méchant, et que, par conséquent, il n’est pas juste.) — 2° Peut-on dire que sa justice est la vérité ? (Dans les saintes Écritures, la justice de Dieu est souvent appelée vérité (Ps. 24, 10) : Toutes les voies du Seigneur sont miséricorde et vérité ; (Ps. 60, 8) : Qui scrutera sa miséricorde et sa vérité ? ; (Ps. 56, 11) : votre miséricorde s’est élevée jusqu’aux cieux, et votre vérité jusqu’aux nues.

 

Article 1 : Y a-t-il justice en Dieu ?

Objection N°1. Il semble qu’il n’y ait pas de justice en Dieu. Car la justice dans la division des vertus est opposée à la tempérance. Or, la tempérance n’existe pas en Dieu ; donc la justice n’y existe pas non plus.

Réponse à l’objection N°1 : Il y a des vertus morales qui se rapportent aux passions. Ainsi la tempérance se rapporte à la concupiscence, le courage à la crainte et à l’audace, la mansuétude à la colère. Ces vertus ne peuvent être attribuées à Dieu que par métaphore, parce qu’en Dieu il n’y a pas de passions, comme nous l’avons dit (Q. 20, a. 1), et qu’il n’y a pas l’appétit sensitif qui est le sujet de ces vertus, comme le dit Aristote (Eth., l. 3, c. 2). Mais il y a les vertus morales qui ont pour objet les actions, telles que celles qui se rapportent aux dons et aux largesses, comme la justice, la libéralité et la magnificence. Ces vertus n’existant pas dans la partie sensitive de l’être, mais dans la volonté, rien n’empêche de les admettre en Dieu, pourvu qu’on ne les applique pas à des actions civiles, mais à des œuvres qui conviennent à la nature divine. Car il serait ridicule de faire à Dieu l’hommage de vertus purement humaines, comme les vertus civiles ou politiques, d’après l’observation que fait à si juste titre Aristote (Eth., liv. 10, chap. 8).

Objection N°2. Celui qui fait tout selon le bon plaisir de sa volonté n’agit pas selon la justice. Or, comme le dit l’Apôtre, Dieu fait tout d’après le conseil de sa volonté (Ep. 1, 11). Donc on ne doit pas lui attribuer la justice.

Réponse à l’objection N°2 : Le bien que l’intelligence perçoit étant l’objet de la volonté, il est impossible que Dieu veuille quelque chose qui ne soit pas conforme à sa sagesse. Et sa sagesse étant la règle même de la justice, sa volonté est nécessairement droite et juste. Par conséquent, en faisant sa volonté il observe la justice comme nous l’observons en suivant la loi. Mais pour nous la loi émane toujours de quelque supérieur, tandis que Dieu est à lui-même sa loi.

Objection N°3. La justice consiste à payer ce qui est dû. Or, Dieu ne doit rien à personne. Donc la justice n’est pas un de ses attributs.

Réponse à l’objection N°3 : On doit à chaque être ce qui lui revient. Or, on regarde comme la propriété d’un être ce qui se rapporte à lui comme à sa fin. Ainsi l’esclave appartient au maître et non réciproquement. Car l’homme libre est maître de sa personne et de ses actes. Par conséquent le mot de dette implique l’idée d’une exigibilité et d’une nécessité quelconque, par rapport à l’être auquel l’objet dû se rapporte. Or, ce rapport peut être considéré de deux manières. 1° Il peut exister d’un être créé à un autre être créé. C’est ainsi que les parties se rapportent au tout, les accidents aux substances, tous les êtres à leur fin. 2° Il peut exister des créatures à Dieu. Dans les œuvres divines la dette peut être encore considérée de deux manières. Ainsi il peut y avoir dette par rapport à Dieu et dette par rapport à la créature, et sous ce double rapport Dieu s’acquitte de sa dette. Car Dieu se doit à lui-même d’accomplir dans les créatures ce qui est conforme à sa sagesse et à sa volonté, et ce que la manifestation de sa bonté réclame, et dans ce sens sa justice rentre dans le respect de lui-même qui exige qu’il s’acquitte de tout ce qu’il se doit. De son côté, la créature a droit à tout ce que sa fin suppose. Ainsi l’homme doit avoir des mains et les autres animaux doivent le servir. Dieu fait donc un acte de justice en donnant à chaque être ce que demande sa nature et sa condition. Mais ce qui est dû à la créature revient à ce que Dieu se doit à lui-même ; car il ne doit à un être que ce que sa sagesse éternelle a déterminé en le créant pour telle ou telle fin. Et quoique Dieu doive en ce sens quelque chose à ses créatures, il n’est cependant le débiteur de personne, parce qu’il ne se rapporte pas aux autres êtres, mais que ce sont plutôt les autres êtres qui se rapportent à lui. C’est pourquoi en parlant de la justice de Dieu quelquefois on dit qu’elle n’est qu’une application de sa bonté et d’autres fois on la regarde comme rendant à chacun selon ses mérites. Saint Anselme la considère sous ce double point de vue quand il dit au Seigneur : Lorsque vous punissez les méchants c’est une justice, puisque vous les traitez comme ils le méritent ; mais quand vous les épargnez c’est également juste, parce que vous faites ce qui convient à votre bonté.

Objection N°4. Tout ce qui est en Dieu est son essence. Or, la justice n’est pas son essence. Car Boëce dit (liv. de Heb) que le bien se rapporte à l’essence, mais que le juste se rapporte à l’acte. Donc il n’y a pas de justice en Dieu.

Réponse à l’objection N°4 : Quoique la justice se rapporte à l’acte, elle n’en est pas moins l’essence de Dieu ; parce que ce qui est de l’essence d’une chose peut être un principe d’action. Or, le bien ne se rapporte pas uniquement à l’acte ; car on appelle bonne une chose, non seulement d’après son action, mais encore d’après la perfection de son essence. C’est pour cela qu’il est dit au même endroit que le bon est au juste ce que le général est au particulier (Ou plus littéralement, ce que le genre est à l’espèce.).

Mais c’est le contraire. Car il est dit dans les Psaumes : Le Seigneur est juste, et il aime la justice (Ps. 10, 8).

Conclusion Puisque tout ce que nous avons vient de Dieu et que personne ne lui a rien donné pour mériter ce qu’il a reçu, c’est avec raison qu’on dit qu’il n’y a pas en lui de justice commutative, mais qu’il y a une justice distributive par laquelle il accorde à chaque être ce qui est nécessaire au complément de son existence, de telle sorte que l’ordre de l’univers soit par là même conservé.

Il faut répondre qu’il y a deux sortes de justice. L’une consiste à donner pour recevoir, comme l’achat et la vente, et les autres commerces ou échanges de cette nature. Cette justice est appelée par Aristote (Eth., liv. 5, chap. 4) commutative (La justice commutative consiste à donner pour recevoir ou pour avoir reçu ; elle n’existe pas en Dieu, parce qu’il ne peut rien recevoir de personne.), parce qu’elle dirige les échanges et les autres espèces de commerce ; elle ne convient pas à Dieu, car, comme le dit saint Paul (Rm. 2, 35) : Qui a donné le premier à Dieu pour en prétendre une récompense ? L’autre justice consiste à distribuer ce qui revient à chacun suivant son mérite. On l’appelle pour ce motif distributive. Elle est le propre des rois et des juges. Comme l’ordre parfait, qui règne dans une famille ou dans une multitude bien gouvernée, fait voir cette justice dans celui qui en est le chef ; de même l’ordre général qui brille dans les choses de la nature aussi bien que dans le monde moral est une manifestation de la justice de Dieu. C’est ce qui fait dire à saint Denis (De div. nom., chap. 8) : Il faut reconnaître la justice de Dieu, en ce qu’il accorde à tous les êtres les dons qui conviennent spécialement à leur dignité, et en ce qu’il conserve la nature de chaque chose dans l’ordre et le rang qui lui est propre.

Article 2 : La justice de Dieu est-elle vérité ?

Objection N°1. Il semble que la justice de Dieu ne soit pas vérité. Car la justice est dans la volonté, puisque saint Anselme la définit une certaine droiture de volonté (Dial. verit., chap. 13). Or, la vérité est dans l’entendement, comme le dit Aristote (Met., liv. 6, text. 8 ; Eth. liv. 6, chap. 2 et 6). Donc la justice et la vérité ne rentrent pas l’une dans l’autre.

Réponse à l’objection N°1 : La justice considérée comme la loi qui doit régir les êtres existe dans la raison et dans l’intelligence ; mais si on la considère comme l’autorité qui règle tous les actes conformément à la loi, elle existe dans la volonté.

Objection N°2. La vérité est, d’après Aristote (Eth., liv. 4, chap.7), une autre vertu que la justice. Donc la vérité n’est pas la même chose que la justice.

Réponse à l’objection N°2 : La vérité dont parle Aristote dans le passage cité est la vertu par laquelle on se montre dans ses actes et ses paroles tel qu’on est. Dans ce sens la vérité consiste dans la conformité du signe avec la chose signifiée, mais non dans la conformité de l’effet avec sa cause et sa règle, comme nous l’avons dit dans le corps de cet article en parlant de la vérité de la justice.

Mais c’est le contraire. Il est écrit : La miséricorde et la vérité se sont rencontrées en lui (Ps. 84, 11). Évidemment dans ce passage on prend la vérité pour la justice.

Conclusion La justice, telle qu’elle existe en Dieu, est avec raison appelée vérité, pourvu qu’on entende par vérité le rapport de conformité qui existe entre l’intelligence et les choses qu’elle perçoit.

Il faut répondre que la vérité consiste dans la conformité de l’intelligence et de la chose qu’elle a perçue, comme nous l’avons dit plus haut (Q. 16, a. 1). Or, l’intelligence qui est la cause des êtres se rapporte à eux comme leur règle, leur mesure. Il en est autrement de l’intelligence qui reçoit des objets extérieurs sa science. Quand les choses sont la mesure et la règle de l’intelligence, la vérité consiste dans la conformité de l’entendement avec les choses qu’il perçoit. Car suivant qu’une chose existe ou n’existe pas, nos pensées et nos paroles sont vraies ou fausses. Mais quand l’entendement est la règle ou la mesure des choses, la vérité consiste dans la conformité des choses avec l’entendement lui-même ; c’est ainsi qu’on dit qu’un artisan fait un ouvrage vrai, quand cet ouvrage est conforme aux règles de son art. Or, ce que les œuvres d’art sont à l’art lui-même, les actions justes le sont à la loi avec laquelle elles s’accordent. Par conséquent la justice de Dieu, qui établit dans le monde un ordre conforme à sa sagesse qui est sa loi, peut être appelée vérité, et c’est aussi ce qui nous fait dire que la vérité de la justice est en nous, quand nous agissons selon la loi de la raison.

 

Article 3 : La miséricorde est-elle un attribut de Dieu ?

Objection N°1. Il semble que la miséricorde ne soit pas un attribut de Dieu. Car, d’après saint Jean Damascène (De orth. fid., liv. 2, chap. 14), la miséricorde est une espèce de tristesse. Or, la tristesse n’existe pas en Dieu. Donc la miséricorde n’y existe pas non plus.

Réponse à l’objection N°1 : Cette objection suppose que la miséricorde est une affection passionnelle, ce que nous avons eu soin d’exclure.

Objection N°2. La miséricorde de Dieu n’est que le relâchement de sa justice. Or, Dieu ne peut rien sacrifier de ce qui appartient à sa justice. En effet il est dit : Si nous ne croyons pas, il demeure fidèle et ne peut se nier lui-même (2 Tm., chap. 2, 13). Or, comme le dit la glose à propos de ce passage, Dieu se nierait lui-même s’il niait ce qu’il a dit. Donc il n’y a pas en lui de miséricorde.

Réponse à l’objection N°2 : Dieu agit par miséricorde sans aller contre la justice, mais en faisant quelque chose de plus qu’elle ne demande. Ainsi celui qui donne deux cents deniers à un homme auquel il n’en doit que cent n’agit pas contre la justice, mais il agit avec libéralité et miséricorde. Il en est de même si on pardonne à quelqu’un l’offense qu’on en a reçue. Car celui qui remet une offense fait une sorte de don. C’est pourquoi saint Paul appelle la rémission des offenses une donation : vous pardonnant mutuellement, comme Dieu aussi vous a pardonnés dans le Christ (Ep., 4, 32). D’où il est manifeste que la miséricorde ne détruit pas la justice, mais qu’elle en est la plénitude. C’est ce qui fait dire à saint Jacques que la miséricorde surpasse la justice (Jc. 2, 13).

Mais c’est le contraire. Car il est écrit : Le Seigneur est bon et miséricordieux (Ps. 110, 4).

Conclusion Puisqu’il n’est pas dans la nature de Dieu de s’attrister sur les misères des autres et qu’il lui convient plutôt de les repousser, sa miséricorde n’est pas une passion sensible et corporelle, mais plutôt un effet de sa bonté.

Il faut répondre que la miséricorde doit être tout particulièrement attribuée à Dieu, non toutefois comme une affection passionnelle, mais comme un effet de sa bonté. — Pour rendre la vérité de cette réponse évidente, il faut observer que le mot miséricordieux signifie avoir le cœur compatissant (cor miserum), c’est-à-dire être affecté des douleurs et des peines d’autrui aussi vivement que si on les ressentait soi-même. D’où il suit que quand quelqu’un travaille à détruire la misère des autres comme si elle lui était propre il fait une œuvre de miséricorde. Or, Dieu ne peut pas s’attrister de la misère d’autrui, mais il lui convient par excellence de soulager la misère, et par misère nous entendons tout ce qui manque à ses créatures. Ce soulagement ne pouvant être que l’effet de sa bonté, Dieu est souverainement miséricordieux par là même qu’il est la source de toute bonté, comme nous l’avons dit plus haut (Q. 6, a. 4). — Il faut observer en outre que les perfections dont la Divinité gratifie la créature appartiennent à sa bonté, à sa justice, à sa libéralité ou à sa miséricorde, sous des rapports divers. Ainsi quand Dieu communique une perfection absolument parlant, c’est un effet de sa bonté, comme nous l’avons prouvé plus haut (Q. 6, a. 2 et 4) ; quand il communique à la créature une perfection qui est en rapport avec sa nature, c’est un effet de sa justice, comme nous l’avons dit (a. 2) ; quand il lui communique une perfection uniquement par l’effet de sa bonté sans qu’il en retire aucun avantage, c’est un effet de sa libéralité ; quand il lui donne les choses dont elle manque, c’est un effet de sa miséricorde.

 

Article 4 : Dans toutes les œuvres de Dieu y a-t-il miséricorde et justice ?

Objection N°1. Il semble qu’il n’y ait pas dans toutes les œuvres de Dieu miséricorde et justice. Car il y a des œuvres qu’on attribue à la miséricorde de Dieu, comme la justification des impies, et il y en a d’autres qui se rapportent à sa justice comme leur damnation. Ainsi saint Jacques dit : Celui qui n’a pas été miséricordieux sera jugé sans miséricorde (Jc. 2, 13). Donc il n’y a pas dans toutes les œuvres de Dieu miséricorde et justice.

Réponse à l’objection N°1 : Il y a des œuvres qu’on attribue à la justice de Dieu et d’autres à sa miséricorde, parce que dans les unes c’est la justice qui se montre avec le plus d’éclat, tandis que dans les autres c’est la miséricorde. Cependant la miséricorde se montre même dans la damnation des réprouvés, non pas en leur faisant la remise entière du châtiment, mais en l’allégeant sous un rapport, par exemple en punissant le coupable moins qu’il ne le mérite. Dans la justification de l’impie la justice se montre aussi, puisque Dieu ne remet les fautes qu’en vue de l’amour que sa miséricorde a répandu dans le cœur du coupable. Ainsi il est dit de Madeleine dans saint Luc : Il lui a été beaucoup pardonné parce qu’elle a beaucoup aimé (Lc, 7, 47).

Objection N°2. Saint Paul attribue la conversion des juifs à la justice et à la vérité, celle des gentils à la miséricorde (Rm. c. 15). Donc il n’y a pas dans toutes les œuvres de Dieu miséricorde et justice.

Réponse à l’objection N°2 : Il y a miséricorde et justice de la part de Dieu dans la conversion des juifs et des gentils. Mais il y a pour la conversion des juifs une raison de justice qu’on ne peut apporter pour la conversion des gentils. Ainsi, ils ont été sauvés en vue des promesses qui ont été faites à leurs pères.

Objection N°3. Beaucoup de justes sont affligés en ce monde. Or, c’est là une chose injuste. Donc il n’y a pas justice et miséricorde dans toutes les œuvres de Dieu.

Réponse à l’objection N°3 : Dans la punition des justes en ce monde il y a justice et miséricorde, parce que ces afflictions les purifient de leurs fautes légères et les élèvent vers Dieu en les détachant de la terre. Car, comme le dit saint Grégoire (Moral. l. 26, chap. 9), les maux qui nous accablent en ce monde nous forcent à aller vers Dieu.

Objection N°4. Il est de la justice de donner ce que l’on doit, et il est de la miséricorde de soulager les malheureux. Ainsi la justice et la miséricorde présupposent quelque chose dans leur exercice. Or, la création ne présuppose rien. Donc dans la création il n’y a ni justice, ni miséricorde.

Réponse à l’objection N°4 : A la vérité la création ne présuppose rien dans la nature des choses, mais elle présuppose quelque chose dans l’entendement divin. C’est ainsi qu’elle est une œuvre de justice, parce que Dieu accorde aux êtres qu’il crée ce que sa sagesse et sa bonté exigent, et elle est une œuvre de miséricorde, parce qu’elle fait passer les choses du non-être à l’être.

Mais c’est le contraire. Car il est écrit : Toutes les voies du Seigneur sont miséricorde et vérité (Ps., 24, 10).

Conclusion Puisque Dieu ne peut dans aucune de ses œuvres se dispenser de ce qu’il se doit à lui-même et de ce qu’il doit à sa créature, et que d’ailleurs ce qu’il doit n’est toujours en dernière analyse qu’un effet de sa bonté, il faut nécessairement que dans tout ce qu’il fait on retrouve sa justice et sa miséricorde.

Il faut répondre que dans toutes les œuvres de Dieu on doit trouver sa miséricorde et sa vérité, pourvu que par le mot miséricorde on entende l’éloignement de tout défaut, bien que tout défaut ne puisse être considéré comme une misère, mais que la misère n’existe que dans la créature raisonnable qui est faite pour être heureuse. Car la misère est le contraire de la félicité. — La preuve qu’il y a nécessairement en Dieu justice et miséricorde, c’est que la dette que la justice divine doit remplir se rapporte à Dieu ou à la créature, et que dans l’un et l’autre cas il est obligé de s’en acquitter. Car Dieu ne peut pas faire quelque chose qui ne soit pas conforme à sa sagesse et à sa bonté. Et c’est dans ce sens que nous avons entendu que Dieu se devait quelque chose à lui-même. De même tout ce que Dieu fait dans les créatures, il le fait dans l’ordre et la proportion qui convient, c’est-à-dire il observe par rapport à elles ce que la justice exige. Il faut donc qu’il y ait justice dans toutes les œuvres de Dieu. Or, toute œuvre de justice divine présuppose toujours une œuvre de miséricorde et se fonde sur elle. Car la créature ne peut avoir de droit qu’autant qu’il y aurait en elle quelque chose de préexistant et d’antérieur. Et si ce qui préexiste à la créature lui est dû, ce doit être pour quelque chose encore d’antérieur à lui. Et il faudrait ainsi remonter indéfiniment jusqu’à un don primitif qui n’aurait d’autre motif que la bonté de Dieu qui est la fin dernière de toutes choses. Par exemple, si nous disons que l’homme doit avoir des mains parce qu’il a une âme raisonnable, qu’il doit avoir une âme raisonnable parce qu’il est homme, il faudra avouer qu’il n’est homme que par l’effet de la bonté divine. Et ainsi dans toutes les œuvres de Dieu on retrouve la miséricorde comme la cause première de leur détermination. Cette cause a son influence sur tous les effets plus ou moins éloignés qui sont la conséquence de sa première action, et même elle agit plus fortement que toutes les autres causes, parce que la cause première a toujours plus de puissance qu’une cause seconde. C’est pourquoi Dieu par un surcroît de bonté donne toujours à ses créatures beaucoup plus que n’exige strictement leur nature. Car la justice est loin de demander tout ce que la bonté divine accorde, puisque celle-ci va toujours au-delà de ce que la créature a le droit d’obtenir en raison de sa condition.


 


 

Lire la suite

Saint Antonin évêque et confesseur mémoire des Saints Gordien et Epimaque Martyrs

10 Mai 2023 , Rédigé par Ludovicus

Saint Antonin évêque et confesseur mémoire des Saints Gordien et Epimaque Martyrs

Collecte

Que les mérites de saint Antonin, votre Confesseur et Pontife, nous soient en aide, ô Seigneur ; et comme nous vous proclamons admirable dans votre serviteur, faites que nous puissions aussi nous glorifier de votre miséricorde à notre égard.

Office

Quatrième leçon. Antonin, né à Florence de parents honnêtes, donna dès. son enfance des indices remarquables de sa sainteté future. Entré dans l’Ordre des Frères Prêcheurs à l’âge de seize ans, il commença dès lors à briller de l’éclat des plus hautes vertus. Il déclara une guerre perpétuelle à l’oisiveté : après un court sommeil, il était le premier à l’Office des Matines ; l’Office terminé, il employait le reste de la nuit à la prière ou à la lecture et à la composition de ses ouvrages ; et si quelquefois un sommeil importun venait surprendre ses membres fatigués, il appuyait un moment sa tête contre le mur, puis s’arrachant à l’assoupissement, il reprenait ses saintes veilles avec plus d’ardeur.

Cinquième leçon. Très sévère observateur de la discipline régulière, il ne mangea jamais de chair, si ce n’est lorsqu’il fut gravement malade. Il couchait sur la terre ou sur des planches nues ; il portait constamment le cilice, et souvent il y ajoutait une ceinture de fer sur sa chair ; il garda toujours la chasteté la plus entière. Sa prudence parut tellement dans les conseils qu’il donnait, que tous lui décernaient avec éloge le nom d’Antonin des conseils. L’humilité brilla en lui d’un tel éclat que, remplissant les charges de supérieur local et même de provincial, il se livrait avec empressement aux plus bas emplois du monastère. Promu à l’archevêché de Florence par Eugène IV, il donna, mais non sans regret, son acquiescement, dans la crainte des peines spirituelles dont le Pontife le menaçait s’il n’acceptait l’Épiscopat.

Sixième leçon. Il est difficile de dire à quel point il excella dans la charge pastorale par sa prudence, sa piété, sa chanté, sa mansuétude et son zèle sacerdotal Chose admirable, la puissance de son intelligence fut telle qu’il apprit à fond presque toutes les sciences sans 1e secours d’aucun maître. Enfin après beaucoup de travaux après avoir publié un grand nombre d’écrits remarquables par la doctrine qu’ils renferment, ayant reçu les sacrements d’Eucharistie et d’Extrême-onction, et embrassé l’image du crucifix, il vit venir sa mort avec joie, le six des nones de mai, l’an mil quatre cent cinquante-neuf. Illustre par ses miracles pendant sa vie et après a mort, Antonin fut inscrit au nombre des Saints par Adrien VI, l’an du Seigneur mil cinq cent vingt-trois.

L’ordre des Frères-Prêcheurs, qui a déjà présenté à Jésus triomphant Pierre le Martyr et la céleste Catherine, lui envoie aujourd’hui l’un des nombreux Pontifes qu’il a nourris et préparés dans son sein. Au XVe siècle, époque où la sainteté était rare sur la terre, Antonin fit revivre en sa personne toutes les vertus qui avaient brillé dans les plus grands évêques de l’antiquité. Son zèle apostolique, les œuvres de sa charité, l’austérité de sa vie, sont la gloire de l’Église de Florence qui fut confiée à ses soins. L’état politique de cette ville ne lui fut pas moins redevable pour sa grandeur et pour sa prospérité ; et Côme de Médicis, qui honorait son archevêque comme un père, confessa plus d’une fois que les mérites et les services d’Antonin étaient le plus ferme appui de Florence. Le saint prélat ne s’illustra pas moins par sa doctrine que par ses œuvres. On le vit tour à tour défendre la papauté attaquée dans le concile de Bâle par des prélats séditieux, et soutenir le dogme catholique dans le concile œcuménique de Florence contre les fauteurs du schisme grec. Admirons la fécondité de l’Église, qui n’a cessé de produire, selon les temps, des docteurs pour toutes les vérités, des adversaires contre toutes les erreurs.

Nous rendons gloire à Jésus ressuscité pour les dons sublimes qu’il vous avait départis, ô Antonin ! En vous confiant une portion de son troupeau, il avait doué votre âme des qualités qui font les pasteurs selon son cœur. Comme il savait qu’il pouvait compter sur votre amour, il commit ses agneaux à votre garde. Dans un siècle qui par ses désordres faisait déjà présager les scandales du siècle suivant, vous avez brillé de la plus pure lumière sur le chandelier de la sainte Église. Florence chérit encore votre mémoire ; dans ses murs, vous fûtes l’homme de Dieu et le père de la patrie. Aidez-la encore aujourd’hui du haut du ciel. Les prédicants de l’hérésie ne sont plus seulement à ses portes ; ils ont pénétré dans son enceinte. Veillez, ô saint Pontife, sur le champ que vos mains ont semé, et ne permettez pas que l’ivraie y prenne racine. Défenseur du Siège Apostolique, suscitez dans la malheureuse Italie des émules de votre zèle et de votre doctrine. Dans votre auguste basilique, sous son imposante coupole, vos yeux virent la réunion de l’Église byzantine à l’Église mère et maîtresse ; votre science et votre charité avaient eu leur part dans cette solennelle réconciliation qui devait, hélas ! durer si peu. Priez, ô Antonin, pour les fils de ceux qui furent infidèles à la promesse scellée sur l’autel même où vos mains ont tant de fois offert le divin Sacrifice de l’unité et de la paix.

Disciple du grand Dominique, héritier de son zèle ardent, soutenez le saint Ordre qu’il a fondé, et dont vous êtes l’une des principales gloires. Montrez que vous l’aimez toujours ; multipliez ses rejetons, et faites-les fleurir et fructifier comme aux jours anciens. Saint Pontife, souvenez-vous aussi du peuple chrétien qui vous implore en ces jours. Chaque année votre bouche éloquente annonçait la Pâque aux fidèles de Florence, et les conviait à prendre part à la résurrection de notre divin chef. La même Pâque, la Pâque immortelle, a de nouveau lui sur nous. Nous Pavons célébrée, nous la célébrons encore ; obtenez que ses fruits soient durables en nous ; que Jésus ressuscité, qui nous a donné la vie, la conserve dans nos âmes par sa grâce jusqu’à l’éternité.

 

 

Lire la suite

Saint Grégoire de Nazianze évêque, confesseur et docteur

9 Mai 2023 , Rédigé par Ludovicus

Saint Grégoire de Nazianze évêque, confesseur et docteur

Collecte

O Dieu qui avez fait à votre peuple la grâce d’avoir le bienheureux Grégoire, pour ministre du salut éternel, faites, nous vous en prions, que nous méritions d’avoir pour intercesseur dans les cieux celui qui nous a donné sur terre la doctrine de vie.

Office

Quatrième leçon. Grégoire, noble Cappadocien, qui fut surnommé le Théologien à cause de sa science profonde des lettres divines, naquit à Nazianze, dans la Cappadoce. Instruit à Athènes dans toutes sortes de sciences, en même temps que saint Basile le Grand, il s’appliqua ensuite à l’étude de l’Écriture sainte. Les deux amis s’y exercèrent durant quelques années dans un monastère, ayant pour méthode d’interpréter les livres sacrés, non selon les lumières de leur esprit propre, mais selon le raisonnement et l’autorité des anciens. Tandis qu’ils florissaient par leur science et la sainteté de leur vie, ils furent appelés à la charge de prêcher la vérité évangélique, et enfantèrent à Jésus-Christ un grand nombre d’âmes.

Cinquième leçon. Grégoire, étant retourné chez lui, fut d’abord créé Évêque de Sasime ; il administra ensuite l’Église de Nazianze. Appelé plus tard à Constantinople pour en gouverner l’Église, il purgea cette ville des hérésies dont elle était infectée, et la ramena à la foi catholique ; mais son zèle, qui aurait dû lui concilier la profonde affection de tous, lui attira l’envie d’un grand nombre. Un grave dissentiment s’étant élevé à son sujet entre les Évêques, il renonça spontanément à l’épiscopat, s’appliquant ces paroles d’un Prophète : « Si c’est à cause de moi que cette tempête s’est élevée, jetez-moi dans la mer, afin que vous cessiez d’être agités par l’orage ». Grégoire revint donc à Nazianze, et ayant fait donner le gouvernement de cette Église à Eulalius, il se livra tout entier à la contemplation des choses divines et à la composition d’ouvrages théologiques.

Sixième leçon. Il écrivit beaucoup, et en prose, et en vers, avec une piété et une éloquence admirables ; il a mérité cet éloge, au jugement d’hommes doctes et saints, que l’on ne trouve dans ses écrits rien qui ne soit conforme aux règles de la vraie piété et de la foi catholique, rien qui puisse être contesté raisonnablement. Il fut le ferme et zélé défenseur de la consubstantialité du Fils. De même qu’il n’était inférieur à personne pour la sainteté de sa vie, il surpassait tous les autres par la gravité de son style. Occupé à la lecture, l’étude et fa composition, il vécut dans la solitude de la campagne à la manière d’un moine ; enfin, accablé de vieillesse, il passa à ta vie bienheureuse du ciel, sous l’empire de Théodose.

Aux côtés d’Athanase, un second Docteur de l’Église se présente pour faire hommage de son génie et de son éloquence à Jésus ressuscité. C’est Grégoire de Nazianze, l’ami et l’émule de Basile, l’orateur insigne, le poète qui, dans la plus étonnante fécondité, a su joindre l’énergie à l’élégance ; celui qui entre tous les Grégoires a mérité et obtenu le grand nom de Théologien par la sûreté de sa doctrine, l’élévation de s’a pensée, la, splendeur de son exposition. La sainte Église le voit avec bonheur étinceler en ces jours sur le Cycle ; car nul n’a parlé avec plus de magnificence que lui du mystère de la Pâque. On en peut juger par le début de son deuxième discours pour cette auguste solennité. Écoutons.

« Je me tiendrai en observation comme la sentinelle », nous dit l’admirable prophète Habacuc ; et mot aujourd’hui, à son exemple, éclairé par l’Esprit-Saint, je fais aussi le guet, j’observe le spectacle qui se découvre à moi, j’écoute les paroles qui vont retentir. Et tandis que debout je considère, je vois assis sur les nuées un personnage dont les traits sont ceux d’un Ange, et dont le vêtement est éblouissant comme l’éclair. Sa voix retentit comme la trompette, et les rangs pressés de l’armée céleste l’environnent ; et il dit : « Ce jour est le jour du salut pour le monde visible et pour le monde invisible. Le Christ se lève d’entre les morts, vous aussi levez-vous. Le Christ reprend possession de lui-même, imitez-le. Le Christ s’élance du sépulcre, arrachez-vous aux liens du péché. Les portes de l’enfer sont ouvertes, la mort est écrasée, le vieil Adam est anéanti, et un autre lui est substitué : vous qui faites partie de la création nouvelle dans le Christ, soyez renouvelés. »

« C’est ainsi qu’il parlait, et les autres Anges répétaient ce qu’ils chantèrent au jour où le Christ nous apparut dans sa naissance terrestre : Gloire à Dieu au plus haut des deux, et sur la terre paix aux hommes de bonne volonté ! A moi maintenant de parler sur toutes ces merveilles : que n’ai-je la voix des Anges, une voix capable de retentir jusqu’aux confins de la terre !

« La Pâque du Seigneur ! La Pâque ! Encore la Pâque, en l’honneur de la Trinité ! C’est la fête des fêtes, la solennité des solennités, qui l’emporte sur toutes les autres autant que le soleil sur les étoiles. Dès hier combien fut auguste la journée, avec ses robes blanches et ses nombreux néophytes portant des flambeaux ! Nous avions double Fonction, publique et particulière ; toutes les classes d’hommes, des magistrats et des dignitaires en grand nombre, dans cette nuit illuminée de mille feux ; mais aujourd’hui combien ces allégresses et ces grandeurs sont dépassées ! Hier n’était que l’aurore de la grande lumière qui s’est levée aujourd’hui ; la joie que l’on ressentait n’était qu’un prélude de celle que l’on éprouve en ce moment ; car en ce jour c’est la résurrection elle-même que nous célébrons, non plus seulement espérée, mais accomplie, et s’étendant au monde entier. »

Ainsi préludait à la harangue sacrée le sublime orateur, le poète divin qui ne fit que passer sur le siège de Constantinople. Homme de retraite et de contemplation, les agitations du siècle usèrent vite son courage ; la bassesse et la méchanceté des hommes froissèrent son noble cœur ; et laissant à un autre le dangereux honneur d’occuper un trône si disputé, il s’envola de nouveau vers sa chère solitude, où il aimait tant à goûter Dieu et les saintes lettres. Il avait pu, dans son rapide passage, malgré tant de traverses, raffermir pour longtemps la foi ébranlée dans la capitale de l’empire, et tracer un sillon de lumière qui n’était pas effacé, lorsque Jean Chrysostome vint s’asseoir sur cette chaire de Byzance où tant d’épreuves l’attendaient à son tour.

L’Église grecque, dans ses Menées, consacre à la mémoire de saint Grégoire de Nazianze les plus magnifiques éloges. Nous en empruntons quelques traits.

 Célébrons par nos louanges le prince des pontifes, le grand docteur de l’Église du Christ, celui dont la voix est semblable au plus riche concert, à la harpe la plus mélodieuse, à la lyre la plus habile et la plus suave. Disons-lui : Salut, ô abîme de la grâce divine ! Salut, docteur aux pensées sublimes et célestes, Grégoire, Père des Pères ! Par quels hymnes et quels cantiques pourrons-nous te célébrer, nomme égal aux Anges, toi qui as vécu sur la terre au-dessus de l’humanité ? Tu fus le héraut de la divine parole, l’ami de la chaste Vierge, le compagnon des Apôtres sur leur trône, l’honneur des martyrs et des saints, l’adorateur de l’éternelle Trinité, ô pontife très saint.

Fidèles rassemblés pour sa fête, célébrons dans nos chants spirituels le prince des pontifes, la gloire des patriarches, l’interprète des plus profonds enseignements du Christ, l’intelligence la plus sublime. Disons-lui : Salut, source de la théologie, fleuve de la sagesse, initiateur aux connaissances divines ! Salut, astre lumineux qui éclaires le monde entier par ta doctrine ! Salut, ô puissant défenseur de la piété, adversaire généreux de l’impiété.

Tu as su éviter dans ta sagesse les périls et les embûches de la chair, ô Grégoire notre père ; sur un char conduit par les quatre vertus, tu es monté par le milieu du ciel, et tu t’es envolé vers l’ineffable beauté. Elle t’enivre maintenant de délices, et tu implores pour nos âmes la miséricorde et la paix.

Ouvrant ta bouche à la parole de Dieu, tu as attiré l’Esprit de sagesse, et rempli de la grâce, tu as fait retentir les dogmes divins, ô Grégoire trois fois heureux ! Placé aux rangs des Puissances angéliques, tu as prêché la triple et indivisible Lumière ; éclairés par ta divine doctrine, nous adorons la Trinité, nous confessons en elle une seule divinité, afin d’obtenir le salut de nos âmes !

O Grégoire inspiré de Dieu, ta langue enflammée a consumé les formules captieuses des hérétiques ennemis du Seigneur. Tu as paru comme une bouche divine, exposant dans l’Esprit-Saint les grandeurs de Dieu ; dans tes écrits tu nous as manifesté la puissance et la substance même de la Trinité mystérieuse et impénétrable. Comme un triple soleil tu as éclairé ce monde terrestre ; et maintenant tu intercèdes sans relâche pour nos âmes.

Salut, ô fleuve de Dieu, toujours rempli des eaux de la grâce ! Tu baignes la cité du Christ roi, et tu la réjouis par ta parole et tes enseignements divins : torrent de délices, mer sans fond, gardien fidèle et juste de la doctrine, défenseur courageux de la Trinité, organe de l’Esprit-Saint, génie attentif et vigilant, langue harmonieuse , interprète des mystères les plus profonds de l’Écriture, supplie maintenant le Christ de répandre sur nous s’a grande miséricorde.

Tu t’es élevé sur la montagne des vertus, ayant abdiqué les choses de la terre, étant devenu étranger aux œuvres de mort ; tu as reçu les tables écrites de la main de Dieu, et le dogme de ta très pure théologie, et tu nous enseignes les mystères célestes, ô Grégoire rempli ’de sagesse.

La Sagesse de Dieu a eu ton amour, tu as recherché la beauté de sa parole, et tu l’as estimée au-dessus de tout ce qui charme les hommes sur la terre ; c’est pourquoi le Seigneur a orné ta tête d’une couronne de grâces, ô Bienheureux, et t’ayant mis à part, il t’a choisi pour être le Théologien.

Afin que ton âme s’éclairât tout entière des rayons de l’auguste Trinité , tu l’as polie, ô Père, la rendant sans tache par ta noble profession de toutes les vertus, et semblable à un miroir nouveau et préparé avec le plus grand soin ; alors la réfraction du divin éclat t’a fait paraître semblable à un Dieu.

Tu as paru comme un nouveau Samuel donné de Dieu ; avant d’être conçu tu fus donné à Dieu, ô bienheureux ! La prudence et la continence ont été ta parure, et, orné de la robe sacrée des pontifes, tu as été établi, ô Père, comme le médiateur entre le Créateur et la créature.

Tu as approché tes lèvres vénérables de la coupe qui contient la sagesse, ô Grégoire notre père ! tu as aspiré les eaux divines de la théologie, et tu les as fait couler avec abondance sur les fidèles ; tu as arrêté le torrent pernicieux de l’hérésie, ce torrent qui roule le blasphème. L’Esprit-Saint a trouvé en toi un pasteur gouvernant avec sainteté, repoussant et soulevant contre lui les audacieuses fureurs des impies, semblables aux violents orages des vents sur la mer ; un pasteur prêchant la Trinité dans l’unité de substance.

Brebis de la sainte Église, célébrons dans nos divins cantiques la lyre de l’Esprit-Saint, la faux des hérésies, les délices des orthodoxes, un second disciple reposant sur la poitrine de Jésus, le contemplateur du Verbe, le patriarche rempli de sagesse. Disons-lui : Tu es un bon pasteur, ô Grégoire ! tu t’es livré pour nous, comme le Christ notre maître, et maintenant tu tressailles d’allégresse avec Paul, et tu intercèdes pour nos âmes.

Nous vous saluons, ô Grégoire, docteur immortel, vous à qui l’Orient et l’Occident ont décerné de concert le titre de Théologien par excellence ! Illuminé des rayons de la glorieuse Trinité, vous nous en avez manifesté les splendeurs, autant que notre œil mortel les peut entrevoir à travers le nuage de cette vie. En vous s’est accomplie cette parole : « Heureux ceux qui ont le cœur pur, parce qu’ils verront Dieu! » La pureté de votre âme l’avait préparée à recevoir la lumière divine, et votre plume inspirée a su rendre une partie de ce que votre âme avait goûté. Obtenez-nous, ô grand Docteur, le don de la foi, qui met la créature en rapport avec Dieu, et le don de l’intelligence, qui lui fait entendre ce qu’elle croit. Tous vos labeurs eurent pour but de prémunir les fidèles contre les séductions de l’hérésie, en faisant luire à leurs yeux les dogmes divins dans toute leur magnificence ; rendez-nous attentifs, afin que nous évitions les pièges de l'erreur, et ouvrez notre œil à la lumière ineffable des mystères, à cette lumière qui, comme dit saint Pierre, est pour nous « semblable à une lampe « allumée dans un lieu obscur, jusqu’à ce que le « jour commence à briller, et que l’étoile du ma- »tin se lève dans nos cœurs ».

En ces temps où l’Orient, si longtemps en proie à la triste immobilité de l’erreur séculaire et de la servitude, semble à la veille d’une crise qui doit modifier profondément ses destinées, tandis qu’une politique profane songe à exploiter au profit de l’ambition humaine les changements qui se préparent, souvenez-vous, ô Grégoire, de l’infortunée Byzance. Demain peut-être les puissances du monde se la disputeront comme une proie. O vous qui fûtes un moment son pasteur, vous dont le souvenir n’est pas encore effacé de sa mémoire, arrachez-la à l’esprit de schisme et d’erreur. Elle n’est tombée sous le joug de l’infidèle qu’en punition de sa révolte contre le vicaire du Christ. Bientôt ce joug sera brisé ; obtenez, ô Grégoire, qu’en même temps celui de l’erreur et du schisme, plus dangereux et plus humiliant encore, se rompe et soit anéanti pour jamais. Déjà un mouvement de retour se manifeste ; des provinces entières s’ébranlent et semblent vouloir jeter un regard d’espérance vers la mère commune des Églises, qui leur ouvre ses bras. O Grégoire ! Du haut du ciel, aidez à la réconciliation. L’Orient et l’Occident vous honorent comme l’un des plus sublimes organes de la vérité divine ; par vos prières, obtenez que l’Orient et l’Occident soient encore une fois réunis dans un même bercail, sous un même pasteur, avant que l’Agneau immolé et ressuscité d’entre les morts redescende du ciel pour séparer l’ivraie du bon grain, et pour emmener avec lui dans sa gloire l’Église son épouse et notre mère, hors du sein de laquelle il n’y a pas de salut.

Aidez-nous, en ces jours, à contempler les grandeurs de notre divin Ressuscité ; faites-nous tressaillir d’un saint enthousiasme dans cette Pâque qui vous inondait de ses joies, et vous inspirait les sublimes accents que nous venons d’entendre. Ce Christ, sorti triomphant du tombeau, vous l’avez aimé dès vos plus tendres années, et dans votre vieillesse son amour faisait encore battre votre cœur. Priez, afin que, nous aussi, nous lui demeurions fidèles, que ses divins mystères ravissent toujours nos âmes, que cette Pâque demeure toujours en nous, que le renouvellement qu’elle nous a apporté persévère dans notre vie, qu’à ses retours successifs elle nous retrouve attentifs et vigilants pour l’accueillir avec une ardeur toute nouvelle, jusqu’à ce que la Pâque éternelle nous accueille et nous ouvre ses allégresses sans fin.

Lire la suite

Super I Cor. [reportatio vulgata], cap. 13 l. 3

8 Mai 2023 , Rédigé par Ludovicus

Super I Cor. [reportatio vulgata], cap. 13 l. 3

Lectio 3

Super I Cor. [reportatio vulgata], cap. 13 l. 3 Postquam apostolus ostendit quod charitas excellit alia dona Spiritus Sancti necessitate et fructuositate, hic ostendit excellentiam charitatis ad alia dona quantum ad permanentiam. Et circa hoc tria facit. Primo proponit differentiam charitatis ad alia dona Spiritus Sancti, quantum ad permanentiam; secundo probat quod dixerat, ibi ex parte enim cognoscimus, etc.; tertio infert conclusionem intentam, ibi nunc autem manent, et cetera. Circa primum duo facit. Primo proponit permanentiam charitatis; secundo cessationem aliorum donorum, ibi sive prophetiae, et cetera. Dicit ergo primo charitas numquam excidit. Quod quidem male intelligentes, in errorem ceciderunt, dicentes, quod charitas semel habita, numquam potest amitti, cui videtur consonare quod dicitur I Jn. III, 9: omnis qui natus est ex Deo, peccatum non facit, quoniam semen ipsius in eo manet. Sed huius dicti primo quidem sententia falsa est. Potest enim aliquis charitatem habens, a charitate excidere per peccatum, secundum illud Ap. II, 4 s.: charitatem tuam primam reliquisti. Memor esto itaque unde excideris, et age poenitentiam. Et hoc ideo est, quia charitas recipitur in anima hominis secundum modum ipsius, ut scilicet possit ea uti, vel non uti. Dum vero ea utitur homo, peccare non potest: quia usus charitatis est dilectio Dei super omnia, et ideo nihil restat propter quod homo Deum offendat. Et per hunc modum intelligitur verbum Ioannis inductum. Secundo, praedicta sententia non est secundum intentionem apostoli, quia non loquitur hic de cessatione donorum spiritualium, per peccatum mortale, sed potius de cessatione donorum spiritualium, quae pertinent ad hanc vitam per gloriam supervenientem. Unde sensus apostoli est charitas numquam excidit, quia scilicet sicut est in statu viae, ita permanebit in statu patriae et cum augmento, secundum illud Is. XXXI, 9: dixit Dominus cuius ignis est in Sion, scilicet in Ecclesia militante et caminus eius in Ierusalem, id est in pace caelestis patriae. Deinde cum dicit sive prophetiae, etc., proponit cessationem aliorum donorum spiritualium, et specialiter eorum quae praecipua videntur. Primo quantum ad prophetiam, dicit sive prophetiae evacuabuntur, id est cessabunt, quia scilicet in futura gloria prophetia locum non habebit, propter duo. Primo quidem quia prophetia respicit futurum, status autem ille non expectabit aliquid in futurum, sed erit finale complementum omnium eorum quae ante fuerant prophetata. Unde in Ps. XLVII, 9 dicitur: sicut audivimus, scilicet per prophetas, ita et vidimus, praesentialiter, in civitate Domini virtutum. Secundo quia prophetia est cum cognitione figurali et aenigmatica, quae cessabit in patria. Unde dicitur Nm. XII, 6: si quis fuerit inter vos propheta Domini, per somnium aut in visione apparebo ei, vel per somnium loquar ad illum. Et Os XII, 10: in manibus prophetarum assimilatus sum. Secundo quantum ad donum linguarum, dicit sive linguae cessabunt. Quod quidem non est intelligendum quantum ad ipsa membra corporea, quae linguae dicuntur, ut dicitur infra XV, 52: mortui resurgent incorrupti, id est, absque diminutione membrorum. Neque autem intelligendum est quantum ad usum linguae corporeae. Est enim futura in patria laus vocalis, secundum illud Ps. CXLIX, 6: exultationes Dei in gutture eorum, ut Glossa ibidem exponit. Est ergo intelligendum quantum ad donum linguarum, quo scilicet aliqui in primitiva Ecclesia linguis variis loquebantur, ut dicitur Ac. II, 4. In futura enim gloria, quilibet quamlibet linguam intelliget. Unde non erit necessarium variis linguis loqui. Nam etiam a primordio generis humani, ut dicitur Gn. XI, 1: unus erat sermo, et unum labium omnibus, quod multo magis erit in ultimo statu, in quo erit unitas consummata. Tertio quantum ad scientiam, subdit: sive scientia destruetur. Ex quo quidam accipere voluerunt quod scientia acquisita totaliter perditur cum corpore. Ad cuius veritatis inquisitionem considerare oportet, quod duplex est vis cognitiva, scilicet vis sensitiva et vis intellectiva. Inter quas est differentia, quia vis sensitiva est actus organi corporalis, et ideo necesse est quod desinat corpore corrupto; vis autem intellectiva non est actus alicuius organi corporei, ut probatur in III de anima, et ideo necesse est quod maneat corpore corrupto. Si ergo aliquid scientiae acquisitae conservetur in parte animae intellectivae, necesse est quod id permaneat post mortem. Quidam ergo posuerunt quod species intelligibiles non conservantur in intellectu possibili, nisi quamdiu intelligit. Conservantur autem species phantasmatum in potentiis animae sensitivae, puta in memorativa et imaginativa; ita scilicet quod semper intellectus possibilis quando de novo vult intelligere, etiam quae prius intellexit, indiget abstrahere a phantasmatibus per lumen intellectus agentis, et secundum hoc consequens est quod scientia hic acquisita non remaneat post mortem. Sed haec positio est primo quidem contra rationem. Manifestum est enim quod species intelligibiles in intellectu possibili recipiuntur ad minus dum actu intelligit. Quod autem recipitur in aliquo, est in eo per modum recipientis. Cum ergo substantia intellectus possibilis sit immutabilis et fixa, consequens est, quod species intelligibiles remaneant in eo immobiliter. Secundo est contra auctoritatem Aristotelis in III de anima, qui dicit quod cum intellectus possibilis est sciens unumquodque, tunc etiam est intelligens in potentia. Et sic patet quod habet species intelligibiles per quas dicitur sciens, et tamen adhuc est in potentia ad intelligendum in actu, et ita species intelligibiles sunt in intellectu possibili, etiam quando non intelligit actu. Unde etiam, ibidem, philosophus dicit, quod anima intellectiva est locus specierum, quia scilicet in ea conservantur species intelligibiles. Indiget tamen in hac vita convertere se ad phantasmata, ad hoc quod actu intelligat, non solum ut abstrahat species a phantasmatibus, sed etiam ut species habitas phantasmatibus applicet: cuius signum est quod laeso organo virtutis imaginativae, vel etiam memorativae, non solum impeditur homo ab acquisitione novae scientiae, sed etiam ab usu scientiae prius habitae. Sic ergo remanet scientia in anima post corporis mortem, quantum ad species intelligibiles, non autem quantum ad inspectionem phantasmatum, quibus anima separata non indigebit, habens esse et operationem absque corporis communione. Et secundum hoc apostolus hic dicit, quod scientia destruetur, scilicet secundum conversionem ad phantasmata. Unde et Is. XXIX, 14 dicitur: peribit sapientia a sapientibus, et intellectus prudentium eius abscondetur. Deinde cum dicit ex parte enim cognoscimus, probat quod dixerat: et primo inducit probationem; secundo manifestat ea, quae in probatione continentur, ibi cum essem parvulus, et cetera. Inducit ergo primo ad probandum propositum talem rationem: adveniente perfecto cessat imperfectum; sed dona alia praeter charitatem habent imperfectionem; ergo cessabunt superveniente perfectione gloriae. Primo ergo proponit minorem propositionem quo ad imperfectionem scientiae, cum dicit ex parte enim cognoscimus, id est imperfecte. Nam pars habet rationem imperfecti. Et hoc praecipue verificatur quantum ad cognitionem Dei, secundum illud Jb XXXVI, 26: ecce Deus magnus vincens scientiam nostram; et XXVI, 14: ecce haec ex parte dicta sunt viarum eius. Proponit etiam imperfectionem prophetiae, cum subdit et ex parte id est imperfecte, prophetamus. Est enim prophetia cognitio cum imperfectione, ut dictum est. Tacet autem de dono linguarum, quod est imperfectius his duobus, ut infra XIV, 2 patebit. Secundo ponit maiorem, dicens cum autem venerit quod perfectum est, id est, perfectio gloriae, evacuabitur quod ex parte est, id est, omnis imperfectio tolletur. De qua perfectione dicitur I P. ult.: modicum passos ipse perficiet. Sed secundum hoc videtur, quod etiam charitas evacuetur per futuram gloriam, quia ipsa est imperfecta in statu viae per comparationem ad statum patriae. Dicendum ergo, quod imperfectio dupliciter se habet ad id quod dicitur imperfectum. Quandoque enim est de ratione eius, quandoque vero non, sed accidit ei; sicut imperfectio est de ratione pueri, non autem de ratione hominis, et ideo, adveniente perfecta aetate, cessat quidem pueritia: sed humanitas fit perfecta. Imperfectio est ergo de ratione scientiae, prout hic de Deo habetur, inquantum scilicet cognoscitur ex sensibilibus; et similiter de ratione prophetiae, inquantum est cognitio figuralis et in futurum tendens. Non est autem de ratione charitatis ad quam cognitum bonum diligere pertinet. Et ideo superveniente perfectione gloriae, cessat prophetia et scientia; charitas autem non cessat, sed magis perficitur, quia quanto perfectius cognoscetur Deus, tanto etiam perfectius amabitur. Deinde cum dicit cum essem parvulus, etc., manifestat ea quae praemissa sunt. Et primo manifestat maiorem, scilicet quod veniente perfecto cessat imperfectum; secundo manifestat minorem, scilicet quod scientia, et prophetia sint imperfecta, ibi videmus nunc, et cetera. Ostendit autem primum per similitudinem perfecti et imperfecti, quod invenitur in aetate corporali. Unde et primo describit imperfectum aetatis corporalis, dicens cum essem parvulus, scilicet aetate, loquebar ut parvulus, id est prout congruit parvulo, scilicet balbutiendo. Unde propter naturalem defectum locutionis, qui est in parvulis, commendatur sapientia quod linguas infantium facit disertas, Sg. X, 21; et ut parvulus loquitur, qui vana loquitur. Ps. XI, 3: vana locuti sunt unusquisque ad proximum suum. Quantum vero ad iudicium subdit sapiebam ut parvulus, id est, approbabam vel reprobabam aliqua stulte, ut faciunt parvuli, qui quandoque pretiosa contemnunt, et vilia appetunt, ut dicitur Pr. I, 22: usquequo, parvuli, diligitis infantiam, et stulti ea quae sunt sibi noxia cupient? Sapiunt ergo ut parvuli, qui, spiritualibus contemptis, terrenis inhaerent; de quibus dicitur Ph. III, 19: gloria in confusione eorum, qui terrena sapiunt. Quantum autem ad rationis discursum, dicit cogitabam ut parvulus, id est aliqua vana. Unde et in Ps. XCIII, 11 dicitur: Dominus scit cogitationes hominum, quoniam vanae sunt. Et videtur apostolus ordine praepostero haec tria ponere. Nam locutio praeexigit iudicium sapientiae: iudicium vero praesupponit cogitationes rationis. Et hoc satis congruit imperfectioni puerili, in qua est locutio sine iudicio, et iudicium sine deliberatione. Potest autem referri, quod dicit loquebar ut parvulus, ad donum linguarum; cum dicit sapiebam ut parvulus, ad donum prophetiae; quod autem subdit cogitabam ut parvulus, ad donum scientiae. Secundo ponit id quod pertinet ad perfectionem aetatis, dicens quando autem factus sum vir, id est quando perveni ad perfectam et virilem aetatem, evacuavi, id est abieci, quae erant parvuli; quia, ut dicitur Is. LXV, 20, puer centum annorum morietur, et peccator centum annorum maledictus erit. Et est attendendum, quod apostolus hic comparat statum praesentem pueritiae propter imperfectionem; statum autem futurae gloriae propter perfectionem, virili aetati.

Lectio 4

Super I Cor. [reportatio vulgata], cap. 13 l. 4 Hic loquitur de visione, quae est cognitio Dei. Unde omnia praecedentia dona evacuanda, sunt intelligenda secundum quod ordinantur ad cognitionem Dei. Circa hoc duo facit. Primo enim probat id quod intendit in generali; secundo in speciali de seipso, ibi nunc cognosco, et cetera. Dicit ergo: dixi quod ex parte cognoscimus, quia nunc videmus per speculum in aenigmate, sed tunc, scilicet in patria videbimus facie ad faciem. Ubi primo considerandum est, quid sit videre per speculum in aenigmate; secundo quid sit videre facie ad faciem. Sciendum est ergo, quod sensibile aliquid potest tripliciter videri, scilicet aut per sui praesentiam in re vidente, sicut ipsa lux, quae praesens est oculo; aut per praesentiam suae similitudinis in sensu immediate derivatam ab ipsa re, sicut albedo quae est in pariete videtur, non existente ipsa albedine praesentialiter in oculo, sed eius similitudine, licet ipsa similitudo non videatur ab eo; aut per praesentiam similitudinis non immediate derivatae ab ipsa re, sed derivatae a similitudine rei in aliquid aliud, sicut cum videtur aliquis homo per speculum. Non enim similitudo hominis immediate est in oculo, sed similitudo hominis resultantis in speculo. Per hunc ergo modum loquendo de visione Dei, dico quod naturali cognitione solus Deus videt seipsum: quia in Deo idem est sua essentia et suus intellectus. Et ideo sua essentia est praesens suo intellectui. Sed secundo modo forte Angeli naturali cognitione Deum vident, inquantum similitudo divinae essentiae relucet immediate in eos. Tertio vero modo cognoscimus nos Deum in vita ista, inquantum invisibilia Dei per creaturas cognoscimus, ut dicitur Rm. I, 20. Et ita tota creatura est nobis sicut speculum quoddam: quia ex ordine, et bonitate, et magnitudine, quae in rebus a Deo causata sunt, venimus in cognitionem sapientiae, bonitatis et eminentiae divinae. Et haec cognitio dicitur visio in speculo. Ulterius autem sciendum est, quod huiusmodi similitudo, quae est similitudinis in alio relucentis, est duplex: quia aliquando est clara et aperta, sicut illa quae est in speculo; aliquando obscura et occulta, et tunc illa visio dicitur aenigmatica, sicut cum dico: me mater genuit, et eadem gignitur ex me. Istud est per simile occultum. Et dicitur de glacie, quae gignitur ex aqua congelata, et aqua gignitur ex glacie resoluta. Sic ergo patet, quod visio per similitudinem similitudinis est in speculo per simile occultum in aenigmate, sed per simile clarum et apertum facit aliam speciem allegoricae visionis. Inquantum ergo invisibilia Dei per creaturas cognoscimus, dicimur videre per speculum. Inquantum vero illa invisibilia sunt nobis occulta, videmus in aenigmate. Vel aliter, videmus nunc per speculum, id est per rationem nostram, et tunc ly per, designat virtutem tantum. Quasi dicat videmus per speculum, id est virtute animae nostrae. Circa secundum vero sciendum est, quod Deus, secundum quod Deus, non habet faciem, et ideo hoc, quod dicit, facie ad faciem, metaphorice dicitur. Cum enim videmus aliquid in speculo, non videmus ipsam rem, sed similitudinem eius; sed quando videmus aliquid secundum faciem, tunc videmus ipsam rem sicut est. Ideo nihil aliud vult dicere apostolus, cum dicit: videbimus in patria facie ad faciem, quam quod videbimus ipsam Dei essentiam. I Jn. III, 2: videbimus eum sicuti est, et cetera. Sed contra est, quia Gn. XXXII, 30 dicitur: vidi Dominum facie ad faciem, et cetera. Sed constat, quod tunc non vidit essentiam Dei; ergo videre facie ad faciem, non est videre essentiam Dei. Responsio. Dicendum est quod illa visio fuit imaginaria; visio autem imaginaria est quidam gradus altior, scilicet videre illud quod apparet: in ipsa imagine in qua apparet et alius gradus infimus scilicet audire tantum verba. Unde Iacob, ut insinuaret excellentiam visionis imaginariae sibi ostensae, dicit vidi Dominum facie ad faciem, id est vidi Dominum imaginarie apparentem in sua imagine et non per essentiam suam. Sic enim non fuisset visio imaginaria. Sed tamen quidam dicunt, quod in patria ipsa divina essentia videbitur per similitudinem creatam. Sed hoc est omnino falsum et impossibile, quia numquam potest aliquid per essentiam cognosci per similitudinem, quae non conveniat cum re illa in specie. Lapis enim non potest cognosci secundum illud quod est, nisi per speciem lapidis, quae est in anima. Nulla enim similitudo ducit in cognitionem essentiae alicuius rei, si differat a re illa secundum speciem, et multo minus si differt secundum genus. Non enim per speciem equi, vel albedinis potest cognosci essentia hominis, et multo minus essentia Angeli. Multo ergo minus per aliquam speciem creatam, quaecumque sit illa, potest videri divina essentia, cum ab essentia divina plus distet quaecumque species creata in anima, quam species equi, vel albedinis ab essentia Angeli. Unde ponere quod Deus videatur solum per similitudinem, seu per quamdam refulgentiam claritatis suae, est ponere divinam essentiam non videri. Et, praeterea, cum anima sit quaedam similitudo Dei, visio illa non magis esset specularis et aenigmatica, quae est in via, quam visio clara et aperta, quae repromittitur sanctis in gloria, et in qua erit beatitudo nostra. Unde Augustinus dicit hic in Glossa, quod visio Dei, quae est per similitudinem, pertinet ad visionem speculi et aenigmatis. Sequeretur etiam quod beatitudo hominis ultima esset in alio, quam in ipso Deo, quod est alienum a fide. Naturale etiam hominis desiderium, quod est perveniendi ad primam rerum causam, et cognoscendi ipsam per seipsam, esset inane. Sequitur nunc cognosco ex parte, et cetera. Hic, illud quod probavit in generali, probat in speciali de cognitione sui ipsius, dicens nunc, id est in praesenti vita, ego Paulus cognosco ex parte, id est obscure et imperfecte; tunc autem, scilicet in patria, cognoscam sicut et cognitus sum, id est: sicut Deus cognovit essentiam meam, ita Deum cognoscam per essentiam; ita quod ly sicut, non importat hic aequalitatem cognitionis, sed similitudinem tantum. Consequenter infert principalem conclusionem cum dicit nunc autem manent, et cetera. Causa autem quare non facit mentionem de omnibus donis, sed de istis tribus tantum est quia haec tria coniungunt Deo, alia autem non coniungunt Deo, nisi mediantibus istis; alia etiam dona sunt quaedam disponentia ad gignendum ista tria in cordibus hominum. Unde et solum ista tria, scilicet fides, spes et charitas, dicuntur virtutes theologicae, quia habent immediate Deum pro obiecto. Sed cum dona sint ad perficiendum vel affectum vel intellectum, et charitas perficiat affectum, fides intellectum: non videtur quod spes sit necessaria, sed superflua. Ad hoc sciendum, quod amor est quaedam vis unitiva, et omnis amor in unione quadam consistit. Unde et secundum diversas uniones, diversae species amicitiae a philosopho distinguuntur. Nos autem habemus duplicem coniunctionem cum Deo. Una est quantum ad bona naturae, quae hic participamus ab ipso; alia quantum ad beatitudinem, inquantum nos hic sumus participes per gratiam supernae felicitatis, secundum quod hic est possibile, speramus etiam ad perfectam consecutionem illius aeternae beatitudinis pervenire et fieri cives caelestis Ierusalem. Et secundum primam communicationem ad Deum, est amicitia naturalis secundum quam unumquodque, secundum quod est, Deum ut causam primam et summum bonum appetit et desiderat, ut finem suum. Secundum vero communicationem secundam est amor charitatis, qua solum creatura intellectualis Deum diligit. Quia vero nihil potest amari nisi sit cognitum, ideo ad amorem charitatis exigitur primo cognitio Dei. Et quia hoc est supra naturam, primo exigitur fides, quae est non apparentium. Secundo ne homo deficiat, vel aberret, exigitur spes, per quam tendat in illum finem, sicut ad se pertinentem. Et de his tribus dicitur Eccli. II, 8: qui timetis Deum, credite in illum, quantum ad fidem; qui timetis Deum, sperate in illum, quantum ad spem; qui timetis Deum, diligite eum, quantum ad charitatem. Ista ergo tria manent nunc, sed charitas maior est omnibus, propter ea quae dicta sunt supra.


 


 

Lire la suite

IVème Dimanche après Pâques

7 Mai 2023 , Rédigé par Ludovicus

IVème Dimanche après Pâques

Introït

Chantez au Seigneur un cantique nouveau, alléluia ; car le Seigneur a opéré des merveilles, alléluia, Il a révélé sa justice aux yeux des nations, alléluia, alléluia, alléluia. Sa droite et son saint bras l’ont fait triompher.

Collecte

Dieu, qui donnez aux cœurs de vos fidèles une même volonté : accordez à vos peuples d’aimer ce que vous leur commandez, de désirer ce que vous leur promettez ; afin qu’au milieu des changements de ce monde, nos cœurs demeurent fixés là où sont les joies véritables.

Épitre Jc. 1, 17-21

Mes bien-aimés, toute grâce excellente et tout don parfait descend d’en haut, et vient du Père des lumières, chez qui il n’y a pas de variation, ni d’ombre, ni de changement. De sa propre volonté il nous a engendrés par la parole de vérité, afin que nous soyons comme les prémices de ses créatures. Vous le savez, mes frères bien-aimés. Que tout homme soit prompt à écouter, lent à parler, et lent à se mettre en colère, car la colère de l’homme n’accomplit pas la justice de Dieu. C’est pourquoi, rejetant toute souillure et tout excès de méchanceté, recevez avec douceur la parole entrée en vous qui peut sauver vos âmes.

Évangile Jn. 16, 5-14

En ce temps-là, Jésus dit à ses disciples : Je vais à celui qui m’a envoyé, et aucun de vous ne me demande : Où allez-vous ? Mais, parce que je vous ai dit ces choses, la tristesse a rempli votre cœur. Cependant, je vous dis la vérité : il vous est utile que je m’en aille ; car, si je ne m’en vais pas, le Paraclet ne viendra point à vous ; mais, si je m’en vais, je vous l’enverrai. Et lorsqu’il sera venu, il convaincra le monde ne ce qui concerne le péché, la justice et le jugement. En ce qui concerne le péché, parce qu’ils n’ont pas cru en moi ; en ce qui concerne la justice, parce que je m’en vais à mon Père, et que vous ne me verrez plus ; en ce qui concerne le jugement, parce que le prince de ce monde est déjà jugé. J’ai encore beaucoup de choses à vous dire ; mais vous ne pouvez pas les porter maintenant. Quand cet Esprit de vérité sera venu, il vous enseignera toute vérité. Car il ne parlera pas de lui-même, mais il dira tout ce qu’il aura entendu, et il vous annoncera l’avenir. Il me glorifiera, parce qu’il recevra de ce qui est à moi, et vous l’annoncera.

Secrète

O Dieu, qui, par les échanges admirables de ce sacrifice, nous avez rendus participants de votre divinité une et souveraine : faites, nous vous en supplions, que comme nous connaissons votre vérité, de même nous la suivions par une conduite digne d’elle.

Postcommunion

Assistez-nous, Seigneur notre Dieu, afin qu’au moyen de ce sacrement reçu par nous avec foi, nous soyons purifiés de nos vices et arrachés à tous les périls.

Office

4e leçon

Du Traité de saint Cyprien, Évêque et Martyr ‘Du bien de la patience’.

Voulant, bien-aimés frères, vous entretenir de la patience, et vous en montrer les services et les avantages, puis-je mieux commencer que par la patience dont je vois que vous avez besoin pour m’écouter maintenant encore ? En effet, l’action même d’écouter et d’apprendre, vous ne la pouvez faire sans patience. Car l’enseignement et la doctrine du salut ne s’apprennent efficacement que si l’on écoute patiemment ce qui s’enseigne. Et, parmi tous les moyens que nous offre la loi céleste, et qui dirigent notre vie vers l’acquisition des récompenses divines, objet de notre espérance et de notre foi, je ne trouve rien de plus utile pour la vie, ni de meilleur pour obtenir la gloire, que de garder la patience avec un soin extrême, nous qui nous attachons aux préceptes du Seigneur, avec un culte de crainte et d’amour. Les philosophes païens aussi font profession de pratiquer cette vertu, mais leur patience est aussi fausse que leur sagesse. Car comment pourrait-il être sage ou patient, celui qui ne connaît ni la sagesse, ni la patience de Dieu ?

5e leçon

Pour nous, mes chers frères, qui sommes philosophes non dans nos paroles, mais dans nos actions ; qui préférons la sagesse, non dans ses dehors, mais dans sa réalité ; qui connaissons mieux la pratique des vertus que leur ostentation ; qui ne disons pas de grandes choses, mais qui les réalisons dans notre vie ; serviteurs et adorateurs de Dieu, montrons par la soumission de notre esprit cette patience que de divins exemples nous enseignent. Car cette vertu nous est commune avec Dieu. C’est de lui qu’elle vient, qu’elle tire son éclat et sa gloire. L’origine et la grandeur de la patience viennent de Dieu. L’homme doit aimer ce qui est cher à Dieu, car ce qu’aimé la majesté divine, elle le recommande. Si Dieu est notre Seigneur et notre père, imitons la patience de notre Seigneur et en même temps de notre père, puisqu’il convient que des serviteurs soient obéissants, et que des fils ne soient point dégénérés.

6e leçon

C’est la patience qui nous rend agréables à Dieu et nous retient dans son service ; c’est elle qui calme la colère, enchaîne la langue, gouverne l’esprit, garde la paix, règle la discipline, brise l’impétuosité des passions, comprime les emportements de l’orgueil, éteint l’incendie de la haine, contient la tyrannie des grands, ranime l’indigence du pauvre, protège la bienheureuse pureté de la vierge, la laborieuse chasteté de la veuve, la tendresse sans partage des époux. Elle inspire l’humilité dans le bonheur, le courage dans l’adversité, la douceur au milieu des injustices et des affronts. Elle nous apprend à pardonner sans délai à ceux qui ont mal fait ; si nous avons commis une faute, à en implorer longtemps et instamment le pardon. Les tentations, elle en triomphe ; les persécutions, elle les endure ; les souffrances et le martyre, elle les couronne. C’est elle qui élève l’édifice de notre foi sur des fondements inébranlables.

7e leçon

Homélie de saint Augustin, Évêque.

Lorsque le Seigneur Jésus eut prédit à ses disciples les persécutions qu’ils auraient à souffrir après son éloignement, il ajouta : « Je ne vous ai pas dit ces choses dès le commencement, parce que j’étais avec vous ; mais maintenant je vais à celui qui m’a envoyé. » Il faut d’abord voir ici s’il ne leur avait pas prédit auparavant les souffrances futures. Les trois autres Évangélistes montrent qu’il les leur avait suffisamment annoncées avant la cène, tandis que saint Jean place cette prédiction après le repas lorsqu’il leur dit : « Mais je ne vous ai pas dit ces choses dès le commencement, parce que j’étais avec vous. »

8e leçon

Ne peut-on pas résoudre cette difficulté, en disant que les autres Évangélistes font observer que sa passion était proche, au moment où il parlait ainsi ? Il ne leur avait donc pas dit ces choses dès le commencement, lorsqu’il était avec eux, puisqu’il ne les leur dit qu’au moment de s’éloigner d’eux et de retourner à son Père. Ainsi donc, même selon ces Évangélistes, se trouve confirmée la vérité de ces paroles du Sauveur : « Je ne vous ai pas dit ces choses dès le commencement. » Mais que penser de la véracité de l’Évangile selon saint Matthieu, qui rapporte que ces prédictions ont été faites par le Seigneur, non seulement à la veille de sa passion lorsqu’il allait célébrer la Pâque avec ses disciples, mais dès le commencement, à l’endroit où les douze Apôtres sont expressément désignés par leurs noms et où on les voit envoyés pour exercer le saint ministère ?

9e leçon

Que veulent donc dire ces paroles : « Mais je ne vous ai pas dit ces choses dès le commencement, parce que j’étais avec vous », si ce n’est que les prédictions qu’il leur fait ici du Saint-Esprit, à savoir qu’il viendrait à eux et rendrait témoignage au moment où ils auraient à souffrir les maux qu’il leur annonçait, il ne les leur avait pas faites dès le commencement, parce qu’il était avec eux ? Ce consolateur ou cet avocat (car le mot grec Paraclet veut dire l’un et l’autre) n’était donc nécessaire qu’après le départ du Christ ; il ne leur en avait point parlé dès le commencement lorsqu’il était avec eux, parce qu’il les consolait lui-même par sa présence.

Nous avons vu Jésus constituer son Église, et confier aux mains de ses Apôtres le dépôt des vérités qui seront l’objet de notre foi. Il est une autre œuvre non moins importante pour le monde, à laquelle il donne ses soins durant cette dernière période de son séjour sur la terre : c’est l’institution définitive des Sacrements. Il ne nous suffit pas de croire ; il faut encore que nous soyons rendus justes, c’est-à-dire conformes à la sainteté de Dieu ; il faut que la grâce, fruit de la Rédemption, descende en nous, s’incorpore à nous ; afin qu’étant devenus les membres vivants de notre divin Chef, nous puissions être les cohéritiers de son Royaume. Or, c’est au moyen des Sacrements que Jésus doit opérer en nous cette merveille de la justification, en nous appliquant les mérites de son incarnation et de son Sacrifice par les moyens qu’il a décrétés dans sa puissance et dans sa sagesse.

Souverain maître de la grâce, il est libre de déterminer les sources par lesquelles il la fera descendre sur nous ; c’est à nous de nous conformer a ses volontés. Chacun des Sacrements sera donc une loi de sa religion, en sorte que l’homme ne pourra prétendre aux effets que le Sacrement est destiné à produire, s’il dédaigne ou néglige de remplir les conditions selon lesquelles il opère. Admirable économie, qui concilie, dans un même acte, l’humble soumission de l’homme avec la plus prodigue largesse de la munificence divine.

Nous avons montré, il y a quelques jours, comment la sainte Église, société spirituelle, était en même temps une société visible et extérieure, parce que l’homme auquel elle est destinée est composé d’un corps et d’une âme. Jésus, en instituant ses Sacrements, leur assigne à chacun un rite essentiel ; et ce rite est extérieur et sensible. Le Verbe divin, en prenant la chair, en a fait l’instrument de notre salut dans sa Passion sur la croix : c’est par le sang de ses veines qu’il nous a rachetés ; poursuivant ce plan mystérieux, il prend les éléments de la nature physique pour auxiliaires dans l’œuvre de notre justification. Il les élève à l’état surnaturel, et en fait jusqu’au plus intime de nos âmes les conducteurs fidèles et tout-puissants de sa grâce. Ainsi s’appliquera jusqu’à ses dernières conséquences le mystère de la divine incarnation, qui a eu pour but de nous élever, par les choses visibles, à la connaissance et à la possession des choses invisibles. Ainsi est brisé l’orgueil de Satan, qui dédaignait la créature humaine, parce que l’élément matériel s’unit en elle à la grandeur spirituelle, et qui refusa, pour son éternel malheur, de fléchir le genou devant le Verbe fait chair.

En même temps, les divins Sacrements étant autant de signes sensibles, formeront un lien de plus entre les membres de l’Église, déjà unis entre eux par la soumission à Pierre et aux Pasteurs qu’il envoie, et par la profession d’une même foi. L’Esprit-Saint nous dit dans les divines Écritures que « le lien tressé en trois ne se rompt pas aisément » ; or, tel est celui qui nous retient dans la glorieuse unité de l’Église : Hiérarchie, Dogme et Sacrements, tout contribue à faire de nous un seul corps. Du septentrion au midi, de l’orient à l’occident, les Sacrements proclament la fraternité des chrétiens ; ils sont en tous lieux leur signe de reconnaissance, et la marque qui les désigne aux yeux des infidèles. C’est dans ce but que ces Sacrements divins sont identiques pour toutes les races baptisées, quelle que soit la variété des formules liturgiques qui en accompagnent l’administration : partout le fond est le même, et la même grâce est produite sous les mêmes signes essentiels.

Notre divin ressuscité choisit le septénaire pour le nombre de ses Sacrements. Il empreint ce nombre sacré sur son œuvre la plus sublime, de même qu’il l’avait marqué au commencement, en créant ce monde visible et inaugurant la semaine par six jours d’action et un jour de repos. Sagesse éternelle du Père, il nous révèle, dès l’Ancien Testament, qu’il se bâtira une maison qui est la sainte Église, et il ajoute qu’il la fera reposer sur sept colonnes. Cette Église, il la figure d’avance dans le tabernacle de Moïse, et il ordonne qu’un superbe chandelier qui lance sept branches chargées de fleurs et de fruits, éclaire jour et nuit le sanctuaire. S’il transporte au ciel, dans un ravissement, son disciple bien-aimé, c’est pour se montrer à lui environné de sept chandeliers, et tenant sept étoiles dans sa main. S’il se manifeste sous les traits de l’Agneau vainqueur, cet Agneau porte sept cornes, symbole de sa force, et sept yeux qui marquent l’étendue infinie de sa science. Près de lui est le livre qui contient les destinées du genre humain, et ce livre est scellé de sept sceaux que l’Agneau seul peut lever. Devant le trône de la Majesté divine, le disciple aperçoit sept Esprits bienheureux ardents comme sept lampes, attentifs aux moindres ordres de Jéhovah, et prêts à porter sa parole jusqu’aux dernières limites de la création.

Si maintenant nous tournons nos regards vers l’empire des ténèbres, nous voyons l’esprit de malice occupé à contrefaire l’œuvre divine, et usurpant le septénaire pour le souiller en le consacrant au mal. Sept péchés capitaux sont l’instrument de sa victoire sur l’homme ; et le Seigneur nous avertit que lorsque, dans sa fureur, Satan s’élance sur une âme, il prend avec lui sept esprits des plus méchants de l’abîme. Nous savons que Madeleine, l’heureuse pécheresse, ne recouvra la vie de l’âme qu’après que le Sauveur eut expulsé d’elle sept démons. Cette provocation de l’esprit d’orgueil forcera la colère divine, lorsqu’elle tombera sur le monde pécheur, à empreindre le septénaire jusque dans ses justices. Saint Jean nous apprend que sept trompettes, sonnées par sept Anges, annonceront les convulsions successives de la race humaine, et que sept autres Anges verseront tour à tour sur la terre coupable sept coupes remplies de la colère de Dieu.

Nous donc qui voulons être sauvés, et jouir de la grâce en ce monde, et en l’autre de la vue de notre divin ressuscité, accueillons avec un souverain respect et une tendre reconnaissance le Septénaire miséricordieux de ses Sacrements. Sous ce nombre sacré il a su renfermer toutes les formes de sa grâce. Soit qu’il veuille dans sa bonté nous faire passer de la mort à la vie, par le Baptême et la Pénitence ; soit qu’il s’applique à soutenir en nous la vie surnaturelle, et à nous consoler dans nos épreuves, par la Confirmation, l’Eucharistie et l’Extrême-Onction ; soit enfin qu’il pourvoie au ministère de son Église et à sa propagation par l’Ordre et le Mariage : on ne saurait trouver un besoin de l’âme, une nécessite de la société chrétienne auxquels il n’ait satisfait au moyen des sept sources de régénération et de vie qu’il a ouvertes pour nous, et qu’il ne cesse de faire couler sur nos âmes. Les sept Sacrements suffisent à tout ; un seul de moins, l’harmonie serait rompue. Les Églises de l’Orient, séparées de l’unité catholique depuis tant de siècles, confessent avec nous le septénaire sacramentel ; et le protestantisme, en portant sur ce nombre sacré sa main profane, a montré en cela, comme en toutes ses autres réformes prétendues, que le sens chrétien lui faisait défaut. Ne nous en étonnons pas ; la théorie des Sacrements s’impose tout entière à la foi ; l’humble soumission du fidèle doit l’accueillir d’abord comme venant du souverain Maître : c’est lorsqu’elle s’applique à rame que sa magnificence et son efficacité divine se révèlent ; alors nous comprenons, parce que nous avons cru. Credite et intelligetis.

Aujourd’hui, consacrons notre admiration et notre reconnaissance au premier des Sacrements, au Baptême. Le Temps pascal nous le montre dans toute sa gloire. Nous l’avons vu, au Samedi saint, comblant les vœux de l’heureux catéchumène, et enfantant à la patrie céleste des peuples entiers. Mais ce divin mystère avait eu sa préparation. En la fête de l’Épiphanie, nous adorâmes notre Emmanuel descendant dans les flots du Jourdain, et communiquant à l’élément de l’eau, par le contact de sa chair sacrée, la vertu de purifier toutes les souillures de l’âme. L’Esprit-Saint, colombe mystique, vint reposer sur la tête de l’Homme-Dieu, et féconder par sa divine influence l’élément régénérateur, tandis que la voix du Père céleste retentissait dans la nue, annonçant l’adoption qu’il daignerait faire des baptisés, en son Fils Jésus, l’objet de son éternelle complaisance.

Durant sa vie mortelle, le Rédempteur s’explique déjà devant un docteur de la loi sur ses mystérieuses intentions. « Celui, dit-il, qui ne sera pas rené de l’eau et du Saint-Esprit ne pourra entrer dans le royaume de Dieu. » Selon son usage presque constant, il annonce ce qu’il doit faire un jour, mais il ne l’accomplit pas encore ; nous apprenons seulement que notre première naissance n’ayant pas été pure, il nous en prépare une seconde qui sera sainte, et que l’eau en sera l’instrument.

Mais en ces jours le moment est venu où notre Emmanuel va déclarer la puissance qu’il a donnée aux eaux de produire la sublime adoption projetée par le Père. S’adressant à ses Apôtres, il leur dit tout à coup avec la majesté d’un roi qui promulgue la loi fondamentale de son empire : « Allez ; enseignez toutes les nations ; baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. » Le salut par l’eau, avec l’invocation de la glorieuse Trinité, tel est le bienfait capital qu’il annonce au monde ; car, dit-il encore : « Celui qui croira et sera baptisé, sera sauvé. » Révélation pleine de miséricorde pour la race humaine ; inauguration des Sacrements, par la déclaration du premier, de celui qui, selon le langage des saints Pères, est la porte de tous les autres !

Nous qui lui devons la vie de nos âmes, avec le sceau éternel et mystérieux qui fait de nous les membres de Jésus, saluons avec amour cet auguste mystère. Saint Louis, baptisé sur les humbles fonts de Poissy, se plaisait à signer Louis de Poissy, considérant la fontaine baptismale comme une mère qui l’avait enfanté à la vie céleste, et oubliant son origine royale pour ne se souvenir que de celle d’enfant de Dieu. Nos sentiments doivent être les mêmes que ceux du saint roi.

Mais admirons avec attendrissement la condescendance de notre divin ressuscité, lorsqu’il institua le plus indispensable de ses Sacrements. La matière qu’il choisit est la plus commune, la plus aisée à rencontrer. Le pain, le vin, l’huile d’olives, ne sont pas partout sur la terre ; l’eau coule en tous lieux ; la providence de Dieu l’a multipliée sous toutes les formes, afin qu’au jour marqué, la fontaine de régénération fût accessible de toutes parts à l’homme pécheur.

Ses autres Sacrements, le Sauveur les a confiés au sacerdoce qui seul a pouvoir de les administrer ; il n’en sera pas ainsi du Baptême. Tout fidèle pourra en être le ministre, sans distinction de sexe ni de condition. Bien plus, tout homme, ne fût-il pas même membre de l’Église chrétienne, pourra conférer à son semblable, par l’eau et l’invocation de la sainte Trinité, la grâce baptismale qui n’est pas en lui, à la seule condition de vouloir, en cet acte, accomplir sérieusement ce que fait la sainte Église, quand elle administre le sacrement du Baptême.

Ce n’est pas tout encore. Ce ministre du sacrement peut manquer à l’homme qui va mourir ; l’éternité va s’ouvrir pour lui sans que la main d’autrui se lève pour répandre sur sa tête l’eau purificatrice ; le divin instituteur de la régénération des âmes ne l’abandonne pas dans ce moment suprême. Qu’il rende hommage au saint Baptême, qu’il le désire de toute l’ardeur de son âme, qu’il entre dans les sentiments d’une componction sincère et d’un véritable amour ; après cela qu’il meure : la porte du ciel est ouverte au baptisé de désir.

Mais l’enfant qui n’a pas encore l’usage de sa raison, et que la mort va moissonner dans quelques heures, a-t-il donc été oublié dans cette munificence générale ? Jésus a dit : « Celui qui croira et sera baptisé, sera sauvé » ; comment alors obtiendra-t-il le salut, cet être faible qui va s’éteindre, chargé de la faute originelle, et incapable de la foi ? Rassurez-vous. La puissance du saint Baptême s’étendra jusqu’à lui. La foi de l’Église qui le veut pour fils, lui va être imputée ; qu’on répande l’eau sur sa tête au nom des trois divines Personnes, et le voilà chrétien pour jamais. Baptisé dans la foi de l’Église, cette foi est maintenant personnelle en lui, avec l’Espérance et la Charité ; l’eau sacramentelle a produit cette merveille. Qu’il expire maintenant, ce tendre rejeton de la race humaine ; le royaume du ciel est à lui.

Tels sont, ô Rédempteur, les prodiges que vous opérez dans le premier de vos Sacrements, par l’effet de cette volonté sincère que vous avez du salut de tous ; en sorte que ceux en qui cette volonté ne s’accomplit pas, n’échappent à la grâce de la régénération que par suite du péché commis antérieurement, péché que votre éternelle justice ne vous permet pas toujours de prévenir en lui-même, ou de réparer dans ses suites. Mais votre miséricorde est venue au secours ; elle a tendu ses filets, et d’innombrables élus y sont tombés. L’eau sainte est venue couler jusque sur le front de l’enfant qui s’éteignait entre les bras d’une mère païenne, et les Anges ont ouvert leurs rangs pour recevoir cet heureux transfuge. A la vue de tant de merveilles, que nous reste-t-il à faire, sinon de nous écrier avec le Psalmiste : « Nous qui possédons la vie, bénissons le Seigneur » ?

 

 

 

 

 

 

Lire la suite

Cœur immaculé de Marie

6 Mai 2023 , Rédigé par Ludovicus

Cœur immaculé de Marie

« Ayez compassion du Cœur de votre très sainte mère entouré des épines que les hommes ingrats lui enfoncent à tout moment, sans qu'il y ait personne pour faire acte de réparation afin de les en retirer. Vois, ma fille, mon Cœur entouré d'épines que les hommes ingrats m'enfoncent à chaque instant par leurs blasphèmes et leurs ingratitudes. Toi, du moins, tâche de me consoler et dis que tous ceux qui, pendant cinq mois, le premier samedi, se confesseront, recevront la sainte Communion, réciteront un chapelet, et me tiendront compagnie pendant quinze minutes en méditant sur les quinze mystères du rosaire, en esprit de réparation, je promets de les assister à l'heure de la mort avec toutes les grâces nécessaires pour le salut de leur âme. »

 

Le Cœur immaculé de Marie c'est aussi la pure doctrine, la contemplation parfaite de la Très Sainte Vierge, en lequel nulle erreur, nulle ombre.

Marie conservait toutes ces choses, les repassant dans son cœur. Lc 2, 19

Et il descendit avec eux, et vint à Nazareth ; et il leur était soumis. Or sa mère conservait toutes ces choses dans son cœur. Lc 2, 51

Lire la suite

Acte de Réparation au Sacré Cœur de Jésus

5 Mai 2023 , Rédigé par Ludovicus

Acte de Réparation au Sacré Cœur de Jésus

« Très doux Jésus, dont l'immense amour pour les hommes a été payée de tant d'ingratitude, d'oubli, de négligence, de mépris, nous voici prosternés devant vos autels. Nous voulons réparer par des témoignages particuliers d'honneur l'indigne froideur des hommes et les injures qui, de toutes parts, blessent votre Cœur très aimant.
Nous n'oublions pas, toutefois, que nous n'avons pas toujours été, nous-mêmes, exempts de reproches. Nous en ressentons une très vive douleur et nous implorons, pour nous d'abord, votre miséricorde, disposés à réparer par une expiation volontaire, non seulement les péchés que nous avons commis nous-mêmes, mais encore les fautes de ceux qui errent loin de la voie du salut, les infidèles obstinés qui refusent de vous suivre comme leur pasteur et leur guide et les chrétiens qui ont renié les promesses de leur baptême et secoué le joug très suave de votre loi.
Ces fautes déplorables, nous voulons les expier toutes, et nous nous proposons de réparer en particulier l'immodestie et l'impudeur de la conduite et de la toilette, les embûches tendues par la corruption aux âmes innocentes, la profanation des fêtes religieuses, les blasphèmes dont vous êtes l'objet, vous et vos Saints, les insultes adressées à votre Vicaire et à vos prêtres, la négligence envers le Sacrement du divin amour ou sa profanation par d'horribles sacrilèges, enfin les crimes publics des nations qui combattent les droits et le magistère de l’Église que vous avez instituée.
Ah ! pussions-nous laver ces crimes dans notre sang ! Du moins, pour réparer l'honneur divin outragé, nous vous présentons, en union avec les expiations de la Vierge votre Mère, de tous les Saints et des fidèles pieux, la réparation que vous avez un jour offerte au Père sur la croix et que vous continuez de renouveler chaque jour sur les autels. Nous vous promettons du fond de notre cœur de réparer, autant que nous le pourrons, et avec le secours de votre grâce, nos fautes passées et celles des autres, et l'indigne oubli de votre incomparable amour, par une foi inébranlable, par une vie pure, par l'observation parfaite de la loi évangélique, et particulièrement de la charité. Nous vous promettons d'empêcher selon nos forces les offenses dont vous serez menacé et d'amener le plus d'hommes possible à vous suivre.
Très doux Jésus, recevez, nous vous en prions, par l'intercession de la Bienheureuse Vierge Marie Réparatrice, cet hommage volontaire d'expiation, et daignez nous accorder le don précieux de la persévérance, qui nous garde fidèles jusqu'à la mort dans votre obéissance et votre service, afin que nous puissions un jour parvenir à cette patrie où vous vivez et régnez, vrai Dieu, avec le Père et le Saint-Esprit, dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il. »

Cette prière de consécration centrée sur la Réparation doit être récitée le jour de la fête du Sacré-Cœur, ainsi que les premiers vendredis du mois. Elle était jointe à l'Encyclique Miserentissimus Redemptor du 8 mai 1928.

Lire la suite

Saint Pie V pape et confesseur

5 Mai 2023 , Rédigé par Ludovicus

Saint Pie V pape et confesseur

Collecte

O Dieu, qui, afin d’écraser les ennemis de votre Église, et de réformer le culte divin, avez daigné choisir pour Pontife suprême le bienheureux Pie, faites que nous ressentions le secours de sa protection, et que nous nous attachions à votre service de telle sorte qu’après avoir triomphé de toutes les embûches de nos ennemis, nous goûtions les joies de l’éternelle paix.

Office

Quatrième leçon. Pie, né dans une ville du Piémont nommée Bosco, de la noble famille des Ghisleri, originaire de Bologne, entra à l’âge de quatorze ans dans l’Ordre des Frères Prêcheurs. On remarquait en lui une admirable patience, une profonde humilité, une très grande austérité de vie, une application continuelle à l’oraison, et le zèle le plus ardent pour l’observance régulière et la gloire de Dieu. Il s’adonna à l’étude de la philosophie et de la théologie, et excella tellement dans ces sciences, qu’il s’acquitta avec un grand succès de la charge de les enseigner. Il fit en plusieurs lieux des conférences sacrées très fructueuses, remplit longtemps avec une force d’âme inviolable les fonctions d’inquisiteur, et préserva, au péril même de sa vie, un grand nombre de villes de l’hérésie qui s’efforçait de les envahir.

Cinquième leçon. Paul IV, à qui ses vertus le rendaient cher, le promut d’abord à l’évêché de Népi et Sutri, et, deux ans après, le mit au rang des Cardinaux Prêtres de l’Église romaine. Transféré par Pie IV au siège de Mondovi, dans le Piémont, il reconnut que beaucoup d’abus s’étaient introduits dans cette Église, et fit la visite de son diocèse pour les extirper. Lorsque toutes choses furent remises en ordre, il revint à Rome, où il fut occupé des négociations les plus importantes dans l’expédition desquelles il prit toujours le parti de la justice, et déploya une liberté apostolique et une grande constance. A la mort de Pie IV, il fut élu Pape, contre l’attente générale ; mais, sauf l’extérieur, il ne changea rien à sa manière de vivre. Il eut un zèle incessant pour la propagation de la foi, une sollicitude infatigable pour le rétablissement de la discipline ecclésiastique, une vigilance assidue pour l’extirpation des erreurs, une bienfaisance inépuisable pour soulager les nécessités des indigents, un courage invincible pour défendre les droits du siège apostolique.

Sixième leçon. Le sultan des Turcs, Sélim, dont les succès avaient accru l’audace, ayant réuni une flotte nombreuse près des îles Cursolaires, fut vaincu, grâce à Pie V, et plus encore au moyen des prières adressées à Dieu qu’au moyen des armes. Ce Pontife connut cette victoire par une révélation divine à l’heure même où elle fut obtenue, et il l’annonça aux personnes qui se trouvaient avec lui. Il préparait une nouvelle expédition contre les Turcs lorsqu’il tomba gravement malade ; il supporta avec une grande patience de très cruelles douleurs, et étant arrivé à l’extrémité, reçut les sacrements selon l’usage, puis rendit son âme à Dieu dans une paix profonde, l’an mil cinq cent soixante-douze, âgé de soixante-huit ans, après avoir siégé six ans, trois mois et vingt-quatre jours. Son corps est l’objet d’une grande vénération de la part des fidèles dans la basilique de Sainte Marie-Majeure. Dieu opéra de nombreux miracles en faveur de ceux qui recouraient à l’intercession de Pie V, et ces prodiges ayant été prouvés juridiquement, il a été inscrit au nombre des Saints par le Souverain Pontife Clément XI.

Déjà de nombreux Pontifes ont paru sur le Cycle, où ils forment une éclatante constellation près du Christ ressuscité qui, en ces jours, donna à Pierre leur prédécesseur les clefs du ciel. Anicet, Soter, Caïus, Clet et Marcellin, tenaient en main la palme du martyre ; Léon seul avait combattu sans répandre son sang ; mais son grand cœur n’eût pas reculé devant ce suprême témoignage. Or voici qu’en ce jour un émule de Léon, donné à l’Église dans ces derniers siècles, vient s’unir à lui et se mêler au groupe triomphant. Comme Léon, Pie V a lutté avec ardeur contre l’hérésie ; comme Léon, il a sauvé son peuple du joug des barbares.

La vie entière de Pie V a été un combat. Dans les temps agités où il fut placé au gouvernail de la sainte Église, l’erreur venait d’envahir une vaste portion de la chrétienté, et menaçait le reste. Astucieuse et souple dans les lieux où elle ne pouvait développer son audace, elle convoitait l’Italie ; son ambition sacrilège était de renverser la chaire apostolique, et d’entraîner sans retour le monde chrétien tout entier dans les ténèbres de l’hérésie. Pie défendit avec un dévouement inviolable la Péninsule menacée. Avant d’être élevé aux honneurs du pontificat suprême, il exposa souvent sa vie pour arracher les villes à la séduction. Imitateur fidèle de Pierre Martyr, on ne le vit jamais reculer en présence du danger, et partout les émissaires de l’hérésie s’enfuirent à son approche. Placé sur la chaire de saint Pierre, il sut imprimer aux novateurs une terreur salutaire, il releva le courage des souverains de l’Italie, et, par des rigueurs modérées, il vint à bout de refouler au delà des Alpes le fléau qui allait entraîner la destruction du christianisme en Europe, si les États du Midi ne lui eussent opposé une barrière invincible. Le torrent de l’hérésie s’arrêta. Depuis lors, le protestantisme, réduit à s’user sur lui-même, donne le spectacle de cette anarchie de doctrines qui eût désolé le monde entier, sans la vigilance du Pasteur qui, soutenant avec un zèle indomptable les défenseurs de la vérité dans tous les États où elle régnait encore, s’opposa comme un mur d’airain à l’envahissement de l’erreur dans les contrées où il commandait en maître.

Un autre ennemi, profitant des divisions religieuses de l’Occident, s’élançait en ces mêmes jours sur l’Europe, et l’Italie n’allait être que sa première proie. Sortie du Bosphore, la flotte ottomane se dirigeait avec fureur sur la chrétienté ; et c’en était fait, si l’énergique Pontife n’eût veillé pour le salut de tous. Il sonne l’alarme, il appelle aux armes les princes chrétiens. L’Empire et la France, déchirés par les factions que l’hérésie a fait naître dans leur sein, entendent l’appel, mais ils restent immobiles ; l’Espagne seule, avec Venise et la petite flotte papale, répondent aux instances du Pontife, et bientôt la croix et le croissant se trouvent en présence dans le golfe de Lépante. Les prières de Pie V décidèrent la victoire en faveur des chrétiens, dont les forces étaient de beaucoup inférieures à celles des Turcs. Nous retrouverons ce grand souvenir sur le Cycle, en octobre, à la fête de Notre-Dame du Rosaire. Mais il faut rappeler aujourd’hui la prédiction que fit le saint Pape, sur le soir de la grande journée du 7 octobre 1 571. Depuis six heures du matin jusqu’aux approches de la nuit, la lutte durait entre la flotte chrétienne et la flotte musulmane. Tout à coup le Pontife, poussé par un mouvement divin, regarda fixement le ciel ; il se tint en silence durant quelques instants, puis se tournant vers les personnes qui étaient présentes : « Rendons grâces à Dieu, leur dit-il ; la victoire est aux chrétiens. » Bientôt la nouvelle arriva à Rome ; et dans toute la chrétienté on ne tarda pas à savoir qu’un Pape avait encore une fois sauvé l’Europe. La défaite de Lépante porta à la puissance ottomane un coup dont elle ne s’est jamais relevée ; l’ère de sa décadence date de cette journée fameuse.

Les travaux de saint Pie V pour la régénération des mœurs chrétiennes, l’établissement de la discipline du concile de Trente, et la publication du Bréviaire et du Missel réformés, ont fait de son pontificat de six années l’une des époques les plus fécondes dans l’histoire de l’Église. Plus d’une fois les protestants se sont inclinés d’admiration en présence de ce vigoureux adversaire de leur prétendue réforme. « Je m’étonne, disait Bacon, que L’Église Romaine n’ait pas encore canonisé ce grand homme. » Pie V ne fut, en effet, placé au nombre des Saints qu’environ cent trente ans après sa mort : tant est grande l’impartialité de l’Église Romaine, lors même qu’il s’agit de décerner les honneurs de l’apothéose à ses chefs les plus respectés.

La gloire des miracles couronna dès ce monde le vertueux Pontife : nous rappellerons ici deux de ses prodiges les plus populaires. Traversant un jour, avec l’ambassadeur de Pologne, la place du Vatican, qui s’étend sur le sol où fut autrefois le cirque de Néron, il se sent saisi d’enthousiasme pour la gloire et le courage des martyrs qui souffrirent en ce lieu dans la première persécution. Il se baisse, et prend dans sa main une poignée de poussière dans ce champ du martyre, foulé par tant de générations de fidèles depuis la paix de Constantin. Il verse cette poussière dans un linge que lui présente l’ambassadeur ; mais lorsque celui-ci, rentré chez lui, ouvre le linge, il le trouve tout imprégné d’un sang vermeil que l’on eût dit avoir été versé à l’heure même : la poussière avait disparu. La foi du Pontife avait évoqué le sang des martyrs, et ce sang généreux reparaissait à son appel pour attester, en face de l’hérésie, que l’Église Romaine, au XVIe siècle, était toujours celle pour laquelle ces héros avaient donné leur vie sous Néron.

La perfidie des hérétiques tenta plus d’une fois de mettre fin à une vie qui laissait sans espoir de succès leurs projets pour l’envahissement de l’Italie. Par un stratagème aussi lâche que sacrilège, secondés par une odieuse trahison, ils enduisirent d’un poison subtil les pieds du crucifix que le saint Pontife avait dans son oratoire, et sur lequel il collait souvent ses lèvres. Pie V, dans la ferveur de sa prière, se prépare à donner cette marque d’amour au Sauveur des hommes sur son image sacrée ; mais tout à coup, ô prodige ! Les pieds du crucifix se détachent de la croix, et semblent fuir les baisers respectueux du vieillard. Pie V comprit alors que la malice de ses ennemis avait voulu transformer pour lui en instrument de mort jusqu’au bois qui nous a rendu la vie.

Un dernier trait encouragera les fidèles, par l’exemple du grand Pontife, à cultiver la sainte Liturgie dans le temps de l’année où nous sommes. Au lit de la mort, jetant un dernier regard sur l’Église de la terre qu’il allait quitter pour celle du ciel, et voulant implorer une dernière fois la divine bonté en faveur du troupeau qu’il laissait exposé à tant de périls, il récita d’une voix presque éteinte cette strophe des Hymnes du Temps pascal : « Créateur des hommes, daignez, en ces jours remplis des allégresses de la Pâque, préserver votre peuple des assauts de la mort. » Ayant achevé ces paroles sacrées, il s’endormit paisiblement dans le Seigneur.

Lire la suite

Sainte Monique veuve

4 Mai 2023 , Rédigé par Ludovicus

Sainte Monique veuve

Collecte

O Dieu, consolateur des affligés et salut de ceux qui mettent en vous leur espérance, vous qui avez miséricordieusement agréé les pieuses larmes que répandait la bienheureuse Monique pour la conversion de son fils Augustin, donnez-nous, à la pieuse intercession de l’un et de l’autre, la grâce de déplorer nos péchés et d’en trouver le pardon en votre indulgence.

Office

Au deuxième nocturne.

Quatrième leçon. Monique, deux fois mère de saint Augustin, puisqu’elle l’enfanta pour le monde et pour le ciel, ayant perdu son mari, qu’elle avait gagné à Jésus-Christ dans sa vieillesse, sanctifia son veuvage par la continence et la pratique des œuvres de miséricorde. Dans les prières assidues qu’elle adressait à Dieu pour son fils, tombé dans la secte des Manichéens, Monique répandait des larmes abondantes. Elle le suivit même à Milan, et là elle l’exhortait fréquemment à aller voir l’Évêque Ambroise. Il le fit, et, instruit de ta vérité de la foi catholique, tant par les discours publics du saint Prélat que par des entretiens particuliers, il reçut de lui le baptême.

Cinquième leçon. Monique et Augustin partirent peu après pour retourner en Afrique ; mais quand ils s’arrêtèrent à Ostie, la Sainte fut prise de la fièvre. Durant sa maladie, il lui arriva un jour de tomber en défaillance. « Où étais-je ? » dit-elle, dès qu’elle reprit ses sens. Puis, regardant ceux qui l’assistaient : « Ensevelissez ici votre mère ; je vous demande seulement de vous souvenir de moi à l’autel du Seigneur ». Le neuvième jour, cette bienheureuse femme rendit son âme à Dieu. Son corps fut inhumé en l’église de Sainte-Aure, à Ostie ; dans la suite, on le transféra à Rome, sous le pontificat de Martin V ; il a été placé avec honneur dans l’église de Saint-Augustin.

Sixième leçon. Du IXe Livre des Confessions, c. 12.
Augustin, après avoir parlé de la mort de sa mère, ajoute : « Nous ne pensions pas qu’il fût juste de mener le deuil avec des sanglots et des gémissements, car sa mort n’était ni malheureuse ni entière : nous en avions pour garants sa vertu, sa foi sincère et les raisons les plus certaines. Peu à peu, ô Dieu, je rentrai dans mes premières pensées sur votre servante, et me rappelant sa sainte vie, son pieux amour pour vous, et cette tendresse prévenante qui tout à coup me manquait, je goûtai la douceur de pleurer en votre présence sur elle et pour elle. Et si quelqu’un m’accuse comme d’un péché d’avoir donné à peine une heure de larmes à ma mère, morte pour un peu de temps à mes yeux, ma mère qui m’avait pleuré tant d’années pour me faire vivre devant vous, qu’il se garde de rire, mais que plutôt, s’il est de grande charité, lui-même vous offre ses pleurs pour mes péchés, à vous, Père de tous les frères de votre Christ ».

Au troisième nocturne.

Homélie de saint Augustin, Évêque.

Septième leçon. Si la résurrection de ce jeune homme, comble de joie la veuve, sa mère, notre mère la sainte Église se réjouit aussi en voyant chaque jour des hommes ressusciter spirituellement. Le fils de la veuve était mort de la mort du corps, ceux-ci sont morts de la mort de l’âme. On pleurait visiblement la mort visible du premier, mais on ne s’occupait, on ne s’apercevait même pas de la mort invisible de ces derniers. Celui qui connaissait ces morts s’occupa d’eux, et celui-là seul les connaissait qui pouvait leur rendre la vie. En effet, si le Seigneur n’était pas venu pour ressusciter ces morts, l’Apôtre ne dirait pas : « Lève-toi, toi qui dors ; lève-toi d’entre les morts, et le Christ t’illuminera ».

Huitième leçon. Nous trouvons dans l’Évangile trois morts ressuscites visiblement par le Seigneur, mais il a ressuscité par milliers, des hommes frappés d’une mort invisible. Qui peut savoir combien de morts il a rendus visiblement à la vie ? Car tout ce qu’il a fait n’est pas écrit. « Il y a encore beaucoup d’autres choses que Jésus a faites, dit saint Jean ; si elles étaient écrites en détail, je ne pense pas que le monde lui-même pût contenir les livres qu’il faudrait écrire ». Beaucoup d’autres, sans doute, ont donc été ressuscites, mais ce n’est pas sans raison qu’il n’est fait mention que de trois. Notre Seigneur Jésus-Christ voulait qu’on entendît dans un sens spirituel, les miracles qu’il opérait sur les corps. Il ne faisait pas des miracles pour les miracles seulement, mais il voulait qu’en excitant l’admiration de ceux oui les voyaient, ils fussent encore pleins de vérité pour ceux qui en comprenaient le sens.

Neuvième leçon. Celui qui il voit des caractères dans un livre parfaitement écrit, et qui ne sait point lire, loue, il est vrai, l’habileté du copiste, en admirant la beauté des caractères, mais il en ignore la destination et le sens ; il loue ce qui frappe ses yeux, mais son esprit ne le pénètre pas. Un autre, au contraire, non content de louer l’adresse de l’écrivain, comprend le sens des caractères : non seulement il voit ce que tout le monde peut voir, mais il sait lire ces caractères ; ce que ne peut le premier qui n’a point appris à le faire. De même, ceux qui ont été les témoins oculaires des miracles de Jésus-Christ, sans saisir la signification de ces miracles et ce qu’ils font, d’une certaine manière, entendre à ceux qui comprennent, ceux-là n’ont admiré que le fait matériel du miracle ; mais d’autres, non contents d’admirer les faits extérieurs, ont compris ce qu’ils signifiaient. Nous devons être comme ceux-ci à l’école du Christ.

Dans la compagnie de Jésus ressuscité, deux femmes, deux mères, attireront aujourd’hui notre attention : Marie, mère de Jacques le Mineur et de Thaddée, et Salomé, mère de Jacques le Majeur et de Jean le Bien-Aimé. Elles sont allées au tombeau avec Madeleine, au matin de la résurrection, portant des parfums ; elles ont entendu les Anges, et comme elles s’en retournaient, Jésus s’est tout à coup présenté à elles, il les a saluées, et il a daigné leur donner à baiser ses pieds sacrés. Maintenant il récompense leur amour en se manifestant fréquemment à elles, jusqu’à ce que le jour soit venu où bientôt il leur fera les adieux sur le mont des Oliviers, où elles se trouveront avec Marie et les Apôtres. Honorons ces deux fidèles compagnes de Madeleine, nos modèles dans l’amour envers le divin Ressuscité, et glorifions en elles deux mères fécondes pour la sainte Église, à qui elles ont donné quatre de ses Apôtres.

Or voici qu’aujourd’hui, aux côtés de Marie et de Salomé, se présente une autre femme, une autre mère, éprise aussi de l’amour de Jésus, et offrant à la sainte Église le fruit de ses entrailles, le fils de ses larmes, un Docteur, un Pontife, un des plus illustres saints que la loi nouvelle ait produits. Cette femme, cette mère, c’est Monique, deux fois mère d’Augustin. La grâce a produit ce chef-d’œuvre sur la terre d’Afrique ; et les hommes l’eussent ignoré jusqu’au dernier jour, si la plume du grand évoque d’Hippone, conduite par son cœur saintement filial, n’eût révélé à tous les siècles cette femme dont la vie ne fut qu’humilité et amour, et qui désormais, immortelle même ici-bas, est proclamée comme le modèle et la protectrice des mères chrétiennes.

L’un des principaux attraits du livre des Confessions est dans les épanchements d’Augustin sur les vertus et le dévouement de Monique. Avec quelle tendre reconnaissance il célèbre, dans tout le cours de son récit, la constance de cette mère qui, témoin des égarements de son fils, « le pleurait avec plus de larmes que d’autres mères n’en répandent sur un cercueil » ! Le Seigneur, qui laisse de temps en temps luire un rayon d’espérance aux âmes qu’il éprouve, avait dans une vision montré à Monique la réunion future du fils et de la mère ; elle-même avait entendu un saint évêque lui déclarer avec autorité que le fils de tant de larmes ne pouvait périr ; mais les tristes réalités du présent oppressaient son cœur, et l’amour maternel s’unissait à sa foi pour la troubler au sujet de ce fils qui la fuyait, et qu’elle voyait s’éloigner infidèle à Dieu autant qu’à sa tendresse. Toutefois les amertumes de Ce cœur si dévoué formaient un fonds d’expiation qui devait plus tard être appliqué au coupable ; une prière ardente et continue, jointe à la souffrance, préparait le second enfantement d’Augustin. Mais « combien plus de souffrances, nous dit-il lui-même, coûtait à Monique le fils de son esprit que l’enfant de sa chair ! »

Après de longues années d’angoisses, la mère a enfin pu retrouver à Milan ce fils qui l’avait si durement trompée, le jour où il fuyait loin d’elle pour s’en aller courir les hasards de Rome. Elle le trouve incertain encore sur la foi chrétienne, mais déjà dégoûté des erreurs qui l’avaient séduit. Augustin avait fait un pas vers la vérité, bien qu’il ne la reconnût pas encore. « Dès lors, nous a dit-il, l’âme de ma mère ne portait plus le deuil d’un fils perdu sans espoir ; mais ses pleurs coulaient toujours pour obtenir de Dieu sa résurrection. Sans être encore acquis à la vérité, j’étais du moins soustrait à l’erreur. Certaine que vous n’en resteriez pas à la moitié du don que vous aviez promis tout entier, ô mon Dieu ! elle me dit, d’un grand calme et d’un cœur plein de confiance, qu’elle était persuadée dans le Christ, qu’avant de sortir de cette vie, elle me verrait catholique fidèle. »

Monique avait rencontré à Milan le grand Ambroise, dont Dieu voulait se servir pour achever le retour de son fils. « Elle chérissait le saint évoque, nous dit encore Augustin , comme l’instrument de mon salut ; et lui, l’aimait pour sa vie si pieuse, son assiduité à l’église, sa ferveur dans les bonnes œuvres ; il ne pouvait se taire de ses louanges lorsqu’il me voyait, et il me félicitait d’avoir une telle mère. » Enfin le moment de la grâce arriva. Augustin, éclairé de la lumière de la foi, songea à s’enrôler dans l’Église chrétienne ; mais l’attrait des sens auquel il avait cédé si longtemps le retenait encore sur le bord de la fontaine baptismale. Les prières et les larmes de Monique obtinrent de la divine miséricorde ce dernier coup qui abattit les dernières résistances de son fils.

Mais Dieu n’avait pas voulu laisser son ouvrage imparfait. Transpercé par le trait vainqueur, Augustin se relevait, aspirant non plus seulement à la profession de la foi chrétienne, mais à la noble vertu de continence. Le monde avec ses attraits n’était plus rien pour cette âme, objet d’une intervention si puissante. Dans les jours qui avaient précédé, Monique s’occupait encore avec sollicitude à préparer une épouse pour son fils, dont elle espérait fixer ainsi les inconstances ; et tout à coup ce fils se présentait à elle, accompagné de son ami Alypius, et venait lui déclarer que, dans son essor vers le souverain bien, il se vouait désormais à la recherche de ce qui est le plus parfait. Mais écoutons encore Augustin lui-même. « A l’instant nous allons trouver ma mère, nous lui disons ce qui se passe en nous ; elle est dans la joie ; nous lui racontons en quelle manière tout s’est passé ; elle tressaille de bonheur, elle triomphe. Et elle vous bénissait, ô vous qui êtes puissant à exaucer au delà de nos demandes, au delà de nos pensées ! car vous lui aviez bien plus accordé en moi que ne vous avaient demandé ses gémissements et ses larmes. Son deuil était changé par vous en une allégresse qui dépassait de beaucoup son espérance, en une joie plus chère à son cœur et plus pure que celle qu’elle eût goûtée à voir naître de moi des enfants selon la chair. » Peu de jours s’écoulèrent, et bientôt un spectacle sublime s’offrit à l’admiration des Anges et des hommes dans l’Église de Milan : Ambroise baptisant Augustin sous les yeux de Monique.

La pieuse femme avait accompli sa mission ; son fils était né à la vérité et à la sainteté, et elle avait doté l’Église du plus grand de ses docteurs. Le moment approchait où, après le labeur d’une longue journée, elle allait être appelée à goûter le repos éternel en celui pour l’amour duquel elle avait tant travaillé et tant souffert. Le fils et la mère, prêts à s’embarquer pour l’Afrique, se trouvaient à Ostie, attendant le navire qui devait les emporter l’un et l’autre. « Nous étions seuls, elle et moi, dit Augustin, appuyés contre une fenêtre d’où la vue s’étendait sur le jardin de la maison. Nous conversions avec une ineffable douceur et dans l’oubli du passé, plongeant dans les horizons de l’avenir, et nous cherchions entre nous deux quelle sera pour les saints cette vie éternelle que l’œil n’a pas vue, que l’oreille n’a pas entendue, et où n’atteint pas le cœur de l’homme. Et en parlant ainsi, dans nos élans vers cette vie, nous y touchâmes un instant d’un bond de notre cœur ; mais bientôt nous soupirâmes en y laissant enchaînées les prémices de l’esprit, et nous redescendîmes dans le bruit de la voix, dans la parole qui commence et finit. Alors elle me dit : « Mon fils, pour ce qui est de moi, rien ne m’attache plus à cette vie. Qu’y ferais-je ? Pourquoi y suis-je encore ? Mon espérance est désormais sans objet en ce monde. Une seule chose me faisait désirer de séjourner quelque peu dans cette vie : c’était de te voir chrétien catholique avant de mourir. Cette faveur, mon Dieu me l’a accordée avec surabondance, à cette heure où je te vois dédaigner toute félicité terrestre pour le servir. Que fais-je encore ici ? »

O mère, illustre entre toutes les mères, la chrétienté honore en vous l’un des types les plus parfaits de l’humanité régénérée par le Christ. Avant l’Évangile, durant ces longs siècles où la femme fut tenue dans l’abaissement, la maternité ne put avoir qu’une action timide et le plus souvent vulgaire sur l’homme ; son rôle se borna pour l’ordinaire aux soins physiques ; et si le nom de quelques mères a triomphé de l’oubli, c’est uniquement parce qu’elles avaient su préparer leurs fils pour la gloire passagère de ce monde. On n’en rencontre pas dans l’antiquité profane qui se soient donné la tâche de les enfanter au bien, de s’attacher à leurs pas pour les soutenir dans la lutte contre l’erreur et les passions, pour les relever dans leurs chutes ; on n’en trouve pas qui se soient vouées à la prière et aux larmes continuelles pour obtenir leur retour à la vérité et à la vertu. Le christianisme seul a révélé à la mère et sa mission et sa puissance.

Quel oubli de vous-même, ô Monique, dans cette poursuite incessante du salut d’un fils ! Après Dieu, c’est pour lui que vous vivez ; et vivre de cette manière pour votre fils, n’est-ce pas vivre encore pour Dieu qui daigne s’aider de vous pour le sauver ? Que vous importent la gloire et les succès d’Augustin dans le monde, lorsque vous songez aux périls éternels qu’il encourt, lorsque vous tremblez de le voir éternellement séparé de Dieu et de vous ? Alors il n’est pas de sacrifice, il n’est pas de dévouement dont votre cœur de mère ne soit capable envers cette rigoureuse justice dont votre générosité n’entend pas frustrer les droits. Durant de longs jours, durant de longues nuits, vous attendez avec patience les moments du Seigneur ; votre prière redouble d’ardeur ; et espérant contre toute espérance, vous arrivez à ressentir, au fond de votre cœur, l’humble et solide confiance que le fils de tant de larmes ne périra pas. C’est alors que le Seigneur, « touché de compassion » pour vous, comme il le fut pour la mère éplorée de Naïm, fait entendre sa voix à laquelle rien ne résiste. « Jeune homme, s’écrie-t-il, je te le dis, lève-toi » ; et il rend plein de vie à sa mère celui dont elle pleurait le trépas, mais dont elle n’avait pas voulu se séparer.

Mais quelle récompense pour votre cœur maternel, ô Monique ! Le Seigneur ne s’est pas contenté de vous rendre Augustin plein de vie ; du fond des abîmes de l’erreur et des passions, voici qu’il l’élève sans intermédiaire jusqu’au bien le plus parfait. Vos instances demandaient qu’il fût chrétien catholique, qu’il rompît enfin des liens humiliants et funestes ; et voici que d’un seul bond la grâce l’a porté jusque dans la région sereine des conseils évangéliques. Votre tâche est plus que remplie, heureuse Mère ! Montez au ciel : c’est de là qu’en attendant l’éternelle réunion, vous contemplerez désormais la sainteté et les œuvres de ce fils dont le salut est votre ouvrage, et dont la gloire si éclatante et si pure entoure dès ici-bas votre nom d’une douce et touchante auréole.

Du sain de la félicité que vous goûtez avec ce fils qui vous doit la vie du temps et celle de l’éternité, jetez un regard, ô Monique, sur tant de mères chrétiennes qui accomplissent en ce moment sur la terre la dure et noble mission que vous avez remplie vous-même. Leurs fils aussi sont morts de la mort du péché, et elles voudraient à force d’amour leur rendre la seule vie véritable. Après la Mère de miséricorde, c’est à vous qu’elles s’adressent, ô Monique, à vous dont les prières et les larmes furent si puissantes et si fécondes. Prenez en main leur cause ; votre cœur si tendre et si dévoué ne peut manquer de compatir à des angoisses dont il éprouva si longtemps lui-même toute la rigueur. Daignez joindre votre intercession à leurs vœux ; adoptez ces nouveaux fils qu’elles vous présentent, et elles seront rassurées. Soutenez leur courage, apprenez-leur à espérer, fortifiez-les dans les sacrifices au prix desquels Dieu a mis le retour de ces âmes si chères. Elles comprendront alors que la conversion d’une âme est un miracle d’un ordre plus élevé que la résurrection d’un mort ; elles sentiront que la divine justice, pour relâcher ses droits, exige une compensation, et que cette compensation, c’est à elles de la fournir. Leur cœur se dépouillera de l’égoïsme secret qui se mêle si souvent dans les sentiments en apparence les plus purs. Qu’elles se demandent à elles-mêmes si elles se réjouiraient comme vous, ô Monique, en voyant leur fils revenu au bien leur échapper pour se donner au Seigneur. S’il en est ainsi, qu’elles soient sans crainte ; elles sont puissantes sur le cœur de Dieu ; tôt ou tard la grâce tant désirée descendra du ciel sur le prodigue, et il revient à Dieu et à sa mère.

Lire la suite

Super Ave Maria

4 Mai 2023 , Rédigé par Ludovicus

Super Ave Maria

Prooemium

In salutatione ista continentur tria. Unam partem fecit Angelus, scilicet ave gratia plena, dominus tecum, benedicta tu in mulieribus. Aliam partem fecit Elisabeth, mater Ioannis Baptistae, scilicet benedictus fructus ventris tui. Tertiam partem addidit Ecclesia, scilicet Maria: nam Angelus non dixit, ave Maria, sed ave, gratia plena. Et hoc nomen, scilicet Maria, secundum suam interpretationem convenit dictis Angeli, sicut patebit.

 

Articulus 1

 Ave Maria gratia plena, dominus tecum

Super Ave Maria, a. 1 Est ergo circa primum considerandum, quod antiquitus erat valde magnum quod Angeli apparerent hominibus; vel quod homines facerent eis reverentiam, habebant pro maxima laude. Unde et ad laudem Abrahae scribitur, quod recepit Angelos hospitio, et quod exhibuit eis reverentiam. Quod autem Angelus faceret homini reverentiam, nunquam fuit auditum, nisi postquam salutavit beatam virginem, reverenter dicens, ave. Quod autem antiquitus non reverebatur hominem Angelus, sed homo Angelum, ratio est, quia Angelus erat maior homine; et hoc quantum ad tria. Primo quantum ad dignitatem: ratio est, Angelus est naturae spiritualis. Ps. CIII, 4: qui facit Angelos suos spiritus; homo vero est naturae corruptibilis: unde dicebat Abraham (Gn. XVIII, 27): loquar ad Dominum meum, cum sim pulvis et cinis. Non ergo erat decens ut spiritualis et incorruptibilis creatura reverentiam exhiberet corruptibili, scilicet homini. Secundo quantum ad familiaritatem ad Deum. Nam Angelus est Deo familiaris, utpote assistens. Dn. VII, 10: millia millium ministrabant ei, et decies millies centena millia assistebant ei. Homo vero est quasi extraneus, et elongatus a Deo per peccatum. Ps. LIV, 8: elongavi fugiens. Ideo conveniens est ut homo revereatur Angelum, utpote propinquum et familiarem regis. Tertio praeeminebat propter plenitudinem splendoris gratiae divinae: Angeli enim participant ipsum lumen divinum in summa plenitudine. Jb. XXV, 3: nunquid est numerus militum eius, et super quem non surget lumen eius? Et ideo semper apparet cum lumine. Sed homines, etsi aliquid participent de ipso lumine gratiae, parum tamen, et in obscuritate quadam. Non ergo decens erat ut homini reverentiam exhiberet, quousque aliquis inveniretur in humana natura qui in his tribus excederet Angelos. Et haec fuit beata virgo. Et ideo ad designandum quod in his tribus excedebat eum, voluit ei Angelus reverentiam exhibere: unde dixit, ave. Unde beata virgo excessit Angelos in iis tribus. Et primo in plenitudine gratiae, quae magis est in beata virgine quam in aliquo Angelo; et ideo ad insinuandum hoc, Angelus ei reverentiam exhibuit, dicens, gratia plena, quasi diceret: ideo exhibeo tibi reverentiam, quia me excellis in plenitudine gratiae. Dicitur autem beata virgo plena gratia quantum ad tria. Primo quantum ad animam, in qua habuit omnem plenitudinem gratiae. Nam gratia Dei datur ad duo: scilicet ad bonum operandum, et ad vitandum malum; et quantum ad ista duo perfectissimam gratiam habuit beata virgo. Nam ipsa omne peccatum vitavit magis quam aliquis sanctus post Christum. Peccatum enim aut est originale, et de isto fuit mundata in utero; aut mortale aut veniale, et de istis libera fuit. Unde Ct. IV, 7: tota pulchra es, amica mea, et macula non est in te. Augustinus in libro de natura et gratia: excepta sancta virgine Maria, si omnes sancti et sanctae cum hic viverent, interrogati fuissent utrum sine peccato essent, omnes una voce clamassent: si dixerimus quia peccatum non habemus, ipsi nos seducimus, et veritas in nobis non est. Excepta, inquam, hac sancta virgine, de qua propter honorem Domini, cum de peccato agitur, nullam prorsus volo quaestionem habere. Scimus enim quod ei plus gratiae collatum fuerit ad peccatum ex omni parte vincendum quae illum concipere et parere meruit quem constat nullum habuisse peccatum. Sed Christus excellit beatam virginem in hoc quod sine originali conceptus et natus est. Beata autem virgo in originali est concepta, sed non nata. Ipsa etiam omnium virtutum opera exercuit, alii autem sancti specialia quaedam: quia alius humilis, alius castus, alius misericors; et ideo ipsi dantur in exemplum specialium virtutum, sicut beatus Nicolaus in exemplum misericordiae et cetera. Sed beata virgo in exemplum omnium virtutum: quia in ea reperis exemplum humilitatis: Lc. I, 38: ecce ancilla Domini, et post, vers. 48: respexit humilitatem ancillae suae, castitatis, quoniam virum non cognosco, vers. 34, et omnium virtutum; ut satis patet. Sic ergo plena est gratia beata virgo et quantum ad boni operationem, et quantum ad mali vitationem. Secundo plena fuit gratia quantum ad redundantiam animae ad carnem vel corpus. Nam magnum est in sanctis habere tantum de gratia quod sanctificet animam; sed anima beatae virginis ita fuit plena quod ex ea refudit gratiam in carnem, ut de ipsa conciperet filium Dei. Et ideo dicit Hugo de s. Victore: quia in corde eius amor Spiritus Sancti singulariter ardebat, ideo in carne eius mirabilia faciebat, intantum quod de ea nasceretur Deus et homo. Lc. I, 35: quod enim nascetur ex te sanctum, vocabitur filius Dei. Tertio quantum ad refusionem in omnes homines. Magnum enim est in quolibet sancto, quando habet tantum de gratia quod sufficit ad salutem multorum; sed quando haberet tantum quod sufficeret ad salutem omnium hominum de mundo, hoc esset maximum: et hoc est in Christo, et in beata virgine. Nam in omni periculo potes salutem obtinere ab ipsa virgine gloriosa. Unde Ct. IV, 4: mille clypei, (idest remedia contra pericula), pendent ex ea. Item in omni opere virtutis potes eam habere in adiutorium; et ideo dicit ipsa, Eccli. XXIV, 25: in me omnis spes vitae et virtutis. Sic ergo plena est gratia, et excedit Angelos in plenitudine gratiae; et propter hoc convenienter vocatur Maria quae interpretatur illuminata in se; unde Is. LVIII, 11: implebit splendoribus animam tuam; et illuminatrix in alios, quantum ad totum mundum; et ideo assimilatur soli et lunae. Secundo excellit Angelos in familiaritate divina. Et ideo hoc designans Angelus dixit: Dominus tecum; quasi dicat: ideo exhibeo tibi reverentiam, quia tu familiarior es Deo quam ego, nam Dominus est tecum. Dominus, inquit, Pater cum eodem Filio; quod nullus Angelus, nec aliqua creatura habuit. Lc. I, XXXV: quod enim nascetur ex te sanctum, vocabitur filius Dei. Dominus filius in utero. Is. XII, 6: exulta et lauda habitatio Sion, quia magnus in medio tui sanctus Israel. Aliter est ergo Dominus cum beata virgine quam cum Angelo; quia cum ea ut Filius, cum Angelo ut Dominus. Dominus Spiritus Sanctus, sicut in templo; unde dicitur: templum Domini, sacrarium Spiritus Sancti, quia concepit ex Spiritu Sancto: Lc. I, 35: Spiritus Sanctus superveniet in te. Sic ergo familiarior cum Deo est beata virgo quam Angelus: quia cum ipsa Dominus Pater, Dominus Filius, Dominus Spiritus Sanctus, scilicet tota Trinitas. Et ideo cantatur de ea: totius Trinitatis nobile triclinium. Hoc autem verbum, dominus tecum, est nobilius verbum quod sibi dici possit. Merito ergo Angelus reveretur beatam virginem, quia mater Domini, et ideo domina est. Unde convenit ei hoc nomen Maria, quod Syra lingua interpretatur domina. Tertio excedit Angelos quantum ad puritatem: quia beata virgo non solum erat pura in se, sed etiam procuravit puritatem aliis. Ipsa enim purissima fuit et quantum ad culpam, quia ipsa virgo nec mortale nec veniale peccatum incurrit. Item quantum ad poenam. Tres enim maledictiones datae sunt hominibus propter peccatum. Prima data est mulieri, scilicet quod cum corruptione conciperet, cum gravamine portaret, et in dolore pareret. Sed ab hac immunis fuit beata virgo: quia sine corruptione concepit, in solatio portavit, et in gaudio peperit salvatorem. Is. XXXV, 2: germinans germinabit exultabunda et laudans. Secunda data est homini, scilicet quod in sudore vultus vesceretur pane suo. Ab hac immunis fuit beata virgo: quia, ut dicit apostolus, I Cor. VII, virgines solutae sunt a cura huius mundi, et soli Deo vacant. Tertia fuit communis viris et mulieribus, scilicet ut in pulverem reverterentur. Et ab hac immunis fuit beata virgo, quia cum corpore assumpta est in caelum. Credimus enim quod post mortem resuscitata fuerit, et portata in caelum. Ps. CXXXI, 8: surge, domine, in requiem tuam; tu, et arca sanctificationis tuae.

Articulus 2

 Benedicta tu in mulieribus

Super Ave Maria, a. 2 Sic ergo immunis fuit ab omni maledictione, et ideo benedicta in mulieribus: quia ipsa sola maledictionem sustulit, et benedictionem portavit, et ianuam Paradisi aperuit; et ideo convenit ei nomen Maria, quae interpretatur stella maris; quia sicut per stellam maris navigantes diriguntur ad portum, ita Christiani diriguntur per Mariam ad gloriam.

 

Articulus 3

 Benedictus fructus ventris tui

Super Ave Maria, a. 3 Peccator aliquando quaerit in aliquo quod non potest consequi, sed consequitur illud iustus. Pr. XIII, 22: custoditur iusto substantia peccatoris. Sic Eva quaesivit fructum, et in illo non invenit omnia quae desideravit; beata autem virgo in fructu suo invenit omnia quae desideravit Eva. Nam Eva in fructu suo tria desideravit. Primo id quod falso promisit ei Diabolus, scilicet quod essent sicut dii, scientes bonum et malum. Eritis (inquit ille mendax) sicut dii, sicut dicitur Gn. III, 5. Et mentitus est, quia mendax est, et pater eius. Nam Eva propter esum fructus non est facta similis Deo, sed dissimilis: quia peccando recessit a Deo salutari suo, unde et expulsa est de Paradiso. Sed hoc invenit beata virgo et omnes Christiani in fructu ventris sui: quia per Christum coniungimur et assimilamur Deo. I Jn. III, 2: cum apparuerit, similes ei erimus, quoniam videbimus eum sicuti est. Secundo in fructu suo Eva desideravit delectationem, quia bonus ad edendum; sed non invenit, quia statim cognovit se nudam, et habuit dolorem. Sed in fructu virginis suavitatem invenimus et salutem. Jn. VI, 55: qui manducat meam carnem, habet vitam aeternam. Tertio fructus Evae erat pulcher aspectu; sed pulchrior fructus virginis, in quem desiderant Angeli prospicere. Ps. XLIV, 3: speciosus forma prae filiis hominum: et hoc est, quia est splendor paternae gloriae. Non ergo potuit invenire Eva in fructu suo quod nec quilibet peccator in peccatis. Et ideo quae desideramus, quaeramus in fructu virginis. Est autem hic fructus benedictus a Deo, quia sic replevit eum omni gratia quod pervenit ad nos exhibendo ei reverentiam: Ep. I, 3: benedictus Deus et Pater Domini nostri Iesu Christi, qui benedixit nos in omni benedictione spirituali in Christo: ab Angelis: Ap. VII, 12: benedictio et claritas et sapientia et gratiarum actio, honor et virtus et fortitudo Deo nostro; ab hominibus: apostolus, Ph. II, 11: omnis lingua confiteatur, quia Dominus Iesus Christus in gloria est Dei Patris. Ps. CXVII, 26: benedictus qui venit in nomine Domini. Sic ergo est virgo benedicta; sed et magis benedictus fructus eius.


 

Lire la suite